La République dans la tourmente de la Seconde Guerre

DEVOIR N°2 : ANALYSE DE DOCUMENT(S)
La République dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale. Après avoir effectué une
présentation commune des documents, analysez-les afin de montrer comment les valeurs républicaines ont
été niées et en même temps défendues pendant la guerre. Vous cernerez ensuite dans une conclusion les
limites de ces documents pour le traitement du sujet.
Document n°1
La France a connu, il y a quatre mois, l’une des plus grandes défaites
de son histoire. Cette défaite a de nombreuses causes, mais toutes ne sont
pas d’ordre technique. Le désastre n’est en réalité que le reflet, sur le plan
militaire, des faiblesses et des tares de l’ancien régime politique. […]
Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur
l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes, mais sur l’idée nécessaire
de l’égalité des chances données à tous les Français de prouver leur
aptitude à « servir ». […]
L’histoire est faite d’alternances entre des périodes d’autorités
dégénérant en tyrannie et des périodes de libertés engendrant la licence.
L’heure est venue pour la France de substituer à ces alternances
douloureuses une conjonction harmonieuse de l’autori et des libertés.
[…]
Philippe Pétain, discours radiodiffusé du 11 octobre 1940
Document n°2
Le terme de la guerre est pour nous à la fois la restauration de la
complète intégrité du territoire, de l’Empire, du patrimoine français et celle
de la souveraineté complète de la nation sur elle-même. […] En même
temps que les Français seront libérés de l’oppression ennemie, toutes leurs
libertés intérieures devront leur être rendues. Une fois l’ennemi chassé du
territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront
souverainement l’Assemblée nationale qui cidera souverainement des
destinées du pays. […]
A l’intérieur, il faudra que soient réalisées, contre la tyrannie du
perpétuel abus, les garanties pratiques qui assureront à chacun la liberté et
la dignité dans son travail et dans son existence.
Charles de Gaulle, déclaration publiée dans les journaux de la Résistance
(23 juin 1942)
GRILLE DE CORRECTION
Présentation du document
La nature des document et les destinataires sont identifiés [211] S M+ M- I
Les dates sont relevées [211] S M+ M- I
Les contextes (première partie de la 2
ème
GM) sont précisés [112] S M+ M- I
Les auteurs sont nommés et – même vaguement – présentés [211] S M+ M- I
La fiabilité des documents est questionnée [214] S M+ M- I
Le sujet des documents est mis en évidence [211] S M+ M- I
Thème 1 : Des valeurs républicaines niées
Le prétexte de la condamnation de la République : la défaite de juin 1940
A relever : « La France a connu, il y a quatre mois, l’une des plus grandes défaites de son histoire
» ; « Le désastre n’est en réalité que le reflet, sur le plan militaire, des faiblesses et des tares de
l’ancien régime politique. » ; « des périodes de libertés engendrant la licence. »
A mettre en relation avec : Troisième République instable politiquement ; Front populaire et ses
réformes ; écrasement militaire rapide de mai-juin 1940
S M+ M- I
Un régime non républicain, l’Etat français
A relever : « Le régime nouveau » ; « hiérarchie sociale « ; « l’idée fausse de l’égalité naturelle
des hommes » ; « l’idée nécessaire de l’égalité des chances données à tous les Français de
prouver leur aptitude à servir » ; « une conjonction harmonieuse de l’autorité et des libertés. »
A mettre en relation avec : pleins pouvoirs accordés à un chef, Pétain ; régime réactionnaire et
antidémocratique ; suppression des assemblées ; suppression du rôle du peuple (élections) ;
suppression des droits syndicaux ; mesures antisémites
S M+ M- I
Thème 2 : Des valeurs républicaines défendues
Le retour aux valeurs républicaines
A relever : « complète intégrité du territoire » ; « souveraineté complète de la nation sur elle-
même » ; « toutes leurs libertés intérieures devront leur être rendues » ; « éliront
souverainement l’Assemblée nationale qui décidera souverainement des destinées du pays »
