LES TROIS MOUSqUETAIRES - Théâtre Denise

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Les Cahiers
Numéro 93
Automne 2014
D’APRÈS L’ŒUVRE D’ALEXANDRE DUMAS
ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE
DE FRÉDÉRIC BÉLANGER
UNE PRODUCTION DU THÉÂTRE ADVIENNE QUE POURRA
PRÉSENTÉE PAR LE THÉÂTRE DENISE-PELLETIER
les trois
mousquetaires
Du 12 novembre au 12 décembre 2014
NOËL 1933
L’ÉNIGME CAMUS :
UNE PASSION ALGÉRIENNE
DU 12 AU
29 NOVEMBRE 2014
Une coproduction du
Théâtre de Fortune
en codiffusion avec le
Théâtre Denise-Pelletier
© Catherine Gauthier
Texte et mise en scène
de Jean-Marie Papapietro
DU 3 AU
20 décembre 2014
Idée originale de
Chantal Grenier
Scénarisation de
Dominique Grenier
Mise en scène de
Jean Turcotte
Une production du
Théâtre Exaltemps
en codiffusion avec le
Théâtre Denise-Pelletier
©Luc Lavergne
D’Artagnan et
NOS PROCHAINS SPECTACLES
2015
a
t
n
a
C
e
c
i
r
t
Du 6 au 28 février
La
chauve
suivie de
La Leçon
D’Eugène Ionesco
Mise en scène Frédéric Dubois
Du 11 mars au 1er avril 2015
Le
Barbier
Séville
de
De Pierre-Augustin Caron
de Beaumarchais
Mise en scène daniel paquette
Billetterie 514 253-8974
Réservations scolaires 514 253-9095 poste 224
© MADOC
Presque majeurs
Dix-sept ans, toutes mes dents. Comme d’Artagnan.
Du moins, j’ose espérer qu’il les avait toutes, afin
de mordre ainsi dans la vie de toute sa fougue, sa
lucidité, ses élans conquérants et sa sexualité, même
si elle semble légèrement contrainte par l’habit.
Dix-sept ans. Passage obligé. Explosif, souvent.
Je ne sais pas si c’est prévisible et de bon aloi
de se reconnaître dans ce jeune aventurier qui
s’affirme en enflammant son existence, mais devant
ce parcours plein de candeur, de charme et de
bravoure, personne ne doit déconsidérer la force
d’un regard vif et provocateur, la grandeur d’une
jeunesse qui revendique sa beauté et son territoire,
la détermination de ces nouveaux adultes qui n’ont
que faire des préjugés et qui prennent les armes
bien plus pour prendre la parole que pour l’honneur.
Et si, cependant, chez Alexandre Dumas, cette
persévérance, ces alliances et ces promesses
appartiennent plus à la culture du mâle qu’à la gent
féminine, c’est la faute aux mœurs d’une époque qui
aime à brandir facilement l’épée pour exécuter la
fière danse du prétendant. Si, bien sûr, cette danse
s’est passablement transformée depuis en mille
et une façons de séduire, et que les femmes ne
sont plus les spectatrices obligées de ces combats
fiers et cruels, il n’en demeure pas moins que cette
danse des fantassins armés possède du panache,
de l’élégance et un engagement qu’il ne faut pas
minimiser.
L’équipe qui plonge avec ardeur dans D’Artagnan et
les trois mousquetaires adapté du roman de Dumas
donne la preuve de cet engagement. Et qui plus
est, le maître d’œuvre Frédéric Bélanger peut
nous faire croire brillamment que nous avons
tous dix-sept ans.
À dix-sept ans aussi, je lis Camus et je m’y perds
un peu. Mais le plaisir de ces lectures me convainc
rapidement que certains égarements sont des plus
heureux. On pourrait dire que, comme Sisyphe, je
trouve mon bonheur dans l’accomplissement et
non dans le sens.
C’est l’autre, pas le voisin ou l’ami, l’autre, celui qui
ne nous ressemble pas à première vue, celui qui va
à l’encontre des routes tracées, de la dite justice,
celui qui sait autre chose que tout le monde, celui
qui n’a pas les mêmes valeurs, celui qui est sur
l’autre versant, c’est cet autre que j’ai rencontré
avec Camus.
Si le théâtre est toujours un peu politique, il faut
parfois qu’il le soit non seulement par son geste
mais dans tous ses sujets. L’Énigme Camus : une
passion algérienne et son créateur Jean-Marie
Papapietro nous convient à une rencontre plus
polémiste que séductrice. Même si l’Algérie est
beaucoup plus proche de nous maintenant qu’au
moment où j’ai lu L’Étranger, il est toujours bon de
s’en rapprocher pour bien entendre Camus – qui
aurait 101 ans –, pour s’ouvrir à l’autre et ainsi
contrer l’apathie qui nous guette.
Et pour terminer, bienvenue à Jean Turcotte qui
nous ramène ce Noël 1933, prolétaire et festif, pour
contrer la tristesse et affronter nos égos dans ce
monde qui a bien besoin d’élans de partage, de
débats nationaux, d’appuis majeurs pour la langue,
le théâtre, la musique et ce, pour bien clore un 2014
où, avouons-le, la ruse s’est enlaidie et la morale
est devenue obsolète.
Claude Poissant
Directeur artistique
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 1
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Normand Baillargeon enseigne la philosophie de
l’éducation à l’UQÀM. Il a publié des livres sur divers
sujets qui l’intéressent et des articles dans toutes
sortes de revues et de journaux. Enfant, il lisait Les
Trois Mousquetaires chaque année. Plus tard il a eu
une grande passion pour Alexandre Dumas et aurait
voulu lire tous ses livres : mais il y en a tant qu’il n’y
est pas arrivé. Il n’a toutefois jamais oublié ses amis
mousquetaires et tout ce qu’il a appris d’eux, sur le
monde et sur lui-même.
Si vous vous prenez d’affection pour Dumas, il vous
suggère, après Les Trois Mousquetaires, de lire Vingt
ans après, puis Le Comte de Monte-Cristo.
Hélène Beauchamp s’intéresse à l’évolution du théâtre
professionnel au Québec et au Canada français au XXe
et au XXIe siècle. Auteure d’ouvrages sur l’histoire
de ces théâtres, sur le théâtre jeune public et sur les
pratiques en éducation artistique, elle a reçu le Prix de
carrière de l’Association canadienne de la recherche
théâtrale (2009). Elle a enseigné à l’Université d’Ottawa
puis à l’École supérieure de théâtre de l’UQÀM qui
lui a conféré le statut de professeure émérite. Elle a
récemment contribué à L’Absolu…un jour…Hommage
à Françoise Loranger, sous la direction de Brigitte
Purkhardt (2013). À l’Université d’Ottawa, elle est
associée au projet « Parcours de formation en écriture
dramatique dans le contexte de la minorité linguistique
francophone » (CRSH) ainsi qu’aux travaux du « Chantier
Ottawa : Construction d’une mémoire française à
Ottawa ». Elle coordonne la rédaction des Cahiers du
Théâtre Denise-Pelletier depuis 2010.
Anne-Marie Cousineau a agi comme conseillère
dramaturgique pour Les Bacchantes (m.e.s d’Irène
Tasembédo, Ouagadougou, 2012), pour Médée (m.e.s
de Caroline Binet, 2011), pour Les Fourberies de Scapin
(m.e.s de Daniel Paquette, 2007) au Théâtre DenisePelletier, ainsi que pour Outrage au public présenté
à l’Institut Goethe par le Groupe Audubon (m.e.s de
Caroline Binet, 2006). Elle a signé, aux éditions ERPI,
les avant-propos de quatre comédies de Molière et
page 2 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
celui de la réédition de Poussière sur la ville d’André
Langevin. Avec Marie-Dominique Cousineau, elle a écrit
une adaptation de Candide qui sera jouée à Amiens,
en 2014. Elle a enseigné la littérature et le théâtre au
Cégep du Vieux Montréal.
Jean-François Gagnon est diplômé en interprétation
de l’École nationale de théâtre du Canada et a travaillé
principalement comme acteur pendant près de dix
ans, jouant au Théâtre du Nouveau Monde, au Rideau
Vert, au Parminou, avant de se spécialiser en arts
de combat dramatique et en mise en scène, les deux
disciplines étant complémentaires à sa passion pour le
jeu physique de l’acteur. Concepteur de cascades et de
combat dramatique, il est reconnu comme chorégraphe
de combat, comme Fight Master par Fight Directors
Canada et par l’International Order of the Sword and
the Pen. Il est invité régulièrement pour donner des
ateliers au Canada, aux États-Unis et en Angleterre.
Étienne Liblanc est détenteur d’un baccalauréat en arts
(spécialisation théâtre) de l’Université d’Ottawa ainsi
que d’une maîtrise en théâtre de l’UQÀM. Depuis 2007,
il enseigne la dramaturgie, l’histoire contemporaine
du théâtre et l’analyse du spectacle au Collège
Lionel-Groulx, dans les programmes de techniques
professionnelles Interprétation Théâtrale et Production
Théâtrale et dans les programmes préuniversitaires Arts
et Lettres – Arts d’interprétation et Histoire et Civilisation
– de même que l’histoire du théâtre québécois à l’École
nationale de théâtre du Canada.
Philip Wickham enseigne l’art dramatique au Cégep de
Saint-Laurent. Il a complété une maîtrise en théâtre à
l’UQÀM où il a également enseigné auprès de Martine
Beaulne. Il a été membre de la rédaction de Jeu, Revue de
théâtre pendant une quinzaine d’années, a dirigé certains
dossiers importants de la revue – sur le costume, sur
la guerre – et a créé L’Arbre du théâtre québécois avec
Michel Vaïs. Il a monté quelques créations présentées
dans le cadre du Festival Fringe de Montréal ainsi que
des adaptations de pièces d’Arthur Miller et de Jean
Genet. Il est un passionné de musique et de chant.
Table des matières / Salle Denise-Pelletier
LES CAHIERS / NUMÉRO 93 / AUTOMNE 2014
D’ARTAGNAN ET
LES TROIS MOUSQUETAIRES
5
L’équipe du spectacle
7
Présentation et résumé
15
Acteurs et personnages
17
Entretien avec Frédéric Bélanger,
metteur en scène
DOSSIER DE FORT BELLES AVENTURES
23
Qui voudrait vivre sans amis ?
29
Les vrais mousquetaires
34
Le combat dramatique au théâtre
43
Pour en savoir plus…
44
Pour aller plus loin…
Les Cahiers du Théâtre Denise-Pelletier sont publiés sous la direction de Julie Houle, avec le soutien d’Anaïs
Bonotaux-Bouchard. La rédaction des Cahiers est coordonnée par Hélène Beauchamp. Nous remercions les
équipes de production, auteurs et metteurs en scène qui ont facilité la réalisation de ce numéro des Cahiers.
Conception graphique et infographie : Passerelle bleue / Impression : Imprimerie Maska inc.
ISSN 1188-1461 / BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU CANADA / N.B. : Les opinions exprimées dans les articles de cette
publication n’engagent que leurs auteurs.
Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Montréal (Québec) H1V 1Y2
Administration : 514 253-9095
Billetterie : 514 253-8974
www.denise-pelletier.qc.ca
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 3
Table des matières / Salle fred-barry
L’ÉNIGME CAMUS :
UNE PASSION ALGÉRIENNE
L’équipe et la compagnie
48
Entretien avec Jean-Marie Papapietro,
auteur et metteur en scène
© United Press International
47
NOËL 1933
L’équipe et la compagnie
56
Entretien avec Chantal Grenier,
conceptrice, et Jean Turcotte,
metteur en scène
© Richard Hachem
55
Le Théâtre Denise-Pelletier (TDP) tient à remercier
Le TDP est membre des Théâtres Associés inc. (TAI) et de l’Association des diffuseurs spécialisés
en théâtre (ADST). Il est aussi partenaire de Atuvu.ca.
page 4 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
L'équipe du spectacle
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
D’après l’œuvre d’Alexandre Dumas
Adaptation et mise en scène de Frédéric Bélanger
Une production du Théâtre Advienne que pourra présentée par
le Théâtre Denise-Pelletier
Salle Denise-Pelletier
Du 12 novembre au 12 décembre 2014
Distribution
par ordre alphabétique
Guillaume Baillargeon.......................................... Athos
Maude Campeau........................ Constance Bonacieux
Louise Cardinal.................... La reine Anne d’Autriche
Guillaume Champoux.........................................Aramis
Robin-Joël Cool...................... Le duc de Buckingham,
.......le capitaine de Tréville et le père de D’Artagnan
Steve Gagnon...............................................D’Artagnan
Stéphanie M. Germain...................... Milady de Winter
Bruno Piccolo.....................................................Porthos
Philippe Robert.................................................................
...................Le comte de Rochefort et le roi Louis XIII
Claude Tremblay..............................................................
.............................Planchet et le cardinal de Richelieu
Direction du Théâtre Advienne que
pourra
Direction artistique......................... Frédéric Bélanger
Direction générale.................................. Sarah Balleux
Équipe de production –
Théâtre Denise-Pelletier
Direction de production.........................Réjean Paquin
Direction technique.......................................Guy Caron
Attachée de presse.................................Isabelle Bleau
Équipe de scène –
Théâtre Denise-Pelletier
Concepteurs
et collaborateurs artistiques
Chef machiniste......................................Pierre Léveillé
Chef électricien.................................Michel Chartrand
Chef sonorisateur........................................Claude Cyr
Chef habilleuse................................. Louise Desfossés
Chef cintrier......................................... Michel Dussault
Décors et accessoires..........Francis Farley-Lemieux
Éclairages............................................ Julien Laflamme
Conception des costumes..................... Sarah Balleux
Conception des masques................... Louise Lapointe
Conception sonore............. Sébastien Watty-Langlois
Chanson.............................................. Audrey Thériault
Chorégraphies de combats....Jean-François Gagnon
Assistance à la mise en scène...... Marjorie Bélanger
Coach vocal....................................Marie-Ève Pelletier
Maquillages.....................................Suzanne Trépanier
Perruques......................................... Cybèle Perruques
Coupeur.................................Gilles-François Therrien
Couturière............................................. Priscillia Collin
Patine........................................ Chloé Giroux Bertrand
Le Théâtre Advienne que pourra est un lieu d’échanges
et de partage, de recherche et d’exploration, de
présentations et de discussion où, de l’essence même
des projets, naît le désir d’élargir les horizons culturels
des jeunes. Les spectacles, les lectures, les expositions,
les séances d’animation théâtrale ou de médiation
culturelle sont tous des prétextes pour faire connaître
aux jeunes les coulisses de leur travail. Advienne que
pourra voit le théâtre comme un outil essentiel dans
l’apprentissage de leur identité. Au-delà des langues,
des traductions, des codes, des croyances, des religions
et des différences, la compagnie désire être le levier
d’une ouverture sur le monde en offrant une expérience
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 5
L'équipe du spectacle
théâtrale accessible et féconde, par le biais d’œuvres
classiques, véritables passeports culturels pour un jeune
public. Ses élans artistiques prétendent dépoussiérer,
dynamiser ces grands classiques et parfois même faire
découvrir des œuvres inédites.
Décentraliser, démocratiser l’art et créer ses productions
dans la région de Lanaudière, afin d’intéresser la
population, et que celle-ci se sente privilégiée et fière
de ses artistes et artisans. Le Théâtre Advienne que
pourra désire faire de la culture une priorité de notre
société.
page 6 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
Elle croit en un théâtre populaire dans le sens le plus
noble du terme. Un théâtre de solidarité et de convivialité
qui va à la rencontre du public pour lui raconter une
histoire et le faire rêver. Un théâtre qui invente, qui
crée et qui n’oublie jamais qu’il n’existe qu’à travers
les yeux de ce public.
Site web : www.theatreadviennequepourra.com
Présentation et résumé
~ Alexandre Dumas écrivant son roman.
Par Maurice Leloir.
Dumas séduit, fascine, intéresse, amuse, enseigne.
Victor Hugo
Le jeune et fougueux d’Artagnan part pour Paris avec
l’ambition d’entrerau service du roi, chez les mousquetaires.
À son arrivée dans la capitale en compagnie de son écervelé
valet Planchet, il cherche querelle à trois gentilshommes qui,
après les avoir conquis par sa bravoure, deviendront ses
trois légendaires compagnons : Athos, Porthos et Aramis.
Richelieu qui tentent de déshonorer la reine et
de s’emparer du trône. Au cœur des conspirations
insidieuses, seule la fine lame de d’Artagnan tracera la ligne
entre les bons et les méchants…
La fiction se mêle à l’histoire, le réel rencontre
l’imaginaire. Rivalités, trahisons, secrets, intrigues
amoureuses… D’Artagnan et ses trois fidèles amis
nous entraînent avec panache à la cour d’un Paris
tourmenté du XVIIe siècle.
