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A) L’émergence d’un système de partis semi-compétitif : un parti ultra dominant
Depuis le rétablissement officiel du multipartisme et l’adoption de la Constitution en
1991, le Burkina Faso a organisé trois élections présidentielles (1991, 1998, 2005), quatre
élections législatives (1992, 1997, 2002, 2007), trois municipales (1995, 2000, 2006). A
l’exception notable des législatives de 20021, elles ont toutes été remportées par le même
parti, et à chaque fois, à la suite d’un raz-de-marée électoral. Ce qui frappe, c’est la distance
énorme qui sépare le parti victorieux des principaux partis de l’opposition. En règle générale,
il n’y a pas de suspense, la seule question qui se pose étant celle de l’ampleur de sa victoire.
C’est pourquoi le régime politique de la 4e République repose non pas tant sur un système de
multipartisme mais plutôt sur un système à parti ultra dominant. Un système multipartite est
en effet caractérisé par la compétition entre plus de deux partis, réduisant par conséquent les
chances d’un gouvernement formé par un seul parti et augmentant la probabilité de coalitions.
Le système de parti dominant ne doit pas être confondu avec celui de parti unique, même s’ils
ont parfois les mêmes caractéristiques. Un système de parti dominant peut a priori être
considéré comme compétitif si un nombre de partis prennent part à la compétition pour le
pouvoir à travers des élections régulières et sincères. Mais cette compétition reste dominée
par un seul grand parti qui, en conséquence, reste longtemps au pouvoir. Le parti dominant se
définit en fait par deux grands traits : d’une part il tend à s’identifier au régime politique
auquel il sert de soutien, et d’autre part il distance en nombre de sièges les autres partis de
gouvernement par un écart significatif et durable. Il tient généralement sa position
hégémonique de la multiplicité et du morcellement de ses adversaires. Ce parti devient ultra
dominant lorsqu’il conserve régulièrement, à lui seul, la majorité absolue des suffrages, alors
qu’un parti dominant franchit rarement ce seuil. De plus, le parti ultra dominant a tendance à
abuser de sa position hégémonique, manifeste de nettes tendances autoritaires et étouffe les
aspirations et programmes politiques des petites formations politiques.
Le système à parti dominant ou ultra dominant a l’avantage de permettre généralement
d’assurer une grande stabilité gouvernementale. Mais son inconvénient majeur c’est de
comporter un risque d’immobilisme. De plus, un tel système soulève quatre défis majeurs
pour la démocratie (IDEA, 2007 : 51) :
- il entrave la compétition politique, qui contribue à l’apathie politique et réduit le taux
de participation électorale
- le partis dominant exerce une mainmise sur la législature et peut monopoliser le
processus d’adoption des lois pour promouvoir ses intérêts sociaux, économiques
prédominants
- le gouvernement formé dans un tel système est moins imputable devant la législature
qu’il domine, et l’opposition est trop faible pour être efficace
- ce système encourage l’élite dirigeante à faire montre d’arrogance et à devenir peu
sensible aux exigences des citoyens
- enfin, le système à parti dominant comporte le risque de transfert de l’opposition
politique sur d’autres sites, notamment au niveau des groupes de pression ou des
organisations de la société civile. Avec la marginalisation d’une part plus ou moins
importante des forces politiques et des opinions, et faute d’alternative constitutionnelle
crédible, se développe une opposition hors système.
Avec un tel système, les élections deviennent une simple formule de légitimation du
parti au pouvoir.
1 Organisées après la crise politique consécutive à l’affaire Norbert Zongo et à la suite de réformes électorales,
ces élections ont été remportées par le CDP avec seulement 57 sièges sur 111, soit 51% des sièges en
compétition.