Mai - juin 2009

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Cour de cassation
Service de Documentation et d’Etudes
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VEILLE BIMESTRIELLE
DE
DROIT EUROPÉEN
Mai - Juin 2009
n/ 25
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Observatoire du droit européen
SOMMAIRE
ACTUALITÉ
Actualité de l’Union Européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Textes législatifs et réglementaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Communiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Actualité du Conseil de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ratifications et signatures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Communiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Activités du Commissaire des droits de l’Homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Travaux du Conseil de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
15
16
18
24
26
Activité internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Actualité législative et juridique nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
JURISPRUDENCE
Arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Liste des arrêts et décisions commentés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Décisions sur la recevabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
34
35
37
93
Arrêts de la Cour de justice et du Tribunal de première instance des
communautés européennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Liste des arrêts et conclusions des Avocats généraux . . . . . . . . . . . . . . . .
Citoyenneté européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Concurrence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Droit institutionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Environnement et consommateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Espace de liberté, de sécurité et de justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fiscalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Liberté d’établissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Libre prestation des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Politique étrangère et sécurité commune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Propriété intellectuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Rapprochement des législations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
106
107
109
112
118
122
125
138
142
146
150
153
157
160
Affaires communautaires à suivre : Conclusions des avocats généraux . . . .
Espace de liberté, sécurité et justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Libre circulation des personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Transport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Autre domaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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172
174
177
179
181
Décisions d’autres hautes instances juridictionnelles françaises
et étrangères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bundessozialgericht, Cour fédérale du contentieux social - Allemagne . . 185
Cour de cassation - Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187
Supreme Court - Etats-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
Cour constitutionnelle de la République Tchèque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
DOCTRINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Commentaires d’arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
Concernant les droits de l’homme et les droits fondamentaux . . . . . . . . . . 194
Concernant le droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
Articles généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202
Concernant les droits de l’homme et les droits fondamentaux . . . . . . . . . . 203
Concernant le droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
Cette veille est désormais disponible en ligne sur le site intranet de la Cour de cassation
http://srv-cassation/Rpvjcc/AccueilRpvjcc_800.asp
sous la rubrique “Documentation” (en suivant la flèche en bas d’écran).
L’équipe de l’Observatoire :
Françoise CALVEZ, auditeur
Anne-Claire DUBOS, greffier en chef
Aurélie DRESSAYRE, assistante de justice
Héloïse PLAQUIN, assistante de justice
Elodie SALLES, assistante de justice
Nous remercions également très chaleureusement Yamina Doolaur, vacataire, ainsi que Camille Delacoute et
Edouard Descotis, stagiaires, pour leur efficace contribution à la réalisation de ce document.
ACTUALITÉ
-1-
ACTUALITÉ
DE
L’UNION EUROPÉENNE
-2-
TEXTES LÉGISLATIFS ET RÉGLEMENTAIRES 1
T Décision n/ 568/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 modifiant
la décision 2001/470/CE du Conseil relative à la création d’un réseau judiciaire européen en
matière civile et commerciale
Sources : Publication au JOUE du 30 juin 2009 ( L 168 )
T Directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des
normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de
ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier
Sources : Publication au JOUE du 30 juin 2009 ( L 168 )
T Directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de
séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié
Sources : Publication au JOUE du 18 juin 2009 ( L 155 )
T Décision du Conseil du 6 avril 2009 portant création de l’Office européen de police (Europol)
Sources : Publication au JOUE du 15 juin 2009 ( L121/37 )
T Décision du Conseil du 27 novembre 2008 relative à la conclusion de la convention sur la
compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et
commerciale.
Sources : Publication au JOUE du 10 juin 2009 ( L147/1 )
T Décision 2009/426/JAI du Conseil du 16 décembre 2008 sur le renforcement d’Eurojust et
modifiant la décision 2002/187/JAI instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes
graves de criminalité.
Sources : Publication au JOUE du 4 juin 2009 ( L138/14 )
T Règlement (CE) n/ 444/2009 du Parlement Européen et du Conseil du 28 mai 2009
modifiant le règlement ( CE ) n/ 2252/2004 du Conseil établissant des normes pour les éléments
de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents de
voyage délivrés par les Etats membres.
Sources : Publication au JOUE du 6 juin 2009 ( L142/1 )
1 Pour plus d’informations : http://eur-lex.europa.eu/fr/index.htm
-3-
T Règlement (CE) n/ 392/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relatif
à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d’accident.
Sources : Publication au JOUE du 28 mai 2009 ( L131/24 )
T Directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant
la protection juridique des programmes d’ordinateur.
Sources : Publication au JOUE du 5 mai 2009 (L 111 ).
T Proposition de règlement du Conseil instituant une procédure pour la négociation et la
conclusion d’accords bilatéraux entre les États membres et les pays tiers concernant des
questions sectorielles et portant sur la compétence, la reconnaissance et l’exécution des
jugements et décisions en matière matrimoniale, de responsabilité parentale et
d’obligations alimentaires, ainsi que sur le droit applicable en matière d’obligations
alimentaires
Sources : COM (2008) 894 et 2008/0266/CNS
Depuis la communautarisation de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale par
le traité d’Amsterdam en 1997, la Communauté a édicté de nombreux règlements destinés à
régler les conflits de loi ainsi que les conflits de juridictions intracommunautaires. Cependant,
dans ce domaine, les Etats membres ont depuis longtemps ratifié des conventions bilatérales
avec des Etats tiers. Certaines de leurs dispositions étant incompatibles avec des dispositions
du traité CE, la présente proposition tente d’harmoniser ces traités afin qu’ils ne soient pas en
désaccord avec les règlements communautaires. De plus, la Communauté disposant désormais
d’une compétence externe exclusive pour négocier et conclure des accords internationaux avec
les pays tiers dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale,
l’institution d’une procédure harmonisée permettra à terme à la Communauté de ratifier de tels
accords, unifiant ainsi les relations entre la Communauté et les Etats tiers dans le domaine de
la justice civile.
-4-
COMMUNIQUÉS
Conseil de l’Union européenne 2
T 2ème conférence du réseau des Procureurs généraux près les cours suprêmes des Etats
membres de l’Union européenne.
Le jeudi 28 mai 2009, M. Jean-Louis Nadal, Procureur général près de la Cour de cassation, a
participé à la 2ème conférence du réseau des Procureurs généraux près les cours suprêmes des
Etats membres de l’Union européenne.
Ce réseau a pour objectif de fédérer un ensemble d’experts capable de favoriser l’expression de
la norme communautaire et européenne par les cours suprêmes.
Conformément aux statuts du réseau, un nouveau président a été élu à l’issue de cette
conférence. Il s’agit du Procureur général du Royaume d’Espagne, M. Candido-PUMPODO
TOURON.
Source : Site intranet de la Cour de cassation
T Le Conseil adopte le code communautaire des visas (code des visas)
« Le Conseil a adopté ce jour des règles communes concernant les procédures et conditions de
délivrance des visas de courte durée. Il s’agit d’une étape importante pour la poursuite de la mise
en place d’une politique commune des visas et pour le renforcement de la coopération dans
l’espace Schengen. Les ressortissants de pays tiers bénéficieront de procédures relatives aux
demandes plus cohérentes et transparentes. Les dispositions du règlement adopté portent
essentiellement sur les transits ou les séjours d’une durée maximale de trois mois sur une période
de six mois (visas de courte durée). »
Sources : Communiqué 11376/1/09 , Bruxelles, le 25 juin 2009
T Communiqué de presse concernant la fermeture de Guantanamo adopté par l’UE et les
États-Unis
« Lundi, l’Union européenne et les États-Unis ont adopté une déclaration conjointe concernant la
fermeture du centre de détention de Guantanamo. Cette déclaration marque en même temps un
nouveau départ dans la coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, fondée sur
des valeurs communes, le droit international et le respect des droits de l’homme et de l’État de
droit. Cette déclaration, qui est le résultat d’un travail commun entre la présidence tchèque de
l’Union européenne, assistée du coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme et de la
Commission, et les États-Unis, soutient pleinement l’engagement pris par les États-Unis de fermer
le centre de détention. Elle permet aux États membres de l’UE qui, à la suite d’une demande des
États-Unis, souhaitent accueillir d’anciens détenus déclarés libérables, de le faire en se référant
à un cadre commun de l’UE. »
Sources : Communiqué 11016/09 (Presse 178) , Bruxelles, le 15 juin 2009
2 Pour plus d’informations : http://www.consilium.europa.eu/cms3_fo/showPage.asp?id=339&lang=fr
-5-
T Décisions en matière de droit civil et commercial
« Le Conseil a pris aujourd’hui des décisions importantes dans le domaine du droit européen en
matière civile et commerciale. Ces décisions ont trait au réseau judiciaire européen, à
l’établissement d’un futur cadre commun de référence pour le droit européen des contrats, et aux
nouvelles procédures pour la conclusion d’accords bilatéraux dans des domaines du droit civil entre
les pays de l’UE et des pays tiers. »
Sources : Communiqué 10697/09 (Presse 167), Luxembourg, le 5 juin 2009
T Déclaration de la présidence au nom de l’Union européenne à l’occasion de la Journée
internationale contre l’homophobie, organisée le 17 mai
« À l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie, la présidence du Conseil réaffirme,
au nom de l’Union européenne, le principe de non discrimination, selon lequel les droits de l’homme
s’appliquent de la même manière à chaque être humain, indépendamment de son orientation
sexuelle et de son identité de genre.
L’Union européenne rejette et condamne toute manifestation d’homophobie, ce phénomène
constituant une atteinte flagrante à la dignité humaine. Elle considère que la discrimination fondée
sur l’orientation ou l’identité sexuelle est incompatible avec les principes sur lesquels elle se fonde,
de même qu’elle demeure et demeurera attachée à la prévention et à l’éradication des
discriminations fondées sur les six motifs énumérés à l’article 13 du traité CE, parmi lesquels figure
l’orientation sexuelle.
L’Union européenne demande instamment aux États de prendre toutes les mesures nécessaires
pour garantir que l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne soient, en aucune circonstance, le
fondement de sanctions pénales, pour que des enquêtes soient menées sur ces violations et que
leurs auteurs soient reconnus responsables et traduits en justice.
L’Union européenne se félicite du soutien sans cesse croissant dont bénéficient ces principes dans
le monde et rappelle à cet égard que 67 États de différentes régions ont condamné les violations
fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans la déclaration de l’assemblée générale
des Nations unies relative aux droits de l’homme et à l’orientation sexuelle et l’identité de genre du
18 décembre 2008.
La Turquie, la Croatie * et l’ancienne République yougoslave de Macédoine *, pays candidats,
l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Serbie, pays du processus de stabilisation
et d’association et candidats potentiels, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège, pays de l’AELE
membres de l’Espace économique européen, ainsi que l’Ukraine, l’Arménie et la Géorgie se rallient
à la présente déclaration.
* La Croatie et l’ancienne République yougoslave de Macédoine continuent à participer au
processus de stabilisation et d’association. »
Sources : Bruxelles, le 15 mai 2009, 9823/09 ( Presse 126 )
T Demandes d’asile dans l’UE en 2008 : Environ 20 000 demandeurs d’asile enregistrés
chaque mois dans l’UE à 27
« L’UE a enregistré près de 240 000 demandeurs d’asile en 2008, soit 480 demandeurs par million
d’habitants. Ces demandeurs étaient principalement de nationalité iraquienne (29 000, soit 12 %
de l’ensemble des demandeurs), russe (21 100, soit 9 %), somalienne (14 300, soit 6 %), serbe (13
600, soit 6 %) et afghane (12 600, soit 5 %).
Ces données sur les demandeurs d’asile au sein de l’UE27 sont extraites d’un rapport publié par
Eurostat, l’Office statistique des Communautés européennes.
Malte et Chypre enregistrent les plus grands nombres de demandeurs d’asile par habitant.
En 2008, parmi les États membres pour lesquels des données sont disponibles, le plus grand
nombre de demandeurs d’asile a été enregistré en France (41 800). Le Royaume-Uni a recensé
-6-
30 500 demandeurs, mais il faut noter que ce chiffre ne prend en compte que les nouveaux
demandeurs. Viennent ensuite l’Allemagne (26 900), la Suède (24 900), la Grèce (19 900), la
Belgique (15 900) et les Pays-Bas (15 300).
En comparaison avec la population de chaque État membre, les plus grands taux de demandeurs
d’asile ont été enregistrés à Malte (6 350 demandeurs par million d’habitants), à Chypre (4 370),
en Suède (2 710), en Grèce (1 775), en Autriche (1 530) et en Belgique (1 495).
Dans certains États membres, une grande proportion des demandeurs provenait d’un seul pays.
Les États membres présentant les plus fortes concentrations étaient la Pologne (91 % des
demandeurs venaient de Russie), la Lituanie (77 % en provenance de Russie), la Hongrie (52 %
en provenance de Serbie), le Luxembourg (48 % en provenance de Serbie) et la Bulgarie (47 %
en provenance d’Iraq).
Décisions de première instance :
En 2008, 193 690 décisions de première instance ont été prises dans l’UE27 à l’égard des
demandeurs d’asile. Sur l’ensemble de ces décisions, 141 730 ont fait l’objet d’un rejet (soit 73 %
des décisions), 24 425 demandeurs (13 %) se sont vu octroyer le statut de réfugié, 18 560 (10 %)
la protection subsidiaire et 8 970 (5 %) une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires.
La proportion de décisions positives varie considérablement d’un État membre à l’autre, mais il
convient de rappeler que le pays d’origine des demandeurs diffère aussi grandement d’un État
membre à l’autre. »
Sources : Statistiques/09/66, le 8 mai 2009
-7-
Parlement 3
T Droits de l’homme dans le monde en 2008
« Le recul de la peine de mort dans le monde et les progrès dans le domaine des droits des
femmes et des enfants figurent parmi les évolutions positives du rapport annuel sur les droits de
l’homme dans le monde en 2008. Cependant, selon le Parlement, l’UE pourrait promouvoir les
droits de l’homme de manière plus efficace et s’assurer qu’elle respecte ses propres principes, par
exemple en matière d’immigration et de lutte contre le terrorisme. »
Sources : PE, Communiqué de presse du 7 mai 2009.
T Politique d’asile : le Parlement veut mettre en place de nouvelles règles
« Une série de mesures visant à améliorer le fonctionnement du système d’asile européen et à
renforcer les droits des demandeurs d’asile ont été adoptées ce jeudi par le Parlement européen.
Les députés ont introduit des amendements renforçant la solidarité entre Etats membres dans la
gestion des demandes d’asile et demandent d’établir un mécanisme contraignant avant 2012. »
Sources : PE, Communiqué de presse du 7 mai 2009.
T Justice : accords avec les pays tiers et espace européen de justice pénale
« Alors que la négociation des accords nationaux et bilatéraux concernant les jugements en
matière matrimoniale ou de responsabilité parentale est à présent de la compétence exclusive de
l’Union, deux textes, approuvés par le Parlement, proposent de rendre cette compétence aux Etats
membres dans les cas où l’intérêt de la Communauté n’est pas engagé. Un rapport d’initiative
propose en outre une série de mesures pour favoriser la mise en place d’un véritable espace de
justice pénale dans l’UE. »
Sources : PE, Communiqué de presse du 7 mai 2009.
T Rejet de la directive sur le temps de travail des conducteurs routiers (05-05-2009)
« Les députés ont rejeté en première lecture une proposition de directive relative à l’aménagement
du temps de travail “des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier”. La
proposition de la Commission ne tient pas compte de la demande du Parlement qui souhaite
l’inclusion complète des conducteurs indépendants, déclarent les parlementaires. »
Sources : PE, Communiqué de presse du 5 mai 2009.
T Pollution maritime : les infractions passibles bientôt de sanctions pénales
« Les rejets de substances polluantes des navires en mer seront bientôt sanctionnés plus
durement. Le Parlement en accord avec le Conseil a adopté des mesures plus efficaces destinées
à combattre la pollution maritime. La directive obligera les États membres à considérer les cas
sérieux de pollution comme des actes criminels. Les cas mineurs seront considérés comme des
3 Pour plus d’informations : http://www.europarl.europa.eu/news/public/default_fr.htm?language=FR
-8-
infractions pénales s’ils endommagent la qualité de l’eau et sont répétés, délibérés ou commis à
la suite d’une négligence grave. »
Sources : PE, Communiqué de presse du 5 mai 2009.
x
x
x
-9-
Commission 4
T Rapport de la Commission : Analyse des sanctions applicables en cas d’infraction grave à
la réglementation sociale dans le transport routier, telles que prévues dans la législation des
États membres
Sources : COM (2009) 225, http://ec.europa.eu/prelex/
T La Commission propose la création d’une agence pour la gestion opérationnelle des
systèmes d’information à grande échelle
« A la demande du Conseil et du Parlement européen, la Commission a adopté aujourd’hui un
paquet législatif proposant la création d’une agence pour la gestion opérationnelle à long terme du
système d’information Schengen (SIS II), du système d’information sur les visas (VIS),
d’EURODAC et d’autres systèmes d’information à grande échelle dans le domaine de la liberté,
de la sécurité et de la justice. »
Sources : Communiqué IP/09/991, Bruxelles, le 24 juin 2009.
T Congé parental : Les partenaires sociaux européens signent la révision de l’accord-
cadre
« Le nouvel accord-cadre conclu par les partenaires sociaux européens augmente la durée du
congé parental de trois à quatre mois par parent et s’applique à tous les travailleurs employés,
indépendamment de la forme de leur contrat. Il est le résultat de six mois de négociations entre les
partenaires sociaux et reflète les changements intervenus dans la société et sur le marché du
travail depuis la signature du premier accord-cadre sur le congé parental en 1995. »
Sources : Communiqué IP/09/948, le 18 juin 2009.
T La lutte contre le travail des enfants est un engagement essentiel du programme de
l’Union européenne en matière de droits de l’enfant
« La quatrième réunion du Forum européen sur les droits de l’enfant abordera un sujet grave : le
travail des enfants. Le Forum se penchera sur les moyens de lutter efficacement contre ce
phénomène en utilisant les instruments dont dispose l’Union européenne. À l’intérieur du thème
principal du travail des enfants, il sera question, spécifiquement, de la protection sociale et de la
responsabilité sociale des entreprises. »
Sources : Communiqué IP/09/950, le 18 juin 2009
T Aides d’État : la Commission adopte des orientations sur les aides à la formation et les
aides en faveur des travailleurs défavorisés ou handicapés
« La Commission européenne a adopté deux documents d’orientation établissant des critères pour
l’évaluation approfondie d’aides à la formation et d’aides en faveur des travailleurs défavorisés ou
handicapés portant sur des montants élevés. Ces documents exposent le type d’informations
4 Pour plus d’informations : http://europa.eu/rapid/setLanguage.do?language=fr : recherche via la référence du communiqué.
-10-
nécessaires à la Commission aux fins de son évaluation, ainsi que la méthodologie appliquée, qui
se fonde sur la mise en balance des effets positifs et négatifs de l’aide. Ces critères sont conformes
à l’approche économique affinée mise en œuvre par la Commission dans son analyse des aides
d’État, qui repose sur les principes énoncés dans le plan d’action dans le domaine des aides d’État
(voir IP/05/680 et MEMO/05/195 ). Ces orientations s’inscrivent dans le cadre des efforts déployés
par la Commission pour clarifier et simplifier les règles applicables aux aides d’État. »
Sources : Bruxelles, IP/09/863, le 3 juin 2009
T Les réalisations de la Commission de 2004 à 2009 : de réels avantages pour les citoyens
de toute l’Europe
« La Commission européenne a présenté le bilan de son action, en préparation de l’élection du
Parlement européen. »
Sources : Bruxelles, IP/09/845, le 28 mai 2009
T L’Europe telle qu’elle s’écrit : lancement du portail PRESSEUROP.EU, premier site
multilingue d’articles de presse sur les affaires européennes
« Sous la houlette de Courrier International, le portail PRESSEUROP.EU offrira en 10 langues une
sélection d’articles sur les affaires européennes.
Mme. Margot WALLSTRÖM, Vice-présidente de la Commission européenne et Commissaire en
charge de la communication, s’est félicitée du soutien de la Commission à ce projet novateur, et
ce dans le plus strict respect de la liberté éditoriale du consortium : “Avec EuRaNet (lancé en 2008)
et EU TV Net (prévu en 2010), PRESSEUROP traduit notre volonté de favoriser, de nourrir et
d’accompagner l’affirmation d’un espace public européen de communication, de réflexion et de
débat”.
La Commission européenne et un consortium coordonné par Courrier International lancent
PRESSEUROP.EU, le premier site multilingue d’articles de presse sur les affaires européennes.
PRESSEUROP proposera les traductions, dans le plus grand nombre de langues, d’une sélection
d’articles sur les affaires européennes parus le jour même ou la veille. Ces articles seront enrichis
par des analyses, commentaires et illustrations.
PRESSEUROP.EU met ainsi à la disposition du public :
- des articles de la presse internationale et européenne (presse écrite et online), sélectionnés selon
des critères de pertinence et de fiabilité et portant sur divers domaines de l’actualité communautaire
: politique, économie, société, monde, environnement, sciences, culture, débats d’idées, etc. ;
- des revues de presse, des brèves et des synthèses de l’actualité ;
- des illustrations (infographie, photos, vidéos, dessins humoristiques, etc.) ;
- une newsletter quotidienne sur l’actualité du jour et le contenu le plus récent ;
- des archives d’articles.
L’offre interactive se traduira par des forums thématiques, des sondages en ligne et la possibilité
de commenter les articles publiés.
Ce service sera proposé d’abord en 10 langues (allemand, anglais, espagnol, français, italien,
néerlandais, polonais, portugais, roumain et tchèque) puis, progressivement, dans les 23 langues
officielles de l’UE. Le consortium PRESSEUROP est donc appelé à s’élargir à de nouveaux
membres. D’ores et déjà, des partenariats sont prévus, notamment avec le réseau EuRaNet et le
futur réseau EU TV Net. »
Sources : Bruxelles, IP/09/837, le 27 mai 2009 (http://www.presseurop.eu/)
-11-
T La Commission salue l’accord conclu par les États membres sur le renforcement de la
coopération dans le domaine de l’éducation et de la formation
« Le Conseil a adopté aujourd’hui un nouveau cadre stratégique pour la coopération entre les États
membres de l’Union européenne, désireux de réformer leurs systèmes d’éducation et de formation.
Cette initiative véhicule un message important : en ces temps de crise économique, les États
membres doivent apprendre les uns des autres et apporter une réponse collective aux défis
communs que représentent les déficits de compétences, le vieillissement des sociétés et
l’implacable concurrence mondiale. En conclusion, le Conseil définit des priorités immédiates pour
la période 2009-2011 et cerne les enjeux pour la décennie à venir. Parmi les instruments mis en
œuvre pour relever ces défis, on trouve de nouveaux critères de référence en matière d’éducation
et de formation, qui permettront de suivre les progrès accomplis en Europe. »
Sources : Bruxelles, IP/09/748, le 12 mai 2009
T Les présidents de la Commission et du Parlement discutent des apports de l’éthique
pour la gouvernance économique à l’échelle européenne et mondiale avec de hauts
dignitaires religieux européens
« Une vingtaine de hauts représentants du Christianisme, du Judaïsme et de l’Islam en Europe,
répondant à l’invitation du président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, se
sont réunis au siège de la Commission européenne pour un dialogue informel avec l’UE. La réunion
était présidée conjointement par le président de la Commission, M. Barroso, et le président du
Parlement européen, M. Hans-Gert Pöttering. Cette année, elle était consacrée à un défi majeur
pour l’Europe et le monde : la crise économique et financière et l’apport de l’éthique dans la
gouvernance économique au niveau européen et mondial. »
Sources : Bruxelles, IP/09/730, le 11 mai 2009
T La Commission adopte une communication sur le commerce équitable
« La Commission européenne a adopté aujourd’hui une communication relative au rôle du
commerce équitable et des systèmes non gouvernementaux d’assurance de la durabilité liés au
commerce. La communication reconnaît le développement considérable du phénomène du
commerce équitable et l’importance d’un marché européen qui représente désormais 1,5 milliard
d’euros par an. Elle définit également de nouveaux domaines d’action dans lesquels le commerce
équitable et d’autres systèmes peuvent contribuer à la réalisation d’objectifs européens en matière
de développement durable. Enfin, elle énonce les principaux principes et définitions, ainsi que les
règles fondamentales régissant les marchés publics de biens et de services durables. »
Sources : Bruxelles, IP/09/697, le 5 mai 2009
T Journée mondiale de la liberté de la presse : La Commission lance le Prix Lorenzo Natali
2009 pour les journalistes engagés
« A l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, la Commission européenne a
lancé officiellement le Prix Lorenzo Natali 2009. Ce prix organisé en partenariat avec Reporters
sans Frontières et l’Association Mondiale des Journaux récompense les journalistes engagés pour
les Droits de l’Homme, la Démocratie et le Développement.
Le Commissaire Européen au Développement et à l’Aide Humanitaire, Louis Michel, a déclaré :
“Sans la liberté d’informer, il n’y a pas de démocratie. Une société mal informée est une société
malade. L’idéal de développement, l’idéal des droits de l’homme et l’idéal de démocratie ne peuvent
se réaliser sans des médias libres et indépendants pour les questionner et susciter le débat. La
-12-
Commission européenne organise le Prix Lorenzo Natali avec la volonté de soutenir des
journalistes engagés qui contribuent à faire avancer le développement, la démocratie et les droits
de l’homme par la qualité de leur travail”.
Le Prix Natali est un prix international (plus de 1 500 journalistes de 151 pays en 2008) qui
récompense la presse depuis 1992. Il est ouvert aux journalistes de télévision, de radio et de
presse écrite ou en ligne.
Le Prix Lorenzo Natali fait partie intégrante de la politique de développement de la Commission
européenne qui considère que défendre la liberté d’expression, la démocratie, les droits de
l’homme et le développement, c’est agir pour la bonne gouvernance, la Paix et le Progrès, c’est
améliorer les conditions de vie dans les pays les plus pauvres. »
Sources : Bruxelles, IP/09/685, le 3 mai 2009
-13-
Comité économique et social européen
T Promouvoir l’intégration des minorités - Les Roms : une priorité du CESE
« A l’occasion du Pèlerinage des Saintes Maries de la Mer et de la Fête des gitans, le Président
du CESE Mario Sepi est invité à participer à une conférence sur l’intégration des Roms et leur
contribution dans la société civile. Cette conférence a été organisée dans le cadre de la mise en
œuvre de son programme présidentiel concernant la promotion des droits, l’intégration des
minorités et le dialogue interculturel en Europe. »
Sources : CES/09/70, le 18 mai 2009
T Le CESE et les acteurs concernés appellent à renforcer la coopération pour garantir la
sécurité des enfants sur Internet
« Lors de la conférence organisée le 5 mai 2009 par le Comité économique et social européen
(CESE), qui a rassemblé une centaine de participants, 15 orateurs éminents, dont deux jeunes
lauréats de Roumanie, ont plaidé unanimement et fermement pour une coopération internationale
renforcée et des partenariats coordonnés afin de rendre Internet plus sûr pour les jeunes, et tout
particulièrement les enfants.
Parmi les questions débattues par les experts et acteurs concernés participant à la conférence du
CESE figuraient notamment la protection des enfants contre les contenus et comportements en
ligne préjudiciables et la manière de mettre un terme à la diffusion de contenus illicites. Ils ont
discuté en particulier des défis à relever aux niveaux politique, réglementaire et de l’application de
la législation, ainsi que sur les plans technologique, commercial et social. »
Sources : CES/09/64, le 14 mai 2009
T Le Président du CESE, Mario Sepi, demande à l’UE un régime commun en matière
d’asile et de canaux d’immigration légale
« “En tant que Président du Comité économique et social européen, j’entends exprimer le total
désaccord du Comité quant à la pratique qui veut que l’Union européenne ou ses États membres
concluent des accords de réadmission ou de contrôle des frontières avec des pays non signataires
des principaux instruments juridiques internationaux de protection du droit d’asile.
Le Comité s’oppose également à toute mesure de refoulement ou de réadmission lorsque les
conditions de sécurité et de dignité ne sont pas garanties.
Le refoulement (retour ou expulsion) d’individus dont les besoins de protection n’ont pas été
examinés par un État membre ne doit pas se produire, sauf s’il est garanti que ces besoins seront
examinés dans le pays tiers au moyen d’une procédure juste et conforme aux normes
internationales de protection. Cette situation, de même que les milliers de morts survenues ces
dernières années en Méditerranée, mettent directement en cause les institutions européennes, qui
doivent absolument proposer avec vigueur des modes d’actions plus efficaces et plus humains.
Je demande instamment aux autres institutions de l’UE que soit mis en place au plus vite le régime
d’asile européen commun qui permette d’affronter ces problématiques dans le plein respect des
droits de l’homme et des conventions internationales, mais également dans un cadre de solidarité
accrue entre les États, afin que les États les plus exposés aux flux migratoires n’aient pas à y réagir
seuls.
Je souhaite également répéter ce que le Comité demande depuis des années au Conseil :
l’ouverture de canaux d’immigration légale, afin que celle-ci puisse devenir une ressource pour
tous : pour nos économies et nos sociétés, qui en ont tant besoin, mais aussi pour les immigrés
mêmes, qui recherchent légitimement des conditions de vie plus dignes et la protection de leurs
droits individuels et collectifs, de même que pour les pays d’origine”. »
Sources : CES/09/61, le 13 mai 2009
-14-
ACTUALITÉ
DU CONSEIL DE L’EUROPE
-15-
RATIFICATIONS ET SIGNATURES
T Le 15 mai 2009 :
L’Estonie a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme.
T Le 27 mai 2009 :
L’Espagne a signé le Protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption.
L’ex-République yougoslave de Macédoine a signé la Charte sociale européenne (révisée)
et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite de êtres humains.
T Le 18 juin 2009 :
La Serbie a signé la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants et la
Convention européenne en matière d’adoption des enfants.
Le Monténégro a signé la Convention européenne sur l’exercice du droit des enfants, la
Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus
sexuels et la Convention européenne en matière d’adoption des enfants.
La Belgique, l’Estonie, la Finlande, la Géorgie, la Hongrie, la Lituanie, le Monténégro, la
Norvège, la Serbie, la Slovénie, la Suède et l’ex-République yougoslave de Macédoine ont
signé la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics.
N Les Protocoles n/ 14 et n/ 14bis 5
- Le 27 mai 2009, la France, la Géorgie, la Slovénie et l’Espagne ont signé le Protocole n/ 14bis
à la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales.
- Le 27 mai 2009, le Danemark et la Norvège ont signé sans réserve de ratification le Protocole
n/ 14bis à la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales.
- Le 9 juin 2009 : Le Luxembourg a signé le Protocole n/ 14bis à la Convention de sauvegarde
des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales et a accepté la mise en application
provisoire à son égard de certaines dispositions du Protocole n/ 14 à la Convention de
sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, amendant le système de
contrôle de la Convention.
- Le 9 juin 2009 : Les Pays-Bas ont accepté la mise en application à leur égard de certaines
dispositions du Protocole n/ 14 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des
Libertés fondamentales.
- Le 17 juin 2009 : L’Irlande a signé sans réserve de ratification le Protocole n/ 14bis à la
5 Voir pour plus d’information, Dossier : “La réforme de la Cour européenne des droits de l’homme”, veille bimestrielle n/ 24 (Mars,
avril 2009), p. 149 s. Voir également le communiqué de presse “Le Conseil de l’Europe adopte de nouvelles décisions pour
améliorer l’efficacité de la Cour européenne des droits de l’homme”, p. 19 de la présente veille bimestrielle
-16-
Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.
- Le 19 juin 2009 : Saint Marin a signé le Protocole n/ 14bis à la Convention de sauvegarde des
Droits de l’homme et des Libertés fondamentales.
- Le 30 juin 2009 : Le Royaume-Uni a accepté la mise en application provisoire à son égard de
certaines dispositions du Protocole n/ 14 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme
et des Libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la Convention.
-17-
COMMUNIQUÉS
T Les personnes déplacées sont « les oubliés de l’Europe » selon le rapporteur de
l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
« “C’est une honte pour l’Europe que quinze à vingt ans après les conflits qui ont ravagé le
Caucase du Sud au début des années 1990, des centaines de milliers de personnes déplacées à
la suite de ces conflits continuent de vivre dans des conditions lamentables et qu’elles soient
marginalisées, sans guère de perspectives de retour ou de restitution de leurs biens”, a déclaré
John Greenway (Royaume-Uni, GDE), rapporteur sur la protection des droits fondamentaux des
personnes déplacées de longue date, à la fin de sa mission d’information de quatre jours à Erevan
et à Bakou. “La communauté internationale doit redoubler d’efforts pour donner un nouvel élan
politique débouchant sur des solutions durables pour ces personnes. Nous devons tout faire pour
qu’elles ne deviennent pas « les oubliés de l’Europe »”.
En donnant ses impressions après les réunions qu’il a eues avec les autorités de l’Azerbaïdjan et
des représentants de la société civile et après sa visite d’un centre d’hébergement collectif
temporaire et d’un nouveau quartier résidentiel pour personnes déplacées à Bakou, le rapporteur
a reconnu les progrès importants accomplis par le gouvernement de l’Azerbaïdjan pour améliorer
les conditions de vie de ces personnes. “Il reste néanmoins beaucoup à faire pour loger
convenablement les centaines de milliers de personnes déplacées qui continuent de vivre dans des
conditions déplorables, un fait que le gouvernement reconnaît. De même, il faut faire plus pour
remédier à la vulnérabilité de ces personnes, leur permettre d’accéder à l’emploi, à une éducation
de qualité ou aux services élémentaires, et répondre à leurs besoins en matière de soins,
psychologiques ou autres” (...)
Il a encouragé les autorités de l’Azerbaïdjan, ainsi que la communauté internationale, à étudier
attentivement et à prévoir les coûts, les besoins en matière de reconstruction, la sensibilisation de
la population et la préparation psychologique des rapatriés potentiels, en cas de conditions
favorables à leur retour. “La communauté internationale a un rôle particulier à jouer pour aider à
déminer ces régions”, a-t-il ajouté.
Le rapporteur s’est dit aussi préoccupé par le statut et la protection des personnes arrivant en
Azerbaïdjan sous la pression des conflits des régions voisines. “La prospérité économique a rendu
l’Azerbaïdjan attractif comme pays de destination. Nombre des personnes en provenance du
Caucase du Nord, d’Iran, d’Afghanistan, du Pakistan et d’autres pays n’ont pas de statut juridique
et ne reçoivent guère d’aide. Il faut prévoir des mesures de protection temporaires et garantir les
principes du non-refoulement dans la mesure du possible. La communauté internationale doit
soutenir les efforts faits pour développer les capacités en élaborant des procédures d’asile
efficaces en Azerbaïdjan” ».
Sources : Communiqué de presse - 381 (2009) - le 8 mai 2009.
T Les ministres des Affaires étrangères des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe se
réunissent à Madrid
« Les ministres des Affaires étrangères des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe se
retrouveront le 12 mai à Madrid.
La garantie de l’efficacité à long terme du système de contrôle de la Convention européenne des
droits de l’homme est l’un des principaux sujets à l’ordre du jour de cette 119ème session.
Afin d’augmenter la capacité de traitement à court terme des requêtes de la Cour européenne des
droits de l’homme, les ministres devraient adopter le Protocole n/ 14bis à la Convention
européenne des Droits de l’Homme, qui permettra l’application immédiate de deux éléments de
procédure du Protocole n/ 14, en attendant son entrée en vigueur.
Une autre voie juridique permettant l’application provisoire de ces deux aspects procéduraux devra
être entérinée par consensus lors de la Conférence des Hautes Parties contractantes à la
-18-
Convention qui se tiendra en marge de la session.
Les ministres auront l’opportunité de discuter “L’état de la démocratie en Europe. Belarus”, et du
conflit en Géorgie.
Les ministres devraient adopter une Déclaration à l’occasion du 60ème anniversaire du Conseil de
l’Europe, réaffirmant et réactualisant les objectifs politiques fixés lors du Sommet des Chefs d’Etat
et de gouvernement de Varsovie (mai 2005).
Enfin, ils adopteront une résolution transmettant à l’Assemblée parlementaire la liste des candidats
au poste de Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Ils devraient adopter également une
Déclaration : Faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une réalité dans les faits. A l’issue
de la session, la Slovénie succédera à l’Espagne à la présidence du Comité des Ministres pour les
six prochains mois. »
Sources : Communiqué de presse - 382 (2009) - le 11 mai 2009.
T Le Conseil de l’Europe adopte de nouvelles décisions pour améliorer l’efficacité de la
Cour européenne des droits de l’homme
« Les ministres des Affaires étrangères et les représentants des 47 Etats membres du Conseil de
l’Europe ont adopté aujourd’hui le Protocole n/ 14bis à la Convention européenne des droits de
l’homme, qui accroît la capacité de la Cour à traiter les requêtes à court terme.
Lors de la 119ème session du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe tenue à Madrid, ils ont
adopté ce nouveau protocole qui autorisera, en attendant l’entrée en vigueur du Protocole n/ 14,
l’application immédiate et provisoire de deux éléments procéduraux du Protocole n/ 14 par les Etats
qui auront exprimé leur consentement :
- Un juge unique pourra rejeter des requêtes clairement irrecevables, décision qui ne pouvait être
rendue jusqu’à présent que par un comité de trois juges.
- Les compétences des comités de trois juges vont être étendues afin qu’ils puissent déclarer une
requête recevable et rendre un arrêt sur le fond dans le cas de requêtes manifestement bien
fondées et d’affaires répétitives, lorsqu’il existe déjà une jurisprudence bien établie de la Cour. Ces
affaires sont actuellement traitées par des chambres de sept juges.
Le Protocole n/ 14bis sera ouvert à la signature le 27 mai et devra être ratifié par trois Etats pour
entrer en vigueur. Ses dispositions s’appliqueront aux requêtes pendantes devant la Cour contre
chacun des Etats dans lesquels le Protocole sera entré en vigueur. S’ils le souhaitent, les Etats
membres pourront appliquer provisoirement les dispositions du protocole avant son entrée en
vigueur.
L’application du Protocole n/ 14bis, bien qu’elle n’apporte pas de solution définitive aux problèmes
de la Cour, représenterait un gain d’efficacité estimé à 20 à 25 %.
En marge de la session ministérielle, une Conférence des Hautes Parties contractantes à la
Convention a adopté un accord par consensus, selon lequel les Etats pourraient consentir
individuellement, pour une durée provisoire, à appliquer directement les deux éléments
procéduraux susmentionnés du Protocole n/ 14 aux requêtes dirigées contre eux. Cet accord est
complémentaire au Protocole n/ 14bis puisqu’il ouvre une seconde voie pour arriver au même
résultat.
Les ministres ont néanmoins affirmé que l’entrée en vigueur du Protocole n/ 14 devait demeurer
la première priorité. »
Sources : Communiqué de presse - 391 (2009) - le 12 mai 2009.
T Journée mondiale de lutte contre l’homophobie, 17 mai - Déclaration du Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe, Terry Davis
« “Tout le monde sait que des homosexuels ont été arrêtés et envoyés dans des camps de
concentration par les nazis, mais on sait moins que beaucoup d’entre eux ont dû purger leur peine
de détention après leur libération des camps. Cela peut paraître choquant, mais cette réaction
s’inscrivait dans la logique de la discrimination profonde dont étaient victimes les homosexuels à
-19-
cette époque en Europe, discrimination qui a continué de s’exercer à leur égard pendant les
décennies qui ont suivi. Il a fallu attendre 1990 pour que l’Organisation mondiale de la santé retire
l’homosexualité de sa liste des maladies mentales et il y a quelques années encore,
l’homosexualité était toujours considérée dans plusieurs pays d’Europe comme une infraction
criminelle.
Etre homosexuel aujourd’hui n’est plus puni par une peine de prison, du moins dans les Etats
membres du Conseil de l’Europe, mais la discrimination et l’homophobie n’ont pas disparu et ne
sont pas l’apanage de certains groupes marginaux de la société. Je condamne les actes violents
homophobes des skinheads, mais je m’inquiète plus encore des convictions des dirigeants de
certains partis politiques. On ne peut accepter que des personnes investies d’une autorité officielle
ou morale en Europe se conduisent encore comme si la Convention européenne des droits de
l’homme ne s’appliquait pas aux homosexuels. Les auteurs de discrimination invoquent souvent
les valeurs morales pour justifier leur comportement. C’est très bien de défendre les valeurs
morales, mais ils se trompent complètement. Ce n’est pas l’homosexualité qui est immorale, c’est
l’homophobie”. »
Sources : Communiqué de presse - 395 (2009) - le 15 mai 2009
T Education des enfants roms en Europe : conférence finale en Slovénie
Conférence au Palais des congrès de Brdo (Slovénie), les 25-26 mai 2009.
« Une centaine d’experts gouvernementaux et non gouvernementaux et de hauts représentants
des Etats membres du Conseil de l’Europe vont dresser le bilan du projet de l’Organisation sur
l’éducation des enfants roms en Europe qui dure depuis six ans (...) ». Abstract.
Sources : Annonce aux médias 062(2009), le 18 mai 2009.
T Forum de Reykjavik sur les lois antiterroristes et la liberté d’expression et d’information
Reykjavik (Islande) - Hôtel Hilton Nordica, le 27 mai 2009
« (...) Des représentants des Etats membres du Conseil de l’Europe, des médias et de la société
civile ainsi que des experts indépendants discuteront du respect en Europe, dans la loi et la
pratique et dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, des normes du Conseil de l’Europe
relatives à la liberté d’expression et d’information (...) ». Abstract.
Sources : Annonce aux médias - 064(2009), le 19 mai 2009.
T 2-5 juin 2009 : Le Comité des Ministres surveille l’exécution des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme
« Du 2 au 5 juin, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe tient sa deuxième réunion spéciale
“DH” de 2009. Il surveillera l’adoption des mesures individuelles nécessaires pour effacer les
conséquences pour les requérants des violations établies par la Cour (y compris le paiement de
toute satisfaction équitable octroyée) et/ou des mesures générales (changements législatifs ou
autres) nécessaires pour prévenir des violations semblables.
476 nouveaux arrêts seront ainsi examinés, dont un certain nombre soulève la question de
l’adoption de nouvelles mesures individuelles ou générales. Les autres se rattachent à des
questions déjà en cours d’examen dans le cadre d’autres affaires ou qui ne présentent pas de
caractère structurel.
Dans les autres affaires, il examinera les progrès accomplis, notamment en ce qui concerne
quelque 400 réformes législatives ou autres.
Une liste préliminaire des points/affaires pour examen lors de cette 1059e réunion des Délégués
des Ministres est disponible sur le site du Comité des Ministres www.coe.int/t/cm/home_fr.asp. A
cette liste s’ajoutent les arrêts devenus définitifs après la dernière réunion “DH” (mars 2009). Les
-20-
dernières informations publiques sur les principales affaires examinées sont disponibles,
regroupées par Etat, sur le site www.coe.int/Droits_de_l’Homme/execution, sous la rubrique “Etat
d’exécution”. »
Sources : Strasbourg, le 27 mai 2009, Communiqué de presse-420 (2009)
T La conférence de Reykjavik donne les grandes lignes des futurs travaux du Conseil de
l’Europe sur les médias et Internet
« Des ministres et des représentants des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe ont adopté
aujourd’hui un plan d’action qui fixe les grandes orientations des futurs travaux de l’Organisation
concernant les médias et Internet.(...)
Les ministres demandent à l’Organisation d’évaluer, en consultation avec les parties prenantes
concernées, si les normes actuelles relatives à la liberté d’expression et d’information qui
s’appliquent aux médias traditionnels devraient être étendues aux nouveaux médias et aux
fournisseurs de services, ou s’il faudrait en élaborer de nouvelles. Comme pour les médias
traditionnels, ils sont partisans d’une autorégulation comme principal moyen de faire respecter les
normes en matière de liberté d’expression. Les ministres ont également souligné que les
fournisseurs de nouveaux services - comme les fournisseurs de services Internet, les aggrégateurs
de contenus ou les moteurs de recherche - devaient prendre conscience de leurs droits mais aussi
de leurs devoirs et de leurs responsabilités.
Durant la conférence, les ministres ont aussi adopté des résolutions sur la nouvelle conception des
médias, les ressources critiques de l’internet et la protection de la liberté d’expression et
d’information face aux lois antiterroristes.
Ils ont décidé d’examiner régulièrement leur législation et leur pratique nationales dans le domaine
de la lutte contre le terrorisme pour veiller à ce que tout impact sur le droit à la liberté d’expression
et d’information soit conforme aux normes du Conseil de l’Europe, en particulier à la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme.
Ils ont déclaré que, bien qu’il existe des cas dans lesquels il convient de ne pas diffuser certaines
informations afin de prévenir des actes terroristes, de préserver le cours d’une enquête, de protéger
la sécurité des victimes ou encore de ne pas gêner l’administration de la justice, « le fait d’informer
sur le terrorisme ne peut être assimilé à un soutien du terrorisme ». Ils ont par ailleurs souligné que
des préoccupations avaient été exprimées au sujet des cas où les lois antiterroristes restreignant
la liberté d’expression et d’information dans des Etats membres sont trop générales, ne fixent pas
de limites claires en matière d’intervention des autorités ou manquent de garanties procédurales
suffisantes pour empêcher des abus.
En ce qui concerne Internet, les ministres ont appelé tous les acteurs, publics ou privés, à explorer
des pistes pour que les ressources critiques de l’internet soient gérées dans l’intérêt commun en
tant que bien public, y compris en élaborant un instrument juridique international. Ils ont également
demandé au Conseil de l’Europe d’examiner la faisabilité d’un traité destiné à renforcer la
protection du trafic Internet transfrontalier. Enfin, ils ont appelé le Conseil de l’Europe à prendre des
dispositions à long terme pour organiser des événements sur la gouvernance de l’Internet au
niveau paneuropéen. »
Sources : Reykjavik, 29 mai 2009, Communiqué de presse - 435 ( 2009 )
T Le Président Costa salue l’ouverture à la signature du Protocole n/ 14bis
« Le Président Jean-Paul Costa a tenu à saluer l’ouverture à la signature du Protocole n/ 14bis.
Il a rappelé que, si l’entrée en vigueur du Protocole 14 demeure, plus que jamais, l’objectif à
atteindre, le Protocole n/14bis contient des dispositions procédurales qui devraient permettre
d’accroître l’efficacité de la Cour. La Cour est, d’ores et déjà, prête à le mettre en œuvre.
Il a remercié les Etats membres qui ont œuvré pour qu’un tel protocole soit possible, témoignant
ainsi de leur attachement au mécanisme de protection issu de la Convention européenne des droits
de l’homme. »
-21-
Sources : Strasbourg, le 27 mai 2009, Communiqué du greffier 419
T Liberté de réunion et de conscience, indépendance du pouvoir judiciaire - la
Commission de Venise se réunit pour la session plénière de juin 2009
« La Commission de Venise du Conseil de l’Europe se réunira en session plénière les 12 et 13 juin
2009 à Venise (Italie).
La Commission discutera et adoptera inter alia des avis sur les questions suivantes :
- la liberté de conscience en Arménie ;
- la liberté de réunion en Bulgarie et en République Kirghize ;
- les partis politiques en Géorgie ;
- le projet de critères et de normes pour les juges et les procureurs de la Serbie ;
- la réforme constitutionnelle en Géorgie et en Ukraine.
La Commission est également invitée à adopter des rapports généraux sur :
- l’indépendance du pouvoir judiciaire (partie 1 - les juges) ;
- le mandat impératif ;
- le monopole d’État sur l’usage de la force ;
- l’impact des systèmes électoraux sur la représentation des femmes en politique ;
- la couverture médiatique des campagnes électorales.
En outre, le vendredi 12 juin 2009, le Bureau élargi de la Commission de Venise se réunira avec
le Comité des Présidents de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. »
Sources : Strasbourg, le 11 juin 2009, Communiqué de presse -465 (2009)
T Journée mondiale des réfugiés - 20 juin : Déclaration de Terry Davis, Secrétaire Général
du Conseil de l’Europe
« “Les frontières de l’Europe sont devenues un piège mortel pour des centaines de personnes
désespérées qui fuient les persécutions, la guerre et la faim, ou tentent d’échapper à la pauvreté
et de construire un avenir meilleur pour elles-mêmes et leur famille. L’Europe, dans son ensemble,
a le devoir d’agir. Il est injuste, cruel et irresponsable de laisser se débrouiller seuls les pays qui,
du fait de leur situation géographique, sont les plus exposés.
Notre action doit être guidée par la compassion et la solidarité. Quelles que soient les raisons pour
lesquelles les gens décident de quitter leur pays d’origine, nous ne devons jamais oublier que les
statistiques cachent des êtres humains. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour
protéger leur dignité et leur vie. Des centaines de personnes sont en train de mourir aux portes de
l’Europe.
A l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, il convient aussi de rappeler les obligations qui
nous incombent en vertu de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Tous
les gouvernements devraient respecter leurs engagements et s’abstenir de renvoyer des réfugiés
dans des pays où ils risquent d’être tués ou emprisonnés en raison de leur origine raciale, de leur
religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un groupe social
particulier. Les pays européens ont aussi des obligations en tant que membres du Conseil de
l’Europe. Il n’y a pas de note en bas de page qui prive les réfugiés et les migrants économiques de
la protection garantie par la Convention européenne des droits de l’homme” ».
Sources : Strasbourg, le 19 juin 2009, Communiqué de presse 489 (2009)
T Le Conseil de l’Europe réunit des juges et des procureurs de ses 47 Etats membres pour
préparer un avis sur leur rôle respectif.
« Des juges et des procureurs des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe seront réunis à
l’occasion de la première Conférence européenne des juges et des procureurs pour discuter du rôle
respectif des juges et des procureurs et de leur complémentarité. Leurs discussions contribueront
-22-
à la préparation d’un avis sur ce thème qui devrait être adopté avant la fin de l’année 2009. La
conférence a pour objectif d’identifier les valeurs communes à ses deux fonctions, distinctes mais
complémentaires, et les principes communs qui doivent régir le statut des juges et des procureurs
quel que soit le système auquel il se rattache : common law britannique, prokuratura à la russe, ou
système « romano-germanique » à la française. Si, pour les juges, l’indépendance est incontestée
et incontestable dans toute société démocratique, les liens qui lient les procureurs au Ministère de
la Justice, sont de nature beaucoup plus diverse, et varient de l’absence totale de lien hiérarchique
à une subordination plus ou moins marquée. La question des relations entre les juges et les
procureurs revêt ainsi une importance toute particulière dans la perspective d’un respect effectif
des normes européennes en matière de justice, notamment le droit à un procès équitable, et des
principes de la séparation des pouvoirs et de la prééminence du droit. »
Sources : Annonce aux médias - 082(2009), Strasbourg, le 25 juin 2009
-23-
ACTIVITÉS DU COMMISSAIRE DES DROITS DE L’HOMME
T Publication du Rapport d’activités 2088 du Commissaire des droits de l’homme du
Conseil de l’Europe, Thomas Hammarbarg
N Le rapport est disponible à l’adresse suivante :
https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1435099&Site=CommDH&BackColorInternet=FEC65B&B
ackColorIntranet=FEC65B&BackColorLogged=FFC679
T Publication du Premier rapport d’activités 2009 (1er janvier au 31 mars 2009)
N Le rapport est disponible à l’adresse suivante :
https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1435089&Site=CommDH&BackColorInternet=FEC65B&B
ackColorIntranet=FEC65B&BackColorLogged=FFC679
T « La répression n’est pas la seule réponse à la délinquance juvénile » déclare le
Commissaire Hammarberg
« “Les mesures de lutte contre la délinquance juvénile doivent toujours privilégier les besoins et
l’intérêt de l’enfant plutôt que la répression” a déclaré aujourd’hui Thomas Hammarberg,
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à l’occasion de la publication d’un
document thématique sur la justice des mineurs dans lequel il propose des pistes d’amélioration.
“L’impression que les enfants sont de plus en plus violents n’est pas corroborée par les statistiques,
qui n’indiquent pas d’augmentation globale de la criminalité chez les jeunes” a-t-il déclaré. “Les
Etats n’ont pas tous la même approche de la délinquance juvénile et la justice des mineurs varie
d’un pays à l’autre. Cette diversité renforce l’importance relative des normes établies par les
instruments internationaux et européens en matière de droits de l’enfant.”
Après avoir passé en revue les normes internationales et européennes applicables en matière de
justice des mineurs et donné des exemples de mise en œuvre de ces normes, le Commissaire
appelle les Etats membres à mettre en place des systèmes effectifs et fondés sur les droits, et à
veiller à ce que les enfants et les jeunes en conflit avec la loi soient bien traités.
Dans le document thématique, le Commissaire recommande l’utilisation des standards en usage.
Il s’agit d’adopter une approche globale de la délinquance juvénile reposant essentiellement sur
des mesures peu onéreuses de prévention, de réadaptation et de réinsertion sociale des jeunes
en difficulté. “Les mesures de prévention et de déjudiciarisation doivent être développées
davantage pour se substituer aux procédures judiciaires. Si un enfant doit passer en jugement, la
décision de le placer en détention ne doit être envisagée qu’en dernier recours.” (...)
Le document thématique s’achève par des recommandations aux Etats membres visant à améliorer
la justice des mineurs. »
Sources : Strasbourg, le 19 juin 2009, Communiqué de presse-488 (2009)
T « Il faut défendre et renforcer la Cour pénale internationale », déclare le Commissaire
Hammarberg
« “Les pays européens doivent défendre la Cour pénale internationale et demander le retrait de
l’impunité pour les ressortissants des Etats-Unis” déclare le Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, dans son dernier Point de vue publié aujourd’hui.
-24-
“Il est grand temps que la politique américaine à l’égard de la Cour pénale internationale soit revue,
dans l’esprit d’une coopération active et positive avec la Cour. La nouvelle administration
américaine doit contribuer à faire de cette juridiction un instrument effectif de dernier recours contre
l’impunité pour des crimes restés impunis, malgré leur nature barbare”.
Le Commissaire critique en particulier la campagne tous azimuts menée contre la Cour, et
notamment les pressions politiques et diplomatiques exercées par les précédentes administrations
américaines sur certains Etats membres du Conseil de l’Europe. Il encourage les Etats européens
à signer et à ratifier le Statut de Rome s’ils ne l’ont pas encore fait et souligne la “nécessité d’un
mécanisme de justice internationale, effectif et indépendant”. »
Sources : Strasbourg, le 22 juin 2009, Communiqué de presse-495 (2009)
-25-
TRAVAUX DU CONSEIL DE L’EUROPE
T « La violence à l’égard des femmes et des enfants constitue une violation des droits de
la personne humaine et nous concerne tous »
« “L’apogée des efforts déployés depuis des années par le Conseil de l’Europe pour lutter contre
la violence à l’égard des femmes sera l’adoption de sa nouvelle convention, qui mettra en place des
normes juridiquement contraignantes en la matière. L’objet de cette convention n’est pas tant de
sanctionner les violations des droits de l’homme une fois celles-ci commises mais de les prévenir.
On ne peut se contenter de soulager les victimes ; il faut faire en sorte que les femmes ne
deviennent pas victimes” a déclaré aujourd’hui Maud de Boer-Buquicchio, Secrétaire Générale
Adjointe du Conseil de l’Europe, dans son allocution d’ouverture de la Conférence des ministres
européens de la Justice.
Récemment, dans un arrêt historique, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu que
la violence domestique constituait une infraction fondée sur le sexe. “Le seul moyen de susciter un
quelconque changement est de mettre à profit cet arrêt pour modifier la législation, les procédures
administratives et les attitudes afin d’aider et de protéger toutes les femmes victimes de violences
domestiques” a conclu la Secrétaire Générale adjointe. (...) »
Sources : Tromsø, le 18 juin 2009, Communiqué de presse-483 (2009 )
T Conférence des Ministres de la Justice du Conseil de l’Europe - Douze Etats membres
du Conseil de l’Europe signent la Convention sur l’accès aux documents publics
« Douze Etats membres du Conseil de l’Europe ont signé aujourd’hui la Convention sur l’accès aux
documents publics (STCE n/ 205), premier instrument juridique international contraignant qui établit
un droit général d’accès aux documents publics.
La transparence des organes de l’Etat est l’un des éléments clés de la bonne gouvernance et l’un
des aspects qui révèle le mieux l’existence ou non d’une société véritablement démocratique et
pluraliste, opposée à toute forme de corruption, capable de critiquer ceux qui la gouvernent et
ouverte à la participation éclairée des citoyens dans les questions d’intérêt général. Le droit d’accès
aux documents publics est également essentiel pour l’épanouissement des personnes et pour
l’exercice des droits de l’homme fondamentaux. Il renforce également la légitimité des autorités
publiques.
La Belgique, l’Estonie, la Finlande, la Géorgie, la Hongrie, “l’ex-République yougoslave de
Macédoine”, la Lituanie, le Monténégro, la Norvège, la Serbie, la Slovénie et la Suède ont signé
la Convention au début de la 29ème Conférence des Ministres européens de la Justice qui se tient
les 18 et 19 juin à Tromsø sur le thème de la violence domestique. La Convention entrera en
vigueur lorsqu’elle aura été ratifiée par cinq Etats.
La Convention énonce les normes minimales à appliquer dans le traitement des demandes d’accès
aux documents publics (formes de l’accès et frais d’accès aux documents publics), le droit de
recours et les mesures complémentaires. Des limitations au droit d’accès aux documents publics
ne sont permises que dans la mesure où elles visent à protéger certains intérêts tels que la sécurité
nationale, la défense ou la vie privée. »
Sources : Tromsø, le 18 juin 2009, Communiqué de presse 486 (2009)
L Pour plus d’informations sur la conférence, voir : www.coe.int/minjust et www.coe.int/violence
-26-
PUBLICATIONS
T Publication du rapport annuel 2008 de l’ECRI (Commission européenne contre le
racisme et l’intolérance)
« Ce rapport décrit les activités mises en œuvre par l’ECRI dans le cadre de son programme 2008
et met également en exergue les grandes tendances concernant les manifestations de racisme,
de xénophobie, d’antisémitisme et d’intolérance à travers l’Europe. »
N Le rapport est disponible à l’adresse suivante :
www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/activities/Rapport%20annuel%202008.pdf
-27-
ACTIVITÉ
INTERNATIONALE
-28-
T Fin de la 45ème session ordinaire de la Commission Africaine des droits de l’Homme et
des peuples
La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples est un organisme prévu par la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Elle est chargée de promouvoir les droits
de l’homme et des peuples et d’assurer leur protection en Afrique.
A ce titre elle a achevé sa 45ème session ordinaire le 27 mai 2009, où plusieurs rapports sur
l’activité des rapporteurs spéciaux et la situation des droits de l’homme en Afrique pendant
l’intersession ont été présentés :
- Rapport sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique ;
- Rapport sur les prisons et les conditions de détention en Afrique ;
- Rapport sur les réfugiés, demandeurs d’asile, les personnes déplacées et les migrants
en Afrique ;
- Rapport sur les droits des défenseurs des droits de l’homme ;
- Rapport sur les droits de la femme en Afrique ;
- Rapport d’étape du groupe de travail sur les populations/ communautés autochtones ;
- Groupe de travail sur la peine de mort ;
- Point focal sur les droits des personnes âgées en Afrique.
N Le communiqué final est disponible à l’adresse suivante :
http://www.achpr.org/francais/communiques/Final%20Communique_45.pdf
T Publication par la Commission de Venise des conclusions de Didier Maus, président de
l’Association internationale de droit constitutionnel sur le « contrôle du processus
électoral »
N Les conclusions sont disponibles à l’adresse suivante :
http://www.venice.coe.int/docs/2009/CDL-UD(2009)009-f.pdf
-29-
ACTIVITÉ LÉGISLATIVE
ET JURIDIQUE
NATIONALE
-30-
T Rapport d’information déposé par la Commission chargée des affaires européennes sur
la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre les personnes sans distinction
de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle.
Rapport déposé par MM. Christophe Caresche et Guy Geoffroy.
Sources : COM[2008] 426 final/n/ E 3918, le 6 mai 2009
N Le rapport est disponible à l’adresse suivante:
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/094000232/index.shtml
T Proposition de Règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n/ 1255/96 portant
suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains
produits industriels, agricoles et de la pêche
Sources : E4454 - COM (2009) 202 final du 29/04/2009, Texte déposé au Sénat le 11 mai 2009.
T Proposition de résolution sur la proposition de décision-cadre relative à l’utilisation de
données des dossiers passagers (Passenger Name Record - PNR) à des fins répressives
(E 3697)
Sources : Rapport n/ 401 (2008-2009) de M. Yves DÉTRAIGNE, fait au nom de la commission des lois, déposé au
Sénat le 13 mai 2009.
T La Commission des lois du Sénat s’oppose, à l’unanimité, à l’utilisation des données
sensibles dans le cadre du projet de PNR (Passenger Name Record) européen.
Sources : Communiqué du 14 mai 2009.
N Le dossier peut être consulté sur le site du Sénat :
http://www.senat.fr/dossierleg/ppr08-252.html
T Proposition de résolution au nom de la commission des Affaires européennes, sur la
création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets
Sources : Proposition de résolution n/ 414 (2008-2009) de M. Richard YUNG, déposée au Sénat le 18 mai 2009.
T Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement
(CE) n/ 1905/2006 portant établissement d’un instrument de financement de la coopération
au développement et modifiant le règlement (CE) n/ 1889/2006 instituant un instrument
financier pour la promotion de la démocratie et des droits de l’homme dans le monde
Sources : E4477 - COM (2009) 194 final du 21/04/2009, Texte déposé au Sénat le 20 mai 2009.
T Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les redevances de
sûreté aérienne
Sources : E4479 - COM (2009) 217 final du 11/05/2009, Texte déposé au Sénat le 20 mai 2009
-31-
T Publication du rapport 2008 de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les
discrimination et pour l’égalité).
Selon le rapport de la HALDE : « Avec 7 788 réclamations en 2008, la HALDE a connu une croissance
de 25 % du nombre de réclamations par rapport à l’année 2007. Le quatrième rapport recense les avancées
significatives obtenues comme des modifications réglementaires, des décisions de justice, des
dédommagements et des actions en faveur de l’égalité. De plus en plus sollicitée, la HALDE a mis en place
un réseau de correspondants locaux pour répondre plus rapidement aux demandes d’information. »
Sources : Rapport annuel publié le 13 mai 2009.
N Ce rapport peut être consulté: http://www.halde.fr/Publication-du-rapport-annuel-2008.html
T Publication du 29ème rapport d’activité 2008 de la CNIL (Commission nationale de
l’informatique et des libertés)
La CNIL reprend notamment l’historique de sa position sur la loi dite « Hadopi ». Elle exprime son
souhait d’être placée au cœur du dispositif de contrôle en matière de vidéo surveillance et
réclame une reconnaissance du droit à la protection des données personnelles dans le texte
constitutionnel.
N Ce rapport peut être consulté:
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/094000211/
-32-
JURISPRUDENCE
-33-
ARRÊTS DE
LA COUR EUROPÉENNE
DES
DROITS DE L’HOMME
6
6 Les arrêts de la CEDH sont disponibles sur le site http://www.echr.coe.int/ECHR/ . Les arrêts présentés deviendront définitifs
dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention.
-34-
LISTE DES ARRÊTS ET DÉCISIONS CI-APRÈS COMMENTÉS,
classement par articles
- Article 3 : INTERDICTION DE LA TORTURE
- CEDH, Korelc c. Slovenia, du 12 mai 2009, req. n/ 28456/03, p. 87.
- CEDH, (décision) Tas c. Belgique, du 12 mai 2009, req. n/ 44614/06 p. 97.
- Article 6 : DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE
- CEDH, Batsanina c. Russie, du 26 mai 2009, req. n/ 3932/02, p. 82.
- CEDH, Bendayan Azcantot et Benalal Bandayan c. Espagne, du 9 juin 2009, req.
n/ 28142/04, p. 62.
- CEDH, Borovsky c. Slovaquie, du 2 juin 2009, req. n/ 24528/02, p. 70.
- CEDH, Codarcea c. Roumanie, du 2 juin 2009, req. n/ 31675/04, p. 67.
- CEDH, Dubus c. France, du 11 juin 2009, req. n/ 5242/04, p. 59.
- CEDH, Elyasin c. Grèce, du 28 mai 2009, req. n/ 46929/06, p. 76.
- CEDH, Fiume c. Italie, du 30 juin 2009, req. n/ 20774/05, p. 37.
- CEDH, (décision) Gouveina Gomes Fernanez et Freita E Costa c. Portugal, du 26 mai 2009,
req. n/ 1529/08, p. 93.
- CEDH, (décision) Gasparini c. Italie et Belgique, du 12 mai 2009, req. n/ 10750/03 p. 99.
- CEDH, Kenedi c. Hongrie, du 26 mai 2009 , req. n/ 31475/05, p. 80.
- CEDH, Korelc c. Slovenia, du 12 mai 2009, req. n/ 28456/03, p. 87.
- CEDH, Laudette c. France, du 11 juin 2009, req. n/ 19/05, p. 57.
- CEDH, Masaec c. Moldova, du 12 mai 2009, req. n/ 6303/05, p. 84.
- CEDH, (décision) Menéndez Garcia c. Espagne, du 5 mai 2009, req. n/ 21046/07, p. 103.
- CEDH, (décision) Pipi c. Turquie, du 12 mai 2009, req. n/ 4020/03, p. 95.
- CEDH, Pistolis et autres c. Grèce, du 4 juin 2009, req. n/ 54594/07, p. 64.
- CEDH, Varnima Corporation International S.A c. Grèce, du 28 mai 2009, req. n/ 48906/06,
p. 78.
- Article 7 : PAS DE PEINE SANS LOI
- CEDH, (décision) Tas c. Belgique, du 12 mai 2009, req. n/ 44614/06 p. 97.
- Article 8 : DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE
- CEDH, Codarcea c. Roumanie, du 2 juin 2009, req. n/ 31675/04, p. 67.