Ensemble, ils combattront la mystérieuse Milady,
le perfide Rochefort et le crapuleux cardinal de
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 7
Présentation et résumé
DUMAS ET D’ARTAGNAN
populaire de la littérature française. Sa vie vaut à
elle seule n’importe lequel de ses romans. Petit-fils
Vous êtes plus qu’un grand écrivain, vous êtes une de mulâtre, il eut à combattre les préjugés de la
société très conservatrice de la France monarchiste
des grandes forces de la nature (Michelet)
du XIXe siècle. En effet, son grand-père paternel, le
Alexandre Dumas est sans doute l’auteur le plus marquis Alexandre-Antoine Davy de la Pailleterie,
connu – peut-être avec Jules Verne – et le plus eut un fils d’une esclave de Saint-Domingue, MarieCésette Dumas à qui il doit son
nom. Son père, Thomas-Alexandre
€ Les personnages fictifs des Trois Mousquetaires.
Rétoré dit Dumas Davy, fut ramené
en France et reconnu en tant que
fils naturel par le marquis. Général
de l’armée républicaine pendant
la Révolution française de 1789, il
s’opposa à Napoléon Bonaparte,
ce qui lui valut d’être disgracié
sous l’Empire1. Il mourut en 1806
laissant sa femme pratiquement
sans ressources. Alexandre
Dumas, orphelin à quatre ans,
voua toute sa vie une profonde
admiration à son père.
Alexandre Dumas naît en 1802
comme Victor Hugo, lui-même
fils d’un général. Tous deux
connaissent d’ailleurs des destins
parallèles : une célébrité précoce,
le scandale, le succès d’une pièce
de théâtre qui donne un coup
d’envoi au mouvement romantique,
une carrière politique hasardeuse2
et l’exil à l’avènement de Napoléon
III. Cependant, contrairement à
Victor Hugo, Alexandre Dumas,
malgré ses succès, ne sera pas
reconnu comme un grand écrivain.
Il attendra longtemps avant d’être
étudié dans les manuels scolaires
Premier Empire. Napoléon 1er (1804-1815)
Dumas participera activement aux révolutions
de 1830 et de 1848. Il s’exile en Belgique en 1851
autant pour fuir ses dettes que Napoléon III. De
1860 à 1864, il se met au service de Garibaldi
qui se bat pour la réunification de l’Italie.
1
2
page 8 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
Photo Bruno Arrigoni
~ Général Dumas (1762-1806), père de l’auteur des Trois Mousquetaires. Par Olivier Pichat.
et c’est en 2002 seulement que ses cendres
rejoindront celles de Victor Hugo au Panthéon
de Paris, dans une magnifique cérémonie qui lui
rendra enfin les honneurs qui lui sont dus.
Alexandre Dumas vit une enfance pauvre qui
l’oblige, dès son adolescence, à gagner sa vie
comme clerc de notaire. Mauvais élève, préférant
fréquenter les bois plutôt que l’école de l’abbé
Grégoire, il a, malgré tout, quelques rudiments
de latin et de littérature. Vers l’âge de 18 ans, il
se lie d’amitié avec Adolphe de Leuven qui lui fait
découvrir Shakespeare et avec qui il écrit des
vers et quelques vaudevilles. Comme son héros
d’Artagnan, Alexandre Dumas, à peine âgé de vingt
ans, part à la conquête de Paris, muni d’une lettre
de recommandation.
~ Alexandre Dumas en 1832
par Achille Devéria
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 9
Présentation et résumé
DUMAS À PARIS À 20 ANS
- Alors, tu as un cheval, moi un fusil. Entre
Paris et nous, vingt lieues et quelques forêts…
L’un chasse, l’autre tient le cheval en guettant
le garde-chasse… Il ferait beau voir que nous
ne fassions pas quelques lièvres, des cailles
et des perdrix : de quoi payer notre gîte
à Paris…
Vingt ans avant Les Trois Mousquetaires et Le Comte
de Monte-Cristo, Alexandre Dumas – fort de sa
jeunesse et de sa soif de vivre – entre à Paris,
la ville aux mille promesses. Prêt à conquérir la
capitale, ce petit-fils d’une esclave noire, fils d’un
général brutalement disgracié par Napoléon, rêve
de théâtre, de littérature, de reconnaissance. Ivre
d’histoire, romanesque en diable, avide de savoir,
travailleur acharné, amant fougueux, il se jette à
corps perdu dans l’écriture, dans l’amour, dans
la vie3.
- Oui, je connais un petit hôtel, rue des VieuxAugustins, qui…
- En selle !
Avec un demi-cheval, la moitié d’un fusil,
quatre lièvres, deux cailles, douze perdrix,
Alexandre entre dans Paris, le lendemain soir,
3 novembre 1822. Pour y passer moins de
deux jours, la première fois. Mais ce seront
de riches heures où s’ébauchera la grande
aventure théâtrale qui fera d’abord sa gloire. Avec quatre lièvres et douze
perdrix...
D’Artagnan est entré dans Paris sur un vieux
cheval jaune, l’épée à la ceinture. Un peu
moins de deux siècles plus tard, Alexandre
Dumas y pénètre lui, en croupe d’un ami,
armé d’un fusil de chasse et porteur de
quelques pièces de gibier en guise de pécule.
Il a vingt ans, lui aussi. Depuis trois mois, il a
quitté sa mère et sa ville natale, où madame
Dumas, veuve, tient un bureau de tabac.
Voici comment cette aventure est racontée4.
Un jour de novembre 1822, Dumas entend
le pas d’un cheval et quelqu’un qui l’appelle
de la rue. C’est son ami Paillet. Il se jette
dehors : un ami, un cheval ! Et nous partons
pour Paris !
- Avec quoi, Alexandre ? J’ai 28 francs…
- Moi, sept…
- Alors ?…
Extraits de la 4e couverture du livre de Jean Lacouture, Alexandre Dumas
à la conquête de Paris (1822-1831), Éditions Complexe, 2005.
Par Dumas, et repris par Jean Lacouture.
3
4
page 10 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
L’emploi de bureau qu’il obtient chez le duc
d’Orléans5 lui permet de vivre correctement et
d’avoir assez de loisirs pour écrire. Il multiplie
les aventures amoureuses et devient en 1824 le
père d’un garçon qu’il ne reconnaîtra qu’en 1831.
Cet enfant ajoutera sa gloire à celle de son père
sous le nom d’Alexandre Dumas fils6.
Avant d’être un romancier, Alexandre Dumas est
un dramaturge qui connaît de son vivant un très
grand succès. En 1828, délaissant le vaudeville,
il écrit un drame, Christine, qu’il lit à la Comédie
française, mais c’est Henri III et sa cour, joué au
Théâtre Français en 1829, qui fait de Dumas le
dramaturge du moment. La pièce est considérée
comme la première pièce romantique un an avant la
présentation scandaleuse d’Hernani de Victor Hugo.
En 1831, il triomphe avec Antony, drame moderne
qui fait pleurer tout Paris et dont le héros est un
Futur Louis-Philippe qui régnera en France de 1830 à 1848.
Alexandre Dumas fils, auteur de La Dame aux camélias, sera aussi, 20
ans après son père, un dramaturge célèbre.
5
6
~ Photo d’Alexandre Dumas par Nadar, 1855.
fils naturel. Cette pièce a été censurée jusqu’en
1870. C’est aussi en 1831 qu’il a une fille, Marie, qu’il
reconnaît en même temps que son fils. La carrière
dramatique d’Alexandre Dumas se poursuit jusqu’en
1838, mais elle s’essouffle et, sans l’abandonner
complètement, Alexandre Dumas se lance dans
un autre genre littéraire.
Il a toujours écrit des nouvelles et des récits, des
chroniques historiques et il conçoit peu à peu
un vaste projet qui serait l’histoire du peuple
français. Les progrès de la presse lui permettent
de concrétiser ce projet grâce au roman-feuilleton.
Travaillant en collaboration avec Auguste Maquet,
il publie Les Trois Mousquetaires, en 1844, dans un
journal quotidien bon marché, Le Siècle.
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 11
Présentation et résumé
D’ARTAGNAN À 17 ANS
En ce temps-là les paniques étaient fréquentes,
et peu de jours se passaient sans qu’une ville
ou l’autre enregistrât sur ses archives quelque
événement de ce genre. Il y avait les seigneurs
qui guerroyaient entre eux ; il y avait le cardinal
qui faisait la guerre au roi et aux seigneurs ;
il y avait l’Espagnol qui faisait la guerre aux
seigneurs, au cardinal et au roi. Puis, outre
ces guerres sourdes ou publiques, secrètes
ou patentes, il y avait encore les voleurs,
les mendiants, les huguenots, les loups et
les laquais, qui faisaient la guerre à tout le
monde. Les bourgeois s’armaient toujours
contre les voleurs, contre les loups, contre
les laquais ; souvent contre les seigneurs et
les huguenots ; quelquefois contre le roi ;
mais jamais contre le cardinal et l’Espagnol.
Il résulta donc de ces habitudes prises, que
ce susdit premier lundi du mois d’avril 1626,
les bourgeois, entendant du bruit, […] se
précipitèrent du côté de l’hôtel du Franc
Meunier. Arrivé là, chacun put reconnaître la
cause de cette rumeur.
Un jeune homme… […] : figurez-vous don
Quichotte à dix-huit ans ; don Quichotte
décorcelé, sans haubert et sans cuissard ;
don Quichotte revêtu d’un pourpoint de laine,
dont la couleur bleue s’était transformée en
une nuance insaisissable de lie de vin et d’azur
céleste. Visage long et brun ; la pommette des
joues saillante, signe d’astuce ; les muscles
maxillaires énormément développés, indice
infaillible où l’on reconnaît le Gascon, même
sans béret, et notre jeune homme portait un
béret orné d’une espèce de plume ; l’œil ouvert
page 12 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
et intelligent ; le nez crochu, mais finement
dessiné ; trop grand pour un adolescent, trop
petit pour un homme fait, et qu’un œil exercé
eût pris pour un fils de fermier en voyage, sans
la longue épée qui, pendue à un baudrier de
peau, battait les mollets de son propriétaire,
quand il était à pied, et le poil hérissé de sa
monture quand il était à cheval7.
Car notre jeune homme avait une monture,
et cette monture était même si remarquable
qu’elle fut remarquée : c’était un bidet du
Béarn, âgé de 12 ou 14 ans, jaune de robe,
sans crins à la queue, mais non pas sans
javarts aux jambes, et qui, tout en marchant
la tête plus bas que les genoux […] faisait
encore galamment ses huit lieues par jour.
Malheureusement les qualités cachées de ce
cheval étaient si bien cachées sous son poil
étrange et son allure incongrue, que, dans
un temps où tout le monde se connaissait
en chevaux, l’apparition du susdit bidet […]
produisit une sensation dont la défaveur
rejaillit jusqu’à son cavalier.
Et cette sensation avait été d’autant plus
pénible au jeune d’Artagnan (ainsi s’appelait
le don Quichotte de cet autre Rossinante),
qu’il ne se cachait pas le côté ridicule que
lui donnait, si bon cavalier qu’il fût, une
pareille monture. Aussi avait-il fort soupiré
en acceptant le don que lui en avait fait M.
d’Artagnan père […].
http://fr.wikisource.org/wiki/Les_Trois_
Mousquetaires/Texte_entier
Lire, plus loin dans ce dossier, « Les vrais mousquetaires ».
7
} Alexandre Dumas. Impressions de voyages, 1838.
De 1837 à 1848, Alexandre Dumas connaît sa période la
plus féconde créant ses grands cycles romanesques :
celui des Mousquetaires (Les Trois Mousquetaires,
Vingt Ans après, Le Vicomte de Bragelonne), celui
des Valois dont La Reine Margot, celui des Mémoires
d’un médecin (Joseph Balsamo, Le Collier de la Reine,
Ange Pitou, La Comtesse de Charny). Il adapte ses
romans au théâtre et les fait jouer dans sa propre
salle, le Théâtre Historique, entreprise démesurée
et peu rentable qui finit par le ruiner. LE PÈRE DUMAS
La révolution de 1848 à laquelle il participe
activement inaugure une période difficile pour
Alexandre Dumas. Couvert de dettes, il fuit la
France et voyage dans toute l’Europe. N’ayant plus
de journaux pour publier ses romans historiques,
il crée ses propres journaux et se tourne vers le
genre fantastique. Il commence aussi ses mémoires
en 1847. Rêvant de partir en Orient, il affrète une
goélette, mais son voyage s’arrête en Italie, en
1860. Il y demeure auprès de Garibaldi8 jusqu’en
1864. À son retour, il publie un roman, Les Mohicans
de Paris mais, dès 1865, sa santé se détériore.
Garibaldi est considéré, avec Camillo Cavour, Victor-Emmanuel II et
Giuseppe Mazzini, comme l’un des « pères de la patrie » italienne.
8
€ Intérieur du Théâtre Historique de Dumas, Paris 1847.
~ Dumas en voyage – caricature 1838
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 13
Présentation et résumé
~ Anne d'Autriche, portrait
par Pierre Paul Rubens, ca 1622-1625
~ Georges Villiers, 1er duc de Buckingham,
portrait par Pierre Paul Rubens.
Il finit ses jours chez son fils Alexandre, soigné
par sa fille Marie. Il meurt en 1870 alors que la
Prusse envahit la France et provoque la chute de
Napoléon III.
Tout ce que fait Alexandre Dumas est excessif
comme lui-même. C’est un personnage énorme,
doué d’un immense appétit de vivre et d’une énergie
inépuisable qui lui permet de créer une œuvre
aussi imposante que diversifiée, mais qui le mène
aussi aux plus grandes extravagances. Il n’aurait
cependant pas pu produire sans l’aide de nombreux
collaborateurs qui avaient la charge de planifier et
de documenter l’ouvrage à venir. Alexandre Dumas
ne s’en est jamais caché. Il reste que le souffle qui
anime ses œuvres n’appartient qu’à lui.
À force d’intéresser, de passionner, d’enthousiasmer,
de faire rire ou pleurer ces grands enfants qu’on
appelle les hommes, ils ont fini par te considérer
comme de leur famille, et ils t’appellent le père Dumas.
(Alexandre Dumas fils)
Claudette Lasserre
Les Cahiers numéro 69, hiver 2008.
~ Louis XIII, après 1670,
par Philippe de Champaigne.
page 14 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
ACTEURS ET PERSONNAGES
© Izabel Zimmer
GUILLAUME BAILLARGEON
ATHOS
Dites au Cardinal que nous allons continuer de remplir notre
devoir sacré qui est de protéger le Roi et que nous utiliserons
tous les moyens possibles pour le combattre lui et ceux qui le
suivent.
© Martin Girard
MAUDE CAMPEAU
CONSTANCE BONACIEUX
Demandez-moi mes secrets, je vous les dirai. Mais ceux des
autres, jamais.
© Michel Olivier Girard
© Izabel Zimmer
LOUISE CARDINAL
LA REINE ANNE D’AUTRICHE
Nous ne sommes jamais seuls… Nous sommes guettés, épiés…
Le Cardinal est sur ses gardes, ses gardes sont sur moi.
GUILLAUME CHAMPOUX ARAMIS
Prends garde d’Artagnan, la femme a été créée pour notre
perte.
© Marjorie Guindon
ROBIN-JOËL COOL LE DUC DE BUCKINGHAM
Pour moi, le sacrilège tient en ce que deux âmes créées l’une
pour l’autre soient séparées.
LE CAPITAINE DE TRÉVILLE
Un capitaine est un père de famille et les soldats sont de
grands enfants qui doivent apprendre à respecter les ordres.
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 15
ACTEURS ET PERSONNAGES
© France Larochelle
STEVE GAGNON
D’ARTAGNAN
Je suis un homme d’honneur. Je peux vous assurer que je n’aurai aucun plaisir à vous tuer.
© Julie Artacho
STÉPHANIE M. GERMAIN MILADY DE WINTER
La justice des hommes ne pardonne pas, elle condamne.
© Émilie Gagné
BRUNO PICCOLO PORTHOS
Avant d’aller voir le capitaine, nous, vétérans mousquetaires,
devons célébrer notre victoire et t’initier à la vie parisienne.
© Jeremie Battaglia
PHILIPPE ROBERT LE COMTE DE ROCHEFORT
Son Éminence sait récompenser ses loyaux alliés.
LE ROI LOUIS XIII
La vérité est une question de perception.
© Droits réservés
CLAUDE TREMBLAY
PLANCHET
Ils sont inouïs, ces mousquetaires ! Au lieu d’avoir de l’ordre,
de l’économie, de penser aux temps plus difficiles pendant les
jours d’abondance, ça joue, ça boit et ça mange.
