CORRIGE
Les deux documents proposés pour étudier la situation de la France pendant la Seconde Guerre
mondiale sont fortement opposes. Même si leurs auteurs sont deux militaires, ils incarnent deux visions
différentes de la France et de son gouvernement ; dans le premier document datant d’octobre 1940, donc
après la défaite initiale de la France, le maréchal Pétain, chef de l’Etat, s’adressant aux Français par un
message radiodiffusé s’en prend à la République et défend le régime qu’il vient de mettre en place. Deux ans
plus tard, en juin 1942, s’adressant aux mouvements de résistance (et à travers eux aux Français) par
l’intermédiaire d’une déclaration parue dans un journal clandestin, le général de Gaulle, chef de la France
Libre, imagine ce que devra être la France lorsque la guerre sera terminée. Les documents proposés sont
fiables car historiquement incontestables mais leur contenu, du fait des opinions opposées présentées, sont
forcément ouverts à la critique.
Pour le maréchal Pétain, les malheurs de la France, à savoir « l’une des plus grandes défaites » de son
histoire, proviennent en grande partie du système politique français d’avant la guerre, système qu’il
entreprend de nier. Pétain fait de la situation dramatique de la France le prétexte à une condamnation de la
Troisième République qu’il ne nomme jamais dans son discours et baptise du nom « d’ancien régime
politique ». Parlant de la République, il évoque ses « faiblesses » et ses « tares ». Les « faiblesses » font
référence au manque de stabilité de ce régime politique dans lesquels les changements de majorité pouvaient
renverser souvent les gouvernements. Plus encore, Pétain s’en prend à ce qu’il considère comme des
« tares », des erreurs fondamentales et profondes, et qu’il évoque comme des « libertés engendrant la
licence » à savoir les idées de gauche ayant triomphé sous le Front populaire et ayant donné naissance à des
réformes sociales comme les congés payés ou la semaine des quarante heures, symboles à ses yeux de
paresse. Une autre des valeurs de la République, l’égalité, est également visée par le maréchal Pétain.
Contrairement à la pensée des Lumières, celle-ci n’existe pas à ses yeux (« l’idée fausse de l’égalité naturelle
des hommes »). Niant le droit des hommes à profiter de la liberté et d’une égalité de droit, le maréchal ne
peut que promouvoir un système opposé ; c’est l’Etat français.
Pétain présente ce système politique comme un « régime nouveau » ce qu’il est effectivement
puisqu’il est la conséquence de l’octroi des pleins pouvoirs au maréchal le 10 juillet 1940. Il le définit comme
une « hiérarchie sociale » ce qui nie donc toute idée d’égalité ne serait-ce que parce que Pétain, qui a
« l’autorité », a tous les pouvoirs et n’est pas soumis au choix des Français. Ceux-ci perdent donc leurs
capacités de citoyens pour être seulement des exécuteurs puisque ce qui compte c’est « leur aptitude à «
servir » ». On trouve là les idéaux de la Révolution nationale, doctrine devant supplanter les idées de la
Révolution nationale, qui imaginent une France regroupée autour du maréchal, dans l’ordre et le travail, pour
le compte exclusif de la nation, sans déchirements intérieurs (c’est ce que Pétain stigmatise en évoquant « ces
alternances douloureuses » correspondant aux changements de régimes politiques). Réactionnaire,
antiparlementaire, privant les Français de libertés fondamentales, le régime de Vichy est aussi antisémite ;
l’évocation de « l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes » quelques jours après la promulgation du
statut des juifs n’est pas un hasard.
Contrairement à Pétain, le général de Gaulle ne regarde pas vers le passé mais vers l’avenir, un avenir
dans lequel il souhaite que la France retrouve ses valeurs républicaines. Cela passe par le fait que le pays doit
retrouver « la souveraineté complète de la nation sur elle-même » autrement dit la possibilité de voter, de
choisir ses dirigeants librement. Cet idéal démocratique est au cœur des valeurs de la République. La guerre
n’étant pas terminée, de Gaulle est évidemment préoccupé de « la restauration de la complète intégrité du
territoire » mais il ne lui paraît pas concevable que cela ne s’accompagne pas du retour de la République. Chef
de la France Libre, et même si cela n’a pas été le cas dans les premiers temps, de Gaulle se pose en garant de
la République et de ses valeurs. Il s’agit d’un retour à la situation d’avant la guerre et donc à une négation
totale de la valeur du régime mis en place par Pétain (« toutes leurs libertés intérieures devront leur être
rendues »). Il s’agit aussi d’essayer d’aller au-delà des institutions d’avant 1940 afin d’en réformer « les
abus ».
Le général de Gaulle va effectivement plus loin dans cette déclaration qu’une simple restauration à
travers laquelle il veut convaincre les mouvements de résistance, souvent marqués à gauche, de ses idées