- CEDH, (décision) Menéndez Garcia c. Espagne, du 5 mai 2009, req. n/ 21046/07, p. 103.
- CEDH, (décision) Pipi c. Turquie, du 12 mai 2009, req. n/ 4020/03, p. 95.
- CEDH, Szuluk c. Royaume-Uni, du 2 juin 2009, req. n/ 36936/05, p. 72.
- Article 9 : DROIT A LA LIBERTÉ DE PENSÉE, DE CONSCIENCE ET DE RELIGION
- CEDH, Masaec c. Moldova, du 12 mai 2009, req. n/ 6303/05, p. 84.
Article 10 : DROIT A LA LIBERTÉ D’EXPRESSION
- CEDH, Bodroñiƒ et Vujin c. Serbie, du 23 juin 2009, req. n/ 38435/05, p. 52
-35-
- CEDH, Etxeberria et autres c. Espagne, du 30 juin 2009, req. n/ 35579/03 p. 46.
- CEDH, (décision) Gouveina Gomes Fernanez et Freita E Costa c. Portugal, du 26 mai 2009,
req. n/ 1529/08, p. 93.
- CEDH, Hachette Filipacchi Presse Automobile et Dupuy c. France, du 5 mars 2009, req.
n/ 13353/05, p. 90.
- CEDH, Kenedi c. Hongrie, du 26 mai 2009 , req. n/ 31475/05, p. 80.
- CEDH, Sorguç c. Turquie, du 23 juin 2009, req. n/ 17089/03 p. 50.
- CEDH, Standard Verlags GMBH c. Autriche n/ 2, du 4 juin 2009, req. n/ 21277/05, p. 66.
- CEDH, Grande chambre, Verein Gegen Tierfabriken Scweiz (VGT) c. Suisse (n/ 2), du 30
juin 2009, req. n/ 32772/02, p. 39.
- Article 11 : DROIT A LA LIBERTÉ DE RÉUNION ET D’ASSOCIATION
- CEDH, Herri Batasuna et Batasuna c. Espagne, du 30 juin 2009 , req. n/ 25803/04, p. 42.
- CEDH, Barraco c. France, du 5 mars 2009, req. n/ 31684/05, p. 88.
- Article 13 : DROIT A UN RECOURS EFFECTIF
- CEDH, Etxeberria et autres c. Espagne, du 30 juin 2009, req. n/ 35579/03 p. 46.
- CEDH, Kenedi c. Hongrie, du 26 mai 2009 , req. n/ 31475/05, p. 80.
- CEDH, Korelc c. Slovenia, du 12 mai 2009, req. n/ 28456/03, p. 87.
- CEDH, (décision) Menéndez Garcia c. Espagne, du 5 mai 2009, req. n/ 21046/07, p. 103.
- Article 14 : INTERDICTION DE DISCRIMINATION
- CEDH, (décision) Gouveina Gomes Fernanez et Freita E Costa c. Portugal, du 26 mai 2009,
req. n/ 1529/08, p. 93.
- CEDH, (décision) Pipi c. Turquie, du 12 mai 2009, req. n/ 4020/03, p. 95.
... combiné avec article 8 : DROIT A LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE :
- CEDH, Brauer c. Allemagne, du 28 mai 2009, req. n/ 3545/04, p. 74.
... combiné avec article 10 : LIBERTÉ D’EXPRESSION :
- CEDH, Hachette Filipacchi Presse Automobile et Dupuy c. France, du 5 mars 2009, req.
n/ 13353/05, p. 90.
- Article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention : PROTECTION DE LA
PROPRIÉTÉ
- CEDH, (décision) Tas c. Belgique, du 12 mai 2009, req. n/ 44614/06 p. 97.
- Article 3 du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention : DROIT A DES ELECTIONS
LIBRES
- CEDH, Etxeberria et autres c. Espagne, du 30 juin 2009, req. n/ 35579/03 p. 46.
- Article 4 du Protocole additionnel n/ 7 à la Convention : DROIT DE NE PAS ÊTRE JUGÉ
OU PUNI DEUX FOIS
- CEDH, Ruotsalainen c. Finlande, du 16 juin 2009, req. n/ 13079/03, p. 55.
-36-
ARRÊTS DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
L Affaires à suivre :
L’audience de Grande chambre concernant l’affaire Medvedyev et autres c. France - req.
n/ 3394/03 s’est déroulée le 6 mai 2009.
Un dossier spécial sera publié dans la veille bimestrielle n/ 26 (juillet-août 2009).
L’affaire Taxquet c. Belgique ayant donné lieu à un arrêt de chambre du 13 janvier 2009 a été
renvoyée le 5 juin 2009 en Grande chambre à la demande du Gouvernement belge.
Fiume c. Italie
30 juin 2009
- req. n/ 20774/05 - non violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention -
T Faits :
Le requérant, agent des services douaniers, exerce les fonctions de directeur. En mars 2002, l’un
de ses collègues (D.C.) fut affecté jusqu’au 7 août 2004 à la direction régionale des douanes de
Salerne (Italie). Le requérant saisit le juge du travail de Salerne d’une demande en référé
d’annulation en urgence de la décision d’affectation de son collègue, et ce au motif que ce
dernier n’avait pas le profil exigé pour remplir la fonction. Par ordonnance provisoire du 3
décembre 2002, le juge fit droit à sa demande en observant que D.C., qui n’avait pas de diplôme
d’études supérieures, n’était pas apte à occuper un poste de directeur. Il annula donc la décision
d’affectation à titre conservatoire.
En réaction, l’administration douanière introduisit devant le tribunal de Salerne une réclamation
contre ladite ordonnance de référé qui fut rejetée par ordonnance d’avril 2003. Pour autant, elle
ne s’exécuta pas et D.C. resta en fonction. Le requérant demanda alors au juge du travail de
Salerne de préciser les modalités d’exécution de l’ordonnance du 3 décembre 2002.
En octobre 2003, le juge répondit ladite ordonnance contenait une obligation de faire à la charge
de l’administration des douanes et ordonna que celle-ci procède, dans un délai de quarante-cinq
jours, à l’organisation d’un concours interne visant à l’affectation du poste de directeur en
question.
Parallèlement, le requérant avait engagé devant le tribunal de Salerne un recours en annulation
de la décision d’affectation de D.C.. Le 17 octobre 2003, la juridiction fit droit à cette demande
en retenant que la nomination en cause était illégale, la législation applicable faisant de la
possession d’un diplôme d’études supérieures une condition nécessaire pour intégrer le poste
de directeur. Outre l’annulation de la décision, le tribunal ordonna également à l’administration
concernée de mettre en place une procédure de recrutement afin de pourvoir le poste en cause.
L’administration des douanes ne s’étant pas conformé à cette décision, le requérant introduisit
un recours en exécution du jugement du 17 octobre 2003 devant le tribunal régional de la
Campane (ci-après le TAR) qui rejeta le recours en considérant que cette décision n’avait pas
acquis l’autorité de la chose jugée et qu’elle ne pouvait donc faire l’objet d’une procédure
-37-
d’exécution. Le requérant interjeta appel. Le Conseil d’Etat italien rejeta cet appel et confirma le
jugement du TAR en affirmant que le droit interne ne permettait l’exécution immédiate d’une
décision frappée d’appel que si la dite décision avait été rendue par une juridiction administrative.
T Griefs :
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant exposait qu’il lui avait été impossible
d’obtenir l’exécution du jugement du tribunal de Salerne ordonnant la destitution de son collègue
du poste de directeur des douanes.
T Décision :
- Sur la recevabilité :
Le Gouvernement italien soutient que l’article 6 de la Convention ne peut être appliqué car le
droit revendiqué par le requérant ne revêt pas le caractère de droit civil au sens de ladite
Convention.
Sur ce point, la Cour citant l’arrêt Vilho Eskelinen et autres c. Finlande 7 expose que pour
décider si un Etat défendeur peut valablement opposer à un requérant fonctionnaire
l’inapplicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention, deux conditions cumulatives sont requises :
“d’une part, le requérant fonctionnaire doit être expressément privé du droit d’accéder à un
tribunal d’après le droit national ; d’autre part, l’exclusion des droits garantis à l’article 6 doit
reposer sur des motifs objectifs liés à l’intérêt de l’Etat.” (§ 33)
La juridiction européenne note qu’en l’espèce, le requérant a pu faire valoir ses prétentions
devant un tribunal, et que l’argument du Gouvernement tiré de la qualité de fonctionnaire du
requérant pour lui refuser l’application de l’article 6 de la Convention ne saurait donc être
recevable. (§ 34)
Elle observe par ailleurs que le droit de bénéficier d’une procédure de recrutement, revendiqué
par le requérant et reconnu à plusieurs reprises par les juridictions internes, concerne l’exercice
même de la carrière de l’intéressé et, par conséquent, sa situation patrimoniale. De plus, dans
la mesure où les autorités internes ont admis que le requérant pouvait légitimement espérer
obtenir le poste à pourvoir, la Cour estime que “l’issue de la procédure litigieuse était directement
déterminante pour le droit revendiqué par l’intéressé” 8.
Puis, la Cour réaffirme que “la régularité d’une procédure ayant trait à un droit de caractère civil
se prêtait à un recours judiciaire qui a été exercé par le requérant, il convient de conclure qu’une
« contestation » relative à un « droit de caractère civil » a surgi en l’occurrence et a été tranchée
par la juridiction judiciaire”.9 (§ 36). Rejetant l’exception d’incompatibilité soulevée par le
Gouvernement, elle décide que l’article 6 de la Convention trouve effectivement à s’appliquer en
l’espèce.
- Sur le fond :
Le requérant soutient que le tribunal de Salerne du 17 octobre 2003, qui ne faisait que confirmer
l’ordonnance exécutoire du 3 décembre 2003, condamnant l’administration a exécuter une
7 CEDH, Vilho Eskelinen et autres c. Finlande, du 19 avril 2007, req. n/ 63235/00, § 62. (Cet arrêt est résumé dans la veille
bimestrielle n/ 14, p. 19)
8 A contrario, CEDH, décision Revel et Mora c. France, du 15 novembre 2005, req. n/ 171/03.
9 CEDH, Kök c. Turquie, du 19 octobre 2006, req. n/ 1855/02, § 37.
-38-
obligation de facere, était immédiatement exécutoire. Il expose que la non exécution du jugement
litigieux a permis aux autorités de tirer profit d’une situation d’illégalité devenue irréversible le 7
août 2004, lorsque le mandat provisoire de D.C. est venu à échéance. De son côté, le
Gouvernement italien estime qu’il n’avait aucune obligation d’exécuter les décisions litigieuses
puisque celles-ci n’avaient pas acquis l’autorité de la chose jugée.
Dans un premier temps, les juges de Strasbourg rappellent que “le droit d’accès à un tribunal
garanti par l’article 6 § 1 de la Convention serait illusoire si l’ordre juridique interne d’un Etat
contractant permettait qu’une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au
détriment d’une partie”.10 Puis, ils relèvent qu’en l’espèce le jugement en cause n’était pas une
décision définitive, car elle avait été rendue en première instance et qu’elle était susceptible de
faire l’objet d’un appel, ce qui fut d’ailleurs le cas (§ 44).
Ils constatent également que la juridiction nationale avait déclaré illégitime l’affectation de D.C.
à titre provisoire et condamné l’administration à organiser un concours interne conforme à la loi
mais que la décision clôturant la procédure au fond n’était intervenue que le 23 mai 2007, et ce
alors que le mandat provisoire de D.C. avait expiré le 7 août 2004 (§ 45).
La Cour déclare qu’elle “ne saurait admettre que l’article 6 protège non seulement la mise en
œuvre de décisions judiciaires définitives et obligatoires, mais aussi celle de décisions qui
peuvent être soumises au contrôle de plus hautes instances et, éventuellement, infirmées” 11. Elle
indique enfin qu’en l’occurrence, elle ne saurait “juger contraire aux exigences de l’article 6
l’omission de l’administration d’exécuter le jugement du tribunal de salerne du 17 octobre 2003
en l’attente de l’issue de la procédure” (§ 46) et conclut, à l’unanimité, à la non violation de
l’article 6 § 1 de la Convention.
jjj
Verein Gegen Tierfabriken Schweiz ( VGT ) c. Suisse ( n/ 2 )
Grande chambre
30 juin 2009
- req. n/ 32772/02 - violation de l’article 10 de la Convention (liberté d’expression) -
T Faits :
Verein Gegen Schweiz (« VGT ») association de droit suisse de protection des animaux, militant
contre l’expérimentation animale et l’élevage en batterie, avait souhaité diffuser à la télévision
un spot publicitaire dénonçant l’élevage des cochons « en batterie ». L’instance de contrôle de
la publicité puis le tribunal administratif devant lequel l’association présenta un recours
refusèrent.
L’association déposa une première requête devant la Cour européenne qui, par un arrêt du 28
juin 2001,12 condamna la Suisse pour violation de l’article 10 de la Convention. Sur la base de
cet arrêt, l’association requérante demanda au Tribunal fédéral, de réviser l’arrêt définitif interne
interdisant la diffusion du spot. Sa demande de révision fut rejetée au motif que la société n’avait
10 CEDH, Hornsby c. Grèce, du 19 mars 1997, req. n/ 18357/91 , § 40
11 CEDH, Ouzounis et autres c. Grèce, du 18 avril 2002, req. n/ 49144/99, § 21.
12 CEDH, VGT Verein Gegen Tierfabriken c. Suisse, du 28 juin 2001, req. n/ 24699/94.
-39-
pas démontré qu’il existait encore un intérêt à ce que le spot soit diffusé.
Le Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe, chargé de surveiller l’exécution des arrêts de
la Cour ne fut pas informé du rejet de la demande de révision et mit fin à l’examen de la première
requête de la requérante en adoptant une résolution finale, comportant notamment, la possibilité
d’une demande de révision devant le Tribunal fédéral.
En juillet 2002, l’association requérante introduisit une seconde requête devant la Cour, qui rendit
un arrêt du 4 octobre 2007 condamnant la Suisse, par cinq voix contre deux, pour violation de
l’article 10 de la Convention en raison du maintien de l’interdiction de diffuser le spot publicitaire.
L’affaire fut renvoyée en Grande chambre à la demande du gouvernement.
T Griefs :
L’association requérante soutenait que le maintien de l’interdiction de la diffusion du spot litigieux
malgré le premier arrêt de la Cour européenne constatant une atteinte à sa liberté d’expression,
constituait une nouvelle violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention.
T Décision :
- Sur la recevabilité de la requête :
Le gouvernement suisse allègue que la requête est irrecevable pour deux raisons: il soutient
d’une part, que l’association requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes et d’autre
part, que la requête porte sur l’exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg qui, en vertu de
l’article 46 de la Convention, relève de la compétence exclusive du Comité des ministres du
Conseil de l’Europe.
Concernant le premier point, la Cour confirme la décision de l’arrêt de chambre et juge que les
voies de recours internes ont effectivement été épuisées. En effet, le Tribunal Fédéral, dans son
arrêt rejetant la demande de révision de l’association, s’était prononcé sur le fond de l’affaire. Par
conséquent, elle rejette le premier argument du gouvernement.
Sur le deuxième point, la Cour rappelle que les constats de violation revêtent un caractère
déclaratoire et que, par l’article 46 de la Convention, les Hautes parties contractantes se sont
engagées à se conformer aux arrêts de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties, le
Conseil des Ministres étant en chargé de surveiller l’exécution des arrêts. Cependant, elle
considère que “le rôle du Conseil des ministres dans ce domaine ne signifie pas que les mesures
prises par un Etat défendeur en vue de remédier à la violation constatée par la Cour ne puissent
pas soulever un problème nouveau, non tranché par l’arrêt” (§ 62).
Ainsi, la Cour doit déterminer si elle est elle-même compétente ratione materiae en prenant en
compte l’article 35 § 2 b) de la Convention qui “commande de déclarer irrecevable une requête
qui est « essentiellement la même qu’une requête précédemment examinée par la Cour (...), et
(...) ne contient pas de faits nouveaux. »” (§ 63).
La Cour doit donc analyser si les deux requêtes dont elle a été saisie concernent les mêmes
personnes, les mêmes faits et les mêmes griefs.
Elle observe que pour rejeter la demande de révision, le Tribunal Fédéral a jugé qu’en raison du
temps écoulé, l’association avait perdu tout intérêt à voir diffuser le spot publicitaire. Elle
considère qu’il s’agit d’un élément nouveau dont le Comité des ministres n’a pas été informé.
Par conséquent, la juridiction strasbourgeoise juge qu’il n’y pas d’empiétement sur les
compétences du Comité des ministres, dans la mesure où elle connaît de faits nouveaux dans
le cadre d’une nouvelle requête. En outre, le Comité a mis fin à la surveillance de l’exécution de
l’arrêt par l’adoption d’une résolution finale sans avoir pris en compte le rejet de la demande de
révision par le Tribunal fédéral. La Cour considère que le rejet constitue donc un élément
-40-
nouveau. Elle précise que si elle ne pouvait en connaître, “il serait soustrait à tout contrôle au titre
de la Convention” (§ 67).
L’exception préliminaire du gouvernement tirée de l’incompétence ratione materiae est rejetée.
Sur le fond :
La Cour doit déterminer si le refus de la révision était constitutif d’une violation de l’article 10 de
la Convention.
La Grande Chambre se détache du raisonnement développé par la chambre en estimant
“opportun d’aborder la présente requête sous l’angle de l’obligation positive de l’Etat défendeur
de prendre les mesures nécessaires afin de permettre la diffusion du spot litigieux” (§ 78).
Ainsi, elle appuie son argumentation sur l’importance de la liberté d’expression et de la nécessité
de son exercice « réel et effectif » qui exige de l’Etat des mesures positives.
Rappelant l’importance de l’exécution effective des arrêts, les juges européens doivent vérifier
si il existait, à la charge de l’Etat défendeur, une obligation positive de prendre les mesures
nécessaires afin de faire diffuser le spot litigieux à la suite de l’arrêt de chambre ayant constaté
une violation.
A cet égard, ils soulignent que “la réouverture d’une procédure ayant violé la Convention n’est
pas une fin en soi, elle n’est qu’un moyen-certes privilégié-susceptible d’être mis en œuvre en
vue d’un certain objectif : l’exécution correcte et entière des arrêts de la Cour” (§ 90).
La Cour rappelle que “l’article 10 § 2 de la Convention ne laisse guère de place pour des
restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique, ou comme ici, des
questions d’intérêt général” (§ 92). En l’espèce, elle relève que le spot traitant de la santé des
consommateurs ainsi que de la protection des animaux et de l’environnement présentait un
intérêt public.
Elle précise en outre qu’en l’absence de motifs nouveaux permettant de justifier, au regard de
l’article 10 de la Convention, le maintien de l’interdiction, les autorités suisses avaient l’obligation
d’autoriser la diffusion du spot. Elle relève également qu’en considérant que l’association
requérante n’avait pas suffisamment démontré l’intérêt de la diffusion du spot, le Tribunal fédéral
s’était substitué elle, à qui il appartenait d’apprécier la persistance d’un intérêt à diffuser le spot
litigieux. De plus, elle juge que le Tribunal Fédéral n’a pas démontré dans quelles mesures les
circonstances auraient changé au point de remettre en cause la validité des motifs à l’appui
desquels la Cour avait jugé une violation de l’article 10 de la Convention.
Enfin, l’argument du gouvernement qui soutenait que la diffusion du spot pouvait être perçue
comme désagréable, notamment par les consommateurs ou les commerçants et producteurs de
viande, ne peut justifier une interdiction. En effet, la liberté d’expression vaut également pour les
“idées qui heurtent, choquent ou inquiètent” (§ 96).
Par conséquent, la Cour conclut, par onze voix contre six, à la violation de l’article 10 de la
convention.
N Les opinions dissidentes des juges Malinverni, Sajó et Power à laquelle se sont ralliés les
juges Bîrsan, Myjer et Berro-Lefèvre sont annexées à l’arrêt.
jjj
-41-
Herri Batasuna et Batasuna c. Espagne
30 juin 2006
- req. n/ 25803/04 - Non violation de l’article 11 (Liberté de réunion et d’association) de la Convention -
T Faits :
L’affaire en cause concerne deux partis politiques : Herri Batasuna (premier requérant) fondé en
1986, et Batasuna (second requérant) fondé en mai 2001.
Le 27 juin 2002, le Parlement espagnol adopta la loi organique 6/2002 sur les partis politiques
(LOPP). Les principales nouveautés introduites par la nouvelle loi figurent au chapitre II relatif
à l’organisation, au fonctionnement et aux activités des partis politiques et au chapitre III relatif
à leur dissolution ou suspension judiciaire.
Par une décision du 26 août 2002, le juge central d’instruction près l’Audiencia Nacional
prononça la suspension des activités de Batasuna et la fermeture, pendant trois ans, des sièges
et locaux pouvant être utilisés par les partis requérants.
Le 2 septembre 2002, l’avocat du Gouvernement espagnol engagea devant le Tribunal suprême
une action tendant à la dissolution des partis requérants, au motif qu’ils avaient enfreint la
nouvelle LOPP car ils avaient accumulé des activités démontrant de manière irréfutable une
conduite en rupture avec la démocratie et les valeurs constitutionnelles, la méthode
démocratique et les droits des citoyens et contraire aux principes établis dans l’exposé des motifs
de ladite loi. Le même jour, le procureur général de l’Etat intenta, sur le fondement des articles
10 et suivants de la LOPP, une action tendant à leur dissolution.
Le 10 mars 2003, Batasuna demanda qu’une question préjudicielle sur l’inconstitutionnalité de
la LOPP soit posée au Tribunal constitutionnel. En effet, il estimait que certains articles de la
LOPP violaient les droits à la liberté d’association, à la liberté d’expression, à la liberté de
pensée, ainsi que les principes de légalité, de sécurité juridique et de non-rétroactivité des lois
pénales moins favorables, et ceux relatifs à la proportionnalité et au non bis in idem, ainsi que
le droit à participer aux affaires publiques.
Par un arrêt, rendu à l’unanimité, en date du 27 mars 2003, le Tribunal suprême rejeta leur
demande en rappelant que les objections soulevées quant à la constitutionnalité de la LOPP
avaient déjà été examinées et rejetées dans son arrêt du 12 mars 2003. Le Tribunal suprême
déclara également les partis Herri Batasuna, EH et Batasuna illégaux, il prononça leur dissolution
et procéda à la liquidation de leur patrimoine.
Par deux arrêts du 16 janvier 2004 rendus à l’unanimité, le Tribunal constitutionnel rejeta les
recours d’Amparo formés par les requérants.
T Griefs :
Invoquant les articles 10 (Liberté d’expression) et 11 (Liberté de réunion et d’association) de la
Convention, les requérants soutenaient que leur dissolution avait eu pour effet de violer leurs
droits à la liberté d’expression et à la liberté d’association.
T Décision :
- Concernant la violation alléguée de l’article 11 de la Convention :
Les requérants se plaignent du caractère non accessible et non prévisible de la LOPP, ainsi que
de son application rétroactive et de son absence de but légitime. Ils estiment en outre que la
mesure prise à leur encontre ne peut être considérée « nécessaire dans une société
démocratique » et la jugent contraire au principe de proportionnalité.
-42-
La Cour considère que la dissolution des partis requérants s’analyse en une ingérence dans
l’exercice de leur droit à la liberté d’association. Elle rappelle ensuite qu’une telle ingérence
enfreint l’article 11, sauf si elle est « prévue par la loi », si elle tend à un ou plusieurs des buts
légitimes énumérés à l’article 11 § 2 de la Convention et si elle est « nécessaire dans une société
démocratique » pour les atteindre. D’autre part, l’expression « prévue par la loi » exige que la
mesure incriminée ait une base en droit interne et que cette loi soit suffisamment accessible et
prévisible pour permettre à l’individu de régler sa conduite.13
Concernant le grief tiré de l’application rétroactive de la loi, la Cour, rappelle que l’article 7 § 1
de la Convention ne garantit la non-rétroactivité que dans les procédures pénales, ce qui n’est
pas le cas en l’espèce, et que par ailleurs, aucune disposition de la Convention n’exclut la
possibilité de se baser sur des faits antérieurs à l’adoption de la loi. Elle constate que les actes
pris en compte par le Tribunal suprême pour conclure à la dissolution des partis requérants ont
été commis entre le 29 juin 2002 et le 23 août 2002, soit après la date d’entrée en vigueur de la
LOPP (§ 59).
La Cour en déduit que l’ingérence en question était « prévue par la loi » et que la critique des
requérants à l’égard de cette mesure concerne plutôt la nécessité de l’ingérence litigieuse (§ 60).
Les juges européens considèrent que les requérants n’ont pas apporté la preuve de leurs
allégations et estiment que les dissolutions en cause poursuivaient plusieurs des buts légitimes
énumérés à l’article 11 de la Convention, notamment le maintien de la sûreté publique, la défense
de l’ordre et la protection des droits et libertés d’autrui (§ 64).
Sur la question de la violation du principe de proportionnalité, la Cour réaffirme les liens existants
entre la liberté d’association et la liberté d’expression. En effet, elle indique que “malgré son rôle
autonome et la spécificité de sa sphère d’application, l’article 11 doit s’envisager aussi à la
lumière de l’article 10. La protection des opinions et de la liberté de les exprimer constitue l’un
des objectifs de la liberté de réunion et d’association consacrée par l’article 11. Il en va d’autant
plus ainsi dans le cas de partis politiques, eu égard à leur rôle essentiel pour le maintien du
pluralisme et le bon fonctionnement de la démocratie” 14 (§ 74).
Puis, elle précise qu’elle a pour tâche de vérifier, sous l’angle de l’article 11 de la Convention, les
décisions que les juridictions nationales ont rendues. Elle ne doit donc pas se limiter à rechercher
“si l’Etat défendeur a usé de ce pouvoir de bonne foi, avec soin et de façon raisonnable : il lui faut
considérer l’ingérence litigieuse compte tenu de l’ensemble de l’affaire pour déterminer si elle
était « proportionnée au but légitime poursuivi » et si les motifs invoqués par les autorités
nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants ». Ce faisant, la Cour doit se
convaincre que les autorités nationales ont appliqué des règles conformes aux principes
consacrés par l’article 11 et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des
faits pertinents” 15 (§ 75).
Les juges de Strasbourg réaffirment la nécessité du pluralisme pour la démocratie. “En effet, l’une
des principales caractéristiques de la démocratie réside dans la possibilité qu’elle offre de
débattre par le dialogue et sans recours à la violence des questions soulevées par différents
courants d’opinion politique, et cela même quand elles dérangent ou inquiètent. La démocratie
se nourrit en effet de la liberté d’expression. C’est pourquoi cette liberté (...) vaut, sous réserve
du paragraphe 2, (...) pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou
13 CEDH, Sunday Times c. Royaume-Uni (n/ 1), du 26 avril 1979, req. n/ 6538/74, série A n/ 30, § 49 .
14 CEDH, Partidul Comunistilor (Nepeceristi) et Ungureanu c. Roumanie, du 3 février 2005, req. n/ 46626/99 , § 44,.
15 Notamment, CEDH, Sidiropoulos et autres c. Grèce, du 10 juillet 1998, req. n/ 26695/95 et CEDH, Partidul Comunistilor
(Nepeceristi) et Ungureanu, précité, § 49.
-43-
considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent
ou inquiètent”.16
La Cour affirme ensuite que les exceptions visées à l’article 11 de la Convention sont
d’interprétation stricte, et que seules des raisons convaincantes et impératives peuvent les
justifier. Il s’en suit que pour juger de l’existence d’une nécessité au sens de l’article 11 § 2, les
Etats ne disposent que d’une marge d’appréciation réduite, qui se double d’un contrôle européen
rigoureux portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l’appliquent, y compris celles d’une
juridiction indépendante.
Puis elle rappelle que, conformément à sa jurisprudence,17 des mesures sévères, telles que la
dissolution de tout un parti politique, ne peuvent s’appliquer qu’aux cas les plus graves et que
la nature et la charge des ingérences sont des éléments devant être pris en considération
lorsqu’il s’agit de mesurer leur proportionnalité 18 (§ 78).
Néanmoins, les juges européens rappellent “qu’un parti politique peut mener campagne en faveur
d’un changement de la législation ou des structures légales ou constitutionnelles de l’Etat à deux
conditions : (1) les moyens utilisés à cet effet doivent être à tous points de vue légaux et
démocratiques ; (2) le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principes
démocratiques fondamentaux”. Dès lors, “un parti politique dont les responsables incitent à
recourir à la violence, ou proposent un projet politique qui ne respecte pas une ou plusieurs
règles de la démocratie ou qui vise la destruction de celle-ci ainsi que la méconnaissance des
droits et libertés qu’elle reconnaît, ne peut se prévaloir de la protection de la Convention contre
les sanctions infligées pour ces motifs” (§ 79).
Ils soulignent ensuite que les statuts et le programme d’un parti ne peuvent être pris en compte
comme seul critère pour déterminer ses objectifs et qu’il faut comparer le contenu de ce
programme avec les actes et les prises de position des membres de ce parti. Cependant, selon
la Cour, “on ne saurait exiger de l’Etat d’attendre, avant d’intervenir, qu’un parti politique
s’approprie le pouvoir et commence à mettre en œuvre un projet politique incompatible avec les
normes de la Convention et de la démocratie, en adoptant des mesures concrètes visant à
réaliser ce projet, même si le danger de ce dernier pour la démocratie est suffisamment démontré
et imminent. La Cour accepte que lorsque la présence d’un tel danger est établie par les
juridictions nationales (...), un Etat doit pouvoir « raisonnablement empêcher la réalisation d’un
(...) projet politique, incompatible avec les normes de la Convention, avant qu’il ne soit mis en
pratique par des actes concrets risquant de compromettre la paix civile et le régime démocratique
dans le pays »” 19 (§ 81).
Un tel pouvoir d’intervention préventive de l’Etat est conforme aux obligations positives pesant
sur les Parties contractantes dans le cadre de l’article 1er de la Convention. “Ces obligations (...)
visent aussi des atteintes imputables à des personnes privées dans le cadre de structures qui
ne relèvent pas de la gestion de l’Etat. Un Etat contractant à la Convention, en se fondant sur ses
obligations positives, peut imposer aux partis politiques, formations destinées à accéder au
pouvoir et à diriger une part importante de l’appareil étatique, le devoir de respecter et de
sauvegarder les droits et libertés garantis par la Convention ainsi que l’obligation de ne pas
16 CEDH, Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, req. n/ 5493/72, série A n/ 24, § 49; CEDH, Jersild c. Danemark
du 23 septembre 1994, req. n/ 15890/89, série A n/ 298, § 37.
17 CEDH, Refah Partisi, du 13 février 2003, req. n/ 41340/98, 41342/98, 41343/98 ; CEDH, Parti communiste unifié de Turquie
et autres, précité, § 46 ; CEDH, Parti socialiste et autres c. Turquie, du 25 mai 1998, req. n/ 21237/93, § 50; CEDH, Parti de
la liberté et de la démocratie (ÖZDEP) c. Turquie, n/ 23885/94, § 45.
18 CEDH, Sürek c. Turquie (n/ 1), du 8 juillet 1999, req. n/ 26682/95, § 64.
19 CEDH, Refah Partisi précité, § 102.
-44-
proposer un programme politique en contradiction avec les principes fondamentaux de la
démocratie” (§ 82).
La Cour rappelle ensuite que l’adjectif « nécessaire », au sens de l’article 11 § 2 de la
Convention, implique un « besoin social impérieux ». Dans ces conditions, pour établir si la
dissolution d’un parti politique en raison des risques qu’il présente pour la démocratie, répond
à un besoin social, elle recherche “s’il existe des indices montrant que le risque d’atteinte à la
démocratie, sous réserve d’être établi, est suffisamment et raisonnablement proche et d’examiner
si les actes et discours constituent un tout qui donne une image nette d’un modèle de société
conçu et prôné par le parti, et qui serait en contradiction avec la conception d’une « société
démocratique »” (§ 83).
Après avoir rappelé ces principes, la Cour les applique au cas d’espèce. Elle recherche dans un
premier temps si la dissolution des partis requérants répondait à « un besoin social impérieux ».
A cet égard, elle souligne que pour décider de la dissolution des partis requérants, la juridiction
nationale a mentionné leur absence de condamnation des attentats commis par l’organisation
ETA et a énuméré l’ensemble des comportements permettant de considérer qu’ils “étaient des
instruments politiques de la stratégie terroriste de l’ETA”.
Elle constate, comme l’avaient fait les juridictions internes, que les “comportements [des
membres des partis étaient] très proches d’un soutien explicite à la violence et de louanges de
personnes vraisemblablement liées au terrorisme” et indique que “les actes des requérants
[doivent] être analysés dans leur ensemble comme faisant partie d’une stratégie pour mener à
bien leur projet politique, contraire dans son essence aux principes démocratiques prônés dans
la Constitution espagnole” (§ 86).
Rejetant l’argumentation des requérants qui justifiaient leurs actes et leurs discours favorables
à l’ETA par la liberté d’expression, la Cour de Strasbourg considère par ailleurs que le refus de
condamner la violence peut être assimilé à un soutien tacite au terrorisme et ce, d’autant plus
compte tenu du contexte terroriste espagnol existant depuis plus de trente ans et de la
condamnation explicite par tous les autres partis. Elle souligne d’ailleurs que cet élément n’a pas
été la seule base de la dissolution des partis requérants et que le Tribunal constitutionnel a
constaté qu’il s’ajoutait à une pluralité d’actes, graves et réitérés qui permettaient de conclure à
un compromis avec la terreur et contre la coexistence organisée dans le cadre d’un Etat
démocratique. Pour la Cour “le simple fait que la dissolution eut été aussi fondée sur cet élément
n’aurait pas été contraire à la Convention, le comportement des hommes politiques englobant
d’ordinaire non seulement leurs actions ou discours, mais également, dans certaines
circonstances, leurs omissions ou silences, qui peuvent équivaloir à des prises de position et être
aussi parlant que toute action de soutien exprès” 20 (§ 88).
Les juges européens retiennent que “en l’espèce les juridictions internes sont parvenues à des
conclusions raisonnables après une étude détaillée des éléments dont elles disposaient et elle
ne voit aucune raison de s’écarter du raisonnement auquel est parvenu le Tribunal suprême
concluant à l’existence d’un lien entre les partis requérants et l’ETA. De plus, compte tenu de la
situation existant en Espagne depuis de nombreuses années concernant les attentats terroristes,
plus spécialement dans la « région politiquement sensible » qu’est le pays basque 21 ces liens
peuvent être considérés objectivement comme une menace pour la démocratie” (§ 89).
Ils poursuivent en indiquant que “les constats du Tribunal suprême doivent s’inscrire dans le
souci international de condamnation de l’apologie du terrorisme, comme en témoigne au plan
européen (...) la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme, entrée en
20 CEDH, Ždanoka c. Lettonie [GC], du 16 mars 2006, req. n/ 58278/00, §§ 123 et 130.
21 CEDH, Leroy c. France, du 2 octobre 2008, req. n/ 36109/03, § 45. (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 21, p.49)
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vigueur le 1er juin 2007, signée et ratifiée par l’Espagne, qui dans son article 5 prévoit
l’incrimination de la « provocation publique à commettre une infraction terroriste ». Par ailleurs,
cette dernière reconnaît dans son article 10 la responsabilité des personnes morales qui
participent aux infractions terroristes figurant dans la Convention et son article 9 pénalise la
contribution à la commission d’une de ces infractions”. (§ 90).
Au vu de ces différents éléments, la Cour estime qu’en l’espèce, la dissolution des partis, “même
dans le cadre de la marge d’appréciation réduite dont disposent les Etats, peut raisonnablement
être considérée comme répondant à un « besoin social impérieux »” (§ 91).
Enfin, les juges européens s’attardent sur la question de la proportionnalité de la sanction
prononcée à l’encontre des requérants. Dès lors que l’ingérence en cause répondait à un «besoin
social impérieux », et “compte tenu du fait que les projets susmentionnés sont en contradiction
avec la conception de la « société démocratique » et comportent un fort danger pour la
démocratie espagnole”, ils considèrent que la sanction infligée aux requérants est proportionnelle
au but légitime poursuivi au sens de l’article 11 § 2 de la Convention. “Il en résulte que la
dissolution peut être considérée comme « nécessaire dans une société démocratique »,
notamment pour le maintien de la sûreté publique, la défense de l’ordre et la protection des droits
et libertés d’autrui, au sens de l’article 11 § 2” (§ 94).
La Cour conclut, à l’unanimité, à la non-violation de l’article 11 de la Convention.
- Concernant la violation alléguée de l’article 10 de la Convention :
Sur ce point, la Cour est d’avis que les questions soulevées par les requérants sous l’angle de
l’article 10 portent sur les mêmes faits que ceux examinés sur le terrain de l’article 11 de la
Convention. Par conséquent, elle estime qu’il n’est pas nécessaire de les traiter séparément.
jjj
Etxeberria et autres c. Espagne
30 juin 2009
- req. n/ 35579/03, 35613/03, 35626/03 et 35634/03 - non violation de l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (droit à des élections libres) et
des articles 10 (Liberté d’expression) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention -
T Faits :
Les requérants sont des groupements électoraux ayant exercé des activités au sein de partis
politiques déclarés illégaux et dissous (notamment Herri Batasuna et Batasuna) sur la base de
la loi organique 6/2002 sur les partis politiques (LOPP).
Le 28 avril 2003, les commissions électorales du Pays basque et de Navarre ont enregistré les
candidatures des groupements aux élections municipales, régionales et autonomes au Pays
basque et en Navarre fixées au 25 mai 2003.
Le 1er mai 2003, l’avocat de l’Etat et le ministère public présentèrent des recours
contentieux-électoraux tendant à l’annulation d’environ 300 candidatures, dont celles des
groupements électoraux litigieux, devant la chambre spéciale du Tribunal suprême, constituée
conformément à l’article 61 de la loi organique relative au pouvoir judiciaire (LOPJ). Ils leur
reprochaient de poursuivre les activités des partis politiques Batasuna et Herri Batasuna,
déclarés illégaux et dissous en mars 2003.
-46-
Le 3 mai 2003, le Tribunal suprême fit droit aux recours présentés par l’avocat de l’Etat et le
ministère public et annula les candidatures au motif qu’elles avaient pour but de poursuivre les
activités des trois partis déclarés illégaux et dissous. Il fonda ses décisions sur l’article 44 § 4 de
la loi organique relative au régime électoral général, telle que modifiée par la LOPP. Les
groupements électoraux litigieux présentèrent alors un recours d’Amparo devant le Tribunal
constitutionnel.
Par un arrêt du 8 mai 2003, le Tribunal constitutionnel rejeta le recours pour ce qui est, entre
autres, des quatre groupements électoraux litigieux. Seize des groupements électoraux visés
dans la procédure interne virent accueillir leur recours d’Amparo. En ce qui concerne les quatre
groupements électoraux litigieux, le Tribunal constitutionnel rappela sa propre jurisprudence
concernant la constitutionnalité de la procédure contentieuse-électorale prévue par l’article 49
de la loi organique relative au régime électoral général. Tout en rappelant qu’il n’avait pas
compétence pour réviser l’appréciation du Tribunal suprême, il se référa également aux arrêts
contestés de ce dernier et considéra qu’ils accréditaient, de façon raisonnable et suffisamment
motivées, l’existence d’une stratégie conjointe, élaborée par l’organisation terroriste ETA et le
parti dissout Batasuna, visant à favoriser la reconstruction du parti et à présenter des
candidatures lors des élections municipales, régionales ou autonomes suivantes.
T Griefs :
Invoquant l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1 (droit à des élections libres), les requérants à
l’origine des requêtes n/ 35613/03 et 35626/03 estimaient avoir été privés de la possibilité de se
présenter aux élections au Parlement de Navarre et de représenter les électeurs, ce qui aurait
entravé la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif.
Au titre de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention, l’ensemble des requérants se
plaignaient de l’annulation de leurs candidatures aux élections au Parlement de Navarre, ainsi
qu’aux élections municipales et régionales au Pays basque et en Navarre. Contestant le
caractère prévisible de l’article 44 § 4 de la loi organique relative au régime électoral général et
dénonçant l’absence de but légitime et de nécessité de l’ingérence dans une société
démocratique, ils soutenaient que l’objectif de l’ingérence, ainsi que de la LOPP, était d’interdire
toute expression politique de l’indépendantisme basque. Ils estimaient enfin que la mesure
litigieuse n’était pas proportionnée au but poursuivi.
Invoquant l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention, l’ensemble des requérants
alléguaient également un défaut de recours effectif s’agissant de la procédure
contentieuse-électorale devant la chambre spéciale du Tribunal suprême.
T Décision :
- Sur la violation alléguée de l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1 :
La Cour européenne rappelle sa jurisprudence relative à cet article. Elle souligne que cette
disposition consacre un principe fondamental dans un régime politique véritablement
démocratique et revêt donc dans le système de la Convention une importance capitale.22 En effet,
la Cour indique que “la démocratie représente un élément fondamental de « l’ordre public
européen », et les droits garantis par l’article 3 du Protocole n/ 1 sont cruciaux pour
l’établissement et le maintien des fondements d’une véritable démocratie régie par la
prééminence du droit”.23 (§ 47).
22 CEDH, Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique, du 2 mars 1987, req. n/ 9267/81, série A n/ 113, § 47.
23 CEDH, Ždanoka c. Lettonie, du 17 juin 2004 , req. n/ 58278/00, §§ 98 et 103.
-47-
Cependant, elle rappelle que, malgré leur importance, les droits reconnus par cette disposition
ne sont pas absolus et qu’il existe des « limitations implicites ».24 Elle poursuit en indiquant que
“Dans leurs ordres juridiques respectifs, les Etats contractants (...) jouissent (...) d’une large
marge d’appréciation, mais il appartient à la Cour de statuer en dernier ressort sur l’observation
des exigences du Protocole n/ 1 ; il lui faut s’assurer que lesdites conditions ne réduisent pas les
droits dont il s’agit au point de les atteindre dans leur substance même et de les priver de leur
effectivité, qu’elles poursuivent un but légitime et que les moyens employés ne se révèlent pas
disproportionnés,25 sans perdre de vue la base légale nécessaire pour la mise en œuvre de toute
mesure restrictive des droits garantis par cette disposition” (§ 48). La Cour précise ensuite que
lorsqu’elle doit connaître de questions de conformité d’une restriction à l’article 3 du Protocole
n/ 1, elle s’attache à vérifier deux critères : d’une part l’existence d’ arbitraire ou d’un manque de
proportionnalité et d’autre part si la restriction a porté atteinte à la libre expression de l’opinion
du peuple. De plus, elle insiste sur la “nécessité d’apprécier toute législation électorale à la
lumière de l’évolution politique du pays concerné, ce qui implique que des caractéristiques
inacceptables dans le cadre d’un système peuvent se justifier dans le contexte d’un autre” 26
(§ 49).
Les juges européens rappellent également leur distinction entre le droit de vote, dans l’aspect
« actif » des droits garantis par l’article 3 du Protocole n/ 1 et le droit de se présenter aux
élections, qui en constitue son aspect « passif ». A cet égard, ils indiquent avoir observé que le
droit de se présenter aux élections législatives peut être encadré par des exigences plus strictes
que le droit de vote. Ils précisent d’ailleurs que, alors que le critère relatif à l’aspect « actif » de
l’article 3 du Protocole n/ 1 implique une appréciation plus large de la proportionnalité des
dispositions légales privant du droit de vote, leur démarche concernant l’aspect « passif » de
cette disposition se limite pour l’essentiel à vérifier l’absence d’arbitraire dans les procédures
internes conduisant à priver un individu de l’éligibilité.27 (§ 50).
La Cour note qu’en l’espèce, l’ordre juridique espagnol prévoyait la mesure litigieuse et que les
requérants pouvaient donc raisonnablement s’attendre à ce que cette disposition leur soit
appliquée (§ 51). Elle relève que, conformément à l’article 12 § 1 de la LOPP combiné avec
l’article 44 § 4 de la loi organique relative au régime électoral général, la mesure est réservée aux
candidatures qui ont des liens forts et avérés avec des partis politiques dissous. Elle admet
l’affirmation du Gouvernement selon laquelle la dissolution des partis politiques Batasuna et Herri
Batasuna aurait été inutile s’ils avaient pu poursuivre de facto leur activité par le biais des
groupements électoraux litigieux. Dès lors, elle considère que “la restriction litigieuse poursuit des
buts compatibles avec le principe de la prééminence du droit et les objectifs généraux de la
Convention, à savoir notamment la protection de l’ordre démocratique” (§ 52).
Sur la question de la proportionnalité de la mesure, les juges de Strasbourg constatent en
substance que les autorités nationales disposaient de nombreux éléments permettant de
conclure que les groupements électoraux litigieux voulaient continuer les activités des partis
politiques déclarés illégaux, que les autorités ont eu le temps d’examiner les programmes litigieux
et qu’elles ont pris les décisions d’annulation de façon individualisée et, après un examen
contradictoire au cours duquel les groupements ont pu présenter des observations (§ 53). Ils
poursuivent en affirmant que, selon eux, “il a été suffisamment prouvé par les juridictions internes
24 CEDH, Gitonas et autres c. Grèce, du 1er juillet 1997, § 39.
25 CEDH, Ždanoka précité, § 115 et CEDH, Matthews c. Royaume-Uni, du 18 février 2002, req. n/ 24833/94, § 63.
26 CEDH, Mathieu-Mohin et CEDH, Clerfayt précités.
27 Notamment, CEDH, Melnitchenko c. Ukraine, du 19 octobre 2004, req. n/ 17707/02, § 57.
-48-
espagnoles que les groupements litigieux prétendaient poursuivre les activités de Batasuna et
Herri Batasuna, dissous préalablement en raison de leur soutien à la violence et aux activités de
l’organisation terroriste ETA” (§ 54).
Ils soulignent enfin que “le contexte politique existant en Espagne ( ...) prouve que la mesure
litigieuse ne répondait pas à une intention d’interdire toute manifestation d’idées séparatistes.
Ainsi, la Cour estime que sa propre jurisprudence, conformément à laquelle l’expression de
points de vue séparatistes n’implique pas per se une menace contre l’intégrité territoriale de l’Etat
et la sécurité nationale, a été respectée” 28 (§ 55).
Partant, la juridiction européenne conclut, à l’unanimité, à la non violation de l’article 3 du
Protocole additionnel n/ 1.
- Sur la violation alléguée de l’article 10 de la Convention :
La Cour s’interroge au préalable sur le point de savoir si l’article 10 de la Convention s’applique
lorsque, comme en l’espèce, l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1 ne rentre pas dans le champ
d’application. En effet, ni les municipalités ni les provinces en cause ne participaient à “l’exercice
du pouvoir législatif et partant [elles] ne font pas partie du « corps législatif » au sens de l’article
3 du Protocole n/ 1”.29 A cet égard, elle indique avoir, à plusieurs reprises, rappelé l’importance
de la liberté d’expression, qui constitue l’une des conditions préalables au fonctionnement de la
démocratie.30 Selon elle, “cette affirmation de la fonction sociale de la liberté d’expression
constitue la philosophie de base de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 10. Il en résulte,
d’une part, que la liberté d’expression n’est pas seulement une garantie contre les ingérences
de l’Etat (un droit subjectif) mais elle est aussi un principe fondamental objectif pour la vie en
démocratie ; d’autre part, la liberté d’expression n’est pas une fin en soi mais un moyen pour
l’établissement d’une société démocratique pluraliste” (§ 63).
Les juges de Strasbourg affirment que ce “droit doit être interprété comme englobant également
celui à communiquer des informations et des idées à des tiers dans un contexte politique. Ainsi,
même si le droit à la liberté d’expression est lié, in concreto, à une procédure électorale, ceci ne
suffit pas à exclure son application aux présentes affaires.” 31 (§ 64). Ils concluent donc à
l’applicabilité de l’article 10 de la Convention.
Concernant les requêtes n/ 35613/03 et 35626/03, la Cour de Strasbourg constate que le grief
tiré de l’article 10 de la Convention se rapporte aux mêmes faits que les doléances soulevées
sur le terrain de l’article 3 du Protocole n/ 1 et rappelle que cette dernière disposition “constitue
une lex specialis pour ce qui est de l’exercice du droit de vote”.32 Selon elle, “cette considération
est applicable a fortiori au droit subjectif de se porter candidat”. Par conséquent, elle renvoie aux
conclusions présentées ci-dessous sous l’angle de l’article 3 du Protocole n/ 1 et déclare
qu’aucune question distincte ne se pose sous l’angle de l’article 10 de la Convention(§ 70).
Concernant les requêtes n/ 35579/03 et 35634/03, “dans la mesure où l’article 10 est la seule
disposition invoquée, la Cour rappelle qu’elle a conclu ci-dessus à la non-violation de l’article 3
du Protocole n/ 1, au motif que la mesure d’annulation dont firent l’objet les groupements litigieux
était proportionnée au but légitime poursuivi et n’avait pas porté atteinte à la libre expression de
l’opinion du peuple” (§ 71).
28 CEDH, Organisation macédonienne unie Ilinden et autres c. Bulgarie, du 19 janvier 2006, req. n/ 59491/00, § 76.
29 CEDH, décision Salleras Llinares c. Espagne, du 12 octobre 2000, req. n/ 52226/99.
30 CEDH, Özgür Gündem c. Turquie, du 16 mars 2000, req. n/ 23144/93, § 43.
31 CEDH, Rekvényi, du 20 mai 1999, req. n/ 25390/94, § 26.
32 CEDH, Hirst c. Royaume-Uni (n/ 2), du 6 octobre 2005, req. n/ 74025/01, § 89.
-49-
Elle affirme également que, concernant l’article 10, “l’Etat est en droit de disposer d’une marge
d’appréciation comparable à celle acceptée dans le cadre de l’article 3 du Protocole n/ 1”. Ainsi,
au vu des éléments les ayant conduit au constat de non-violation de l’article 3 du Protocole n/ 1,
ils estiment que les autorités espagnoles n’ont pas excédé la marge d’appréciation dont elles
disposaient vis-à-vis de l’article 10 de la Convention (§ 72).
Enfin, concernant le grief relatif à l’application rétroactive de l’article 44 § 4 de la loi organique
relative au régime électoral général, les juges de Strasbourg rappellent que l’article 7 § 1 de la
Convention ne garantit la non-rétroactivité que dans les procédures pénales, ce qui n’est pas le
cas en l’espèce. Ils constatent ensuite que les actes pris en compte par le Tribunal suprême pour
conclure à l’annulation des groupements électoraux litigieux sont postérieurs à l’entrée en vigueur
de la LOPP et précisent qu’aucune disposition de la Convention n’exclut la possibilité de se baser
sur des faits antérieurs à l’adoption de la loi.
Par conséquent, la Cour conclut, à l’unanimité, à la non-violation de l’article 10 de la Convention.
- Sur la violation alléguée de l’article 13 de la Convention :
Les juges de Strasbourg observent tout d’abord que les délais dont ont disposé les requérants
pour former leur recours ont été très brefs. A cet égard, ils rappellent que les standards fixés en
la matière considèrent souhaitable un délai de trois à cinq jours en première instance (§ 79). Ils
notent cependant l’absence de consensus des Etats membres sur cette question et affirment
que “le délai prévu en Espagne ne constitue pas un exemple isolé ou une solution manifestement
déraisonnable par rapport à la majorité des autres Etats européens”. (§ 80).
Enfin, la Cour constate que les requérants n’ont pas démontré que ces délais les avaient
empêchés de former leurs recours devant le Tribunal suprême ou le Tribunal constitutionnel et
de présenter des observations et défendre leurs intérêts de manière appropriée (§ 81).
Par conséquent, elle conclut, à l’unanimité, à la non violation de l’article 13 de la Convention.
jjj
Sorguç c. Turquie 33
23 juin 2009
- req. n/ 17089/03 - Violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention -
T Faits :
Le requérant est professeur de gestion de la construction à l’Université technique d’Istanbul.
En 1997, lors d’une conférence, il distribua un article dans lequel il critiquait, sans citer de noms,
la procédure de sélection des professeurs assistants. Au cours de la même année, N.C.A., un
professeur assistant, intenta contre le requérant une procédure civile en réparation. Il lui
reprochait certains des commentaires figurant dans l’article, estimant que ces propos
constituaient une atteinte à sa réputation. Par la suite, N.C.A. fut révoqué de son poste pour
incompétence professionnelle et incompatibilité entre ses valeurs personnelles et celles de
l’université.
Le tribunal de première instance donna raison au requérant en considérant que ses déclarations
n’étaient qu’une critique du système et des institutions universitaires. N.C.A. fit appel de la
décision. Cette seconde juridiction, sans avoir examiné sa révocation de l’université, condamna
33 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.
-50-
le requérant à indemniser N.C.A. pour avoir porté atteinte à sa réputation.
T Griefs :
Invoquant une violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention, le
requérant contestait la décision l’ayant reconnu coupable de diffamation. Enfin, il soutenait que
les articles 6 (Droit à un procès équitable) de la Convention et 1er du Protocole additionnel n/ 1
à la Convention (Protection de la propriété), avaient été violés, estimant que l’indemnisation à
laquelle il avait été condamné portait atteinte à la jouissance paisible de ses biens.
T Décision :
- Concernant la violation alléguée de l’article 10 de la Convention :
La Cour reconnaît qu’il s’agit bien d’une ingérence dans le droit à la liberté d’expression du
requérant et elle précise qu’elle doit rechercher si la violation alléguée était « nécessaire dans
une société démocratique » et si elle correspondait à un « besoin social impérieux ». Sur ce
point, elle rappelle que les Etats membres jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour
décider si un tel besoin existe mais que celle-ci doit aller de paire avec le respect du droit
européen. Elle rappelle ensuite que le paragraphe 2 de cette disposition limite cette liberté afin
d’éviter les atteintes qu’elle pourrait porter à la réputation (§ 28).
Les juges européens affirment ensuite qu’une attention particulière doit être apportée à la
distinction entre les « états de faits » et « les jugements de valeur » : les faits peuvent être
démontrés tandis que les jugements de valeur ne sont eux pas, en principe, susceptibles d’être
prouvés. Ainsi, les juges expliquent qu’on ne peut obliger à prouver la véracité d’un jugement de
valeur sans violer la liberté d’opinion qui est un élément fondamental du droit garanti par l’article
10 de la Convention.34 Cependant, même lorsqu’une déclaration équivaut à un jugement de
valeur, la proportionnalité de l’ingérence en cause doit dépendre du point de savoir si il existe une
base factuelle suffisante justifiant la déclaration litigieuse. En effet, à défaut de base factuelle à
son soutien, la déclaration peut être excessive 35 (§ 29). Enfin, les juges soulignent que le
montant de l’indemnité accordée doit être proportionnelle au dommage moral subi.36
En l’espèce, la Cour de Strasbourg note que les déclarations litigieuses ont été faites par le biais
de la distribution d’un document lors d’une conférence scientifique. Elle relève également que
le requérant a exprimé une opinion sur une question d’intérêt général, à savoir le système de
nominations et de promotion à l’université. Sachant qu’il avait formulé ses déclarations en se
fondant sur son expérience personnelle et que les informations qu’il avait divulguées étaient déjà
connues dans les milieux universitaires, les juges européens soulignent que son discours
contenait des jugements de valeur dont la véracité était susceptible d’être prouvée, au moins
partiellement (§ 31).
Or, ils constatent que les tribunaux turcs ont conclu que les déclarations litigieuses constituaient
une atteinte à la réputation de N.C.A. et ce, sans donner au requérant l’occasion d’étayer ses
déclarations. Ils estiment donc que la juridiction nationale a accordé une plus grande importance
34 CEDH, Lingens c. Autriche, du 8 juillet 1986, Série A n/ 103, req. n/ 9815/82 , § 46 et CEDH, Oberschlick c. Autriche (n/ 1),
du 23 mai 1991,Série A n/ 204, req. n/ 11662/85, § 63.
35 CEDH, Jerusalem c. Autriche, du 27 février 2001, req. n/ 26958/95, § 43.
36 CEDH, Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni, du 13 juillet 1995,Série A n/ 316 B, req. n/ 18139/91, § 49 et CEDH, Steel et
Morris c. Royaume-Uni, du 15 février 2005, req. n/ 68416/01, § 96.
-51-
à la protection des droits de la personnalité d’un individu anonyme qu’à la liberté d’expression
dont doit normalement bénéficier un universitaire dans le cadre d’un débat public (§ 34).
La Cour insiste ensuite sur l’importance de la liberté universitaire, qui comprend notamment la
liberté pour un enseignant d’exprimer librement son avis au sujet de l’institution ou du système
au sein desquels il travaille et de diffuser ses connaissances sans restriction (§ 35).
Compte tenu de ce qui précède, elle estime que la juridiction nationale n’a pas établi l’existence
d’un « besoin social impérieux » de placer la protection des droits de la personnalité d’un individu
au-dessus du droit à la liberté d’expression du requérant et de l’intérêt général dans la promotion
de cette liberté lorsque des questions d’intérêt public sont concernés. Elle constate également
que le juge national n’a pas établi dans quelle mesure les propos litigieux avaient effectivement
porté atteinte à la réputation et à la carrière de N.C.A.. Enfin, elle souligne l’importance du
montant des dommages et intérêts accordés.
Les juges de Strasbourg estiment que les autorités nationales n’ont pas trouvé un juste équilibre
entre les différents intérêts en présence. Partant, ils considèrent que l’ingérence en cause n’était
pas « nécessaire dans une société démocratique » et concluent, à l’unanimité, à la violation de
l’article 10 de la Convention.
- Concernant les violations alléguées de l’article 6 de la Convention et de l’article 1er du Protocole
additionnel n/ 1 :
La Cour considère que ces griefs sont liés à celui tiré de la violation de l’article 10 de la
Convention. Elle estime donc qu’eu égard aux faits de l’espèce et à son constat de violation de
l’article 10 de la Convention, elle a examiné les principales questions juridiques soulevées par
la requête et conclut qu’il n’est pas nécessaire de rendre des décisions séparées sur ces points.37
jjj
Bodroñiƒ et Vujin c. Serbie 38
23 juin 2009
- req. n/ 38435/05 - Violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention -
T Faits :
Les requérants, journalistes, travaillaient à l’époque des faits pour un journal local. En 2003 et
2004, ils publièrent deux articles. Le premier critiquait les condamnations pénales infligées à
plusieurs journalistes pour diffamation et faisait notamment référence à un avocat connu en le
qualifiant de « blonde » ; il contenait d’ailleurs la photo d’une femme blonde en sous-vêtements
accompagnée d’une anagramme du nom de l’avocat. Le second article condamnait quant à lui
le point de vue exprimé à la télévision publique par un historien connu au sujet de l’existence et
de l’histoire des minorités nationales en Voïvodine et qualifiait cet historien d’« idiot » et de
« fasciste ».
L’avocat et l’historien évoqués dans les articles engagèrent des procédures pénales à l’encontre
37 CEDH, Mehmet et Suna Yigit c. Turquie, du 17 juillet 2007, req. n/ 52658/99, § 43 et CEDH, K.Ö. c. Turquie, du 11 décembre
2007, req. n/ 71795/01, § 50.
38 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.
-52-
des requérants pour injures. L’un des requérants fut également poursuivi en diffamation par
l’historien qu’il avait qualifié de « membre du mouvement fasciste en Serbie ».
Les juridictions internes jugèrent les deux requérants coupables d’injures et les condamnèrent
à des amendes, assorties, en cas de non paiement, d’une peine de prison. L’auteur de l’article
relatif à l’historien fut en outre reconnu coupable de diffamation. Au sujet de la première affaire,
les juges affirmèrent que le fait de traiter l’avocat de blonde constituait objectivement une insulte
et, dans la seconde, que le fait de qualifier l’historien de fasciste et d’idiot n’avait pas d’autre but
que de l’offenser.
T Griefs :
Invoquant notamment l’article 10, les requérants se plaignaient d’avoir été condamnés au pénal
en raison de la teneur des articles qu’ils avaient écrits.
T Décision :
- Sur la recevabilité :
Le Gouvernement serbe demande à la Cour de rejeter la requête pour non-épuisement des voies
de recours interne. En particulier, il met en avant le fait que les requérants n’ont pas fait appel
devant la Cour constitutionnelle. Ces derniers font quant à eux valoir que cette procédure ne
pouvait être considérée comme une voie de recours effective puisque la Cour constitutionnelle
n’est opérationnelle que depuis 2007, alors qu’ils ont déposé leur recours en 2005.
Sur ce point, les juges européens rappellent avoir indiqué que concernant les requêtes déposées
avant le 24 novembre 2007, ce recours devant la Cour constitutionnelle ne pouvait être considéré
comme efficace au sens de sa jurisprudence établie en vertu de l’article 35 § 1 de la
Convention.39 Ils indiquent ne voir aucune raison en l’espèce de s’écarter de cette conclusion et
décident par conséquent de déclarer la requête recevable.
- Sur le fond :
Concernant l’article mettant en cause l’avocat, le Gouvernement serbe soutient que la
comparaison entre hommes et femmes, en particulier les blondes, constitue une atteinte à
l’intégrité personnelle et à la dignité des hommes, et ce tel qu’entendu dans l’environnement
social serbe. Cette analyse est contestée par les requérants qui font quant à eux valoir que le
Gouvernement et les tribunaux internes ont mal compris leurs écrits.
En premier lieu, la Cour indique qu’il n’est pas contesté que la condamnation litigieuse était
prévue par l’article 93 du code pénal serbe de l’époque et qu’elle équivalait à une ingérence dans
le droit à la liberté d’expression des requérants. Elle note également que cette ingérence
poursuivait le but légitime de la protection d’autrui et recherche si, conformément à l’article 10 § 2
de la Convention, elle était effectivement « nécessaire dans une société démocratique ».
Les juges européens rappellent ensuite que la liberté d’expression, telle que garantie au
paragraphe 1er de l’article 10, constitue l’un des fondements essentiels d’une société
démocratique. Sous réserve du paragraphe 2, elle est applicable “non seulement aux
« informations » ou « idées » qui sont considérées comme inoffensives, mais également à celles
qui heurtent, choquent ou encore inquiètent”.40
39 CEDH, Cvetkovic c. Serbie, du 10 juin 2008, req. n/ 17271/04, § 42.
40 CEDH, Lepojic c. Serbie, du 6 novembre 2007, n/ 13909/05, § 73 et CEDH, Filipovic c. Serbia, du 20 novembre 2007,
req. n/ 27935/05, § 53.
-53-
Insistant sur l’importance de la fonction essentielle remplie par presse dans une société
démocratique, ils affirment que, bien qu’elle ne doive pas dépasser certaines limites, notamment
en ce qui concerne la réputation et les droits d’autrui, elle doit néanmoins donner, de manière
compatible avec ses obligations et ses responsabilités, des informations et des idées sur tous
les sujets d’intérêts publics. Toujours selon la Cour, “la liberté journalistique couvre également
la possibilité de recourir à un certain degré d’exagération, voire de provocation” 41 (§ 29).
Puis, la juridiction européenne réaffirme qu’il incombe en premier lieu aux autorités nationales
d’évaluer s’il existe « un besoin social impérieux » de restreindre la liberté d’expression, et que
dans cette hypothèse, elles disposent d’une certaine marge d’appréciation.42 Cependant, dans
les affaires relatives à la presse, elle précise que cette marge est limitée par les intérêts d’une
société démocratique à assurer et maintenir une presse libre. Sur ce point, elle rappelle d’ailleurs
que, dans l’exercice de sa fonction de surveillance, elle a pour tâche de vérifier si les motifs
invoqués par les autorités nationales pour justifier l’ingérence alléguée sont “pertinents et
suffisants” 43 (§ 30).
Concernant le premier article publié, les juges de Strasbourg relèvent que le texte en cause ne
saurait être compris comme une insulte gratuite et personnelle mais qu’il doit plutôt s’analyser
comme un refus des sanctions de la liberté d’expression journalistique. Estimant que le premier
requérant avait soulevé une question d’intérêt général devant être considérée comme importante
pour l’ensemble de la société, à savoir la pratique des juridictions internes consistant à réprimer
la liberté d’expression des journalistes, ils réaffirment la jurisprudence selon laquelle les
restrictions prévues par le paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention ont peu de portée sur
les débats relatifs aux questions d’intérêt public 44 (§ 32).
Concernant le second article litigieux, la Cour note qu’il s’agissait d’un texte drôle publié dans la
colonne « humour » du journal. Elle estime par conséquent qu’il devait s’analyser comme une
blague et non comme une déclaration malveillante visant à offenser (§ 33).
Sur le point de savoir si l’avocat devait être considéré comme un personnage public, la Cour
rappelle que dès lors qu’un individu entre dans l’arène du débat public, il s’expose à la critique.45
Elle relève que les parties se sont accordées sur le fait que l’avocat était une figure locale bien
connue. La Cour estime qu’en conséquence il doit y avoir un seuil de tolérance plus élevé à
l’égard des critiques formulées à son encontre.
Les juges de Strasbourg examinent ensuite si les motifs invoqués par les tribunaux nationaux
pour condamner les requérants étaient « pertinents et suffisants » pour justifier l’ingérence. Sur
ce point, ils affirment tout d’abord que l’analyse du Gouvernement et des tribunaux internes selon
laquelle la comparaison entre un homme et une blonde constituait une atteinte à l’intégrité et à
la dignité masculines est inacceptable (§ 35). Ils décèlent dans les propos en cause un peu de
moquerie, mais affirment que, pour autant, ils ne pouvaient passer pour être suffisamment
insultants pour justifier une sanction pénale (§ 36). Enfin, ils relèvent qu’en observant que
l’avocat avait déjà prouvé le caractère insultant des articles des requérants, les tribunaux
nationaux ont implicitement rendus les moyens de défense soulevés dépourvus de tout effet
41 CEDH, Dalban c. Romanie, du 28 septembre 1999, req. n/ 28114/95, § 49.
42 CEDH, Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c. France, du 21 octobre 2007, req. n/ 21279/02 et 36448/02, § 45.