LE CARDINAL DE RICHELIEU Je ne demande pas, j’ordonne.
page 16 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
ENTRETIEN AVEC FRÉDÉRIC BÉLANGER,
METTEUR EN SCÈNE
D’HONNEUR,
DE JEUNESSE
ET DE FRATERNITÉ
J’avais déjà fait ce genre de travail
avec Le Bossu de Paul Féval pour Les
Aventures de Lagardère en 2011 ; il faut
nécessairement faire des choix. Dans un
roman comme Les Trois Mousquetaires
d’Alexandre Dumas, qui a été publié sous
forme de feuilletons dans les journaux de
l’époque, il y a beaucoup de descriptions,
de détails historiques qui sont lourds et
inutiles au théâtre. On doit avant tout se
concentrer sur l’action, en conservant
l’essentiel de l’intrigue, et en faisant tout
pour ne pas dénaturer les personnages.
Dans ce roman en particulier, il existe
deux intrigues principales : celle qui
tourne autour de d’Artagnan et des bijoux
de la reine de France, et celle qui relate
le siège de La Rochelle par les troupes
du cardinal de Richelieu, que nous avons
éliminée. Cette intrigue aborde la guerre ~ Frédéric Bélanger
et les questions politiques, alors que
pour un spectacle qui s’adresse aux jeunes, nous pense entre autre à la superbe scène entre le Duc
préférions nous concentrer sur la jeunesse de de Buckingham et Anne d’Autriche. Nous l’avons un
d’Artagnan.
peu resserrée tout au plus. À la différence d’autres
mises en scène présentées au Théâtre DenisePelletier, qui abordaient l’œuvre de façon moderne,
Est-ce que vous vous êtes servi de
nous avons voulu revenir à une représentation plus
l’adaptation que Dumas avait faite
« historique ». Avec ma compagnie, le Théâtre
de son propre roman ?
Advienne que pourra, nous avions déjà monté une
Oui, et j’ai lu plusieurs autres adaptations théâtrales, adaptation des Trois Mousquetaires à la Salle Fredvisionné plusieurs films. Dans la sienne, Dumas Barry, en employant des masques. Maintenant que
combinait les deux intrigues. Ce romancier est un le spectacle est présenté sur la grande scène,
grand dialoguiste, et certaines parties du roman nous avons choisi une toute nouvelle approche,
sont identiques dans son adaptation théâtrale. Je en éliminant les masques et en mettant plus
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 17
©Julie Perreault
Comment fait-on pour passer
d’un roman de 750 pages à une
pièce de théâtre d’une durée de
deux heures ?
ENTRETIEN AVEC FRÉDÉRIC BÉLANGER,
METTEUR EN SCÈNE
d’emphase sur les combats d’épée. Nous avons
aussi choisi de laisser tomber le côté bon enfant de
la première adaptation pour intégrer des aspects
plus dramatiques du roman. De cette manière,
le passage de l’adolescence à la vie adulte de
d’Artagnan nous paraît plus crédible : c’est l’histoire
d’un jeune homme plein d’espoir et de rêve qui
arrive à Paris, et qui accède à une vie meilleure,
} D'Artagnan
page 18 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
mais qui doit en payer le prix. À travers son œuvre,
on sent qu’Alexandre Dumas est un amoureux
troublé, et il transpose cette vision cruelle de
l’amour dans l’ensemble de ses romans et de ses
pièces : tous les couples de cette pièce connaissent
un sort malheureux. Pour contrebalancer, nous
avons centré l’action sur l’amitié, la fraternité qui
règnent entre d’Artagnan et les trois mousquetaires.
Vous qualifiez votre texte d’adaptation
libre du roman de Dumas. Est-ce que vous
vous êtes permis beaucoup de liberté
dans l’écriture ?
J’essaie vraiment d’être le plus fidèle possible au
texte de Dumas ; parfois, je fais dire un passage
par un autre personnage, mais pour le reste, les
répliques sont à peu près pareilles du roman à
la scène.
Ce doit être difficile, avec peu de moyens,
de représenter autant de lieux sur une
scène, alors que le roman nous fait
voyager dans différentes régions de la
France, à l’époque de Louis XIII ?
J’ai eu l’avantage d’écrire le texte et de le mettre en
scène, ce qui m’a permis de surmonter beaucoup
de difficultés au fur et à mesure : j’ai misé sur les
ambiances en passant d’un lieu à l’autre grâce à un
simple changement de musique ou d’éclairage. Au
départ, le scénographe Francis Farley-Lemieux et
moi, nous voulions faire un spectacle d’époque où
les spectateurs pourraient sentir le bois, la paille, le
cuir. Du côté des costumes, leur apparence évoque
le passé, mais les coupes sont plus cintrées, les
tissus plus modernes. Nous cherchions à créer
un objet théâtral où tout est mis au service du
jeu des acteurs. Prenons la fameuse cape des
mousquetaires, le chapeau et le fleuret. Jouer avec
ces objets apporte des contraintes très riches
pour l’interprétation.
Peut-on être original avec une œuvre aussi
connue ?
C’est difficile de complètement renouveler l’image
qu’on se fait des Trois Mousquetaires. Tout comme
pour l’époque de Louis XIV, où on se représente
facilement Versailles, Molière, le menuet, celle
de Louis XIII nous renvoie aux silhouettes des
mousquetaires. Nous n’avons pas besoin de nous
~ Porthos
éloigner de cette image, que les jeunes connaissent
bien, nous devons simplement l’actualiser. De
notre point de vue, beaucoup trop d’adaptations
du roman de Dumas embellissent les événements,
en ne montrant pas la mort de l’amoureuse de
d’Artagnan, Constance Bonacieux, par exemple.
Nous cherchions à être plus fidèles à l’œuvre. Le
roman de Dumas est construit tout en oppositions
et en contradictions, il nous semblait important
d’en tenir compte.
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 19
ENTRETIEN AVEC FRÉDÉRIC BÉLANGER,
METTEUR EN SCÈNE
Souvent, on prend les combats d’épée
à la légère, alors que les mousquetaires
se battaient jusqu’à la mort, afin de
sauvegarder leur honneur.
Le cardinal de Richelieu, un des personnages
de la pièce, a fait interdire les duels parce qu’à
l’époque, de nombreux jeunes nobles s’entretuaient.
D’Artagnan vient d’une famille qui considère les
combats comme une marque de bravoure. Quand il
arrive à Paris et qu’il se rend compte que les duels
sont bannis, il est surpris. Il doit se cacher pour
se battre. Dans la suite des Trois Mousquetaires de
Dumas, le seul des quatre qui survit, c’est Aramis.
€ La reine Anne d’Autriche
~ Le comte de Rochefort
Comment peut-on qualifier cette œuvre :
un drame, une comédie, une comédie
dramatique ?
Un peu de tout ça. Dans le roman, Dumas passe
d’un registre à l’autre de manière assez radicale.
Plus on avance dans le roman, plus l’intrigue est
sombre, et c’est ce que nous voulions reproduire.
En plus des romans, on sait que Dumas a écrit
plusieurs drames romantiques qui, comme chez
Shakespeare, recourent au mélange des genres.
page 20 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
Dumas va dépeindre la femme à travers
Milady de Winter comme une incarnation
du mal.
Oui, en même temps, nous voulions faire un
portrait de Milady qui soit plus nuancé. Elle est
garce, manipulatrice, orgueilleuse, elle fait un peu
penser à la Marquise de Merteuil dans Les Liaisons
dangereuses de Laclos. Cela correspond à la vision
qu’on avait des femmes à l’époque de Louis XIII
autant qu’à celle de Dumas.
Parmi les autres figures féminines de la
pièce, l’amoureuse de d’Artagnan est
sûrement la plus attachante.
Constance Bonacieux est la jeune première typique,
un peu naïve. Nous avons choisi de lui enlever
son mari pour qu’elle soit plus indépendante. À
l’époque, une belle femme comme elle était la
maîtresse de plusieurs hommes. Nous préférions
voir en d’Artagnan non pas un homme qui couche
avec plusieurs femmes comme Dumas l’a écrit,
mais comme un amoureux fidèle et sincère qui
n’aime qu’une seule femme, qui lui rend cet amour
réciproquement.
Et il y a aussi Anne d’Autriche, la reine de
France.
~ Le duc de Buckingham
Dumas nous montre que les mœurs changent;
celui qui survit, ce n’est pas le plus fort, mais
bien le plus futé. Le roman dépeint un monde
cruel, il est d’ailleurs construit sur une suite de
vengeances. Une phrase de l’œuvre dit : « La justice
des hommes ne pardonne pas, elle condamne ».
Milady de Winter, le personnage féminin principal,
est devenue un monstre à la suite de nombreux
événements. Elle n’a pas eu le choix de devenir
malicieuse pour survivre.
Anne d’Autriche est mariée à un homme, le roi Louis
XIII, qui n’est pas très intéressé par les femmes.
Les deux avaient été mariés très jeunes, et ça
leur a pris beaucoup de temps avant de donner
un héritier à la France. Louis XIII aimait beaucoup
l’armée, les combats, la chasse, il négligeait la reine.
Et pourtant, dans le roman de Dumas, l’intrigue
autour des ferrets qu’elle donne secrètement
au duc de Buckingham est centrale. Dans notre
adaptation, Anne d’Autriche devient une victime
des complots ourdis par le roi et le cardinal, ce
qui rend les scènes où ils se rencontrent plus
tendues dramatiquement. Même le personnage
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 21
de Constance Bonacieux a des privilèges auprès
de la reine qu’une simple bourgeoise ne pouvait
pas avoir réellement à l’époque.
Les Trois Mousquetaires, c’est réellement
un monde d’hommes, un univers viril où
d’Artagnan est le plus jeune de la bande.
En réalité, les quatre amis sont assez jeunes.
D’Artagnan a 17 ans, Aramis à peine 23 ans, Athos
est dans la fin de la vingtaine. Nous entretenons
la fausse image d’un jeune adolescent parmi des
hommes mûrs. Nous avons choisi une distribution
qui suggère que les quatre compagnons d’armes
ont sensiblement le même âge. Ils sont encore
juvéniles dans leur comportement. Leur vie se
résume à faire l’amour, boire et se battre.
Ils doivent tout de même faire face à un
code d’honneur lié à la gentilhommerie.
Pourquoi s’attache-t-on à un homme
comme d’Artagnan ?
D’Artagnan est un jeune homme qui a le cœur sur
la main. Il fera beaucoup d’erreurs, il parle plus vite
que sa pensée, il est rebelle, mais sans méchanceté.
L’acteur qui le joue doit rendre son côté frondeur et
baveux sympathique. D’Artagnan a été élevé avec
des valeurs d’honneur, il veut défendre la patrie,
le roi, à tout prix, il est même prêt à donner sa vie.
La religion pèse aussi très lourdement. En termes
plus modernes, c’est la fraternité qui compte : peu
importe ce qui arrive, il doit sauver ses amis, sans
penser aux conséquences de ses gestes. Leur
vie se construit sur ces valeurs, comme dans la
page 22 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
police ou les gangs de rue aujourd’hui, en dehors
de quoi il n’y a rien. Il arrive souvent qu’un des
quatre se retrouve avec une bonne somme d’argent
et, plutôt que de la garder pour lui, il la partage
avec ses compagnons, quitte à retomber dans la
pauvreté. Les Trois Mousquetaires, c’est l’histoire
d’une initiation à la vie où, après plusieurs épreuves,
le jeune d’Artagnan accède à l’âge adulte, en se
faisant offrir une promotion enviable auprès du
cardinal de Richelieu, un des hommes les plus
puissants de France.
Philip Wickham
€ Le cardinal de Richelieu
DOSSIER DE FORT BELLES AVENTURES
Qui voudrait vivre
sans amis ?
Dans Les Trois Mousquetaires,
Alexandre Dumas (1802-1870),
un écrivain français qui laisse
une œuvre réellement immense,
raconte les aventures d’un
homme qui a bel et bien existé,
mais qu’il a réinventé pour en
faire un personnage de roman,
Charles de Batz-Castelmore,
comte d’Artagnan (vers 1611-1673).
Ses aventures sont aussi celles
de trois mousquetaires qui sont,
eux, entièrement imaginés.
Dès le début de l’histoire, ces
quatre hommes deviennent des
amis et ils le resteront toute leur
vie, comme on l’apprend dans les
autres livres que leur consacrera
Dumas.
Un philosophe de l’Antiquité
appelé Aristote était persuadé que
personne ne voudrait vivre sans
ami, même, ajoutait-il, en étant
comblé de tous les autres biens.
Et comme l’adolescence est une
période durant laquelle les amis
ont une si grande importance, je
pense que la plupart d’entre vous
serez sans doute d’accord avec
Aristote.
~ Les trois mousquetaires qui sont quatre amis.
Celui-ci pensait aussi que si le désir d’avoir des
amis vient rapidement, les amis, eux, arrivent
bien moins vite. Cela, vous l’avez peut-être déjà
découvert, vous aussi. C’est que les vrais amis
sont rares.
Qu’est-ce donc au juste qu’un ami ? Comment
se fait-on des amis ? Comment les garde-t-on ?
Dans Les Trois Mousquetaires, Dumas suggère des
réponses à ces questions.
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 23
DOSSIER
L’amitié est bien entendu un sentiment
d’attachement et un désir d’intimité qui lient des
personnes l’une à l’autre. Mais c’est un sentiment
d’attachement particulier et bien différent de celui
qui lient entre eux les membres d’une famille ou
encore des amants. Le plus souvent, pour connaître
l’amitié, il faudra, comme d’Artagnan le fait, sortir
de la famille et aller dans le monde. C’est là qu’on
se fait des amis.
DIVERS TYPES D’AMIS
Mais des amis, il y en a de toutes sortes. Certaines
personnes sont nos amis simplement parce qu’on
accomplit des choses avec elles : on travaille ou
on étudie ensemble, par exemple. Ces amitiés-là,
nées du hasard et fondées sur l’intérêt commun,
ne sont typiquement pas les plus grandes ou les
plus profondes. Le plus souvent elles cesseront
quand on n’y trouve plus cet avantage : changez
d’emploi, déménagez et il y a de fortes chances que
vos amitiés, de travail ou d’études, ne survivront
pas, si du moins c’est là tout ce qu’elles étaient.
Un autre type d’amitié est fondé non pas sur l’intérêt,
mais sur le plaisir que l’on en retire. Des membres
d’un club, des gens qui partagent une passion
commune ou qui pratiquent le même sport, le même
hobby, sont dans cette catégorie.
Aristote suggérait que si les gens plus âgés
connaissent plus souvent le premier type d’amitié,
ce second genre, lui, est plus fréquent chez les
jeunes personnes. Qu’en pensez-vous ?
Mais c’est là encore une fois une amitié où le
hasard de la rencontre joue une grande part et qui
est fragile puisqu’elle cesse dès que l’on cesse de
ressentir le plaisir mutuel sur quoi elle se fonde.
Si, par exemple, vous ne pratiquez plus le hobby
qui vous a amené à faire partie d’un club, vous
€ Poignée de main. Workshop Cologne, Tobias Wolter, 2006.
page 24 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
© Chris Hau, 2012
cesserez sans doute bientôt de fréquenter ce club
et ne verrez plus guère les amis que vous y aviez.
Quand Dumas rencontre un ennemi
Alexandre Dumas, qui avait beaucoup d’amis, avait
aussi quelques ennemis, souvent des gens jaloux
de ses succès. Mais on n’est pas Alexandre Dumas
sans posséder un formidable sens de la formule
et de la répartie, ce qui peut être très utile pour
clouer le bec à ses ennemis. Voyez plutôt.
Dumas était un quarteron — ce qui est le nom
donné à une personne née de l’union d’un parent
mulâtre et d’un parent Blanc.
Un jour, il entre dans un salon où se trouve
justement un de ses envieux ennemis.
Certain d’être entendu par l’écrivain, cherchant à le
provoquer, cet homme lance de sordides remarques
racistes sur les « nègres ». Dumas ne bronche pas.
L’autre continue dans la même veine, en englobant
cette fois dans sa hargne les mulâtres, puis les
quarterons. Dumas ne bronche toujours pas.
Le triste personnage l’interpelle alors directement :
— Vous devez vous y connaître, vous, en nègre,
avec tout ce sang noir qui coule dans vos veines.
Dumas réplique alors tout doucement et sans
hausser le ton :
— Certainement. Mon père était un mulâtre ; mon
grand-père était un nègre ; et mon arrière grandpère un singe. Vous voyez, Monsieur: ma famille
commence là où la vôtre finit.
Ce qui naît entre les trois mousquetaires annonce
quelque chose de plus et leur amitié, en effet, va
durer longtemps.
Pourquoi ? Comment ? Je dirais ceci.
