L’Internationalisme politique est une formidable erreur, une doctrine contre
nature, même si on le limite à une partie du monde. Loin de moi la pensée de de-
mander qu’on pratique un nationalisme étroit, incompréhensif, braillard comme
celui de la Boulangei; la connaissance et la compréhensiondes besoins des peuples,
de leur mentalité, de leur caractère, de leur génie propre, est une nécessité absolue.
Il faut être, par exemple, européen ou, mieux encore, citoyen du monde, ce qui
ne consiste pas à accepter l’hégémonie politique et économique de la puissance
la plus forte et la plus belliqueuse, mais ce qui signifie qu’on doit souhaiter entre
nations d’un même continent, et même de continents différents, des accords de
toutes sortes. Pourquoi n’iraientils pas jusqu’à des Fédérations d’Etats? C’était la
grande idée de Briand, cet anticipateur de génie. Cette idée, elle eut pu être réalisée
par la Société des Nations, si celleci ne s’était pas acculée, par ses propres erreurs,
à une lamentable faillite.
L’idée qui a présidé à sa création sera peutêtre reprise un jour, sous une autre
forme. Lorsque les hommes en auront assez de la guerre, de l’abominable guerre,
lorsque les peuples seront résolus à s’opposer par tous les moyens aux épouvan-
tables tueries dans lesquelles, à l’abri de monstrueuses doctrines, les précipitent
les dirigeants; lorsqu’ils auront fait justice des prétendus intérêts économiques et
politiques qui servent de prétexte aux guerres, il leur faudra bien instituer, quelle
qu’en soit la forme, une organisation de paix, assez puissante pour imposer sa
volonté. Une guerre, même victorieuse, ne paie jamais.
C’était la pensée de Briand ; son idéologie a pu faire de lui la dupe de par-
tenaires fourbes, mais son grand honneur sera d’avoir été le seul homme d’Etat
assez courageux pour s’élever jusqu’à la notion de paix intangiblei; son idéologie
d’hier sera la réalité de demain.
En attendant un tel événement, les peuples ont, hélas! le devoir de prendre
toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la sauvegarde de leur indépendance.
Dans le déchaînement des passions actuelles, un pays qui est le seul à ne pas
vouloir et à ne pas pouvoir se battre est perdu. La France aveulie par des années
au cours desquelles seule semblait compter la recherche des jouissances, rejetant
l’effort et le sacrifice, mal conduite par des chefs militaires qui volontairement
ou par sottise restaient indifférents à une défaite qui marquerait la fin dui régime,
venait hélas! d’en donner la preuve.
L’organisation de la paix, imposée par les peuples dégoûtés des cruautés de la
guerre moderne, et que j’appelle de tous mes voeux n’implique naturellement, en
aucune façon, la disparition de ces entités ethniques, morales, intellectuelles, pu-
bliques, historiques, qu’on appelle les Nations. La patrie est le seul terrain solide
où puisse vivre l’individu. Cet ensemble de moeurs, de coutumes, de traditions,
le lien du langage commun de la mentalité commune, cet aggloméré d’histoire,
cet amour instinctif du sol natal, c’est ce qui constitue la patrie, et aucune notion
n’est plus vraie. Aussi, comme on comprend que les hommes, quand ils ne sont
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