43 Notamment, CEDH, Vogt c. Allemagne, du 26 septembre 1995, req. n/ 17851/91, série A n/ 323, pp. 25-26, § 52.
44 CEDH, Nilsen et Johnsen c. Norvège, du 25 novembre 1999, req. n/ 23118/93, § 46.
45 CEDH, Jerusalem c.Autriche, du 27 février 2001, req. n/ 26958/95, §§ 38-39.
-54-
pratique (§ 37).
Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime qu’il n’y avait pas de « besoin social impérieux »
de restreindre la liberté d’expression des requérants et que les motifs invoqués par les juridictions
nationales n’étaient ni suffisants ni pertinents pour justifier l’ingérence en cause.
Enfin, elle rappelle que lors l’évaluation de la proportionnalité de l’ingérence, la nature et la
sévérité des sanctions infligées sont également des facteurs pris en compte.46 A cet égard, la
juridiction européenne souligne que le recours à des poursuites pénales pour de prétendues
injures contre des journalistes qui soulèvent des questions d’intérêt public ne doit être considéré
comme proportionné, que dans des circonstances très exceptionnelles impliquant une plus grave
atteinte aux droits d’un individu.47 Prétendre le contraire aurait pour effet de dissuader les
journalistes de contribuer au débat public sur des questions touchant à la vie de la communauté,
et plus généralement, d’entraver la presse dans l’accomplissement de son rôle essentiel de
« chien de garde » (§ 39).En l’espèce, la Cour européenne rappelle les requérants ont été
soumis à une condamnation pénale, et que l’amende infligée à chacun d’entre eux pouvait, en
cas de non paiement, être remplacée par soixante jours de prison (§ 40).
En conséquence, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 10 de la Convention.
jjj
Ruotsalainen c. Finlande 48
16 juin 2009
- req. n/ 13079/03 - Violation de l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7 à la Convention (droit de ne pas être jugé ou
puni deux fois) -
T Faits :
Lors d’un contrôle routier, la police constata que le véhicule du requérant fonctionnait avec un
carburant moins lourdement taxé que le diesel qu’il aurait dû utiliser.
Une procédure pénale sommaire fut engagée contre lui, à l’issue de laquelle on lui infligea une
amende pour avoir commis une contravention fiscale. De plus, le requérant ayant reconnu avoir
fait lui-même le plein de son véhicule, il fut constaté qu’il avait agi intentionnellement. Il ne
s’opposa pas à l’amende et la condamnation devint définitive.
Parallèlement, une procédure administrative fut également engagée contre le requérant. Les
autorités administratives le sommèrent de payer la différence entre la taxe qu’il avait versée et
celle qu’il aurait dû acquitter. En effet, celui-ci ayant utilisé sa camionnette avec un carburant
moins lourdement taxé que le diesel et n’ayant pas informé au préalable l’administration routière
ou les douanes, la différence normale de taxe fut triplée. Le requérant demanda à obtenir une
réduction du montant demandé au titre de taxe mais les autorités rejetèrent sa demande ainsi
que le recours qu’il avait formé pour faire annuler la décision de rejet à cet égard.
46 CEDH, Cumpana et Mazare c. Romanie, du 17 décembre 2004, req. n/ 33348/96, §§ 111-124 et CEDH, Sokolowski c.
Pologne, du 29 mars 2005, req. n/ 75955/01, § 51 (uniquement en anglais)
47 Voir mutatis mutandis, CEDH Azevedo c. Portugal, du 27mars 2008, req. n/ 20620/04, § 33 (Cet arrêt est résumé dans la veille
bimestrielle n/ 19, p. 39)
48 L’arrêt n’est disponible qu’en anglais
-55-
T Griefs :
Le requérant se plaignait d’avoir été puni deux fois pour la même contravention fiscale et à ce
titre, invoquait une violation de l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7 (droit de na pas être jugé
ou puni deux fois). Enfin, il soutenait que les autorités ne s’étaient pas conformées à la règle du
non bis in idem, et que l’article 6 de la Convention (droit à un procès équitable) avait été violé.
T Décision :
- Sur la violation de l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7 à la Convention :
La Cour rappelle que l’objectif de l’article 4 du Protocole n/ 7 invoqué est d’éviter la répétition de
poursuites pénales clôturées par une décision finale. En l’espèce, elle relève que deux mesures
ont été prononcées à l’encontre du requérant dans le cadre de deux procédures différentes.
Elle juge que toutes les sanctions infligées au requérant étaient de nature pénale. En effet, dans
l’ordre juridique finlandais, la première procédure se qualifie de procédure « pénale » ;
concernant la deuxième, la Cour estime que bien que celle-ci relève d’une procédure
administrative en ce qu’elle concerne la matière fiscale, elle ne revêt pas un simple caractère
compensatoire. Les autorités nationales ayant triplé la différence de taxe afin de punir et de
dissuader le requérant de recommencer, la Cour juge qu’il s’agit des caractéristiques de la
sanction en matière pénales.
En outre, elle précise que les faits à l’origine des deux procédures étaient les mêmes : l’usage
d’un carburant moins lourdement taxé que le diesel. La seule différence majeure était la notion
d’intention relevée dans la première procédure.
Les juges de Strasbourg jugent donc qu’il y a eu répétition des procédures, la seconde sanction
ayant été prononcée pour des faits identiques à la première.
Enfin, en vertu de l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7, la deuxième procédure n’aurait dû
s’ouvrir qu’à la suite de l’apparition d’éléments de preuve ou de faits nouveaux ou encore de la
découverte d’un vice fondamental de la procédure précédente de nature à affecter le jugement
intervenu. Or, les autorités nationales n’ont invoqué aucun de ces éléments pour engager la
seconde procédure.
Partant, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 4 de Protocole additionnel n/ 7.
- Sur la violation de l’article 6 de la Convention :
Le requérant se plaint du non respect du principe non bis in idem sous l’angle de l’article 6 de la
Convention.
La Cour estime que ce principe est garanti par le respect de l’article 4 de Protocole n/ 7. Elle se
déclare donc incompétente ratione materiae pour traiter de cette partie de la requête.
jjj
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Laudette c. France
11 juin 2009
- req. n/ 19/05 - Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable sous l’angle de l’égalité
des armes) -
T Faits :
En 2003, le requérant porta plainte avec constitution de partie civile, à Paris, contre sa femme.
Cette plainte concernait des faits de violences et de dénonciations calomnieuses commis à son
encontre par son épouse et survenus lors d’un voyage à Singapour en 2000. Il demandait par
ailleurs réparation du préjudice subi du fait des dénonciations calomnieuses. Le juge d’instruction
rendit une ordonnance d’irrecevabilité de constitution de partie civile au visa de l’article 113-8 du
code pénal qui prévoit que lorsque les faits dénoncés se sont déroulés à l’étranger, la poursuite
des délits ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public, après dépôt de plainte par
la victime ou ses ayants-droits.
Le requérant interjeta appel de cette ordonnance. Il ne put assister à l’audience, seul son avocat
étant autorisé à pénétrer dans la salle pour y plaider. La chambre de l’instruction de la Cour
d’appel rejeta son recours.
Il forma un pourvoi en cassation. Le greffe de la Cour suprême l’informa que son mémoire serait
soumis à l’examen d’un Conseiller-rapporteur, puis de l’Avocat général qui lui ferait connaître le
sens de ses conclusions avant l’audience.
Invoquant notamment les arrêts Slimane-Kaïd c. France des 31 mars 1998 et 25 janvier 2000,
le requérant demanda communication du rapport du conseiller-rapporteur avant l’audience, celuici ayant été transmis à l’avocat général. Il n’obtint aucune réponse à sa demande. Le 22 juin
2004, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta son pourvoi sur le fondement des
dispositions de l’article 113-8 du code pénal. Par ailleurs, la Haute Cour précisa que l’ordonnance
d’irrecevabilité n’était pas constitutive d’une violation de l’article 6 de la Convention européenne
invoquée par le requérant.
T Griefs :
Devant la Cour européenne, le requérant invoquait une violation de l’article 6 § 1 (droit à un
procès équitable) combiné avec l’article 13 de la Convention (droit à un recours effectif). Il
estimait en effet que l’ordonnance d’irrecevabilité de sa plainte l’avait privé de son droit d’accès
à un tribunal. Par ailleurs, toujours sur le fondement de l’article 6 § 1, il se plaignait d’une part de
n’avoir pu assister à l’audience devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel et d’autre
part de la violation du principe de l’égalité des armes. Sur ce dernier point, il alléguait n’avoir eu
communication ni des conclusions du Conseiller-rapporteur ni de celles de l’Avocat général.
T Décision :
- Sur le premier grief tiré de la violation de l’article 6 combiné à l’article 13 de la Convention :
A titre liminaire, la Cour statue sur les exceptions soulevées par le Gouvernement français sur
l’applicabilité des dispositions de l’article 6 à la présente affaire. Elle précise dans un premier
temps que “les exigences de l’article 6 § 1, qui impliquent toute la panoplie des garanties propres
aux procédures judiciaires, sont plus strictes que celles de l’article 13, qui se trouvent absorbées
par elles” (§ 26). Dans ces conditions, elle décide de n’examiner l’affaire que sous l’angle de
l’article 6 § 1 de la Convention.
-57-
Elle rappelle par ailleurs s’être déjà prononcée, notamment dans l’arrêt de grande chambre Perez
c. France du 12 février 2004,49 sur l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention aux plaintes
avec constitution de partie civile et y avoir précisé qu’une telle plainte relevait bien de l’article 6
dans la mesure où elle ne visait pas exclusivement un but répressif ou vindicatif mais qu’elle avait
également un objet indemnitaire. En l’espèce, la Cour constate que le requérant a sollicité
l’attribution de dommages et intérêts notamment en réparation de l’atteinte portée à son image,
à son honneur et à sa réputation. Elle admet donc l’application de l’article 6 de la Constitution et
rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement.
Enfin, la Cour considère que la dernière exception tirée du non épuisement des voies de recours
internes soulevée par le Gouvernement, ne s’applique qu’au grief portant sur la violation du droit
d’accès à un tribunal. La juridiction strasbourgeoise rappelle que “le droit d’accès à un tribunal
se trouve atteint lorsque la réglementation en cause cesse de servir les buts de la sécurité
juridique et de la bonne administration de la justice et constitue une sorte de barrière qui
empêche le justiciable de voir la substance de son litige tranchée par la juridiction compétente
(Kemp et autres c. Luxembourg, n/ 17140/05, § 47, 24 avril 2008)”. Or, “la réglementation relative
aux formalités et aux délais à observer pour former un recours vise à assurer la bonne
administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique” (§ 31).
Reprenant l’argumentation du Gouvernement, la Cour considère que l’article 113-8 du code pénal
“applicable seulement en matière délictuelle, tient compte des difficultés auxquelles se heurtent
les enquêteurs pour diligenter des investigations en territoire étranger (...)”. A ses yeux, “il ne fait
aucun doute que cette exclusivité de compétence concourt à la bonne administration de la justice
dans la mesure où elle vise à éviter que l’action publique ne soit mise en mouvement pour des
faits dont l’élucidation ou la poursuite se trouvent compromis” (§ 32).
Les juges européens constatent que le requérant a bénéficié d’un droit d’accès à un tribunal,
dans les limites prévues par l’article 113-8 du code pénal, que “ces limites sont justifiées et n’ont
pas restreint l’accès ouvert au requérant” (...) à un point tel “que son droit à un tribunal s’en est
trouvé atteint dans sa substance même” (§ 33). Ils observent enfin que le requérant n’a pas saisi
les juridictions civiles après avoir été informé de la décision d’irrecevabilité de sa plainte comme
cela lui était permis.
Dès lors, la Cour rejette ce grief du requérant tiré du défaut d’accès à un tribunal, le considérant
manifestement mal fondé.
- Sur les autres violations alléguées de l’article 6 de la Convention :
Concernant l’impossibilité pour le requérant d’assister à l’audience de la chambre de l’instruction :
La Cour constate que le requérant était effectivement représenté par son avocat devant la
chambre de l’instruction. Elle rejette donc le grief du requérant.
Concernant l’absence de communication des conclusions de l’avocat général :
Le procureur général près la Cour de cassation a informé le requérant par courrier du 3 juin 2004
du dépôt des conclusions de l’avocat général et du sens de ses conclusions. Visant notamment
l’arrêt Fonfrede c. France du 16 octobre 2008,50 la Cour conclut au rejet du grief qu’elle estime
manifestement mal fondé.
49 CEDH, Grande chambre Perez c. France du 12 février 2004, req. n/ 47287/99.
50 CEDH, Fonfrede c. France du 16 octobre 2008, req. n/ 44562/04.
-58-
Concernant l’absence de communication du rapport du conseiller-rapporteur :
La Cour rappelle sa jurisprudence constante en la matière, et notamment les deux arrêts Bertin
c. France et Ledru c. France,51 selon laquelle “l’absence de communication au requérant ou à
son conseil, avant l’audience, du premier volet du rapport du conseiller-rapporteur, alors que ce
document avait été transmis à l’avocat général, ne s’accorde pas avec les exigences du procès
équitable” (§ 44). En l’espèce, elle constate en outre que le courrier du requérant demandant
communication de ce rapport est resté sans réponse. Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de
l’article 6 de la Convention sous l’angle de l’égalité des armes.
jjj
Dubus S.A. c. France
11 juin 2009
- req. n/ 5242/04 - violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) -
T Faits :
La société Dubus S.A., (requérante) est une entreprise d’investissement dont l’activité consiste
en la réception, la transmission et l’exécution d’ordres pour le compte de tiers et la négociation
pour son propre compte. En 2000, elle fit l’objet d’une inspection diligentée par la Commission
bancaire - autorité de contrôle des établissements de crédit et d’investissement présidée par le
gouverneur de la Banque de France (« la Commission ») -. A l’issue de cette inspection, une
infraction réglementaire lui fut signifiée, et la régularisation de sa situation demandée.
Le 28 septembre 2000, sur la base du rapport d’inspection, la Commission bancaire décida
d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de la requérante. Le président de la Commission
lui notifia les motifs d’ouverture de cette procédure. En réponse, la requérante déposa, le 28
décembre 2000, ses observations. Elle contestait la régularité et l’impartialité de cette procédure
au regard de l’article 6 § 1 de la Convention européenne, dénonçant notamment le cumul par la
Commission des fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement. En réplique, le secrétariat
général de la Commission lui transmit ses observations et l’invita par ailleurs à l’audience se
tenant le 11 juillet 2001.
Le 8 octobre 2001, la Commission prononça un blâme à l’encontre de la requérante. La décision,
qui précisait par ailleurs que la procédure n’était entachée d’aucune irrégularité, lui fut notifiée
par le secrétaire général. En juillet 2003, le Conseil d’État rejeta le pourvoi formé par la
requérante. Il écarta les moyens tirés de l’incompatibilité avec l’article 6 § 1 du fait, notamment,
du cumul des fonctions au sein de la Commission, de sa faculté d’autosaisine. Il estima enfin que
la décision du 8 octobre 2001 avait été suffisamment motivée.
T Griefs :
Devant la Cour européenne, la requérante invoquait l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable)
de la Convention. Elle se plaignait du manque d’impartialité et d’indépendance de la Commission
51 CEDH, Bertin c. France du 24 mai 2006, req. n/ 55917/00 (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle de mai-juin 2006,
p. 11) et CEDH, Ledru c. France, du 6 décembre 2007, req. n/ 38615/02. (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 17,
p. 25)
-59-
bancaire dans le cadre d’une procédure disciplinaire ouverte à son encontre par cette autorité,
ainsi que de l’iniquité de la procédure devant la Commission et le Conseil d’État.
T Décision :
- Sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Gouvernement :
Le Gouvernement affirmait que l’article 6 de la Convention ne trouvait pas à s’appliquer au cas
d’espèce en raison de la nature disciplinaire de la procédure :
La Cour, constate en premier lieu que le Conseil d’Etat lui même reconnaît l’applicabilité de
l’article 6 § 1 de la Convention sous son angle pénal et rappelle ses jurisprudences Lilly c.
France du 3 décembre 2002 et Didier c. France du 2 juillet 2002 appliquant cette disposition à
d’autres autorités administratives compétentes en matière économique et financière.
Elle reprend ensuite les arguments de la requérante et précise que trois critères (critères
« Engels52 »), permettent d’établir l’existence d’une « accusation en matière pénale » qui
détermine l’applicabilité de l’article 6 : “la qualification juridique de l’infraction en droit interne, (...)
la nature même de l’infraction (...) et le degré de sévérité de la sanction que risque de subir
l’intéressé” (§ 36), les deux derniers critères étant alternatifs et non cumulatifs.
En l’espèce, elle estime que la requérante “pouvait encourir une radiation et/ou une sanction
pécuniaire « au plus égale au capital minimum auquel est astreinte la personne morale
sanctionnée ». De telles sanctions entraînent des conséquences financières importantes, et
partant, peuvent être qualifiées de sanctions pénales”. Par ailleurs, “le blâme qui a été prononcé
était de nature à porter atteinte au crédit de la société sanctionnée entraînant pour elle des
conséquences patrimoniales incontestables” (§ 37).
Selon les juges européens, “la Commission bancaire, lorsqu’elle a infligé à la requérante la
sanction du blâme, devait être regardée comme un « tribunal » au sens de l’article 6 § 1 de la
Convention” et “cette sanction, dans les circonstances de l’espèce, avait une « coloration
pénale »” (§ 38). La Cour en déduit que l’article 6 § 1 de la Convention trouve à s’appliquer et
rejette l’exception d’incompatibilité ratione materiae soulevée par le Gouvernement.
Le gouvernement soutenait enfin que, s’agissant du grief tiré du défaut de motivation par le
Conseil d’Etat, les voies de recours internes n’avaient pas été épuisées puisque la requérante
n’avait pas exercé le recours en rectification d’erreur matérielle :
La Cour rappelle que l’article 35 de la Convention vise à “ménager aux Etats contractants
l’occasion de prévenir ou redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations
ne soient soumises aux organes de la Convention”. Cependant, les dispositions de cet article “ne
prescrivent l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles
et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais
aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues” (§ 41). Il
appartient au Gouvernement de démontrer que ces exigences se trouvent réunies.
En l’espèce, les juges européens observent que la voie de recours proposée, à savoir, “le
recours en rectification d’erreur matérielle prévu à l’article R 833-1 du code de justice
administrative, vise à redresser les inexactitudes et erreurs commises par le juge” et non pas les
critiques portant sur un raisonnement juridique. Ils en concluent donc que le recours évoqué par
le Gouvernement “n’était pas de nature à remédier à la violation alléguée de la Convention par
la requérante.” (§ 42) et rejettent l’exception de non-épuisement des voies de recours internes.
52 CEDH, Engels et autres c. Pays-Bas, du 8 juin 1976, req. n/ 5100/71, 5101/71, 5354/72 et 5370/72
-60-
- Concernant la procédure suivie devant la Commission bancaire :
Sur le manque d’impartialité et d’indépendance de la Commission bancaire :
La Cour rappelle ses principes en matière d’impartialité subjective et objective. En l’espèce, elle
ne voit aucune raison de mettre en cause l’impartialité subjective des membres de la
Commission.
Concernant l’impartialité objective, les juges européens exposent qu’en “la matière, même les
apparences peuvent revêtir de l’importance. Il y va de la confiance que les tribunaux d’une
société démocratique se doivent d’inspirer aux justiciables, à commencer, au pénal, par les
prévenus” (§ 53) et que “les notions d’indépendance et d’impartialité sont étroitement liées”. Or,
en l’espèce, ils constatent “l’imprécision des textes qui régissent la procédure devant la
Commission bancaire, quant à la composition et aux prérogatives des organes appelés à exercer
les différentes fonctions qui lui sont dévolues.” (§ 56). En l’occurrence, la Commission exerce une
fonction de contrôle administratif, dispose d’un pouvoir d’injonction et d’un pouvoir disciplinaire.
La Cour rappelle avoir déjà jugé, notamment par une décision d’irrecevabilité Didier c. France,
précitée, concernant une autorité administrative indépendante similaire à la Commission
bancaire, que “si le cumul des fonctions d’instruction et de jugement peut être compatible avec
le respect de l’impartialité garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, (...) ce cumul est
subordonné à la nature et l’étendue des tâches du rapporteur durant la phase d’instruction, et
notamment à l’absence d’accomplissement d’acte d’accusation de sa part” (§ 57).
En l’espèce, elle recherche si la Commission bancaire a pu décider de la sanction disciplinaire
sans « préjugement ». Elle constate une confusion des rôles : le secrétaire général et la
Commission bancaire ont diligenté les poursuites contre la requérante, le Président lui a notifié
les griefs retenus à son encontre, l’instruction n’était pas dévolue à une personne précise et la
décision de sanction fut prise par le président de la Commission bancaire et cinq membres de
celle-ci après une audience publique et un délibéré. Enfin, le secrétaire général notifia à la
requérante la sanction prononcée par la Commission. “De cet enchaînement d’actes pris au
cours de la procédure juridictionnelle, il résulte, de l’avis de la Cour, que la société requérante
pouvait raisonnablement avoir l’impression que ce sont les mêmes personnes qui l’ont poursuivie
et jugée.” (§ 60) estime la Cour européenne.
La juridiction strasbourgeoise ne s’estime “pas convaincue par l’affirmation du Gouvernement sur
l’existence d’une séparation organique au sein de la Commission bancaire”. Elle en déduit que
“la requérante pouvait nourrir des doutes objectivement fondés quant à l’indépendance et
l’impartialité de la Commission du fait de l’absence de distinction claire entre ses différentes
fonctions” (§ 61) et à l’unanimité, conclut à la violation de l’article 6 de la Convention.
Sur la rupture de l’égalité des armes :
La Cour n’estime pas nécessaire d’examiner le grief tiré de la rupture de l’égalité des armes entre
le secrétariat général de la Commission et les personnes poursuivies. Selon elle, le constat de
violation de l’article 6 § 1 de la Convention concernant le manque d’impartialité et
d’indépendance de la Commission est suffisant.
- Concernant la procédure devant le Conseil d’État :
La Cour rappelle avoir, dans l’arrêt Wagner et J. M. W. L. c. Luxembourg, du 28 juin 2007,53
exposé “les principes régissant l’obligation pour les tribunaux de répondre aux arguments des
parties”. Elle constate que le Conseil d’Etat a apprécié l’impartialité de la procédure litigieuse
53 CEDH, Wagner et J. M. W. L. c. Luxembourg, du 28 juin 2007, req. n/ 76240/01 (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle
n/ 15)
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dans son ensemble, et qu’il a justifié le principe d’autosaisine de la Commission, soulevé par la
requérante, “par la particularité des autorités administratives indépendantes dans leur rôle de
régulation des marchés” (§ 69). Elle ne voit donc aucune raison de reprocher un défaut de
motivation à cette haute juridiction.
Concernant enfin le grief soulevé par la requérante qui soutenait que dans une procédure
disciplinaire, le Conseil de l’Etat ne pouvant pas apprécier la proportionnalité de la sanction, cette
absence de double degré de juridiction méconnaîtrait l’article 2 du Protocole n/ 7 à la Convention,
les juges de Strasbourg rappellent leur position concernant le recours devant le Conseil d’Etat
et le double degré de juridiction garanti en la matière, la Commission bancaire étant à ses yeux
une juridiction administrative.
La Cour conclut à la non-violation de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales concernant les griefs tirés de l’iniquité de la procédure
devant le Conseil d’Etat.
jjj
Bendayan Azcantot et Benalal Bendayan c. Espagne
9 juin 2009
- req. n/ 28142/04 - Violation de l’article 6 § 1 de la Convention -
T Faits :
Le 24 octobre 1988, les requérants déposèrent une plainte à l’encontre de M.L.R. pour
escroquerie, faux et augmentation frauduleuse des prix. Par un jugement du 9 mars 1991,
l’Audiencia Provincial de Santa Cruz de Tenerife relaxa l’accusé.
Les requérants formèrent un pourvoi en cassation devant le Tribunal suprême, qui, par un arrêt
du 9 juillet 1993, cassa le jugement et renvoya l’affaire devant la juridiction de première instance.
Le 17 février 1995, la juridiction de première instance reconnut M.L.R. coupable d’un délit
d’escroquerie et le condamna à une peine d’un an et trois mois d’emprisonnement ainsi qu’au
versement d’une somme d’argent aux requérants.
M.L.R. se pourvut en cassation devant le Tribunal suprême qui, par un arrêt du 22 avril 1997,
rejeta le pourvoi et confirma la condamnation prononcée. Par une ordonnance du 24 juin 1997,
l’Audiencia Provincial déclara le caractère définitif et exécutoire du jugement du 17 février 1995.
Le 24 juillet 1997, les requérants sollicitèrent l’exécution du jugement auprès de l’Audiencia
Provincial de Santa Cruz de Tenerife. Le 20 novembre 1997, ils s’adressèrent de nouveau à
l’Audiencia Provincial en vue de voir exécuter la décision rendue en leur faveur, sollicitant
notamment le paiement dans les plus bref délais d’une somme représentant le montant octroyé
au titre de la responsabilité civile, plus les intérêts calculés jusqu’au 24 juillet 1997.
Le 3 décembre 1997, l’Audiencia Provincial informa les requérants du fait qu’un sursis à
exécution de la peine d’emprisonnement avait été accordé à M.L.R. pour maladie grave.
Le 11 décembre 1997, les requérants attaquèrent cette décision devant l’Audiencia Provincial.
Le 27 février 1998, la juridiction rejeta le recours formé par les requérants et ordonna qu’il soit
procédé à la liquidation de la somme due au titre de la responsabilité civile.
Le 20 mars 2000, M.L.R décéda. Ses enfants engagèrent une procédure de succession
testamentaire et sollicitèrent la suspension d’exécution du jugement pénal en cause.
Le 9 janvier 2001, les requérants se plaignirent auprès du tribunal suprême du retard de
l’exécution par l’Audiencia provincial du jugement litigieux. Diverses procédures furent encore
engagées par les requérants pour obtenir l’exécution du jugement. Finalement, par ordonnance
-62-
du 20 avril 2005 l’Audiencia Provincial classa définitivement l’exécution du jugement pénal en
cause.
T Griefs :
Invoquant une violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention, les
requérants reprochaient aux autorités espagnoles de ne pas avoir exécuté dans un délai
raisonnable le jugement devenu définitif le 24 juin 1997.
T Décision :
La Cour observe en premier lieu que le grief invoqué par les requérants porte sur la procédure
d’exécution du jugement pénal. Sur ce point, elle réitère sa jurisprudence selon laquelle l’article
6 § 1 de la Convention exige que toutes les phases des procédures judiciaires tendant à mettre
un terme à des « contestations sur des droits et obligations de caractère civil » aboutissent dans
un délai raisonnable 54 et que l’exécution d’un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce
soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès »au sens de l’article 6 de
la Convention.55
Les juges européens relèvent qu’il s’agissait en l’espèce de l’exécution d’un jugement imposant
à un particulier une obligation de verser des dommages-intérêts au titre de la responsabilité civile
résultant d’une infraction pénale. A cet égard, ils rappellent la nécessité de préserver les droits
des victimes des infractions pénales et la place qui leur revient dans le cadre des procédures
pénales.56 Surtout, ils précisent que “Cela vaut également pour la phase d’exécution d’un
jugement pénal rendu en leur faveur, dans la mesure où c’est durant celle-ci que la réparation
pécuniaire du dommage subi par les victimes trouve sa réalisation effective” (§ 69).
En l’espèce, concernant la durée de la procédure d’exécution litigieuse, la Cour considère que
la période à prendre en considération commence à la date à laquelle le jugement pénal est
devenu définitif, soit le 24 juin 1997 et se termine à la date de l’ordonnance de l’Audiencia
Provincial, c’est à dire le 20 avril 2005. Ainsi, la durée qu’elle décide d’examiner est de sept ans,
neuf mois et vingt-sept jours. Puis, elle rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une
procédure doit s’apprécier suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères
consacrés par la jurisprudence (complexité de l’affaire, comportement du requérant et celui des
autorités compétentes ainsi que de l’enjeu du litige pour les intéressés).57
Les juges de Strasbourg affirment qu’au vu des faits de l’espèce, ils ne peuvent partager la
position des requérants selon laquelle les autorités judiciaires n’ont réalisé aucun acte
d’exécution du jugement définitif. Ils admettent que la présentation des recours successifs a pu
retarder le déroulement de la procédure d’exécution et observent en outre que les requérants
ont contesté, devant le Tribunal suprême, la dissolution de la communauté d’acquêts entre le
condamné et son épouse. Cependant, ils estiment qu’il ne saurait leur être reproché d’avoir utilisé
les voies procédurales disponibles pour défendre leurs intérêts.
54 CEDH, Robins c. Royaume-Uni, du 23 septembre 1997, req. n/ 22410/93, § 28 ; CEDH, Estima Jorge c. Portugal, du 21 avril
1998, req. n/ 24550/94, § 35; CEDH, Buj c. Croatie, du 1er juin 2006, req. n/ 24661/02, § 16.
55 CEDH, Hornsby c. Grèce, du 19 mars 1997, req. n/ 18357/91, § 40.
56 CEDH, Perez c. France, du12 février 2004, req. n/ 47287/99, § 72.
57 CEDH, Frydlender c. France, du27 juin 2000, req. n/ 30979/96, § 43 ; CEDH, Quiles Gonzalez c. Espagne, du 27 avril 2004,
req. n/ 71752/01, § 23 ; CEDH, Alberto Sanchez c. Espagne,du 16 novembre 2004, req. n/ 72773/01, § 46.
-63-
Admettant que l’affaire revêtait une certaine complexité, la Cour considère néanmoins que “les
autorités compétentes auraient dû agir avec plus de diligence afin de ne pas porter préjudice aux
possibilités réelles d’exécution du jugement rendu au principal et pour ne pas favoriser le débiteur
et sa famille” (§ 74).
En conclusion, les juges européens estiment “qu’un laps de temps de sept ans, neuf mois et
vingt-sept jours pour la phase d’exécution d’un jugement pénal définitif ne saurait, en soi, être
considéré comme répondant aux exigences du « délai raisonnable »” (§ 75). Ils concluent, à
l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
N Les opinions partiellement dissidentes du Juge Zemiele et du Juge Saiz Arnaiz sont annexées
à l’arrêt.
jjj
Pistolis et autres c. Grèce
4 juin 2009
- req. n/ 54594/07 - Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable sous l’angle du droit d’accès à
un tribunal) -
T Faits :
En juillet 1999, alors qu’il traversait la rue en compagnie de son père, un enfant fut renversé par
une moto conduite par un mineur sans permis. L’enfant décéda des suites de ses blessures.
Les membres de sa famille saisirent d’une action en dommages et intérêts le tribunal de première
instance. Le 30 juin 2003, leur demande ne fut que partiellement accueillie. En effet, le père de
l’enfant fut reconnu responsable à 30 % de l’accident, le tribunal estimant qu’il n’avait pas fait
preuve de toute la diligence requise. Les requérants interjetèrent appel de cette décision au motif
que, selon eux, l’auteur de l’accident était totalement responsable.
Le 8 décembre 2004, la cour d’appel confirma ce jugement en détaillant le comportement que
père de l’enfant aurait du avoir. Elle décida que le montant de l’indemnité devant être versée à
la famille de la victime devait être réduite de 30 %.
Le 1er juin 2005, les requérants formèrent un pourvoi en cassation en soulevant six moyens. Le
premier d’entre eux, invoqué à titre individuel par le père de la victime, contestait la conclusion
de la cour d’appel qui lui reconnaissait une part de responsabilité dans l’accident.
Les autres requérants, reprenant le même argument, exposaient par ailleurs que la mise en
cause de la responsabilité du père de l’enfant avait réduit le montant de l’indemnité.
La Cour de cassation rejeta le pourvoi en déclarant irrecevables les premier et troisième moyens
au motif que les requérants n’avaient pas précisé les circonstances de faits sur lesquelles la cour
d’appel s’était fondée pour conclure à la mise en cause de la responsabilité du père de la victime.
T Griefs :
Invoquant l’article 6 § 1 (droit d’accès à un tribunal) de la Convention, les requérants se
plaignaient de l’iniquité de la procédure. En particulier, ils dénonçaient le fait que la Cour de
cassation avait rejeté leur pourvoi pour manque de précision.
-64-
T Décision :
La Cour européenne rappelle sa jurisprudence selon laquelle il revient en premier lieu aux
autorités nationales d’interpréter la législation interne58. Elle expose également que “le « droit à
un tribunal », dont le droit d’accès constitue un aspect particulier, n’est pas absolu et se prête à
des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d’un
recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation de l’Etat, lequel jouit à cet
égard d’une certaine marge d’appréciation. Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre
l’accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s’en trouve
atteint dans sa substance même; enfin, elles ne se concilient avec l’article 6 § 1 que si elles
tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens
employés et le but visé”.59
En outre, elle précise que “le droit d’accès à un tribunal se trouve atteint lorsque sa
réglementation cesse de servir les buts de sécurité juridique et de bonne administration de la
justice” (§ 21). Ce droit “constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir son
litige tranché au fond par la juridiction compétente” (§ 21).
Les juges européens réaffirment par ailleurs que l’article 6 de la Convention n’astreint pas les
Etats à créer des cours d’appel ou de cassation 60 mais que si de telles juridictions existent, alors
les garanties offertes par cette disposition doivent être respectées, notamment en ce qui
concerne le droit effectif d’accès aux tribunaux.61 Ils rappellent enfin que la réglementation
relative aux formalités pour former un recours a pour objectif d’assurer la bonne administration
de la justice et le respect du principe de la sécurité juridique.
A plusieurs reprises, la Cour de Strasbourg a considéré que “l’application par les juridictions
internes de formalités à respecter pour former un recours est susceptible de violer le droit d’accès
à un tribunal. Il en est ainsi quand l’interprétation par trop formaliste de la légalité ordinaire faite
par une juridiction empêche, de fait, l’examen au fond du recours exercé par l’intéressé” (§ 24).
En l’espèce, elle relève que la règle appliquée par la Cour de cassation grecque pour déclarer
irrecevables deux des moyens soulevés par les requérants est une construction jurisprudentielle
(§ 25). Mais elle estime que cette règle obéit aux exigences de la sécurité juridique et de la
bonne administration de la justice. Ainsi, les juges européens considèrent que “quand le
demandeur en cassation reproche à la cour d’appel une appréciation erronée des faits de la
cause par rapport à la règle juridique appliquée, il paraît raisonnable d’exiger qu’il relate dans son
pourvoi les faits pertinents tels qu’ils ont été admis par la cour d’appel. A défaut, la haute
juridiction ne serait pas en mesure d’exercer son contrôle d’annulation à l’égard de l’arrêt
attaqué ; elle serait tenue de procéder à un nouvel établissement des faits pertinents de la cause
et de les apprécier elle-même par rapport à la règle de droit appliquée par la cour d’appel. Cette
hypothèse ne peut donc être envisagée, car elle équivaudrait à exiger de la haute juridiction
qu’elle formule elle-même les moyens de cassation censés être soumis à son examen. En
somme, la règle jurisprudentielle appliquée en l’espèce se concilie avec la spécificité du rôle joué
par la Cour de cassation, dont le contrôle est limité au respect du droit.” 62 (§ 26).
58 CEDH, García Manibardo c. Espagne, du 15 février 2000, req. n/ 38695/97, § 36.
59 CEDH, Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, du 19 février 1998, req. n/ 28028/95, § 34.
60 CEDH, Delcourt c. Belgique, du 17 janvier 1970, req. n/ 2689/65, §§ 25-26.
61 CEDH, Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, du 19 décembre 1997, req. n/ § 37.
62 CEDH, Brechos c. Grèce, du 11 avril 2006, req. n/ 7632/04.
-65-
Cependant, en l’espèce, la Cour constate que le premier requérant avait repris mot pour mot les
dires de la cour d’appel. Elle considère que dans ces conditions, les moyens de cassation en
cause ne faisaient pas peser sur la Cour de cassation la charge de procéder à un nouvel
établissement des faits. Elle affirme donc que la limitation du droit d’accès à un tribunal imposée
par la Cour de cassation grecque n’était pas proportionnée à l’objectif de garantie de la sécurité
juridique et de la bonne administration de la justice et conclut, à l’unanimité, à la violation de
l’article 6 § 1 de la Convention.
jjj
Standard Verlags GMBH c. Autriche ( n/ 2 ) 63
4 juin 2009
- req. n/ 21277/05 - non-violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention -
T Faits :
La requérante est une société à responsabilité limitée, propriétaire d’un quotidien autrichien. Elle
publia un article faisant état de rumeurs selon lesquelles l’épouse du président autrichien avait
l’intention de divorcer et qu’elle entretenait des liaisons avec deux hommes, parmi lesquels, le
chef du groupe parlementaire d’un parti politique autrichien.
Le couple présidentiel poursuivit le quotidien en justice en vertu des articles 6 et 7 de la loi sur
les médias.
Le tribunal pénal régional de Vienne condamna la société requérante à verser des dommages
et intérêts aux personnes visées par l’article et à publier un jugement. Il estima que le quotidien
avait fait état d’un domaine strictement personnel de la vie du couple, ce qui avait certainement
nuit à son image auprès du public. Le quotidien rétorqua que l’article ne faisait que rapporter une
rumeur, mais le tribunal régional jugea que la seule diffusion d’une rumeur pouvait violer l’article
7 de la loi sur les médias si elle donnait l’impression que celle-ci pouvait avoir quelques
fondements. En outre, les tribunaux autrichiens écartèrent la thèse de la société requérante selon
laquelle l’article avait trait à la vie publique. Ils firent notamment la distinction entre les problèmes
conjugaux prétendument rencontrés par une personnalité publique et son état de santé
susceptible d’avoir un impact sur l’exercice de ses fonctions.
La société requérante interjeta appel en alléguant que le couple présidentiel avait toujours tenu
le public informé de sa vie privée et que l’article visait à se moquer des ragots de la société
bourgeoise de Vienne. La cour d’appel confirma le jugement du tribunal régional.
Le chef du parti politique évoqué dans l’article avait lui aussi intenté une procédure. Il estimait
en effet que l’article évoquant un fait strictement personnel et sans rapport avec les fonctions
publiques qu’il exerçait, risquait de ternir son image auprès du public. Le tribunal régional lui
donna gain de cause.
T Griefs :
Devant la Cour européenne, la société requérante invoquait l’article 10 de la Convention. Elle
estimait que sa condamnation prononcée par les juridictions autrichiennes portait atteinte à sa
liberté d’expression.
63 L’arrêt n’est disponible qu’en anglais.
-66-
T Décision :
La Cour indique qu’elle doit déterminer si l’interprétation de la loi sur les médias donnée par les
tribunaux internes constitue une atteinte à la liberté d’expression de la société requérante.
Elle juge que l’ingérence dans le droit de la société requérante à la liberté d’expression est
prévue par les articles 6 et 7 de la loi sur les médias et qu’elle vise le but légitime de la protection
des droits et de la réputation d’autrui.
La Cour précise qu’elle doit donc rechercher si l’ingérence en question est « nécessaire dans une
société démocratique ».
Au regard de sa jurisprudence antérieure, la Cour doit mettre en balance la protection de la vie
privée et la protection de la liberté d’expression qui suppose que les photos ou les articles en
causes doivent contribuer à enrichir un débat d’intérêt général.
Elle doit également tenir compte de la personne concernée, notamment lorsqu’il s’agit d’une
personnalité politique. Le droit du public à être informé peut s’étendre à certains aspects de le
vie privée des hommes et des femmes politiques.
En l’espèce, la Cour constate que les juridictions internes ont justement mis en balance les divers
intérêts en jeu en prenant effectivement en compte la personnalité publique des plaignants et le
fait que l’article en cause ne contribuait à aucun débat d’intérêt général.
Ainsi, elle juge que les personnalités publiques peuvent, malgré leur statut, être protégées contre
la propagation de rumeurs relatives aux aspects intimes de leur vie privée. Elle estime que
l’ingérence litigieuse était nécessaire dans une société démocratique pour la protection de la
réputation et des droits d’autrui.
Elle conclut, par cinq voix contre deux, à la non-violation de l’article 10 de la Convention.
N L’opinion dissidente du juge Jebens à laquelle s’est ralliée le juge Spielmann est annexée à
l’arrêt.
jjj
Codarcea c. Roumanie
2 juin 2009
- req. n/ 31675/04 - violation des articles 6 (droit à un procès équitable sous l’angle de la durée excessive de la
procédure), et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention -
T Faits :
La requérante fut hospitalisée pour l’extirpation d’un papillome sous-mandibulaire et un problème
de cicatrisation postopératoire à la cuisse droite. Le médecin qui la suivait lui conseilla une
intervention de chirurgie plastique et pratiqua une blépharoplastie (correction des paupières). A
la suite de cette intervention, elle fut de nouveau hospitalisée et opérée car ses paupières ne se
fermaient plus. Elle fut opérée une nouvelle fois, la même année et son médecin pratiqua sur elle
une troisième blépharoplastie ainsi que d’autres interventions de chirurgie plastique. Ces
multiples opérations causèrent des séquelles à la requérante nécessitant un traitement médical
spécialisé. Plusieurs interventions chirurgicales ultérieures furent ensuite nécessaires.
La requérante porta plainte avec constitution de partie civile contre le médecin, mais un non-lieu
fut rendu par le tribunal départemental au motif que la prescription pénale du médecin était
intervenue. La même année, la requérante intenta une action civile en responsabilité contre le
médecin et assigna également l’hôpital. Le juge civil estima qu’elle avait effectivement été victime
d’une faute médicale et condamna le médecin au paiement de dommages et intérêts pour
préjudice moral et matériel, mais il rejeta l’action de la requérante contre l’hôpital, après avoir
-67-
estimé que ce dernier ne pouvait être tenu responsable des actes accomplis par le médecin. La
procédure se termina par un arrêt de la cour d’appel qui confirma le droit de la requérante à se
voir dédommagée. Entre temps, une procédure d’exécution forcée avait été ouverte à l’encontre
du médecin, mais celle-ci se révéla infructueuse pour cause d’insolvabilité du médecin.
T Griefs :
La requérante soutenait que la procédure qu’elle avait engagée devant les juridictions internes
avait été excessivement longue et donc contraire à l’article 6 de la Convention (droit à un procès
équitable). Elle invoquait également l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée
et familiale) considérant que l’inefficacité de cette procédure l’avait empêchée d’obtenir une juste
réparation des préjudices physiques et moraux résultant des fautes médicales dont elle avait été
victime.
T Décision :
- Concernant l’article 6 de la Convention :
La requérante invoque une atteinte à son droit à un procès équitable. Elle considère en effet que
la procédure qu’elle a débuté par une plainte pénale avec constitution de partie civile dans le but
d’engager la responsabilité du médecin a été excessivement longue.
La Cour doit analyser en premier lieu la période à prendre en considération afin de juger de la
longueur excessive de la procédure. Elle rappelle que la durée d’une procédure pénale avec
constitution de partie civile entre dans le champ d’application de l’article 6, “y compris durant la
phase de l’instruction, voire le cas échéant, en cas de procédure pendante ou potentielle devant
les juridictions civiles (...) et que la période à considérer débute à la date à laquelle le requérant
s’est prévalu de son droit à caractère civil (...) à savoir l’acte de constitution de partie civile.”
(§ 78).
Les juges de Strasbourg observent que la requérante s’est constituée partie civile le jour où elle
déposa sa plainte pénale contre le médecin. Ainsi, la période à considérer a débuté à cette date.
La Cour doit ensuite établir la date à laquelle la période à prendre en considération s’est
terminée. Faisant référence à sa jurisprudence antérieure, 64 elle rappelle “que la constitution de
partie civile n’est en réalité qu’une modalité de l’action civile.” Elle juge que le droit roumain
prévoit “que la personne qui s’estime victime d’une infraction dispose d’une option procédurale
entre, d’une part, la voie civile et, d’autre part la voie pénale. Si la voie civile est préférée, alors
compte tenu de ce que le fait générateur du préjudice est une infraction, la procédure civile ne
s’applique que sous réserve du principe selon lequel « le pénal tient le civil en l’état »”. (§ 82)
Ainsi, à partir de la constitution de partie civile jusqu’à la conclusion de cette procédure pénale,
la partie civile reste étroitement liée au déroulement de la procédure pénale.
En l’espèce, la Cour observe que la procédure pénale a pris fin six ans après l’introduction de
la plainte, par la décision du tribunal départemental rejetant la contestation par la requérante de
la décision de non-lieu rendue par le parquet au motif que la prescription de la responsabilité
pénale du docteur était acquise. Elle précise qu’ensuite, la requérante assigna le médecin devant
le tribunal départemental par une action en responsabilité civile délictuelle et que cette action prit
fin quand le tribunal départemental confirma le droit de la requérante à se voir dédommagée.
Les juges européens relèvent que l’action civile de la requérante a été dans un premier temps
jointe à sa plainte pénale. A la fin de la procédure pénale, cette action est restée sans suite et
64 CEDH, Perez c. France, du 12 février 2004, req. n/ 47287/99
-68-
la requérante a poursuivi cette action devant les juridictions civiles. Ils en concluent que la
période à prendre en considération s’est terminée à la date à laquelle l’arrêt de la cour d’appel
qui confirma le droit de la requérante à se voir dédommagée devint définitif.
En conclusion la Cour juge que la période de la procédure litigieuse a duré neuf années, six mois
et vingt-trois jours.
Ensuite, la Cour apprécie la durée de la procédure. Elle rappelle que “le caractère raisonnable
d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères
consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du
requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés”.65
(§ 88).
En l’espèce la juridiction strasbourgeoise relève que la requérante étant âgée de 65 ans à
l’époque de l’introduction de son action en responsabilité civile délictuelle pour dommages
causés à l’intégrité physique d’une personne ; les autorités nationales auraient ainsi dû faire
preuve « d’une diligence particulière ».
Elle estime que, bien que l’affaire comportait des questions médicales relativement complexes,
il n’existe aucune justification au fait que la procédure ait duré plus de neuf années. Partant, la
Cour conclut à l’unanimité à une violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
- Concernant la violation alléguée de l’article 8 de la Convention :
Sur la recevabilité :
Le gouvernement soutient que la requérante a perdu sa qualité de « victime », prétextant que les
juridictions lui ont rendu une décision favorable en condamnant le médecin au paiement de
dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel.
Cependant, la Cour considère “qu’une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit
en principe à lui retirer la qualité de victime que si les autorités nationales ont reconnu,
explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention”. (§ 99)
Elle juge la requête recevable au motif que la violation de la Convention invoquée par la
requérante n’a pas été explicitement reconnue ni réparée par les autorités nationales.
Sur le fond :
La Cour rappelle que les questions liées à “l’intégrité morale et physique des individus, à leur
participation au choix des actes médicaux qui leur sont prodigués ainsi qu’à leur consentement
à cet égard, et l’accès à des informations leur permettant d’évaluer les risques sanitaires
auxquels ils sont exposés” (§ 101) entrent dans le champ de l’article 8 de la Convention. Elle en
déduit que cette disposition peut s’appliquer au cas d’espèce.
Ensuite, la juridiction européenne affirme que les Etats ont l’obligation de mettre en place un
cadre réglementaire imposant aux hôpitaux, publics ou privés, l’adoption de mesures propres
à assurer le respect de l’intégrité physique de leurs patients. Elle ajoute que les patients sont
tenus d’être informés des conséquences d’une intervention médicale et doivent pouvoir donner
leur consentement en connaissance de cause. A défaut d’une telle information et si un risque
prévisible de cette nature se réalise sans que les patients en aient été dûment informés par les
médecins exerçant dans un hôpital public, l’Etat peut être tenu pour directement responsable.
En l’espèce, la Cour relève que la requérante a eu accès à une procédure qui lui a permis de
faire reconnaître la responsabilité du médecin qui l’avait opérée et qu’il a été condamné à la
dédommager. Cependant, en raison de l’insolvabilité du médecin, la somme allouée par les
65 CEDH, Frydlender, du 27 juin 2000, req. n/ 30970/96.
-69-
juridictions internes n’a jamais pu être recouvrée. En outre, à l’époque des faits le droit roumain
ne prévoyait aucun mécanisme d’assurance pour responsabilité médicale.
Enfin, les juges de Strasbourg notent que les juridictions internes ont refusé de reconnaître la
responsabilité de l’hôpital du fait de son préposé en dépit des avis favorables de la jurisprudence
des plus hautes juridictions du pays et de la doctrine.
Partant, la Cour conclut, par 6 voix contre une, à la violation de l’article 8 de la Convention en
raison de l’impossibilité pour la requérante d’obtenir la réparation qui lui avait été reconnue par
les juridictions roumaines pour les conséquences de la faute médicale dont elle a été victime.
N L’opinion en partie dissidente du juge Mujer est annexée à l’arrêt.
jjj
Borovsky c. Slovaquie 66
2 juin 2009
- req. n/ 24528/02 - Violation de l’article 6 § 2 de la Convention (droit à un procès équitable - droit à la présomption
d’innocence) -
T Faits :
En août 2000, la police slovaque engagea des poursuites pénales contre le requérant qui était
soupçonné d’avoir porté préjudice au créancier de deux grandes sociétés en permettant le
transfert de titres de ces sociétés à un tiers. Le 7 septembre 2000, le requérant se vit signifier la
première décision d’inculpation. Avant et après cette date, plusieurs articles parurent dans divers
journaux. Ils se fondaient principalement sur les faits exposés dans la décision d’engager des
poursuites contre le requérant et précisaient que les informations avaient été fournies par la
police.
Le 18 septembre 2000, l’hebdomadaire Profit publia un article révélant des détails du dossier
d’instruction. Parmi eux, se trouvaient des propos du directeur de la brigade financière qui
déclarait notamment que les actes commis par le requérant avaient été « prémédités » et
« frauduleux ».
En réaction, ce dernier assigna en justice le rédacteur en chef pour diffamation. En septembre
2002, le tribunal lui donna gain de cause et enjoignit au rédacteur en chef de publier des excuses
pour les déclarations erronées figurant dans l’article.
Parallèlement, en mai 2001, le requérant saisit la Cour constitutionnelle slovaque ; il faisait état
d’une violation de son droit à la présomption d’innocence au motif que des fonctionnaires de
police avaient fait des déclarations révélant la teneur du dossier d’instruction aux médias et
avaient annoncé qu’il avait commis des infractions pénales. Ce recours fut rejeté par la Cour
constitutionnelle.
T Griefs :
Invoquant l’article 6 § 2 de la Convention, le requérant estimait que son droit à être présumé
innocent avait été violé. Il reprochait à des fonctionnaires de police d’avoir informé les médias
de la teneur du dossier d’instruction et, surtout, d’avoir fait des déclarations sur sa culpabilité.
66 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.
-70-
T Décision :
Les juges européens rappellent que l’article 6 § 2 de la Convention a pour objectif de prévenir
les atteintes portées par des déclarations au droit à un procès équitable. Il interdit l’expression
prématurée par un tribunal de l’opinion selon laquelle un individu accusé d’une infraction pénale
est coupable, avant même qu’il ait été en mesure de prouver son innocence. Cette disposition
couvre également les déclarations faites par d’autres agents publics sur le déroulement de
l’enquête judiciaire et qui encouragent l’opinion publique à considérer le suspect comme
coupable et ainsi à préjuger de l’appréciation des faits par l’autorité judiciaire compétente.67
La Cour de Strasbourg estime également que si une décision judiciaire ou la déclaration d’un
agent public concernant la culpabilité dune personne accusée d’une infraction pénale intervient
avant que cet individu ait été déclaré coupable, le droit à la présomption d’innocence est violé.
Elle précise qu’il suffit, même en l’absence de preuves formelles, qu’il y ait des raisons laissant
supposer qu’une juridiction ou un officier public l’ait considéré comme coupable. Sur ce point, la
Cour indique qu’une distinction fondamentale doit être établie entre une déclaration faisant état
de simples soupçons et une déclaration claire, intervenant en l’absence de condamnation
définitive, et selon laquelle un individu a commis l’infraction en question. A cet égard, elle rappelle
avoir toujours souligné l’importance du choix des mots utilisés par les fonctionnaires dans leurs
déclarations intervenant avant que l’individu en question ait été jugé et reconnu coupable de
l’infraction lui étant reprochée.68
En l’espèce, les juges européens constatent tout d’abord que, replacées dans le contexte de
l’ensemble des articles, les déclarations des fonctionnaires de police laissaient entendre qu’il y
avait de bonnes raisons de croire que le requérant avait commis l’infraction en cause. Dès lors,
pour ce qui est du contenu de la plupart de ces articles, ils parviennent à la même conclusion que
la Cour constitutionnelle slovaque.
Concernant les propos du directeur adjoint de la brigade financière rapportés dans l’article du
magazine Profit en date du 18 septembre 2000, la Cour opère une distinction. Elle estime qu’ils
ne se bornaient pas à décrire l’état d’avancement de la procédure ou encore à évoquer les
« soupçons » pesant sur le requérant. En réalité, selon elle, en qualifiant les actes de
« frauduleux » et de « prémédités », ces propos conduisaient à penser qu’il s’agissait d’un fait
établi. Ces déclarations impliquaient donc que l’accusé se soit rendu coupable d’escroquerie,
une infraction dont il n’a pourtant jamais été accusé.
La Cour constitutionnelle ayant ordonné au rédacteur en chef de présenter des excuses, la Cour
européenne dit que les propos tenus par le directeur adjoint de la brigade financière ont méconnu
les droits du requérant à la présomption d’innocence.
Ainsi, en raison de ces déclarations qui laissaient entendre, au commencement de l’instruction,
que le requérant était coupable de l’infraction dont il n’était pas accusé, la Cour conclut, à
l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 2 de la Convention.
jjj
67 CEDH, Khuzhin et autres c. Russie, du 23 octobre 2008, req. n/ 13470/02, § 93.
68 CEDH, Böhmer c. Allemagne, du 3 octobre 2002, req. n/ 37568/97, § 54 et 56 et CEDH, Nešták c. Slovaquie, du 27 février
2007, req. n/ 65559/01, §§ 88- 89.
-71-
Szuluk c. Royaume-Uni 69
2 juin 2009
- req. n/ 36936/05 - violation de l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale) -
T Faits :
En novembre 2001, le requérant, ressortissant britannique fut condamné à une peine
d’emprisonnement de quatorze ans pour infractions en matière de drogue. Quelques mois plus
tôt en avril 2001, alors qu’il bénéficiait d’une liberté conditionnelle en attente de son procès, il fut
victime d’une hémorragie cérébrale qui nécessita deux interventions chirurgicales. Depuis lors,
il dut faire l’objet d’un suivi médical particulier impliquant pour lui de se rendre tous les six mois
à l’hôpital afin d’être examiné par un médecin neuroradiologiste.
Après son incarcération, il demanda au directeur de la prison que sa correspondance médicale
avec ce spécialiste ne fut pas lue et resta confidentielle. Cette demande, qui fut dans un premier
temps accueillie, fit l’objet deux mois plus tard d’un refus. Le requérant fut en effet informé que
son courrier serait transmis au médecin de la prison, qui vérifierait que le contenu était
uniquement médical et ne contenait pas de messages illicites. Il contesta ce contrôle auprès des
juridictions internes, toutefois la cour d’appel confirma cette décision en estimant que l’ingérence
aux droits protégés par l’article 8 de la Convention était justifiée et proportionnée, notamment
parce que son courrier était seulement contrôlé par le médecin de l’établissement pénitentiaire.
T Griefs :
Devant la Cour européenne, le requérant invoquait une violation de l’article 8 (droit au respect
de la vie privé et familiale) de la Convention, en raison de l’interception et de la lecture de sa
correspondance médicale par l’autorité pénitentiaire.
T Décision :
En premier lieu, la Cour souligne qu’il n’est pas contesté qu’il y a bien eu ingérence d’une autorité
publique dans l’exercice par le requérant de son droit au respect de sa correspondance.
Conformément à sa jurisprudence en la matière, elle rappelle qu’une telle atteinte est contraire
à l’article 8 de la Convention à moins d’être « prévue par la loi », de « poursuivre un but légitime »
et enfin, d’être « nécessaire dans une société démocratique ».
En l’espèce, la juridiction strasbourgeoise relève que les parties ne contestent pas que la lecture
de la correspondance du requérant est bien prévue par la loi et qu’elle poursuit les buts légitimes
que sont la prévention du crime et la protection des droits et des libertés d’autrui. Dès lors, il lui
reste à examiner si l’atteinte était « nécessaire dans une société démocratique ».
La Cour fait référence à un arrêt récent, Petrov c. Bulgarie,70 dans lequel elle a établit des
standards rigoureux en ce qui concerne la correspondance entre les avocats et les prisonniers.
Cet arrêt fut l’occasion pour elle d’affirmer que les autorités pénitentiaires ne peuvent ouvrir une
lettre adressée par un avocat à un détenu que lorsqu’elles ont un motif légitime de croire que le
courrier contient un envoi illicite que des moyens de détection normaux ne peuvent suffire à
découvrir. En outre, seule l’ouverture, et non la lecture, de la lettre est autorisée et des garanties
69 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.
70 CEDH, Petrov c. Bulgarie, du 22 mai 2008, req. n/ 15197/02, § 43 (cet arrêt n’est disponible qu’en anglais).
-72-
appropriées doivent être fournies, telle que la présence du détenu lors de son ouverture. Enfin,
la lecture de la correspondance entre l’avocat et son client ne doit être autorisée qu’en des
circonstances exceptionnelles, lorsque les autorités pénitentiaires ont un motif raisonnable et des
raisons objectives de penser que le détenu a abusé du privilège de confidentialité dont il a pu
bénéficier et que le contenu de la lettre pourrait être de nature à compromettre la sécurité de la
prison ou celle d’autrui, ou puisse être de nature criminelle.
La Cour cite également l’arrêt Z. c. Finlande de 1997,71 qui concernait plus spécifiquement la
correspondance médicale et dans lequel elle déclarait que “Le respect du caractère confidentiel
des informations sur la santé constitue un principe essentiel du système juridique de toutes les
Parties contractantes à la Convention. Il est capital non seulement pour protéger la vie privée des
malades mais également pour préserver leur confiance dans le corps médical et les services de
santé en général. Faute d’une telle protection, les personnes nécessitant des soins médicaux
pourraient être dissuadées de fournir les informations à caractère personnel et intime
nécessaires à la prescription du traitement approprié et même de consulter un médecin, ce qui
pourrait mettre en danger leur santé [...]”.
Après le rappel de ces principes, la Cour européenne s’attache plus spécifiquement aux faits de
l’espèce. A cet égard, elle relève que la cour d’appel avait reconnu que la lecture de la
correspondance médicale du requérant, quoique limitée au médecin de la prison, impliquait un
« risque inévitable d’abus ». La cour d’appel avait alors noté que permettre au médecin de la
prison de lire une telle correspondance pouvait le conduire à faire face à la critique de ses
propres compétences, ceci étant susceptible de créer des difficultés pour la vie et le traitement
médical du requérant au sein de la prison.
En l’espèce, les juges de Strasbourg relèvent que, par le passé, il n’y a jamais eu aucune raison
de penser que le requérant avait abusé de la confidentialité de sa correspondance médicale, et
que rien n’indiquait qu’il ait l’intention d’en abuser dans l’avenir. D’autre part, celui-ci, bien que
était détenu dans un quartier de haute sécurité de « catégorie A » était considéré comme un
prisonnier de « catégorie B », c’est à dire un détenu pour lequel, les conditions de haute sécurité
n’étaient pas jugées nécessaires.
Enfin la Cour n’estime pas pertinent l’argument des services pénitentiaires ayant trait aux
difficultés liées à la confidentialité de la correspondance médicale des prisonniers, sachant qu’en
l’espèce, un seul médecin spécialiste était concerné, dont l’adresse et les qualifications étaient
facilement vérifiables, ainsi que la cour d’appel l’avait elle même reconnu. En outre, le médecin
en question semblait disposé à marquer toute la correspondance avec le requérant d’un cachet
caractéristique.
La juridiction strasbourgeoise ne partage pas non plus le point de vue de la cour d’appel, qui
considérait que le risque que le requérant amène par intimidation ou par ruse, son médecin à
transmettre des messages illicites, était suffisant pour justifier l’atteinte à ses droits découlant de
l’article 8 de la Convention. Elle souligne que la cour d’appel a déjà reconnu qu’un tel risque
existait également dans les communications avec les députés du parlement, mais que dans cette
hypothèse l’importance d’une correspondance sans entrave avec les députés a prévalu sur ce
risque.
Or, selon la Cour européenne, la protection de la correspondance offerte à un détenu souffrant
d’une maladie pouvant lui être fatale avec son médecin, ne doit pas être inférieure, à celle offerte
à la correspondance d’un détenu avec un député ou encore avec un avocat.
71 CEDH, Z c. Finlande, du 25 février 1997, req. n/ 22009/93, § 95.
-73-
Par conséquent, la Cour prononce, à l’unanimité, la violation de l’article 8 de la Convention
européenne.
jjj
Brauer c. Allemagne
28 mai 2009
- req. n/ 3545/04 - Violation de l’article 14 ( interdiction de la discrimination) combiné à l’article 8 (droit au respect de la vie
privée) de la Convention -
T Faits :
La requérante est née hors mariage en 1948 en République Démocratique Allemande (RFA). Elle
fut immédiatement reconnue par son père qui résidait en RFA. A la mort de celui-ci, en 1998, elle
chercha à faire valoir ses droits à héritage.
Cette demande fut rejetée en première instance au motif que, en vertu de la loi de 1969 sur le
statut juridique des enfants nés hors mariage, un enfant né dans de telles conditions avant le 1er
juillet 1949 n’était pas un héritier légal. Cette législation avait été déclarée par la Cour
constitutionnelle fédérale conforme à la Loi fondamentale allemande.
Comme son père résidait en République Fédérale Allemande à l’époque de la réunification, la
requérante ne pouvait pas non plus bénéficier de l’égalité des droits successoraux prévue par
le droit de l’ancienne République Démocratique Allemande (RDA). Après cette loi et pour éviter
tout désavantage pour les enfants nés hors mariage en RDA, le législateur leur a accordé les
mêmes droits successoraux qu’aux enfants issus du mariage, et ce à condition que le père eût
résidé dans l’ancienne RDA au moment de la prise d’effet de la réunification.
Finalement, après deux instances d’appel, la Cour constitutionnelle allemande refusa en
novembre 2003 de retenir le recours formé devant elle par la requérante. Elle estima que les
droits successoraux des enfants nés hors mariage avant le 1er juillet 1949 avaient été déclarés
conformes à la Loi fondamentale en 1976 et en 1996. Selon elle, la date limite ne perdait pas non
plus sa justification du simple fait que des enfants également nés hors mariage, mais dans un
contexte social totalement différent (l’ancienne RDA), disposaient des mêmes droits que les
enfants issus du mariage. La juridiction suprême allemande justifiait cette différence de traitement
par l’objectif d’éviter tout désavantage résultant de l’adhésion de l’ancienne République
Démocratique Allemande à la République Fédérale Allemande.
T Griefs :
La requérante soutenait que son exclusion de tout droit à la succession de son père s’analysait
en un traitement discriminatoire totalement disproportionné. Selon elle, les dispositions
pertinentes du droit interne et les décisions des juridictions nationales méconnaissaient les
articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 14 (interdiction de la discrimination) de
la Convention. En effet, en application des dispositions pertinentes du droit interne, il y avait eu
une différence de traitement entre un enfant né hors mariage avant la date du 1er juillet 1949 et
un enfant légitime. Il y avait également une différence de traitement entre à un enfant né hors
mariage avant cette date et à qui s’appliquait le droit de l’ancienne République Démocratique
Allemande et un enfant né hors mariage après cette date limite (§ 34).
-74-
T Décision :
- Sur la recevabilité de la requête :
La Cour rappelle que “l’article 14 de la Convention complète les autres clauses normatives de
la Convention et de ses Protocoles. Il n’a pas d’existence indépendante, puisqu’il vaut
uniquement pour « la jouissance des droits et libertés » qu’elles garantissent. Certes, il peut
entrer en jeu même sans un manquement à leurs exigences, et dans cette mesure, il possède
une portée autonome, mais il ne saurait trouver à s’appliquer si les faits du litige ne tombent pas
sous l’empire de l’une au moins desdites clauses” 72 (§ 27).
En l’espèce, elle relève que les droits successoraux entre un père et son enfant naturel sont
“étroitement liés à la vie familiale [et qu’ils] tombent sous l’empire de l’article 8 de la Convention”
(§ 29). Les juges de Strasbourg déclarent donc la requête recevable et examinent l’affaire sous
l’angle de l’article 8 combiné à l’article 14 de la Convention.
- Sur le fond :
La Cour rappelle “qu’au regard de l’article 14 de la Convention, une distinction est discriminatoire
si elle « manque de justification objective et raisonnable », c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un
« but légitime » ou s’il n’y a pas de « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens
employés et le but visé »” 73 (§ 39).
Les juges européens rappellent que la Convention est un instrument à interpréter à la lumière
des conditions actuelles.74 Ils affirment que “les Etats membres du Conseil de l’Europe attachent
de nos jours de l’importance à l’égalité, en matière de droits de caractère civil, entre enfants issus
du mariage et enfants nés hors mariage” (§ 40). Ils estiment que “le but poursuivi par le maintien
de la disposition litigieuse, à savoir assurer la sécurité juridique et la protection du de cujus et de
sa famille, peut être considéré comme légitime”. (§ 41).
Cependant, selon la Cour, les arguments avancés en 1976 et en 1996 en faveur du maintien de
la disposition litigieuse ne sont plus valables aujourd’hui : “A l’image d’autres sociétés
européennes, la société allemande a considérablement évolué et le statut juridique des enfants
nés hors mariage est de nos jours devenu équivalent à celui des enfants issus du mariage. De
plus, les difficultés pratiques et procédurales pour prouver la filiation des enfants ont disparu, le
test de paternité basé sur des prélèvements d’ADN constituant une méthode simple et très fiable”
(§ 43).