D’ARTAGNAN ET SES AMIS
Leur amitié ne repose pas seulement sur l’intérêt
ou le plaisir, mais aussi sur un grand respect pour
certaines qualités qu’ils reconnaissent en l’autre et
qui les inspirent : le courage, l’honnêteté, la fidélité,
par exemple. Ces qualités, admirées, ils veulent les
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 25
DOSSIER
disent leurs espoirs, évoquent leur passé. Cela ne
cessera sans doute plus et bientôt, ils se confieront
des secrets, parfois même se diront leurs quatre
vérités.
C’est qu’on peut dire à un ami des choses, des
choses délicates et qu’on ne dirait à personne
d’autre. Parfois même, quand il le faut, à regret mais
parce que notre amitié repose sur la connaissance
et sur la vérité, on pourra même dire du mal de
lui à son ami. Un ami, disait joliment Oscar Wilde,
c’est quelqu’un qui vous poignarde en face !
Une telle amitié est bien entendu rare. Elle demande
du temps et ce n’est certainement pas une relation
qu’on développe sur Facebook à coups de « like ».
© Nevit Dilmen
Un ingrédient qui peut aider à la faire grandir est
d’accomplir, comme le font les mousquetaires
et d’Artagnan, quelque chose de grand, quelque
chose qui vous dépasse et de faire ensemble face
à l’adversité.
connaître chez autrui, les développer chez eux et
les pratiquer tous ensemble. Et c’est d’abord cela,
ce désir de connaissance et de perfectionnement,
qui fait les vrais amis et les amitiés durables.
L’intimité entre de tels amis est particulière. Un
ami devient non seulement quelqu’un qui vous
connaît très bien, et souvent comme personne
d’autre, mais aussi quelqu’un qui vous aide à vous
définir. D’un tel ami, étrangement, on pourra dire
que c’est quelqu’un qui, quand vous le rencontrez,
vous donne de vos nouvelles.
Très vite, nos quatre héros se rencontrent de cette
manière intime, se parlent de leurs amours, se
page 26 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
Un pour tous…
J’ai eu besoin d’aide. Mes amis étaient là…
En 1830, Dumas fait jouer une pièce intitulée
Christine.
Le soir de la première, il faut se rendre à l’évidence :
si la pièce est bien accueillie, elle doit tout de même
être passablement retravaillée. Lourde tâche pour
un auteur surmené.
Après la première, ses amis se réunissent chez
Dumas pour faire la fête ; mais l’auteur, épuisé,
va bien vite se coucher, pensant à tout ce travail
qui l’attend.
Deux amis s’emparent alors du manuscrit et se
mettent à la tâche. Toute la nuit, ils retouchent, ils
coupent, ils corrigent, ils ajoutent et retranchent. À
midi, quand il se lève, Dumas trouve, sur sa table
de travail, sa pièce achevée, dans un état qui sera
sa version définitive.
Le nom de ces deux amis ? Victor Hugo et Alfred
de Vigny, deux immenses géants du romantisme
et de la littérature française.
Quel écrivain n’aimerait pas avoir pareils amis ?
TOUS POUR UN !
Un jour, un ami trouve Alexandre Dumas en larmes
à sa table de travail. Il lui demande, inquiet, ce qui
se passe. Dumas répond : « J’ai dû tuer Porthos ».
Et en effet, dans Le Vicomte de Bragelone, qui clôt
la trilogie des mousquetaires dont le deuxième
épisode s’appelle Vingt ans après, Porthos meurt.
Et Dumas, qui doit le « tuer » pour les besoins
de l’histoire, le pleure, le pleure comme un ami
auquel on serait très attaché.
Si vous avez déjà, en lisant un livre, en visionnant
un film, en assistant à la représentation d’une pièce
de théâtre, vibré devant le sort d’un personnage de
fiction, peut-être même pleuré devant ses malheurs,
alors vous comprendrez le sentiment que Dumas
a vécu, qui était sans doute plus fort encore chez
lui, puisqu’il avait créé et en quelque sorte mis
au monde Porthos.
Mais si on peut être assez proche d’un être
imaginaire pour pleurer à ses malheurs, pour nous
réjouir de ses succès, pour nous inquiéter de son
sort, peut-on dire que d’une certaine manière on
est ami avec cet être ?
Tout me donne à penser que oui, que la littérature,
le cinéma, le théâtre et les arts en général peuvent
produire cet extraordinaire effet. Et ces amis qu’ils
nous présentent, nous aident, comme le font les
amis réels, de chair et d’os, mais cette fois par
le travail de l’imagination, à connaître et à mieux
comprendre à la fois le monde et nous même.
© HÉlène Beauchamp
€ Un père et son fils, Méditerranée 1982
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 27
DOSSIER
C’est ainsi qu’avec Les Trois Mousquetaires, c’est
une part du monde qui vous est révélée, en même
temps, peut-être, qu’une part de vous même, que
vous ignoriez jusque là. D’Artagnan — qui sait ?
— deviendra peut-être votre ami, comme il est
devenu le mien autrefois, et l’est resté.
Pour le moment, j’aime à l’imaginer avec
Porthos, Athos et Aramis en route pour Calais.
Ils chevauchent ensemble, mais ne se parlent pas
durant de longs moments, puisqu’avec de vrais
amis on peut ainsi garder de longs silences sans
que cela soit gênant.
Ils avancent et ils savourent sans doute ce bonheur
d’être ensemble, de se connaître et de travailler
à une cause qui les dépasse et qui les unira sans
doute encore plus fort, qui fera d’eux de meilleurs
et de plus grands amis.
Ce n’est pas seulement par intérêt ou par plaisir
qu’ils sont amis et font ce qu’ils font : c’est parce
qu’ils sont des amis qu’ils font ensemble ce qu’ils
font.
…et tous pour un !
Normand Baillargeon
page 28 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
Les vrais
mousquetaires
ET LEURS ARMES…
Les mousquetaires d’Alexandre Dumas père ont une
telle vie, une telle présence que, pour la majorité
des lecteurs, il est bien difficile d’imaginer d’autres
mousquetaires que ceux-là. C’est Louis XIII qui,
en 1622, décida de donner des mousquets, arme
plus puissante que l’arquebuse, à sa compagnie de
chevaux-légers, chargée depuis Henri IV d’éclairer
en avant de la Cavalerie et de la Garde du Roi, avec
mission « en toutes circonstances, d’entamer le
combat par des escarmouches ».
Les mousquetaires sont recrutés uniquement parmi
les gentilshommes ayant déjà servi dans la Garde.
L’accès aux mousquetaires, corps d’élite et de
parade, proche du roi, représente une promotion.
Chaque mousquetaire doit se monter, s’habiller
et s’équiper à ses frais. Le roi ne fournissait que
le fusil et le mousquet ; les pistolets et les épées
devaient être achetés.
~ Mousquetaire en tenue de campagne avec
sa casaque.
Dès 1622, les mousquetaires, une centaine tout au
plus, sont à la disposition du roi. Ils se distingueront
d’abord dans les opérations de l’île de Ré, conduites
par le cardinal de Richelieu contre les huguenots en
1626. Si Dumas a avancé la date de naissance de
d’Artagnan, c’est pour lui permettre de participer
aux premières heures de gloire des mousquetaires.
~ Un mousquet est une arme à feu portative à canon long, crosse d’épaule et platine à mèche
ou à rouet. La longueur moyenne des canons était de 1,20 m et les balles pouvaient avoir un
calibre de plus de 20 mm Jacob de Gheyn, 1607.
.
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 29
DOSSIER
Ils furent engagés par la suite dans toutes les
grandes batailles où le cardinal de Richelieu
recherchait un succès rapide avec une petite troupe
très sûre, bien à lui et se donnant à fond. Mais, dès
la paix revenue, ces hardis batailleurs n’hésitaient
pas à se faire la main dans d’innombrables duels (ce
que le Cardinal ne pouvait admettre). Il s’ensuivit
maints incidents, rixes et assassinats.
Le cardinal Mazarin, qui succéda à Richelieu
comme ministre principal, n’apprécia pas davantage
et, voyant dans cette troupe d’élite un foyer de
dangereuses révoltes contre l’autorité publique,
il supprima finalement la compagnie en 1646.
Quand Louis XIV prit le pouvoir, il vit, au contraire,
dans le rétablissement de cette brillante unité, un
motif de gloire pour son jeune règne. En 1657, le
corps des mousquetaires fut reconstitué, suivi
d’une deuxième compagnie en 1663. L’effectif des
mousquetaires était au début de 150, puis de 250,
chacun ayant qualité d’officier bien qu’il fasse un
service de soldat.
ET LEURS HABITS…
À une époque où l’uniforme militaire n’existait pas
encore1, les mousquetaires faisaient grand cas de
leur tenue, un habit somptueux, symbole de leur
statut privilégié au sein de l’armée comme dans la
vie civile. Symbole aussi de leur appartenance à
un clan, le clan de ceux qui ont le droit de se faire
tuer les premiers au service du roi. La simple vue
d’un mousquetaire suffisait à inspirer le respect,
l’admiration mais aussi la terreur car ils étaient
assez chatouilleux et jouissaient d’une certaine
impunité. L’habit faisait donc le mousquetaire.
C’est pourquoi ils attachaient tant d’importance
à leur allure.
La casaque était une espèce d’uniforme avant la
lettre. C’était une sorte de manteau court formé
L’uniforme militaire date des années 1670 et donc de la deuxième partie
du règne de Louis XIV.
1
page 30 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
de deux panneaux, un devant et un derrière, avec
des manches ouvertes rejetées vers l’arrière. Une
croix d’argent à flamme d’or se détachait sur le
fond de velours bleu. À la guerre, l’étendard de la
première compagnie des Mousquetaires était de
satin blanc avec galons et franges d’or et d’argent,
entourant l’image brodée d’une citadelle avec la
devise : Quo ruit et lethum (Avec lui charge aussi
la mort). Charmant programme !
La casaque se portait par-dessus le pourpoint
mais n’était pas obligatoire à la ville. Le pourpoint
et les chausses se devaient d’être à la dernière
mode et aussi riches que possible.
Le pourpoint est à l’homme du XVIIe siècle ce que le
veston est à l’homme moderne. C’est un vêtement
€ Portrait de Claude Deruet
par Jacques Callot, 1630.
© Ian W. Fieggen
€ Trois ferrets différents. Cuivre, plastique, laiton.
rembourré porté par-dessus la chemise. Ceux des
riches sont en soie et ornés d’aiguillettes à ferrets.
Depuis le Moyen Âge, les hommes comme les
femmes, avaient l’habitude d’attacher les différentes
parties de leurs vêtements avec des cordons ou
des rubans nommés aiguillettes. Ces cordons
ressemblent un peu à nos lacets.
Les hommes suspendaient leurs chausses – leurs
culottes – à leur pourpoint par une douzaine
d’aiguillettes enfilées dans autant de paires d’œillets
faisant le tour de la taille. Les braguettes des
hommes étaient aussi fermées par des aiguillettes.
Pour pouvoir mieux les enfiler à travers les œillets,
les bouts se terminent par des pointes métalliques,
en or ou en argent, plus ou moins décorées : c’est
ce qu’on appelle les ferrets. Comme un lacet à
deux bouts, les ferrets vont toujours par paires.
Ces ferrets peuvent devenir aussi coûteux que
des bijoux, comme ceux de la reine qui sont ornés
de diamants.
Les femmes les utilisaient pour soutenir la jupe mais
aussi les manches qui ont toujours été séparées
du corsage, d’où l’expression : « C’est une autre
paire de manches ». Au XVIIe siècle on changeait
plus souvent de manches que de chemise. Les
ferrets d’Anne d’Autriche servaient probablement
à attacher les volumineuses manches de l’époque.
On aura compris que l’esbroufe vestimentaire faisait
aussi partie de la stratégie des mousquetaires : il
fallait en mettre plein la vue. La mode demandait la
taille haute et fine. Il fallait, à défaut de bretelles,
rattacher les chausses au pourpoint avec des
aiguillettes. Le pourpoint en forme de cuirasse
est souvent tailladé de crevés sur le devant. Il est
porté légèrement ouvert en un élégant débraillé.
Le bas des chausses se perdait dans les énormes
bottes à entonnoir. Ces bottes étaient portées
hautes pour chevaucher, mais à la ville on pouvait
les rabattre pour former une sorte d’entonnoir. Cela
donnait une fière allure mais posait problème en
cas de pluie. Il ne fallait pas oublier de vider l’eau
avant d’entrer chez une dame.
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 31
DOSSIER
Sur le pourpoint on arborait fièrement le rabat,
large col de lin bordé de dentelle et tombant sur les
épaules. Cette pièce de linge coûtait fort cher car
il fallait la faire blanchir et amidonner. La chemise
était souvent noire de crasse sous le pourpoint
mais le col devait être immaculé.
La mode était au chapeau de castor à la
mousquetaire : larges rebords gondolant de façon
pittoresque et cavalière. Il était garni d’un panache
fait de longues plumes d’autruche, teintes et frisées
nommées pleureuses. Pour les mousquetaires, la
couleur des plumes variait avec les régiments. laissait pendre sur le côté une mèche plus longue
nommée cadenette. Les moustaches sont relevées
en coquilles et frisées au fer. Pour maintenir leur
forme la nuit, elles étaient pincées dans un petit
appareil nommé la bigotière.
Un mousquetaire, comme un gentilhomme, ne
saurait se passer de gants. Ne serait-ce que pour
le jeter à la figure de quelqu’un. Pour qu’un gant
soit parfait, la préparation de la peau devait se faire
en Espagne, la taille en France et la couture en
Angleterre. D’où peut-être les fréquents voyages
des mousquetaires en Angleterre ! Les gants étaient
toujours parfumés pour couvrir les fortes odeurs
naturelles dues au manque d’hygiène.
L’épée, longue et effilée comme la rapière, était
obligatoire, soutenue par le baudrier en cuir plus
ou moins richement décoré.
€ Épées pour le théâtre . J.Allen Suddeth,
Fight Directing for the Theatre.
~ Mousquetaire de la garde avec mousquet,
1660.
La chevelure se portait en désordre : longue et
ondulée. Elle était savamment travaillée pour
donner un aspect négligé et peu soigné. On
page 32 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
Sous Louis XIII, l’épée était
portée par un grand baudrier
sans le secours d’un ceinturon.
Le baudrier était une large
courroie en cuir portée sur
l’épaule droite, traversant
la poitrine en oblique pour
soutenir l’épée et son fourreau
à gauche. Ce qui permettait de
sortir rapidement l’épée avec
la main droite pour trucider
son adversaire avec toute
l’élégance voulue.
Les mousquetaires portaient
tous des baudriers. Celui de
Porthos était richement brodé
d’or. Mais comme il n’avait pas
les moyens de sa coquetterie,
seul le devant était luxueux,
le dos étant en vulgaire peau
de buffle.
Le manteau complétait la tenue.
Ce terme désigna longtemps
ce que nous appellerions une
cape. Le manteau à la Louis
XIII n’a donc pas de manches
~ Le ballet de la Merlaison par Maurice Leloir
et permet de s’envelopper et
même de se cacher le visage. Il était porté de cent d’Artagnan peut confondre celui d’une femme avec
manières différentes, mais le plus souvent suspendu celui d’Aramis. La batiste est une étoffe de lin très
à la Balagny, c’est-à-dire sur une seule épaule. Il fine et donc assez chère.
servait de manteau de pluie, de cache-poussière
et aussi de cache-misère. En campagne, il servait Dumas s’y connaissait en mouchoirs puisque le
de nappe ou d’oreiller. Au combat, enroulé sur le jour du triomphe de sa pièce Henri III, il suait à
bras gauche, il servait à parer les coups d’épée grosses gouttes et était tellement nerveux qu’il
de l’adversaire. On ne se protège jamais assez.
réduisit en charpie le fin mouchoir de sa maîtresse !
Le mouchoir en batiste d’Aramis
Les hommes portaient des mouchoirs aussi
raffinés et élégants que les femmes. C’est pourquoi
Hélène Beauchamp2
Ce texte s’inspire de celui de Véronique Borboën, Cahier 44, automne
2001.
2
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 33
DOSSIER
€ Duel à l’épée par Jacques Callot, 1617.
Le combat dramatique
au théâtre
LE THÉÂTRE HÉROÏQUE
Les Trois Mousquetaires ! Un cadeau pour un
concepteur de cascades spécialisé en escrime
ancienne. Dans son livre Le Théâtre héroïque, Gabriel
Letainturier-Fradin, historien, écrivain, maître
d’armes et fervent de théâtre, s’exprime ainsi :
Quels terribles pourfendeurs que ces beaux
et vaillants mousquetaires qui ne mettaient
rien au-dessus de l’honneur. Aussi, tandis que
le romantisme de Dumas enthousiasmait les
nombreux spectateurs accourus pour avoir
la merveilleuse illusion de ces passionnantes
épopées, et que les acteurs de l’époque
étaient remplis de la foi et de l’ardeur de leurs
créations, c’est là que la science du maître
d’armes devait se signaler. Il devait régler
page 34 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
avec art et avec soin la mise en scène de
ces combats formidables et rapides comme
la foudre1.