A mettre en relation avec : de Gaulle se pose en garant, mais tardivement, des valeurs
républicaines depuis Londres ; France en partie occupée par les Allemands ; idée d’une
transformation des institutions républicaines pour les améliorer
S M+ M- I
Des valeurs étendues dans le domaine social
A relever : « toutes les femmes de chez nous » ; « il faudra que soient réalisées » ; « les garanties
pratiques qui assureront à chacun la liberté et la dignité dans son travail et dans son existence »
A mettre en relation avec : idée de l’Etat-providence ; des idées progressistes inspirées par les
nombreux résistants de gauche ; situation particulière des femmes françaises ; futur programme
du CNR
S M+ M- I
Méthode de l’analyse documentaire
Des informations sont prélevées dans les documents et apparaissent dans la réponse sous forme de
citations entre guillemets ou de descriptions [212]
S M+ M- I
Le sens général des documents est compris [213] S M+ M- I
La réponse apporte des connaissances qui explicitent le contenu des documents et permettent l’analyse
[215]
S M+ M- I
Conclusion et limites
Les grandes idées issues de l’analyse sont synthétisées [227] S M+ M- I
Les limites des documents (deux documents de propagande ; deux documents issus de « camps »
opposés ; seulement sur la première partie de la guerre ; ) sont montrées [214]
S M+ M- I
Présentation / Expression / Orthographe
Le devoir est bien présenté (écriture, lignes séparant les différentes parties...) [411] S M+ M- I
Le devoir est correctement exprimé [412] S M+ M- I
Le devoir est correctement orthographié [413] S M+ M- I
CORRIGE
Les deux documents proposés pour étudier la situation de la France pendant la Seconde Guerre
mondiale sont fortement opposes. Même si leurs auteurs sont deux militaires, ils incarnent deux visions
différentes de la France et de son gouvernement ; dans le premier document datant d’octobre 1940, donc
après la défaite initiale de la France, le maréchal Pétain, chef de l’Etat, s’adressant aux Français par un
message radiodiffusé s’en prend à la République et défend le régime qu’il vient de mettre en place. Deux ans
plus tard, en juin 1942, s’adressant aux mouvements de résistance (et à travers eux aux Français) par
l’intermédiaire d’une déclaration parue dans un journal clandestin, le général de Gaulle, chef de la France
Libre, imagine ce que devra être la France lorsque la guerre sera terminée. Les documents proposés sont
fiables car historiquement incontestables mais leur contenu, du fait des opinions opposées présentées, sont
forcément ouverts à la critique.
Pour le maréchal Pétain, les malheurs de la France, à savoir « l’une des plus grandes défaites » de son
histoire, proviennent en grande partie du système politique français d’avant la guerre, système qu’il
entreprend de nier. Pétain fait de la situation dramatique de la France le prétexte à une condamnation de la
Troisième République qu’il ne nomme jamais dans son discours et baptise du nom « d’ancien régime
politique ». Parlant de la République, il évoque ses « faiblesses » et ses « tares ». Les « faiblesses » font
référence au manque de stabilité de ce régime politique dans lesquels les changements de majorité pouvaient
renverser souvent les gouvernements. Plus encore, Pétain s’en prend à ce qu’il considère comme des
« tares », des erreurs fondamentales et profondes, et qu’il évoque comme des « libertés engendrant la
licence » à savoir les idées de gauche ayant triomphé sous le Front populaire et ayant donné naissance à des
réformes sociales comme les congés payés ou la semaine des quarante heures, symboles à ses yeux de
paresse. Une autre des valeurs de la République, l’égalité, est également visée par le maréchal Pétain.
Contrairement à la pensée des Lumières, celle-ci n’existe pas à ses yeux (« l’idée fausse de l’égalité naturelle
des hommes »). Niant le droit des hommes à profiter de la liberté et d’une égalité de droit, le maréchal ne
peut que promouvoir un système opposé ; c’est l’Etat français.