Par ailleurs, les juges européens critiquent le raisonnement suivi par la Cour constitutionnelle
fédérale ; selon eux, eu égard à l’évolution du contexte européen en la matière et à l’importance
que les Etats membres du Conseil de l’Europe attachent à l’égalité entre enfants issus du
mariage et enfants nés hors mariage, “l’élément de protection de la « confiance » du défunt et
de sa famille doit s’effacer devant l’impératif de l’égalité de traitement entre enfants nés hors
mariage et enfants issus du mariage” (§ 43).
Concernant la proportionnalité des moyens employés par rapport au but poursuivi, la Cour relève
que le père de la requérante l’avait reconnue après sa naissance et avait toujours entretenu des
contacts réguliers avec elle. Elle note également que celui-ci n’avait pas d’épouse, ni de
72 CEDH, Pla et Puncernau c. Andorre, du 13 juillet 2004, req. n/ 69498/01, CEDH 2004-VIII, § 54.
73 CEDH, Inze c. Autriche, du 28 octobre 1987, req. n/ 8695/79, série A n/ 126, § 41 et CEDH, Mazurek c. France, du 1er février
2000, req. n/ 3440697, § 48.
74 CEDH, Marckx c. Belgique, du 13 juin 1979, req. n/ 6833/74, série A , n/ 31, § 52.
-75-
descendants directs, et écarte ainsi l’argument tiré de protection de la « confiance » de ces
parents éloignés.
Les juges européens soulignent qu’après la réunification allemande, le législateur a voulu
protéger les droits successoraux des enfants nés hors mariage dont le père résidait sur le
territoire de l’ancienne RDA. Cette différence de traitement a pourtant eu pour effet d’aggraver
l’inégalité déjà existante par rapport à des enfants nés hors mariage avant le 1er juillet 1949 et
dont le père résidait en RFA, comme dans le cas de la requérante.
Enfin, l’application de la disposition pertinente de la loi sur le statut juridique des enfants nés hors
mariage a entraîné l’exclusion totale de la requérante de la succession légale de son père sans
aucune compensation financière. Or, “La Cour ne trouve aujourd’hui aucun motif de nature à
justifier une telle discrimination fondée sur la naissance hors mariage, et ce d’autant moins que
l’exclusion totale de la requérante de la succession légale l’a encore davantage pénalisée que
ce ne fut le cas de requérants dans d’autres affaires de ce type dont la Cour a eu à connaître” 75
(§ 44).
Partant, les juges de Strasbourg concluent à l’unanimité à la violation de l’article 14 combiné à
l’article 8 de la Convention et estiment qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément le grief fondé
sur l’article 8 de la Convention.
jjj
Elyasin c. Grèce
28 mai 2009
- req. n/ 46929/06 - Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) -
T Faits :
Le 20 février 2000, le requérant fut arrêté à son domicile professionnel pour recel et corruption
de fonctionnaire. Les documents relatifs à cette arrestation indiquaient qu’il était domicilié au 5,
rue Rodou.
Le 13 novembre 2002, l’audience eut lieu devant le tribunal correctionnel d’Athènes. Le requérant
ne s’y présenta pas - il affirme n’avoir jamais reçu de citation à comparaître -.
Le tribunal considéra que le requérant avait été régulièrement cité, et décida d’examiner l’affaire.
Après avoir entendu un témoin et le coaccusé du requérant, il condamna ce dernier à une peine
de deux ans d’emprisonnement, convertibles en une sanction pécuniaire.
En juin 2004, l’huissier de justice se présenta à deux reprises au 5, rue Rodou afin de lui signifier
le jugement, mais en vain. Considérant que le domicile du requérant était « inconnu », l’huissier
déposa alors le jugement à la mairie, conformément à la législation nationale.
Le 19 août 2005, le requérant interjeta appel contre le jugement du tribunal correctionnel. Il
allégua que l’arrêt avait été notifié comme si son adresse était « inconnue » alors qu’il était
toujours domicilié au 5 de la rue Rodou.
Le 10 octobre 2005, la cour d’appel considéra le recours tardif et le déclara irrecevable. Le 20
octobre 2005, le requérant forma un pourvoi en cassation. Estimant que la cour d’appel avait
suffisamment motivé sa décision, la Cour de cassation rejeta le pourvoi.
75 CEDH, Mazurek c. France, précité, §§ 52 à 55.
-76-
T Griefs :
Dénonçant notamment une atteinte à son droit d’accès à un tribunal, et en particulier le fait qu’en
raison des irrégularités survenues lors de la notification de l’arrêt du tribunal correctionnel, il
n’avait pu se défendre contre les accusations dirigées contre lui, le requérant invoquait l’article
6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention.
T Décision :
- Sur la recevabilité :
Le Gouvernement grec invoque le non épuisement des voies de recours internes. Selon la Cour,
cette objection est étroitement liée à la substance du grief énoncé par le requérant. Elle décide
donc de joindre cette exception au fond.
- Sur le fond :
Le Gouvernement grec souligne qu’au lieu d’engager une requête en annulation contre le
jugement de condamnation, le requérant a interjeté appel contre celui-ci. Le requérant soutient
que s’il avait introduit une requête en annulation, celle-ci aurait aussi été rejetée car il y avait une
adresse connue.
La Cour européenne rappelle que “le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès constitue un
aspect particulier, n’est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises,
notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours, car il appelle de par sa nature
même une réglementation par l’Etat, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation”
(§ 26).
Néanmoins, elle précise que “ces limitations ne sauraient restreindre l’accès ouvert à un
justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s’en trouve atteint dans sa
substance même ; enfin, elles ne se concilient avec l’article 6 § 1 que si elles tendent à un but
légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le
but visé” 76 (§ 26).
Les juges européens indiquent avoir déjà eu l’occasion de préciser que “la comparution d’un
prévenu à l’audience revêt une importance capitale en raison tant du droit de celui-ci d’être
entendu que de la nécessité de contrôler l’exactitude de ses affirmations et de les confronter
avec les dires de la victime, dont il y a lieu de protéger les intérêts, ainsi que des témoins”. Ils
précisent qu’une “procédure se déroulant en l’absence du prévenu n’est pas en soi incompatible
avec l’article 6 de la Convention s’il peut obtenir ultérieurement qu’une juridiction statue à
nouveau, après l’avoir entendu, sur le bien-fondé des accusations en fait comme en droit” 77
(§ 27).
Puis, ils rappellent que la Cour a déjà estimé que “la réouverture du délai d’appel contre la
condamnation par contumace, avec la faculté, pour l’accusé, d’être présent à l’audience de
deuxième instance et de demander la production de nouvelles preuves, s’analysait en la
possibilité d’une nouvelle décision sur le bien-fondé de l’accusation en fait comme en droit, ce
qui permettait de conclure que, dans son ensemble, la procédure avait été équitable” 78 (§ 28).
76 CEDH, Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, du 19 février 1998, req. n/ 28028/95, § 34.
77 CEDH, Colozza c. Italie, du 12 février 1985, req. n/ 9024/80, série A n/ 89 § 29 ; CEDH, Medenica c. Suisse, du 14 juin 2001,
req. n/ 20491/92, § 54.
78 CEDH, Jones c. Royaume-Uni, du 9 septembre 2003, req. n/ 30900/02.
-77-
Les juges de Strasbourg relèvent que “le régime grec de la signification à des personnes « de
domicile inconnu »vise à assurer la sécurité juridique et n’est pas en soi incompatible avec les
exigences d’un procès équitable” et précisent qu’il “convient de déterminer si son application
dans le cas d’espèce n’a pas privé le requérant de son droit d’accès à un tribunal” (§30).
La Cour affirme ne pas être convaincue que les autorités chargées de signifier l’arrêt du tribunal
correctionnel ont fait preuve de la diligence adéquate. Selon elle, il ressort du dossier que les
autorités avaient connaissance tant de l’adresse personnelle que de l’adresse professionnelle
du requérant. Elle relève que “dans l’hypothèse où l’huissier aurait ignoré l’adresse
professionnelle du requérant, il n’en reste pas moins que cette lacune relevait de la responsabilité
de l’Etat” (§ 31).
De plus, la juridiction européenne estime que la cour d’appel a fait preuve d’une rigidité certaine
en déclarant l’appel du requérant tardif, surtout dans la mesure où, alors qu’il a été condamné
in absentia en première instance, il n’a eu, à aucun moment de la procédure, l’occasion de
présenter sa défense.
La Cour conclut donc, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
jjj
Varnima Corporation International S.A. c. Grèce
28 mai 2009
- req. n/ 48906/06 - violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) -
T Faits :
En 1978, la société requérante, Varnima Corporation dont le siège se trouve au Panama, avait
conclu un contrat de transport de produits pétroliers avec la Grèce. En 1979, cet Etat saisit les
juridictions internes d’une action en dommages-intérêts mettant en cause la responsabilité
contractuelle de la société au motif que celle-ci n’avait pas respecté ses engagements. La société
Varnima, quant à elle, demanda à titre reconventionnel, le versement de dommages-intérêts en
raison de l’absence d’exécution intégrale de l’engagement pris par l’Etat.
Après avoir joint les deux actions, le tribunal de grande instance d’Athènes, rejeta l’action de la
requérante pour cause de prescription. Il exposa que l’action relative à un contrat de transfert de
biens était considérée comme prescrite en cas de litispendance lorsque l’écart entre deux actes
procéduraux successifs et déclenchés soit par les parties soit par le tribunal, dépassait le délai
d’un an. Toutefois, le tribunal n’appliqua pas la même règle de prescription à l’action introduite
par l’Etat, pour laquelle il fit application de la règle régissant la prescription des créances de l’Etat
à l’égard des personnes privées, prescription qui s’avérait être de vingt ans. La société Varnima
interjeta appel, puis se pourvut en cassation, mais la position adoptée par le tribunal en première
instance fut confirmée.
-78-
T Griefs :
Devant la Cour européenne, la société requérante alléguait une violation de l’article 6 § 1 de la
convention, sous l’angle de la rupture du principe de l’égalité des armes. Elle invoquait également
une atteinte au principe de l’interdiction de la discrimination au sens de l’article 14 de la
Convention. Elle se plaignait en effet de l’application par les juridictions internes de deux délais
de prescription différents dans le cadre du litige l’opposant à l’Etat grec, un délai de prescription
d’un an ayant régi son action, et un délai de prescription de vingt ans régissant l’action de l’Etat.
T Décision :
- Sur la recevabilité :
En premier lieu, la Cour examine la recevabilité de la demande, le gouvernement grec soulevait
en effet une exception d’irrecevabilité. Il estimait que la prescription n’était pas une règle
procédurale mais une institution du droit matériel et que l’article 6 § 1 de la Convention ne
trouvait pas à s’appliquer puisque la manière dont le droit interne régissait l’existence ou non d’un
droit matériel ne relevait pas du principe de l’égalité des armes.
La Cour de Strasbourg ne partage pas cette conception. Elle relève que l’exception du
Gouvernement “concerne le lien entre le principe de l’égalité des armes avec les modalités
d’application des règles relatives à la prescription. Cet élément a constitué, à ses yeux, l’une des
raisons justifiant la communication de requête” (§ 22). Par conséquent, elle estime que cette
exception est étroitement liée à la substance même du grief soulevé par la société, décide de le
joindre au fond et le déclare recevable.
- Sur le fond :
La Cour procède ensuite à l’examen de l’affaire sur le fond. Elle rappelle tout d’abord que sa
tâche n’est pas de se substituer aux juridictions nationales, auxquelles il incombe naturellement
d’interpréter la législation interne, ceci d’autant plus lorsqu’il s’agit de l’interprétation de règles
de nature procédurale. En effet, il est de jurisprudence constante 79 qu’une large marge
d’appréciation est laissée aux Etats en ce qui concerne l’aménagement des délais de
prescription, notamment “en ce que ces délais, considérés comme des limitations implicitement
admises du d’accès à un tribunal, servent à garantir la sécurité juridique et à empêcher l’usage
d’éléments de preuve incomplets en raison du temps écoulé” (§ 26).
Par ailleurs, les juges européens insistent sur le fait que le principe de l’égalité des armes,
requiert que chaque partie puisse présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas
dans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse.
Après avoir rappelé ces principes, la Cour procède à leur application au cas d’espèce. Elle
constate que les juridictions internes ont appliqué dans le cadre de la même affaire, deux règles
de prescription différentes : une prescription d’un an en vertu de laquelle la créance de la société
requérante fut prescrite et une règle de prescription de vingt ans régissant l’action des créances
dont l’Etat était bénéficiaire.
Face à une telle situation, la juridiction strasbourgeoise ne peut que constater le net désavantage
existant entre les parties, mais elle précise que ce seul constat ne suffit pas ; il lui faut également
tenir compte du statut et du rôle équivalents ou non des parties pour conclure à l’éventuelle
violation du principe de l’égalité des armes. A cet égard, elle estime “qu’en raison de l’application
79 CEDH, Grande chambre, Vo c. France du 8 juillet 2004, req. n/ 53924/00, §92 et CEDH, Stubbings c. Royaume-Uni, du 22
octobre 1996, req. n/ 22083/93 et 22095/93, §§ 50-57.
-79-
à l’égard de la requérante d’un délai de prescription vingt fois plus court que celui accordé à la
partie adverse, ses prétentions ont été rejetées par les juridictions internes” (§ 31). En outre, elle
note que le litige était relatif à “une transaction commerciale de caractère privé soumise au droit
privé et non pas à une procédure dans laquelle l’Etat avait exercé son pouvoir de puissance
publique” (§ 32). En concluant le contrat, l’Etat grec a donc agit comme un particulier en ayant
recours à des procédés de gestion privée.
Les juges européens admettent que, dans le cadre de recours à des procédures de droit privé,
l’administration puisse poursuivre des missions de droit public nécessitant des privilèges et
immunités. Cependant, ils précisent que “la seule appartenance à la structure de l’Etat ne suffit
pas en soi pour légitimer, en toutes circonstances, l’application de privilèges étatiques, (...) il faut
que cela soit nécessaire au bon exercice des fonctions publiques” (§ 33).
Sur ce dernier point, la Cour ne partage pas la thèse de l’Etat grec, qui justifiait l’application d’une
prescription de vingt ans par la nécessité de garantir la gestion efficace des finances publiques
et l’accomplissement des objectifs budgétaires de l’Etat. Elle constate en effet que le simple
intérêt de trésorerie n’est pas assimilable à lui seul à un intérêt public et général. En outre, elle
souligne l’absence d’élément concret fourni par le gouvernement pour prouver l’impact qu’aurait
eu sur son équilibre financier l’application de la prescription d’un an à son encontre.
La Cour conclut par conséquent à l’absence de motif d’intérêt général suffisant pour appliquer
une telle prescription. Elle considère que l’application de délais de prescription différents n’a pas
respecté le principe de l’égalité des armes. Elle rejette l’exception d’irrecevabilité avancée par
le Gouvernement grec et conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
La société requérante invoquait enfin une violation de l’article 6 § 1 combiné à l’article 14 de la
Convention, se plaignant d’une discrimination en raison du traitement préférentiel de l’Etat quant
aux délais de prescription appliqués. La Cour constate que ce grief se confond largement avec
le précédent. Elle le déclare recevable, mais n’estime pas nécessaire de statuer séparément sur
ce grief.
jjj
Kenedi c. Hongrie 80
26 mai 2009
- req. n/ 31475/05 - Violation des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable), 10 (liberté d’expression) et 13 (droit à un
recours effectif) de la Convention -
T Faits :
Le requérant est historien, spécialiste des dictatures et de leurs services secrets. En septembre
1998, il demanda à avoir accès à certains documents détenus par le ministère de l’Intérieur
hongrois. En novembre 1998, le ministère lui opposa un refus au motif que les documents avaient
été classés « secret défense » jusqu’en 2048. Cette décision fut contestée par le requérant en
justice. En janvier 1999, le tribunal lui donna gain de cause et lui accorda l’accès à tous les
documents voulus aux fins de ses recherches.
Prenant note de cette décision de justice, le ministère proposa, en novembre 1999, de donner
accès à ces documents à la condition que le requérant s’engage par écrit à les tenir secrets. Une
telle condition fut jugée inacceptable par le requérant qui demanda l’exécution de la décision de
80 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.
-80-
justice lui ayant donné gain de cause. L’exécution du jugement fut ordonnée et engagée en
décembre 2000.
Le ministre de l’intérieur tenta d’empêcher le requérant de publier les informations dont il avait
pris connaissance. Il fut condamné à deux amendes pour ne pas s’être conformé à l’ordonnance
d’exécution. En décembre 2003, tous les documents, sauf un, furent transférés aux archives
nationales et devinrent de ce fait publics. Le requérant n’a pas eu pleinement accès au document
restant.
T Griefs :
Invoquant les article 6 § 1 (droit à un procès équitable sous l’angle du délai raisonnable), 10
(liberté d’expression) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention, le requérant se plaignait
de n’avoir pu consulter dans un délai raisonnable tous les documents qu’il souhaitait, et ce en
dépit de la décision de justice qui lui était favorable.
T Décision :
- Sur la violation de l’article 6 § 1 de la Convention :
La Cour note que la procédure a duré environ dix ans et demi pour trois degrés de juridiction et
le stade de l’exécution. Puis, elle rappelle sa jurisprudence en la matière, et en particulier le
principe selon lequel le caractère raisonnable de la durée de la procédure doit être apprécié à
la lumière des circonstances de l’affaire et en référence à sa complexité, du comportement du
requérant et de l’autorité compétente et ainsi qu’au regard de l’enjeu du litige pour l’intéressé
(§ 37).
Puis, examinant le cas d’espèce, elle affirme, à l’unanimité, qu’en l’absence d’exécution dans un
délai raisonnable de la décision judiciaire autorisant l’accès aux documents, il y a eu violation de
l’article 6 § 1 de la Convention.
- Sur la violation de l’article 10 de la Convention :
Les juges européens soulignent que l’accès aux sources documentaires originales pour légitimer
la recherche historique constitue un élément essentiel de l’exercice du droit du requérant à la
liberté d’expression.81
Dès lors, il convient de déterminer si l’ingérence était « prévue par la loi », poursuivait un ou
plusieurs des buts légitimes énoncés dans ce paragraphe et était « nécessaire dans une société
démocratique ».
La Cour de Strasbourg rappelle que l’expression « prévue par la loi » au paragraphe 2 de l’article
10 de la Convention fait allusion à la même notion de la légalité que celle à laquelle la
Convention se réfère notamment dans le deuxième paragraphe des articles 8 à 11. Elle précise
que la notion de légalité implique également des exigences qualitatives en droit interne, tels que
la prévisibilité et, plus généralement, l’absence d’arbitraire.
Relevant que le requérant a obtenu une décision de justice lui donnant accès à tous les
documents et que les juridictions internes ont statué en sa faveur au cours de la procédure, la
Cour estime que les autorités se sont soustraites à leur obligation de se conformer au jugement
interne.
81 CEDH, Társaság a Szabadságjogokért c. Hongrie, du 14 avril 2009, req. n/ 37374/05, § 35-39 (cet arrêt n’est disponible qu’en
anglais et se trouve résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p.31)
-81-
Elle conclut que les autorités hongroises ont agi au mépris du droit interne et de façon arbitraire.
Leurs actes d’obstruction l’ont déjà amenée à constater une violation de l’article 6 § 1 de la
Convention. En conséquence, elle estime, à l’unanimité, qu’en retardant l’exercice par le
requérant du droit à la liberté d’expression, les autorités hongroises ont commis un abus de
pouvoir et ont donc violé l’article 10 de la Convention.
- Sur la violation de l’article 13 de la Convention :
Pour les juges de Strasbourg, il serait inconcevable que l’article 13 qui garanti le droit à un
recours effectif, ne soit pas applicable à la mise en œuvre des voies de recours. Soutenir le
contraire conduirait à des situations incompatibles avec le principe de la règle de droit que les
Etats parties à la Convention se sont engagés à respecter (§ 47).
Ils estiment enfin que l’insuffisance des voies de recours contre les agissements des autorités
hongroises est en cause. En effet, la Cour constate qu’alors que le ministère de l’Intérieur s’était
opposé à l’exécution des droits du requérant, la procédure existant en Hongrie à l’époque des
faits et devant permettre de réparer la violation des droits garantis au requérant par l’article 10
de la Convention s’est révélée inefficace. Elle conclut à l’unanimité, à la violation de l’article 13
combiné avec l’article 10 de la Convention.
jjj
Batsanina c. Russie 82
26 mai 2009
- req. n/ 3932/02 - Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) -
T Faits :
La requérante est l’épouse d’un membre de l’Institut d’océanologie de l’Académie russe des
sciences, qui fut inscrit en 1977 sur liste d’attente pour se voir attribuer un logement. En août
1998, il figurait en tête de celle-ci. Afin d’obtenir un plus grand appartement, il fut convenu que
la requérante céderait son appartement à l’Institut. En décembre 1998, un accord d’échange fut
signé en ce sens. Cependant, l’Institut découvrit par la suite qu’en mars 1998 elle avait vendu
son ancien appartement.
En réaction, le procureur de la ville de Gelendzhik, agissant pour le compte de l’Institut et de la
personne à qui l’appartement de la requérante avait été attribué, assigna en justice la requérante
et son mari aux fins de faire annuler l’accord d’échange et de faire expulser cette famille de
l’appartement nouvellement octroyé par l’Institut au mari. Celui-ci forma une demande
reconventionnelle afin de faire reconnaître son droit à cet appartement.
En juin 2001, le tribunal municipal accueillit la demande du procureur puis, ultérieurement ce
même mois, rejeta la demande reconventionnelle dans un jugement distinct. La requérante
interjeta appel mais la cour d’appel confirma les deux jugements.
Le procureur assista à l’audience d’appel qui eut lieu le 16 août 2001. - Aucun élément écrit
n’atteste que la requérante ait reçu un avis de comparution pour cette audience -.
82 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.
-82-
En janvier 2003, la Cour suprême refusa d’ouvrir une instance en révision à l’égard des deux
jugements. Elle rejeta notamment le moyen tiré par la requérante du défaut de notification de
l’audience d’appel, considérant que les parties en avaient été avisées.
T Griefs :
Invoquant l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable, sous l’angle de l’égalité des armes) de la
Convention, la requérante estimait que la procédure conduite dans le cadre d’un recours civil
concernant un différend portant sur un appartement accordé à son mari par son employeur était
inéquitable. Elle se plaignait notamment d’avoir été assignée en justice par le procureur lui même
et de ne pas avoir été convoquée à l’audience devant la juridiction d’appel.
T Décision :
- Sur la violation alléguée de l’article 6 de la Convention concernant le recours introduit par le
procureur :
A titre liminaire, la Cour européenne rappelle que le principe de l’égalité des armes est un
élément de la notion plus large de procès équitable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention
qui exige « un juste équilibre entre les parties » et que chacune ait une possibilité raisonnable
de présenter sa cause dans des conditions ne constituant pas à un désavantage vis-à-vis de son
adversaire.83 (§ 22).
Puis, faisant référence à sa jurisprudence antérieure sur le rôle des procureurs hors du domaine
pénal, elle réaffirme que dans certains cas, elle a considéré que la seule présence, du procureur
ou d’un officier exerçant des fonctions comparables lors des délibérations de la juridiction pouvait
emporter violation de l’article 6 § 1 de la Convention.84 Dans d’autres hypothèses, la Cour a
également examiné si les arguments de l’avocat général ou d’agents similaires avaient été
communiquées à la demande des parties, et si celles-ci avaient eu l’occasion d’y répondre.85
Les juges de Strasbourg relèvent que la présente affaire soulève toutefois des questions
différentes puisque le procureur n’a pas participé au délibéré. Ils rappellent que, dès lors que, un
procureur ou agent pouvant y être assimilé, devient l’allié ou l’adversaire de l’un des plaideurs,
sa participation est susceptible de créer un sentiment d’inégalité entre les parties.86
La Cour explique que le fait que le même point de vue soit défendu devant un tribunal par
plusieurs parties, ou encore le fait que les procédures aient été diligentées par un procureur, ne
met pas nécessairement la partie adverse dans une situation de « désavantage ». Selon elle, il
faut alors rechercher si, en l’espèce et compte tenu de la participation du procureur à la
procédure, le « juste équilibre » qui doit prévaloir entre les parties a été respecté (§ 25).
83 CEDH, Yvon c. France, du 24 avril 2003, req. n/ 44962/98, § 31; CEDH, Nideröst-Huber c. Suisse, du 18 février 1997, req.
n/ 18990/91, § 23; CEDH, Kress c. France, du 7 juin 2001, req. n/ 39594/98, § 72.
84 CEDH, Martinie c. France, du 12 avril 2006, req. n/ 58675/00, § 53 (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 9, marsavril 2006, p. 10).
85 CEDH, Lobo Machado c. Portugal, du 20 février 1996, req. n/ 15764/89, § 31 ; CEDH, K.D.B. c. Pays-bas, du 27 mars
1998,req. n/ 21981/93, § 43.
86 CEDH, Lobo Machado c. Portugal susmentionné, § 81.
-83-
La juridiction strasbourgeoise relève que, dans la présente affaire, le procureur a agi dans
l’intérêt général. Elle relève que sa décision était fondée sur des règles pertinentes du droit russe
alors en vigueur, lesquelles lui donnaient toute latitude pour saisir le juge.
Elle estime que le tribunal civil n’a pas été indûment influencé par le fait que le procureur ait été
à l’origine du recours. En outre, elle note que la requérante et son mari ont eu la possibilité de
défendre effectivement leur dossier devant les juridictions nationales. Les deux parties au litige
ayant été mises sur un pied d’égalité pour ce qui est de faire entendre leur cause, la Cour
conclut, à l’unanimité, à l’absence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
- Sur la violation alléguée de l’article 6 § 1 concernant l’absence de convocation devant la
juridiction d’appel :
La Cour constate que les autorités n’ont présenté aucun élément de nature à établir que la
requérante avait eu connaissance de l’audience devant la juridiction d’appel, la prétendue
destruction des registres invoquée par le gouvernement n’étant pas étayée. Dans son arrêt, la
cour d’appel n’a pas non plus précisé si elle avait vérifié que la requérante avait été effectivement
avisée de l’audience.
Les juges de Strasbourg en déduisent que l’intéressée n’a pas eu la possibilité de comparaître
à cette audience ni de plaider sa cause, en violation de son droit à un procès équitable tel que
garanti par l’article 6 § 1 de la Convention. Ils concluent, à l’unanimité, à la violation de cette
disposition.
- Sur les autres violations alléguées par la requérante :
La requérante invoquait également les violations des articles 6 (durée excessive de la
procédure), 13 (droit à un recours effectif) et 14 (interdiction de discrimination) de la Convention,
ainsi que de l’article 1er du protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété)
La Cour, à la lumière des éléments matériels produits par les parties, ne voit aucune violation
apparente de ces articles et déclare ces griefs non recevables.
N Le juge Gyulumyan a exprimé une opinion partiellement dissidente dont le texte se trouve joint
à l’arrêt.
jjj
Masaev c. Moldova 87
req. n/ 6303/05
12 mai 2009
- Violation des articles 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) et 6 § 1 (droit à un procès
équitable) de la Convention -
T Faits :
Le requérant est un ressortissant moldave de confession musulmane. Le 30 janvier 2004, alors
qu’il priait dans un local privé prêté par une organisation non gouvernementale, il fut arrêté par
la police et accusé de pratiquer une religion non reconnue par l’Etat.
Le 17 février 2004, la Cour du district déclara le requérant coupable sur le fondement de l’article
200 (3) du Code des infractions administratives et le condamna à payer une amende. Mais le
87 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais
-84-
requérant invoqua une violation de sa liberté de religion. Le 9 mars 2004, la Cour d’appel rejeta
l’appel sans motiver sa décision ni même convier le requérant à son procès.
T Griefs :
Condamné pour avoir pratiqué une religion qui n’était pas reconnue par l’Etat, le requérant se
plaignait d’une violation de sa liberté de pensée, de conscience et de religion protégée par
l’article 9 de la Convention.
Il invoquait également l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention (droit à un procès équitable) estimant
ne pas avoir été convoqué, dans un délai raisonnable, à son procès.
Enfin, il se fondait sur l’article 13 de la Convention (droit à un recours effectif) pour se plaindre
de l’absence de recours effectif contre la décision des juridictions nationales.
T Décision :
- Sur la violation de l’article 9 de la Convention :
Le requérant soutient qu’il y a eu ingérence de la part des autorités étatiques dans sa liberté de
pensée, de conscience et de religion, que cette ingérence n’était pas prévue par la loi, ne
poursuivait pas de but légitime et n’était pas nécessaire dans une société démocratique.
La Cour rappelle que, selon l’article 9 de la Convention, la liberté de religion implique entre autre
la liberté d’exprimer sa religion, avec d’autres, en public, ou au contraire seul et en privé.
Cette liberté est restreinte par la nécessité, dans une société démocratique et multiconfessionnelle, de garantir à chaque confession cette liberté d’expression religieuse et de
concilier ainsi les intérêts collectifs.
Elle explique que si les Etats disposent d’une certaine marge d’appréciation pour estimer si et
dans quelle mesure ils peuvent réglementer la liberté de religion, ils ne sont cependant pas
autorisés à dicter à une personne sa foi, ni à adopter des mesures coercitives pour l’obliger à
changer de croyances.
Les juges de Strasbourg exposent que pour vérifier si les mesures nationales prises sont
justifiées en principe et sont proportionnelles aux buts recherchés, ils prennent en considération
les enjeux de la situation de l’espèce, et notamment la nécessité de maintenir le pluralisme
religieux.
Dans la présente affaire, la Cour estime que la condamnation du requérant à une amende pour
avoir prié en cercle privé constitue une ingérence dans son droit à la liberté de religion. Elle
précise ensuite que cette ingérence était prévue par la loi moldave dans son article 200 § 3 du
Code des infractions administratives et qu’elle répondait au but légitime du maintien de l’ordre
public. Cependant, elle doute du caractère nécessaire de l’amende dans une société
démocratique.
Elle considère que si les Etats ont le droit d’imposer l’enregistrement de différentes confessions
de façon compatible avec les articles 9 et 11 de la Convention, il n’est cependant pas autorisé
de sanctionner un individu qui exprimerait sa foi d’une manière non reconnue par l’Etat : “The
Court does not contest the State’s power to put in place a requirement for the registration of
religious denominations in a manner compatible with Articles 9 and 11 of the Convention.
However, it does not follow, as the Government appear to argue, that it is compatible with the
Convention to sanction the individual members of an unregistered religious denomination for
praying or otherwise manifesting their religious beliefs” (§ 26).
Une telle démarche reviendrait à exclure les religions minoritaires n’ayant pas reçu l’approbation
officielle de l’Etat et à laisser celui-ci dicter aux individus leurs croyances.
-85-
Les juges européens considèrent donc que la limitation imposée à la liberté de religion prévue
à l’article 200 § 3 constitue une ingérence qui n’est pas nécessaire dans une société
démocratique. Ils concluent à l’unanimité, à la violation de l’article 9 de la Convention.
- Sur la violation de l’article 13 de la Convention :
La Cour estime, à l’unanimité, qu’il n’est pas nécessaire d’examiner ce grief séparément
puisqu’elle a déjà statué sur la violation de l’article 9 de la Convention,.
- Sur la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention :
Le requérant affirme qu’il n’aurait pas reçu en temps utile sa convocation au tribunal : celle-ci,
postée le 5 mars, ne lui serait parvenue que le 16 mars.
La Cour se réfère à trois précédents jurisprudentiels 88 dans lesquels elle avait conclut à une
violation de l’article 6 § 1 de la Convention pour des faits similaires. Le Gouvernement moldave
reconnaît également l’existence d’une atteinte au droit du requérant à un procès équitable.
Les juges de Strasbourg concluent donc à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1 et n’estiment
pas nécessaire d’examiner le grief du requérant fondé sur le paragraphe 3 de l’article 6 de la
Convention.
jjj
88 CEDH, Ziliberberg c. Moldova, du 1er février 2005, req. n/ 61821/00 ; CEDH, Gutu c. Moldova, du 7 juin 2007, req. n/ 20289/02
et Russu c. Moldova du 13 novembre 2008, req. n/ 7413/05.
-86-
Korelc c. Slovénie 89
12 mai 2009
-req. n/ 28456/03 - violation des articles 6 (droit à un procès équitable), et 13 (droit à un recours effectif) de
la Convention -
T Faits :
Le requérant cherchant un appartement, était hébergé par un homme plus âgé à qui, en contre
partie, il apportait l’aide et les soins quotidiens. A la suite du décès de son ami, la municipalité
informa le requérant qu’il devait quitter les lieux.
Celui-ci intenta une action afin de faire renouveler le bail à son profit, en invoquant la loi slovène
qui octroie un droit de poursuite du bail au survivant en cas de « communauté de vie durable ».
Son action fut rejetée par les tribunaux internes qui, estimant que le requérant n’avait jamais
entretenu de « relation durable » avec son ami, conclurent que les deux hommes avaient
cohabité sous un régime de « communauté économique » qui n’ouvrait pas droit à la
transmission du bail.
La municipalité engagea donc une procédure d’expulsion à l’encontre du requérant. Celui-ci
demanda aux juridictions internes de surseoir à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion qui le
visait en attendant que la Cour européenne des droits de l’homme se prononce sur sa requête.
T Griefs :
Devant la Cour européenne, le requérant invoquait une violation de l’article 8 (droit au respect
de la vie privé et familiale) combiné à l’article 14 (interdiction de la discrimination) de la
Convention. Il prétendait en effet que la raison pour laquelle on lui avait refusé de rester dans
l’appartement qu’il avait partagé avec son ami décédé tenait à ce qu’ils étaient tous les deux du
même sexe. En outre, se plaignant de la durée excessive de la procédure intentée contre la
municipalité pour que lui soit reconnu le droit de continuer à occuper le logement litigieux, il
invoquait une violation des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours
effectif) de la Convention.
T Décision :
- Sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement :
Se référant à sa jurisprudence antérieure,90 la Cour écarte l’exception d’irrecevabilité soulevée
par le Gouvernement selon laquelle la requérante n’avait pas épuisé toutes les voies de recours
interne.
- Concernant la violation alléguée des articles 6 et 13 de la Convention :
Le requérant se plaignait de la durée excessive de la procédure engagée devant la municipalité.
La Cour considère que les durées de procédures devant les juridictions internes et de l’exécution
du jugement qui se sont étalées sur près de neuf ans au total ont été excessives. En outre, elle
89 L’arrêt n’est disponible qu’en anglais.
90 CEDH, Grzincic, du 3 mai 2007, req. n/ 26867/02
-87-
constate que le droit slovène ne permet pas aux justiciables de se plaindre de la durée excessive
de procédures judiciaires et d’exécution.
En conséquence, elle conclut à l’unanimité à la violation des articles 6 et 13 de la Convention.
- Concernant la violation alléguée de l’article 8 combiné à l’article 14 de la Convention :
La Cour admet que les allégations du requérant relèvent du champ d’application de l’article 8 qui
comprend le droit au logement. Cependant, en l’espèce, elle considère qu’il n’existe pas de
discrimination dans l’exercice de ce droit. En effet, elle note que la relation entre les deux
hommes n’était pas de nature homosexuelle et estime que le refus de lui transférer le bail n’était
pas fondé sur le fait qu’ils étaient du même sexe. Il n’est donc pas question, selon elle, d’une
discrimination fondée sur l’orientation ou le sexe.
Ensuite, les juges européens précisent la problématique mise en exergue dans cette affaire :
Est-il discriminatoire d’opérer une distinction entre la communauté de vie en couple et la
communauté de nature économique ?.
Faisant référence à l’arrêt Burden c. Royaume-Uni,91 elle considère qu’établir une différence
entre la vie de couple et d’autres formes de cohabitation n’est pas une discrimination au sens de
l’article 14 de la Convention.
Ainsi, les juridictions internes ont rejeté la demande du requérant au motif que leur relation était
fondée sur un rapport de dépendance économique. La Cour constitutionnelle slovène a jugé que
ce type de rapport ne pouvait être assimilé à une relation durable peu importe si des personnes
de même sexe ou de sexe différents étaient concernées.
Au regard de ces différents éléments, la Cour estime que le requérant et son ami n’étaient pas
dans une situation analogue à celle d’un couple marié ou non, ou à celle de personnes engagées
dans un partenariat civil homosexuel, ou encore à celle de parents proches, lesquels peuvent
succéder aux droits du titulaire d’un bail après le décès de celui-ci. La différence de traitement
dont se plaignait le requérant n’était donc pas discriminatoire.
La Cour considérant que le grief tiré de l’article 8 combiné avec l’article 14 de la Convention est
manifestement mal fondé, conclut à l’unanimité à son irrecevabilité.
jjj
Barraco c. France
5 mars 2009
- req. n/ 31684/05 - Non violation de l’article 11 (liberté de réunion) de la Convention -
T Faits :
Le 25 novembre 2002, le requérant participa à une « opération escargot », dans le cadre d’une
journée d’action revendicative nationale organisée ce jour-là à l’appel d’une intersyndicale des
transports routiers, suivant un préavis déposé le 15 novembre 2002. Avec deux autres
personnes, ils furent cités à comparaître devant le tribunal de grande instance de Lyon, pour
avoir, le 25 novembre 2002, en vue d’entraver la circulation, placé ou tenté de placer sur une voie
ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules, ou employé
91 CEDH, Burden c. Royaume-Uni, du 12 décembre 2006, req. n/ 13378/05. (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 12,
novembre-décembre 2006)
-88-
ou tenté d’employer un moyen quelconque pour y mettre un obstacle en l’espèce en s’arrêtant
plusieurs fois avec son véhicule.
Par un jugement du 13 novembre 2003, le tribunal de grande instance de Lyon renvoya le
requérant des fins de la poursuite.
Par un arrêt du 27 mai 2004, sur appel du ministère public, la cour d’appel de Lyon infirma le
jugement. Selon la juridiction d’appel, en plaçant et en immobilisant leurs véhicules de manière
à occuper l’ensemble des voies de circulation de l’autoroute, les prévenus avaient délibérément
fait obstacle au passage des véhicules dans le dessein d’entraver leur progression et s’étaient
bien rendus coupables du délit poursuivi et prévu à l’article L. 412-1 du code de la route. Elle
décida que la commission d’infraction à la loi pénale ne saurait être justifiée ni par l’exercice du
droit de grève ni par les manifestations sur les voies publiques qui constituent un des modes
d’expression de la liberté de réunion et qui sont soumises à une obligation de déclaration
préalable. La cour d’appel déclara ainsi les prévenus coupables du délit et condamna chacun
d’eux à trois mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à 1 500 euros d’amende.
Par un arrêt du 8 mars 2005, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par le requérant et l’un
de ses co-prévenus.
T Griefs :
Le requérant estimait incompatible avec ses libertés d’expression, de réunion et d’association
syndicale protégées par les articles 10 et 11 de la Convention, la condamnation par la cour
d’appel de Lyon, pour délit d’entrave à la circulation publique.
Invoquant l’article 6 §§1 et 2 de la Convention, il soutenait également ne pas avoir bénéficié d’un
procès équitable, eu égard à la dénaturation des faits opérée par les juridictions internes et à
l’insuffisance de motivation de leurs décisions. Il estimait enfin, qu’en l’absence de preuve
certaine de la réalité des faits, il avait été porté atteinte à sa présomption d’innocence.
T Décision :
Sur le fond : s’agissant d’une manifestation sous la forme de rassemblement et de défilé, la
liberté de pensée et la liberté d’expression s’effacent derrière la liberté de réunion pacifique. La
Cour n’examine donc le premier grief de requérant que sur le fondement de l’article 11 de la
Convention.
- Sur la violation alléguée de l’article 11 de la Convention :
La Cour observe d’emblée que “le droit à la liberté de réunion est un droit fondamental dans une
société démocratique et, à l’instar du droit à la liberté d’expression, l’un des fondements de
pareille société. Dès lors, il ne doit pas faire l’objet d’une interprétation restrictive.” (§ 41).
Elle reconnaît “que toute manifestation dans un lieu public est susceptible de causer un certain
désordre pour le déroulement de la vie quotidienne, y compris une perturbation de la circulation,
et qu’en l’absence d’actes de violence de la part des manifestants, il est important que les
pouvoirs publics fassent preuve d’une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques,
afin que la liberté de réunion ne soit pas dépourvue de tout contenu.” (§ 43).
En l’espèce, les juges de Strasbourg constatent à cet égard que le requérant n’a pas été
condamné pour avoir participé à la manifestation du 25 novembre 2002 en tant que telle, mais
en raison d’un comportement précis adopté lors de la manifestation, à savoir le blocage d’une
autoroute, causant par là-même une obstruction plus importante que n’en comporte
généralement l’exercice du droit de réunion pacifique. Par ailleurs, les forces de police “n’ont
procédé à l’interpellation des trois manifestants que dans le but de mettre fin au blocage complet
-89-
et après que ceux-ci eurent été à plusieurs reprises prévenus de l’interdiction de s’immobiliser
sur l’autoroute et des sanctions qu’ils encouraient” (§ 47).
La cour européenne considère que le requérant a pu exercer, dans ce contexte, et durant
plusieurs heures, son droit à la liberté de réunion pacifique et que les autorités ont fait preuve de
la tolérance nécessaire qu’il convient d’adopter envers de tels rassemblements.
“Dans ces conditions, mettant en balance l’intérêt général à la défense de l’ordre et l’intérêt du
requérant et des autres manifestants à choisir cette forme particulière de manifestation, et
compte tenu du pouvoir d’appréciation reconnu aux Etats en cette matière (...), la condamnation
pénale du requérant n’apparaît pas disproportionnée aux buts poursuivis. (G. c. Allemagne)” 92
(§ 48). La Cour juge, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 11 de la Convention.
- Sur la violation alléguée de l’article 6 §§ 1 et 2 de la Convention :
La Cour écarte à l’unanimité ce grief en rappelant “qu’il ne lui appartient pas de connaître des
erreurs de droit ou de fait prétendument commises par les juridictions internes” (§ 52) et en
relevant que les juridictions nationales se sont prononcées à l’issue d’une procédure
contradictoire au cours de laquelle les différents moyens de preuve ont été débattus.
jjj
Hachette Filipacchi Presse Automobile et Dupuy c. France
5 mars 2009
- req. n/ 13353/05 - non violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) et des articles 14 et 10 combinés
(interdiction de la discrimination) de la Convention -
N Le 5 mars 2009, la Cour européenne, pour des faits et des griefs identiques, a
également conclu, à l’unanimité à la non violation de l’article 10 et de l’article 14 combiné
à l’article 10 de la Convention dans l’affaire Société de conception de presse et
d’édition et Ponson c. France, req. n/ 26935/05.
T Faits :
La SNC Hachette Filipacchi est l’éditrice d’un magazine mensuel spécialisé dans la présentation
et les achats d’automobiles. Le second requérant, M. Dupuy, était à l’époque des faits, le
directeur de la publication et gérant de la société.
En mars 2002, le magazine publia des photographies prises lors du grand prix d’Australie et
présentant le vainqueur de la course. Or, à deux endroits de la photographie, apparaissent les
logos de deux marques de tabac.
Le Comité national de lutte contre le tabagisme (CNLT) fit citer M. Dupuy, en qualité de prévenu
et la SNC en qualité de civilement responsable, devant le tribunal correctionnel pour répondre
des faits de publicité indirecte ou clandestine en faveur du tabac ou de ses produits
conformément à la législation issue de la loi n/ 91-32 du 10 janvier 1991, dite loi Evin.
Le second requérant, reconnu coupable de ces faits, fut condamné en première instance à une
amende de 30 000 euros. La SNC Hachette Filipacch fut déclarée solidairement responsable de
92 Décision de la Commission, G. c. Allemagne, du 6 mars 1989.
-90-
l’amende mise à la charge de M. Dupuy et tous deux furent en outre condamnés à verser au
CNLT la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts. La décision fut confirmée en
appel, la cour relevant toutefois le montant de la somme à verser au CNLT à 10 000 euros. Le
pourvoi exercé par les requérants fut déclaré non admissible par la Cour de cassation.
T Griefs :
Invoquant l’article 10 de la Convention, les requérants se plaignaient de leur condamnation pour
publicité indirecte ou publicité illicite en faveur des produits du tabac. Par ailleurs, dénonçant une
différence de traitement par rapport aux médias audiovisuels diffusant des compétitions de sport
mécanique dans un pays où la publicité pour le tabac n’est pas interdite, ils alléguaient une
violation de l’article 14 combiné avec l’article 10 de la Convention.
T Décision :
- Concernant l’article 10 de la Convention :
Sur la recevabilité du grief :
Le Gouvernement expliquait que l’article 10 de la Convention ne pouvait s’appliquer à l’espèce
puisqu’il s’agissait d’un litige relatif à la publicité de marques, ayant nécessairement un objectif
mercantile et non d’information ou d’expression d’opinions. Par ailleurs, se référant à l’arrêt de
la Cour de justice des communautés européennes du 12 janvier 2006 (Allemagne c/ Parlement
et Conseil, C-380/03), il soutenait que si les mesures d’interdiction de publicité ont pour effet de
réduire indirectement la liberté d’expression, elles laissent intacte la liberté d’expression des
journalistes.
La Cour européenne rappelle que l’article 10 de la Convention a pour vocation à s’appliquer
largement, que le but recherché par les requérants soit ou non lucratif. Elle précise avoir déjà
décidé dans plusieurs arrêts que la liberté d’expression s’étend également à la publication de
photographies et déclare donc le grief recevable.
Sur le bien fondé du grief :
La Cour reconnaît l’existence d’une ingérence dans le droit des requérants à la liberté
d’expression. Par ailleurs, elle se range de l’avis du Gouvernement pour constater que cette
ingérence était prévue par la loi - le code de la santé publique - et qu’elle avait pour but légitime
la protection de la santé publique, par la lutte contre le tabagisme.
Les juges européens recherchent ensuite si cette ingérence était « nécessaire dans une société
démocratique ». En l’espèce, ils relèvent que la publication litigieuse qui touche au domaine
commercial, s’inscrit néanmoins “dans le cadre d’une information relative à un événement
d’actualité” (§ 45) et que dans ces conditions, la marge d’appréciation laissée à l’Etat se trouve
limitée.
Ils procèdent ensuite à un examen attentif de la proportionnalité des mesures litigieuses au but
poursuivi par l’ingérence.
Dans un premier temps, la Cour note qu’il existe un consensus européen visant à réglementer
strictement la publicité des produits en faveur du tabac et que cette tendance générale à la
réglementation est désormais affichée au niveau mondial. Elle constate également que ce
magazine est destiné à un large public et notamment aux jeunes qui se trouvent être vulnérables.
-91-
Contrairement à ce que soutiennent les requérants, elle estime que la publication litigieuse était
“susceptible d’inciter à la consommation, en particulier les jeunes, [ce qui] lui paraît être un motif
« pertinent » et « suffisant » pour justifier l’ingérence” (§ 49).
Après avoir précisé qu’en l’espèce, “l’image litigieuse ne constitue pas le témoignage d’un
moment particulier mais plutôt la reproduction de la mise en scène, par des sponsors, d’un sportif
à des fins publicitaires” et relevant qu’il “ne fait aucun doute que la photographie a pour objet
d’assurer la publicité de marques de tabac, entre autres”, la Cour précise que les requérants,
professionnels de la presse, auraient dû utiliser le procédé technique du « floutage » des logos,
très facile à mettre en œuvre et qui n’altère pas “la substance même de la photographie, ni ne
porte atteinte à la retransmission exacte de l’information” (§ 49).
Enfin, les juges européens s’attachent à la nature des peines infligées aux requérants. Ils
admettent que les sommes infligées ne sont pas négligeables, mais rappellent qu’il “convient de
les mettre en balance, pour en apprécier la lourdeur, avec les recettes de magazines à fort tirage”
comme celui en cause, et considèrent ainsi que la peine n’est pas disproportionnée au but
légitime poursuivi.
La Cour conclut à l’unanimité, à la non violation de l’article 10 de la Convention.
- Concernant l’article 14, combiné à l’article 10 de la Convention :
La Cour rappelle que selon sa jurisprudence constante, “une différence de traitement est
discriminatoire au sens de l’article 14 si elle manque de justification objective et raisonnable,
c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas de « rapport raisonnable de
proportionnalité entre les moyens employés et le but visé »”. Elle constate par ailleurs que les
juridictions internes, pour rejeter l’argument des requérants fondé sur cet article, avaient relevé
que “les moyens techniques ne permettent pas à l’heure actuelle de dissimuler les (...) publicités
sur les images retransmises dans les médias audiovisuels. En revanche, il est possible de ne pas
photographier de tels signes, de les cacher ou de les rendre flous sur les pages de magazines.
Les médias de presse écrite disposent ainsi du temps et des facilités techniques nécessaires
pour modifier l’image et rendre flous les logos rappelant des produits du tabac” (§ 63).
Enfin, elle relève que la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 mai
2008 (n/ 07-87.128) avait admis comme seule exception à l’interdiction de la publicité indirecte
en faveur des produits du tabac, la situation d’une retransmission en temps réel d’une course.
Les juges européens en déduisent que les situations des médias audiovisuel et des médias de
presse écrite ne sont pas comparables et dès lors concluent, à l’unanimité, à la non violation de
l’article 14 combiné avec l’article 10 de la Convention.
jjj
-92-
DÉCISIONS SUR LA RECEVABILITÉ RENDUES PAR LA
COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
Gouveia Gomes Fernandez et Freita E Costa c. Portugal
26 mai 2009
- req. n/ 1529/08 - Décision d’irrecevabilité - Articles 10 (liberté d’expression), 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 14 (interdiction de
discrimination) de la Convention -
T Faits :
En 1996, des poursuites furent engagées contre un avoué et un juge soupçonnés de corruption
dans le cadre d’une procédure civile dans laquelle les requérants représentaient en tant
qu’avocats l’une des parties. Finalement, le juge bénéficia d’une ordonnance de non-lieu.
Le beau frère du juge, qui était également directeur de l’information d’une chaîne télévisée, publia
dans un quotidien national un article critiquant fortement ceux qu’il accusait de s’être acharné
contre sa belle soeur magistrat. Parmi eux, les ministres de l’Intérieur et de la Justice.
En réaction, les requérants firent publier un droit de réponse dans lequel ils mettaient en cause
l’avoué et le juge. En janvier 2000, cette dernière saisit le tribunal de Lisbonne d’une demande
en dommages et intérêts contre les requérants. Elle avançait également qu’en tant que magistrat,
elle avait le droit de bénéficier de l’exemption des frais de justice générés par l’introduction de
la demande.
Le 21 juillet 2005, le tribunal fit partiellement droit à sa demande en soulignant que les préjudices
causés avaient été partiellement réparés dans le cadre d’une procédure précédemment introduite
par la demanderesse. Cette dernière et les requérants interjetèrent appel de ce jugement.
Précisément, les requérants s’opposaient à l’exemption des frais de justice accordée à la
demanderesse car, selon eux, un tel traitement était constitutif d’une atteinte au principe de
l’égalité des armes.
Par un arrêt en date du 20 juin 2006, la cour d’appel rejeta le recours des requérants et fit
partiellement droit à celui de la demanderesse. Soulignant que le droit à la liberté d’expression
devait céder devant le droit à la protection de la réputation du juge, elle confirma l’exemption des
frais de justice en sa faveur.
Les requérants se pourvurent en cassation devant la Cour suprême qui rejeta le pourvoi par un
arrêt de juin 2007. Ils déposèrent également un recours devant le Tribunal constitutionnel qui
déclara le recours irrecevable au motif qu’il n’était pas compétent pour apprécier
l’inconstitutionnalité d’une décision judiciaire.
T Griefs :
Invoquant l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention, les requérants estimaient que leur
condamnation avait porté atteinte à leur droit à la liberté d’expression. Affirmant que les principes
d’égalité des armes et de non-discrimination avaient été violés du fait de l’exemption des frais
de justice dont avait bénéficié la partie adverse, ils invoquaient également les articles 6 § 1 (droit
à un procès équitable) et 14 (Interdiction de discrimination) de la Convention.
-93-
T Décision :
- Concernant l’allégation de violation de l’article 10 de la Convention :
La Cour affirme ne pas être, en l’état actuel du dossier, en mesure de se prononcer sur la
recevabilité de ce grief. Elle décide donc de communiquer cette partie de la requête au
Gouvernement défendeur afin de recueillir ses observations.
- Concernant les allégations de violation des articles 6 § 1 et 14 de la Convention :
La Cour souligne que sa tâche consiste uniquement à rechercher si la procédure envisagée (...)
a revêtu un caractère équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. Elle rappelle ensuite,
selon sa jurisprudence antérieure 93 que “le principe de l’égalité des armes, l’un des éléments de
la notion plus large de procès équitable, exige un juste équilibre entre les parties : chacune doit
se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la
placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires”.
Puis, la juridiction européenne indique qu’en l’espèce, elle n’a pas décelé en quoi la position
procédurale des requérants avait été affectée par l’exemption des frais de justice dont avait
bénéficié la partie adverse. Elle constate également que les requérants ne lui ont apporté aucune
précision à cet égard.
Dans ces conditions, la Cour rejette le grief soulevé par les requérants pour défaut manifeste de
fondement.
La juridiction strasbourgeoise étudie ensuite le grief tiré de l’article 14 de la Convention. Sur ce
point, elle rappelle au préalable l’arrêt Nerva c. Royaume-Uni 94 dans lequel elle indiquait que
“pour que cette disposition trouve à s’appliquer, il faut établir que des personnes placées dans
des situations analogues ou comparables en la matière jouissent d’un traitement préférentiel et
que cette distinction ne trouve aucune justification objective ou raisonnable”.
En l’espèce, il n’est pas possible de considérer que les requérants se trouvaient dans une
situation analogue à celle de la partie adverse, à savoir un magistrat judiciaire. En effet, selon
la Cour, tout système judiciaire interne peut connaître différentes catégories de plaignants soumis
à des procédures ou à des principes divers, classés en fonction du type de préjudice subi, de la
base juridique de la plainte ou encore d’autres facteurs.95
La Cour européenne précise ensuite que “cela est également valable s’agissant de différentes
catégories de plaideurs : des considérations différentes peuvent s’appliquer à chacune de ces
catégories. En l’occurrence, le droit portugais en la matière dispose que les magistrats judiciaires
doivent bénéficier d’une exemption spéciale des frais de justice lorsqu’ils sont partie à un litige
en vertu de l’exercice de leurs fonctions. Or les juridictions internes ont considéré en l’espèce que
la demanderesse pouvait bénéficier d’une telle exemption, la procédure litigieuse rentrant dans
le champ d’application de l’article 17 § 1 g) du statut des magistrats judiciaires.”
Elle souligne ensuite qu’ “à supposer même que l’on pût dresser une comparaison entre les deux
groupes de plaideurs en présence, la différence de traitement pourrait encore se fonder sur une
différence objective et raisonnable : il est en effet tout à fait raisonnable, et cela relève de la
marge d’appréciation reconnue aux Etats contractants dans ces domaines, d’instaurer un régime
93 CEDH, Nideröst-Huber c. Suisse, du 18 février 1997, § 23, Recueil des arrêts ou décisions 1997-I et CEDH, Kress c. France,
du 7 juin 2001, req. n/ 39594/98, § 72.
94 CEDH, Nerva et autres c. Royaume-Uni, du 24 septembre 2002, req. n/ 42295/98, § 48.
95 CEDH, Stubbings et autres c. Royaume-Uni, 22 octobre 1996, req. n/ 22083/93 et n/ 22095/93, § 73.
-94-
distinct en matière de paiement de frais de justice pour les magistrats judiciaires, qui peuvent
souvent être confrontés, de par l’exercice de leurs fonctions judiciaires, à des procédures
introduites par des plaideurs mécontents”.
Au vu de ces différents éléments, la Cour déclare les griefs allégués mal fondés et rejette cette
partie de la requête. Considérant cependant que la requête mérite d’être examinée au regard de
l’article 10 de la Convention, elle ajourne l’examen tiré de ce grief tiré et déclare la requête
irrecevable pour le surplus.
jjj
Pipi c. Turquie
12 mai 2009
- req. n/ 4020/03 - Décision d’irrecevabilité - Articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 14
(interdiction de discrimination) de la Convention -
T Faits :
Le requérant était associé d’une société de production, Yasmin SARL et d’un institut de beauté.
Il signa en avril 2000 un chèque d’un montant de 42 000 dollars au nom de Yasmin SARL. En
juin de la même année, le destinataire du chèque porta plainte contre le requérant pour émission
d’un chèque sans provision et déclencha une procédure d’exécution forcée. Peu après, le
requérant s’acquitta de sa dette et le créancier retira sa plainte pénale et sa demande d’exécution
forcée.
En juillet 2000, le quotidien Star publia un article et la chaîne de télévision Interstar diffusa une
un reportage mettant en cause le requérant. Celui-ci exigea du quotidien et de la chaîne de
télévision qu’ils effectuent un rectificatif. Face au refus du quotidien, le requérant saisit le juge
de paix d’Istanbul qui fit droit à sa demande au motif que l’article publié en cause n’était fondé
sur aucune donnée susceptible d’étayer les propos litigieux.
Parallèlement, le requérant introduisit deux actions en dédommagement moral devant le tribunal
de grande instance d’Istanbul : l’une contre la société éditrice et le rédacteur en chef du journal
Star et l’autre contre la chaîne de télévision Interstar. Dans les deux affaires, la Cour de
cassation rejeta les pourvois.
T Griefs :
Invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention, le requérant
soutenait que la diffusion des informations litigieuses avait porté une atteinte injustifiée à sa vie
privée. Il dénonçait en outre l’iniquité, au regard de l’article 6 § 1( droit à un procès équitable) de
la Convention, des procédures menées devant les juridictions civiles qui, selon lui, en l’ayant
débouté de ses demandes, avaient toléré la diffamation dénoncée. A cet égard, il invoquait
également l’article 14 (interdiction des discriminations) de la Convention car il estimait avoir été
victime de discrimination.
-95-
T Décision :
- Concernant l’article 8 de la Convention :
La Cour rappelle tout d’abord les principes généraux relatifs d’une part, au rôle des médias
écrits 96 ou audiovisuels 97 et, d’autre part, à la protection de la vie privée des personnes.98 Elle
relève ensuite que l’article et l’émission en cause ont décrit le requérant comme un homme
d’affaires ayant des problèmes financiers et judiciaires. Selon elle, “il s’agissait d’une série de
spéculations tirées d’un fait judiciaire, exposées sur le ton de la rumeur propre au genre du média
en cause ; mais, contrairement à d’autres affaires comparables (...), les informations diffusées
ne portaient pas sur les détails purement personnels de la vie du requérant ni n’étaient le fruit
d’une intrusion intolérable et continue dans celle-ci”.99
Ainsi, la Cour estime que “pareilles informations ne pouvaient constituer, pour la vie privée du
requérant, une ingérence à ce point grave que son intégrité personnelle fût lésée ; seule pouvait
donc être en jeu sa réputation, dont la protection est justement une des limites à la liberté
d’expression, au sens de l’article 10 § 2 de la Convention”. Elle décide donc d’examiner la
position des juges nationaux sur ce dernier point.
Les juges européens relèvent qu’en l’espèce, le tribunal de grande instance d’Istanbul a
considéré que l’article et l’émission litigieux “s’inscrivaient dans le cadre de sujets relevant du
devoir d’information de la presse et qu’il n’y avait pas eu atteinte au droit à la personnalité du
requérant, en l’absence d’un élément illicite ayant causé un tort moral quelconque”. Ils soulignent
que la juridiction nationale a considéré que ces informations étaient « en substance exactes »
car elles provenaient des dossiers officiels ouverts contre le requérant auprès du parquet ; il
existait donc une base factuelle pour justifier les propos litigieux et rien ne permettait d’en
sanctionner les auteurs.
Ainsi, tout en reconnaissant que l’article et l’émission en cause contenaient des informations ne
figurant pas dans les dossiers officiels relatifs au requérant, la Cour estime pouvoir retenir
l’interprétation des juges nationaux. Elle précise que “s’il s’agit là d’une situation qui pourrait être
critiquable du point de vue de la déontologie journalistique” 100, elle y voit “davantage l’expression
de la « dose d’exagération » dont il est permis d’user dans le cadre de l’exercice de la liberté
journalistique” 101.
Ainsi, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la juridiction européenne décide que “rien ne
permet de conclure que le tribunal de grande instance d’Istanbul a dépassé la marge
d’appréciation, lorsqu’il a relativisé le poids du droit à la protection de la vie privée du requérant,
96 CEDH, Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège, du 20 mai 1999, req. n/ 21980/93, §§ 58-60; CEDH, Tammer c. Estonie, du
6 février 2001, req. n/ 41205/98, §§ 59-63.
97 CEDH, Radio France et autres c. France, du 30 mars 2004, req. n/ 53984/00, §§ 32-33 et 39 et CEDH, Jersild c. Danemark,
du 23 septembre, req. 15890/89, n/ série A n/ 298, § 31.
98 CEDH, Von Hannover c. Allemagne, du 28 juillet 2005, req. n/ 59320/00, §§ 56-60; CEDH, Sciacca c. Italie, du 11 janvier
2005, req. n/ 50774/99, §§ 27 et 29 ; CEDH, Société Prisma Presse c. France, du 1er juillet 2003, req. n/ 66910/01 et 71612/01.
99 CEDH, Von Hannover, précité, §§ 59 et 65 ; CEDH, Campmany y Diez de Revenga et Lopez Galiacho Perona c. Espagne,
du 12 décembre 2000, req. n/ 54224/00 ; CEDH, Julio Bou Gibert et El Hogar Y La Moda J.A. c. Espagne, du 13 mai 2005, req.
n/ 14929/02.
100 CEDH, Bladet Tromsø et Stensaas, précité, § 65 ; CEDH, Colombani et autres c. France, du 25 juin 2002, req. n/ 51279/99,
§ 65 et CEDH, Radio France et autres, précité, § 37.
101 CEDH, Prager et Oberschlick c. Autriche, du 26 avril 1995, req. n/ 15974/90, série A, n/ 313 § 38.
-96-
au sens de l’article 8, dans la mise en balance des intérêts concurrents des médias mis en cause,
au regard de l’article 10 de la Convention” 102.
Estimant que le grief est dépourvu de fondement, elle rejette le grief tiré de la violation de l’article
8 de la Convention.
- Concernant les articles 6 et 14 de la Convention :
La Cour constate que le grief tiré de l’article 6 de la Convention soulève la même problématique
que celui formulé sur le terrain de l’article 8 de la Convention.103 Elle considère qu’aucun
problème distinct ne se pose sur le terrain de l’article 6, pris isolément ou combiné avec l’article
14, du fait du rejet des actions civiles du requérant et décide de rejeter cette partie de la requête
comme étant dénuée de fondement.
La Cour déclare, à la majorité, la requête irrecevable.
jjj
Tas c. Belgique
12 mai 2009
- req. n/ 44614/06 - Décision d’irrecevabilité - Article 1er du protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété), articles 3
(interdiction de la torture) et 7 (pas de peine sans loi) de la Convention -
T Faits :
Le requérant fut poursuivi devant le tribunal correctionnel de Liège pour avoir abusé de la
vulnérabilité d’étrangers en situation irrégulière en leur louant des habitations dans l’intention de
réaliser un profit exorbitant.
Constatant que les logements en question n’étaient pas en état d’être loués, la juridiction le
condamna en septembre 2005 à une peine d’un an d’emprisonnement et au paiement d’une
amende. Elle ordonna également la confiscation des immeubles concernés.
En appel, la Cour releva que la confiscation visée par l’article 42, 1 du code pénal, qui autrefois
était facultative, était désormais rendue obligatoire par l’article 433 du même code.
Elle décida donc d’alourdir la peine d’emprisonnement et de confirmer l’amende ainsi que la
confiscation des biens concernés.
T Griefs :
Invoquant l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété)
et l’article 3 de la Convention (Interdiction de la torture), le requérant affirmait que la confiscation
de ses biens était constitutive d’un traitement inhumain et dégradant. Il invoquait également
l’article 7 (pas de peine sans loi) de la Convention au motif que les juges d’appel lui auraient
appliqué une loi nouvelle de façon rétroactive.
102 CEDH, Société Prisma Presse, précitée.
103CEDH, Fayed c. Royaume-Uni, du 21 septembre 1994, req. n/ 17101/90, série A n/ 294 B, § 67.
-97-
T Décision :
- Concernant la violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention :
A titre liminaire, la Cour constate que la confiscation litigieuse “a constitué sans nul doute une
ingérence dans la jouissance du droit du requérant au respect de ses biens”. Elle précise ensuite
que “la confiscation qui a frappé un bien dont les tribunaux avaient constaté son usage illégal,
a eu pour but d’éviter que l’immeuble du requérant soit utilisé pour commettre d’autres
infractions”. La juridiction européenne poursuit en affirmant que même si cette confiscation a
entraîné une privation de propriété, elle relève cependant d’une réglementation de l’usage des
biens au sens du second aliéna de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1, qui permet aux Etats
d’adopter “les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément
à l’intérêt général”.104
Or, elle rappelle que, selon sa jurisprudence, pour être justifiée, une ingérence au sens du
second aliéna de l’article 1er du Protocole n/ 1 doit être respectée les conditions de cette
disposition. En d’autres termes, il incombe à la Cour de rechercher si l’équilibre a été maintenu
entre les exigences de l’intérêt général et l’intérêt du ou des individus concernés.105 Elle note,
qu’en l’espèce, la confiscation de l’immeuble a été ordonnée conformément à la législation
nationale et qu’elle était donc prévue par la loi. Par ailleurs, cette ingérence avait pour “but
légitime de combattre le trafic d’êtres humains et l’exploitation d’étrangers en situation précaire,
ce qui correspond à l’intérêt général”.106
Les juges de Strasbourg examinent ensuite la question de l’équilibre entre ce but et les droits
fondamentaux du requérant. Sur ce point, ils rappellent qu’en matière de confiscation de biens
utilisés illégalement, un tel équilibre dépend de plusieurs facteurs et circonstances, parmi
lesquelles l’attitude du propriétaire. Ils recherchent donc si les autorités belges ont effectivement
pris en compte l’attitude du requérant et si la procédure devant les juridictions internes lui a offert
“une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes” 107.