Le romantisme héroïque d’Alexandre Dumas,
intéresse toujours. Cette fiction a quelque chose
d’enivrant quand elle vient chercher cette part
de l’aventurier en nous. Et quelle qu’en soit
l’adaptation, les cascades et les combats font
toujours partie de l’aventure. Les mousquetaires,
mystifiés par Alexandre Dumas, sont devenus des
héros populaires. Sauveurs de la veuve et de
l’orphelin et justiciers bien avant les Marvels2, ils
se battent toujours sous la bannière d’un code
d’honneur. Ces codes d’honneur qui tracent une
ligne entre le bien et le mal existent depuis des
Flammarion, Paris, 1914.
Personnages de l’univers Marvel, super-héros et super-vilains, qui sont
dotés de super-pouvoirs, et qui se combattent dans une lutte sans fin.
1
2
temps immémoriaux. On peut remonter plus de
2000 ans en arrière, dans la Babylone antique,
pour trouver des codes de conduite sur le droit
de la guerre et le comportement lors de combats,
rappelant aux adversaires qu’il faut limiter les actes
immoraux mis en œuvre par des belligérants.
LA SCIENCE DES ARMES
À la fin du XVIe, début du XVIIe siècle, la science des
armes connaissait une grande effervescence. La
fabrication des épées était en pleine transition et la
rapière, qui avait fait son apparition à la fin du XVe
siècle, était maintenant présente partout en Europe.
En 1567, Charles IX donne son approbation pour
la création de l’Académie d’escrime de Paris qui
deviendra sous Louis XIII l’Académie des maîtres
en fait d’armes de France. Les Rois reconnaissaient
ainsi le métier de maître d’armes et donnait à
l’Académie le pouvoir d’accréditation. À l’époque
de Louis XIII et de ses mousquetaires, la pratique
de l’escrime avait acquis ses lettres de noblesse et
était considérée comme essentielle à l’éducation
du gentilhomme, et même chez les moins nobles.
Dumas n’avait pas tort quand il faisait dire au père
de d’Artagnan :
Vous êtes jeune, vous devez être brave par
deux raisons : la première, c’est que vous
êtes Gascon, et la seconde, c’est que vous
êtes mon fils. Ne craignez pas les occasions
et cherchez les aventures. Je vous ai fait
apprendre à manier l’épée ; vous avez un jarret
de fer, un poignet d’acier ; battez-vous à tous
propos ; battez-vous, d’autant plus que les
duels sont défendus et que par conséquent,
il y a deux fois du courage à se battre 3.
http://fr.wikisource.org/wiki/Les_Trois_Mousquetaires/Texte_entier.
Chapitre premier « Les trois présents de M. d’Artagnan père ».
3
€ Girard Thibault. Académie de l’Espee, 1628.
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 35
DOSSIER
Académie de l’Espée de Girard Thibault d’Anvers où se
démontrent par Règles mathématiques sur le fondement
d’un Cercle mystérieux la Théorie et Pratique des vrais
et jusqu’à présent inconnus secrets du maniement
des armes à pied et à cheval. M.DC.XXVIII. (1628)
Jerònimo de Carranza et son disciple Pacheco
de Narvaez, maîtres d’armes espagnols qui
furent les professeurs de Girard Thibault, sont
les instigateurs du cercle mystérieux et de
cette application de calculs géométriques
dans l’analyse des déplacements. Cette
application des sciences à l’art de l’escrime avait
également fait l’objet du Traité sur la science des armes
(Trattato di Scienza d’Arme, 1553) du maître d’armes
Italien Camillo Agrippa (décédé en 1595).
Connaître le maniement des armes était une
question de survie même pour ceux qui ne se
destinaient pas à une carrière de soldat, car tout
était prétexte au duel sous le règne de Louis XIII,
au point où le roi dut multiplier les édits interdisant
le duel en menaçant les combattants de sanctions
de plus en plus fortes. Mais nous sommes à la
fin de la Renaissance et les guerres de religion
et autres conflits pour des parcelles de royaume
dominent la vie quotidienne. La formation de soldats
est essentielle à la survie des royaumes et les
maîtres d’armes se multiplient. Les techniques se
perfectionnent dans leur efficacité meurtrière. La
rapière avait également ses compagnes : la dague,
la targe et la cape pour participer à un système
défensif et offensif efficace. L’art du combat à l’épée
était considéré comme une science et plusieurs
publications cherchèrent à démontrer la complexité
du savoir que demandait la pratique des armes.
L’adaptation pour la scène du roman de Dumas
par Frédéric Bélanger est dans le genre de la
comédie héroïque. Les combats y sont nombreux
et m’obligent, en tant que concepteur, à autant de
page 36 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
questionnements sur les choix dramatiques que sur
les techniques, les armes, le style, les gestes et les
déplacements à utiliser dans mes chorégraphies.
Cette production sera ma quatrième occasion de
travailler sur Les Trois Mousquetaires, et l’impression
du défi à relever est toujours présente. C’est toujours
un plaisir de réinventer et de concevoir de nouvelles
chorégraphies. Il faut comprendre également dès le
départ que la « science du maître d’armes » dont
parlait Letainturier-Fradin a connu une évolution
fulgurante dans les derniers quarante ans, évolution
à laquelle je suis fier d’avoir participé en innovant sur
des façons de créer certaines illusions de combat, en
introduisant en 1994 l’usage de la canne de combat
dans des spectacles et l’utilisation de principes
de biomécanique pour l’entraînement de l’acteur.
Le maître d’armes d’escrime a fait place à un
spécialiste en combat dramatique pour les arts
de la scène et de l’écran, dont la connaissance
touche autant à diverses disciplines d’escrime
ancienne, de techniques en arts martiaux qu’à une
connaissance du jeu physique et des principes de
chorégraphie impliquant le corps dans l’espace.
LE CONCEPTEUR DE COMBATS
J’aime dire que je suis un spécialiste en arts de
combat dramatique. Ce terme fut adopté par de
nombreux praticiens en chorégraphie de combat
dans l’ensemble de la communauté artistique
internationale vers la fin des années 1990.
Le combat dramatique, c’est l’art de raconter
par des phrases de combat chorégraphiées
et sécuritaires, une scène où la situation
conflictuelle mène à des actes de violence. Un
personnage ne s’arrête pas d’exister pour se
battre ; c’est son histoire qui se raconte avec
tous les enjeux humains qui s’y rattachent. Tous
les gestes et déplacements que je place dans
une phrase de combat, toutes les positions
et attitudes corporelles, y compris la distance
entre les adversaires, les moments d’immobilité,
les regards, contribuent à la compréhension
de l’histoire. Il est également plus important
de servir l’effet dramatique que de rester
strictement fidèle à une école de pensée ou à
une technique martiale. Mais attention : l’acteur
qui joue l’action physique d’un personnage dans
une scène de combat ne fait pas semblant de
se battre. Il doit s’investir dans la situation et
y être autant absorbé que s’il était impliqué
dans un vrai combat.
J’étudie les diverses formes d’art de combat
ou d’arts martiaux pour transposer certaines
techniques à la scène ou au cinéma. Je suis en
quelque sorte un vulgarisateur qui va décortiquer
une action physique complexe pour aider l’acteur
à la comprendre, l’intégrer et l’exécuter. Je puise
mes sources dans divers systèmes d’attaque ou de
défense en les adaptant à la situation dramatique et
j’offre ensuite aux acteurs un découpage précis de
chaque action physique pour permettre un travail
synchronisé et sécuritaire avec le partenaire.
Comme nous n’avons pas le temps, en répétition,
de nous attarder à une formation sur chaque
technique utilisée, il faut également que mon
langage soit compréhensible pour tous. Si je fais
exécuter une projection de judo et que je dis à
un non initié : « Il faut déséquilibrer Uke dès le
Taisabaki-Kuzushi lors d’un Tsuri-Komi-Goshi »,
je ne pense pas que j’obtiendrai le résultat désiré !
Par contre, si je décortique chaque action lors de
la démonstration et que j’utilise un langage plus
quotidien de pousser/tirer et de principe d’équilibre,
j’arrive plus rapidement à faire comprendre l’effet
recherché. Bien entendu, je présume alors du fait
que l’acteur a de bonnes capacités physiques et
que son pouvoir de mimétisme est acquis.
Contrôle / Abandon
Une scène de combat n’est pas qu’une didascalie,
c’est la suite logique de la situation et des actions
dans lesquelles les personnages sont impliqués,
physiquement et moralement, tel que proposé par
l’auteur. Cela représente souvent une catharsis
pour le protagoniste. La performance d’une scène
de combat dramatique fait appel à la qualité de la
synergie dans deux domaines : le domaine de la
technique et celui de l’expressif.
La part de contrôle que doit posséder l’acteur/
l’actrice qui doit exécuter des mouvements de combat
repose sur les règles à connaître pour s’assurer
de la sécurité de tous, surtout lors d’une scène
comportant des risques physiques. Le travail en
est un de conscience corporelle pour acquérir les
gestes moteurs précis.
L’apprentissage de techniques physiques spécifiques
à la gestuelle de combat fait appel à la souplesse,
à la dextérité, la coordination, la concentration et
la capacité anaérobique des participants/tes. Le
travail avec partenaire en opposition implique la
conscience de soi et des autres dans l’espace. Il
faut aussi tenir compte de la respiration et du souffle
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 37
DOSSIER
La biomécanique a pour but d’étudier
et d’analyser les mouvements du
corps humain et son interaction
avec le milieu dans lequel il évolue.
Le corps humain est un système
articulé dont les muscles sont les
moteurs internes qui permettent
le mouvement. Cette structure est
dirigée hiérarchiquement par le
cerveau et le système nerveux. Si un
acteur doit porter un autre acteur sur
son dos, comment la charge est-elle
répartie dans le corps ? Est-il bien
enligné ? Utilise-t-il bien ses chaînes
musculaires ?
dans la relation entre le texte et le geste agressif
ou violent.
La part d’abandon est celle que doit posséder
l’acteur/l’actrice pour permettre la spontanéité du
moment. La pensée sous-jacente aux gestes se
nourrit de pulsions émotives pour trouver la juste
impulsion physique et permettre un juste découpage
du moment dramatique avec ses découvertes et ses
décisions, les choix et les stratégies du personnage.
Équilibre
Lors de situations exigeant un jeu physique et
impliquant des risques, il ne faut pas laisser nos
pulsions inconscientes agir sur nos impulsions. Il
faut que notre attention (focus) - donc les émotions
et les intentions que l’on prête au personnage
ainsi que les gestes qui en découlent pour servir
situations et circonstances - se concentrent ou se
canalisent à travers une même impulsion qui lance
son ordre d’action à l’organisation psychomotrice
globale, c’est-à-dire le schéma corporel. Le schéma
corporel fait appel à « tous les mécanismes et
page 38 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
processus, aux niveaux moteur, tonique, perceptif
et sensoriel, expressif (verbal et extra-verbal),
processus dans et par lesquels le niveau affectif
est constamment investi »4.
Je pourrais résumer en disant qu’au théâtre,
comparativement au cinéma, l’acteur travaille sans
filet. Il doit apprendre l’ensemble de la chorégraphie
du combat et doit la performer du début à la fin, à
chaque représentation, sans se faire remplacer par
un cascadeur ni obtenir de retouche au montage.
La chorégraphie est également construite pour la
scène : comme il n’y a pas de caméra pour faire
des focus et permettre un découpage de l’action,
c’est la chorégraphie qui raconte l’histoire et qui,
par son découpage des actions physiques, crée
des focus précis en jouant avec les rythmes, la
mobilité et l’immobilité.
Mesure
En escrime le mot « mesure » exprime la distance
qui sépare deux escrimeurs. Être en mesure, c’est
Voir Jean-Claude Coste, Les 50 mots-clés de la psychomotricité, éditions
Privat, 1976.
4
savoir maintenir la bonne distance autant pour
les actions offensives que défensives. C’est
aussi avoir du jugement, savoir allier prudence
et témérité. L’escrimeur doit avoir de l’instinct,
car la vitesse de réaction est primordiale pour
savoir utiliser les opportunités, mais il doit
également être patient et raisonné pour pouvoir,
au bon moment, bloquer l’attaquant. Cette
« mesure », en combat dramatique, devient une
règle de sécurité avec laquelle travaillent les
partenaires en opposition que sont les acteurs.
La sécurité est d’ailleurs la première règle en art
de combat dramatique : c’est ce qui régit tous
mes choix. Je dois prévoir l’imprévisible. C’est
pourquoi, dans mon processus, je m’attarde
à toutes sortes de détails sur la qualité de
l’alignement, de l’équilibre, sur la précision
des gestes, etc.
€ L’utilisation de la rapière au théâtre.
J. Allen Suddeth, Fight Directing for the
Theatre.
Il est évident que je dois travailler selon les
capacités de l’acteur. Mais ce n’est pas parce
que l’acteur ne connaît pas les techniques
de combat que je dois me limiter à des
mouvements simples. Il faut que je pousse
les acteurs à acquérir rapidement une
compréhension physique précise des gestes
et attitudes à intégrer, des déplacements
assurant la distance désirée et de la façon
de se connecter à la cadence et aux divers
rythmes des actions.
Temps
L’importance du temps dans mon travail se
retrouve sous divers aspects. Premièrement
il me faut le sens de l’à-propos, expression
qui dans les sports de combat veut dire : avoir
la capacité d’agir ou de réagir au moment
opportun. On utilise aussi l’expression
anglaise « avoir du timing ». C’est un aspect
du jeu qui demande plusieurs heures de
répétition. On sait que le sportif prend
des années pour développer cet instinct
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 39
DOSSIER
qui lui permet de faire des choix de
stratégie en une fraction de seconde et
d’utiliser les moments opportuns selon
les circonstances. Il ne s’agit donc pas
seulement d’essayer de reproduire des
gestes et d’en montrer la rythmique,
il me faut aider l’acteur à comprendre
l’impulsion.
Deuxièmement, il y a le temps
d’apprentissage des chorégraphies.
L’acteur et moi n’avons pas le loisir de
travailler de nombreuses heures pour
assimiler les chorégraphies. Le temps
est compté et je dois être méthodique
et judicieux dans la façon de l’utiliser.
La période la plus difficile est celle de
la mise en place des combats, quand
l’acteur s’initie aux mouvements. Je
dois alors m’adapter à chacun tout
en cherchant à servir la situation
dramatique et les attentes du metteur
en scène et en tenant compte des
contraintes d’espace et de costumes.
Il y a très peu de place pour des essais € Marcher avec le mousquet dans la main,
Jacob de Gheyn, 1607.
et des erreurs.
Il faut aussi que je tienne compte de la condition
physique de l’acteur ou de l’actrice, de son âge et
de son expérience en combat dramatique, de sa
capacité à mémoriser les mouvements. Et ce qui
est difficile à ce stade, c’est que les mouvements
sont encore imprécis et lents, et que je suis un des
seuls à ce moment-là à pouvoir imaginer ce que
cela donnera. Le rythme d’apprentissage de chacun
varie de très lent à rapide. Et attention ! Rapide
ne veut pas dire meilleur, car parfois un acteur
peut mémoriser rapidement un dessin brouillon
des mouvements et avoir ensuite beaucoup de
difficulté à corriger des mouvements mal assimilés.
Je dois donc me demander si j’ose offrir des actions
physiques plus complexes sachant qu’il est difficile
de les modifier plus tard. J’essaie de choisir des
page 40 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
actions que l’acteur aura la capacité d’intégrer et
surtout de performer pour le public.
Sécurité
Malgré l’existence millénaire des arts de combat,
l’organisation d’un système codifié sécuritaire
universel pour le théâtre n’existe que depuis
peu. Les arts de combat dramatique ont vu le
jour principalement et prioritairement par souci
de sécurité. Il n’y avait pas, avant 1969, d’approche
commune. Dans les écoles de théâtre la formation
se résumait aux cours d’escrime donnés par un
maître d’armes, et quand il y avait des combats
sur scène, chacun y allait de sa propre technique.
Il va sans dire que les accidents étaient nombreux.
Le célèbre acteur britannique Laurence Olivier en
donne le témoignage dans sa préface au livre de
William Hobbs Techniques of the Stage Fight 5 où
l’auteur propose un système organisé et sécuritaire
pour les chorégraphies de combat à l’escrime.
de cet art en ont poussé plus loin les capacités
expressives et l’apport à la formation.
