Motivations et enjeux de l`essaimage dans les grands

Business School
W O R K I N G P A P E R S E R I E S
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Working Paper
2014-205
Motivations et enjeux de l’essaimage
dans les grands groupes français
Sophie Vallet
Salma Fattoum
Khaled Guesmi
http://www.ipag.fr/fr/accueil/la-recherche/publications-WP.html
IPAG Business School
184, Boulevard Saint-Germain
75006 Paris
France
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Motivations et enjeux de l’essaimage dans les
grands groupes français
Sophie Vallet
Consultante en innovation et développement économique, Inno TSD
Salma Fattoum
Professeur-Chercheur
INSEEC Business School, 22 rue Royale 69001 - Lyon
Khaled Guesmi
Professeur-Chercheur
Department of Finance, IPAG Research Lab, IPAG Business School
184 Boulevard St Germain ,75006 Paris, France
EconomiX - University of Paris Ouest Nanterre La Defense
Résumé
Ayant pris conscience qu’il était stratégique pour elles de s’adapter et d’évoluer, les grandes
entreprises françaises ont mis en place de nombreux dispositifs visant à diffuser une dynamique
entrepreneuriale. Parmi ces dispositifs, celui de l’essaimage connaît un développement particulier et
semble aujourd’hui en pleine mutation aussi bien au niveau des formes qu’il prend que des enjeux
qu’il représente.
Le but de ce papier est de comprendre et d’analyser les évolutions du phénomène d’essaimage en se
basant sur sa pratique dans dix grands groupes français. A travers ce travail, nous rendons compte
de nos investigations et proposons une première modélisation de cette pratique. L’essaimage est
pour nous un phénomène multiforme qui concerne trois types de politiques des entreprises : la
politique de développement durable et de responsabilité sociale, la politique salariale et la politique
d’innovation.
Mots clés
Essaimage - responsabilité sociale - développement économique local - création d’entreprise.
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Motives and Dilemmas of Spin-offs in French Large Companies
Abstract
The aim of this paper is to understand and analyze the evolutions of the spin-off process in French
large companies based on its practice in ten of them. Through this work, we propose a first
modelling of this practice. Spin-off is for us a multiform phenomenon which relates to three types
of firm policies: sustainable development and corporate social responsibility, wage policy and
innovation policy.
Keywords
Spin-offs - corporate social responsibility - local economic development entrepreneurship.
Les entreprises évoluent aujourd'hui dans un monde de plus en plus fluctuant. L'ouverture des
frontières les confronte à une concurrence toujours plus rude et, pour survivre, elles doivent
s'adapter et repenser leurs modèles économiques en prenant en compte les nouvelles contraintes de
leur environnement.
En France, les grandes entreprises doivent à la fois répondre aux exigences du marché qui leur
imposent une flexibilité et une réactivité toujours plus importantes, mais elles sont également
touchées par les questions actuelles de notre société, telles que l’emploi, le développement durable
ou encore l’environnement. Elles doivent y apporter des réponses, à la fois pour satisfaire les
attentes de leurs clients, mais aussi sous la pression des pouvoirs politiques qui les incitent
fortement à agir de façon plus responsable. Ces différentes contraintes sont parfois antinomiques, et
les entreprises doivent néanmoins trouver les moyens d’y faire face.
Depuis le début des années 1980, les grandes entreprises françaises montrent un intérêt croissant
pour l’entrepreneuriat. En effet, elles ont pris conscience qu’il était important de s’adapter et
d’anticiper les évolutions futures. Elles doivent alors développer en leur sein des comportements et
attitudes que l’on associe volontiers aux entrepreneurs et qui caractérisent généralement les petites
entreprises naissantes : innovation, réactivité, créativité et prise de risque, etc. Nous assistons alors
à la mise en place de nombreux dispositifs visant à diffuser une dynamique entrepreneuriale :
structures dédiées à l’essaimage, dispositifs de valorisation de la recherche et de l’innovation, fonds
d’investissement, etc. Les objectifs de ces pratiques sont multiples : encourager les salariés à
développer des projets (en interne mais aussi en externe), développer un réseau de PME innovantes
sur lequel l’entreprise pourra s’appuyer et valoriser ses brevets dormants en bénéficiant de la
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flexibilité de petites structures.
Parmi les dispositifs mis en place, celui de cellule essaimage connaît un veloppement particulier.
Né en France dans les années 1980 dans un contexte de récession économique et de restructurations,
l’essaimage était à l’origine un moyen de diminuer les effectifs en facilitant le part des salariés
qui avaient un projet de création d’entreprise. Quelques vingt ans plus tard, l’essaimage suscite un
regain d’intérêt dans les grands groupes, comme en témoigne la création de Dièse1 en 2000, une
association qui réunit une dizaine de grandes entreprises françaises pratiquant l'essaimage et qui
œuvre pour sa promotion. L’essaimage semble aujourd’hui en pleine mutation aussi bien au niveau
des formes qu’il prend que des enjeux qu’il représente (G. Husson, 2004).