En l’espèce, la Cour relève que l’article 433 terdecies alinéa 2 du code pénal belge rend
obligatoire la confiscation de biens objets de certaines infractions et qu’elle se situait donc dans
le cadre du droit pénal. Elle précise que “dans le cadre d’une confiscation à titre de sanction, il
faut que le propriétaire du bien confisqué puisse invoquer son innocence, sans quoi le juste
équilibre entre la protection du droit au respect des biens et l’exigence de l’intérêt général n’est
pas respecté”.
A cet égard, la juridiction européenne constate que la cour d’appel belge a longuement motivé
sa décision de condamner le requérant.
Au regard de l’ensemble de ces éléments et “compte tenu de la marge d’appréciation qui revient
aux Etats lorsqu’ils réglementent « l’usage des biens conformément à l’intérêt général », en
particulier dans le cadre d’une politique visant à combattre des phénomènes criminels, la Cour
conclut que l’ingérence dans le droit du requérant au respect de ses biens n’a pas été
disproportionnée par rapport au but légitime poursuivi”. Elle décide donc que ce grief
manifestement mal fondé doit être rejeté.
104 CEDH, Agosi c. Royaume-Uni, du 24 octobre 1986, req. n/ 9118/80, série A, n/ 108, § 51 et CEDH, Handyside c. RoyaumeUni, du 7 décembre 1976, série A n/ 24 , req. n/ 5493/72, § 62-63.
105 CEDH, Sporrong et Lönnroth c. Suède, du 23 septembre 1982, req. n/ 7151/75 et n/ 7152/75, série A, n/ 52, § 69 et 73 et
CEDH, James et autres c. Royaume-Uni, du 21 février 1986, req. n/ 8793/79, série A,, n/ 98 § 50.
106 CEDH, Air Canada c. Royaume-Uni, du 5 mai 1995, req. n/ 18465/91, série A n/ 316-A, §§ 41-42.
107 CEDH, Agosi c. Royaume-Uni, précité, §§ 54-55 et §§ 58-60 et CEDH, Air Canada c. Royaume-Uni, précité, § 46.
-98-
- Concernant les griefs tirés des articles 3 et 7 de la Convention :
Le requérant ayant invoqué le grief tiré de la violation de l’article 3 de la Convention pour la
première fois devant la Cour de cassation, les juges de Strasbourg le rejettent pour
non-épuisement des voies de recours internes.
Le second grief tiré d’une prétendue violation de l’article 7 de la Convention est déclaré
manifestement infondé par les juges européens. Ils estiment qu’il ressort de l’arrêt de la Cour de
cassation que le moyen selon lequel l’article 433 terdecies avait remplacé la confiscation
facultative des biens appartenant au condamné par une confiscation obligatoire, était erroné. En
effet, la confiscation était déjà obligatoire sous l’empire de l’ancienne loi (article 42, 1/ du code
pénal et article 77bis, § 5 de la loi du 15 décembre 1980) et la nouvelle loi n’a eu pour effet que
d’étendre l’obligation de prononcer cette peine à l’égard des biens n’appartenant pas au
condamné. Par conséquent, ils rejettent cette partie de la requête..
jjj
Gasparini c. Italie et Belgique
12 mai 2009
- req. n/ 10750/03 - Décision d’irrecevabilité - Article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) -
T Faits :
En 1999, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord décida que le taux de la contribution des
agents au régime des pensions serait porté de 8 à 8, 3%. Le requérant, un salarié de
l’Organisation, adressa alors une réclamation contestant cette augmentation. En janvier 2001,
il saisit la Commission de recours de L’OTAN (ci-après CROTAN) d’un recours en annulation de
cette décision. Il demanda également le retour à un taux de sa contribution à hauteur de 8% ainsi
que le remboursement des sommes correspondant à la différence entre ces deux taux qui
avaient été prélevées sur son salaire depuis le 1er janvier 2000.
Par décision du 5 septembre 2002, la CROTAN rejeta la requête en considérant que l’intéressé
n’était pas fondé à contester l’augmentation du taux de cotisation.
T Griefs :
Invoquant l’article 6 de la Convention (droit à un procès équitable), le requérant soutenait que la
procédure devant la CROTAN ne répondait pas aux exigences du procès équitable. Il visait
notamment l’article 4.71 du règlement du personnel civil prévoyant l’absence de publicité des
débats ayant lieu devant cet organe. Il mettait également en cause la partialité des membres de
cette Commission.
Enfin, le requérant reprochait à la Belgique, Etat du siège de l’Organisation, et à l’Italie, son pays
d’origine, de ne pas avoir veillé à ce que l’OTAN mette en place un système juridictionnel interne
compatible avec les exigences de la Convention.
-99-
T Décision :
- Sur les principes applicables :
La Cour explique avoir posé, dans les affaires Bosphorus, Behrami et Behrami c. France et
Saramati c. Allemagne, France et Norvège,108 le principe selon lequel, si la Convention
n’interdit pas aux Etats de transférer des pouvoirs souverains à une organisation internationale,
ils restent, au titre de l’article 1er de la Convention, responsables de tous les actes et omissions
de leurs organes. Elle rappelle également que lorsque l’acte d’un Etat se justifie par le respect
d’une obligation découlant de son appartenance à une organisation internationale et que cette
organisation accorde une protection des droits fondamentaux au moins équivalente à celle offerte
par la Convention, l’Etat en question bénéficie d’une présomption de respect des exigences de
la Convention.
Cette présomption peut néanmoins être renversée, notamment si l’on estime que la protection
des droits était entachée d’une « insuffisance manifeste ». “Dans un tel cas, le rôle de la
Convention en tant qu’« instrument constitutionnel de l’ordre public européen » dans le domaine
des droits de l’homme l’emporterait sur l’intérêt de la coopération internationale” 109.
Les juges de Strasbourg rappellent également s’être prononcés sur des questions similaires à
celles de l’espèce, dans deux affaires portant sur des litiges opposant des fonctionnaires
internationaux aux organisations qui les employaient 110. Dans ces deux affaires, la juridiction
européenne avait constaté qu’à aucun moment les Etats défendeurs n’étaient intervenus dans
les litiges en cause et elle n’avait relevé aucune action ou omission de leur part susceptible
d’engager leur responsabilité au regard de la Convention. Elle avait donc conclu que les
requérants ne relevaient pas de la « juridiction » des Etats mis en cause et que leurs griefs
étaient incompatibles rationae personae avec les dispositions de la Convention.
La Cour fait également référence à l’affaire Cooperatieve Producentenorganisatie Van de
Nederlandse Kokkelvisserij U.A. c. Pays-Bas 111, au cours de laquelle elle avait précisé que
la présomption de respect de la Convention s’applique aux actions commises par les Etats ainsi
qu’aux procédures suivies au sein de l’organisation en question, et en l’espèce, aux procédures
devant la Cour de justice des communautés européennes. A cette occasion, elle avait affirmé que
la protection accordée aux droits fondamentaux par l’Organisation ne devait pas nécessairement
être identique à celle assurée par l’article 6 de la Convention et que la présomption de régularité
ne pouvait être renversée que si la protection des droits garantis par la Convention était entachée
d’une insuffisance manifeste.
Pour les juges européens, il ressort de ces principes que les Etats membres, au moment où ils
transfèrent une partie de leurs pouvoirs souverains à une organisation internationale à laquelle
ils adhèrent, ont l’obligation de veiller à ce que les droits garantis par la Convention reçoivent
au sein de cette organisation une « protection équivalente » à celle assurée par le mécanisme
de la Convention. Ainsi, “la responsabilité d’un Etat partie à la Convention pourrait être mise en
108 CEDH, Bosphorus Airways c. Irlande, du 30 juin 2005, req. n/ 45036/98, CEDH, Behrami et Behrami c. France, du 31 mai
2007, req. n/ 71412/01 et CEDH, Saramati c. Allemagne, France et Norvège, du 31 mai 2007, req. n/ 78166/01.
109 CEDH, Bosphorus Airways, précité, §§ 155-156 ; CEDH, Saramati c. Allemagne, France et Norvège, précité, § 145.
110 CEDH, Boivin c. 34 Etats membres du Conseil de l’Europe, du 9 septembre 2008, req. n/ 73250/01 (Cet arrêt est résumé
dans la veille bimestrielle n/ 21 (septembre-octobre 2008)) et CEDH, Connolly c. 15 Etats membres de l’Union européenne, du
9 décembre 2008, req. n/ 73274/01.
111 CEDH, Cooperatieve Producentenorganisatie Van de Nederlandse Kokkelvisserij U.A. c. Pays-Bas, du 20 janvier 2009,
req. n/ 13645/05.
-100-
jeu au regard de celle-ci s’il s’avérait ultérieurement que la protection des droits fondamentaux
offerte par l’organisation internationale concernée était entachée d’une « insuffisance
manifeste »”.
Cependant, ils considèrent qu’un Etat contractant “ne peut se voir imputer une violation alléguée
de la Convention à raison d’une décision ou d’une mesure émanant d’un organe d’une
organisation internationale dont il est membre, dans la mesure où il n’a pas été établi ni même
allégué que la protection des droits fondamentaux globalement offerte par ladite organisation
internationale ne serait pas « équivalente » à celle assurée par la Convention et où l’Etat
concerné n’est intervenu ni directement ni indirectement dans la commission de l’acte litigieux”.
- Application de ces principes à l’affaire en cause :
Concernant la publicité des débats :
La Cour européenne estime qu’il faut rechercher si le mécanisme contesté est entaché d’une «
insuffisance manifeste », “ce qui renverserait en l’espèce, la présomption de respect par les Etats
défendeurs de leurs obligations au titre de la Convention”. A cet égard, elle souligne cependant
que “son contrôle en vue de déterminer si la procédure devant la CROTAN, organe d’une
organisation internationale ayant une personnalité juridique propre et non partie à la Convention,
est entachée d’une insuffisance manifeste est nécessairement moins ample que le contrôle
qu’elle exerce au regard de l’article 6 sur les procédures devant les juridictions internes des Etats
membres de la Convention, lesquels se sont obligés à en respecter les dispositions”. Elle poursuit
en indiquant qu’ “il lui faut en réalité déterminer si, au moment où ils ont adhéré à l’OTAN et lui
ont transféré certains pouvoirs souverains, les Etats défendeurs ont pu, de bonne foi, estimer que
le mécanisme de règlement des conflits du travail interne à l’OTAN n’était pas en contradiction
flagrante avec les dispositions de la Convention”.
Les juges de Strasbourg précisent avoir déjà indiqué que la tenue d’une audience publique
constitue un principe fondamental consacré par l’article 6 § 1 de la Convention. Cependant,
“cette disposition n’exige pas nécessairement la tenue d’une audience dans toutes les
procédures. Tel est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question de
crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui aurait requis une audience, et pour
lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base
des conclusions présentées par les parties et d’autres pièces”.
Ils rappellent également avoir déjà reconnu, notamment dans l’arrêt Schuler-Zgraggen c.
Suisse, du 24 juin 1993,112 que les autorités nationales peuvent estimer que l’organisation
systématique de débats peut constituer un obstacle à la diligence particulière requise en matière
sociale et empêcher le respect du délai raisonnable visé à l’article 6 § 1 de la Convention. Ils
soulignent par ailleurs que si dans plusieurs affaires, ils ont d’abord estimé qu’une procédure se
déroulant devant un tribunal statuant en premier et dernier ressort, une audience devait avoir lieu
sauf si des circonstances exceptionnelles justifiaient de s’en dispenser,113 ils ont par la suite
considéré que l’existence de pareilles circonstances dépendait essentiellement de la nature des
questions soumises aux tribunaux internes et non de la fréquence des litiges au cours desquelles
celles-ci se posent.
Sur ce point, la Cour cite l’affaire Jussila c. Finlande.114 Il s’agissait d’une affaire pénale pour
laquelle la juridiction nationale avait jugé que la tenue d’une audience publique n’était pas
112CEDH, Schuler-Zgraggen c. Suisse, du 24 juin 1993, req. n/ 14518/89 , série A n/ 263, § 58.
113 Notamment, CEDH, Håkansson et Sturesson c. Suède, du 21 février 1990, req. n/ 11855/85 , § 64 et CEDH, Fredin c. Suède
(n/ 2), du 23 février 1994, req. n/ 18928/91, série A n/ 283-A, §§ 21-22.
114 CEDH, Jussila c. Finlande, du 23 novembre 2006, req. n/ 73053/01, § 48 .
-101-
nécessaire. Or, dans cette affaire, la Cour de Strasbourg avait estimé que l’intéressé avait eu
amplement l’occasion de présenter par écrit ses moyens de défense et de répondre aux
conclusions des autorités fiscales et en avait conclu que “les exigences d’équité avaient été
satisfaites et que, eu égard aux circonstances particulières de la cause, elles n’impliquaient pas
la tenue d’une audience”.
La Cour européenne remarque ensuite que, dans la plupart des affaires concernant une
procédure devant des juridictions « civiles » statuant au fond dans lesquelles elle était arrivée à
cette conclusion, le requérant avait eu la possibilité, contrairement à la présente affaire, de
solliciter la tenue d’une audience publique.115
En l’espèce, elle relève que l’article 4.71 de l’annexe IX du règlement du personnel civil de
l’OTAN prévoit expressément « que les séances de la Commission de recours ne sont pas
publiques », cette disposition étant cependant fortement nuancée par l’article suivant, qui dispose
quant à lui que les parties au litige peuvent « assister aux débats et développer oralement tous
arguments à l’appui des moyens invoqués dans leurs mémoires [ainsi que] se faire assister ou
représenter à cet effet soit par un membre du personnel civil ou militaire de l’OTAN soit par un
conseil choisi par eux ».
Plus généralement, la Cour note que la CROTAN est compétente pour connaître des litiges entre
les instances dirigeantes de l’OTAN et ses personnels civils. Elle note également que “dans sa
décision du 4 septembre 2002 déboutant le requérant, la CROTAN a justifié l’absence de
caractère public des débats par la nécessité d’ « en préserver la sérénité dans le contexte
spécifique d’une organisation telle que l’OTAN (...) »”.
Ainsi, “au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour estime que les deux Etats défendeurs, au
moment où ils ont approuvé le règlement sur le personnel civil, ont pu considérer à bon droit que
le type d’affaires dont la CROTAN a à connaître pouvaient être examinées et tranchées par elle
de manière adéquate dans le cadre de la procédure prévue par le règlement applicable, et, qu’eu
égard à l’ensemble des dispositions de ce règlement, notamment à l’article 4.72 précité, les
exigences d’équité étaient satisfaites sans la tenue d’une audience publique. Sans examiner plus
avant le cas d’espèce, elle relève qu’il ressort de la décision de la CROTAN et des autres
éléments du dossier que l’absence de publicité n’a en rien nui à l’équité de l’ensemble de la
procédure”.
Sur l’allégation de défaut d’impartialité des membres de la Commission :
Sur ce point, la Cour remarque que les membres de la Commission, qui sont désignés par le
Conseil de l’Atlantique Nord, sont des personnes extérieures à l’OTAN et “dont la compétence
est « établie »”. Elle observe par ailleurs qu’il ressort de l’article 4.21 que les recours soumis à
la CROTAN doivent être dirigés contre des décisions des chefs des organismes de l’OTAN, que
ceux-ci appliquent ou non les décisions de Conseil de l’Atlantique Nord. Par ailleurs, elle note
que tout requérant peut invoquer une présomption de partialité et demander la modification de
la composition de la Commission, ce qui ne fut pas le cas en l’espèce.
Au vu des ces éléments, “la Cour estime que les deux Etats mis en cause ont pu à bon droit
considérer (...) que les dispositions régissant la procédure devant la CROTAN satisfaisaient aux
exigences du procès équitable. Aucun élément susceptible de contredire ce constat n’a été porté
à la connaissance de la Cour. Elle en conclut que la protection offerte au requérant en l’espèce
par le mécanisme de règlement interne des conflits de l’OTAN n’était donc pas entachée d’une
« insuffisance manifeste » au sens donné à ce terme dans l’arrêt Bosphorus, particulièrement
115 CEDH, Martinie c. France, du 12 avril 2006, req. n/ 58675/00, § 41. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 9 (MarsAvril 2006)
-102-
dans le contexte spécifique d’une organisation telle que l’OTAN. Dès lors, elle considère que le
requérant n’est pas fondé à faire grief à l’Italie et à la Belgique d’avoir souscrit à un système
contraire à la Convention, et que la présomption de respect de celle-ci par ces deux Etats n’a pas
été renversée”.
Les juges de Strasbourg décident donc que les griefs du requérant sont manifestement mal
fondés et déclarent la requête irrecevable.
jjj
Menéndez Garcia c. Espagne
5 mai 2009
- req. n/ 21046/07 - Décision d’irrecevabilité - Articles 6 § 1 (droit à un procès équitable), 8 § 1 (droit à la protection de la vie privée et de la vie
familiale) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention -
T Faits :
En janvier 2000, la requérante saisit le juge de première instance d’Oviedo afin que son père,
décédé en 1974, soit reconnu comme le fils naturel de V.T.A., également décédé. Elle sollicitait
l’exhumation du corps de V.T.A. et la pratique d’analyses ADN afin de clarifier l’existence du lien
de paternité. Au soutien de sa demande, elle affirmait que son père était le fruit d’une relation
extra-matrimoniale entre V.T.A. et l’une de ses employées. Elle soutenait qu’il existait une
« possession d’état » entre son père et V.T.A et apportait des éléments de preuve tels que des
photos et les dépositions du maire de leur village d’origine assurant que cette paternité était
connue par l’ensemble des habitants, V.T.A. se comportant publiquement comme le père de
l’enfant. La famille de V.T.A. fit part de son opposition à cette demande.
En novembre 2000, le juge de première instance de Oviedo décida de surseoir à statuer sur la
demande d’analyses ADN jusqu’à la prise de décision relative à la qualité d’agir de la requérante.
Par un jugement du 19 septembre 2001, il “rejeta la requête en raison du manque de légitimation
de la requérante”. En effet, il estima que ni la législation applicable lors des décès de son père
et de V.T.A., ni celle en vigueur au moment de l’introduction de la requête ne prévoyaient cette
possibilité. Il considéra également que les éléments apportés par la requérante n’étaient pas
suffisant pour établir une « possession d’état » entre son père et V.T.A..
La requérante interjeta appel de cette décision. Le 18 septembre 2002, l’Audiencia Provincial de
Oviedo rejeta ce recours jugeant qu’aucune des conditions suivantes n’était réunie :
l’action en réclamation de la filiation correspondait exclusivement à l’enfant, les héritiers de ce
dernier étant légitimés seulement s’il était décédé mineur ou juridiquement incapable. En tout état
de cause, le délai pour effectuer la demande était de cinq ans. S’agissant de la demande de la
requérante à être reconnue comme petite-fille de V.T.A., l’arrêt signala que celle-ci se heurtait
au rejet, faute de reconnaissance de la filiation de son père.
Le pourvoi en cassation formé par la requérante fut rejeté le 16 mars 2005 par le Tribunal
suprême. A cette occasion, il rappela qu’en droit espagnol la déclaration de « grand-paternité »
était soumise à l’existence préalable d’une relation de paternité, qui en l’espèce n’avait pas été
établie.
-103-
Invoquant les articles 14 (interdiction de la discrimination) et 24 (droit à un procès équitable) de
la Constitution espagnole, la requérante forma un recours d’Amparo devant le Tribunal
constitutionnel. Par une décision du 13 décembre 2006, la Haute juridiction rejeta le recours en
considérant, d’une part, que les décisions qui avaient rejeté la prétention de la requérante étaient
suffisamment motivées et dénuées d’arbitraire et d’autre part, que la demande de
reconnaissance de « grand-paternité » ne pouvait être acceptée, dans la mesure où il manquait
l’établissement préalable d’une déclaration de filiation. La Haute juridiction considéra par ailleurs
qu’aucun élément du dossier ne permettait de conclure à un traitement discriminatoire vis-à-vis
de la requérante.
T Griefs :
Devant la Cour européenne, la requérante invoquait une violation de l’article 6 § 1 de la
Convention (droit à un procès équitable). Elle estimait que le refus de sa demande d’analyses
ADN était à l’origine du rejet de sa demande de reconnaissance de l’existence d’une
« possession d’état » entre son père et V.T.A.. Elle invoquait également une violation de l’article
l’article 8 § 1 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale) dans la mesure où
la déclaration de « grand-paternité » dépendait de l’établissement de la « possession d’état »
entre son père et V.T.A.. Enfin, elle invoquait une violation de l’article 13 de la Convention (droit
à un recours effectif), estimant ne pas avoir bénéficié d’un recours effectif contre la décision
l’ayant considérée comme non légitimée pour introduire l’action en reconnaissance de filiation.
T Décision :
La Cour relève tout d’abord que la requérante, invoquant l’article 6 § de la Convention, se limite
à montrer son désaccord avec les décisions des juridictions internes qui constatèrent son
absence de légitimation à solliciter sa déclaration de filiation. Sur ce point, elle rappelle qu’il
incombe en premier lieu aux autorités nationales d’interpréter la législation interne 116 et note
qu’en l’espèce, les juridictions internes ont rendu des décisions suffisamment motivées et qui ne
peuvent être considérées comme entachées d’arbitraire. De ce fait, elle rejette le grief pour
défaut manifeste de fondement (§ 1).
Puis, les juges de Strasbourg considèrent que la déclaration d’absence de légitimité pour agir
prononcée par les juridiction internes à l’égard de la requérante et leur rejet de sa demande de
« grand-paternité » ont eu une incidence sur sa vie privée. Or, conformément à la jurisprudence
établie dans l’arrêt Jäggi c. Suisse 117, “le droit à l’identité, dont relève le droit à connaître son
ascendance, fait partie intégrante de la notion de vie privée” ; l’article 8 de la Convention doit
donc s’appliquer. Ils rappellent également qu’il est nécessaire de mettre en balance ce droit à la
lumière du “droit des tiers à l’intangibilité du corps du défunt, le droit au respect des morts ainsi
que l’intérêt public à la protection de la sécurité juridique”.
A cet égard, la Cour “considère que l’intérêt dans la connaissance de l’identité varie en fonction
du degré de proximité des ascendants. En effet, alors qu’il convient de lui accorder la plus haute
importance s’agissant des ascendants directs, à savoir les parents, son poids en relation avec
d’autres intérêts diminue en fonction de l’éloignement dans le degré de parenté. Il appartient à
chaque État de ménager son ordre juridique interne en utilisant la marge d’appréciation dont il
dispose pour pondérer les intérêts en conflit dans chaque cas d’espèce. Un des moyens
d’effectuer cette pondération est la réglementation des conditions d’octroi de la capacité pour agir
dans les demandes de reconnaissance de paternité” (§ 2).
116 CEDH, Tejedor García c. Espagne, du 16 décembre 1997, req. n/ 25420/94, § 31.
117 CEDH, Jäggi c. Suisse, du 13 juillet 2006, req. n/ 58757/00, §§ 37 et 39.
-104-
Elle souligne ensuite, qu’en l’espèce, ni le refus d’accorder la capacité pour agir à la requérante
aux fins de solliciter la déclaration de filiation de son père vis-à-vis de V.T.A., ni l’absence d’une
action directe permettant de reconnaître cette relation ne peuvent être considérés comme
disproportionnés ou arbitraires. La juridiction européenne précise ensuite que le père de la
requérante et V.T.A. étaient décédés au moment de l’introduction de la demande et que, “dans
la mesure où aucun des deux intéressés n’avait fait preuve de leur vivant d’une quelconque
intention d’entamer des actions” , il y a lieu de s’interroger “sur leur réelle volonté d’effectuer ces
démarches et tient compte des restrictions imposées par la loi applicable à l’espèce quant à
l’introduction de l’action en contestation de la paternité par des individus autres que le propre fils”
(§ 2).
La Cour reconnaît que le droit à la vie privée de la requérante est en cause. Cependant, elle
précise qu’en l’espèce l’intéressée souhaitait connaître son grand père et non, comme dans
l’affaire Jäggi c. Suisse, son père. “Bien que la Cour ne doute pas de l’importance de connaître
l’identité de son grand-père, elle ne peut cependant lui accorder le même impact dans la vie
privée que celui du droit à connaître son père”. Ainsi, elle “estime que lors de la mise en balance
des différents intérêts en jeu, celui de la requérante doit s’incliner face à la protection des droits
de la famille de V.T.A. et de la sécurité juridique” et rejette ce grief pour défaut manifeste de
fondement.
Enfin, concernant l’article 13 de la Convention, les juges de Strasbourg constatent que la
requérante a eu l’occasion de soulever ses arguments devant les juridictions internes pour
appuyer ses prétentions. Elle rejette ce grief comme manifestement infondé.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour conclut donc, à l’unanimité, à l’irrecevabilité de la
requête.
jjj
-105-
ARRÊTS DE LA COUR DE JUSTICE
ET DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
118 Les arrêts de la CJCE et du TPICE sont disponibles sur le site : http://curia.europa.eu/fr
-106-
118
LISTE DES ARRÊTS ET CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAUX
CI-APRÈS COMMENTÉS
classement par domaine
CITOYENNETÉ EUROPÉENNE
- CJCE, Athanasios Vatsouras c/ Arbeitsgemeinschaft (ARGE) Nürnberg 900 et Josif
Koupatanze c/ Arbeitsgemeinschaft (ARGE) Nürnberg 900, 14 juin 2009, aff. jointes C-22/08
et C-23/08, p. 109.
CONCURRENCE
- CJCE, Inspecteur van de Belastingdienst c/ X.B, 11 juin 2009, aff. C-429/07, p. 112
- CJCE, T-Mobile Netherlands BV, KPN Mobile BV, Orange Nederland NV, Vodafone Libertel
NV c/ Raad van bestuur van de Nederlandse Mededingingsautoriteit, 4 juin 2009, aff. C-8/08,
p. 114.
DROIT INSTITUTIONNEL
- CJCE, Commission c/ Grèce, 4 juin 2009, aff. C-109/08, p. 118.
ENVIRONNEMENT ET CONSOMMATEURS
- CJCE, Moteurs Leroy Somer c/ Dalkia France, Ace Europe, 4 juin 2009, aff. C-285/03, p. 122
ESPACE DE LIBERTÉ, DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE
- CJCE, A, 2 avril 2009, aff. C-529/07, p. 133.
- CJCE, Falco Privatstiftung et Thomas Rabisch c/ Gisela Weller-Lindhorst, 23 avril 2009,
aff. C-533/07, p. 131.
- CJCE, María Julia Zurita García c/ Delegación del Gobierno en Murcia et Aurelio Choque
Cabrera c/ Delegación del Gobierno en Murcia, conclusions de l’avocat général Mme Julia Kokott
présentées le 19 mai 2009, aff. jointes C-261/08 et C-348-08, p. 172.
- CJCE, Renate Ilsinger c/ Martin Dreschers, 14 mai 2009, aff. C-180/06, p. 128.
- CJCE, Roda Golf & Beach Resort, 25 juin 2009, aff. C-14/08, p. 125.
FISCALITÉ
- CJCE, Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy, du 18 juin 2009, aff. C-303/07, p. 138.
LIBERTÉ D’ETABLISSEMENT
- CJCE, Grande chambre,Apothkerkammer des Saarlandes, du 19 mai 2009, aff. C-171/07 et
C-172/07, p. 142.
-107-
LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES
- CJCE, Nicolas Bressol e. a. et Céline Chaverot e. a. c/ le Gouvernement de la Communauté
française, conclusions de l’avocat général Mme Eleanor Sharpston, présentées le 25 juin 2009,
aff. C-73/08, p. 174.
LIBRE PRESTATION DES SERVICES
- CJCE, X., E.H.A. Passenheim-van Schoot c/ Staatssecretaris van Financiën, du 11 juin
2009, aff. jointes C-155/08 et C-157/08, p. 146.
POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE
- TPICE, Omar Mohammed Othman c/ Conseil de l’Union européenne et Commission des
Communautés européennes, 11 juin 2009, aff. T-318/01 -, p. 150 .
POLITIQUE SOCIALE
- CJCE, David Hütter c/ Technische Universität Graz, 18 juin 2009, aff. C-88/08 , p. 153 .
- CJCE, C. Meerts c/ Proost NV, conclusions de l’Avocat général Mme Juliane Kokott, présentées
le 14 mai 2009, aff. C-116/08, p. 177.
PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
- CJCE, Chocoladefriken Lindt & Sprüngli AG c/ Franz hauswirth GmbH, 11 juin 2009, aff.
C-529/07, p. 157.
RAPPROCHEMENT DES LÉGISLATIONS
- CJCE, College van burgrmrrster en wethouders van Rottredam c/ M.E.E. Rijkeboer, 7 mai
2009, aff. C-553/07, p. 167.
- CJCE, Generics (UK) Ltd, 18 juin 2009, aff. C-527/07, p. 164.
- CJCE, L’Oréal SA e.a, du 18 juin 2009, aff. C-487/07, p. 160.
TRANSPORT
- CJCE, Bogiatzi, conclusions de l’Avocat général Jan Mazak, présentées le 25 juin 2009, aff. C301/08, p. 179.
AUTRE DOMAINE
- CJCE, Intercontainer Interfrigo SC (ICF), conclusions de l’Avocat général Yves Bot, présentées
le 19 mai 2009, aff. C-133/08, p. 181.
-108-
CITOYENNETÉ EUROPÉENNE
Athanasios Vatsouras c/ Arbeitsgemeinschaft (ARGE) Nürnberg 900
et Josif Koupatanze c/ Arbeitsgemeinschaft (ARGE) Nürnberg 900 119
4 juin 2009
- affaires jointes C-22/08 et C-23/08 « Citoyenneté européenne - Libre circulation des personnes - Articles 12 CE et 39 CE - Directive
2004/38/CE - Article 24, paragraphe 2 - Appréciation de validité - Ressortissants d’un État membre Activité professionnelle dans un autre État membre - Niveau de la rémunération et durée de l’activité Maintien du statut de “travailleur” - Droit au bénéfice de prestations en
faveur des demandeurs d’emploi »
T Faits :
Dans ces deux affaires, les requérants, ressortissants grecs vivent en Allemagne, respectivement
depuis les mois de mars et octobre 2006. Ils ont demandé à pouvoir bénéficier de « prestations
de base en faveur des demandeurs d’emploi » (ci-après « SGB II »). L’Arbeitsgemeinschaft
(Centre d’emploi de la ville de Nürnberg, ci-après l’« ARGE ») leur a accordé le bénéfice de ces
allocations pendant quelques mois puis il leur a notifié qu’en vertu des dispositions de l’article 7,
paragraphe 1 deuxième phrase du SBG II, ils n’avaient pas droit à ces allocations qui ne leur
seraient plus attribuées.
En effet, selon les dispositions nationales mises en cause, sont exclus du bénéfice des
prestations de base en faveur des demandeurs d’emploi, « (...) 2. les ressortissants étrangers
dont le droit de séjour découle exclusivement de l’objectif de recherche d’un emploi, les membres
de leurs familles ainsi que les bénéficiaires visés à l’article 1er de la loi sur les prestations à
accorder aux demandeurs d’asile [Asylbewerberleistungsgesetz]. (...) ».
Ces décisions ont été contestées par chacun des requérants devant le Sozialgericht Nürnberg.
Entre-temps, les requérants ont repris une activité professionnelle leur permettant de ne plus
dépendre de l’assistance sociale.
T Droit communautaire et questions préjudicielles :
La juridiction de renvoi pose à la Cour trois questions préjudicielles portant sur l’interprétation des
articles 12 CE et 39 CE ainsi que sur la validité de l’article 24, paragraphe 2, de la directive
2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 29 avril 2004 et relative au droit
des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement
sur le territoire des États membres.
L’article 24 de la directive 2004/38/CE dispose :
« 1. Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé,
tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil en vertu de la
présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre
dans le domaine d’application du traité. Le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille,
qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de
séjour permanent.
119 Les conclusions de l’Avocat général M. Damaso Ruiz-Jarabo Colomer, présentées le 12 mars 2009, ont été résumées dans
la veille bimestrielle Mars-Avril 2009, pp.123-124.
-109-
2. Par dérogation au paragraphe 1, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit à
une prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour ou, le cas échéant,
pendant la période plus longue prévue à l’article 14, paragraphe 4, point b), ni tenu, avant
l’acquisition du droit de séjour permanent, d’octroyer des aides d’entretien aux études, y compris
pour la formation professionnelle, sous la forme de bourses d’études ou de prêts, à des personnes
autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut,
et les membres de leur famille. »
Plus précisément, la juridiction de renvoi pose les trois questions suivantes à la Cour de justice :
« 1) L’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 […] est-il conforme à l’article 12 CE lu en
combinaison avec l’article 39 CE ?
2) Dans l’hypothèse où la première question appellerait une réponse négative, l’article 12 CE lu en
combinaison avec l’article 39 CE s’oppose-t-il à une réglementation nationale qui exclut les
citoyens de l’Union du bénéfice de l’assistance sociale en cas de dépassement de la durée
maximale du séjour visé à l’article 6 de la directive 2004/38 […], et en l’absence de tout droit de
séjour en vertu d’autres dispositions ?
3) Dans l’hypothèse où la première question appellerait une réponse positive, l’article 12 CE
s’oppose-t-il à une réglementation nationale qui exclut les ressortissants d’États membres de
l’Union européenne même du bénéfice de prestations d’assistance sociale octroyées aux immigrés
clandestins ? »
T Décision :
A titre liminaire, la Cour note qu’il résulte de la décision de renvoi, que les questions posées sont
fondées sur le fait que, à l’époque des faits, les requérants n’avaient pas la qualité de
« travailleur » au sens de l’article 39 CE. Elle relève en effet, que la juridiction de renvoi a
constaté que l’activité professionnelle « mineure exercée brièvement » par le premier requérant
était « insuffisante aux fins de sa subsistance » et que celle exercée par l’autre requérant « a
duré à peine plus d’un mois ». Or, les juges de Luxembourg rappellent que “selon une
jurisprudence constante, la notion de « travailleur » au sens de l’article 39 CE revêt une portée
communautaire et ne doit pas être interprétée de manière restrictive. Doit être considérée comme
« travailleur » toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités
tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires” (point 26).
Ils précisent que “Le fait que les revenus d’une activité salariée sont inférieurs au minimum
d’existence n’empêche pas de considérer la personne qui l’exerce comme « travailleur » au sens
de l’article 39 CE” (point 28), ni même le fait que cette personne demande le bénéfice de
prestations financières à l’Etat en complément de sa propre rémunération. Enfin, la courte durée
de l’activité salariée n’est pas non plus, à elle seule, susceptible de l’exclure du champ
d’application de l’article 39 CE.
Après avoir apporté ces précisions, les juges communautaires estiment qu’il incombe aux
juridictions nationales d’interpréter les faits et de qualifier au besoin les requérants de
« travailleurs » au sens de l’article 39 CE.
Concernant la première question portant sur la conformité de l’article 24, paragraphe 2 de la
directive 2004/38/CE à l’article 12 lu en combinaison de l’article 39 CE :
La Cour luxembourgeoise relève que “l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 établit
une dérogation au principe d’égalité de traitement dont bénéficient les citoyens de l’Union autres
que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut et
les membres de leur famille, qui séjournent sur le territoire d’un État membre d’accueil” (point 34).
En effet, “Selon cette disposition, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit aux
prestations d’assistance sociale, notamment aux demandeurs d’emploi pendant la période plus
longue durant laquelle ils ont le droit d’y séjourner” (point 35).
-110-
Par ailleurs, elle rappelle que l’article 39 CE s’applique aux “ressortissants d’un État membre à
la recherche d’un emploi dans un autre État (...)” et que dans ces conditions, ceux-ci “bénéficient
du droit à l’égalité de traitement prévu au paragraphe 2 de cette disposition” 120 (Point 36).
Cependant, les juges communautaires reconnaissent que l’Etat peut subordonner l’attribution de
prestations de nature financière destinée à faciliter l’accès à l’emploi à la condition que le
demandeur établisse l’existence d’un lien réel avec le marché national du travail. Ils laissent par
ailleurs aux autorités nationales la faculté de déterminer les finalités et conditions d’octroi de ces
prestations.
En l’espèce, ils relèvent que l’octroi de la prestation en cause est subordonné à la condition que
l’intéressé soit en mesure d’exercer une activité professionnelle. Ils en déduisent qu’il s’agit là
d’un “indice que la prestation est destinée à faciliter l’accès à l’emploi” (point 43).
La Cour insiste sur la nécessité d’interpréter “la dérogation prévue à l’article 24, paragraphe 2,
de la directive 2004/38, conformément à l’article 39, paragraphe 2, CE” et elle explique que les
prestations financières de nature à faciliter l’accès à l’emploi ne peuvent être considérées comme
des prestations d’assistance sociale au sens de l’article 24 de la directive 2004/38/CE.
Sur ce point, elle dit pour droit (dispositif) : “1) En ce qui concerne le droit des ressortissants
des États membres qui cherchent un emploi dans un autre État membre, l’examen de la
première question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 24,
paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril
2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler
et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE)
n/ 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE,
75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE.”
- Concernant la deuxième question :
La Cour, eu égard à la réponse donnée à la première question, n’estime pas nécessaire de
répondre à la deuxième question.
- Concernant la troisième question :
La Cour formule différemment la question posée par la juridiction de renvoi et considère qu’il
“convient (...) de comprendre la question posée en ce sens que la juridiction de renvoi demande,
en substance, si l’article 12 CE s’oppose à une réglementation nationale qui exclut les
ressortissants des États membres du bénéfice de prestations d’assistance sociale, alors que
celui-ci est octroyé aux nationaux d’États tiers” (point 50).
Les juges de Luxembourg rappellent que “l’article 12, premier alinéa, CE interdit, dans le domaine
d’application du traité CE et sans préjudice des dispositions qu’il prévoit, toute discrimination en
raison de la nationalité” (point 51). Cependant, cet article trouve à s’appliquer lorsqu’un
“ressortissant d’un État membre subit un traitement discriminatoire par rapport aux nationaux d’un
autre État membre sur le seul fondement de sa nationalité” (point 52) et non lorsqu’il s’agit d’une
différence de traitement entre les ressortissants des États membres et ceux des États tiers.
La Cour dit pour droit que “l’article 12 CE ne s’oppose pas à une réglementation nationale
qui exclut les ressortissants des États membres du bénéfice de prestations d’assistance
sociale octroyées aux nationaux d’États tiers”. (point 53).
jjj
120 CJCE, Ioannidis, du 15 septembre 2005, C-258/04, Rec. p. I-8275, point 21.
-111-
CONCURRENCE
Inspecteur van de Belastingdienst c/ X BV
11 juin 2009
- C-429/07 « Politique de concurrence - Articles 81 CE et 82 CE - Article 15, paragraphe 3, du règlement (CE)
n/ 1/2003 - Observations écrites soumises par la Commission - Litige national relatif à la déductibilité
fiscale d’une amende infligée par une décision de la Commission »
T Faits :
En novembre 2002, la Commission européenne infligea des amendes de plusieurs millions à
différentes sociétés, en raison des infractions commises par elles à l’article 81 du Traité CE,
prohibant les ententes. Ces sanctions furent confirmées par plusieurs arrêts du Tribunal de
Première instance en date du 8 juillet 2008.121 Or, avant que ne soient rendus les arrêts du
Tribunal, l’une des sociétés concernées, dénommée X KG et établie en Allemagne, répercuta
partiellement l’amende qui lui avait été infligée au sein du groupe dont elle était la société mère,
et notamment sur l’une de ses filiales néerlandaises, X BV.
Le 13 mars 2004, l’administration fiscale néerlandaise adressa un avis d’imposition à X BV au
titre de l’impôt des sociétés pour l’exercice 2002. Celle-ci introduisit alors une réclamation contre
cet avis d’imposition, réclamation qui fut rejetée par l’administration fiscale. La société X BV
forma alors un recours devant les juridictions internes. Le tribunal fit droit à sa demande relative
à la déductibilité partielle du montant de l’amende, mais l’administration fiscale interjeta appel de
ce jugement.
C’est alors que la Commission européenne, avertie par voie de presse et par l’intermédiaire des
autorités nationales de concurrence, prit connaissance de l’affaire. Elle informa la juridiction de
renvoi de son souhait d’intervenir dans la procédure en tant qu’amicus curiae en vertu de l’article
15, paragraphe 3, du règlement n/ 1/2003/CE. Au cours de l’audience devant la juridiction
néerlandaise, les parties au principal ainsi que la Commission furent invitées à s’exprimer sur le
point de savoir si cet article autorisait la Commission, agissant d’office, à présenter des
observations écrites dans le cadre de la procédure pendante devant la juridiction nationale. La
juridiction de renvoi saisie du litige, décida de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice
une question préjudicielle.
T Question préjudicielle et droit communautaire en cause :
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 3, du
règlement (CE) n/ 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des
règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité CE.
L’article 15 du règlement n/ 1/2003/CE dispose :
« 3. Les autorités de concurrence des États membres, agissant d’office, peuvent soumettre des
observations écrites aux juridictions de leur État membre respectif au sujet de l’application de
l’article 81 ou 82 du traité. Avec l’autorisation de la juridiction en question, elles peuvent aussi
présenter des observations orales. Lorsque l’application cohérente de l’article 81 ou 82 du
121 TPICE, arrêts du 8 juillet 2008, Saint Gobain Gyproc Belgium c/ Commission, T-50/03, Knauf Gips c/ Commission, T52/03, BPB c/ Commission, T-53/03, et Lafarge c/ Commission, T-54/03.
-112-
traité l’exige, la Commission, agissant d’office, peut soumettre des observations écrites aux
juridictions des États membres. Avec l’autorisation de la juridiction en question, elle peut aussi
présenter des observations orales.
Afin de leur permettre de préparer leurs observations, et à cette fin uniquement, les autorités de
concurrence des États membres et la Commission peuvent solliciter la juridiction compétente de
l’État membre afin qu’elle leur transmette ou leur fasse transmettre tout document nécessaire à
l’appréciation de l’affaire »
Par la question préjudicielle posée à la Cour de Justice, la juridiction de renvoi désirait savoir si
l’article 15, paragraphe 3, du règlement n/ 1/2003/CE, autorisait la Commission à soumettre
d’office des observations écrites dans une procédure relative à la possibilité de déduire des
bénéfices fiscaux une amende que la Commission avait imposée à la société mère pour violation
du droit communautaire de la concurrence et que cette dernière avait partiellement répercutée
sur l’une de ses filiales.
T Décision :
Tout d’abord, la Cour rappelle qu’un mécanisme de coopération entre la Commission, les
autorités nationales et les juridictions des Etats membres a été instauré au chapitre IV du
règlement n/ 1/2003/CE. Il vise à garantir une application cohérente des règles de concurrence
entre les Etats membres. A cet égard, l’article 15 de ce règlement, intitulé « Coopération avec
les juridictions nationales », instaure un système d’échange d’informations réciproque entre la
Commission et les juridictions des Etats membres. En outre, une possibilité d’intervention de la
Commission et des autorités de concurrence des Etats membres dans les procédures pendantes
devant les juridictions nationales est prévue.
Les juges de Luxembourg procèdent ensuite à un examen plus attentif de cet article. Ils relèvent
notamment que le paragraphe 3 vise deux types différents d’intervention. D’une part,
l’intervention des autorités nationales de concurrence devant les juridictions de leur Etat membre
respectif au sujet de l’application de l’article 81 ou 82 CE, d’autre part, une possibilité
d’intervention de la Commission devant les juridictions des Etats membres lorsque l’application
cohérente de ces mêmes articles l’exige.
Dès lors, la Cour, après avoir constaté que les deuxième et quatrième phrases de cet alinéa sont
presque identiques, en déduit que la volonté du législateur est bien de séparer ces deux
hypothèses. Procédant à une interprétation littérale de cet article, elle remarque que cela conduit
à considérer que la faculté offerte à la Commission de soumettre d’office ses observations écrites
aux juridictions des Etats membres, est subordonnée à l’unique condition que l’application
cohérente de l’article 81 ou 82 CE l’exige. La Cour précise en outre que “Cette condition peut être
remplie même dans des cas où la procédure concernée ne se déroule pas au sujet de
l’application de l’article 81 ou 82 du traité” (point 30).
De façon à étayer leur analyse, les juges européens rappellent que le pouvoir de la Commission
d’infliger des amendes aux entreprises commettant des infractions aux dispositions des articles
81 ou 82, constitue l’un des moyens lui permettant d’accomplir la mission de surveillance que lui
confère le droit communautaire dans ce domaine. Or, si l’on dissociait le principe de l’interdiction
des pratiques anticoncurrentielles de celui des sanctions, cela aboutirait pour la Cour “à priver
d’effectivité l’action des autorités chargées de surveiller le respect de cette interdiction et de
sanctionner de telles pratiques” (point 36). Par conséquent, la Cour estime que l’effectivité des
sanctions infligées par les autorités de concurrence nationales ou communautaires est une
condition de l’application cohérente des articles 81 et 82 CE.
Or en l’espèce, la Cour de justice note que l’issue du litige, ayant trait à la déductibilité fiscale
d’une partie du montant des amendes infligée par la Commission, est susceptible de porter
-113-
atteinte à l’effectivité de la sanction imposée par celle-ci. Elle considère que “L’effectivité de la
décision de la Commission par laquelle elle a infligé une amende à une société pourrait en effet
être sensiblement réduite si la société concernée, ou du moins une société qui est liée à celle-ci,
était autorisée à déduire en tout ou en partie le montant de cette amende du montant de ses
bénéfices imposables, puisqu’une telle possibilité aurait pour effet de compenser partiellement
la charge de ladite amende par une réduction de la charge fiscale.” (Point 39).
Par ces motifs, la Cour dit pour droit (dispositif) : “L’article 15, paragraphe 3, premier alinéa,
troisième phrase, du règlement (CE) n/ 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à
la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, doit
être interprété en ce sens qu’il autorise la Commission des Communautés européennes
à soumettre d’office des observations écrites à une juridiction d’un État membre dans une
procédure relative à la possibilité de déduire des bénéfices imposables le montant d’une
amende ou une partie de celle-ci que la Commission a infligée pour la violation de l’article
81 CE ou 82 CE”.
jjj
T-Mobile Netherlands BV, KPN Mobile BV, Orange Nederland NV,
Vodafone Libertel NV c/ Raad van bestuur van de Nederlandse
Mededingingsautoriteit
4 juin 2009
- C-8/08 « Demande de décision préjudicielle - Article 81, paragraphe 1 , CE - Notion de ‘pratique concertée’ Lien de causalité entre la concertation et le comportement des entreprises sur le mar hé - Appréciation
selon les règles du droit national - Caractère suffisant d’une unique réunion ou nécessité d’une
concertation durable et régulière »
T Faits :
Le 13 juin 2001, une réunion a été organisée entre les cinq opérateurs de téléphonie mobiles
néerlandais, visant à réduire les rémunérations standard des revendeurs pour les abonnements
de téléphone. L’autorité néerlandaise de la concurrence (Raad van bestuur van de Nederlandse
Mededingingsautoriteit, ci après la « Nma »), par une décision du 30 décembre 2002, constata
que ces opérateurs avaient passé un accord entre eux ou avaient concerté leurs pratiques, ce
qui avaient eu pour effet de restreindre la concurrence ; en conséquence, elle leur infligea des
amendes.
Les entreprises sanctionnées introduisirent un recours à l’encontre de cette décision, mais la
« Nma » maintint les amendes infligées. La juridiction néerlandaise, saisie du litige, estima qu’elle
devait déterminer d’une part, si la communication d’informations sur les abonnements au cours
de la réunion du 13 juin 2001 avait eu pour objet de restreindre la concurrence et si la « Nma »
avait eu raison de ne pas examiner les effets de la pratique concertée, d’autre part, s’il existait
un lien de causalité entre cette concertation et le comportement sur le marché des opérateurs
concernés.
Doutant de l’interprétation à donner, la juridiction de renvoi décida de surseoir à statuer et posa
à la Cour de justice trois questions préjudicielles.
-114-
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
Les questions préjudicielles portent sur l’interprétation de l’article 81, paragraphe 1, du Traité CE.
L’article 81, § 1 du Traité instituant la Communauté Européenne dispose que :
« 1. Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes
décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles
d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, et notamment
ceux qui consistent à :
a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de
transaction ;
b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les
investissements ;
c) répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ;
d) appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des
prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;
e) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de
prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont
pas de lien avec l’objet de ces contrats ».
Plus précisément, la Cour de Luxembourg devait répondre aux trois questions suivantes :
«1) Aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, quels critères convient-il de retenir
pour apprécier si une pratique concertée a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le
jeu de la concurrence ?
2) L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens que, dans le cadre de l’application de cet article
par la juridiction nationale, la preuve du lien de causalité entre la concertation et le comportement
sur le marché doit être rapportée et appréciée conformément aux règles du droit national pourvu
que ces règles ne soient pas moins favorables que celles applicables à des recours similaires de
nature interne et qu’elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile
l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire ?
3) Aux fins de l’application de la notion de pratique concertée visée à l’article 81 CE, la présomption
du lien de causalité entre la concertation et le comportement sur le marché s’applique-t-elle
toujours, même si la concertation est restée isolée et que l’opérateur y ayant participé continue son
activité sur le marché, ou bien cette présomption ne s’applique-t-elle que lorsque la concertation
s’est prolongée de manière régulière et sur une longue période ? ».
T Décision :
- Sur la première question préjudicielle :
La Cour de Justice reprend sur ce point, les conclusions de l’Avocat général dans cette affaire.122
Elle rappelle que les critères dégagés par la jurisprudence afin d’apprécier si un comportement
a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sont
applicables qu’il s’agisse d’un accord, d’une décision ou d’une pratique concertée. La
jurisprudence a par ailleurs, déjà fourni un certain nombre de critères permettant d’apprécier le
caractère anticoncurrentiel d’une pratique concertée. A cet égard, elle redonne la définition de
celle-ci en précisant qu’une “telle pratique vise une forme de coordination entre entreprises qui,
sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue
sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence” 123 (point 26). En
122 Conclusions de l’Avocat général Mme Juliane Kokott, présentées le 19 février 2009, point 38.
123 CJCE, Suiker Unie e.a c/ Commission, du 16 décembre 1975, aff. 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et
114/73, Rec. p. 1663, point 26.
-115-
outre, afin d’apprécier le caractère anticoncurrentiel d’une pratique concertée, la Cour estime qu’il
“convient de s’attacher notamment aux buts objectifs qu’elle vise à atteindre ainsi qu’au contexte
économique et juridique dans lequel elle s’insère” 124 (point 27).
La Cour poursuit en évoquant l’absence de caractère cumulatif de l’objet et de l’effet
anticoncurrentiel. Il s’agit en effet de conditions alternatives et ce, en vertu d’une jurisprudence
constante125. Elle précise en effet qu’il convient d’abord de rechercher si la pratique a un objet
anticoncurrentiel. Si celle-ci ne révélait pas « un degré suffisant de nocivité » à l’égard de la
concurrence, il faudrait alors seulement se tourner vers les effets de la pratique afin de
déterminer si elle est susceptible d’empêcher, restreindre ou fausser de façon sensible le jeu de
la concurrence. Par conséquent, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de prendre en compte
les effets d’une pratique concertée dès lors que son objet est par lui-même anticoncurrentiel.
En second lieu, la Cour examine l’échange d’informations entre concurrents. Elle rappelle que
s’il n’est pas exclut qu’il puisse s’adapter “intelligemment au comportement constaté ou à
escompter de leurs concurrents”, l’exigence d’autonomie des opérateurs économiques s’oppose
“cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs
de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel,
soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur ce
marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci” (point 33).
Enfin les juges de Luxembourg se penchent sur la possibilité de considérer qu’une pratique
concertée ait un objet anticoncurrentiel bien que cette dernière n’ait pas de lien direct avec les
prix à la consommation. Ils relèvent que l’article 81, paragraphe 1 CE, ne permet pas de
considérer que seules les pratiques concertées ayant un effet direct sur le prix acquitté par les
consommateurs finaux, seraient interdites. En effet cet article vise “à protéger non pas
uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du
marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle” (point 38). Par conséquent, la constatation
de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une pratique concertée ne saurait être subordonnée
à celle d’un lien direct de celle-ci avec les prix à la consommation.
Sur ce point, la Cour dit pour droit : “Une pratique concertée a un objet anticoncurrentiel au
sens de l’article 81, paragraphe 1, CE lorsque, en raison de sa teneur ainsi que de sa
finalité et compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel elle s’insère, elle
est concrètement apte à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence au sein du
marché commun. Il n’est pas nécessaire que la concurrence soit réellement empêchée,
restreinte ou faussée ni qu’il existe un lien direct entre cette pratique concertée et les prix
à la consommation. L’échange d’informations entre concurrents poursuit un objet
anticoncurrentiel lorsqu’il est susceptible d’éliminer les incertitudes quant au
comportement envisagé par les entreprises concernées” (point 43).
- Sur la deuxième question préjudicielle :
Par cette question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si la présomption du lien de causalité
entre la concertation et le comportement sur le marché des entreprises y participant, s’impose
également aux autorités et aux tribunaux nationaux quand ils appliquent l’article 81 CE.
Sur ce point, l’argumentation de la Cour est relativement brève, elle relève tout d’abord que
l’article 81 du Traité CE, produit des effets directs dans les relations entre les particuliers et qu’il
engendre également des droits dans le chef des justiciables que les juridictions nationales
124 CJCE, IAZ International Belgium e.a. c/ Commission, du 8 novembre 1983, aff. 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et
110/82, Rec. p. 3369, point 25.
125 CJCE, LTM, du 30 juin 1966, aff. 56/65, Rec. p. 337, 359.
-116-
doivent sauvegarder. D’autre part, elle note que cette disposition est d’ordre public et, à cet
égard, doit être appliquée d’office par les juridictions nationales. Ainsi l’interprétation donnée par
la Cour de cet article est à la fois contraignante et partie intégrante du droit communautaire
applicable.
Sur ce point, la Cour dit pour droit : “Dans le cadre de l’examen du lien de causalité entre la
concertation et le comportement sur le marché des entreprises participant à celle-ci, lien
qui est exigé pour établir l’existence d’une pratique concertée au sens de l’article 81,
paragraphe 1, CE, le juge national est tenu, sous réserve de la preuve contraire qu’il
incombe à ces dernières de rapporter, d’appliquer la présomption de causalité énoncée
par la jurisprudence de la Cour et selon laquelle lesdites entreprises, lorsqu’elles
demeurent actives sur ce marché, tiennent compte des informations échangées avec leurs
concurrents.”
- Sur la troisième question préjudicielle :
Il s’agit ici de savoir si la présomption du lien de causalité entre la concertation et le
comportement des entreprises concernées s’appliquait même dans l’hypothèse où il n’y aurait
eu qu’une seule réunion entre les entreprises en cause.
Sur ce point, les parties au litige s’opposaient. Les opérateurs de téléphonie mobile estimaient
qu’une seule réunion n’était pas suffisante, tandis que le gouvernement néerlandais et la
Commission estimaient que la présomption de causalité ne dépendait pas du nombre des
réunions ayant constitué la base de la concertation.
La Cour réitère la position adoptée dans sa jurisprudence antérieure.126 Elle considère qu’il “n’est
pas exclu que, selon la structure du marché, une seule prise de contact, telle que celle en cause
dans le litige au principal, puisse, en principe, suffire pour que les entreprises concernées
concertent leur comportement sur le marché et aboutissent ainsi à une coopération pratique se
substituant à la concurrence et aux risques que celle-ci implique” (point 59). Elle estime en
particulier que si “la concertation est ponctuelle et vise une harmonisation unique du
comportement sur le marché concernant un paramètre isolé de la concurrence, une seule prise
de contact pourra suffire pour réaliser la finalité anticoncurrentielle recherchée par les entreprises
concernées” (point 60).
Pour les juges européens, ce qui importe, n’est pas tant le nombre de réunions entre les
entreprises concernées, mais de savoir si le ou les contacts ont permis de tenir compte des
informations échangées avec les concurrents afin de déterminer le comportement de ces
entreprises sur le marché concerné, et ainsi de substituer sciemment une coopération pratique
entre elles aux risques de la concurrence.
Sur ce troisième point, la Cour dit pour droit : “Pour autant que l’entreprise participant à
la concertation demeure active sur le marché considéré, la présomption du lien de
causalité entre la concertation et le comportement de cette entreprise sur ce marché est
applicable même si la concertation n’est fondée que sur une seule réunion des entreprises
concernées.” (point 62).
jjj
126 CJCE, Commission c/ Anic Partecipazioni, 8 juillet 1999, C-49/92 P, Rec. p. I 4125, point 121, et Huls c/ Commission, 8
juillet 1999, C-199/92 P, Rec. p. I- 4287, point 162.
-117-
DROIT INSTITUTIONNEL
Commission c/ Grèce
4 juin 2009
- C-109/08 « Manquement d’État - Articles 28 CE, 43 CE et 49 CE - Directive 98/34/CE - Normes et
réglementations techniques - Réglementation nationale applicable aux jeux électriques,
électromécaniques et électroniques pour ordinateurs - Arrêt de la Cour constatant l’existence d’un
manquement - Inexécution - Article 228 CE - Sanctions pécuniaires »
T Faits :
Le 26 octobre 2006, la République hellénique a été condamnée pour manquement par la Cour
de Luxembourg. Cette condamnation faisait suite à la demande faite par la Commission de
constater que la République hellénique avait manqué aux obligations lui incombant en vertu des
articles 28, 43 et 49 CE ainsi que de l’article 8 de la directive 98/34/CE du Parlement européen
et du Conseil, du 22 juin 1998, telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement
européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 relative à la procédure d’information dans le domaine
des normes techniques.
Etait en cause, l’introduction dans les articles 2, paragraphe 1, 3, second alinéa, 4 et 5 de la loi
n/ 3037/2002 de l’interdiction, sous peine de sanctions pénales ou administratives, d’installer et
d’exploiter tous les jeux électriques, électromécaniques et électroniques, y compris les jeux
techniques récréatifs et tous les jeux pour ordinateurs, dans tous les lieux publics ou privés, à
l’exception des casinos.
La Cour avait constaté que la loi n/ 3037/2002 constituait une mesure d’effet équivalent à une
restriction quantitative au sens de l’article 28 CE.
Interrogée par la Commission sur l’état d’exécution de l’arrêt constatant son manquement, la
République hellénique n’a fourni aucune information concrète concernant la modification de la
législation nationale en cause. En application de l’article 228 CE, le 23 mars 2007, la Commission
adressa à cet Etat une lettre de mise en demeure. Les autorités grecques n’y répondirent pas
et la Commission leur adressa, le 29 juin 2007, un avis motivé les invitant à prendre, dans un
délai de deux mois à compter de la réception de l’avis, les mesures nécessaires pour assurer
l’exécution de l’arrêt.
La Grèce n’ayant pas répondu, la Commission a introduit le présent recours devant la Cour de
justice.
T Droit communautaire en cause :
L’article 28 CE prévoit l’interdiction des restrictions quantitatives à l’importation et des mesures
d’effet équivalent. Les articles 43 et 49 CE prévoient l’interdiction des restrictions à la liberté
d’établissement et à la libre prestation de services. Enfin, l’article 8 paragraphe 1 de la directive
98/34/CE impose aux Etats membres de communiquer immédiatement à la Commission tout
projet de règle technique ainsi que les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle
est nécessaire.
-118-
La Commission demande à la Cour de :
« - constater qu’en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour exécuter l’arrêt du 26
octobre 2006 127, la République hellénique a manqué à ses obligations lui incombant en vertu des
articles 28 CE, 43 CE et 49 CE ainsi que de l’article 8 de la directive 98/34/CE du Parlement
européen et du Conseil, du 22 juin 1998 128, telle que modifiée par la directive 98/48/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 129 (ci-après la directive 98/34) ;
- condamner la République hellénique à lui payer une astreinte d’un montant de 31 798,80 euros
par jour de retard dans l’exécution de l’arrêt précité, et ce à compter du jour du prononcé de l’arrêt
dans la présente affaire et jusqu’au jour de l’exécution du dit arrêt ;
- condamner la République hellénique à lui payer une somme forfaitaire d’un montant de 9 636
euros par jour à compter du 26 octobre 2006, et ce jusqu’à la date du prononcé de l’arrêt dans la
présente affaire ou jusqu’au jour de l’exécution de l’arrêt Commission c. Grèce, précité, si celle-ci
intervient avant cette date, et de condamner la République hellénique aux dépens. »
T Décision :
- Concernant l’astreinte :
La Cour constate que la République hellénique ne s’est pas conformée à l’arrêt Commission c.
Grèce précité et rappelle qu’elle peut infliger à cet État membre le paiement d’une somme
forfaitaire ou d’une astreinte.130
Elle indique ensuite qu’elle ne saurait être liée par les propositions faites par la Commission,
celles-ci étant seulement constitutives d’une « base de référence utile ». 131 Les juges de
Luxembourg rappellent également que “la condamnation au paiement d’une astreinte et/ou d’une
somme forfaitaire vise à exercer sur un État membre défaillant une contrainte économique qui
l’incite à mettre fin au manquement constaté. Les sanctions pécuniaires infligées doivent donc
être arrêtées en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l’État membre en cause
modifie son comportement”.132 (Point 28).
Ils relèvent ensuite qu’au cours de l’audience du 29 janvier 2009, l’agent de la République
hellénique a confirmé qu’aucune disposition législative mettant fin au manquement constaté
n’avait à ce jour été adoptée (point 29). Ainsi, notant que le manquement allégué perdurait, les
juges communautaires affirment que “la condamnation de la République hellénique au paiement
d’une astreinte (...) constitue un moyen adapté d’inciter cet État membre à prendre les mesures
nécessaires pour assurer l’exécution de l’arrêt Commission c. Grèce” (point 30).
Concernant la gravité de l’infraction, et en particulier les conséquences du défaut d’exécution de
l’arrêt Commission c. Grèce, la Cour estime il y a lieu de constater que l’interdiction prévue par
la législation nationale en cause, “viole les principes de libre circulation des marchandises, de
libre prestation des services et de liberté d’établissement tels qu’ils résultent des articles 28 CE
ainsi que 43 CE et 49 CE” (point 33).
127 CJCE, Commission c/ Grèce, du 26 octobre 2006, C-65/05, Rec. p. I-10341.
128 JO L 204, p. 37.
129 JO L 217, p. 18.
130 Article 228, paragraphe 2, troisième alinéa, CE.
131 CJCE, Commission c/ Espagne, du 25 novembre 2003, C-278/01, Rec. p. I-14141, point 41.
132 CJCE, Commission c/ France, du 12 juillet 2005, C- 304/02, point 91; CJCE, Commission c. France, 14 mars 2006, C177/04, points 59 et 60.
-119-
Elle souligne, comme elle l’avait fait dans l’arrêt précédant, que cette réglementation nationale
a entraîné une diminution du volume des importations de jeux en provenance d’autres États
membres et a abouti à une cessation de ces importations dès l’instauration de ladite
interdiction.133 De plus, elle relève que cette législation empêche les opérateurs économiques
d’autres États membres de fournir leurs services, voire de s’établir à cette fin en Grèce (point 34).
Par ailleurs, les juges européens constatent que le gouvernement grec n’a pris aucune mesure
pour suspendre l’application de cette réglementation et a ainsi exposé des opérateurs
économiques à des condamnations à des peines privatives de liberté et des sanctions
pécuniaires. Ils estiment donc “urgent que la République hellénique modifie cette législation”
(point 35).
Il est, selon les juges de Luxembourg, important de noter que le manquement constaté repose
sur l’absence de notification des règles techniques prévue à l’article 8 de la directive 98/34/CE.
En effet, “le respect de cette obligation spécifique constituait une condition nécessaire afin de
réaliser pleinement l’objectif de cette directive tel que défini dans ses deuxième et troisième
considérants visant à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur” (point 36).
Ils rappellent avoir déjà admis que “les raisons impérieuses d’intérêt général invoquées par la
République hellénique étaient susceptibles de justifier l’entrave à la libre circulation des
marchandises constatée dans cette affaire”. Cependant, l’interdiction desdits jeux dans tous les
lieux publics ou privés, à l’exception des casinos, constitue “une mesure disproportionnée au
regard de l’objectif poursuivi” (Point 37).
Au vu de ces différents éléments, la juridiction européenne décide qu’il convient de fixer le
coefficient destiné à rendre compte de la gravité du manquement à 8.
La Cour s’attarde ensuite sur la question de la durée de l’infraction en réaffirmant que “celle-ci
doit être évaluée en ayant égard au moment auquel la Cour apprécie les faits dans le cadre de
la procédure introduite sur le fondement de l’article 228 CE, et non pas à celui où elle est saisie
par la Commission” 134 (Point 39). Elle relève que le manquement de la Grèce à son obligation
dure depuis plus de deux ans et décide qu’un coefficient de 1,5 est approprié pour rendre compte
de la durée de l’infraction.
- Concernant la somme forfaitaire :
La Cour rappelle que “S’agissant de l’imposition d’une somme forfaitaire, celle-ci doit, dans
chaque cas d’espèce, être décidée en fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait
tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre
concerné par la procédure initiée sur le fondement de l’article 228 CE” 135 (Point 51).
Elle décide que “eu égard à la persistance du manquement pendant une longue période depuis
l’arrêt qui l’a initialement constaté, aux intérêts publics et privés mis en cause, à l’absence de
décision de suspension d’application de la législation concernée permettant d’éviter la mise en
œuvre de poursuites pénales et à l’absence d’un début d’exécution tangible de cet arrêt, la
condamnation au paiement d’une somme forfaitaire s’impose” (point 53).