Mais c’est Henry Marshall qui changea le cours de
l’histoire en proposant la fondation de la Society
of British Fight Directors (S.B.F.D.)6. La S.B.F.D.
implanta un nouveau système commun de formation
avec un test final qui certifiait la compétence de
l’acteur à exécuter une scène de combat. Toutes les
autres écoles d’Angleterre ont rapidement emboîté
le pas. Puis les écoles américaines ont suivi, en
commençant par The Julliard School (New York) et
puis l’École nationale de théâtre du Canada, section
anglaise, grâce à Paddy Crean, acteur britannique,
dont l’influence sur le combat de scène moderne
a été marquante. Rapidement ces principes de
sécurité furent appliqués dans les théâtres et au
cinéma dans la communauté anglaise et se sont
ensuite propagés lentement à l’échelle de la planète.
Les artistes impliqués dans le perfectionnement
Je ne me destinais pas vers les cascades. Diplômé
en 1979 de l’École nationale de théâtre du Canada
en interprétation, c’est en premier comme acteur
que je gagnais ma vie ; mais j’avais déjà à cette
époque une passion pour le jeu physique de l’acteur.
J’ai fait ma première chorégraphie professionnelle
en 1986 pour Rashomon que montait François
Barbeau. Comme j’avais une formation diversifiée
en arts martiaux, ayant pratiqué l’escrime, le judo
et l’aïkido, et qu’en 1986 je pratiquais également des
techniques d’épée et de sabre chinois, tout cela allié
à mon expérience de comédien, j’étais bien content
qu’on me propose cette nouvelle exploration dans
l’univers du jeu physique. L’expérience ayant donné
de bons résultats, François Barbeau m’a ensuite
référé à André Brassard pour un Richard III au
Théâtre du Rideau Vert. Ensuite, il y eu l’effet boule
de neige, un travail menant à un autre. Et ces deux
premières expériences m’ont poussé à rechercher
Studio Vista Limited en 1967.
Connue aujourd’hui sous le nom de British Academy of Stage and Screen
Combat.
5
6
LA DESTINÉE EST FAITE
DE CHOIX
€ Figures de mousqutaires
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 41
DOSSIER
quelles étaient les traditions en combat dans le
domaine spécifique du théâtre, d’abord auprès de
Robert Seale qui enseignait des techniques de
combat pour acteur à York University (Toronto).
C’est là que j’ai appris l’existence de la Society of
British Fight Directors et de la Society of American
Fight Directors, organismes auprès desquels j’ai
continué ma formation jusqu’au niveau de Fight
Director.
Jean-François Gagnon
© Mishastranger
€ Groupe de Mousquetaires. Sculpture : Ville de Condom, France.
page 42 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
Pour en savoir plus...
Sur Alexandre Dumas La vie de Dumas est elle-même un roman. Elle est
bien racontée dans le très richement illustré ouvrage
de Biet, C., Brighelli, J-P., et Rispail, J-L. : Alexandre
Dumas ou les aventures d’un romancier, Gallimard,
Collection Découvertes, Paris 1987.
Daniel Compère, D’Artagnan & Cie. Les Trois
mousquetaires, un roman à suivre, Encrage Édition,
2002.
Partant de l’étude du roman, Daniel Compère
montre la richesse d’une thématique où se
mêlent histoire et fiction, et d’où surgissent
des personnages hors du commun.
Jean Lacouture, Alexandre Dumas à la conquête de
Paris (1822-1831), Éditions Complexe, 2005.
« Vingt ans avant Les Trois Mousquetaires et Le
Comte de Monte-Cristo (…) Alexandre Dumas –
fort de sa jeunesse et de sa soif de vivre – entre
à Paris, la ville aux mille promesses. Prêt à
conquérir la capitale, ce petit-fils d’une esclave
noire, fils d’un général brutalement disgracié
par Napoléon, rêve de théâtre, de littérature,
de reconnaissance.
D’Aristote et sur lui Aristote n’est pas une lecture facile, mais il est un
des plus grands esprits qu’on puisse connaître et
vous ne regretterez jamais le temps passé en sa
compagnie. Ses réflexions sur l’amitié se trouvent
dans son Éthique à Nicomaque, Livres VIII et IX.
Ivre d’histoire, romanesque en diable, avide de
savoir, travailleur acharné, amant fougueux, il se
jette à corps perdu dans l’écriture, dans l’amour,
dans la vie.
Pour préparer cette lecture, vous pouvez lire ma
brève présentation de la morale d’Aristote, dans :
Normand Baillargeon, Stéroïdes pour comprendre la
philosophie, Amerik Media, 2010, pp. 97-102.
Sept ans plus tard, il fait jouer sa pièce Henri III et
sa cour. C’est un triomphe ! Quelques mois avant
le Hernani de Hugo, la bataille romantique est
lancée. À moins de trente ans, le jeune provincial
est devenu la coqueluche du Tout-Paris. »
Et pourquoi pas découvrir Aristote par un roman et
faire connaissance avec son milieu, ses amis, son
épouse, sans oublier Alexandre le Grand, qui fut son
élève ? Je vous suggère pour cela, de A. Lyon, Le
juste milieu, Alto, 2011.
Simone Bertière, Dumas et les « Mousquetaires » :
histoire d’un chef-d’œuvre, Éditions de Fallois, Paris,
2009.
Sur la pratique des combats de scène
Dale Anthony. Girard, Actors on Guard. A Practical
Guide for the Use of Rapier and Dagger for Stage and
Screen, New York, Routledge, 1997.
Marie-Christine Natta, Le Temps des mousquetaires,
Éditions du Félin, 2004
Comment expliquer la consécration universelle
de ces quatre héros ? Qu’ont-ils de plus que
Lagardère ou Pardaillan ? Sont-ils plus vifs, plus
courageux, plus rusés ? Non. L’essaie de MarieChristine Natta tente d’apporter une réponse à
cette énigme.
Henri Troyat, Alexandre Dumas : Le cinquième
mousquetaire. Grasset 2005.
J. Allen Suddeth, Fight Directing for the Theatre,
Heinemann, Portsmouth, N.H. 1996.
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 43
DOSSIER
POUR ALLER PLUS LOIN...
Les personnages…
Dans son roman, Alexandre Dumas mélange
personnages réels et personnages fictifs. Préparer
des fiches biographiques et des portraits pour les
personnages qui sont tirés de l’histoire : le roi
Louis XIII, la reine Anne d’Autriche, le cardinal de
Richelieu, le duc de Buckingham. Faire de même
pour les personnages fictifs : D’Artagnan, Athos,
Aramis, Porthos, Monsieur de Tréville, Rochefort,
Planchet. Situer les personnages féminins et faitesen le portrait : Milady de Winter et Constance
Bonacieux.
Des actions nobles…
On dit que Athos, Aramis et Porthos « ferraillaient »
avant l’arrivée de d’Artagnan. Qu’est-ce que cela
signifie ? S’agit-il d’une critique ironique de leurs
actions ?
L’action…
L’action se situe entre 1625 et 1628. Est-ce que
ces années sont significatives dans l’histoire de
la France ? Que se passe-t-il ? Quelles sont les
guerres en cours ? Pouvez-vous trouver les endroits
où elles ont lieu ?
Dictons…
Selon un certain dicton, « l’habit ne fait pas le
moine ». Expliquer ce dicton.
Or d’Artagnan, à son arrivée à Paris, n’a pas l’habit
de mousquetaire, « mais j’ai l’âme » dit-il. Et il
ajoute : « Mon cœur est mousquetaire, je le sens
bien ».
Commenter ces rapports entre l’habit – les
apparences – et la véritable nature d’une personne.
Les expéditions…
Sur une carte de France, établir le tracé des
déplacements de d’Artagnan et de ceux de ses
amis. Imaginer comment ces trajets se réalisaient
à l’époque.
D’Artagnan passe de la France à l’Angleterre pour
aller récupérer les ferrets de la reine. Comment
fait-il la traversée de la Manche ? Et aujourd’hui :
comment ferait-il la même traversée ?
Les déplacements se font aussi dans la ville de
Paris. Sur une carte, identifier les différents endroits
où d’Artagnan se retrouve, soit pour ses duels,
soit pour voir les personnes qui lui sont chères.
Y situer la prison de la Bastille.
Quel est le bâtiment qui se trouve aujourd’hui Place
de la Bastille ?
page 44 / D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES
On dit aussi que d’Artagnan entraîne ses amis
dans des aventures « nobles ». À partir de la
connaissance du roman ou de la pièce, définir ce que
l’on entend par « nobles ». S’agirait-il d’aventures
où l’on se porte à la défense des plus faibles, des
plus démunis ? De celles et ceux qui sont menacés ?
Choisir une occasion où il serait bon d’adopter
pour soi et pour son groupe la devise :
« Un pour tous et tous pour un ! »
La langue parlée…
« - Le Gascon est plein d’idées, dit Porthos avec
admiration.
-J’aime beaucoup l’entendre parler, dit Athos, son
patois m’amuse. »
Est-ce que cela rappelle certains commentaires
sur le parler québécois ?
Situer la Gascogne, province de France, et l'associer
avec Gulliver, celui qui voyage au pays des géants.
Philosopher en poète…
Athos : « La vie est un chapelet de petites misères
que le philosophe égrène en riant. »
Philosopher sur l’amitié…
« … quatre hommes comme eux, quatre hommes
dévoués les uns aux autres depuis la bourse jusqu’à
la vie, quatre hommes se soutenant toujours, ne
reculant jamais, exécutant isolément ou ensemble
les résolutions prises en commun ; quatre bras
menaçant les quatre points cardinaux ou se tournant
vers un seul point… »
Philosopher avec Cyrano…
Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, pièce
écrite entre 1896 et 1897, s’inspire d’un personnage
réel ayant vécu de 1619 à 1655. Le personnage
de d’Artagnan y fait une apparition lors du duel
entre le vicomte de Valvert et Cyrano : « À la fin
de l’envoie, je touche ! »
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES / page 45
Salle Fred-Barry
Camus
L’Énigme
Noël
1933
page 46 / Salle fred-barry
©Catherine Gauthier
Une passion algérienne
L’ÉQUIPE ET LA COMPAGNIE
L’ÉNIGME CAMUS : UNE PASSION ALGÉRIENNE
Texte et mise en scène : Jean-Marie Papapietro
Une coproduction du Théâtre de Fortune en codiffusion
avec le Théâtre Denise-Pelletier
Salle Fred-Barry
Du 12 au 29 novembre 2014
Interprètes
Roch Aubert
Mohsen El Gharbi
Gaétan Nadeau
Christophe Rapin
Philippe Régnoux
Concepteurs
et collaborateurs artistiques
Décors et accessoires.................... Romain Fabre
Éclairages...........................................Martin Sirois
Vidéo et son..............................Sébastien Godron
Régie..........................Cynthia Bouchard-Gosselin
Graphisme.............................. Noémie Roy Lavoie
Administration ................................. Lise Lambert
LA COMPAGNIE
Le Théâtre de Fortune
Le Théâtre de Fortune, dirigé par JeanMarie Papapietro, s’est donné pour mandat
de produire et de présenter au public des
spectacles conçus à partir d’œuvres fortes de
la littérature universelle, quel qu’en soit le genre
ou la forme. Depuis sa fondation en 2001, la
compagnie a créé une quinzaine de spectacles.
à mal l’imaginaire, le théâtre nous apparaît comme
garant d’une parole vivante. C’est pourquoi nous
allons vers des textes capables de stimuler à la
fois la réflexion et l’imagination du spectateur,
de parler de ce qui peut vraiment faire bouger
les consciences à notre époque. Il ne s’agit pas
pour autant de renouer avec le théâtre politique
et « engagé » que nous jugeons trop réducteur
dans ses prémisses. Plutôt un théâtre de la parole
vivante, incarnée et révélée avec toute la puissance
de création que lui confère la présence active de
l’interprète. »
Le Théâtre de Fortune a créé Abel et Bela de
Robert Pinget à la Salle Fred-Barry du Théâtre
Denise-Pelletier en 2002, et y a présenté Premier
amour de Samuel Beckett en 2012.
http://theatredefortune.com/
« Nous considérons le théâtre comme un authentique
moyen de connaissance, un laboratoire où l’homme
apprend à se découvrir et à se reconnaître. C’est
aussi un lieu de respiration. Dans un monde de
machines, de spéculations et de médias qui mettent
L’ÉNIGME CAMUS : UNE PASSION ALGÉRIENNE / page 47
LA PIÈCE
Sous forme de théâtre-documentaire, Jean-Marie
Papapietro explore les dernières années d’Albert
Camus à travers son regard sur les troubles qui
agitent l’Algérie à partir de 1954. « J’ai mal à
l’Algérie, confie-t-il, comme d’autres ont mal aux
poumons. » Ses interventions publiques pour
trouver une solution au conflit donnent lieu, sur
la scène du théâtre, à un débat contradictoire
réunissant cinq intervenants.
Des comédiens et un metteur en scène répètent
une pièce. Elle n’est pas de Camus. C’est plutôt
Camus mis en pièce(s) ; car Camus est au cœur
du propos ; car les acteurs verseront, tout au long
de la pièce, des pièces à conviction au dossier
Camus ; car le public devra se faire une opinion sur
la position controversée de Camus par rapport à la
guerre d’Algérie, celle d’un enfant pauvre d’Alger,
petit Français d’Algérie devenu écrivain majeur et
penseur incontournable du XXe siècle, pour qui la
liberté est une valeur fondatrice.
Au début de la guerre d’indépendance de l’Algérie,
Camus rêvait d’une colonie réformée, d’une Algérie
réconciliée qui rende justice à tous ses habitants.
Utopie ? Position réactionnaire ? Solution pacifiste ?
multiformes. Aujourd’hui nous pensons qu’elle est
devenue plus audible et surtout qu’elle mérite de
l’être, car elle est en rupture avec les idéologies
totalitaires qui nous ont fait et continuent de nous
faire tant de mal.
ENTRETIEN AVEC
JEAN-MARIE PAPAPIETRO,
AUTEUR ET METTEUR EN
SCÈNE
Avant de s’installer au Québec en 1991, JeanMarie Papapietro a mené parallèlement, en
France et en Italie, une carrière de professeur
(théâtre et littérature), d’animateur dans différents
centres culturels et de metteur en scène. Avec
le Théâtre de Fortune qu’il a fondé en 2001, il
a déjà réalisé une quinzaine de productions.
« Voir une mise en scène de Jean-Marie
Papapietro, c’est aller plus loin que les
frontières des apparences et savoir accueillir
la parole et les vibrations intimes des êtres.
Les rendez-vous artistiques auxquels il nous
convie, depuis la fondation de sa compagnie,
sont authentiques, sensibles, puissants. »
(Brigitte Haentjens, Directrice du Centre
National des Arts à Ottawa)
La position de Camus sur l’Algérie a été complexe
parce que ses liens avec son pays natal étaient
La guerre d’Algérie ou Révolution algérienne (mais aussi guerre d’indépendance), est un conflit
qui se déroule de 1954 à 1962 en Algérie, colonie française depuis 1830, et dont l’aboutissement est
l’indépendance du pays le 5 juillet 1962 et l’exode de la population des Européens d’Algérie, dits
Pieds-Noirs. En tant que guerre d’indépendance et de décolonisation, elle oppose des nationalistes
algériens (FLN) à la France. Elle est à la fois un double conflit militaire et diplomatique et aussi
une double guerre civile, entre les communautés d’une part et à l’intérieur des communautés
d’autre part[.]
page 48 / L’ÉNIGME CAMUS : UNE PASSION ALGÉRIENNE
D’où est venu le désir d’écrire et de
monter cette pièce autour de Camus et de
l’Algérie ?
€ Jean-Marie Papapietro
© Théâtre de Fortune
Mon rapport à Camus remonte à très loin, à mon
adolescence. Je l’ai connu indirectement, dirait-on,
par mon père qui était dans la même classe que
lui, au lycée d’Alger. Et moi-même, j’ai été dans la
khâgne1 du même lycée ; on a même eu plusieurs
professeurs en commun, mais avec beaucoup
d’années d’écart, cependant.
Et puis, j’ai un souvenir de Camus sur le quai
du port d’Alger, avec sa gabardine, qui attendait
le bateau pour retourner en France. Il faisait
En argot scolaire français, il s’agit de la seconde année de classe
préparatoire au concours d’entrée à l’École normale supérieure (sections
littéraires).
1
€ La ville et le port d’Alger en 1921.
L’ÉNIGME CAMUS : UNE PASSION ALGÉRIENNE / page 49
souvent des allers-retours entre la France et
l’Algérie, car il avait sa famille encore à Alger.