Pétain présente ce système politique comme un « régime nouveau » ce qu’il est effectivement
puisqu’il est la conséquence de l’octroi des pleins pouvoirs au maréchal le 10 juillet 1940. Il le définit comme
une « hiérarchie sociale » ce qui nie donc toute idée d’égalité ne serait-ce que parce que Pétain, qui a
« l’autorité », a tous les pouvoirs et n’est pas soumis au choix des Français. Ceux-ci perdent donc leurs
capacités de citoyens pour être seulement des exécuteurs puisque ce qui compte c’est « leur aptitude à «
servir » ». On trouve là les idéaux de la Révolution nationale, doctrine devant supplanter les idées de la
Révolution nationale, qui imaginent une France regroupée autour du maréchal, dans l’ordre et le travail, pour
le compte exclusif de la nation, sans déchirements intérieurs (c’est ce que Pétain stigmatise en évoquant « ces
alternances douloureuses » correspondant aux changements de régimes politiques). Réactionnaire,
antiparlementaire, privant les Français de libertés fondamentales, le régime de Vichy est aussi antisémite ;
l’évocation de « l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes » quelques jours après la promulgation du
statut des juifs n’est pas un hasard.
Contrairement à Pétain, le général de Gaulle ne regarde pas vers le passé mais vers l’avenir, un avenir
dans lequel il souhaite que la France retrouve ses valeurs républicaines. Cela passe par le fait que le pays doit
retrouver « la souveraineté complète de la nation sur elle-même » autrement dit la possibilité de voter, de
choisir ses dirigeants librement. Cet idéal démocratique est au cœur des valeurs de la République. La guerre
n’étant pas terminée, de Gaulle est évidemment préoccupé de « la restauration de la complète intégrité du
territoire » mais il ne lui paraît pas concevable que cela ne s’accompagne pas du retour de la République. Chef
de la France Libre, et même si cela n’a pas été le cas dans les premiers temps, de Gaulle se pose en garant de
la République et de ses valeurs. Il s’agit d’un retour à la situation d’avant la guerre et donc à une négation
totale de la valeur du régime mis en place par Pétain (« toutes leurs libertés intérieures devront leur être
rendues »). Il s’agit aussi d’essayer d’aller au-delà des institutions d’avant 1940 afin d’en réformer « les
abus ».
Le général de Gaulle va effectivement plus loin dans cette déclaration qu’une simple restauration à
travers laquelle il veut convaincre les mouvements de résistance, souvent marqués à gauche, de ses idées
républicaines mais aussi de sa capacité à les faire progresser. Ainsi il ne se contente pas d’annoncer le retour
du suffrage universel, il affirme que « tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront
souverainement l’Assemblée nationale qui décidera souverainement des destinées du pays » ; c’est donc
reconnaître l’égalité civique et politique entre les sexes, égalité qui jusque là avait toujours été rejetée par les
législateurs. Il va même plus loin en défendant le principe de « garanties pratiques qui assureront à chacun la
liberté et la dignité dans son travail et dans son existence » ; on peut trouver là la volonté de mettre en place
une république plus sociale qui s’appuie sur l’idée de l’Etat-providence. Une idée qui annonce déjà le futur
programme du CNR (Conseil National de la Résistance) en 1944.
A travers ces deux documents, on peut percevoir la totale opposition entre les idées réactionnaires du
maréchal Pétain et celles tournées vers un progrès démocratique du général de Gaulle. Au cours de la
Seconde Guerre mondiale, la République (mais aussi les Français) est condamnée à attendre de connaître
l’issue des combats pour savoir ce que sera son réel avenir.
Les deux auteurs de ces textes ne sont bien évidemment pas objectifs, ils cherchent à convaincre l’un
en agitant le spectre de l’effondrement national, l’autre en exaltant la grandeur de la France et de ses valeurs
républicaines. Les documents permettent bien de voir s’affronter les idées en présence ; toutefois, ils ne
portent que sur la période du début de la Seconde Guerre mondiale et ne peuvent donc informer sur la
situation de la France dans la deuxième partie du conflit (après l’invasion de tout le pays par les Allemands par
exemple). Surtout, à travers ces deux conceptions opposées, on ne peut pas discerner l’évolution de tous ceux
qui en France ont été tentés successivement, voire simultanément, par les deux messages.
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