La Cour dit pour droit (dispositif) : “1) En ne modifiant pas les articles 2, paragraphe 1, et 3
de la loi 3037/2002, établissant une interdiction, sous peine de sanctions pénales ou
administratives prévues aux articles 4 et 5 de la même loi, d’installer et d’exploiter tous
133 CJCE, Commission c/ Grèce, précité, points 29, 30, 51 et 55.
134 CJCE, Commission c/ Portugal, du 10 janvier 2008, C-70/06, Rec. p. I-1, point 45.
135 CJCE, Commission c/ France, du 9 décembre 2008, C-121/07, point 62. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 22
(novembre-décembre 2008).
-120-
les jeux électriques, électromécaniques et électroniques, y compris tous les jeux pour
ordinateurs, dans tous les lieux publics ou privés, à l’exception des casinos,
conformément aux articles 28 CE, 43 CE et 49 CE ainsi qu’à l’article 8 de la directive
98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure
d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles
relatives aux services de la société de l’information, telle que modifiée par la directive
98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998, la République hellénique
n’a pas mis en œuvre toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 26
octobre 2006, et a manqué de ce fait aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article
228 CE.
2) La République hellénique est condamnée à payer à la Commission des Communautés
européennes (...) une astreinte de 31 536 euros par jour de retard dans la mise en œuvre
des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission c. Grèce, précité, à
compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution dudit arrêt Commission c.
Grèce.
3) La République hellénique est condamnée à payer à la Commission des Communautés
européennes (...) une somme forfaitaire de trois millions d’euros.
4) La République hellénique est condamnée aux dépens.”
jjj
-121-
ENVIRONNEMENT ET CONSOMMATEURS
Moteurs Leroy Somer c/ Dalkia France, Ace Europe
4 juin 2009
- C-285/08 « Responsabilité du fait des produits défectueux - Directive 85/374/CEE - Champ d’application Dommage causé à une chose destinée à un usage professionnel et utilisée pour cet usage - Régime
national permettant à la victime de demander réparation d’un tel dommage, dès lors qu’elle rapporte
seulement la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité - Compatibilité »
T Faits :
Un groupe électrogène prit feu dans un hôpital, à la suite de l’échauffement de l’alternateur
fabriqué par la société Moteurs Leroy Sommer. La société Dalkia chargée de la maintenance de
cette installation et son assureur, Ace Europe, assurèrent la réparation des dommages matériels
causés puis, étant subrogés dans les droits de l’hôpital, ils assignèrent Moteurs Leroy Somer afin
d’obtenir le remboursement des sommes qu’ils avaient versées.
La cour d’appel de Lyon, par un arrêt du 7 décembre 2006, constata que l’entreprise Moteurs
Leroy Somer était bien tenue à une obligation de sécurité et la condamna au paiement de
sommes au titre des dommages matériels.
La société Moteurs Leroy Somer forma alors un pourvoi en cassation. Elle invoquait le fait que
l’obligation de sécurité pesant sur le vendeur professionnel ne couvrait pas les dommages
causés aux objets destinés à un usage professionnel et utilisés par la victime pour son usage
professionnel.
Estimant nécessaire d’interpréter la directive 85/374 pour pouvoir statuer, la Cour de cassation
décida de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour de Luxembourg.
T Question préjudicielle et droit communautaire en cause :
La question préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 9 et 13 de la directive 85/374/CEE
du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives,
réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des
produits défectueux.
L’article 9 de la directive 85/374 prévoit :
« Au sens de l’article 1er, le terme “dommage” désigne :
a) le dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles ;
b) le dommage causé à une chose ou la destruction d’une chose, autre que le produit
défectueux lui-même, sous déduction d’une franchise de 500 [euros], à condition que cette
chose :
i) soit d’un type normalement destiné à l’usage ou à la consommation privés
et
ii) ait été utilisée par la victime principalement pour son usage ou sa
consommation privés.
Le présent article ne porte pas préjudice aux dispositions nationales relatives aux dommages
immatériels ».
-122-
L’article 13 de cette même directive dispose :
« La présente directive ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d’un dommage peut se
prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d’un
régime spécial de responsabilité existant au moment de la notification de la présente directive ? ».
La Cour de Justice devait répondre à la question suivante :
« Les articles 9 et 13 de la directive [85/374] s’opposent-ils à l’interprétation d’un droit national ou
d’une jurisprudence interne établie telle qu’elle permette à la victime de demander réparation du
dommage causé à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage, dès lors
que cette victime rapporte seulement la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de
causalité entre ce défaut et le dommage ? ».
T Décision :
Le raisonnement de la Cour de justice dans cet arrêt est relativement bref. Elle relève tout
d’abord que le dommage causé à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet
usage ne relève pas du terme « dommage » tel qu’il est défini par la directive 85/374/CEE. En
effet, l’article 9 de la directive assimile le dommage à celui, causé à une chose « destinée à
l’usage ou à la consommation privée, ou utilisée par la victime principalement pour son usage
ou sa consommation privée ». Dès lors, les juges de Luxembourg ne peuvent que constater que
la responsabilité du producteur ne saurait être engagée en vertu de cette directive pour un
dommage causé à une chose destinée à un usage professionnel.
Or, la Société Moteurs Leroy Somer estimait que, la directive ne soumettant pas au régime de
responsabilité qu’elle instaure, les dommages causés à une chose destinée à un usage
professionnel et utilisée pour cet usage, les Etats membres ne pouvaient pas prévoir pour ces
dommages un régime de responsabilité reposant sur les mêmes fondements que ceux de la
directive (à savoir rapporter la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité).
La Cour de justice considère que la marge d’appréciation dont disposent les Etats membres pour
réglementer la responsabilité du fait des produits défectueux est entièrement déterminée par
cette directive. Il s’agit en effet d’une directive d’harmonisation totale pour les points qu’elle
entend réglementer. Elle précise toutefois avoir déjà jugé que le régime mis en place par cette
directive, n’exclut pas l’application d’autres régimes de responsabilité contractuelle ou
extracontractuelle, dès lors que ceux-ci reposent sur des fondements différents, tels que la
garantie des vices cachés ou la faute.136
Les juges luxembourgeois notent également que la directive 85/374/CEE “n’a, (...) ainsi qu’il
ressort de son dix-huitième considérant, pas vocation à harmoniser de manière exhaustive le
domaine de la responsabilité du fait des produits défectueux au-delà desdits points” (point 25).
A cet égard, ils constatent que le régime français en cause ne relève pas du champ d’application
de la directive 85/374/CEE, puisque la réparation des dommages causés à une chose destinée
à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne sont pas des points réglementés par la
directive.
La Cour de Justice ne partage donc pas la thèse de la société Moteurs Leroy Somer. Elle affirme
que “l’harmonisation opérée par la directive 85/374 ne couvrant pas la réparation des dommages
causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage, cette directive
n’empêche pas un État membre de prévoir à cet égard un régime de responsabilité
correspondant à celui instauré par ladite directive”.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : “La directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985,
relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives
136 CJCE, Skov et Bilka, du 10 janvier 2006, C- 402/03, Rec. p. I -99, points 22, 23 et 47. Cet arrêt est résumé dans la veille
bimestrielle n/ 8 (janvier-février 2006).
-123-
des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, doit être
interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à l’interprétation d’un droit national ou à
l’application d’une jurisprudence interne établie selon lesquelles la victime peut demander
réparation du dommage causé à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée
pour cet usage, dès lors que cette victime rapporte seulement la preuve du dommage, du
défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage.”
jjj
-124-
ESPACE DE LIBERTÉ DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE
Roda Golf & Beach Resort 137
25 juin 2009
- C-14/08 « Coopération judiciaire en matière civile - Renvoi préjudiciel - Compétence de la Cour - Notion de
“litige” - Règlement (CE) n/ 1348/2000 - Signification et notification des actes extrajudiciaires e dehors
d’une procédure judiciaire - Acte notarié »
T Faits :
Afin de notifier à des destinataires domiciliés au Royaume-Uni et en Irlande la résolution
unilatérale du contrat de vente de biens immobiliers qu’elle avait conclu, la société Roda Golf &
Beach Resort SL (ci-après «Roda Golf»), dont le siège est à San Javier (Espagne), passa devant
un notaire un acte de notification et de mise en demeure nécessitant l’intervention du greffier,
autorité compétente au sens du règlement n/ 1348/2000/CE. Cependant, la transmission de ces
lettres de résolution n’avait aucun lien avec une procédure judiciaire en cours et le greffier de la
juridiction de renvoi refusa de transmettre l’acte au motif que sa notification n’entrait pas dans
le cadre d’une procédure judiciaire et ne relevait donc pas du champ d’application du règlement
n/ 1348/2000/CE.
Roda Golf forma un recours contre cette décision, en faisant valoir que les actes extrajudiciaires,
en application du règlement, peuvent être notifiés en dehors de toute procédure judiciaire.
La juridiction de renvoi ayant des doutes sur l’interprétation du règlement n/ 1348/2000/CE relatif
à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et
extrajudiciaires en matière civile et commerciale décida de poser deux questions préjudicielles
à la Cour de justice.
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
La Cour est saisie des deux questions suivantes :
« 1. La notification d’actes strictement extrajudiciaires relève-t-elle du champ d’application du
règlement (CE) n/ 1348/2000 du Conseil lorsqu’elle est effectuée entre personnes privées utilisant
les moyens matériels et personnels des juridictions de l’Union européenne et la réglementation
européenne sans engager aucune procédure judiciaire ?
2. Le champ d’application du règlement (CE) n/ 1348/2000 couvre-t-il exclusivement la coopération
judiciaire entre États membres dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours [articles 61, sous
c), 67, paragraphe 1 et 65 CE et sixième considérant du règlement n/ 1348/2000] ? »
En substance, la juridiction de renvoi demande donc à la Cour si la signification et la notification
d’actes extrajudiciaires en dehors d’une procédure judiciaire, lorsqu’elle est effectuée entre
personnes privées, relèvent du champ d’application du règlement n/ 1348/2000.
- Le titre IV du traité CE habilite des institutions à mettre en œuvre des politiques liées à la libre
circulation des personnes.
137 Les conclusions de l’Avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 5 mars 2009, ont été résumées dans la veille
bimestrielle de droit européen, n/ 24 (mars-avril 2009).
-125-
Plus précisément, l’article 65 dispose que :
« les mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une
incidence transfrontière, qui doivent être prises conformément à l’article 67 et dans la mesure
nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur, visent entre autres à :
a) améliorer et simplifier :
- le système de signification et de notification transfrontière des actes judiciaires
et extrajudiciaires ; […]. »
- Le règlement (CE) n/ 1348/2000 régit la signification et la notification dans les États membres
des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale. Les considérants n/ 2
et n/ 6 du règlement prévoient notamment que :
«[l]e bon fonctionnement du marché intérieur exige d’améliorer et d’accélérer la transmission entre
les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale» en
vue de leur signification ou de leur notification. Cette exigence requiert que la transmission de ces
actes soit «effectuée directement et par des moyens rapides entre les entités locales désignées
par les États membres ».
Toutefois il est utile de relever que le règlement (CE) n/ 1348/2000 ne définit pas les documents
extrajudiciaires et ne les dote d’aucun régime spécifique pour leur signification et leur notification.
Une seule disposition leur est toutefois consacrée, à savoir l’article 16 qui dispose :
« Les actes extrajudiciaires peuvent être transmis aux fins de signification ou de notification dans
un autre État membre conformément aux dispositions du présent règlement ».
Enfin, en application de l’article 17, sous b), du règlement (CE) n/ 1348/2000, la Commission a
adopté le 25 septembre 2001 une décision établissant un manuel d’entités requises et un
répertoire des actes susceptibles d’être notifiés ou signifiés, dont l’annexe II contient le répertoire
d’actes.
Ce répertoire, purement indicatif et non exhaustif, précise néanmoins s’agissant de l’Espagne :
« [q]uant aux actes extrajudiciaires, susceptibles d’être signifiés, il s’agit des documents non
judiciaires émanant d’une autorité publique compétente pour procéder à des significations en vertu
de la loi espagnole ».
T Décision :
- Sur les deux exceptions d’incompétence soulevées par la Commission :
- Celle-ci soutient que la décision que le juge de renvoi est amené à rendre est une décision
définitive susceptible de faire l’objet d’un appel selon le droit espagnol.
Ainsi, le renvoi préjudiciel serait irrecevable car selon l’article 68 CE “seules les juridictions
nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours peuvent interroger la Cour à
titre préjudiciel dans le cadre du titre IV de la troisième partie du traité CE” (point 24).
En l’espèce, les questions posées portent sur l’interprétation du règlement (CE) n/ 1348/2000
adopté sur la base de dispositions figurant au titre IV de la troisième partie du traité CE. L’article
68 CE doit donc être applicable. Ainsi, seule une juridiction nationale dont les décisions ne sont
pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne peut poser une question préjudicielle
en interprétation à la Cour de justice.
Or, en droit espagnol, une décision telle que celle au principal agite la jurisprudence et déchaîne
la doctrine, et la question de savoir si cette décision est susceptible de recours ou non en droit
espagnol reste en suspend. La Cour de justice rappelle qu’il ne lui appartient pas de trancher
cette controverse mais mentionne le fait que le juge de renvoi lui a précisé dans sa demande que
la décision qu’il rendra “interviendra en dernière instance” (point 29). La première exception
d’incompétence doit dès lors être écartée.
- La Commission soulève une seconde exception d’incompétence en soutenant que la juridiction
de renvoi est saisie non pas d’un litige, mais d’un “dossier non judiciaire” (point 31). Agissant en
-126-
qualité d’autorité administrative, le juge n’exerce pas, selon la Commission, de fonctions
juridictionnelles ce qui le prive de son pouvoir d’interroger la Cour de justice.
Pour les juges de Luxembourg, il ressort du dossier que “les questions préjudicielles ont été
posées à l’occasion d’un recours en rétractation formé à l’encontre du refus d’un greffier de faire
notifier l’acte en cause” où seule la partie à la procédure est requérante (point 32).
Ils précisent que la saisine de la Cour, en vertu de l’article 234 CE, n’est pas subordonnée au
caractère contradictoire de la procédure au cours de laquelle le juge national formule une
question préjudicielle 138 . De plus, les juridictions nationales ne peuvent saisir la Cour de justice,
en vertu de l’article 234 CE, que “si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées
à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère
juridictionnel” 139 (point 34). Ainsi, une juridiction de renvoi ne peut exercer une fonction
juridictionnelle lorsqu’elle fait acte d’autorité administrative sans qu’elle soit en même temps
appelée à trancher un litige.
Cependant, les juges luxembourgeois considèrent que “si le greffier saisi d’une demande de
signification ou de notification d’actes judiciaires ou extrajudiciaires en application du règlement
n/ 1348/2000 peut être considéré comme faisant acte d’autorité administrative sans qu’il soit en
même temps appelé à trancher le litige”, le juge statuant sur le recours formé à l’encontre du
refus du greffier n’est pas considéré comme exerçant un tel acte (point 37). L’objet d’un tel
recours est en effet l’annulation du refus lésant le droit du demandeur de faire signifier son acte
par les voies du règlement. Par conséquent, ils estiment que le juge de renvoi qui a posé les
questions préjudicielles est saisi d’un litige et qu’il exerce donc bien une fonction juridictionnelle
lui permettant de saisir la Cour conformément à la procédure de l’article 234 CE.
La seconde exception d’incompétence soulevée par la Commission doit donc également être
écartée.
- Sur le fond :
La Cour de justice rappelle “qu’il convient d’examiner ensemble [...] si la signification et la
notification d’actes extrajudiciaires en dehors d’une procédure judiciaire, lorsqu’elle est effectuée
entre personnes privées, relèvent du champ d’application dudit règlement” (point 43).
A titre liminaire, les juges de Luxembourg précisent qu’il convient de déterminer le régime de
notion d’ « acte extrajudiciaire », à savoir s’il s’agit d’une notion de droit communautaire ou si au
contraire elle relève du droit national.
Les gouvernements de sept Etats membres font valoir que cette notion doit être déterminée en
fonction du droit national de chaque Etat membre. Ils basent leurs observations sur l’article 17
sous b) du règlement n/ 1348/2000/CE qui prévoit l’établissement d’un répertoire des actes
susceptibles d’être signifiés ou notifiés et précisent que le contenu de ces actes varie selon les
Etats membres.
La Cour rappelle l’objet de ce règlement qui vise à “améliorer et accélérer la transmission entre
les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale aux
fins de signification ou de notification”, tout en précisant que la notion d’« acte extrajudiciaire »
ne bénéficie pas d’une définition précise (point 46).
L’article 17 sous b) confie à la Commission le soin de procéder, avec le concours des Etats
membres, à l’établissement d’un répertoire mentionnant les actes susceptibles d’être signifiés
ou notifiés. Cependant, en l’absence de ce répertoire, la notion d’ « acte extrajudiciaire » au sens
du règlement (CE) n/1348/2000 “doit être considéré comme une notion de droit communautaire”
(point 47).
Pour opérer cette qualification, la Cour se réfère à l’objectif du traité d’Amsterdam de créer un
espace de liberté, de sécurité et de justice qui a permis à la Communauté de prendre des
mesures en matière de coopération judiciaire en matière civile. De plus, le choix d’édicter un
138 CJCE, Corsica Ferries, du 17 mai 1994, C-18/93, point 12.
139 CJCE, Borker, du 18 juin 1980, aff. 138/80, point 4 ; CJCE, Salzmann, du 14 juin 2001, C-178/99, point 14.
-127-
règlement et non une directive démontre bien la volonté de la Communauté d’agir directement
et de façon uniforme dans ce domaine.
Sur le champ d’application du règlement n/ 1348/2000/CE, certains gouvernements soutiennent
que pour être considéré comme un acte extrajudiciaire, un document doit avoir un lien concret
avec une procédure judiciaire en cours ou avec l’introduction d’une telle procédure (point 51).
Selon les juges communautaires, ce règlement ayant pour base juridique l’article 61 sous c) CE,
a pour but d’ “améliorer et de simplifier le système de signification et de notification
transfrontalière des actes judiciaires et extrajudiciaires dans la mesure nécessaire au bon
fonctionnement du marché intérieur” (point 53). Ce souci de bon fonctionnement du marché
intérieur se retrouve également dans les considérants du règlement ainsi que dans les
dispositions de l’article 65 CE. Ainsi, “compte tenu de cette finalité, la coopération judiciaire visée
par cet article et ce règlement ne saurait être circonscrite aux seules procédures judiciaires”.
Cette coopération doit donc être étendue au delà de telles procédures afin d’assurer un bon
fonctionnement du marché intérieur (point 56).
La Cour précise que l’acte en cause a été établi par un notaire en vue de la transmission au
greffier de la juridiction de renvoi aux fins de sa notification. Or, un acte notarié constitue, selon
l’article 16 du règlement, un acte extrajudiciaire.
Sur les préoccupations développées par certains gouvernements du fait “qu’une conception large
de la notion d’acte extrajudiciaire imposerait une charge excessive eu égard aux ressource des
juridictions nationales”, les juges du plateau de Kirchberg répondent que les obligations en
matière de signification et de notification découlant du règlement n/ 1348/2000 n’incombent pas
nécessairement aux juridictions nationales. En effet, en vertu du texte communautaire, des «
officiers ministériels, des autorités, ou d’autres personnes » pourraient exercer ces missions.
De plus, ils précisent qu’il existe d’autres voies de notification et de signification que celles
passant par l’intermédiaire des entités d’origine et des entités requises. En effet, l’article 14 du
règlement “autorise les Etats membres à prévoir la faculté de procéder directement par la poste
à la signification ou à la notification aux personnes résidant dans un autre État membre”. De
même l’article 15 de ce règlement ne s’oppose pas “à la signification ou à la notification directe
par les soins des officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétentes de l’État
membre requis”. Force est de constater que ces deux dispositions s’appliquent également aux
actes extrajudiciaires.
Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “La signification et la notification,
en dehors d’une procédure judiciaire, d’un acte notarié tel que celui en cause au principal
relèvent du champ d’application du règlement (CE) n/ 1348/2000 du Conseil, du 29 mai
2002, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes
judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale”.
jjj
Renate Ilsinger c/ Martin Dreschers
14 mai 2009
- C-180/06 « Compétence judiciaire en matière civile - Règlement (CE) n/ 44/2001 - Compétence en matière de
contrats conclus par les consommateurs - Droit pour le consommateur destinataire d’une publicité
trompeuse de revendiquer en justice le prix apparemment gagné - Qualification - Action de nature
contractuelle visée à l’article 15, paragraphe 1, sous c), dudit règlement - Conditions »
T Faits :
Une ressortissante autrichienne reçut un courrier d’une société de vente par correspondance de
droit allemand établie à Aachen (Allemagne), lui laissant croire qu’elle avait gagné un prix de
20 000 euros. Afin d’obtenir le paiement de ce gain, elle retourna un coupon réponse et dans
-128-
le même temps passa une commande à titre d’essai. N’ayant toujours pas reçu après quatre
mois, le paiement de cette somme, elle saisit la juridiction située dans le ressort de son domicile.
La société défenderesse souleva une exception d’incompétence de la juridiction en question,
faisant valoir notamment que les articles 15 et 16 du règlement n/ 44/2001/CE n’étaient pas
applicables, car ceux-ci présupposaient l’existence d’un contrat conclu à titre onéreux, lequel
ferait défaut en l’espèce. La société soutenait en outre que la participation au jeu n’était pas
subordonnée à la passation d’une commande ; elle estimait d’ailleurs que la requérante n’en
n’avait passée aucune et que celle-ci ne pouvait donc bénéficier de la protection due aux
consommateurs. La juridiction saisie en appel, décida de surseoir à statuer et posa deux
questions préjudicielles à la Cour de Luxembourg.
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
Les questions préjudicielles traitées ensemble portent sur l’interprétation de l’article 15,
paragraphe 1, sous c) du règlement (CE) n/ 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la
reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
Précisément, à la Cour est posée la question de savoir si les règles de compétences du
règlement Bruxelles I doivent être interprétées en ce sens que l’action par laquelle un
consommateur cherche à faire condamner une société de vente par correspondance à la remise
d’un prix apparemment gagné par lui, sans que l’attribution de ce prix dépende d’une commande
de produits offerts à la vente par cette société, est de nature contractuelle au sens de l’article 15,
paragraphe 1, sous c), du règlement, le cas échéant à la condition que le consommateur ait
néanmoins passé une telle commande.
L’article 15 du règlement dispose que :
« En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être
considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la
présente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5, point 5 :
a) lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels ;
b) lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au
financement d’une vente de tels objets ;
c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce
des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel
le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État
membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le
cadre de ces activités. ».
T Décision :
La Cour affirme que ses interprétations jurisprudentielles de la Convention de Bruxelles,
remplacée par le règlement Bruxelles I, valent également pour ce dernier. Il en résulte que
l’article 15 du règlement (tout comme l’ancien article 13 de la Convention) vise à protéger la
partie faible. A cet égard, elle rappelle avoir déjà jugé que cet article s’appliquait à l’action par
laquelle le consommateur, contacté à son domicile par courrier d’un vendeur professionnel afin
de susciter une commande, revendique en justice la remise d’un prix gagné en apparence.140
Dans cet arrêt Gabriel, elle a notamment constaté l’existence d’un contrat conclu par le
consommateur, du fait de l’accord de volonté des deux parties, accord symbolisé par l’offre faite
par l’entreprise de vente par correspondance et son acceptation par le consommateur lors de sa
commande. En outre, la Cour dans ce même arrêt, a estimé que la promesse de gain était «
indissociablement liée » à la commande de marchandises et partant à la conclusion d’un contrat
à titre onéreux. Par conséquent, l’action visant à faire condamner le vendeur à la remise d’un prix
gagné en apparence, devait pouvoir être intentée devant la même juridiction que celle
140 CJCE, Gabriel, du 11 juillet 2002, C-96/00, Rec. p. I-6367, points 53, 55, 59 et 60.
-129-
compétente pour connaître du contrat conclu par le consommateur, et ce, afin d’éviter la
multiplication des juridictions compétentes.
Par ailleurs, la Cour fait référence à son arrêt Engler de 2005,141 dans lequel au contraire, elle
a exclu l’application de l’article 13 de la Convention de Bruxelles. Dans cette hypothèse, le
consommateur avait revendiqué le gain promis, mais son attribution n’était pas subordonnée à
la condition que celui-ci commande des marchandises, et en l’espèce aucune commande n’avait
été effectuée. Les juges communautaires expliquent cette solution par le fait que l’envoi d’un
courrier contenant la proposition n’avait pas été suivi par la conclusion d’un contrat entre le
consommateur et la société et ce, alors même que l’article 13 de la Convention exigeait pour son
application la conclusion d’un contrat par le consommateur.
Néanmoins, la Cour relève que contrairement à l’article 13 de la Convention de Bruxelles, l’article
15 du règlement est rédigé en des termes généraux plus larges. Ainsi ce dernier doit être lu
comme visant “l’ensemble des contrats, quel que soit leur objet, dès lors qu’ils ont été conclus
par un consommateur avec un professionnel et entrent dans le cadre des activités commerciales
ou professionnelles de ce dernier” (point 50). Par conséquent, l’article 15 du règlement n’est pas
limité aux seuls cas de figure dans lesquels les parties ont contracté des engagements
synallagmatiques. Mais cet article exige toutefois que l’action juridictionnelle en cause se rattache
nécessairement à l’existence d’un contrat entre le consommateur et le professionnel.
Les juges de Luxembourg estiment alors que l’existence d’un tel contrat ne saurait être réalisée
que, dans l’hypothèse où la société de vente par correspondance aurait exprimé clairement sa
volonté d’être liée par un engagement, et en cas d’acceptation de celui-ci par l’autre partie, en
se déclarant inconditionnellement disposée à payer le prix en cause aux consommateurs qui en
feraient la demande. Or, ils considèrent que le procédé commercial en cause dans le litige ne
peut être regardé comme revêtant une nature contractuelle. Il pourrait tout au plus, selon eux,
être qualifié de précontractuel ou de quasi contractuel et relèverait donc de l’article 5, point 1, du
règlement.
La Cour affirme donc qu’il “convient de considérer que, en l’état actuel du libellé de l’article
15 du règlement n/ 44/2001, le paragraphe 1, sous c, de cet article ne saurait trouver à
s’appliquer à une action juridictionnelle telle que celle en cause au principal, dès lors que
le professionnel ne s’est pas contractuellement engagé à payer le prix promis au
consommateur qui en revendique le versement. Dans ce cas de figure, cette même
disposition n’est applicable à une telle action juridictionnelle qu’à la condition que la
promesse fallacieuse de gain ait été suivie de la conclusion d’un contrat par le
consommateur avec la société de vente par correspondance, se matérialisant par une
commande passée à cette dernière” (point 59).
En somme, dans l’hypothèse en cause, les règles de compétence énoncées par l’article 15 du
règlement n/ 44/2001/CE, paragraphe 1, sous c), ne trouveront à s’appliquer que dans deux
hypothèses :
- Si le vendeur professionnel s’est juridiquement engagé à payer ce prix au
consommateur ;
- Ou si cette condition n’est pas satisfaite, si le consommateur a effectivement passé une
commande à ce vendeur professionnel.
jjj
141 CJCE, Engler, du 20 janvier 2005, C-27/02, Rec. p. I-481.
-130-
Falco Privatstiftung et Thomas Rabitsch
c/ Gisela Weller-Lindhorst 142
23 avril 2009
- C-533/07 «Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale Règlement (CE) n/ 44/2001 - Compétences spéciales - Article 5, point 1, sous a) et b), second tiret Notion de “fourniture de services” - Concession de droits de propriété intellectuelle »
T Faits :
Le litige porte sur le versement d’une redevance sur la base du montant des ventes réalisées,
de l’enregistrement vidéo d’un concert. En première instance, la juridiction saisie s’était déclarée
compétente en vertu de l’article 5, point 3 du règlement n/ 44/2001/CE, relatif à la compétence
en matière délictuelle ou quasi-délictuelle. En appel, la juridiction autrichienne estima pour sa
part, qu’un tel article n’était pas applicable aux droits de nature contractuelle, pas plus que ne
l’était l’article 5, point 1, sous b), second tiret du règlement régissant la compétence en matière
de fourniture de services.
La juridiction suprême autrichienne, saisie d’un pourvoi en « revision «, s’interrogea sur la notion
de « fourniture de services », et observa que celle-ci n’était pas définie par le règlement
n/ 44/2001. L’enjeu dans cette affaire était de savoir si un contrat par lequel le titulaire d’un droit
de propriété intellectuelle habilitait son cocontractant à exploiter ce droit, pouvait être qualifié de
« contrat de fourniture de services ». La juridiction de renvoi décida alors de surseoir à statuer
et de poser à la Cour de justice trois questions préjudicielles.
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
Par la première question préjudicielle, il était demandé à la Cour de répondre à la question de
savoir si le contrat par lequel le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle habilitait son
cocontractant à exploiter ce droit était ou non un contrat portant sur la fourniture de services, au
sens de l’article 5, point 1, sous b), du règlement n/ 44/2001/CE.
En cas de réponse affirmative à la première question, la juridiction de renvoi demandait quel était
le lieu de la fourniture d’un tel service.
Enfin, en cas de réponse négative à la première question, la juridiction de renvoi souhaitait
savoir s’il fallait continuer à se référer aux principes issus de la jurisprudence de la Cour, sur
l’article 5, point 1 de la Convention de Bruxelles en ce qui concerne la détermination de la
compétence quant au paiement de la redevance de licence.
L’article 5 du règlement n/44/2001 dispose :
« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État
membre :
1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la
demande a été ou doit être exécutée ;
b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu
d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :
- pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les
marchandises ont été ou auraient dû être livrées,
- pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les
services ont été ou auraient dû être fournis ;
c)
le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas ;
[…]
142 Les conclusions de l’Avocat général sont résumées dans la veille-bimestrielle n/ 23, janvier-février 2009, p. 139.
-131-
3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est
produit ou risque de se produire ; […]»
T Décision :
- Sur la première question préjudicielle :
La Cour relève tout d’abord que le libellé de l’article 5, point 1, sous b), second tiret du règlement
n/ 44/2001/CE, ne permet pas en lui-même de répondre à la question posée. En effet, cette
disposition ne donne pas de définition de la notion de « contrat de fourniture de services ». La
Cour de Luxembourg estime alors nécessaire de se tourner vers la “genèse, les objectifs et le
système du règlement” pour interpréter cette disposition. A cet égard, visant les deuxième et
onzième considérants de celui-ci, elle rappelle qu’il tend à une unification des règles de conflit
de juridiction en matière civile et commerciale, un tel système présentant un degré de prévisibilité
très élevé. Elle estime que ce règlement poursuit ainsi un objectif de sécurité juridique,
permettant de renforcer la protection des personnes établies au sein de la Communauté
européenne.
Les juges communautaires poursuivent en précisant que le règlement instaure, à côté de la
compétence de principe du for du domicile du défendeur (article 2 du règlement), une règle de
compétence spéciale en matière contractuelle à l’article 5, motivée par la nécessité d’un lien
étroit entre le contrat et le tribunal appelé à en connaître.
Ils rappellent qu’en vertu de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, le lieu d’exécution de
l’obligation qui sert de base à la demande est le lieu d’un Etat membre, où en vertu du contrat,
les services ont été ou auraient du être fournis. De plus, la notion de « services » implique
également que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d’une
rémunération. Or, la Cour de justice constate que le contrat par lequel le titulaire d’un droit de
propriété intellectuelle concède à son cocontractant le droit de l’exploiter en contrepartie du
versement d’une rémunération, n’implique pas une telle activité. En effet, le titulaire d’un droit de
propriété intellectuelle n’accomplit aucune prestation, il s’engage uniquement à laisser son
cocontractant exploiter librement le droit.
La Cour confirme cette interprétation en estimant qu’elle ne saurait être remise en question par
l’interprétation large qui est faite de la notion de « services » de l’article 50 du Traité CE. En effet,
dans le cadre de l’article 50 CE une interprétation large est justifiée par le souci d’inclure le plus
grand nombre d’activités économiques ne rentrant pas dans le champ de la libre circulation des
marchandises, des capitaux ou des personnes, afin que ces activités n’échappent pas à
l’application du Traité. Or, dans le cadre du règlement Bruxelles I, une telle interprétation ne se
justifie pas. La Cour énonce en effet que “le système et l’économie des règles de compétences
énoncées [par ce règlement] requièrent, au contraire d’interpréter restrictivement les règles de
compétences spéciales, dont celle qui figure, en matière contractuelle, à l’article 5, point 1, du
règlement” (point 37).
Elle écarte également la possibilité d’interpréter la notion de « fourniture de services » à la
lumière de la définition large qui est donnée des « services » dans les directives communautaires
en matière de TVA. Elargir le champ d’application de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du
règlement 44/2001/CE, reviendrait en réalité à contourner l’intention du législateur
communautaire.
Par conséquent, la Cour répond à la première question préjudicielle, en affirmant “que l’article
5, point 1, sous b), second tiret du règlement n/ 44/2001 doit être interprété en ce sens
qu’un contrat, par lequel le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle concède à son
cocontractant le droit de l’exploiter en contrepartie du versement d’une rémunération,
n’est pas un contrat de fourniture de services, au sens de cette disposition” (point 44).
Ayant répondu par la négative à la première question préjudicielle, il ne lui est désormais plus
nécessaire d’examiner la deuxième question préjudicielle.
-132-
- Sur la troisième question préjudicielle :
Il s’agit ici de savoir si, pour déterminer, en application de l’article 5, point 1, sous a) du
règlement, la juridiction compétente pour connaître d’une demande de paiement de la
rémunération due en vertu d’un contrat par lequel le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle
concède à son cocontractant le droit de l’exploiter, il était nécessaire de continuer à se référer
aux principes issus de la jurisprudence de la Cour portant sur l’article 5, point 1, de la Convention
de Bruxelles.
La Cour souligne en premier lieu que les termes du règlement n/ 44/2001/CE et de la Convention
de Bruxelles, s’agissant de l’article 5, point 1, sous a) sont rigoureusement identiques. Elle
rappelle en effet que le législateur a entendu assurer une véritable continuité entre ces deux
textes. Or, en l’absence de motif imposant une interprétation différente, elle note que “l’exigence
de cohérence implique que [cet article] se voie reconnaître une portée identique à celle de la
disposition correspondant de la convention de Bruxelles” (point 51) et ce afin d’assurer une
interprétation uniforme de ces deux textes. Cette continuité dans l’interprétation est ainsi
conforme aux exigences de sécurité juridique.
La Cour affirme donc que l’article 5, point 1, sous a), du règlement Bruxelles I doit se voir
reconnaître une portée identique à celle de l’article 5, point 1, de la Convention de Bruxelles.
Par ces motifs la Cour dit pour droit (point 2 du dispositif) : “Afin de déterminer, en application
de l’article 5, point 1, sous a), du règlement n/ 44/2001, la juridiction compétente pour
connaître d’une demande de paiement de la rémunération due en vertu d’un contrat par
lequel le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle concède à son cocontractant le droit
de l’exploiter, il convient de continuer à se référer aux principes issus de la jurisprudence
de la Cour portant sur l’article 5, point 1, de la convention du 27 septembre 1968
concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et
commerciale, telle que modifiée par la convention du 26 mai 1989 relative à l’adhésion du
Royaume d’Espagne et de la République portugaise.”
jjj
A 143
2 avril 2009
- C-523/07 « Coopération judiciaire en matière civile - Compétence, reconnaissance et exécution des décisions en
matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale - Règlement (CE) n/ 2201/2003 - Champ
d’application matériel - Notion de “matières civiles” - Décision relative à la prise en charge et au
placement d’enfants en dehors du foyer familial - Résidence habituelle de l’enfant - Mesures
conservatoires - Compétence »
T Faits :
La requérante, A, est la mère de C, D et E qui habitaient en Finlande avec le beau-père des
enfants. En raison d’actes de violence commis par ce dernier, les enfants firent l’objet d’une
mesure de prise en charge qui fut ensuite suspendue. En 2001, la famille déménagea en Suède
mais revint en Finlande quatre années plus tard dans l’intention d’y séjourner durant les
vacances. Mais après plusieurs mois passés dans des logements précaires (campings, accueil
auprès de membres de la famille) sans que les enfants soient scolarisés, la famille déposa une
demande de logement auprès des services sociaux de la commune finlandaise d’Y.
143 Les conclusions de l’Avocat général Mme Juliane kokott, présentées le 29 janvier 2009, sont résumées dans la veille
bimestrielle Janvier-Février 2009, pp.137-139.
-133-
Par décision du 16 novembre 2005, la Commission de garantie des droits sociaux fondamentaux
décida d’une prise en charge urgente des enfants qui furent placés dans une famille d’accueil en
vertu de l’article 18 de la loi finlandaise sur la protection des enfants au motif qu’ils auraient été
abandonnés.
Les parents demandèrent l’annulation des décisions précédemment mentionnées. Cette
demande fut rejetée et un placement des enfants en foyer d’accueil fut ordonné. Les parents
saisirent le tribunal administratif d’un recours qui fut également rejeté.
La Cour administrative suprême estima que l’interprétation du règlement (CE) n/ 2201/2003 du
Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des
décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le
règlement (CE) n/ 1347/2000 144 (ci-après le « règlement ») était nécessaire pour trancher le
litige.
T Droit communautaire en cause et questions préjudicielles :
La juridiction de renvoi pose à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes :
« 1) a) Le règlement […] est-il applicable à l’exécution, dans tous ses éléments, d’une décision
comme celle prise en l’espèce, qui ordonne la prise en charge immédiate et le placement
d’un enfant en dehors de son foyer d’origine, lorsque cette décision prend la forme d’une
décision unique adoptée dans le cadre des règles de droit public relatives à la protection
de l’enfance ?
b) À défaut, le règlement n’est-il applicable, eu égard à son article 1er, paragraphe 2, sous d),
qu’à la partie de la décision relative au placement en dehors du foyer d’origine ?
2) De quelle manière convient-il d’interpréter, en droit communautaire, la notion de “résidence
habituelle” visée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement ainsi qu’à l’article 13, paragraphe 1, qui
y est lié, en particulier au regard d’une situation dans laquelle l’enfant a une résidence permanente
dans un État membre mais séjourne dans un autre État membre où il mène une vie sans habitation
fixe ?
3) a) Si l’on considère que la résidence habituelle de l’enfant ne se trouve pas dans cet autre État
membre, à quelles conditions une mesure conservatoire urgente (une mesure de prise en
charge) peut-elle néanmoins être adoptée, sur le fondement de l’article 20, paragraphe 1,
du règlement, dans ledit État membre ?
b) La mesure conservatoire visée à l’article 20, paragraphe 1, du règlement est-elle uniquement
une mesure pouvant être mise en œuvre conformément au droit national et les dispositions
du droit national relatives à ladite mesure sont-elles contraignantes lors de l’application de
l’article concerné ?
c) [À la suite de] la mise en œuvre de la mesure conservatoire, l’affaire doit-elle être déférée
d’office à la juridiction de l’État membre compétent ?
4) Si la juridiction de l’État membre n’a aucune compétence, doit-elle conclure à l’irrecevabilité de
l’affaire ou la déférer à la juridiction d’un autre État membre? »
T Décision :
- Sur la première question relative à l’applicabilité de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement à
une décision unique qui ordonne la prise en charge immédiate ainsi que le placement d’un enfant
en dehors de son foyer d’origine :
La Cour de Luxembourg considère que par sa question, la juridiction de renvoi cherche
également à savoir si une telle décision ordonnant la prise en charge et le placement de l’enfant
relève de la notion de « matières civiles » au sens de l’article 1er, paragraphe 1 de ce règlement,
lorsqu’elle a été adoptée dans le cadre des règles de droit public relatives à la protection de
l’enfance.
144 JO L 338, p. 1
-134-
Elle constate que cette question a été précédemment posée par la même juridiction de renvoi,
qu’elle se fonde sur la même motivation et est rédigée exactement dans les mêmes termes que
celle ayant donné lieu à l’arrêt du 27 novembre 2007.145 Par conséquent, elle affirme qu’une
réponse identique doit être donnée.
Elle dit pour droit que “l’article 1er, paragraphe 1, du règlement doit être interprété en ce
sens que relève de la notion de « matières civiles », au sens de cette disposition, une
décision qui ordonne la prise en charge immédiate et le placement d’un enfant en dehors
de son foyer d’origine, lorsque cette décision a été adoptée dans le cadre des règles de
droit public relatives à la protection de l’enfance” (point 29).
- Sur la seconde question relative à l’interprétation de la notion de « résidence habituelle » :
La juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation qu’il convient de donner à la notion de
« résidence habituelle » au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement. Précisément, il s’agit
de savoir ce qu’il en est dans une situation dans laquelle l’enfant dispose d’une résidence
permanente dans un État membre mais séjourne dans un autre État membre où il mène une vie
de personne sans résidence fixe.
Tout d’abord, les juges de Luxembourg indiquent que l’article 8, paragraphe 1, du règlement ne
définit pas le contenu de la notion de « résidence habituelle ».
Ils notent ensuite qu’aux “termes de l’article 13, paragraphe 1 du règlement, lorsque la résidence
habituelle de l’enfant ne peut être établie, les juridictions de l’Etat membre dans lequel l’enfant
est présent sont compétentes” (point 32) et en déduisent que “la seule présence physique de
l’enfant dans un Etat membre, en tant que règle de compétence subsidiaire par rapport à celle
énoncée à l’article 8 du règlement, ne peut pas suffire à établir la résidence habituelle de l’enfant”
(Point 33).
Puis, les juges européens indiquent que la détermination de la « résidence habituelle » doit
notamment être effectuée en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et, en particulier du critère
de proximité ainsi que des circonstances particulières à l’espèce.
Pour la Cour, la notion “doit être interprétée en ce sens que cette résidence correspond au
lieu qui traduit une certaine intégration de l’enfant dans un environnement social et
familial. À cette fin, doivent notamment être pris en considération la durée, la régularité,
les conditions et les raisons du séjour sur le territoire d’un État membre et du
déménagement de la famille dans cet État, la nationalité de l’enfant, le lieu et les
conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports
familiaux et sociaux entretenus par l’enfant dans ledit État. Il appartient à la juridiction
nationale d’établir la résidence habituelle de l’enfant en tenant compte de l’ensemble des
circonstances de fait particulières à chaque cas d’espèce”. (Point 44).
- Sur la troisième question relative à l’adoption d’une mesure de prise en charge :
Par cette question, la juridiction de renvoi demande à quelles conditions est soumise l’adoption
d’une mesure conservatoire, telle que la prise en charge d’enfants. Elle s’interroge également
sur le point de savoir si une telle mesure peut être appliquée conformément au droit national et
si les règles de ce droit relatives à cette mesure sont contraignantes. Enfin, elle demande si,
après la mise en œuvre de ladite mesure conservatoire, l’affaire doit être déférée à la juridiction
compétente d’un autre État membre.
La Cour relève tout d’abord que les dispositions de l’article 20, paragraphe 1 du règlement,
n’empêchent pas, en cas d’urgence, que les juridictions d’un Etat membre prennent des mesures
145 CJCE, C. du 27 novembre 2007, C-435/06, rec. p. I-10141. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 17 (Novembredécembre 2007).
-135-
provisoires ou conservatoires relatives aux personnes, et ce, même si, en vertu du règlement,
une juridiction d’un autre Etat membre est compétente pour connaître du fond (Point 46).
Ensuite, elle précise qu’il résulte de cet article que l’adoption de telles mesures en matière de
responsabilité parentale par les juridictions des Etats membres qui ne sont pas compétentes pour
connaître du fond est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir :
“- les mesures concernées doivent être urgentes ;
- elles doivent être prises à l’égard des personnes ou des biens présents dans l’État
membre où siège la juridiction saisie de l’affaire, et
- elles doivent être de nature provisoire.” (Point 47).
Puis, les juges européens indiquent que “ces mesures sont applicables aux enfants qui, ayant
leur résidence habituelle dans un Etat membre, séjournent à titre temporaire ou occasionnel dans
un autre Etat membre se trouvent dans une situation susceptible de nuire gravement à leur bienêtre, y compris à leur santé ou à leur développement, justifiant ainsi l’adoption immédiate de
mesures de protection. La nature provisoire de telles mesures découle du fait que, en vertu de
l’article 20, paragraphe 2 du règlement, celles-ci cessent d’avoir effet lorsque la juridiction de
l’Etat membre est compétente pour connaître du fond a pris les mesures qu’elle estime
appropriées” (Point 48).
Ils notent ensuite que l’article 20, paragraphe 1 du règlement dispose que les mesures
provisoires ou conservatoires que les juridictions d’un Etat membre peuvent prendre relèvent de
la législation interne de l’Etat membre. Dans ce contexte, ils considèrent qu’il appartient au
législateur national d’énoncer les mesures que les autorités nationales doivent adopter en vue
de la préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant et de fixer les modalités procédurales de leur
exécution.
La Cour poursuit en affirmant qu’il faut vérifier si, à la suite de la mise en œuvre d’une mesure
conservatoire, l’affaire doit être déférée d’office à la juridiction compétente d’un autre Etat
membre. A cet égard, elle note qu’en vertu de l’article 15, paragraphe 1, sous b) du règlement,
les juridictions d’un Etat membre compétentes peuvent, si elles estiment qu’une juridiction d’un
autre Etat membre avec lequel l’enfant l’enfant a un lien particulier est mieux placée pour
connaître l’affaire, lui demander d’exercer sa compétence (Point 54).
Elle relève également que le règlement n’impose pas aux juridictions nationales ayant adopté des
mesures conservatoires ou provisoires de déférer l’affaire à une juridiction d’un autre Etat
membre après l’exécution de ces mesures (Point 56).
Partant, la CJCE considère “qu’une mesure conservatoire, telle que la prise en charge
d’enfants, peut être décidée par une juridiction nationale au titre de l’article 20 du
règlement dès que les conditions suivantes sont remplies :
- cette mesure doit être urgente ;
- elle doit être prise à l’égard des personnes présentes dans l’État membre
concerné, et
- elle doit être de nature provisoire.
La mise en œuvre de ladite mesure ainsi que le caractère contraignant de cette dernière
sont fixés conformément au droit national. Après la mise en œuvre de la mesure
conservatoire, la juridiction nationale n’est pas tenue de déférer l’affaire à la juridiction
compétente d’un autre État membre. Toutefois, pour autant que la protection de l’intérêt
supérieur de l’enfant l’exige, la juridiction nationale qui a mis en œuvre des mesures
provisoires ou conservatoires doit en informer, directement ou par l’intermédiaire de
l’autorité centrale désignée au titre de l’article 53 du règlement, la juridiction compétente
d’un autre État membre.” (Point 65).
- Sur la quatrième question relative à l’incompétence de la juridiction de l’Etat membre :
La question posée était de savoir si, dans le cas où la juridiction d’un État membre n’a aucune
compétence, celle-ci doit se déclarer incompétente ou déférer l’affaire à la juridiction d’un autre
État membre ?
-136-
La Cour de Luxembourg indique que, conformément à l’article 17 du règlement, “la juridiction d’un
État membre saisie d’une affaire pour laquelle sa compétence n’est pas fondée aux termes du
présent règlement et pour laquelle une juridiction d’un autre État membre est compétente en
vertu du présent règlement se déclare d’office incompétente” (Point 67). Puis elle rappelle que
l’article 15 du règlement est le seul à prévoir une demande à la juridiction d’un autre Etat membre
d’exercer sa compétence.
La Cour dit pour droit : “dans le cas où la juridiction d’un État membre n’a aucune
compétence, elle doit se déclarer d’office incompétente, sans être tenue de déférer l’affaire
à une autre juridiction. Toutefois, pour autant que la protection de l’intérêt supérieur de
l’enfant l’exige, la juridiction nationale qui s’est déclarée d’office incompétente doit en
informer, directement ou par l’intermédiaire de l’autorité centrale désignée au titre de
l’article 53 du règlement, la juridiction compétente d’un autre État membre.” (Point 71).
jjj
-137-
FISCALITÉ
Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy 146
18 juin 2009
- C-303/07« Liberté d’établissement - Directive 90/435/CEE - Impôt sur les sociétés - Distribution de dividendes Retenue à la source opérée sur les dividendes versés à des sociétés non-résidentes autres que les
sociétés au sens de ladite directive - Exonération des dividendes versés à des sociétés résidentes »
T Faits :
Une procédure a été introduite par la société finlandaise Alpha, au sujet du prélèvement d’une
retenue à la source sur les dividendes à distribuer à sa société mère, Nordic Fund SICAV.
Alpha a saisi la Keskusverolautakunta (Commission centrale des impôts) pour savoir si était
tenue de prélever l’impôt à la source sur les dividendes versés à sa société mère (Nordic Fund
SICAV), eu égard aux articles 43 CE et 56 CE, et compte tenu du fait qu’un dividende versé à
une société anonyme finlandaise analogue à une société de type SICAV établie en Finlande ne
serait pas un revenu imposable en vertu de la législation finlandaise et ne serait donc pas grevé
de l’impôt à la source.
Pour la Commission centrale des impôts, Alpha est effectivement tenue de prélever l’impôt sur
les dividendes versés à la société mère Nordic Fund SICAV. En effet, selon la Commission, les
sociétés de type SICAV ne figurant pas dans la liste de l’annexe de la directive 90/435/CEE, elles
ne paient pas d’impôt sur le revenu à l’Etat membre dans lequel elles sont établies. Elles ne sont
pas considérées comme des sociétés au sens de la directive, et de ce fait, le dividende qui leur
est versé ne doit pas être exonéré à sa source.
La société Alpha a contesté la décision de la Commission centrale des impôts devant le Korkein
hallinto-oikeus qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice une question
préjudicielle aux fins d’interprétation du droit communautaire.
T Question préjudicielle et droit communautaire en cause :
- La directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concerne le régime fiscal commun
applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 225, p. 6), telle que
modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003.
- L’article 3, paragraphe 1, sous a), premier alinéa, de la directive 90/435/CEE donne une
définition de la société mère.
- En vertu de l’article 5 de ladite directive, les bénéfices distribués par une filiale à sa société
mère sont exonérés de retenue à la source.
La question porte sur l’éventuelle opposition entre les articles 43 CE, 48 CE, 56 CE et 58 CE et
la législation nationale d’un Etat membre qui exonère de la retenue à la source les dividendes
distribués par une filiale résidant dans cet Etat à une société anonyme établie dans le même Etat,
146 Les conclusions de l’Avocat général Jan Mazak présentées le 18 décembre 2008 ont été résumées dans la veille bimestrielle
de droit européen novembre-décembre 2008, p. 104.
-138-
mais qui au contraire soumet à cette retenue les dividendes similaires versés à une société mère
de type SICAV établie dans un autre Etat membre, qui revêt une forme juridique inconnue dans
le premier Etat membre, qui ne figure pas sur la liste des sociétés visées par la directive
90/435/CEE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats
membres différents et qui est exonérée de l’impôt sur le revenu en application de la législation
de l’autre Etat membre.
T Décision :
A titre liminaire, la Cour rappelle que si la fiscalité directe relève de la compétence des Etats
membres, ceux-ci doivent l’exercer dans le respect du droit communautaire.
Cependant, pour les distributions de dividendes entrant dans le champ d’application de la
directive 90/435/CEE, son article 5 impose aux Etats membres d’exonérer de la retenue à la
source les dividendes distribués par une filiale à sa société mère.
Pour la juridiction de renvoi, la situation en cause ne relève pas du champ d’application de la
directive 90/435/CEE dans la mesure où une société de type SICAV ne remplit pas les conditions
énoncées à l’article 2 paragraphe 1, sous a) et c) de cette directive (point 27).
En cas de participations ne relevant pas de la directive 90/435/CEE, la Cour a jugé qu’il
appartient aux Etats membres de déterminer si la double imposition des bénéfices distribués doit
être évitée ou non. Cependant, les mesures adoptées ne peuvent être contraires aux libertés de
circulation garanties par le traité CE.147
La juridiction de renvoi ayant posé sa question tant sur l’article relatif à la liberté d’établissement
(art. 43 CE), qu’à l’article 56 CE, relatif à la libre circulation des capitaux, la Cour de Luxembourg
doit, dans un premier temps, déterminer quelle liberté est en cause, puis rechercher l’existence
d’une éventuelle restriction à la liberté et enfin, vérifier si des justifications peuvent être admises.
Pour la Cour, le litige porte exclusivement sur l’impact de la législation nationale sur la situation
d’une société résidente distribuant des dividendes à des actionnaires détenant dans celle-ci une
participation leur conférant une influence certaine sur les décisions de ladite société et leur
permettant d’en déterminer les activités (point 33). Or, selon une jurisprudence constante, dans
ce cas ce sont les dispositions du traité CE relatives à la liberté d’établissement qui
s’appliquent 148 (point 34) . Il convient donc de répondre à la question posée au regard des
articles 43 CE et 48 CE
Les juges communautaires rappellent que la liberté d’établissement vise à garantir pour les
sociétés le bénéfice du traitement national dans l’Etat membre d’accueil, en interdisant toute
discrimination fondée sur le sièges des sociétés (point 38). En l’espèce, il existe “une différence
de traitement fiscal des dividendes entre sociétés mères en fonction du lieu de leur siège, ce qui
est susceptible de constituer une restriction à la liberté d’établissement, en principe, interdite par
les articles 43 CE et 48 CE en ce qu’elle rend moins attrayant l’exercice de la liberté
d’établissement par des sociétés établies dans d’autres Etats membres, lesquels pourraient en
conséquence renoncer à l’acquisition, à la création ou au maintien d’une filiale dans l’Etat
membre qui met en oeuvre une telle différence de traitement” (point 41).
Cependant, si la Cour a déjà jugé qu’un Etat membre peut prendre des mesures destinées à
prévenir ou à atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition, une différence de situation
entre actionnaires résidents et actionnaires non résidents peut alors exister. Toutefois elle
précise qu’ “à partir du moment où un Etat membre, de manière unilatérale ou par voie
conventionnelle, assujettit à l’impôt sur le revenu non seulement les actionnaires résidents, mais
147 CJCE, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, du 12 décembre 2006, C-374/04 et CJCE, Amurta, du 8
novembre 2007, C-379/05.
148 CJCE, Cadbury Scweppes, du 12 septembre 2006, C-196/04.
-139-
également les actionnaires non résidents, pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une société
résidente, la situation desdits actionnaires non résidents se rapproche de celle des actionnaires
résidents” (point 43). Ainsi, lorsqu’un Etat membre prend des mesures destinées à préserver les
sociétés mères résidentes d’une imposition en chaîne sur les bénéfices distribués par une filiale
résidente, cette mesure doit également bénéficier aux sociétés mères non résidentes se trouvant
dans une situation comparable.
Par ailleurs, selon la Cour, on ne saurait justifier un traitement différencié par le fait qu’en droit
finlandais, il n’existe aucun type de sociétés ayant une forme juridique identique à celle d’une
SICAV de droit luxembourgeois. En effet, en l’absence d’harmonisation communautaire en
matière de droit des sociétés, un tel régime aurait pour effet de priver la liberté d’établissement
d’effet utile.
De plus, l’argument avancé par le gouvernement finlandais relatif à l’absence d’imposition des
revenus d’une SICAV au Luxembourg doit être écarté puisque cette non imposition “n’instaure
pas une différence entre celle-ci et une société anonyme résidente justifiant un traitement
différencié” relatif à l’imposition des dividendes perçus dans ces deux catégories de sociétés
(point 51). En effet, en Finlande, le versement de dividendes par une société résidente à une
autre société résidente n’est pas imposé. Dès lors, “l’absence d’imposition de cette catégorie de
revenus au Luxembourg n’est pas de nature à justifier l’imposition de ceux-ci par l’Etat finlandais,
dès lors que ce dernier a choisi de ne pas exercer sa compétence d’imposition sur de tels
revenus, lorsqu’ils sont perçus par les sociétés établies en Finlande” (point 52).
Par conséquent, l’existence d’un traitement différencié consacré par le droit finlandais entre les
SICAV non résidentes et les sociétés anonymes résidentes “au regard de l’exonération de la
retenue à la source sur les dividendes qui leur sont distribués par les sociétés résidentes
constitue une restriction à la liberté d’établissement interdite, en principe, par les articles 43 CE
et 48 CE”. (point 56).
Cependant, si la restriction à la liberté d’établissement est en principe prohibée, une justification
basée sur des raisons impérieuses d’intérêt général peut la justifier. Pour justifier une telle
atteinte à une liberté garantie par le traité CE, ces raisons impérieuses d’intérêt général doivent
nécessairement respecter les principes de nécessité et de proportionnalité. Ainsi, la restriction
doit-elle être “propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause" et ne doit pas aller "au delà
de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif” (point 57).
Afin de justifier son régime fiscal, le gouvernement finlandais avance des arguments relatifs à la
prévention de l’évasion fiscale, la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition ainsi qu’à la
préservation de la cohérence du régime fiscal national. Cependant, les juges communautaires
vont réfuter ces arguments point par point.
La Cour admet qu’une “mesure nationale restreignant la liberté d’établissement peut être justifiée
lorsqu’elle vise spécifiquement les montages purement artificiels dont le but est d’échapper à
l’emprise de la législation d’un Etat membre” (point 63). Or elle considère que tel n’est pas le but
spécifique du régime fiscal en cause. Dès lors, elle écarte la justification tirée de la prévention
de l’évasion fiscale comme justification de la restriction à la liberté d’établissement.
Sur l’argument relatif à la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition, la Cour rappelle “qu’une
telle justification peut être admise dès lors, notamment, que le régime en cause vise à prévenir
des comportements de nature à compromettre le droit d’un Etat membre d’exercer sa
compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire”.149 (point 66).
Cependant, dès lors qu’un Etat membre reconnaît aux sociétés établies sur son territoire un
régime fiscal avantageux, “il ne saurait invoquer la nécessité d’assurer une répartition équilibrée
149 CJCE, Rewe Zentralfinanz, du 29 mars 2007, C-347/04, point 42.
-140-
du pouvoir d’imposition entre les Etats membres afin de justifier l’imposition des sociétés
bénéficiaires établies dans un autre Etat membre” (point 67).
Enfin, sur l’argument relatif à la préservation de la cohérence du régime fiscal national, la Cour
rappelle qu’une telle politique “peut justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales
garanties par le traité” 150 (point 71). Cependant, pour admettre une telle justification elle exige
“un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un
prélèvement fiscal déterminé” qui doit être apprécié au regard de l’objectif de la réglementation
en cause (point 72). Or en l’espèce, l’imposition des dividendes redistribués ne permet pas de
compenser l’exonération de la retenue à la source des dividendes ; aucun lien direct n’existe
donc entre l’avantage fiscal, à savoir l’exonération de la retenue à la source, et la compensation
de cet avantage effectuée par “l’imposition desdits dividendes en tant que revenus des
détenteurs de parts d’une société anonyme” (point 74). Elle rejette donc également l’argument
basé sur la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal finlandais comme justification
de la restriction.
Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit : “Les articles 43 CE et 48 CE doivent être
interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la législation d’un Etat membre qui exonère de
la retenue à la source les dividendes distribués par une filiale résidente de cet Etat à une
société anonyme établie dans le même État, mais qui soumet à cette retenue à la source
les dividendes similaires versés à une société mère du type société d’investissement à
capital variable (SICAV) résidente d’un autre État membre, qui revêt une forme juridique
inconnue dans le droit du premier État et ne figurant pas sur la liste des sociétés visées
à l’article 2, sous a), de la directive 90/435/CEE concernant le régime fiscal commun
applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, telle que modifiée par
la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003, et qui est exonérée de l’impôt
sur le revenu en application de la législation de l’autre État membre”.
jjj
150 CJCE, Bachmann, du 28 janvier 1992, C-204/90, point 28 et CJCE, Deutsche Shell, du 28 février 2008, C-293/06, point 37.
-141-
LIBERTÉ D’ETABLISSEMENT
Apothekerkammer des Saarlandes
Grande chambre
19 mai 2009
- C-171/07 et C-172/07 « Liberté d’établissement - Article 43 CE - Santé publique - Pharmacies - Dispositions réservant aux
seuls pharmaciens le droit d’exploiter une pharmacie - Justification - Approvisionnement en
médicaments de la population sûr et de qualité - Indépendance professionnelle des pharmaciens »
T Faits :
Les demandes de questions préjudicielles concernent deux litiges portant sur une autorisation
donnée le 26 juin 2006 par le Ministerium allemand (Ministère de la justice, de la santé et des
affaires sociales) à la société néerlandaise, DocMorris, qui exerce une activité de vente de
médicaments par correspondance, d’exploiter, en tant que succursale, une pharmacie à
Sarrebruck (Allemagne). Cette décision était soumise à la condition pour la société d’engager un
pharmacien chargé de diriger personnellement et sous sa propre responsabilité la pharmacie.
Apothekerkammer de Saarlandes (association de pharmaciens) pour l’affaire C-171/07 ainsi que
Mme Neumann-Seiwer, pour l’affaire C-172/07 ont introduit des recours devant le
Verwaltungsgericht des Saarlandes pour faire annuler cette décision. Ils estimaient la décision
contraire à la loi allemande sur les pharmacies. Selon eux, cette autorisation violait le principe
selon lequel seul un pharmacien peut être propriétaire et exploiter une pharmacie, principe
contenu dans la règle d’exclusion des non-pharmaciens.
Le Ministerieum, soutenu par DocMorris considérait que sa décision était valide dans la mesure
où il était tenu d’écarter l’application de la loi sur les pharmacies estimée contraire à l’article 43
CE qui garantit la liberté d’établissement. Pour le Ministerium, une telle restriction n’était pas
compatible avec le droit communautaire et n’était pas nécessaire à la réalisation de l’objectif
légitime de la protection de la santé publique.
Le Verwaltungsgericht doutant de la compatibilité de la loi sur les pharmacies à l’article 43 CE,
a décidé de poser à la Cour de justice des questions préjudicielles dans ces deux affaires. Les
questions étant posées dans les mêmes termes, la Cour de Luxembourg a décidé de les joindre.
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
La juridiction de renvoi demande à la Cour de justice si les articles 43 CE et 48 CE s’opposent
à une réglementation nationale qui empêche des personnes n’ayant pas la qualité de
pharmaciens de détenir et d’exploiter des pharmacies.
T Décision :
A titre liminaire, la Cour rappelle qu’il ressort de sa jurisprudence sur la directive 2005/36/CE que
les Etats membres conservent la compétence de légiférer dans le cadre de l’organisation de leur
système de sécurité sociale et qu’ils peuvent par conséquent prendre des dispositions relatives
aux officines de pharmacie. Cependant, l’exercice de cette compétence doit respecter le droit
communautaire et ne doit pas avoir pour conséquence une restriction à la liberté d’établissement.
-142-
Ainsi, l’article 43 CE interdit aux Etats membres “d’introduire ou de maintenir des restrictions
injustifiées à l’exercice de ces libertés dans le domaine des soins de santé” 151 (point 18).
Afin d’apprécier le respect de cette obligation, les Etats membres doivent “tenir compte du fait
que la santé et la vie des personnes occupent une place de premier rang parmi les biens et
intérêts protégés par le traité”. Pour atteindre cet objectif de protection, les Etats membres
disposent d’une marge d’appréciation.
Aucune disposition communautaire ne précisant les conditions d’accès aux activités du domaine
de la pharmacie, la Cour décide d’examiner la conformité de la législation nationale en cause au
regard des seules dispositions du traité.
Les juges de Luxembourg rappellent que “l’article 43 CE s’oppose à toute mesure nationale qui,
même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de
rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants communautaires, de la liberté
d’établissement garantie par le traité” (point 22).152
Ils précisent qu’une “réglementation qui subordonne l’établissement dans l’Etat membre d’accueil
d’un opérateur économique d’un autre Etat membre à la délivrance d’une autorisation préalable”
et qui réserve l’exercice de l’activité à certains opérateurs répondant à des exigences
prédéterminées dont le respect conditionne la délivrance de l’autorisation peut constituer une
restriction au sens de l’article 43 CE (point 23).
Pour la Cour, une réglementation nationale qui exclut les non-pharmaciens et réserve donc de
fait l’exploitation de pharmacies aux pharmaciens constitue une restriction à la liberté
d’établissement puisqu’elle prive certains opérateurs de l’accès à l’officine de pharmacie.
Une fois la qualification de restriction à l’article 43 CE retenue, les juges du plateau de Kirchberg
s’interrogent sur l’éventuelle justification de cette restriction à une liberté fondamentale garantie
par le traité. Ils rappellent qu’une restriction applicable sans discrimination tenant à la nationalité
peut se justifier par une raison impérieuse d’intérêt général à condition toutefois qu’elle respecte
les exigences de nécessité et de proportionnalité.153
En l’espèce, la réglementation litigieuse s’applique sans discrimination tenant à la nationalité et
“la protection de la santé publique figure parmi les raisons impérieuses d’intérêt général qui
peuvent justifier des restrictions aux libertés” garanties par le traité (point 27), tout comme
“l’objectif visant à assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de
qualité” (point 28).
Cependant, pour pouvoir être justifiée au regard des raisons impérieuses d’intérêt général, la
règle de l’exclusion des non-pharmaciens doit être propre à garantir la protection de la santé
publique et l’approvisionnement en médicaments.
La Cour explique que “lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à l’importance
de risques pour la santé des personnes”, l’Etat membre peut prendre des mesures qui réduisent
un risque pour la santé publique154 (point 30).
Elle précise que les médicaments doivent être distingués des autres marchandises en raison de
leur caractère très particulier et de leurs effets thérapeutiques et que la consommation sans
nécessité ou de manière incorrecte d’un médicament peut nuire à la santé et entraîner des
dépenses inconsidérées des ressources destinées aux organismes d’assurance maladie.
Il existe donc un risque sérieux sur la santé publique et pour l’équilibre financier des systèmes
de sécurité sociale. Dans ces conditions, les Etats membres peuvent prendre des mesures
151 CJCE, Watts, du 16 mai 2006, C-372/04, points 92 et 146. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle mai -juin 2006.