Je ne situe pas exactement l’année, mais c’était
pendant la guerre d’Algérie, à une époque de
grandes tensions. Sur le quai, Camus avait l’air
soucieux, préoccupé. Et on sait qu’en 1956, il est
venu à Alger pour lancer son « Appel pour une trêve
civile » et en est reparti très déçu, démoralisé, avec
le sentiment d’avoir été utilisé, on dirait aujourd’hui
instrumentalisé. Je n’ai évidemment pas osé lui
parler, car j’étais trop intimidé.
Ainsi, vous aussi avez connu une enfance
algérienne.
Né à Alger, j’ai passé là-bas toute mon adolescence.
Je suis rentré en France avant la fin de la guerre
d’Algérie, en 1959 — à l’époque on ne disait
pas la France, mais la métropole. Mes grandsparents paternels ont décidé de rester en Algérie
indépendante, mais ils ont dû fuir, en 1965, car la vie
devenait intenable pour eux. Je n’ai pas vécu l’exode
des « pieds-noirs » [les Français d’Algérie] de 1962.
Et je n’en ai pas saisi l’ampleur ni la signification
tout de suite, car il y avait alors, en France, une
censure très forte sur ces questions : on n’était
pas vraiment au courant de tout ce qui se passait.
Aborder Camus sous l’angle de son rapport à
l’Algérie constitue donc un projet engageant.
Il me tient à cœur depuis longtemps, en effet. Au
moment où l’on a voulu faire entrer Camus au
Panthéon2, une idée du président Nicolas Sarkozy,
j’ai écrit un texte dans la revue de la Société des
Études Camusiennes pour dire qu’il était scandaleux
de vouloir récupérer Camus et qu’il fallait le laisser
dans son cimetière de Lourmarin, en Provence, à
l’abri de toute récupération politique. J’ai repensé,
alors, à ce que j’avais perçu de Camus quand je vivais
là-bas, à sa marginalisation durant les dernières
années de la guerre d’Algérie. Et peu après, en lisant
Monument parisien où sont inhumés plusieurs grands personnages ayant
marqué l’histoire de France.
2
page 50 / L’ÉNIGME CAMUS : UNE PASSION ALGÉRIENNE
ses carnets et Le Premier Homme3, j’ai compris sa
douleur : l’Algérie le rendait malade.
Quelle est cette énigme Camus à laquelle
réfère votre pièce ?
L’énigme Camus est celle-ci : pourquoi cet homme
qui s’est toujours réclamé de la gauche — « malgré
elle et malgré moi », disait-il — n’a-t-il pas souscrit à
l’indépendance de l’Algérie, en rupture avec Sartre
et Les Temps modernes4, comme avec ses amis
Jean Daniel et Jules Roy, comme lui nés en Algérie,
mais qui ont soutenu clairement la révolution
algérienne ?
Camus pensait dangereux de laisser au seul Front de
libération nationale (FLN)5 la direction de l’Algérie,
jugeant que c’était un parti totalitaire qui allait
écraser toutes les différences, détruire l’Algérie
plurielle qu’il avait connue avec des Kabyles, des
Arabes, des Juifs, des Français, des Italiens, des
Espagnols. Tout ce monde qui faisait l’Algérie d’avant
1962 a effectivement disparu avec le parti unique, la
religion unique et même la langue unique imposés
par le FLN. Les Kabyles ont dû se battre pour qu’on
reconnaisse leur langue, qui n’est pas l’arabe6.
Pourtant, Camus était très sensible à
l’injustice faite aux Arabes ou aux Kabyles
par le système colonial français…
Tout à fait. Mais Camus a toujours été un réformiste,
non un révolutionnaire. Il considérait qu’un régime
pouvait être réformé, et qu’il ne fallait pas tout
rompre. Il pensait qu’en Algérie, les choses
pouvaient évoluer, que la France pouvait et devait
Le Premier Homme, dont le manuscrit a été retrouvé dans la sacoche
de Camus, après sa mort, raconte son enfance dans un quartier pauvre
d’Alger.
4
Fondée par Jean-Paul Sartre, cette revue prend des positions
anticolonialistes et appuie la lutte pour l’indépendance menée par le FLN.
5
Le Front de libération nationale mène la lutte pour l’indépendance de
l’Algérie. En 1962, les accords d’Évian conclus entre le FLN et la France,
mettent fin à la guerre.
6
La Kabylie, région du nord de l’Algérie, est peuplée de Berbères (ou
Kabyles) qui revendiquent toujours une reconnaissance de leur langue
et de leur culture, certains mouvements autonomistes prônant même
l’autodétermination régionale.
3
© United Press International
~ Albert Camus, 1957.
faire des réformes. Camus a été victime de ce
qu’on appelle le sens de l’histoire : dans la tête
de la plupart des gens, le combat du FLN était le
combat juste, le soutenir était juste et la position
opposée était injuste. L’histoire a été simplifiée.
À un moment de notre spectacle, on aborde une
nouvelle de Camus qui s’intitule L’Hôte et qui
parle d’un maître d’école — le double de Camus,
quoi — qui doit livrer à la police un prisonnier
arabe qu’on lui a demandé d’héberger pour la nuit.
Le lendemain, l’instituteur conduit l’homme à un
carrefour, le laissant libre de se rendre à la police
ou de choisir la liberté. Le prisonnier prend le
chemin de la prison. De retour dans sa classe, le
maître découvre au tableau noir ces mots : « Tu
as livré un des nôtres. Tu paieras ». On est en
pleine ambigüité.
Ce rêve de Camus d’un régime réformé,
d’une Algérie réconciliée « qui rende justice
en même temps aux deux communautés
d’Algérie » (Chroniques algériennes) n’estce pas une utopie ?
J’étais à Alger au moment du passage du
général De Gaule, en 1958, quand des femmes
musulmanes ont manifesté en enlevant et brulant
leurs voiles. Ce sont des signes qu’une évolution
était possible, que les choses auraient pu être
autrement. D’ailleurs, le départ des pieds-noirs
a été une catastrophe sur le plan de l’économie
L’ÉNIGME CAMUS : UNE PASSION ALGÉRIENNE / page 51
~ Alger, 5 juillet 1962, fin de la guerre d’Algérie.
et des infrastructures, laissant l’Algérie dans un
état lamentable, ce que les dirigeants algériens
ont rapidement constaté.
En fait, ce qui a rendu les choses pratiquement
irréalisables, c’est le déséquilibre démographique
et religieux : neuf millions de musulmans et un
peu plus d’un million de non-musulmans, juifs ou
chrétiens… Or, pour les nationalistes algériens,
la religion était ce qui distinguait absolument
les Algériens des autres, une facette identitaire
incontournable. Si les Européens voulaient rester en
Algérie, ils devaient tôt ou tard devenir musulmans.
page 52 / L’ÉNIGME CAMUS : UNE PASSION ALGÉRIENNE
Selon vous, la position de Camus
s’explique-t-elle surtout par sa philosophie
politique ou par son enracinement dans la
terre de son enfance ?
Les deux, je crois. Sur le plan éthique, c’est un
homme qui se méfie des idéologies qu’il considère
comme réductrices de l’être humain, qui est
complexe et multiple. Et surtout, pour lui, il faut
éviter toute forme de totalitarisme, lequel conduit
toujours à un rétrécissement des libertés. Camus
est un homme de liberté. Il voyait venir, avec le
FLN, le danger du totalitarisme et il n’a pas eu tort.
Au cours de la bataille d’Alger, en 1957, le FLN a
terrorisé la population en jetant des bombes un
peu partout au nom d’une cause qui se voulait
juste. Pour Camus, une cause juste est disqualifiée
par le terrorisme. Et Camus craignait que sa mère
soit un jour victime d’une bombe.
Sa mère fait partie de son attachement
pour l’Algérie.
Sa mère, qui est morte sept mois après lui, est
restée là-bas, car elle considérait que c’est là
qu’elle devait vivre. Dans Le Premier Homme, la
mère est presque sanctifiée. Elle est l’antithèse
vivante de l’idéologie, elle est entièrement dans
le concret. Elle est une sorte de réincarnation de
L’Étranger, complètement étrangère à toute cette
violence autour d’elle, elle ne prend pas parti. Elle
est un témoin.
À un moment dans votre pièce, un
personnage affirme : « Nous ne faisons que
livrer les pièces du dossier ». Un peu comme
dans un procès. Est-ce que cela décrit la
forme de votre pièce ?
On assiste à une répétition d’un spectacle sur
Camus et l’Algérie presque abouti, mais pas encore
terminé, avec la présence d’un metteur en scène
qui fournit quelques informations, qui assiste les
acteurs et les ramène au sujet quand ça s’égare.
Les comédiens discutent entre eux de cette pièce,
dialoguent parfois de manière assez forte et mettent
des pièces au dossier, avec des extraits d’œuvres
© Malik Mehni
€ Monument aux martyrs de la guerre d’Algérie–Makam El Chahid, Alger, 1982.
L’ÉNIGME CAMUS : UNE PASSION ALGÉRIENNE / page 53
de Camus. L’idée, c’est de rendre le public témoin
de ce drame qui isole de plus en plus Camus, de
lui faire comprendre la position de l’intellectuel
face à ce qui a tant fait souffrir l’homme.
Dans le même passage, un autre
personnage souligne le danger de créer une
pièce « un peu trop didactique ». Avez-vous
contourné ce piège ?
J’espère qu’on l’évitera. Cela dit, ce type de théâtre
fait le choix de fournir une matière à réflexion assez
consistante. On n’est pas dans le divertissement
tout le temps, il faut être attentif pour comprendre
les enjeux. Mais dans une langue accessible, tout
de même. On est dans un théâtre politique. Comme
dans la tragédie grecque, où le citoyen devait être
attentif aux discours antagonistes structurés et
argumentés des personnages et prendre parti.
Et j’ai l’impression que c’est dans l’air du temps,
qu’il y a un appétit pour le débat. Le théâtre peut se
permettre ce genre de polémiques. Et les questions
posées par notre pièce rejoignent l’actualité : le
terrorisme, les questions religieuses et les états
théocratiques, les chrétiens d’Irak chassés de leur
pays, le conflit israélo-palestinien, l’exode vers
l’Italie des Africains chassés de chez eux par la
misère ou les régimes autoritaires. Au Québec,
on est dans une société assez calme, mais tout
ça est à nos portes.
Qu’aimeriez-vous que les jeunes qui verront
la production retiennent de la pièce ?
Qu’ils comprennent que le nationalisme peut être la
pire des choses quand il devient exclusif, autoritaire,
intolérant. C’est la principale leçon de Camus.
Propos recueillis et mis en forme
par Anne-Marie Cousineau
Note : ce texte est conforme à la nouvelle orthographe.
page 54 / L’ÉNIGME CAMUS : UNE PASSION ALGÉRIENNE
L’ÉQUIPE ET LA COMPAGNIE
NOËL 1933
Idée originale : Chantal Grenier
Scénarisation : Dominique Grenier
Mise en scène : Jean Turcotte
Une production du Théâtre Exaltemps en codiffusion avec le Théâtre Denise-Pelletier
Salle Fred-Barry
Du 3 au 20 décembre 2014
Interprètes
Olivier Berthiaume................................ Gédéon
Jean-Sébastien Bonneau...................... Antoine
Tommy Chouinard.................................. Léopold
Chantal Grenier..........................................Rose
Dominique Grenier........................... Marguerite
David Leboeuf............................................ Aimé
Marie-Andrée Lemieux.......................Euphémie
Nathan LeLièvre........................................Émile
Marise Provencher...................................Yvette
Marie-Michèle Rivest......................... Madeleine
Catherine Savoie....................................Pauline
Concepteurs
et collaborateurs artistiques
Direction vocale ............................ David Leboeuf
Musique et environnement sonore.....................
...................................Jean-Christophe Verbert
Décors ................................ Dominique Grenier
Costumes ........................... Dominique Grenier
Éclairages . ............................. Maude Serrurier
Chorégraphies......................... Nathan LeLièvre
Accessoires.......................................................
................. Véronique Pilon, Dominique Grenier
Régie............................................. Maude Serrurier
Conception graphique.......... Catherine Gauthier
LA COMPAGNIE
Le Théâtre Exaltemps
Fondé en 2009, le Théâtre Exaltemps s’est donné
pour mandat de mettre de l’avant des parcelles
d’histoire, des événements, de grands personnages
voire même de tracer des portraits d’époque à
travers l’art théâtral. Au fil de leurs créations et de
leurs projets, les membres de la troupe – qui sont
majoritairement issus de la formation en théâtre
musical du Collège Lionel-Groulx – se sont tournés
vers la musique et la chanson qui portent l’émotion,
intime ou grandiose, et qui plongent le spectateur
dans une époque donnée avant même que le texte
ne prenne son envol dramatique. Des œuvres de
répertoire aux créations originales, la compagnie
visite des moments historiques qui ramènent les
spectateurs à leurs propres racines ou les font
voyager vers des lieux inconnus et fascinants.
Passionnés d’histoire, les artistes ont l’ambition
de lancer des pistes de réflexion et de soulever
un intérêt, à travers le théâtre, pour notre histoire
et celle de notre monde. Fondée en mai 2009, la
compagnie a déjà cinq spectacles à son actif : Noël
1933, le Cabaret Swing, le Cabaret fourre-tout, Peau
d’âne, la princesse sans nom et Un Noël Exaltemps.
Noël 1933 a été présenté une première fois à la
Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier en
décembre 2012.
http://www.theatreexaltemps.ca/
NOËL 1933 / page 55
Le spectacle
Montréal, le quartier Saint-Henri, 24 décembre
1933. La crise économique frappe durement. Une
poignée de Canadiens français se préparent à
réveillonner et c’est dans une ambiance festive
que Marguerite et Gédéon reçoivent la famille à
souper. Ailleurs, quatre orphelins se font jeter à
la rue, mais le charme des festivités opère et les
rencontres heureuses chassent les infortunes.
La solidarité des uns sauve les autres et un nouveau
nationalisme naît dans le cœur de ces Québécois
tournés vers l’avenir. La crise des années 1930
oblige ainsi à aborder les thèmes sombres de la
pauvreté, de la méfiance et du racisme. Or, Noël
1933 demeure avant tout un portrait lumineux de
la famille.
L’intégration simultanée de l’histoire et des
harmonies vocales au théâtre confère à la pièce
un caractère unique.
Information tirée du dossier de presse de la
compagnie Théâtre Exaltemps http://www.theatreexaltemps.ca/wp-content/
uploads/2012/03/NOEL1933_dp2012_br.pdf
© Maxime Tremblay
Originaire de Québec, Chantal Grenier est l’un des membres fondateurs du
Théâtre Exaltemps. La pièce Noël 1933 a émergé de ses idées et passions.
En 2009, elle a tenu le rôle de Marie dans le court métrage La Mort de Marie
de Jacob Larochelle. Le court métrage ROXXX du réalisateur Guillaume
Monette, pour lequel elle a prêté sa voix, a gagné le prix du jury du concours
américain Real Rock Tour 2010. Elle exerce aussi ses talents de chanteuse
au sein du Cabaret fourre-tout depuis mai 2011 et de la production Un Noël
Exaltemps en 2011. En 2012, elle signe Peau d’âne, la princesse sans nom,
un théâtre musical inspiré du conte de Charles Perrault au sein duquel
elle interprète le rôle de la Fée marraine. Chantal effectue avec bonheur
scénarisation et mise en scène auprès de différents organismes dont le Mouvement national des
Québécoises et Québecois, la Maison nationale des Patriotes et le Réseau ArtHist. Depuis avril 2013,
elle joint sa voix à Annick Lessard et Andrée Gibeau au sein du groupe jazz-swing Les Charlottes.
Elle tient le rôle de Rose dans la pièce Noël 1933 depuis sa création en 2009.
page 56 / NOËL 1933
Jean Turcotte termine sa formation en art dramatique à l’UQÀM en 1985.
Depuis on a pu le voir jouer dans près d’une quarantaine de productions
théâtrales et ce, sur presque toutes les scènes de théâtre montréalaises,
mais aussi en tournées québécoises, canadiennes et européennes. Il a joué
autant des textes de répertoire, que des créations contemporaines et des
adaptations littéraires pour la scène. Associé depuis ses débuts au travail
de recherche et de création du Groupe de la Veillée, il joue aussi avec
plusieurs autres compagnies de théâtre montréalaises. Depuis l’automne
2001, il enseigne aussi le jeu à l’Option Théâtre du Collège Lionel-Groulx.