L’essaimage est pratiqué aussi bien dans les PME (E-M. Laviolette, 2005 ;2009) que dans les
grandes entreprises (H. Daval, 1998, 2001 ; P. Brenet, 2000). L’intérêt porté aux grands groupes
dans notre étude est justifié par le nombre de salariés appartenant à de ce type d’entreprises qui
optent pour l’essaimage : environ 1000 par an (APCE, 2012). Nous avons donc rencontré les
responsables des cellules essaimage des différentes entreprises membres de Dièse ayant participées
à notre recherche. A travers ce travail, nous souhaitons rendre compte de nos investigations. Nous
proposons également, dans une démarche exploratoire, une première conceptualisation de cette
pratique où nous analysons l’essaimage en termes d’enjeux pour l’entreprise.
Dans une première partie, nous relaterons les principaux travaux qui se sont intéressés au concept
d’essaimage dans le contexte français. La deuxième partie sera consacrée à l’exposé de la
méthodologie de recherche que nous avons adoptée. Dans une troisième partie, nous présenterons
les différents résultats que nous avons mis à jour lors de notre exploration. Enfin, dans la quatrième
partie, nous proposerons une première conceptualisation de ce phénomène.
1. Positionnement contextuel de la recherche : le concept d’essaimage en France
Depuis les années 1970, l’intérêt pour la création d’entreprises est croissant. En effet, la confiance
dans les grands groupes pour dynamiser l’économie s’affaiblit et les nouvelles entreprises apportent
l’espoir de la création d’emplois et du renouveau du tissu économique. La création d'entreprises est
devenue avec le temps une demande sociale et économique qui implique et intéresse différents
acteurs (C. Bruyat, 1993).
Ainsi, les aides à la création d’entreprises se multiplient à tous les stades de développement de la
nouvelle organisation et sur toutes ses dimensions : besoins financiers, besoins en conseils et
1Dièse : Développement de l’initiative et de l’entrepreneuriat chez les salariés. Les membres de l’association sont : Air France,
EDF, Sanofi-Aventis, Lafarge, Renault, La Poste, France Télécom, Total, EADS, Schneider, Véolia Environnement
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formation, besoins logistiques. Bénéficiant du soutien des pouvoirs publics, les réseaux
d’accompagnement se professionnalisent et se structurent.
La création d’entreprise trouve également sa place dans les grandes écoles de commerce et
d’ingénieurs qui lancent des programmes pédagogiques pour sensibiliser et préparer leurs étudiants
à l’entrepreneuriat (A. Fayolle, 2004). L’élan entrepreneurial gagne aussi les grandes entreprises qui
cherchent à développer l’esprit d’initiative de leurs salariés et insuffler une nouvelle dynamique à
leur organisation (O. Basso et T. Legrain, 2004). Aussi, de nombreux dispositifs voient le jour pour
favoriser l’éclosion de nouveaux projets et la création de nouvelles entreprises. L’essaimage est l’un
de ces dispositifs. Il consiste pour une entreprise à aider un ou plusieurs de ses employés à créer
leur propre entreprise.
Traduction incomplète du terme « spin-off » (F. Pirnay, 1998, p.3), le concept d'essaimage a pris, en
France, une signification particulière. Il a fait l'objet de différentes études (C. Bruyat, 1987 ; L.
Danvert, 1988 ; B. Sire, 1988 ; J. Bertherat, 1989 ; M. Lafrance, 1994 ; A. Belley, L. Dussault et J.
Lorrain, 1997 ; H. Daval, 1998, 2001 ; F. Pirnay, 1998, 2001 ; P. Brenet, 2000 ; E-M. Laviolette,
2003, 2005, 2009) qui ont tenté de mieux expliciter ce phénomène et de l'enrichir. Il faut noter que
le concept d’essaimage renvoie à des pratiques différentes en France et aux Etats-Unis. De ce fait, la
littérature anglo-saxonne s’intéressant à ce concept n’est pas toujours bien adaptée au contexte
français, car elle renvoie à un phénomène différent. La littérature sur l’essaimage dans le contexte
français n’est toutefois pas très importante.
Les principaux travaux qui s’y réfèrent adoptent souvent le point de vue du salarié qui part créer
une entreprise avec l’aide de son employeur. Ainsi, P. Brenet (2000) définit l’essaimage comme
« la création d’une entreprise par une personne (ou une équipe) qui a quitté son entreprise
d’origine, avec l’existence d’un lien formel ou d’influence entre ces deux entreprises ». De même,
H. Daval (1998) met l’accent sur le rôle de l’entreprise dans l’accompagnement de son salarié-
porteur de projet.
Plusieurs chercheurs ont proposé une typologie des différentes pratiques d’essaimage mises en
place par les entreprises. Ainsi, l’essaimage « à la française » du fait du contexte dans lequel il a
émergé est souvent réduit à sa dimension sociale, c’est-à-dire à la gestion des sureffectifs (P.
Brenet, 2000). Pourtant, les finalités poursuivies par une organisation, dès lors qu’elle s’engage
dans une politique d’essaimage, sont multiples. Historiquement, une première typologie sest basée
sur les finalités poursuivies par chaque organisation et a mis en avant le fait qu’elles diffèrent, selon
que son contexte économique lui est favorable ou pas. De ce constat, B. Sire (1988), C. Bruyat
(1988) ainsi que A. Belley et al. (1997) font la distinction entre l'essaimage à froid (contexte
favorable) et l'essaimage à chaud (contexte défavorable).
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