152 CJCE, Kraus, du 31 mars 1993, C-19/92, point 32.
153 CJCE, Hartlauer, du 10 mars 2009, C-169/07, point 44. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009).
154 CJCE, Rosengren e.a, du 5 juin 2007, C-170/04, point 49. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 15 (juin, juillet,
août 2007).
-143-
destinées à soumettre les personnes distribuant les médicaments à des exigences strictes. Les
Etats membres peuvent ainsi “réserver la vente de médicaments au détail, en principe aux seuls
pharmaciens, en raison des garanties que ces derniers doivent présenter et des informations
qu’ils doivent être en mesure de donner aux consommateurs” (point 34).
Ainsi, les Etats membres peuvent exiger que les médicaments soient distribués par des
pharmaciens indépendants ; ils peuvent également prendre des mesures susceptibles d’éliminer
un risque de nature à affecter le niveau de sûreté et de qualité de l’approvisionnement des
médicaments à la population.
La Cour distingue trois catégories d’exploitants potentiels de pharmacies, à savoir, les
personnes physiques ayant la qualité de « pharmacien », les personnes actives dans le secteur
des produits pharmaceutiques, et les autres personnes.
Si elle retient que la personne physique ayant la qualité de « pharmacien » est un professionnel
indépendant ayant reçu une formation et répondant à des règles légales ou déontologiques, elle
constate en revanche que les deux autres catégories de personnes ne présentent pas les mêmes
garanties.
En conséquence, les juges communautaires retiennent que la marge d’appréciation reconnue
aux Etats membres leur permet d’apprécier si “l’exploitation d’une pharmacie par un nonpharmacien peut représenter un risque pour la santé publique” (point 39). A cet égard, ils
précisent que l’Etat membre peut notamment évaluer le risque que représenterait l’exploitation
d’une officine par un grossiste de produits pharmaceutiques. En effet, celui-ci pourrait exercer
des pressions sur un pharmacien salarié pour assurer notamment la promotion des médicaments
qu’il produit ou l’écoulement de médicaments dont le stockage ne lui semblerait plus rentable.
DocMorris et la Commission font valoir que la règle d’exclusion des non-pharmaciens “ne saurait
être justifiée par l’intérêt général, car la manière dont cet objectif est poursuivi est dépourvue de
cohérence” (point 41).
La Cour répond qu’une législation nationale ne peut garantir la réalisation de l’objectif invoqué
que si elle est animée par le souci d’atteindre l’objectif de manière cohérente et systématique.
Elle précise que la réglementation nationale “n’exclut pas de manière absolue l’exploitation de
pharmacies par des non-pharmaciens” (point 43).
En effet, la loi allemande sur les pharmacies permet aux pharmaciens d’exploiter jusqu’à trois
succursales d’une même pharmacie tout en les assujettissant à des exigences destinées à
garantir la protection de la santé publique et l’approvisionnement en médicaments de la
population sûr et de qualité. Ainsi, les succursales doivent être exploitées sous la responsabilité
du pharmacien et doivent se situer dans un rayon géographique déterminé afin d’assurer une
présence suffisante et une surveillance effective par le pharmacien. Si ces exigences sont
satisfaites, rien n’empêche que la succursale soit exploitée par un non-pharmacien. La Cour voit
dans l’assortiment de conditions à l’exploitation de ces succursales une cohérence ; elle constate
que la législation en cause satisfait à l’exigence de nécessité puisqu’elle est de nature à garantir
la réalisation de l’objectif visant à assurer la protection de la santé publique et de
l’approvisionnement en médicaments.
Concernant l’exigence de proportionnalité, le juges de Luxembourg recherchent “si la restriction
à la liberté d’établissement ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits
objectifs” (point 52).
Selon DocMorris et la Commission, les objectifs pourraient être atteints par des mesures moins
restrictives comme l’obligation de présence d’un pharmacien dans l’officine.
Pour les juges communautaires, la marge d’appréciation reconnue aux Etats membres ainsi que
l’intérêt pour le non-pharmacien exploitant de réaliser des bénéfices et la possible subordination
du pharmacien salarié à l’exploitant sont de nature à conforter la législation allemande interdisant
aux non-pharmaciens de détenir une pharmacie (point 54). Ils considèrent par ailleurs que la
proposition avancée par DocMorris et la Commission consistant à imposer une obligation de
contracter une assurance qui n’interviendrait qu’a posteriori et qui permettrait au patient d’obtenir
une réparation financière serait moins efficace que la règle retenue actuellement par la
législation.
-144-
Selon la Cour, la législation nationale en cause satisfait donc à l’exigence de proportionnalité et
à celle de nécessité. Il doit donc être admis que les restrictions à la liberté d’établissement
découlant de la loi sur les pharmacies doivent être justifiées par cet objectif de protection de la
santé publique et de l’approvisionnement de la population en médicaments.
Cette conclusion ne peut être remise en cause par l’arrêt du 21 avril 2005 Commission c/ Grèce
sanctionnant la législation grecque qui subordonnait la possibilité pour une personne morale
d’ouvrir un magasin d’optique à la condition que l’autorisation de créer et d’exploiter ledit magasin
soit délivrée au nom d’un opticien personne physique agréé.
Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “Les articles 43 CE et 48 CE ne
s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui
empêche des personnes n’ayant pas la qualité de pharmaciens de détenir et d’exploiter
des pharmacies”.
jjj
-145-
LIBRE PRESTATION DES SERVICES
X., E.H.A. Passenheim-van Schoot c/ Staatssecretaris van Financiën
11 juin 2009
- affaires jointes C-155/08 et C-157/08 « Libre prestation des services - Libre circulation des capitaux - Impôt sur la fortune - Impôt sur les
revenus - Avoirs provenant de l’épargne placés dans un État membre autre que celui de la résidence Absence de déclaration - Délai de redressement - Prolongation du délai de redressement en cas
d’avoirs détenus en dehors de l’État membre de résidence - Directive 77/799/CEE - Assistance mutuelle
des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects - Secret
bancaire »
T Faits :
Concernant l’affaire C-155/08 :
En octobre 2000, l’inspection spéciale des impôts belge a spontanément fourni des
renseignements à l’administration fiscale néerlandaise sur des comptes financiers ouverts auprès
d’une banque luxembourgeoise, la Kredietbank Luxembourg (KB-Lux), au nom de personnes
résidant aux Pays-Bas. En 2002, à la suite de l’examen de ces renseignements, le titulaire d’un
des comptes s’est vu notifier un avis de redressement contenant des corrections relatives à
l’impôt sur la fortune et l’impôt sur les revenus pour les exercices 1993-2001. Il s’est également
vu infliger une amende égale à 50 % des montants faisant l’objet du redressement.
Concernant l’affaire C-157/08 :
En janvier 2003, après le décès de son époux, Mme Passenheim-van Schoot a communiqué à
l’administration fiscale néerlandaise toutes les informations concernant des avoirs administrés
par une banque établie en Allemagne et ayant appartenu à elle et à son défunt mari. Ces avoirs
n’avaient jusqu’alors jamais été mentionnés dans leurs déclarations fiscales. À la demande de
la requérante, l’inspecteur lui a octroyé le bénéfice du régime dit de « repentir » et aucune
amende ne lui a donc été infligée. Toutefois, il lui a notifié des avis de redressement concernant
les exercices 1993-1997.
Les deux requérants contestèrent les décisions des autorités fiscales néerlandaises. Ils
soutenaient que le délai de redressement prolongé prévu dans la législation néerlandaise pour
des éléments imposables détenus à l’étranger était contraire au droit communautaire. Déboutés
de leurs demandes, ils formèrent un pourvoi en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden.
La Cour suprême décida de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice trois questions
préjudicielles dans la première affaire et une dans la seconde, identique à la première question
de la première affaire. La Cour de justice décida de joindre ces deux affaires.
T Droit communautaire et question préjudicielle :
Les questions préjudicielles portent sur l’interprétation des articles 49 CE et 56 CE.
La Cour suprême des Pays-Bas demandait à la Cour :
- dans les deux affaires :
« 1) Les articles 49 CE et 56 CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent
pas à ce qu’un État membre, en cas de dissimulation au fisc dudit État membre de certains
(revenus provenant d’) avoirs étrangers issus de l’épargne, applique une législation qui,
afin de compenser l’absence de possibilité effective de contrôle de ces avoirs, prévoit un
délai de redressement de douze ans alors que les (revenus provenant des) avoirs issus
-146-
de l’épargne conservés sur le territoire national, où il existe des possibilités effectives de
contrôle, sont soumis à un délai de redressement de cinq ans ? »
- dans la première affaire :
« 2) Le fait que les avoirs sont conservés dans un État membre ayant instauré le secret
bancaire a-t-il une incidence sur la réponse à la première question ?
3) En cas de réponse positive à la première question, les articles 49 CE et 56 CE ne
s’opposent-ils pas non plus à ce que l’amende appliquée en raison de la dissimulation des
revenus ou du patrimoine faisant l’objet du redressement soit fixée proportionnellement au
montant du redressement pour cette période plus longue ? »
T Décision :
- Sur l’existence d’une restriction aux libertés de circulation :
La Cour rappelle que “l’article 49 CE s’oppose à l’application de toute réglementation nationale
ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la
prestation de services purement interne à un État membre” 155 (Point 32). Elle assimile également
à des restrictions aux mouvements de capitaux, au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE, les
mesures imposées par un État membre qui sont de nature à dissuader ses résidents de
contracter des prêts ou de faire des investissements dans d’autres États membres.156
Puis, les juges communautaires constatent qu’il ressort de la législation nationale en cause que
lorsqu’une imposition n’a pas eu lieu ou qu’elle ne l’a été, qu’à hauteur d’un montant trop faible,
les autorités fiscales néerlandaises peuvent redresser l’imposition dans un délai soit de cinq ans
si les avoirs en question proviennent des Pays-Bas, soit si ils proviennent de l’étranger d’un délai
de douze ans. Le contribuable étant toujours en mesure de déclarer les avoirs qu’il détient à
l’étranger et les revenus qu’il en tire, ils notent également que la différence de traitement en
fonction de l’origine des avoirs ne disparaît pas (Point 36). En outre, ils relèvent que lorsqu’un
contribuable ne déclare pas de tels avoirs nationaux, il obtient dans les cinq ans la certitude que
ceux-ci ne feront plus l’objet d’une imposition, alors qu’en revanche, si la non-déclaration porte
sur des avoirs provenant d’un autre Etat membre, une telle certitude n’est acquise qu’au bout de
douze ans.
Lorsque le redressement de l’impôt est accompagné d’une amende, la Cour de justice indique
que celle-ci doit être calculée en fonction d’un montant du redressement et de la période
concernée par celui-ci. A ses yeux, cela signifie donc que “le contribuable est exposé au risque
de se voir infligé une amende calculée sur la base d’un redressement portant sur une période
pouvant être prise en compte dans une situation où les éléments imposables faisant l’objet du
redressement sont détenus ou apparus aux Pays-Bas” (Point 38).
La Cour considère qu’il doit être admis que la réglementation en cause contribue à assurer
l’efficacité des contrôles fiscaux et à lutter contre la fraude fiscale. Cependant, “l’application aux
contribuables résidant aux Pays-Bas d’un délai de redressement prolongé pour ce qui concerne
les avoirs détenus en dehors de cet État membre et les revenus qu’ils en tirent est de nature à
rendre moins attrayant pour ces contribuables de transférer des avoirs vers un autre État membre
afin de bénéficier des services financiers y offerts que de détenir lesdits avoirs et d’obtenir des
services financiers aux Pays-Bas” (point 39). Par conséquent, elle décide “qu’une réglementation
telle que celle en cause au principal constitue une restriction à la fois à la libre prestation des
services et à la libre circulation des capitaux, prohibée, en principe, par les articles 49 CE et 56
CE, respectivement” (point 40).
155 CJCE, Safir, du 28 avril 1998, C-118/96, point 23 ; CJCE, Commission c/ France, du 4 mars 2004, C-334/02, point 23 et
CJCE, Commission c/ Allemagne, du 11 septembre 2007, C-318/05, point 81.
156 CJCE, Commission c/ Belgique, du 26 septembre 2000, C-478/98, point 18.
-147-
- Sur la justification de la restriction aux libertés de circulation :
La Cour réaffirme que la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux 157 et la lutte
contre la fraude fiscale 158 constituent des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de
justifier une restriction à l’exercice des libertés de circulation garanties par le traité CE. Elle
souligne également que, s’agissant des mouvements de capitaux, l’article 58, paragraphe 1, sous
b) prévoit que l’article 56 ne porte pas atteinte aux droits des Etats membres de prendre les
mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements.
Précisant que pour “qu’une mesure restrictive soit justifiée, elle doit respecter le principe de
proportionnalité, en ce sens qu’elle doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle
poursuit et qu’elle n’aille pas au delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre”,159 la Cour examine
si une réglementation telle que celle en cause ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour
atteindre ces objectifs.
À cet égard, les juges de Luxembourg distinguent deux cas de figure.
Le premier correspond à une situation où des éléments imposables dans un État membre et
situés dans un autre État membre ont été dissimulés aux autorités fiscales du premier État et que
ces dernières ne disposent d’aucun indice quant à l’existence desdits éléments permettant de
déclencher une enquête. Dans cette hypothèse, ce premier État membre se trouve dans
l’impossibilité de s’adresser aux autorités compétentes de l’autre État membre afin d’obtenir les
renseignements nécessaires pour établir correctement le montant de l’impôt. Dans ces
circonstances, le fait de soumettre des éléments imposables dissimulés au fisc à un délai de
redressement prolongé de douze ans ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir
l’efficacité des contrôles fiscaux et lutter contre la fraude fiscale.
Par ailleurs, la Cour indique que le droit communautaire ne s’oppose pas non plus à ce que, dans
ce cas, l’amende infligée soit calculée proportionnellement au montant du redressement et sur
cette période plus longue.
Le second cas de figure correspond à une situation où les autorités fiscales d’un État membre
disposent d’indices sur des éléments imposables situés dans un autre État membre qui
permettent de déclencher une enquête. Dans cette hypothèse, l’application par ce premier État
membre d’un délai de redressement prolongé qui ne viserait pas spécifiquement à permettre aux
autorités fiscales de cet État membre de recourir utilement à des mécanismes d’assistance
mutuelle entre États membres et qui se déclencherait dès que les éléments imposables
concernés se situent dans un autre État membre ne saurait être justifiée .
Par conséquent, la Cour dit pour droit (point 76) : “Les articles 49 CE et 56 CE doivent être
interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à l’application par un État membre,
lorsque des avoirs issus de l’épargne et des revenus tirés de ces avoirs sont dissimulés
aux autorités fiscales de cet État membre et que celles-ci ne disposent d’aucun indice
quant à leur existence permettant de déclencher une enquête, d’un délai de redressement
plus long lorsque ces avoirs sont détenus dans un autre État membre que lorsqu’ils sont
détenus dans le premier État membre. La circonstance que cet autre État membre applique
le secret bancaire n’est pas pertinente à cet égard.” (point 76).
- Sur le calcul de l’amende :
Dans l’affaire C-155/08, la juridiction de renvoi demandait à la Cour de préciser, dans
l’éventualité où elle estimerait que les articles 49 CE et 56 CE ne s’opposent pas à l’application
par un Etat membre, pour les avoirs détenus dans un autre Etat et les revenus en découlant, d’un
157 CJCE, A., du 8 décembre 2007, C-101/05, point 55.
158 CJCE, Elisa, du 11 octobre 2007, C-451/05, Rec. p. I-8251, point 81. Cet arrêt est résumé dans la vieille bimestrielle n/ 16.
159 CJCE, Commission c/ France, précité, point 28.
-148-
délai de redressement plus long que celui appliqué pour les avoirs et revenus provenant de ce
même Etat membre, si ces articles doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas
à ce que l’amende infligée pour cause de dissimulation des avoirs faisant l’objet du redressement
soit calculée proportionnellement au montant redressé.
En réponse, les juges de Luxembourg affirment que “Les articles 49 CE et 56 CE doivent être
interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que, lorsqu’un État membre applique
un délai de redressement plus long dans le cas d’avoirs détenus dans un autre État
membre que dans celui d’avoirs détenus dans ce premier État membre et que ces avoirs
étrangers ainsi que les revenus tirés de ceux-ci étaient dissimulés aux autorités fiscales
du premier État membre qui ne disposaient d’aucun indice quant à leur existence
permettant de déclencher une enquête, l’amende infligée en raison de la dissimulation
desdits avoirs et revenus étrangers soit calculée proportionnellement au montant du
redressement et sur cette période plus longue.” (Point 86).
jjj
-149-
POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE
Omar Mohammed Othman c/ Conseil de l’Union européenne et
Commission des Communautés européennes
Tribunal de Première Instance
11 juin 2009
- T-318/01 « Politique étrangère et de sécurité commune - Mesures restrictives à l’encontre de personnes et
d’entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban - Gel des fonds - Recours en
annulation - Adaptation des conclusions - Droits fondamentaux - Droit au respect de la propriété, droit
d’être entendu et droit à un contrôle juridictionnel effectif »
T Faits :
Le requérant, Monsieur Othman est un ressortissant jordanien résidant depuis 1992 au
Royaume-Uni. Arrêté et détenu à plusieurs reprises depuis 2001 en vertu de la législation antiterroriste britannique, il est actuellement toujours emprisonné.
Désigné par le Comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations-Unies comme étant
associé à Oussama ben Laden, son nom fut publié sur la liste des personnes et des entités
devant être soumises au gel des fonds en vertu de différentes résolutions.
Dans le cadre de la mise en œuvre des résolutions des Nations-Unies par la Communauté
Européenne, le Conseil de l’Union européenne adopta le règlement (CE) n/ 881/2002, lequel
prévoit certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes et entités liées à
Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban. Le nom du requérant figure dans
l’‘annexe I du règlement n/ 881/2002/CE, contenant la liste des personnes visées par le gel des
fonds.
Ce dernier a introduit une requête devant le Tribunal de Première Instance des Communautés
Européennes afin de faire annuler ce règlement.
T Droit communautaire en cause :
Le 16 janvier 2002, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1390 (2002), qui fixe les
mesures à imposer à l’égard d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al-Qaida
ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés. Cette
résolution prévoit, en ses paragraphes 1 et 2, le maintien des mesures, notamment le gel des
fonds, imposées par le paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999) et par le paragraphe
8, sous c), de la résolution 1333 (2000).
Le 27 mai 2002, le Conseil a adopté, sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, le
règlement (CE) n/ 881/2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de
certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban,
et abrogeant le règlement n/ 467/2001/CE (JO L 139, p. 9).
L’article 1er du règlement n/ 881/2002/CE définit les notions de « fonds » et de « gel des fonds »
en des termes identiques, en substance, à ceux de l’article 1er du règlement n/ 467/2001/CE. En
outre, il définit ce qu’il y a lieu d’entendre par « ressources économiques ».
L’annexe I du règlement n/ 881/2002/CE contient la liste des personnes, entités et groupes visés
par le gel des fonds imposé par l’article 2.
-150-
T Décision :
Le Tribunal souligne que le requérant se trouve dans une situation de fait et droit comparable à
celle des requérants dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Kadi rendu le 3 septembre 2008
par la Cour de justice des communautés européennes 160.
En premier lieu, il examine la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué. Il relève
à cet égard que le Conseil n’a, à aucun moment, informé le requérant des éléments à charge
susceptibles de justifier l’inclusion de son nom dans l’annexe I du règlement. Fondant son
argumentation sur celle de l’arrêt de la Cour de Justice dans l’affaire Kadi, les juges
communautaires relèvent notamment que le Conseil n’a communiqué au requérant aucun des
éléments retenus à son encontre fondant les mesures restrictives lui ayant été imposées, ni ne
lui a accordé le droit de prendre connaissance desdits éléments dans un délai raisonnable après
l’édiction de ces mesures. Dès lors ils considèrent que le requérant n’était pas en mesure de faire
connaître utilement son point de vue et que les droits de la défense n’ont donc pas été respectés.
En outre, le Tribunal estime que le droit du requérant à un recours juridictionnel effectif a été
violé. En effet, il relève que le requérant n’ayant pas eu connaissance de ces éléments n’a pas
pu défendre ses droits dans des conditions satisfaisantes devant le juge communautaire. Il
constate également que cette violation n’a pas été corrigée dans le cadre du présent recours
puisque le Conseil n’a avancé aucun élément dans ce sens au cours du litige. Par conséquent,
les juges de Luxembourg considèrent ne pas être en mesure de procéder au contrôle de la
légalité du règlement attaqué, et énoncent que le règlement “pour autant qu’il concerne le
requérant, a été adopté sans fournir aucune garantie quant à la communication des éléments
retenus à charge de celui-ci ou quant à son audition à cet égard, de sorte qu’il doit être conclu
que ce règlement a été arrêté selon une procédure au cours de laquelle les droits de la défense
n’ont pas été respectés, ce qui a également eu pour conséquence que le principe de protection
juridictionnelle effective a été enfreint.” (point 89).
Ensuite, le Tribunal examine la portée, les effets et la justification éventuelle de la restriction de
l’usage du droit de propriété découlant des mesures restrictives prévues dans le règlement. A
cet égard, il relève que le règlement a été adopté sans qu’aucune garantie ne soit offerte au
requérant pour lui permettre d’exposer sa cause aux autorités compétentes. Il précise que la
restriction de ses droits de propriété est considérable, notamment eu égard à la portée générale
et à la durée effective des mesures restrictives dont il fait l’objet.
Dès lors, les juges luxembourgeois jugent que ces mesures restrictives constituent une restriction
injustifiée du droit de propriété du requérant et admettent également les griefs tirés d’une
violation du droit fondamental au respect de la propriété.
Le Tribunal estime donc que le règlement attaqué, pour autant qu’il concerne le requérant,
doit être annulé.
En dernier lieu, le Tribunal refuse de faire droit à la demande du Conseil visant à ce que les effets
du règlement attaqué soient maintenus pendant une brève période. Il souligne en effet que ses
décisions annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de
pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa du statut de la Cour de Justice ou si un pourvoi a été
introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci. Dès lors, il estime que le Conseil “dispose
(...) en tout état de cause d’un délai minimal de deux mois, augmenté du délai de distance de dix
jours, à compter de la notification du présent arrêt, pour remédier aux violations constatées en
adoptant, le cas échéant, une nouvelle mesure restrictive à l’égard du requérant” (point 99) et
décide donc qu’il n’est pas nécessaire de maintenir les effets du règlement au-delà de cette
période.
160 CJCE, affaires jointes C-402/05 P Kadi et C-415/05 P Al Barakaat International Foundation, du 3 septembre 2008. L’arrêt
est résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Septembre-Octobre 2008, p. 103).
-151-
Le Tribunal déclare et arrête : “Le règlement (CE) n/ 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002,
instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et
entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban et abrogeant le règlement
n/ 467/2001, est annulé pour autant qu’il concerne M. Omar Mohammed Othman”.
jjj
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POLITIQUE SOCIALE
David Hütter c/ Technische universität Graz
18 juin 2009
- C-88/08 « Directive 2000/78/CE - Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail - Discrimination liée à
l’âge - Détermination de la rémunération des agents contractuels de l’État - Exclusion de l’expérience
professionnelle acquise avant l’âge de 18 ans »
T Faits :
Le demandeur au principal et sa collègue ont effectué une période d’apprentissage en tant que
techniciens de laboratoire auprès de la Technische universität Graz (Ci-après TUG), un
organisme public relevant de la loi fédérale de 2002 relative à l’organisation des universités et
à leurs études. Ils ont ensuite été recrutés pour une durée de trois mois. Plus âgée que le
demandeur de 22 mois, sa collègue a obtenu un classement à un échelon plus favorable, ce qui
s’est traduit par une différence de traitement mensuel de 23,20 euros. Cette différence tient au
fait que la période d’apprentissage accomplie par le demandeur au cours de sa majorité n’a été
que de 6,5 mois environ, contre 28,5 mois pour sa collègue.
Le demandeur a introduit un recours devant le Landesgericht für Zivilrechtssachen Graz afin
d’obtenir le versement d’une compensation équivalente à la différence de traitement dont il était
victime. Il a obtenu gain de cause en première instance et en appel. La TUG a formé un pourvoi
devant la juridiction de renvoi, l’Oberster Gerichtshof, qui a décidé de surseoir à statuer et de
poser à la Cour de Luxembourg une question préjudicielle.
T Question préjudicielle et droit communautaire en cause :
La demande de décision préjudicielle portait sur l’interprétation de la directive 2000/78/CE du
Conseil, du 27 novembre 2000 relative à la création d’un cadre général en faveur de l’égalité de
traitement en matière d’emploi et de travail 161.
L’article 2 de la directive 2000/78/CE, intitulé « Concept de discrimination », prévoit :
« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence
de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er .
2. Aux fins du paragraphe 1 :
a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins
favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un
des motifs visés à l’article 1er ;
b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique
apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une
religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à
d’autres personnes, à moins que :
i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un
objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires (...) »
161 JOUE L 303, p. 16.
-153-
L’article 3 de la directive 2000/78/CE, intitulé « Champ d’application », prévoit à son paragraphe
1:
«(...) la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour
le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :
a) les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les
critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité
et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ;
[…]
c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de
rémunération ; […] »
Enfin, l’article 6 de la directive prévoit la possibilité de déroger à ces règles :
« lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par
un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et
de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.
Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre :
a) La mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation
professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de
rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge,
en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection ;
b) la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté
dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi ; (...) ».
Précisément, la juridiction de renvoi demandait à la Cour de se prononcer sur le point de savoir :
« les articles 1, 2 et 6 de la directive [2000/78] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils
s’opposent à une réglementation nationale […] qui exclut, parmi les périodes de service pertinentes
aux fins de la détermination de la date de référence pour l’avancement d’échelon, celles qui ont été
accomplies avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans ? »
T Décision :
La Cour précise qu’il convient en premier lieu “de vérifier si une réglementation nationale telle
que celle en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2000/78 et, dans
l’affirmative, s’il s’agit d’une mesure discriminatoire fondée sur l’âge susceptible, le cas échéant,
d’être considérée comme justifiée au regard de ladite directive” (point 32).
Elle poursuit en indiquant que cette directive “tend à établir un cadre général pour assurer à toute
personne l’égalité de traitement «en matière d’emploi et de travail», en lui offrant une protection
efficace contre les discriminations fondées sur l’un des motifs visés à son article 1er, au nombre
desquels figure l’âge” (point 33).
Puis, elle relève que l’article 3 paragraphe 1, sous a) et c) de la directive s’applique “à toutes les
personnes” et concerne, d’une part, “les conditions d’accès à l’emploi (…) y compris les critères
de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les
niveaux de la hiérarchie professionnelle” et, d’autre part, “les conditions d’emploi et de travail, y
compris les conditions de licenciement et de rémunération” (point 34). Dans ces conditions, elle
juge que la directive 2000/78/CE trouve à s’appliquer en l’espèce.
Les juges de Luxembourg rappellent que l’article 2, paragraphe 1, de la directive définit le
principe de l’égalité de traitement comme “l’absence de toute discrimination directe ou indirecte,
fondée sur [l’]un des motifs visés à l’article 1er” de cette directive. L’article 2, paragraphe 2, sous
a), précise quant à lui que, pour les besoins de l’application de son paragraphe 1, “une
discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable
qu’une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à
l’article 1er de la même directive” (point 37). Ils constatent qu’en l’espèce, la réglementation
nationale en cause réserve un traitement moins favorable aux personnes dont l’expérience a été
acquise avant l’âge de 18 ans qu’à celles ayant obtenu une expérience de même nature et d’une
-154-
durée comparable après cet âge. Ces dispositions instaurent selon eux “une différence de
traitement directement fondée sur le critère de l’âge au sens de l’article 2, paragraphes 1 et 2,
sous a), de la directive 2000/78”. (point 38).
Toutefois, la Cour indique qu’il ressort de l’article 6 paragraphe 1er de la directive en cause que
de telles différences de traitement fondées sur l’âge “ne constituent pas une discrimination
lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par
un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du
travail et de la formation professionnelle, et que les moyens pour réaliser cet objectif sont
appropriés et nécessaires” (point 39).
La juridiction européenne s’attarde donc ensuite sur le caractère légitime de l’objectif de la
réglementation en cause au principal. A cet égard, elle rappelle que les objectifs susceptibles
d’être considérés comme tels sont des objectifs relevant de la politique sociale, comme ceux liés
à la politique de l’emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle 162.
Elle note que les objectifs mentionnés par la juridiction de renvoi relèvent de cette catégorie mais
qu’il faut cependant vérifier si les moyens mis en œuvre pour parvenir à leurs réalisations sont
“appropriés et nécessaires” (point 44).
Rappelant que “les États membres disposent incontestablement d’une large marge d’appréciation
dans le choix des mesures susceptibles de réaliser leurs objectifs en matière de politique sociale
et d’emploi”,163 la Cour estime cependant que les objectifs mentionnés par la juridiction de renvoi
peuvent paraître antinomiques. En effet, l’un de ces objectifs serait d’inciter les élèves à suivre
un enseignement secondaire de type général plutôt que de type professionnel. Un autre objectif
serait de favoriser l’embauche des personnes ayant suivi un enseignement professionnel plutôt
que celle des personnes issues de l’enseignement général.
Concernant l’objectif de ne pas défavoriser l’enseignement secondaire général par rapport à
l’enseignement professionnel, la Cour note que le critère de l’âge auquel l’expérience antérieure
a été acquise s’applique quel que soit le type d’enseignement suivi. Elle souligne ainsi que “ce
critère peut donc conduire à une différence de traitement entre deux personnes issues de
l’enseignement professionnel ou entre deux personnes issues de l’enseignement général selon
le seul critère de l’âge auquel elles ont acquis leur expérience professionnelle. Dans ces
conditions, le critère de l’âge auquel l’expérience professionnelle a été acquise n’apparaît pas
approprié à la réalisation de l’objectif visant à ne pas défavoriser l’enseignement général par
rapport à l’enseignement professionnel. À cet égard, il y a lieu de relever qu’un critère reposant
directement sur le type d’études suivies sans faire appel à l’âge des personnes apparaîtrait, au
regard de la directive 2000/78, mieux adapté à la réalisation de l’objectif visant à ne pas
défavoriser l’enseignement général.” (Point 48).
Concernant l’objectif tendant à favoriser l’insertion sur le marché de l’emploi des jeunes ayant
suivi un enseignement professionnel, les juges de Luxembourg constatent que l’exclusion de la
prise en compte de l’expérience acquise avant 18 ans s’applique indistinctement à tous les
agents, quelque soit l’âge auquel ils sont recrutés. Or, ils estiment que dans la mesure où elle
ne prend pas en compte l’âge des personnes au moment du recrutement, la règle en cause n’est
pas appropriée pour favoriser l’entrée sur le marché du travail des jeunes. Par conséquent, ils
jugent que cette disposition ne saurait être considérée comme appropriée au sens de l’article 6
paragraphe 1er de la directive 2000/78/CE.
162 CJCE, Age Concern England, du 5 mars 2009, C-388/07, point 46.
163CJCE, Mangold, du 22 novembre 2005, C-144/04, point 63.
-155-
Ainsi, la Cour dit pour droit (dispositif) : “il convient de répondre à la juridiction de renvoi que
les articles 1, 2 et 6 de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils
s’opposent à une réglementation nationale qui, aux fins de ne pas défavoriser
l’enseignement général par rapport à l’enseignement professionnel et de promouvoir
l’insertion des jeunes apprentis sur le marché de l’emploi, exclut la prise en compte des
périodes d’emploi accomplies avant l’âge de 18 ans aux fins de la détermination de
l’échelon auquel sont placés les agents contractuels de la fonction publique d’un État
membre”.
jjj
-156-
PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG c/ Franz Hauswirth GmbH
11 juin 2009
- C-529/07 « Marque communautaire tridimensionnelle - Règlement (CE) nº 40/94 - Article 51, paragraphe 1, sous
b) - Critères pertinents aux fins de l’appréciation de la “mauvaise foi”du demandeur lors du dépôt de la
demande de marque communautaire »
T Faits :
Le litige opposait deux sociétés fabriquant des lapins en chocolat : la première, la société Lindt
& Sprüngli, produisait depuis plus de 50 ans des lapins en chocolat et les commercialisait en
Autriche depuis 1994. En 2000, elle était devenue titulaire de la marque, représentant un lapin
doré en chocolat, en position assise, portant un ruban rouge, un grelot et l’inscription en brun «
Lindt GOLDHASE ». La seconde société, l’entreprise Franz Hauswirth mettait également depuis
1962 des lapins en chocolat sur le marché autrichien.
L’entreprise Lindt & Sprüngli introduisit une action en contrefaçon à l’encontre de cette dernière
société, afin qu’elle cesse de produire ou de commercialiser sur le territoire de l’Union
européenne des lapins en chocolat qui seraient similaires au point d’être confondus avec le sien
protégé par la marque communautaire.
La société Franz Hauswirth forma une demande reconventionnelle en déclaration de nullité de
la marque. Elle estimait en effet qu’au regard de l’article 51, paragraphe 1, sous b) du règlement
n/ 40/94, le lapin en chocolat ne pouvait être protégé en tant que marque, la société Lindt &
Sprüngli ayant été de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque.
La juridiction autrichienne saisie du litige estimait qu’un “risque de confusion existait bien entre
les deux lapins, notamment du fait que celui commercialisé par Franz Hauswirth était de forme
et de couleur similaires à celui protégé par la marque tridimensionnelle de Lindt” (point 15). Elle
estima toutefois nécessaire afin de rendre sa décision, de savoir si la société Lindt & Sprüngli
était de bonne ou de mauvaise foi au moment de l’enregistrement de la marque, et décida de
surseoir à statuer en posant à la Cour de justice trois questions préjudicielles.
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
N Le règlement (CE) n/ 40/94 a été abrogé par le règlement (CE) n/ 207/2009 du Conseil,
du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), entré en vigueur le 13
avril 2009. Néanmoins, compte tenu de la date des faits, le présent litige demeure régi,
par l’ancien texte.
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 51, paragraphe 1, sous
b), du règlement (CE) n/ 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire.
-157-
Cet article dispose :
« La nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l’Office
[de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)] ou sur
demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :
[…]
b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.»
Plus précisément la Cour de Luxembourg devait répondre aux questions suivantes :
« 1) L’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement n/ 40/94 […] doit-il être interprété en ce sens
que le demandeur d’une marque communautaire doit être considéré comme agissant de mauvaise
foi lorsqu’il sait au moment de l’enregistrement qu’un concurrent dans (au moins) un État membre
utilise une marque identique ou similaire prêtant à confusion pour des produits ou services
identiques ou similaires et qu’il fait enregistrer la marque pour pouvoir empêcher le concurrent de
continuer à l’utiliser ?
2) En cas de réponse négative à la première question :
Le demandeur de la marque doit-il être considéré comme étant de mauvaise foi lorsqu’il
fait enregistrer la marque pour empêcher un concurrent de continuer à l’utiliser alors qu’il
sait ou doit savoir au moment de l’enregistrement que le concurrent a obtenu un “droit
acquis” (« wertvollen Besitzstand ») par l’utilisation d’une marque identique ou similaire
pour des produits ou services identiques ou similaires prêtant à confusion ?
3) En cas de réponse positive à la première ou à la deuxième question :
Faut-il exclure la mauvaise foi lorsque le demandeur a déjà acquis une notoriété dans le
commerce pour sa marque et ainsi une protection au titre du droit de la concurrence ? »
T Décision :
Pour la première fois, la juridiction communautaire est amenée à se pencher sur les critères
pertinents permettant d’établir la mauvaise foi du demandeur lors du dépôt de la demande
d’enregistrement d’un signe. Elle examine les trois questions préjudicielles ensemble et
commence par rappeler qu’en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement n/ 40/94,
la mauvaise foi constitue l’une des causes de nullité absolue de la marque communautaire,
pouvant être invoquée soit devant l’OHMI, soit lors d’une demande reconventionnelle présentée
à l’occasion d’une action en contrefaçon. Elle précise également que la mauvaise foi doit être
appréciée au moment du dépôt de la demande d’enregistrement.
La juridiction luxembourgeoise examine ensuite les critères de la mauvaise foi. Elle considère
que l’existence de la mauvaise foi doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les
facteurs pertinents du cas d’espèce. Selon elle, la connaissance par le demandeur, qu’un tiers
utilise dans au moins un Etat membre, depuis longtemps un signe identique ou similaire pour un
produit identique ou similaire au sien, n’est pas en soi suffisante pour établir sa mauvaise foi. Les
juges communautaires estiment en effet que l’intention du demandeur au moment du dépôt de
la demande d’enregistrement doit être prise en considération. A cet égard, ils relèvent que
l’intention d’empêcher un tiers de commercialiser un produit peut, caractériser la mauvaise foi
du demandeur ; c’est notamment le cas “lorsqu’il s’avère, ultérieurement, que le demandeur a
fait enregistrer en tant que marque communautaire un signe sans intention de l’utiliser,
uniquement en vue d’empêcher l’entrée d’un tiers sur le marché” (point 44).
La Cour souligne en outre que le fait qu’un tiers utilise depuis longtemps un signe pour un produit
identique ou similaire prêtant à confusion avec la marque demandée et que ce signe jouit d’un
certain degré de protection juridique est l’un des facteurs pertinents pour apprécier l’existence
de la mauvaise foi du demandeur. En effet, elle considère que le demandeur pourrait vouloir
bénéficier des droits conférés par la marque communautaire dans le seul but de concurrencer
-158-
déloyalement un concurrent utilisant un signe, qui en raison de ses mérites propres, a déjà
obtenu un certain degré de protection juridique.
Toutefois, elle n’exclut pas le fait que le demandeur poursuive un objectif légitime en faisant
enregistrer son signe, notamment pour empêcher son utilisation, quand il sait qu’un tiers, qui est
un acteur récent sur le marché, tente de profiter du signe en copiant sa présentation.
La Cour indique que la nature de la marque demandée, peut également être un élément à
prendre en considération pour apprécier la mauvaise foi du demandeur, elle relève à cet égard
que “la mauvaise foi du demandeur pourrait être établie plus facilement lorsque la liberté de
choix des concurrents quant à la forme et la présentation d’un produit est restreinte en raison de
considérations d’ordre technique ou commercial, de sorte que le titulaire de la marque est en
mesure d’empêcher ses concurrents non seulement d’utiliser un signe identique ou similaire,
mais également de commercialiser des produits comparables” (point 50).
Enfin, elle estime que le degré de notoriété dont jouit un signe au moment du dépôt de la
demande d’enregistrement est un autre élément susceptible d’être pris en considération dans
l’appréciation de la mauvaise foi. En effet, elle rappelle qu’un “tel degré de notoriété pourrait
précisément justifier l’intérêt du demandeur à assurer une protection juridique plus étendue de
son signe” (point 52).
La Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “Aux fins de l’appréciation de l’existence de la
mauvaise foi du demandeur, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement
(CE) n/ 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, la
juridiction nationale est tenue de prendre en considération tous les facteurs pertinents
propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement
d’un signe en tant que marque communautaire, et notamment :
- le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État
membre, un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à
confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé ;
- l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe,
ainsi que
- le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont
l’enregistrement est demandé.”
jjj
-159-
RAPPROCHEMENT DES LÉGISLATIONS
L’Oréal SA e.a
18 juin 2009
- C-487/07 « Directive 89/104/CEE - Marques - Article 5, paragraphes 1 et 2 - Usage dans une publicité
comparative - Droit de faire interdire cet usage - Profit indûment tiré de la renommée - Atteinte aux
fonctions de la marque - Directive 84/450/CEE - Publicité comparative - Article 3 bis, paragraphe 1,
sous g) et h) - Conditions de licéité de la publicité comparative - Profit indûment tiré de la notoriété
attachée à une marque - Présentation d’un bien comme une imitation ou une reproduction »
T Faits :
Le litige opposait au Royaume-Uni le groupe L’Oréal ainsi que les sociétés Lancôme et Garnier,
notamment titulaires des marques de parfums Trésor, Miracle, Anaïs-Anaîs et Noa, aux sociétés
Bellure, Malaika et Starion, commercialisant des imitations de ces parfums.
L’Oréal et les autres société concernées introduisirent devant la High Court of Justice une action
en contrefaçon à l’encontre de ces dernières sociétés, puis un appel fut interjeté devant la Court
of Appeal. Le problème était celui de l’usage de listes comparatives par les sociétés
défenderesses qu’elles communiquaient aux détaillants en indiquant notamment la marque
verbale du parfum fin dont le parfum commercialisé était l’imitation. Les sociétés requérantes
estimaient en effet que l’usage de telles listes constituait une violation des droits qu’elles tiraient
de leurs marques verbales « Trésor », « Miracle » « Anaïs-Anaïs » et « Noa », violation prohibée
par l’article 10, paragraphe 1, de la loi nationale sur les marques, transposition de la directive
89/104/CEE.
La juridiction de renvoi s’interrogeait sur le point de savoir si l’usage de la marque d’un
concurrent dans le cadre de telles listes, était susceptible d’être interdit en application de l’article
5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104/CEE sur les marques.
Elle décida alors de surseoir à statuer et de poser à la Cour de Justice cinq questions
préjudicielles.
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
De manière synthétique, les quatre premières questions préjudicielles portaient sur
l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104/CEE et sur l’interprétation de
l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse. Plus
précisément, la juridiction de renvoi interrogeait la Cour de Justice sur l’usage par les
défenderesses, dans des listes comparatives, des marques verbales dont étaient titulaires les
sociétés demanderesses.
La cinquième question était relative à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, de la directive
89/104/CEE, se rapportant à l’utilisation d’emballages et de flacons similaires à ceux des parfums
fins commercialisés par les demandeurs et protégés par des marques verbales et figuratives.
L’article 5 de la directive 89/104/CEE, dispose :
«1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire
à tous tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires :
-160-
a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux
pour lesquels celle-ci est enregistrée ;
b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et
en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la
marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend
le risque d’association entre le signe et la marque.
2. Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en
l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou
similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour
lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et
que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée
de la marque ou leur porte préjudice. »
L’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/460/CEE prévoit :
« Pour autant que la comparaison est concernée, la publicité comparative est licite dès lors que les
conditions suivantes sont satisfaites :
a) elle n’est pas trompeuse au sens de l’article 2 point 2, de l’article 3 et de l’article 7
paragraphe 1 ;
[…]
d) elle n’engendre pas de confusion sur le marché entre l’annonceur et un concurrent ou
entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de
l’annonceur et ceux d’un concurrent ;
e) elle n’entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux,
autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situation d’un concurrent ;
[…]
g) elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom
commercial ou à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou de l’appellation d’origine de
produits concurrents ;
h) elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction
d’un bien ou d’un service portant une marque ou un nom commercial protégés. »
T Décision :
La Cour de Justice examine en premier lieu la cinquième question préjudicielle. Elle considère
en effet que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104/CEE étant également susceptible de
s’appliquer à l’usage des marques dans les listes comparatives, il convient d’abord de répondre
à cette question avant de pouvoir aborder les quatre autres.
- Sur la cinquième question préjudicielle :
Il s’agissait de savoir si l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104/CEE devait être interprété
en ce sens qu’un tiers faisant usage d’un signe similaire à une marque renommée pouvait être
réputé tirer indûment profit de la marque, lorsque cet usage lui procurait un avantage pour la
commercialisation de ses produits ou de ses services, sans toutefois entraîner, pour le public,
un risque de confusion ou causer ou risquer de causer un préjudice à la marque ou au titulaire
de celle-ci.
Tout d’abord, la Cour de Luxembourg rappelle que l’article 5, paragraphe 2, de la directive
89/104/CEE offre une protection plus étendue que celle prévue par le paragraphe 1er de ce même
article. Cette protection est conditionnée à l’existence d’un usage sans juste motif d’un signe
identique ou similaire à une marque enregistrée. Les juges de Luxembourg précisent également
que les atteintes visées à l’article 5, paragraphe 2, de la directive, sont la conséquence d’un
certain degré de similitude entre la marque et le signe. Pour qu’il y ait une « atteinte », le public
doit effectuer un rapprochement entre le signe et la marque, sans toutefois les confondre. La
Cour se montre en effet très claire sur ce point en considérant qu’il “n’est (...) pas exigé que le
-161-
degré de similitude entre la marque renommée et le signe utilisé par le tiers soit tel qu’il existe,
dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion. Il suffit que le degré de similitude entre
la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe
et la marque” (point 36).
Toutefois, la juridiction communautaire estime que si l’existence d’un tel lien est une condition
nécessaire, elle n’est pas en soi suffisante pour conclure à l’existence d’atteintes contre
lesquelles l’article 5, paragraphe 2 de la directive assure une protection. Elle clarifie ce point en
indiquant que les atteintes peuvent être de trois sortes : il peut s’agir d’un préjudice porté au
caractère distinctif de la marque, d’un préjudice porté à la renommée de cette marque, ou enfin
d’un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque. Il est
particulièrement important de noter que la Cour relève qu’un seul de ces trois types d’atteintes
suffit pour que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104/CEE soit applicable.
Enfin, la Cour précise qu’afin de déterminer si l’usage d’un signe tire indûment profit du caractère
distinctif ou de la renommée de la marque, il est nécessaire d’avoir recours à “une appréciation
globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce”. En l’espèce, elle fait
état de plusieurs éléments. Elle relève notamment que les sociétés Malaika et Starion utilisent
des emballages et flacons similaires aux marques enregistrées par les sociétés demanderesses,
et ce, dans le but de commercialiser des parfums qui constituent des imitations « bas de
gamme » des parfums de luxe. La Cour estime en particulier que la juridiction de renvoi, dans
son appréciation devra tenir compte du fait que “l’usage des emballages et des flacons similaires
à ceux des parfums imités a pour but de profiter, à des fins publicitaires, du caractère distinctif
et de la renommée des marques sous lesquelles ces parfums sont commercialisés” (point 48).
Sur ce point, la Cour dit pour droit (point 50) : “l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104
doit être interprété en ce sens que l’existence d’un profit indûment tiré du caractère
distinctif ou de la renommée de la marque, au sens de cette disposition, ne présuppose
ni l’existence d’un risque de confusion, ni celle d’un risque de préjudice porté à ces
caractère distinctif ou renommée ou, plus généralement, au titulaire de celle-ci. Le profit
résultant de l’usage par un tiers d’un signe similaire à une marque renommée est tiré
indûment par ce tiers desdits caractère distinctif ou renommée lorsque celui-ci tente par
cet usage de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier du
pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière, et d’exploiter, sans
compensation financière, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour
créer et entretenir l’image de celle-ci”
- Sur les première et deuxième questions :
La Cour examine ces deux questions ensemble, l’enjeu étant de déterminer si le titulaire d’une
marque peut faire interdire l’usage par un tiers, dans une publicité comparative, d’un signe
identique à cette marque pour des produits ou des services identiques, lorsque cet usage n’est
pas susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque.
Les juges communautaires soulignent en premier lieu qu’en l’espèce, les listes comparatives dont
il est question, sont susceptibles d’être qualifiées de « publicité comparative » au sens de l’article
2, point 1, de la directive 84/450/CEE. En outre, ils rappellent avoir déjà eu l’occasion de juger 164
que l’utilisation par un annonceur, dans une publicité comparative, d’un signe identique ou
similaire à la marque d’un concurrent aux fins d’identifier les produits ou les services offerts par
ce dernier est un usage susceptible d’être interdit.
164 CJCE, O2 Holdings et O2 (UK), du 12 juin 2008, C-533/06, Rec. p. I-4231, point 36 et 37.
-162-
A cet égard, la Cour relève que les sociétés défenderesses ont utilisé dans les listes
comparatives de parfum, non seulement les signes similaires aux marques, mais également les
marques verbales « Trésor », « Miracle » « Anaïs-Anaïs » et « Noa ». Elle estime qu’un tel usage
entre dans le champ d’application de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive
89/104/CEE, et non dans celui de son article 5, paragraphe 1, sous b).
Elle estime par ailleurs que le titulaire de la marque ne pourrait s’opposer à l’usage d’un signe
identique à sa marque, si cet usage ne portait préjudice à aucune des fonctions de celle-ci. La
Cour a déjà eu l’occasion de préciser165 que certains usages à des fins purement descriptives
sont exclus du champ d’application de l’article 5, paragraphe 1 puisqu’ils ne portent atteinte à
aucun des intérêts que cette disposition vise à protéger. Toutefois, dans l’affaire en cause,
l’usage par les sociétés défenderesses des marques verbales dans les listes comparatives dont
sont titulaires les sociétés demanderesses, poursuivait non pas un but purement descriptif mais
un but publicitaire.
Les juges de Luxembourg estiment donc que la juridiction de renvoi devra apprécier, si l’usage
qui est fait des marques est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de celles-ci, telles
que notamment les fonctions de communication, d’investissement ou de publicité. En outre, dès
lors que la juridiction de renvoi aura constaté que les marques en question jouissent d’une
renommée, leur usage dans les listes comparatives est susceptible d’être interdit en vertu de
l’article 5, paragraphe 2 de la directive 89/104/CEE, disposition qui est applicable même en
l’absence d’un risque de préjudice pour la marque ou son titulaire, dès lors que le tiers tire
indûment profit de l’usage de cette dernière.
Sur ce point, la Cour dit pour droit (point 65) : “L’article 5, paragraphe 1, sous a), de la
directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque enregistrée
est habilité à faire interdire l’usage par un tiers, dans une publicité comparative qui ne
satisfait pas à toutes les conditions de licéité énoncées à l’article 3 bis, paragraphe 1, de
la directive 84/450, d’un signe identique à cette marque pour des produits ou des services
identiques à ceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, même lorsque cet usage
n’est pas susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est
d’indiquer la provenance des produits ou services, à condition que ledit usage porte
atteinte ou soit susceptible de porter atteinte à l’une des autres fonctions de la marque”.
- Sur les troisième et quatrième questions :
En substance, il s’agissait de savoir “si l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450 devait
être interprété en ce sens que, lorsqu’un annonceur indique, à l’aide d’une liste comparative et
sans provoquer de confusion ni de tromperie, que son produit contient une caractéristique
essentielle similaire à celle d’un produit commercialisé sous une marque notoirement connue,
dont le produit de l’annonceur constitue une imitation, cet annonceur tire indûment profit de la
notoriété de ladite marque, au sens de cet article 3 bis, paragraphe 1, sous g), ou présente « un
bien ou un service comme une imitation ou une reproduction » au sens dudit article 3 bis,
paragraphe 1, sous h)” (point 66).
Les juges communautaires rappellent que cet article énumère les conditions cumulatives
auxquelles une publicité comparative doit satisfaire afin de pouvoir être qualifiée de « licite ». Ils
s’intéressent plus spécifiquement à l’utilisation de la marque d’un concurrent dans une publicité
comparative et rappellent à cet égard que l’article 3 bis, paragraphe 1er, de la directive
84/450/CEE soumet une telle utilisation à quatre conditions spécifiques, énoncées aux d), e), g)
165 CJCE, Hölterhoff, du 14 mai 2002, C-2/00, Rec. p. I-4187, point 16.
-163-
et h) de cet article. Par conséquent, l’utilisation de la marque ne doit engendrer ni risque de
confusion, ni discrédit ou dénigrement de la marque. Elle ne doit pas tirer indûment profit de la
notoriété attachée à celle-ci, ni présenter un bien ou un service comme une imitation ou une
reproduction du produit ou du service portant la marque. En outre, le point h) de l’article 3 bis
paragraphe 1er de la directive 84/450/CEE consiste à interdire à l’annonceur de faire apparaître,
dans la publicité comparative, le fait que le produit ou le service qu’il commercialise constitue une
imitation ou une reproduction du produit ou du service de marque. Or, la Cour de justice relève
que les listes comparatives dont il est question “ont pour but et pour effet d’indiquer au public
concerné le parfum original dont les parfums commercialisés par Malaika et Starion sont censés
constituer une imitation” (point 76). Ces listes attestent donc du fait que ces parfums constituent
des imitations des parfums commercialisés par L’Oréal et les autres sociétés demanderesses.
Enfin, s’agissant de la notion de « profit indûment tiré » de la notoriété du concurrent, la Cour
considère que dès lors qu’une publicité comparative présente les produits de l’annonceur comme
une imitation, celle-ci sera qualifiée par la directive 84/450/CEE de « publicité contraire à une
concurrence loyale » et donc illicite. Le profit réalisé par l’annonceur grâce à une telle publicité
doit, par conséquent, être considéré comme indûment tiré de la notoriété attachée à cette
marque.
Sur les troisième et quatrième questions préjudicielles, la Cour dit pour droit (point 80) : “L’article
3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450 doit être interprété en ce sens qu’un annonceur
qui mentionne de manière explicite ou implicite, dans une publicité comparative, que le
produit qu’il commercialise constitue une imitation d’un produit portant une marque
notoirement connue présente « un bien ou un service comme une imitation ou une
reproduction », au sens de cet article 3 bis, paragraphe 1, sous h). Le profit réalisé par
l’annonceur grâce à une telle publicité comparative illicite doit être considéré comme «
indûment tiré » de la notoriété attachée à cette marque, au sens dudit article 3 bis,
paragraphe 1, sous g)”.
jjj
Generics (UK) Ltd
18 juin 2009
- C-527/07« Demande de la décision préjudicielle - Directive 2001/83/CE - Médicaments à usage humain Autorisation de mise sur le marché - Motifs de refus, Médicaments génériques, Notion de médicament
de référence »
T Faits :
La société Generics UK Ltd souhaitait obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour
un médicament générique de la galantamine conformément à la directive 2001/83/CE instituant
un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Cette demande s’effectue
dans le cadre d’une procédure décentralisée conformément à l’article 28 de la directive, et le
Royaume-Uni est désigné comme l’Etat membre de référence. Des demandes simultanées ont
également été introduites dans 17 autres Etats membres.
Generics fondait également sa demande sur l’article 10 qui offre un régime dérogatoire pour les
demandes d’AMM concernant un médicament générique. Ce régime s’appuie sur la notion de
« médicament de référence » et dispense le demandeur d’AMM de fournir les résultats des
essais précliniques et cliniques s’il peut démontrer que le médicament est un générique d’un
médicament de référence.
-164-
En l’espèce, Generics prenait le Nivalin comme médicament de référence. Ce médicament avait
été autorisé en Autriche en 1963. Par ailleurs, Generics faisait également référence à l’AMM
obtenue au Royaume-Uni en 2000 par Shire Pharmaceuticals Ltd pour le Reminyl, un autre
générique du Nivalin.
La demande d’AMM présentée par Generics fut cependant rejetée par la Licensing Authority au
motif que le Nivalin ne pouvait être utilisé comme médicament de référence car le dossier de ce
médicament n’avait pas été mis à jour pour satisfaire aux exigences de la réglementation
communautaire devenue applicable depuis l’adhésion de l’Autriche à l’Union européenne. De
plus, la référence au Reminyl ne pouvait être retenue puisque la période de protection de dix ans
visée par la directive 2001/83/CE n’avait pas encore expiré.
Generics introduisit un recours devant la High Court of Justice. Celle-ci décida d’interroger la
Cour de justice des communautés européennes.
T Question préjudicielle et droit communautaire en cause :
La question posée est relative à la notion de « médicament de référence » telle que retenue à
l’article 10 de la directive 2001/83/CE, notion qui est la base du régime dérogatoire de demande
d’AMM d’un médicament générique.
La Cour doit statuer sur le fait de savoir si le Nivalin, médicament autorisé en Autriche, peut être
considéré comme un « médicament de référence » au sens de l’article 10 de la directive
2001/83/CE alors que sa mise sur le marché n’a pas été autorisée conformément à la directive
2001/83/CE.
A titre subsidiaire, la juridiction de renvoi demande à la Cour de lui préciser les indications utiles
afin de déterminer s’il y a une violation du droit communautaire suffisamment caractérisée du fait
d’un rejet à tort de la demande d’AMM.
T Décision :
La Cour rappelle à titre liminaire que “l’obligation pour les demandeurs d’une AMM d’un
médicament de joindre à la demande le résultat des essais visés à l’article 8 paragraphe 3 sous
i) de la directive 2001/83/CE a pour but de fournir la preuve de la sécurité et de l’efficacité d’un
médicament”. Le régime dérogatoire institué par l’article 10 de la directive “dispensant les
demandeurs d’une AMM pour un médicament générique d’un médicament de référence déjà
autorisé conformément à cette directive de fournir les résultats des essais” a pour but d’éviter la
répétition d’essais sur l’homme ou les animaux.
Cependant, comme le rappelle la directive “toute réglementation en matière de production et de
distribution de médicaments doit avoir pour objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique”.
Ainsi, l’interprétation de la notion de « médicament de référence » ne doit pas avoir pour effet
d’assouplir les normes de sécurité dans la mise en œuvre de la procédure dérogatoire instituée
à l’article 10 de la directive 2001/83/CE (point 24).
Afin que l’AMM soit délivrée au médicament générique sur la base de la procédure dérogatoire,
tous les renseignements et documents relatifs au médicament de référence doivent rester à la
disposition de l’autorité compétente. Dans le cas contraire, “le respect des normes de sécurité
auxquelles doivent satisfaire les médicaments se trouverait [...] fortement compromis”.
L’obligation pour le demandeur d’une AMM de fournir les résultats des essais, remplacée par
celle de démontrer que le médicament en cause est de nature analogue au médicament de
référence bénéficiant déjà de l’autorisation, doit alors être applicable lorsque l’autorité
compétente ne dispose pas de tous les documents et renseignements relatifs au médicament
de référence (point 27).
Generics fait valoir qu’un médicament mis sur le marché d’un Etat membre depuis plusieurs
années conformément à une autorisation délivrée sur le fondement des seules dispositions
nationales de cet Etat membre, applicables avant la transposition de la législation communautaire
dans cet Etat, doit être considéré comme un médicament de référence (point 28). Une telle
-165-
interprétation lui permettrait ainsi de ne pas avoir à fournir les résultats des essais, mais,
conformément à la procédure dérogatoire instaurée par l’article 10 de la directive 2001/83/CE,
d’avoir seulement à prouver la nature analogue du médicament générique au médicament de
référence.
Pour la Cour cette interprétation n’est pas fondée car il ressort de la directive 2001/83/CE que
“seuls peuvent être considérés comme des médicaments de référence ceux bénéficiant d’une
AMM délivrée conformément à cette directive” (point 30). Autrement dit, le médicament de
référence doit avoir été autorisé sur le fondement du droit communautaire en vigueur à l’époque
de la demande d’AMM pour le médicament de référence pour pouvoir être utilisé dans le cadre
de la procédure dérogatoire de l’article 10 de la directive 2001/83/CE.
De plus, pour les médicaments pour lesquels l’AMM a été demandée avant l’entrée en vigueur
de ladite directive, le demandeur doit rapporter la preuve “que le médicament de référence a été
autorisé sur le fondement du droit communautaire en vigueur à l’époque de la demande d’AMM
pour le médicament de référence” afin de bénéficier de la procédure abrégée (point 30).
Les juges communautaires retiennent également que “toute autre interprétation de la directive
irait à l’encontre non seulement des exigences de sécurité et d’efficacité des médicaments, et
partant, de l’objectif de sauvegarde de la santé publique, mais également de la finalité [...] de la
directive 2001/83/CE qui est de procéder au rapprochement des législations nationales” (point
31).
Ainsi, considérer comme un médicament de référence un médicament ayant fait l’objet d’une
autorisation délivrée sur la base de dispositions exclusivement nationales, applicables avant la
transposition des directives en cause “reviendrait en réalité à autoriser une dérogation à la règle,
prévue notamment à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83, selon laquelle un
médicament qui n’a pas été autorisé conformément au droit communautaire ne peut pas être mis
sur le marché d’un État membre” (point 32).
Aussi, “pour qu’un médicament puisse être considéré comme un médicament de référence, il
doit, préalablement à sa mise sur le marché, avoir été autorisé conformément au droit
communautaire” (point 33).
En l’espèce, le Nivalin, médicament de référence pour Generics, n’a jamais fait l’objet d’une
demande d’AMM en bonne et due forme conformément à l’article 8 de la directive 2001/83/CE
qui précise que des documents et des renseignements doivent être joints à la demande. De plus,
aucune demande d’AMM n’a été présentée pour ce produit, conformément à la législation
communautaire applicable après l’entrée en vigueur de la directive 2001/83/CE.
Dès lors, la Cour constate que “la mise sur le marché autrichien du Nivalin n’a été autorisée qu’en
application de la législation en vigueur en Autriche à la date de l’octroi de l’autorisation, à savoir
en 1963, cette autorisation n’ayant jamais été mise à jour conformément au droit communautaire
à la suite de l’adhésion de l’Autriche à l’EEE, puis à l’Union” (point 36).
Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “Un médicament, tel que le Nivalin
en cause au principal, ne relevant pas du règlement (CE) n/ 726/2004 du Parlement
européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires
pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain
et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments, et dont la
mise sur le marché d’un État membre n’a pas été autorisée conformément au droit
communautaire applicable, ne peut pas être considéré comme un médicament de
référence au sens de l’article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/83/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire
-166-
relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2004/27/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004”.
Compte tenu de cette réponse, les juges de Luxembourg n’estiment pas nécessaire de se
prononcer sur la question posée à titre subsidiaire.
jjj
College van burgemeester en wethouders van Rottredam
c/ M.E.E. Rijkeboer
7 mai 2009
- C-553/07« Protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel Directive 95/46/CE - Protection de la vie privée - Effacement des données - Droit d’accès aux données
et à l’information sur les destinataires des données - Délai d’exercice du droit d’accès »
T Faits :
Le litige en cause opposait M. Rijkeboer au Collège des bourgmestres et échevins 166 de
Rotterdam. Le requérant contestait le refus partiel du Collège de lui donner accès aux
informations sur la communication à des tiers de ses données personnelles au cours des deux
années précédant sa demande.
En effet, par deux décisions rendues en 2005, le Collège ne lui avait transmis que l’information
relative à la période d’un an précédant sa demande, et ce en application de l’article 103,
paragraphe 1 de la loi nationale transposant la directive 95/46/CE, 167 les données demandées
par le requérant antérieurement à l’année de sa demande ayant été effacées.
Le requérant contesta ces décisions. La juridiction de première instance lui donna raison. Le
Collège interjeta appel devant le Raad van State. Après avoir relevé que l’article 12 de la directive
relative au droit d’accès aux données ne fixe aucun délai dans lequel ce droit doit pouvoir être
exercé, la juridiction d’appel indiqua avoir des doutes sur le point de savoir si cet article interdit
au législateur de limiter dans le temps le droit de la personne concernée à être informée des
destinataires auxquels ses données de caractère personnel ont été communiquées. Dans ces
conditions, le Raad van State décida de surseoir a statuer et de poser à la Cour de justice une
question préjudicielle.
T Question préjudicielle et droit communautaire applicable :
La demande préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 12, sous a), de la directive 95/46/CE
du Parlement européen et du Conseil, en date du 24 octobre 1995, relative à la protection des
personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données.
L’article 12 dispose 168 :
« Les États membres garantissent à toute personne concernée le droit d’obtenir du responsable
du traitement :
166 Exécutif communal.
167 JO L 281, p.31.
168 Article 12 « Droit d’accès », sous a), directive 94/46/CE.
-167-
a) sans contrainte, à des intervalles raisonnables et sans délais ou frais excessifs :
- la confirmation que des données la concernant sont ou ne sont pas traitées, ainsi
que des informations portant au moins sur les finalités du traitement, les
catégories de données sur lesquelles il porte et les destinataires ou les catégories
de destinataires auxquels les données sont communiquées,
- la communication, sous une forme intelligible, des données faisant l’objet des
traitements, ainsi que de toute information disponible sur l’origine des données,
- la connaissance de la logique qui sous-tend tout traitement automatisé des
données la concernant, au moins dans le cas des décisions automatisées visées
à l’article 15, paragraphe 1; (...) »
La Cour de justice fait également référence à l’article 6 de la directive qui énonce les principes
relatifs à la qualité de « données » et aux modalités de leur conservation.
Le paragraphe 1, sous e), dispose que :
« les États membres prévoient que les données à caractère personnel doivent être “conservées
sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée
n’excédant pas celle nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles sont collectées
ou pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement. Les États membres prévoient des garanties
appropriées pour les données à caractère personnel qui sont conservées au-delà de cette période,
à des fins historiques, statistiques ou scientifiques” ».
La question préjudicielle posée à la Cour de justice par la juridiction de renvoi est la suivante :
« La limitation, prévue par la loi, de la communication des données à l’année précédant la demande
concernée est-elle compatible avec l’article 12, [...] sous a), de la [directive], lue ou non en liaison
avec l’article 6, paragraphe 1, sous e), de cette directive et avec le principe de proportionnalité ?
»
T Décision :
La Cour indique qu’en substance, la juridiction de renvoi cherche “à déterminer si, selon la
directive, en particulier son article 12, sous a), le droit d’accès d’une personne à l’information sur
les destinataires ou les catégories de destinataires de données à caractère personnel la
concernant ainsi que sur le contenu des données communiquées peut être limité à la période
d’un an précédant sa demande d’accès” (point 31).
Elle explique que “pour apprécier la portée du droit d’accès que la directive doit rendre possible,
il convient, d’abord, de déterminer les données auxquelles se rapporte le droit d’accès et de se
référer, ensuite, à la finalité de l’article 12, sous a), de la directive examinée à la lumière des
objectifs de cette dernière” (point 40).
En l’espèce, les juges de Luxembourg relèvent que deux catégories de données sont
concernées : d’une part, des données à caractère privé détenues par la commune sur une
personne - celles-ci “constituent des « données à caractère personnel » au sens de l’article 2,
sous a) de la directive puisqu’il s’agit d’informations concernant une personne physique ou
identifiable” 169 (Point 42) et d’autre part, de “l’information sur les destinataires ou les catégories
de destinataires auxquels ces données de base sont communiquées ainsi que sur le contenu de
ces dernières” (point 43).