© Michel Auclair
ENTRETIEN AVEC CHANTAL GRENIER, CONCEPTRICE
ET JEAN TURCOTTE, METTEUR EN SCÈNE
© Richard Hachem
Racontez-moi un peu la genèse de ce
spectacle…
Chantal Grenier – Notre compagnie a été fondée en
mai 2009 en ayant le mandat de combiner théâtre et
histoire, deux grandes passions de ma vie ! Notre
premier projet était de monter Berlin, ton danseur est
la mort d’Enzo Cormann, une pièce se déroulant en
Allemagne en 1932 et 1946. Nous avons donc réussi
à obtenir le Studio-théâtre de la Place des Arts
comme lieu de présentation. Mais une succession
d’événements a fait en sorte que ce projet n’était
pas encore prêt en août 2009. Nous avons alors
pris la décision de nous rabattre sur quelque
chose d’un peu moins complexe, mais toujours en
gardant un aspect historique à la création. Quelques
années auparavant, nous avions déjà monté un
spectacle très léger autour du thème de Noël, et
plusieurs arrangements de chansons du temps
des Fêtes étaient déjà réalisés. De plus, les dates
de présentation (soit en décembre) tombaient à
pic… Donc, nous sommes partis de cette première
mouture et très rapidement, nous avons écrit le
spectacle, trouvé la distribution et finalisé les
arrangements musicaux.
Cette idée de créer une pièce se situant au Québec
en 1933 revenait constamment dans nos réunions
et échanges. Le parallèle à faire entre une période
de crise économique, une période assez sombre
de notre histoire, et la période traditionnellement
festive de Noël produisait une sorte d’opposition
intéressante à exploiter. Ainsi est née la première
version du spectacle : Noël 1933, portrait d’une
époque en parlures et en chansons.
Bien sûr, cette première version n’était pas tout à
fait parfaite : certaines scènes étaient peut-être
un peu décousues, l’intégration des chansons de
Noël semblait parfois un peu maladroite, certains
personnages restaient à définir…
NOËL 1933 / page 57
Et vous avez procédé en 2010 à l’écriture
d’une nouvelle version ?
CG – En effet. Lors de la réécriture du spectacle, nous
nous sommes fixé trois objectifs. Premièrement, le
fil dramatique de la pièce devait être plus précis.
Deuxièmement, les onze personnages devaient
être clarifiés et plus approfondis. Et finalement,
les quatorze chansons choisies devaient bien
entendu soutenir ce même fil dramatique et aider à
individualiser les personnages… Tout ça en moins
d’une heure et demi de spectacle !
N’était-ce pas périlleux de demander aux
comédiens de chanter a cappella toutes les
chansons du spectacle ?
CG – Chanter a cappella, c’est un créneau que
nous aimons beaucoup. Nous adorons le style
barbershop, les arrangements vocaux, les chorales…
En tant qu’interprète, nous considérons comme
assez unique l’expérience du chant a cappella
en chœur de Noël 1933. Il est rare qu’on nous
demande ce type de performance dans un spectacle
théâtral. Personnellement, rien ne me fait plus
frissonner que de chanter ma partie et d’entendre
soudainement l’effet d’ensemble de toutes les
autres voix combinées…Je ne deviens ainsi qu’un
instrument dans toute cette formation musicale
complexe. C’est merveilleux !
© Richard Hachem
En faisant le choix d’une distribution d’une dizaine
de personnes, ça va un peu dans ce sens-là, dans
cet esprit choral du spectacle. Avec une distribution
plus restreinte, il est évident que le spectacle
deviendrait plus abordable, plus facile à vendre,
plus facile à faire tourner, mais les harmonies ne
seraient pas aussi riches.
page 58 / NOËL 1933
Jean Turcotte – De plus, dans toutes ces
harmonisations vocales, il y a comme une sorte
de « monde idéal », celui de toutes ces différences
vocales qui réussissent, le temps d’une chanson, à
CG – Oui. Dès le début, nous voulions concevoir
une scénographie assez sobre, mais avec l’arrivée
de Jean à la mise en scène en 2010, nous avons
davantage assumé ce choix.
CG – Le chant a cappella nous permet aussi une
plus grande solidarité entre comédiens sur scène.
Nous sommes toujours en groupe, vocalement
prêts à nous supporter les uns les autres.
JT – En effet, tout est très dépouillé pour être en
résonance avec ce qui se passe dans le spectacle.
Mais je dois avouer que cela est aussi en lien avec
mes premières amours du théâtre. Parfois, les
scénographies trop réalistes me lèvent le cœur… et
m’enlèvent bien du plaisir en tant que spectateur.
Cela ne veut pas dire que je n’aime pas aussi le
spectaculaire, mais n’oublions pas que le pouvoir
du théâtre, c’est le pouvoir de l’évocation.
La scénographie du spectacle est très
dépouillée. Est-ce voulu pour rejoindre les
thèmes de la pauvreté et de la privation
présents dans la pièce ?
© Richard Hachem
se rencontrer, à s’assortir et à s’enrichir dans cette
communauté sonore. À travers les interprétations
a cappella, il se produit là un effet fabuleux et très
prenant.
NOËL 1933 / page 59
© Richard Hachem
En allant bien souvent dans le « rien », il y a quelque
chose de spectaculaire qui peut se produire. La
théâtralité est alors affirmée, laissant toute la place
aux acteurs.
CG – À la blague, nous avons presque pensé intituler
ce spectacle « Huit caisses et onze comédiens » !
Plus sérieusement, nous nous sommes dit que
le texte et les costumes étaient suffisamment
réalistes… nul besoin alors d’en ajouter avec des
effets scénographiques pouvant nous éloigner du
propos dramatique.
Chantal, en 2010, vous proposez à Jean
Turcotte de se joindre au projet en tant que
metteur en scène. Pourquoi aller chercher
quelqu’un de l’extérieur pour un spectacle
qui avait déjà été créé un an auparavant ?
page 60 / NOËL 1933
CG – Parmi les idéateurs initiaux du projet,
Dominique Grenier, ma sœur jumelle, conseillée
par Anne-Marie Olivier, a procédé à la réécriture
du texte. David Leboeuf a quant à lui pris en charge
la partie musicale et moi, la mise en scène. Tout
à coup, je me rendais compte que jouer dans un
spectacle, chanter dans un spectacle et le produire
tout en en faisant la mise en scène… tout cela
commençait à peser beaucoup sur mes épaules.
Je crois aussi qu’à ce moment charnière de
l’évolution du projet, il nous fallait une personne
de l’extérieur qui pourrait nous guider, et qui aurait
aussi cette facilité à diriger des acteurs.
J’avais vu Jean Turcotte jouer dans le spectacle
L’Amour incurable à l’Espace Libre et je suis tombée
amoureuse de lui ! Sans le connaître, en le voyant
sur scène, je me suis dit que c’était exactement
le style de jeu que je voulais pour Noël 1933. Y
allant avec mon instinct, j’ai pris alors le pari qu’il
pouvait nous amener à ce style de jeu.
très bien passé. La réception a été superbe. Cela
nous a confirmé que nous avions un spectacle
gravitant bien sûr autour du thème de Noël, mais,
comme l’a dit Jean, sans être « sur » Noël.
JT – Quand Chantal m’a appelé pour me confier la
mise en scène, je n’en revenais tout simplement pas.
Qu’elle ait pensé à moi de cette façon particulière
m’a vraiment touché… Je me disais que cette fille-là
avait des intuitions qu’elle n’hésitait pas à suivre.
Cette façon de travailler me plaisait et m’interpellait
beaucoup.
Faire une mise en scène quand vous n’êtes
pas de l’équipe originale de création, est-ce
difficile ?
J’ai de surcroît une fascination personnelle pour
l’Histoire, ayant étudié pendant deux années
dans un programme d’histoire à l’Université de
Montréal. Le fait que cette pièce se déroule dans
un milieu ouvrier en pleine crise économique et
que le spectacle comporte tout ce côté folklorique
avec des chansons a fini par me convaincre. Voilà
en somme pourquoi j’ai accepté cette audacieuse
proposition.
JT – Pour avoir eu le pur bonheur de travailler
avec la metteure en scène Brigitte Haentjens,
je me disais bien souvent qu’elle a cette force
d’avoir l’air de ne rien diriger. Mais elle fait des
choix de départ les plus justes qui soient. Je me
disais que si un jour je faisais moi aussi de la
mise en scène, je me rappellerais cette leçon de
Brigitte. Quand Chantal m’a approché, c’était tout
le contraire, tous les choix importants étaient déjà
faits… j’ai alors pensé aux alpinistes qui disent
« écouter la roche » pour trouver le passage, le
chemin de leur ascension. J’avais alors envie, et
je m'en sentais capable, de m’amuser avec ça en
Et le côté magique de Noël vous a peut-être
aussi séduit…
JT – Étrangement, non ! Contrairement à Chantal,
je ne suis pas vraiment un fervent de Noël. Quand
j’étais jeune, j’avais des éruptions de boutons quatre
mois avant que le temps des Fêtes commence…
Je détestais malheureusement Noël à m’en
confesser. Bon, ne vous inquiétez pas, j’ai réussi à
me réconcilier avec cette fête au cours des années.
© Richard Hachem
Mais il faut noter qu’il ne s’agit pas tout à fait d’un
spectacle uniquement « sur » Noël, mais plutôt sur
l’époque, sur la crise économique. En fait, Noël
est un prétexte dans cette pièce.
CG – L’an dernier, nous avons présenté la pièce le
15 janvier à Terrebonne et nous nous demandions
alors comment elle serait reçue. Le public était-il
déjà las d’entendre parler de Noël ? Et tout s’est
NOËL 1933 / page 61
plus d’avoir une grande confiance en Chantal et
en toute la distribution.
Est-ce que cette version du spectacle que
vous allez présenter à la Salle Fred-Barry
en 2012 est différente de celle que vous
avez présentée auparavant ?
CG – C’est sensiblement la même que celle
que nous avons présentée depuis 2010. Il y a eu
plusieurs arrangements musicaux faits par David
Leboeuf. En fait, douze chansons sur quatorze
sont arrangées originalement par David. Seules
les chansons « Le Cantique des cloches » et « Les
Douze Jours de Noël » n’ont pas été réarrangées.
page 62 / NOËL 1933
Ce qui est agréable à Fred-Barry, c’est que nous
adorons ce genre de salle, car c’est très intime.
Il y a une grande proximité avec le public. Nous
serons aussi contents d’initier ou de rafraîchir la
mémoire par rapport à l’histoire du Québec sans
prétention pédagogique. Nous voulons ainsi allumer
l’intérêt du public sur cette partie de notre histoire.
Vous souvenez-vous de Camilien Houde ? Et qui
était Louis-Alexandre Taschereau ? Y avait-il de
l’antisémitisme à cette époque au Québec ? Voilà
le genre de questionnements que le spectateur
pourra se poser au cours de la représentation…
Propos recueillis et mis en forme
par Étienne Liblanc.
L’ÉQUIPE DU THÉÂTRE DENISE-PELLETIER
Directeur général
Directeur artistique Directrice administrative
Directeur de production
Responsable des infrastructures
et directeur technique
Directrice des communications
Adjointe aux communications
Attachée de presse
Conseiller au directeur artistique Responsable des services scolaires
Adjointe aux services scolaires
Gérant Préposées au guichet Chef machiniste Chef éclairagiste Chef sonorisateur Chef habilleuse Chef cintrier
Coordonnateur technique
(Salle Fred-Barry)
Techniciens
Accueil Responsable de l’entretien Patrice Jolin
Préposé à l’entretien Éric Belleau
Équipe des bénévoles Lucette Bernèche
Gratia Dumas
Aline Gauthier
Andrée Hassel
Guy Caron
Carmen Lebrun
Julie Houle
Janine Limoges
Anaïs Bonotaux-Bouchard Nicole Poulin
Isabelle Bleau
Jean-Simon Traversy
CONSEIL D’ADMINISTRATION
Claudia Dupont
Stéphanie Delaunay
Président * Monsieur Pierre-Yves Desbiens
CPA, CA, CF, MBA
Marc-André Perrone
Vice-président Finance et administration
Isabelle Durivage
Institut NEOMED
Geneviève Bédard
Trésorière * Madame Lisa Swiderski, CA, MBA
Jacynthe Legault
Vice-présidente
Pierre Léveillé
Opérations Investissements
Michel Chartrand
Banque Nationale du Canada
Claude Cyr
Secrétaire Benoit Lestage, LLB, D. Fisc.
Directeur principal
Louise Desfossés
Service de fiscalité internationale
Pierre Lachapelle
Mazars
Administrateurs Thomas Asselin
Ghislain Dufour
Président & Directeur de création
Sophie Boivin
73DPI
Raphaël Bussières
Nathalie Barthe
Anthony Cantara
Directrice, Architecture d'information
Brigitte Deshusses
JDA Software, Innovation labs
Mathieu Dumont
Sylvain Boucher,
Martin Dussault
Associé, services de certification
Michel Dussault
Ernst & Young s.r.l. / s.e.n.c.r.l.
Martine Gagnon
Alexandre Gohier
Luc Bourgeois
Michel Harvey
Comédien
Louis Héon
*Rémi Brousseau
Martin Jannard
Directeur général
Robin Kittel-Ouimet
Théâtre Denise-Pelletier
Marjorie Lefebvre
Jean Leclerc
Pier-Emanuel Legault
Comédien et metteur en scène
Louis Léveillé
Michel Maher
*Claude Poissant
Serge Pelletier
Directeur artistique
Carlos Diogo Pinto
Théâtre Denise-Pelletier
Étienne Prud’homme
Martha Rodriguez
Geneviève Bédard
Président honoraire Gilles Pelletier
Ghislain Blouin
Membre honoraire Françoise Graton
Virginie Brosseau-Jamieson
* Membres du comité exécutif
Émilie Carrier-Boileau
William Couture
Simon Faghel-Soubeyrand
Jaz Gauthier Kemp
Sébastien Hébert
Anne-Marie Jean
Jacynthe Legault
Collette Lemay
Annie-Claude Letarte
Félix Martin-Morin
Félix-Antoine St-Jacques
Rémi Brousseau
Claude Poissant
Manon Huot
Réjean Paquin
page 63
NOS PROCHAINS SPECTACLES
Mademoiselle
© Guy Bernot
Molière
Texte et mise en scène Hubert Fielden
Du 14
3 au
au20
30décembre
janvier 2015
2014
Victor
Hugo
mon amour
Du 11 au 28 février 2015
De Simon Boulerice
Adaptation et Mise en scène
Jean-Guy Legault
© Olivier Barrette
D’Anthéa Sogno
Mise en scène Léo Munger
Chat
room
D’Enda Walsh
Mise en scène
Sylvain Bélanger
Traduction Étienne Lepage
Du 4 au 21 mars 2015
Zur
bains
2015
Les
Javotte
Du 25 mars au 11 avril 2015
Mise en scène Monique Gosselin
Du 5 au 15 mai 2015
Billetterie 514 253-8974
Réservations scolaires 514 253-9095 poste 224
P ri x d u p u b l ic é t u d i a n t 2 0 1 3 - 2 0 1 4
© Robert Etcheverry
Luce Pelletier pour
commedia de
Pierre Yves Lemieux.
Une production du Théâtre
de l’Opsis en partenariat
avec le Théâtre Denise-Pelletier.
Conception du
décor
Jean Bard pour
MARIE TUDOR de Victor Hugo.
Une production du Théâtre
Denise-Pelletier.
Conception
des costumes
Julie Le Breton pour
Marie Tudor dans MARIE TUDOR
de Victor Hugo.
Une production du Théâtre
Denise-Pelletier.
Daniel Paquette pour
LE CID de Corneille.
Une production du Théâtre
Denise-Pelletier.
© Luc Lavergne
Interprétation
féminine
Conception des
éclairages
Luc Bourgeois pour Goldoni
dans commedia de Pierre Yves
Lemieux. Une production du
Théâtre de l’Opsis en partenariat
avec le Théâtre Denise-Pelletier.
Jocelyn Proulx pour
commedia de Pierre Yves
Lemieux. Une production du
Théâtre de l’Opsis en partenariat
avec le Théâtre Denise-Pelletier.
© Marie-Claude Hamel
Interprétation
masculine
Environnement
sonore et musical
Julie Gagné pour l’Infante
dans LE CID de Corneille.
Une production du Théâtre
Denise-Pelletier.
Philippe Brault pour
MARIE TUDOR de Victor Hugo.
Une production du Théâtre
Denise-Pelletier.
© Robert Etcheverry
Rôle de soutien
féminin
Rôle de soutien
masculin
Prix du public
étudiant 2013-2014
Dave Jenniss pour Moineau
dans zone de Marcel Dubé.
Une production du Théâtre
français de Toronto et du Théâtre
La Catapulte, présentée par
le Théâtre Denise-Pelletier.
Coup de cœur de l’année
© Robert Etcheverry
© Sylvain Sabatié
© Luc Lavergne
© Marie-Claude Hamel
© Robert Etcheverry
© Marie-Claude Hamel
Spectacle de l’année
MARIE TUDOR de Victor Hugo.
Mise en scène de Claude
Poissant. Une production du
Théâtre Denise-Pelletier.
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