dissiper les états d’âmes des retardataires (mais il faudra se pencher sur le
transfert des patients à l’hôpital lorsqu’ils vont très mal). Et bien entendu, les
missions de service public ne seront plus l’apanage du public (puisque leur
financement est collectif !). Simultanément, on organise le transfert d’une
partie des charges de la Sécurité sociale vers le secteur des mutuelles et de
l’assurance privée.
Pour une meilleure flexibilité, la contractualisation des opérateurs s’impose.
Le statut public des praticiens hospitaliers est remis en cause par l’introduction
d’un nouveau statut contractuel, assorti de l’aiguillon de la rémunération
variable à l’activité. Le personnel pourra être « intéressé » aux résultats. Quant
à la valorisation du statut actuel qu’il faudrait bien, mais oui, rendre plus
attractif... on se perd dans les limbes d’une évidente fausse promesse (sauf à
étendre la « part complémentaire variable »). Dans le même temps, pour
donner l’exemple, on commence par réduire drastiquement le niveau de la
retraite des PH. Et la chasse aux inutiles et autres non-productifs, organisée par
les précédentes modifications statutaires, est ouverte
1
.
Alors finalement, plus ou moins de régulation et d’État ? Où se trouve la
logique ? Au-delà d’une pensée unique qui parie sur le positivisme (néo-)
néolibéral, il semble qu’elle se situe dans l’adhésion à un modèle exclusif
qu’on voudrait universel, celui de l’entreprise.
Avant même de se demander si le cercle vertueux du libéralisme étendra ses
mannes à l’hôpital et à la santé, il serait donc prudent de s’interroger sur la
validité du modèle qui nous est imposé et de savoir s’il a quelques chances de
mieux adapter l’hôpital à ses objectifs de soins et aux contraintes auxquelles il
est soumis. Mais qui donc se penche réellement, au-delà de l’appel au mana-
gement énergique dans les ministères, les ARH ou les directions exultant
devant la sous-activité et les coûts de production excessifs, sur la complexité et
la spécificité du management hospitalier ? La réforme actuelle n’est pas du tout
issue d’une réflexion en termes d’organisation. L’objectif premier est financier
– ce qui n’est pas a priori un reproche valable. Ce qui le serait, ce serait de
décliner aveuglément le primat du point de vue gestionnaire sur celui des soins
et de l’organisation. Malgré toutes les dénégations et les préoccupations
d’apparence autour de la qualité, c’est hélas bien ce qui semble avoir lieu.
Après Keynes, on aurait alors grand intérêt à relire Mintzberg, professeur de
management dont les thèses font autorité à travers le monde et auteur du
célèbre Structure et dynamique des organisations. Le livre date maintenant de
plus de vingt ans (ceux qui sourient doivent savoir que la tarification à l’activité
se fonde sur un système imaginé au début des années 1970, dans le New
Jersey), mais reste pourtant d’actualité comme une référence de la description
exhaustive des organisations dans tous leurs mécanismes en relation avec leur
structure. On y (re)découvrirait que l’hôpital correspond à une organisation
tout à fait spécifique, tenant à la fois de la centralisation et de la décentralisa-
tion, différente des organisations industrielles qui reposent sur la normalisation
des taches, résultant de la haute qualification des professionnels (qui met
l’accent sur le pouvoir de la compétence), de la puissance du centre opération-
nel (les unités médicales), et de l’ambivalence du sommet stratégique (la
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« Il serait également utile de faciliter la remise à disposition, auprès du Centre national de gestion, d’un nombre de praticiens qui pourraient atteindre
deux mille. » Christophe Lannelongue, inspecteur général, audition au Sénat du 6 mai 2008 sur les coûts de l’hôpital.
J.-C. Pénochet
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 84, N° 8 - OCTOBRE 2008718