La Cour note à cet égard que, conformément à la législation nationale en cause, l’information en
question n’est conservée qu’un an. Elle estime que “La limitation dans le temps du droit d’accès
à l’information sur le ou les destinataires des données à caractère personnel ainsi que sur le
169 CJCE, Österreischischer Rundfunk e.a., du 20 mai 2003, C-465/00 et C-139/01et CJCE, Lindqvist, du 6 novembre 2003,
C-101/01, Rec. p. I-12971.
-168-
contenu des données transmises, qui est visée dans l’affaire au principal, concerne ainsi cette
seconde catégorie de données” (point 44).
Rappelant l’importance de la protection de la vie privée,170 les juges communautaires rappellent
que “les principes de cette protection doivent trouver leur expression, d’une part, dans les
obligations mises à la charge de ceux qui traitent des données, ces obligations concernant
notamment, la qualité des données - objet de l’article 6 de la directive - et d’autre part, dans les
droits conférés aux personnes dont les données font l’objet d’un traitement d’être informées sur
celui-ci, de pouvoir accéder à ces données, de pouvoir demander leur rectification, voire de
s’opposer à leur traitement dans certaines circonstances” (point 48).
Ils affirment ensuite que “Ce droit au respect de la vie privée implique que la personne concernée
puisse s’assurer que ses données à caractère personnel sont traitées de manière exacte et licite,
c’est-à-dire, en particulier, que les données de base la concernant sont exactes et qu’elles sont
adressées à des destinataires autorisés”. (point 49).
Puis, la Cour précise que le droit d’accès prévu par l’article 12, sous a), est nécessaire pour
permettre à la personne concernée d’exercer les droits résultant de la directive et notamment son
droit d’opposition, ou encore le droit au recours en cas de dommage.
Concernant le droit d’accès à l’information sur les destinataires et au contenu des données, elle
note que la directive ne précise pas si ce droit concerne le passé. Cependant, elle estime que
pour assurer l’effet utile de ces dispositions, le droit d’accès doit nécessairement concerner le
passé. En effet, à défaut, “la personne intéressée ne serait pas en mesure d’exercer de manière
efficace son droit de faire rectifier, effacer ou verrouiller les données présumées illicites ou
incorrectes ainsi que d’introduire un recours juridictionnel et d’obtenir réparation du préjudice
subi” ( point 54).
Ensuite, les juges de Luxembourg s’interrogent sur l’étendue de ce droit dans le passé. La Cour
rappelle avoir déjà jugé que les dispositions de la directive sont générales et qu’elles sont
caractérisées par une certaine souplesse, offrant ainsi une marge de manœuvre aux Etats en
vue de leur transposition, marge de manœuvre qui n’est toutefois pas illimitée.
Elle indique que l’établissement d’un délai relatif au droit d’accès à l’information sur les
destinataires ou les catégories de destinataires et le contenu des données communiquées doit
permettre à la personne concernée d’exercer les droits prévus par la directive. Elle relève
également que la durée de conservation des données de base peut constituer un paramètre utile
qui n’est cependant pas déterminant car, en fonction des finalités pour lesquelles les données
sont collectées ou ultérieurement traitées, cette durée peut être différente.
Sur ce point, la Cour précise que “si, par exemple, les destinataires de telles données sont
nombreux ou la fréquence de communications à un nombre plus restreints de destinataires est
élevée, l’obligation de conserver aussi longtemps l’information sur les destinataires ou les
catégories de destinataires ainsi que sur le contenu des données communiquées pourrait
représenter une charge excessive pour le responsable du traitement” (point 59). Or, pour les
juges européens, “la directive n’exige pas des Etats-membres qu’ils imposent de telles charges
au responsable du traitement” (point 60). Ils relèvent que “l’article 12, sous C), de la directive
prévoit expressément une réserve à l’obligation de ce dernier de notifier aux tiers auxquels les
données ont été communiquées les rectifications, effacements ou verrouillages, a savoir lorsque
cela s’avère impossible ou suppose un effort disproportionné” (point 61).
La Cour évoque enfin le caractère disproportionné que certaines mesures pourraient revêtir en
relevant que “S’agissant de l’obligation d’informer la personne concernée, le quatrième
considérant de la directive énonce que le nombre des personnes concernées ainsi que
170 Deuxième et dixième considérants de la directive 95/46/CE, arrêts précités sous note précédante.
-169-
l’ancienneté des données peuvent être prises en compte. Par ailleurs, selon l’article 17 de la
directive relative à la sécurité des traitements, les Etats membres prévoient que le responsable
du traitement doit mettre en œuvre des mesures techniques et d’organisation destinées à assurer
un niveau de sécurité approprié au regard des risques présentés par le traitement et de la nature
des données à protéger” (point 62).
La Cour dit pour droit (dispositif) : “L’article 12, sous a), de la directive 95/46/CE du Parlement
européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes
physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données, impose aux États membres de prévoir un droit d’accès à
l’information sur les destinataires ou les catégories de destinataires des données ainsi
qu’au contenu de l’information communiquée non seulement pour le présent, mais aussi
pour le passé. Il appartient aux États membres de fixer un délai de conservation de cette
information ainsi qu’un accès corrélatif à celle-ci qui constituent un juste équilibre entre,
d’une part, l’intérêt de la personne concernée à protéger sa vie privée, notamment au
moyen des voies d’intervention et de recours prévus par la directive 95/46, et, d’autre part,
la charge que l’obligation de conserver cette information représente pour le responsable
du traitement.
Une réglementation limitant la conservation de l’information sur les destinataires ou les
catégories de destinataires des données et le contenu des données transmises à une
durée d’un an et limitant corrélativement l’accès à cette information, alors que les données
de base sont conservées beaucoup plus longtemps, ne saurait constituer un juste
équilibre des intérêt et obligation en cause, à moins qu’il ne soit démontré qu’une
conservation plus longue de cette information constituerait une charge excessive pour le
responsable du traitement. Il appartient à la juridiction nationale d’effectuer les
vérifications nécessaires”.
jjj
-170-
AFFAIRES COMMUNAUTAIRES
A SUIVRE :
CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAUX
-171-
ESPACE DE LIBERTÉ, SÉCURITÉ ET JUSTICE
María Julia Zurita García c/ Delegación del Gobierno en Murcia
et Aurelio Choque Cabrera c/ Delegación del Gobierno en Murcia
Conclusions de l’avocat général Mme Julia Kokott
présentées le 19 mai 2009
- C-261/08 et C-348-08 « Acquis Schengen - Règlement (CE) n/ 562/2006 - Code frontières Schengen - Convention
d’application de l’accord de Schengen -Droit de séjour - Expulsion - Remplacement par une amende »
T Faits :
Julia Zurita Garcia et Aurelio Choque Cabrera sont deux ressortissants boliviens qui séjournaient
de manière irrégulière en Espagne. A la suite à ce constat d’irrégularité, le représentant du
gouvernement dans la région de Murcie a prononcé, le 15 novembre 2006, l’expulsion du
territoire espagnol de Madame Garcia ainsi qu’une interdiction d’entrée dans l’espace Schengen
pour une durée de 5 ans. La même décision a été adoptée à l’encontre de Monsieur Cabrera le
30 juillet 2007.
Les recours introduits contre ces deux décisions ont été rejetés en première instance. Les
intéressés ont interjeté appel. Les procédures sont pendantes devant le Tribunal superior de
justicia de Murcie.
L’article 53 de la loi organique espagnole prévoit que les séjours irréguliers de personnes
ressortissant d’un pays tiers seront sanctionnés d’une amende. Selon l’article 57 de la même loi,
lorsque le comportement en cause peut-être qualifié de très grave, cette amende peut être
remplacée par le prononcé d’une expulsion. La juridiction de renvoi demande à la Cour si de
telles dispositions sont conformes au droit communautaire.
T Droit communautaire et question préjudicielle :
Le droit applicable est énoncé à l’article 62, point 1 et point 2, sous a) du Traité instituant la
Communauté européenne, ainsi que par le règlement (CE) n/ 562/2006 du Parlement européen
et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de
franchissement des frontières par les personnes, (« Code des frontières Schengen ») et en
particulier les articles 5, 11 et 13.
Pour les deux procédures en cours, la juridiction nationale pose à la Cour de justice la question
suivante :
« Les dispositions du traité instituant la Communauté européenne, en particulier son article 62,
point 1 et point 2, sous a), et celles du règlement (CE) n/ 562/2006 du Parlement européen et du
Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement
des frontières par les personnes (code frontières Schengen), en particulier ses articles 5, 11 et 13,
doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation comme la
réglementation nationale, avec la jurisprudence qui l’interprète, en vertu de laquelle l’expulsion de
tout “ressortissant d’un pays tiers” non muni d’un titre autorisant l’entrée et le séjour sur le territoire
de l’Union européenne peut être remplacée par l’imposition d’une amende ? »
-172-
T Conclusions de l’avocat général :
Selon l’avocat général, il convient de répondre à la question posée de manière suivante :
“1) L’article 6 ter, paragraphe 3, de la convention d’application de l’accord de Schengen
et la disposition identique de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) n/ 562/2006 du
Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire
relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes n’oblige pas
d’expulser des ressortissants de pays tiers en raison de la présomption de l’absence de
réunion des conditions de séjour prévue à l’article 6 ter, paragraphe 1, de la convention
d’application de l’accord de Schengen et/ou de l’article 11, paragraphe 1, du règlement.
2) L’article 23, paragraphe 3, de la convention d’application de l’accord de Schengen ne
s’oppose pas à des règles de droit interne telle qu’en l’espèce selon lesquelles l’expulsion
d’un ressortissant d’un pays tiers qui séjourne sur le territoire de l’Union européenne sans
document l’autorisant à entrer et/ou à séjourner peut être remplacée par l’imposition d’une
amende.”
jjj
-173-
LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES
Nicolas Bressol e. a. et Céline Chaverot e. a. c/ le Gouvernement de la
Communauté française
Conclusions de l’Avocat général Mme Eleanor Sharpston,
présentées le 25 juin 2009
- C-73/08 « Enseignement supérieur - Santé publique - Numerus clausus - Condition de résidence - Égalité de
traitement - Principe de non discrimination - Justifications »
T Faits :
Le litige se plaçait dans le contexte du nombre grandissant d’étudiants français s’inscrivant dans
les universités francophones belges afin d’y poursuivre des études de vétérinaires ou de
kinésithérapeutes.
En France, l’admission aux écoles vétérinaires se fait par concours ouvert aux seuls étudiants
ayant suivi deux années de cours préparatoires, tandis que pour les étudiants souhaitant
s’inscrire en kinésithérapie, un numerus clausus est instauré. Dès lors, un très grand nombre
d’étudiants français ont fait le choix de venir étudier en Belgique, où l’accès à ces filières est
rendu moins difficile.
Face à une telle situation, où le nombre d’étudiants étrangers étaient devenus supérieurs au
nombre d’étudiants belges dans ces cursus, le Parlement de la Communauté française en
Belgique adopta, le 16 juin 2006, un décret ayant pour objet d’établir un numerus clausus pour
l’inscription de non résidents dans ces filières universitaires. Il était prévu qu’une université ou
une haute école ne pouvait admettre qu’un nombre limité d’étudiants non résidents, nombre fixé
pour chaque cursus dans chaque établissement, pour l’année académique 2006/2007, à 30 %
du nombre total des étudiants inscrits pour la première fois dans l’établissement pour les cursus
concernés. Ce décret définissait en outre les « résidents », échappant au numerus clausus, par
une double condition : ils devaient avoir à la fois leur résidence principale en Belgique et avoir
le droit d’y séjourner de manière permanente. Enfin, les candidats non résidents ne pouvaient
demander leur inscription que pendant les trois jours ouvrables précédant le 2 septembre ; si leur
nombre dépassait le numerus clausus fixé, le tri s’effectuait par tirage au sort.
La Cour constitutionnelle de Belgique fut saisie par de nombreux requérants d’un recours en
annulation de ce décret. Ils contestaient en effet la différence de traitement prévue par le décret
entre résidents et non résidents en ce qui concerne l’accès aux cursus en question.
S’interrogeant sur la compatibilité de ce décret avec les dispositions du Traité CE relatives à la
libre circulation des personnes, la juridiction constitutionnelle décida alors de surseoir à statuer
et d’interroger la Cour de Luxembourg.
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
Les questions préjudicielles portent sur l’article 12, alinéa premier, CE et l’article 18, paragraphe
1, CE, pris en combinaison avec l’article 149, paragraphe 1, l’article 149, paragraphe 2, deuxième
tiret et l’article 150, paragraphe 2, troisième tiret, CE.
-174-
L’article 12, premier alinéa, CE dispose :
« Dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières
qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité. »
L’article 18, paragraphe 1, CE dispose :
« Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États
membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les
dispositions prises pour son application ».
L’article 149, paragraphe 1 et paragraphe 2, deuxième tiret, CE énonce :
« 1. La Communauté contribue au développement d’une éducation de qualité en encourageant la
coopération entre États membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leur action tout
en respectant pleinement la responsabilité des États membres pour le contenu de l’enseignement
et l’organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique.
2. L’action de la Communauté vise :
[...]
- à favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants, y compris en encourageant la
reconnaissance académique des diplômes et des périodes d’études ».
L’article 150, paragraphe 2, troisième tiret, CE dispose :
« L’action de la Communauté vise :
[...]
- à faciliter l’accès à la formation professionnelle et à favoriser la mobilité des formateurs
et des personnes en formation, et notamment des jeunes ».
La Cour constitutionnelle de Belgique demande à la Cour de justice de répondre aux questions
préjudicielles suivantes :
« 1. Les articles 12, premier alinéa, et 18, paragraphe l, [CE], lus en combinaison avec
l’article 149, paragraphes 1 et 2, deuxième tiret, et avec l’article 150, paragraphe 2,
troisième tiret, [CE] doivent-ils être interprétés en ce sens que ces dispositions s’opposent
à ce qu’une communauté autonome d’un État membre compétente pour l’enseignement
supérieur, qui est confrontée à un afflux d’étudiants d’un État membre voisin dans
plusieurs formations à caractère médical financées principalement par des deniers
publics, à la suite d’une politique restrictive menée dans cet État voisin, prenne des
mesures telles que celles inscrites dans le [Décret du 16 juin 2006], lorsque cette
Communauté invoque des raisons valables pour affirmer que cette situation risque de
peser excessivement sur les finances publiques et d’hypothéquer la qualité de
l’enseignement dispensé ?
2. En va-t-il autrement, pour répondre à la question mentionnée sub 1, si cette
Communauté démontre que cette situation a pour effet que trop peu d’étudiants résidant
dans cette Communauté obtiennent leur diplôme pour qu’il y ait durablement en
suffisance du personnel médical qualifié afin de garantir la qualité du régime de santé
publique au sein de cette Communauté ?
3. En va-t-il autrement, pour répondre à la question mentionnée sub 1, si cette
Communauté, compte tenu de l’article 149, premier alinéa, in fine, [CE] et de l’article 13.2,
c), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui contient
une obligation de standstill, opte pour le maintien d’un accès large et démocratique à un
enseignement supérieur de qualité pour la population de cette Communauté ? ».
-175-
T Conclusions :
L’Avocat général propose de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante :
- Concernant la première et la deuxième questions :
“Les articles 12, premier alinéa, CE et 18, paragraphe l, CE, lus en combinaison avec
l’article 149, paragraphes 1 et 2, deuxième tiret, CE et avec l’article 150, paragraphe 2,
troisième tiret, CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des mesures
comme celles contenues dans le Décret régulant le nombre d’étudiants dans certains
cursus de premier cycle de l’enseignement supérieur, adopté par la Communauté
française de Belgique”.
- Concernant la troisième question :
“La réponse aux deux premières questions n’est pas affectée par la prise en compte de
l’article 149, premier alinéa, in fine, CE et de l’article 13.2, c), du Pacte international relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels”.
-176-
POLITIQUE SOCIALE
C.Meerts c. Proost NV
Conclusions de l’Avocat général Mme Juliane Kokott présentées le 14 mai 2009
- C-116/08 « Congé parental - Résiliation des relations de travail par l’employeur - Indemnité compensatoire de
préavis - Congé parental - Directive 96/34/CE »
T Faits :
Mme Meerts, employée depuis 1992 de la société Proost, réduisit de moitié son temps de travail
au titre d’un congé parental entre le 18 novembre 2002 et le 17 mai 2003. Le 8 mai 2003, soit
neuf jours avant la fin de son congé parental, elle fit l’objet d’un licenciement sans préavis pour
motifs économiques. Le litige l’opposait à son ancien employeur, en raison du calcul du montant
de l’indemnité compensatoire. Elle avait en effet perçu une indemnité compensatoire calculée
sur la rémunération à taux partiel qui lui était versée durant son congé parental. Or Mme Meerts
estimait que cette indemnité aurait du être calculée sur la rémunération à taux plein qu’elle
percevait avant de prendre son congé parental, rémunération qu’elle aurait dû percevoir au terme
de celui-ci.
Après avoir vu sa demande d’indemnité compensatoire de préavis plus élevée rejetée par
l’Arbeidsrechtbank (tribunal du travail) puis, en appel par l’Arbeidshof (cour du travail)
d’Antwerpenk, elle se pourvut en cassation. La Cour de cassation belge décida alors de surseoir
à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour de justice.
T Question préjudicielle et droit communautaire en cause :
La question préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 2 de la directive 96/34/CE du
Conseil, du 3 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, la
CEEP et la CES.
La clause 2 de l’accord-cadre sur le congé parental dispose en ses points 1, 4, 5, 6 et 7 :
« 1. En vertu du présent accord, sous réserve de la clause 2.2, un droit individuel à un congé
parental est accordé aux travailleurs, hommes et femmes, en raison de la naissance ou de
l’adoption d’un enfant, pour pouvoir s’occuper de cet enfant pendant au moins trois mois jusqu’à
un âge déterminé pouvant aller jusqu’à huit ans, à définir par les États membres et/ou les
partenaires sociaux. »
[...]
4. Afin d’assurer que les travailleurs puissent exercer leur droit au congé parental, les États
membres et/ou les partenaires sociaux prennent les mesures nécessaires pour protéger les
travailleurs contre le licenciement en raison de la demande ou de la prise de congé parental,
conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales.
5. A l’issue du congé parental, le travailleur a le droit de retrouver son poste de travail ou, en cas
d’impossibilité, un travail équivalent ou similaire conforme à son contrat ou à sa relation de travail.
6. Les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental
sont maintenus dans leur état jusqu’à la fin du congé parental. À l’issue du congé parental, ces
droits, y compris les changements provenant de la législation, de conventions collectives ou de la
pratique nationale, s’appliquent.
-177-
7. Les États membres et/ou les partenaires sociaux définissent le régime du contrat ou de la
relation de travail pour la période du congé parental »
La Cour de Justice devra répondre à la question suivante :
« Les dispositions des points 4, 5, 6 et 7, de la clause 2 de l’accord cadre sur le congé parental
conclu par les organisations interprofessionnelles à vocation générale UNICE, CEEP et CES et
figurant dans l’annexe de la directive 96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, concernant
l’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES, doivent-elles être
interprétées en ce sens que, en cas de résiliation unilatérale du contrat de travail par l’employeur
pendant le régime de réduction des prestations de travail, sans motif grave ou sans respect du
délai légal de préavis, l’indemnité de licenciement due au travailleur doit être déterminée sur la
base de la rémunération de base en la calculant comme si le travailleur n’avait pas réduit ses
prestations de travail pour bénéficier du congé parental sous cette forme au sens du point 3, sous
a), de la clause 1 de l’accord cadre ? »
T Conclusions :
L’Avocat général propose de répondre à la question préjudicielle de la manière suivante :
“Le point 6 de la clause 2 de l’accord cadre sur le congé parental annexé à la directive
96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, doit être interprété en ce sens que, en cas de
résiliation unilatérale du contrat de travail par l’employeur sans motif grave ou sans
respect du délai légal de préavis, à un moment où le travailleur bénéficie d’un régime de
réduction du temps de travail, l’indemnité de licenciement due au travailleur se détermine
sur la base de la rémunération de base en la calculant comme si le travailleur n’avait pas
réduit le volume de ses prestations de travail au titre d’un congé parental”. (point 63).
jjj
-178-
TRANSPORT
Bogiatzi
Conclusions de l’Avocat général Jan Mazak,
présentées le 25 juin 2009
- C-301/08 « Règlement n/ 2027/97 - Article 29 de la convention de Varsovie - Responsabilité d’un transporteur
aérien de la Communauté pour un préjudice subi par un passager à la suite d’un accident - Délai pour
l’introduction d”une action en indemnisation du préjudice subi - Convention internationale conclue par
les Etats membre - Compétence de la Cour de justice pour l’interpréter, en vertu de l’article 234 CE,
l’article 29 de la convention de Varsovie - Incidence d’un règlement communautaire sur une convention
internationale - Article 307 CE »
T Faits :
Le 21 décembre 1998, alors qu’elle s’apprêtait à embarquer dans un avion de la compagnie
Luxair, Mme Bogiatzi fut victime d’une chute sur le tarmac de l’aéroport de Luxembourg.
Le 22 décembre 2003 elle assigna la compagnie Luxair et Deutscher Luftpool, assureur de
Luxair, devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg afin d’obtenir réparation, par
condamnation solidaire, de son préjudice subi. Elle fondait sa demande sur le règlement
n/ 2027/97/CE, ainsi que sur la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929.
Le tribunal rejeta sa demande au motif qu’elle avait été introduite cinq ans après l’accident, et
donc après l’expiration du délai de deux ans prévu à l’article 29 de la Convention de Varsovie
pour intenter une action en responsabilité. Le tribunal jugea également que ce délai était un délai
préfix, non susceptible de suspension ou d’interruption.
La cour d’appel de Luxembourg confirma le jugement du tribunal de Luxembourg et Mme Bogiatzi
forma un pourvoi devant la Cour de cassation en soulevant un certains nombre de moyens tirés
notamment de la violation du règlement n/ 2027/97/CE.
La requérante conteste en effet l’application à une situation régie par ledit règlement du délai de
recours de deux ans en vertu de la Convention de Varsovie. C’est dans ce cadre que la Cour de
cassation a décidé de poser à la Cour de justice trois questions préjudicielles.
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
- L’article 29 de la Convention de Varsovie dispose que :
« 1. L’action en responsabilité doit être intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux
ans à compter de l’arrivée à destination ou du jour où l’aéronef aurait dû arriver, ou de l’arrêt du
transport.
2. Le mode de calcul du délai est déterminé par la loi du tribunal saisi ».
- La convention de Montréal du 28 mai 1999 visant à moderniser la convention de Varsovie, à
laquelle aussi bien la Communauté que les 27 Etats membres sont parties dispose à son article
35 que le délai de recours est identique à celui de l’article 29 de la convention de Varsovie.
- Le règlement n/ 2027/97/CE relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas
d’accident dispose dans son article 2 que :
« Les notions contenues dans le présent règlement qui ne sont pas définies au paragraphe 1 sont
équivalentes à celles utilisées dans la convention de Varsovie.»
-179-
Son article 5 dispose que :
«1. Avec toute diligence nécessaire et, en tout état de cause, au plus tard quinze jours après que
la personne physique ayant droit à indemnisation a été identifiée, le transporteur aérien de la
Communauté verse à cette personne une avance lui permettant de faire face à ses besoins
immédiats, en proportion du préjudice matériel subi.
[…]
3. Le versement d’une avance ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité et l’avance
peut être déduite de toute somme payée ultérieurement en fonction de la responsabilité du
transporteur aérien de la Communauté; elle n’est pas remboursable, sauf dans les cas visés à
l’article 3 paragraphe 3 ou lorsqu’il est prouvé par la suite que la faute de la personne à laquelle
l’avance a été versée constitue le fait générateur du dommage ou y a concouru ou que cette
personne n’avait pas droit à indemnisation. »
La juridiction de renvoi pose les questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice :
« 1. La Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien
international signée à Varsovie le 12 octobre 1929, telle que modifiée à La Haye le 28
septembre 1955, à laquelle se réfère le règlement (CE) n/ 2027/97, fait-elle partie des
normes de l’ordre juridique communautaire que la Cour de justice a compétence
d’interpréter au titre de l’article 234 CE ?
2. Est-ce que le règlement (CE) n/ 2027/97 du Conseil, du 9 octobre 1997, relatif à la
responsabilité du transporteur aérien en cas d’accident, dans sa version applicable à
l’époque de l’accident, à savoir le 21 décembre 1998, doit être interprété en ce sens que,
pour les questions non expressément réglées, les dispositions de la Convention de
Varsovie, en l’occurrence l’article 29, continuent à s’appliquer à un vol entre États
membres de la Communauté ?
3. En cas de réponse affirmative à la première et à la deuxième question, l’article 29 de
la Convention de Varsovie, en relation avec le règlement (CE) n/ 2027/97, est-il à
interpréter en ce sens que le délai de deux ans y prévu peut être suspendu ou interrompu
ou que le transporteur ou son assureur peuvent y renoncer, par un acte considéré par le
juge national comme valant reconnaissance de responsabilité ? »
T Conclusions :
L’Avocat général Jan Mazak propose de répondre aux questions préjudicielles de la manière
suivante :
“L’article 29 de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport
aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929, ne fait pas partie des normes
de droit communautaire que la Cour a la compétence d’interpréter au titre de l’article 234
CE.
Le règlement n/ 2027/97 relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas
d’accident ne doit pas, en ce qui concerne les délais dans lesquels doivent être formés les
recours en indemnisation en cas de préjudice subi dans le cadre d’un vol entre États
membres régi par ce règlement, être interprété en ce sens qu’il empêcherait le juge
national de faire application du délai prévu à l’article 29 de la convention de Varsovie,
étant entendu que ce délai doit être conforme aux principes de droit communautaire
d’effectivité et d’équivalence.”
jjj
-180-
AUTRE DOMAINE 171
Intercontainer Interfrigo SC (ICF)
Conclusions de l’Avocat général Yves Bot,
présentées le 19 mai 2009
- C-133/08 « Convention de Rome du 19 juin 1980 - Loi applicable aux obligations contractuelles à défaut de choix
par les parties - Contrat de transport de marchandises - Critère de rattachement »
T Faits :
Intercontainer Interfrigo (ICF) est une société Belge. Dans le cadre d’un projet de liaison
ferroviaire portant sur le transport de marchandises entre Amsterdam et Francfort, elle mit des
wagons à la disposition de Balkenende, pour le compte de MIC, deux sociétés néerlandaises.
Afin d’assurer le transport, ICF acheta les locomotives et les services nécessaires. MIC loua à
des tiers les capacités de chargement ; elle devait veiller à la partie opérationnelle du transport.
Aucun contrat écrit ne fut conclu entre les parties. Seul un projet de contrat fut envoyé par ICF
désignant le droit belge comme loi applicable, mais celui-ci ne fut pas signé par les parties.
Les accords furent exécutés entre le 20 octobre et le 13 novembre 1998 et entre le 16 novembre
et le 21 décembre 1998.
La société ICF envoya deux factures à ses cocontractants correspondant aux deux périodes
d’exécution mais n’ayant pas été réglée de sa première facture, elle somma MIC de s’ acquitter
de son montant. En vain.
ICF forma un recours devant le Rechtbank te Haarlem, juridiction néerlandaise, afin d’enjoindre
MIC et Balkenende de payer la facture tout en soutenant que la loi belge était applicable.
Cependant, la juridiction néerlandaise conclut que le droit néerlandais était applicable au contrat.
Les créances d’ICF étant prescrites selon ce droit, elle déclara le recours irrecevable.
ICF interjeta appel mais la cour d’appel confirma le jugement du Rechtbank te Haarlem et rejeta
la thèse d’ICF selon laquelle les parties avaient choisi le droit belge comme loi applicable. Pour
la cour d’appel, bien que le contrat ait été envoyé à MIC et Balkenende, celui-ci n’avait pas été
signé. En défense, ICF invoqua la Convention de Rome de 1980 et notamment l’application de
son article 4 paragraphe 2. Pour la juridiction d’appel, le contrat devait être considéré comme
concernant le transport de marchandises, au sens de la convention. De plus, ce dernier était plus
étroitement lié aux Pays-Bas qu’à la Belgique de sorte que la présomption de l’article 4
paragraphe 2 de la convention ne pouvait s’appliquer.
ICF forma alors un pourvoi devant le Hoge Raad der Nederlanden, qui, éprouvant des doutes
quant à l’interprétation de l’article 4 de la Convention de Rome, décida de poser à la Cour de
justice cinq questions préjudicielles.
171 La Cour de justice n’a pas indiqué à quel domaine appartient cette affaire.
-181-
T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause :
L’article 4 de la convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations
contractuelles dispose :
« 1. Dans la mesure où la loi applicable au contrat n’a pas été choisie conformément aux
dispositions de l’article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les
plus étroits. Toutefois, si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lien
plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette partie du
contrat de la loi de cet autre pays.
2. Sous réserve du paragraphe 5, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits
avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion
du contrat, sa résidence habituelle ou, s’il s’agit d’une société, association ou personne morale, son
administration centrale. Toutefois, si le contrat est conclu dans l’exercice de l’activité
professionnelle de cette partie, ce pays est celui où est situé son principal établissement ou, si,
selon le contrat, la prestation doit être fournie par un établissement autre que l’établissement
principal, celui où est situé cet autre établissement.
[...]
4. Le contrat de transport de marchandises n’est pas soumis à la présomption du paragraphe 2.
Dans ce contrat, si le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal au moment
de la conclusion du contrat est aussi celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de
déchargement ou l’établissement principal de l’expéditeur, il est présumé que le contrat a les liens
les plus étroits avec ce pays. Pour l’application du présent paragraphe, sont considérés comme
contrats de transport de marchandises les contrats d’affrètement pour un seul voyage ou d’autres
contrats lorsqu’ils ont principalement pour objet de réaliser un transport de marchandises ».
La juridiction de renvoi pose les cinq questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice :
« 1) L’article 4, paragraphe 4, de la convention de Rome doit-il être interprété en ce sens que cette
disposition concerne uniquement l’affrètement pour un voyage et que d’autres types d’affrètement
ne relèvent pas du champ d’application de [ladite] disposition ?
2) S’il est répondu par l’affirmative à la [première] question […], l’article 4, paragraphe 4, de la
convention de Rome doit-il être interprété en ce sens que dans la mesure où d’autres types
d’affrètement concernent aussi le transport de marchandises, le contrat en cause relatif à ce
transport tombe dans le champ d’application de cette disposition et que le droit applicable est pour
le reste déterminé par l’article 4, paragraphe 2, de la convention de Rome ?
3) S’il est répondu par l’affirmative à la [deuxième] question […], auquel des deux systèmes
juridiques indiqués faut-il se référer pour apprécier l’exception de prescription soulevée à l’égard
de la demande fondée sur le contrat ?
4) Si la partie principale du contrat concerne le transport de marchandises, faut-il écarter la
ventilation visée [à] la [deuxième] question […] et le droit applicable à toutes les parties du contrat
doit-il être déterminé au moyen de l’article 4, paragraphe 4, de la convention de Rome ?
5) L’exception visée à [l’article 4, paragraphe 5, seconde phrase], de la convention de Rome
doit-elle être interprétée en ce sens que les présomptions [de l’article 4, paragraphes 2 à 4,] doivent
uniquement être écartées s’il ressort de l’ensemble des circonstances que les critères de
rattachement qui y sont visés n’ont pas de véritable valeur de rattachement ou bien faut-il les
écarter aussi s’il ressort de ces circonstances que l’on est en présence d’un rattachement plus
important avec un autre pays ? »
T Conclusions :
L’Avocat général Yves Bot propose de répondre aux questions préjudicielles de la manière
suivante :
“Un contrat ayant pour objet la mise à disposition d’un moyen de transport aux fins de
l’acheminement de marchandises pour un voyage déterminé ne relève pas de l’article 4,
paragraphe 4, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte
à la signature à Rome le 19 juin 1980 (convention de Rome), lorsque l’établissement de
-182-
l’entreprise chargée de la mise à disposition de ce transport est situé dans un pays autre
que celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou
l’établissement principal du cocontractant.
La loi applicable à un tel contrat, conformément à l’article 4, paragraphe 1, première
phrase, de la convention de Rome, est celle du pays avec lequel ce contrat présente les
liens les plus étroits. Ces liens peuvent être déduits, par exemple, du fait que, dans un
contrat tel que celui en cause dans l’affaire au principal, les cocontractants sont établis
aux Pays-Bas et le lieu de chargement est situé dans ce même pays.
L’article 4, paragraphe 1, seconde phrase, de la convention de Rome doit être interprété
en ce sens qu’une partie d’un contrat peut se voir appliquer la loi d’un autre pays si cette
partie se détache de manière autonome de l’ensemble du contrat. Ne répond pas à cette
exigence un contrat tel que celui en cause, dont l’objet est une prestation unique qui est
la mise à disposition d’un moyen de transport pour l’acheminement de marchandises pour
un voyage déterminé”.
jjj
-183-
DÉCISIONS
D’AUTRES HAUTES INSTANCES
JURIDICTIONNELLES
FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES
172
172 - Source de la jurisprudence étrangère : Bulletin Reflets n/ 2, 2008, disponible sur le site :
http://curia.europa.eu/fr/coopju/apercu_reflets/lang/index.htm, sous la rubrique « Le Droit de l’Union en Europe », Jurisprudence
nationale et internationale.
-184-
ALLEMAGNE - BUNDESSOZIALGERICHT
Cour fédérale du contentieux social
28 juillet 2008
« Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives - Mesures d’effets équivalents - Vente
transfrontalière de médicaments par correspondance - “Remise de fabricant” limitée aux médicaments
soumis à la réglementation allemande sur les prix des médicaments - Exclusion d’une pharmacie
établie dans un autre Etat membre du remboursement de ladite remise - Admissibilité »
T Faits :
Le législateur allemand a imposé aux fabricants de médicaments d’accorder une remise sur les
prix des médicaments délivrés aux personnes affiliées à la sécurité sociale obligatoire. Cette
remise n’est pas accordée directement par les producteurs aux « caisses-maladie ». Elle est
effectuée par l’intermédiaire des pharmacies : les « caisses-maladie » opèrent une réduction
correspondant au montant de la dite remise sur les factures que leur adressent les pharmacies
ayant délivré les médicaments aux assurés. Les pharmacies peuvent ensuite en demander le
remboursement aux fabricants.
En l’espèce, la requérante, une pharmacie établie aux Pays-Bas, demandait à la Cour fédérale
le remboursement de la remise faite à une filiale allemande d’une entreprise pharmaceutique
française.
T Décision :
La Cour fédérale du contentieux social décide qu’une pharmacie établie aux Pays-Bas et vendant
des médicaments par correspondance n’a pas le droit au remboursement de la « remise de
fabricants » de médicaments.
Selon le Bundessozialgericht, l’obligation d’octroyer cette remise ne s’applique qu’aux seuls
médicaments soumis à la réglementation allemande des prix. Or, les médicaments importés et
ceux vendus par correspondance ne sont pas concernés par cette réglementation.
La Cour fédérale souligne que, n’étant pas liée par la législation allemande, la requérante se
trouve dans une position concurrentielle plus favorable que les entreprises allemandes, et qu’elle
ne saurait dès lors se plaindre des inconvénients liés à cette situation.
La Haute juridiction affirme que la limitation de la « remise de fabricant » aux hypothèses
purement nationales n’est pas contraire au droit communautaire, et notamment à l’article 28 CE.
Elle indique également que la requérante n’est pas discriminée par rapport aux pharmacies
allemandes. Sur ce point, le Bundessozialgericht fait référence à la jurisprudence de la Cour de
Justice, et notamment à l’arrêt du 11 décembre 2003 (C-322/01, Doc Morris NV, Rec. I, p.
14887) et affirme que ce système n’est pas susceptible de discriminer les pharmacies établies
dans un autre Etat membre.
Le Bundessozialgericht se réfère également à la jurisprudence communautaire pour souligner
que la « remise de fabricant » est légale en ce qu’elle ne porte pas atteinte à la compétence des
Etats membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale 173.
173 Au terme d’une jurisprudence constante, le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des Etats membres
pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale. Voir notamment CJCE, Smith et Peerbooms, du 12 juillet 2001, C-157/99, Rec.
p. I-5473 ; CJCE, Duphar e.a., du 7 février 1984, 238/82, Rec. p. 523, point 16 ; CJCE, Sodemare e.a., du 17 juin 1997, C-70/95,
-185-
La Cour fédérale estime enfin que la remise était un « blocage de prix » admis par l’article 4 de
la directive 89/105/CEE relative à la transparence des mesures régissant la fixation des prix des
médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champs d’application des systèmes
d’assurance-maladie.
jjj
Rec. p. I-3395, point 27, et CJCE, Kohll, du 28 avril 1998, C-158/96, Rec. p. I-1931, point 17.
-186-
- BELGIQUE - COUR DE CASSATION BELGE
Cour de cassation de Belgique
deuxième chambre
10 juin 2009
- arrêt n/ P.09.0547.F T Faits :
Le pourvoi est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 février 2009 par la Cour d’assises de la province
de Luxembourg et l’ensemble des arrêts rendus par cette juridiction au cours des débats relatifs
à l’accusation portée contre le demandeur. Celui-ci a été reconnu coupable d’un meurtre.
Étaient notamment en cause les articles 342 et 348 du code d’instruction criminelle belge.
- L’article 342 prévoit que :
« les questions étant posées et remises aux jurés, ils se rendront dans leur chambre pour y
délibérer.
Leur chef sera le premier jure sorti par le sort, ou celui qui sera désigné par eux et du
consentement de ce dernier.
Avant de commencer la délibération, le chef des jurés leur fera lecture de l’instruction suivante, qui
sera, en outre, affichée en gros caractères dans le lieu le plus apparent de leur chambre ;
La loi ne demande pas compte aux jurés des moyens par lesquels ils se sont convaincus; elle ne
leur prescrit point de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et
la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le
recueillement, et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur
leur raison les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur dit
point : “ Vous tiendrez pour vrai tout fait attesté par tel ou tel nombre de témoins” ; elle ne leur dit
pas non plus : “Vous ne regarderez pas comme suffisamment établie toute preuve, qui ne sera pas
formée de tel procès-verbal, de telles pièces, de tant de témoins ou de tant d’indices” ; elle ne leur
fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : “Avez-vous une intime
conviction ...”. »
- L’article 348 dispose quant à lui que :
« Les jurés rentreront ensuite dans l’auditoire et reprendront leur place. Le président leur
demandera quel est le résultat de leur délibération. Le chef du jury se lèvera et, la main placée sur
son coeur, il dira : “En honneur et conscience, la déclaration du jury est : Oui, l’accusé, etc.; Non
l’accusé, etc..” »
T Décision :
- Concernant la partie du pourvoi dirigée contre l’arrêt de condamnation du 19 février 2009 et sur
le moyen tiré de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales :
La Cour de cassation rappelle tout d’abord qu’au terme de l’arrêt Taxquet c. Belgique rendu
par la Cour européenne des droits de l’homme le 13 janvier 2009,174 le droit à un procès
équitable garanti par l’article 6 § 1 de la Convention implique, en ce qui concerne la cour
174 CEDH, Taxquet c. Royaume de Belgique, du 13 janvier 2009, req. n/ 926/05, résume dans la veille bimestrielle n/ 23 (janvierfévrier 2009).
-187-
d’assises, que la décision rendue sur l’accusation mette en avant les considérations ayant
convaincu le jury de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé et qu’elle indique les raisons
concrètes pour lesquelles ils ont répondu positivement ou négativement à chacune des
questions.
La haute juridiction indique ensuite que “en raison de l’autorité de la chose jugée qui s’attache
à cet arrêt et de la primauté, sur le droit interne, de la règle de droit international issue d’un traité
ratifié par la Belgique, ( elle) est contrainte de rejeter l’application des articles 342 et 348 du code
d’instruction criminelle en tant qu’ils consacrent la règle, aujourd’hui condamnée par la Cour
européenne, suivant laquelle la déclaration du jury n’est pas motivée”.
Puis elle relève qu’il ressort des pièces lui ayant été communiquées que le demandeur a donné
au cours de l’instruction préparatoire des explications infirmées par un témoin. Il a également
demandé que le verdict soit motivé pour qu’en cas de condamnation, il puisse comprendre les
raisons ayant conduit le jury à décider de sa culpabilité et que la Cour de cassation soit en
mesure de contrôler la légalité de cette décision.
Ensuite, la Haute Cour note que l’arrêt du 19 février 2009 le condamnait à une peine de réclusion
de dix-huit ans et ce, sur la base d’un verdict formulé par réponses uniquement affirmatives et
négatives aux questions posées dans les termes de la loi.
Sur ce point, l’arrêt énonce qu’il n’y a pas lieu de motiver autrement la déclaration de culpabilité,
la précision de ces questions permettant de compenser le caractère laconique de la sentence.
Mais, selon elle, “la seule affirmation que le demandeur est coupable de meurtre et qu’il n’ y a
pas lieu de l’en excuser ne révèle pas les raisons concrètes pour lesquelles la qualification
contestée par le demandeur a été jugée établie, et ne permet pas à la Cour de vérifier notamment
si la condamnation est fondée dans une mesure déterminante sur le témoignage anonyme
recueilli à la charge de l’accusé ou si elle prend appui sur d’autres modes de preuve qui le
corroborent conformément à l’article 341, alinéa 3 du code d’instruction criminelle”.
Enfin, la Cour suprême souligne que, bien que conforme à la loi belge qui ne demande pas aux
jurés les moyens par lesquels ils sont convaincus, l’arrêt attaqué est néanmoins contraire à
l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès
équitable qui implique une motivation du verdict.
Partant, la Cour de cassation décide de casser l’arrêt de la cour d’assises du 19 février 2009.
jjj
-188-
SUPREME COURT - ETATS-UNIS
12 juin 2008
- req. n/ 553 U.S (2008) «Constitution - Droits fondamentaux - Droit de saisir les juridictions fédérales d’un mandat d’habeas
corpus - Champ d’application territorial - Application aux détenus du camp de Guantánamo et aux
citoyens américains incarcérés en Irak - Inclusion »
T Faits :
La Supreme Court des Etats-Unis a rendu le 12 juin 2008 deux arrêts ayant trait à l’application
extra-territoriale de la Constitution des Etats-Unis.
Dans la première affaire, il était question de deux ressortissants étrangers détenus à
Guantánamo, et contestant, par voie d’habeas corpus, la légalité de leur incarcération devant la
Court of Appeals for the District of Columbia. Cette dernière avait décliné sa compétence, en
estimant que la baie de Guantánamo se trouvait hors de la juridiction des Etat-Unis. Dans la
seconde affaire, deux citoyens américains, détenus par la force multinationale dans une prison
américaine en Irak, contestaient également la légalité de leur détention par le biais de l’habeas
corpus.
T Décision :
Il faut d’abord rappeler que le Military Commission Act, adopté en 2006 par le Congrès américain,
prévoit que les actions intentées par les étrangers considérés comme « ennemis combattants »
ne peuvent bénéficier de la protection de l’habeas corpus.
Dans le premier arrêt, la Supreme Court affirme que les requérants jouissent de la garantie
constitutionnelle offerte par l’habeas corpus. En effet leur désignation d’ « ennemis combattants »
ne saurait suffire, à les priver de leurs droits procéduraux. En outre, elle constate que le retrait
du droit d’habeas corpus viole la « clause de suspension »(clause inscrite dans la Constitution
américaine selon laquelle l’habeas corpus ne peut être suspendu qu’en cas de rébellion,
d’invasion, ou lorsque la sécurité publique l’exige). Elle rejette ainsi l’argumentation du
gouvernement qui soutenait que la « clause de suspension » ne s’appliquait pas en raison de
l’absence de souveraineté exercée sur la baie de Guantánamo, et estime que les Etats-Unis
exercent de facto un pouvoir souverain sur ce territoire.
Dans le second arrêt, la Supreme Court estime que le droit d’habeas corpus s’étend aux citoyens
américains, détenus à l’étranger par des forces américaines disposant d’une chaîne de
commandement américaine. Elle considère en effet qu’un demandeur détenu par les Etats-Unis
sous l’autorité d’une force internationale, peut également bénéficier du droit d’habeas corpus, et
qu’il importe peu à cet égard que la force internationale ne soit pas soumise aux règles d’habeas
corpus, telles qu’elles s’appliquent aux entités américaines.
jjj
-189-
- République Tchèque -
Ústavní soud
Cour constitutionnelle de la République Tchèque
26 novembre 2008
« Traité de Lisbonne - Contrôle de constitutionnalité avant la ratification - Conformité des dispositions
attaquées avec l’ordre constitutionnel tchèque »
T Faits :
La Cour constitutionnelle tchèque a été saisie par le Sénat de certaines dispositions du traité de
Lisbonne. Relayant le point de vue du Président Vaclav Klaus, la Haute assemblée estimait que
le texte apportait des modifications essentielles aux éléments substantiels de l’Etat. Elle
considérait notamment qu’il était contraire à l’ordre constitutionnel tchèque en ce qu’il portait
atteinte à la souveraineté et à l’indépendance du pays.
T Décision :
La Cour suprême se prononce favorablement s’agissant de la conformité des dispositions du
traité de Lisbonne attaquées à l’égard de l’ordre constitutionnel tchèque. Elle ouvre ainsi la voie
vers sa ratification.
Rappelant sa propre jurisprudence et se référant aux arrêts « Solange II » et « Solange III » 175
du Bundesverfassungsgericht, l’Ústavní soud accepte, en principe, les règles de fonctionnement
du cadre institutionnel de l’Union européenne relatives au contrôle de l’exercice des
compétences transférées. Mais, ayant relevé que cette conclusion pourrait, dans l’hypothèse où
le dit cadre ne fonctionnerait pas, subir une modification future, la Cour suprême suppose que
cela ne pourrait être le cas qu’à titre très exceptionnel, et cite le cas d’un abandon de l’identité
des valeurs ou d’un abus des compétences transférées.
Premièrement, la Cour constitutionnelle se prononce sur la question de savoir si les dispositions
de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de
l’Union européenne prévoyant les catégories de compétences de l’Union, portent atteinte à la
souveraineté de l’Etat.
Sur ce point, elle souligne que chaque Etat souverain peut s’autolimiter dans ses compétences
au profit d’un sujet de droit international et que la « compétence de la compétence » appartient
toujours aux Etats membres. En mentionnant de nouveau son acceptation du cadre institutionnel
de l’Union européenne et la jurisprudence du Bundesverfassungsgericht, la Cour conclut que le
traité de Lisbonne élargit le cadre actuel dans lequel l’institution dominante est la Cour de justice
par l’intégration des parlements nationaux dans le contrôle du respect du partage des
compétences entre l’Union et les Etats membres.
175 Wüünsche (Solange 2), 22 octobre 1986, voir RTDE, 1987, Constantinesco (V.), p. 537 et Maastricht (Solange 3), 7 juin 1993,
voir RTDH 2001, p. 1186, Callewaert (J.), p. 1186. Par ces décisions, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a vérifié si le
niveau de protection communautaire des droits fondamentaux était équivalent à celui exigé par la Loi fondamentale du pays.
-190-
Deuxièmement, la Cour constitutionnelle examine l’article 352 du traité relatif au fonctionnement
de l’Union européenne. Selon elle, le transfert de la « la compétence de la compétence »
constitutionnelle vers une organisation internationale est inacceptable. Mais, en l’espèce, elle
note que le traité de Lisbonne n’accorde pas à l’Union le pouvoir de créer de nouvelles
compétences.
Troisièmement, concernant l’article 48, paragraphes 6 et 7, du traité sur l’UE relatif aux
procédures de révision simplifiées, l’Ústavní soud constate que le Conseil européen statue à
l’unanimité pour adopter une décision modifiant les dispositions de la troisième partie du traité
sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Au sujet des « clauses passerelles »,176 elle relève que le passage au vote à la majorité qualifiée
n’étend pas les compétences de l’Union mais concerne uniquement les modalités de vote, et que
les décisions adoptées conformément aux dites dispositions sont soumises au contrôle judiciaire
de la Cour de Justice.
Quatrièmement, concernant l’article 216 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
relatif aux accords internationaux conclus par l’Union avec les Etats tiers ou organisations
internationales, la Cour constitutionnelle tchèque note que cette disposition n’est pas une norme
de compétence et ne modifie pas essentiellement la situation déjà existante.
Cinquièmement, l’Ústavní soud souligne que la Charte des droits fondamentaux ne met pas en
cause le standard national de protection des droits fondamentaux, son contenu étant pleinement
comparable à celui de la Charte des droits et des libertés fondamentaux tchèque.
Sixièmement, la Cour constitutionnelle affirme que les valeurs de l’Union consacrées par l’article
2 du traité sur l’Union européenne sont conformes aux principes fondamentaux de l’ordre
constitutionnel tchèque.
L’Ústavní soud conclut que le traité de Lisbonne ne modifie aucunement le système fondamental
actuel de l’intégration européenne, l’Union restant, même après l’entrée en vigueur de ce texte,
une organisation sui generis.
N La Cour a limité son contrôle de constitutionnalité aux seules dispositions du traité de Lisbonne
dont la conformité étaient explicitement contestées. Un nouveau recours dirigé contre ce traité
n’est donc pas exclu, l’exceptio rei iudicatae par rapport aux dispositions en cause devant être
interprétée de manière stricte.
176 Les clauses passerelles sont une procédure de révision simplifiée. Elles permettent, dans des hypothèses strictement définies,
de modifier les traités sans qu’il soit nécessaire de procéder à une ratification parlementaire.
-191-
DOCTRINE
-192-
COMMENTAIRES D’ARRÊTS
-193-
CONCERNANT LES DROITS DE L’HOMME ET LES DROITS FONDAMENTAUX
T Alexandre Boiché, “Enlèvement international d’enfants : exigence de célérité conforme à la
Convention européenne des droits de l’homme” (Commentaire de l’arrêt CEDH Carlson c. Suisse
du 6 novembre 2008, req n/49492/06),177 in : Actualité juridique Famille, n/ 5, mai 2009, p. 225.
T Charlotte Butruille-Cardew, “Droit de la famille, droit international et autorité parentale”
(Commentaire de l’arrêt de la CEDH Adam c/ Allemagne du 4 décembre 2008, req. n/44036/02),
in : Gazette du Palais, n/ 161 à 162, 10-11 juin, p. 22.
T François Desprez, “Droit à un procès équitable et défaut de motivation d’un arrêt d’assises”,
(Commentaire de l’arrêt CEDH Taxquet c. Belgique du 13 janvier 2009, req. n/ 926/05),178 in :
Gazette du Palais des 13 et 14 mai 2009, n/ 133 et 134, p.11.
T Natalie Fricero, “Procédure devant la Cour européenne, Reprise de la procédure par les
héritiers de la victime” (Commentaire de l’arrêt CEDH Léger c/ France du 30 mars 2009, req
n/ 19324/02), 179 in : Revue Jurisclasseur Procédures, n/ 6, juin 2009, comm 153.
T Nicolas Hervieu, “La Cour européenne des droits de l’homme, alchimiste de la liberté
syndicale” (Commentaire de l’arrêt CEDH Demir et Baykara c/ Turquie du 12 novembre 2008,
req n/ 34503/97),180 in : Revue de droit du travail, n/ 5, mai 2009, p. 288.
T Agathe Lepage, “Violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme”,
(Commentaire de l’arrêt CEDH Orban et a. c. France,181 du 15 janvier 2009, req. n/ 20985/05),
in : Revue Communication Commerce électronique n/ 5, mai 2009, comm. 49.
T Albert Maron et Marion Haas, “En mariage trompe qui peut ; en expulsion vicie qui trompe”,
(Commentaire des arrêts Cour de Cassation du 11 mars 2009 et CEDH Conka c. Belgique, du
5 février 2002 req. n/ 51564/99 ), in : Revue Droit Pénal, mai 2009, n/ 5, p. 38.
T Jean-Pierre Marguénaud et Damien Roets : in : Revue de science criminelle et de droit pénal
comparé, n/ 1, janvier-mars 2009, chroniques :
- “Droits de l’homme, Article 3 - Interdiction de la torture et des traitements inhumains ou
dégradants, Du suicide dans les prisons de France” (Commentaire de l’arrêt CEDH Renolde c/
France du 16 octobre 2008, req. n/ 5608/05),182 p. 173.
177 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (Novembre-Décembre 2008), p.40
178 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-février 2009), p. 86
179 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p.41
180 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (Novembre-Décembre 2008), p. 38
181 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-février 2009), p. 83
182 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 21 (Septembre-Octobre 2008), p. 32
-194-
- “Droits de l’homme, Article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté, Tempête sur le Parquet”
(Commentaire de l’arrêt CEDH Medvedyev c/ France du 10 juillet 2008 , req. n/ 3394/03),183 p.
176.
- “Droits de l’homme, Article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté, L’adaptation des garanties
procédurales européennes aux exigences de la répression des délits contre l’environnement”
(Commentaire de l’arrêt CEDH Mangouras c/ Espagne du 8 janvier 2009),184 p. 180.
- “Droits de l’homme, Article 8 - Droit au respect de la vie privée, De la conservation des
empreintes digitales, échantillons cellulaires et profils ADN des personnes innocentées”
(Commentaire de l’arrêt CEDH S. Marper c/ Royaume-Uni du 4 décembre 2008, req.
n/ 30562/04),185 p. 182.
- “Droits de l’homme, Article 7 - Légalité des délits et des peines et non rétroactivité de
la norme pénale, La légalité criminelle internationale au sens de l’article 7 de la Convention
européenne des droits de l’homme (opus 1): Les fantômes de Mazie Bati” (Commentaire de
l’arrêt CEDH Kononov c/ Lettonie du 24 juillet 2008, req. n/ 36376/04),186 p. 185.
- “Droits de l’homme, Article 7 - Légalité des délits et des peines et non rétroactivité de
la norme pénale, La légalité criminelle internationale au sens de l’article 7 de la Convention
européenne des droits de l’homme (opus 2) : (Mauvais) souvenirs de la révolution hongroise de
1956” (Commentaire de l’arrêt CEDH Korbely c/ Hongrie du 19 septembre 2008, req.
n/ 9174/02),187 p. 193.
T Jean François Renucci, “Les peines perpétuelles et la Convention EDH : une question de
principe non tranchée par la grande chambre” (Commentaire de l’arrêt CEDH Léger c/ France
du 30 mars 2009, req. n/ 193224/02),188 in : Le Dalloz, n/ 21, 4 juin 2009, p. 1453.
T Jean François Renucci, “La CEDH consacre le principe de la compétence universelle”
(Commentaire de l’arrêt CEDH Ould Dah c/ France du 17 mars 2009, req. n/ 13113/03),189 in :
Le Dalloz, n/ 23, 18 juin 2009, p. 1573.
T Jacques-Henri Robert, “Publicité en faveur du tabac, Sportifs contrôlés positifs à l’argent de
la nicotine” (Commentaire de l’arrêt CEDH Société de conception de presse et d’édition et
Ponson c/ France du 5 mars 2009, req. n/ 26935/05),190 in : JCP, Droit pénal, n/ 6, juin 2009, p.
29.
T Julien Simon-Delcros, “Cour d’assises, levez-vous !”,( Commentaire de l’arrêt CEDH Taxquet
c. Belgique du 13 janvier 2009, req. n/926/05 ),191 in : Gazette du Palais, 13 et 14 mai 2009,
n/ 133 et 134, p. 3.
183 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 20 (Juin-Juillet-Août 2008), p. 41
184 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-Février 2009), p. 91
185 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (Novembre-Décembre 2008), p.25
186 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 20 (Juin-Juillet-Août 2008), p. 26
187 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 21 (Septembre-Octobre 2008), p. 52
188 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 54
189 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 66
190 Arrêt résumé dans cette vielle
191 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-Février 2009), p. 86
-195-
CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE
T Elsa Bernard, “Recours en annulation, Notion de lien individuel” (Commentaire de l’arrêt
CJCE, M. Sahletedt et a. c/ Commission du 23 avril 2009, aff. C-362/06 P), in : Revue Europe,
n/ 6, juin 2009, p. 14.
T Emmanuelle Broussy, Francis Donnat, Christian Lambert, in : AJDA, n/ 18, 18 mai 2009,
p 980 :
- “Réfugiés, menace individuelle et conflit armé” (Commentaire de l’arrêt CJCE, M et Mme
Elgafaji du 17 février 2009, aff. C-465/07),192 p. 980.
- “Egalité de traitement en matière d’emploi et de travail” (Commentaire de l’arrêt
CJCE, The Incorporated trustees of the National Council on Ageing (Age Concern England) c/
Secretary of State for Business, Enterprise and Regulatory Reform du 5 mars 2009, aff. C388/07), p. 981.
- “Egalité homme/femme” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Commission c/ Grèce du 26
mars 2009, aff. C-559/07),193 p. 982.
“Santé publique et liberté d’établissement” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Hartlauer du
10 mars 2009, aff. C-169/07),194 p. 982.
“Publicité pour les médicaments et Internet” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Damgaard
du 2 avril 2009, aff. C-421/07), p. 984.
“Reconnaissance des diplômes” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Marco Cavallera du 29
janvier 2009, aff. C-311/06), p. 985.
“Défense et illustration des langues officielles” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Union de
Televisiones Comerciales Asociadas (Uteca) du 5 mars 2009, aff. C-222/07), p. 985.
“Concurrence, abus de position dominante, prix prédateurs” (Commentaire de l’arrêt
CJCE, France Télécom c/ Commission du 19 mars 2009, aff. C-202/07),195 p. 986.
“Concurrence, aide d’Etat” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Bouygues SA et Bouygues
Télécom SA c/ Commission du 2 avril 2009, aff. C-431/07P), p. 987.
“Concurrence, notion d’entreprise” (Commentaire des arrêts CJCE, Kattner Stahlbau (aff.
C-350/07) du 5 mars 2009 et Selex Sistemi Integrati (aff. C-113/07P) du 26 mars 2009), p. 988.
T Christophe Caron, “La Cour de justice aime toujours la notion d’extraction”, (Commentaire de
l’arrêt CJCE, Apis-Hristovich c/ Lakorda AD du 5 mars 2009, aff. C-545/07), in : Revue
Communication Commerce électronique n/ 5, mai 2009, comm. 44.
T Marie-Catherine Chemtob-Concé, “Définition juridique du médicament : les précisions de la
jurisprudence relatives à la qualification de médicament et à l’application de la règle supplétoire”
(Commentaire de l’arrêt CJCE, Hecht-Pharma Gmb c/ Staatliches Gewerbeaufsichtamt Lüneburg,
du 15 janvier 2009, aff. C-140/07),196 in : Les Petites Affiches, n/ 90, 6 mai 2009, p. 9.
192 Arrêt résumé dans le veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-Février 2009), p. 119.
193 Arrêt résume dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 111.
194 Arrêt résume dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 95.
195 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 80.
196 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-février 2009), p.133.
-196-
T André Chaminade, “Notion de déchet et mise en œuvre du principe pollueur-payeur”,
(commentaire de l’arrêt CJCE, Grande Chambre, Commune de Mesquer c/ Total France SA et
international Ltd, 197 aff. C- 188/07, du 24 juin 2008), in : JCP, éd. G, 6 mai 2009, n/ 19, alerte
10079, p. 31.
T Laurent Coutron, “Droit administratif et droit communautaire, Responsabilité pour faute et
responsabilité sans faute en droit communautaire. Les approximations de l’arrêt FIAMM”
(Commentaire de l’arrêt CJCE, FIAMM du 8 septembre 2008, aff. jointes C-120/06 et C-121/06),
in : RFDA, n/ 2, mars-avril 2009, p. 329.
T Georges Decocq, “Une caisse de sécurité sociale n’exerce pas une activité économique”,
(Commentaire de l’arrêt CJCE, Kattner Stahlbau GmbH, aff. C - 350/07 du 5 mars 2009), in :
Revue Contrats, concurrence et consommation, mai 2009, n/ 5, p. 35.
T Georges Decocq, “Calcul de l’amende et entente verticale complexe” (Commentaire des
arrêts CJCE, Itochu Corp (aff. T-12/03), Nintendo (aff. T-13/03), CD-Contact Data (aff. T-18/03)
du 30 avril 2009), in : Contrats, Concurrence, Consommation, n/ 6, juin 2009, p. 30.
T Georges Decocq, “Affectation du commerce entre Etats membres et intérêt communautaire
d’une plainte” (Commentaire de l’arrêt CJCE, AEPI (aff. C-425/07 P) du 23 avril 2009), in :
Contrats, Concurrence, Consommation, n/ 6, juin 2009, p. 33.
T Laetitia Driguez, “Différence de traitement en raison de l’âge : licenciement et refus
d’embauche” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Age Concern England du 5 mars 2009, aff. C388/07) , in : Revue Europe, n/ 5, mai 2009, comm 190.
T Laetitia Driguez, “Egalité de traitement entre homme et femmes en matière de rémunération”
(Commentaire de l’arrêt CJCE, Commission c/ Grèce du 26 mars 2009, aff. C-559/07), in : Revue
Europe, n/ 5, mai 2009, comm 190.
T Laetitia Driguez, “Retour sur les clauses de non régression (Commentaire de l’arrêt CJCE,
Angelidaki et a. du 23 avril 2008, aff. jointes C-378/07 à C-380/07), in : Revue Europe, n/ 6, juin
2009, p 25.
T Vincent Grandil, “Groupe de sociétés : La Cour de justice des Communautés européennes
corrige la régime français d’intégration fiscale” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Société Papillon
du 27 novembre 2008, aff. C-418/07),198 in : Les Petites Affiches, n/ 105, 27 mai 2009, p. 3.
T Michel Guichard, Romain Grau, “Liberté de circulation des capitaux, Les dons aux
organismes d’intérêt général relèvent de la liberté de circulation des capitaux” (Commentaire de
l’arrêt CJCE, Gde chambre, Hein Persche du 27 janvier 2009, aff. C-318/07),199 in : Revue de
droit fiscal, n/ 21, 21 mai 2009, p 28.
T Laurence Idot, in : Revue Europe, n/ 5, mai 2009 :
- “Prestations de services, Accidents du travail - Quand l’obligation d’affiliation à un régime
d’assurance légale sur les accidents du travail est examinée à l’aune des articles 49 et 50 CE”
(Commentaire de l’arrêt CJCE, Kattner Stahlbau du 5 mars 2009, aff. C-350/07), comm 192.
197 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 20 (juin-juillet-août 2008), p. 77.
198 Arrêt résume dans la veille bimestrielle n/ 22 (Novembre-décembre 2008), p. 79.
199 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-février 2009), p. 116.
-197-
- “Concurrence, Champ d’application des règles - Retour de la Cour sur la notion
d’entreprise et d’activité économique : quand les missions exclusivement sociales ne sont pas
des activités économiques” (Commentaire des arrêts CJCE, Kattner Stahlbau (aff. C-350/07) du
5 mars 2009 et Selex Sistemi (aff.C-113/07) du 26 mars 2009), in : Revue Europe, n/ 5, mai
2009, comm 198.
T Laurence Idot, in : Revue Europe, n/ 6, juin 2009 :
- “Notion d’aide et économie du système - Dès lors que la solution retenue par un Etat est
la seule compatible avec le droit communautaire, il ne peut y avoir intervention de l’Etat et par
conséquent aide au sens de l’article 87 CE” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Bouygues SA du 2
avril 2009, aff. C-431/07 P), comm 241
- “Abus de position dominante, prix prédateurs et récupération des pertes” (Commentaire
de l’arrêt CJCE, France Telecom SA du 2 avril 2009, aff. C-202/07 P),200 comm 242.
- “Calcul des amendes et entente verticale” (Commentaire des arrêts TPICE Itochu,
Nintendo, CD-Contact du 30 avril 2009, aff.T-12/03, T-13/03, T-18/03), comm 243.
- “Durée de l’exclusivité dans les contrats dits de station service” (Commentaire de l’arrêt
CJCE Pedro IV Servicios SL du 2 avril 2009, aff. C-260/07),201 comm 245.
- “Revente hors réseau d’un produit de luxe couvert par une licence de marque”
(Commentaire de l’arrêt CJCE, Copad SA du 23 avril 2009, aff. C-59/08),202 comm 250.
T Fabienne Jault-Seseke, “Les salariés dans les procédures transfrontalières d’insolvabilité”
(Commentaire de l’arrêt CJCE, Svenska staten genom Tillsynsmyndigheten i Konkurser c/
Anders Holmqvist du 16 octobre 2008, aff C-310/07), in : Revue de droit du travail, n/ 5, mai
2009, p 333.
T Gérard Jazottes, “Droit européen des affaires, Droit d’établissement (Commentaire de l’arrêt
CJCE, Cartesio du 16 décembre 2008, aff. C-210/06),203 in : Revue trimestrielle de droit
commercial et de droit économique, n/ 1, janvier-mars 2009 p. 227.
T Emeric Jeansen, “Transfert d’entreprise, Appréciation de l’identité transférée selon le droit
communautaire (Commentaire de l’arrêt de la CJCE Dietmar Klarenberg c/ Ferrotron
Technologies GmbH du 12 février 2009, aff. C-466/07),204 in : JCP, Social, n/ 24, 9 juin 2009, p.
25.
T Fabienne Kauff-Gazin, “Etablissements hospitaliers - La Cour condamne les autorisations
préalables à l’ouverture de polyclinique au regard de l’article 43 CE” (Commentaire de l’arrêt
CJCE, Grande chambre, Hartlauer du 10 mars 2009, aff. C-169/07),205 in : Revue Europe, n/ 5,
mai 2009, comm 187.
T Fabienne Kauff-Gazin, “Prix des médicaments - Précisions utiles sur le sujet de l’interprétation
de la directive 89/105 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des
médicaments à usage humain fondées sur l’idée d’une ingérence minimale dans la politique des
200 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars- Avril 2009), p. 80.
201 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 77.
202 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 114.
203 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (Novembre-Décembre 2008), p. 70
204 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-Février 2009), p.129
205 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars- Avril 2009), p. 95.
-198-
Etats en matière de sécurité sociale” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Menarini du 2 avril 2009, aff.
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publication de l’annexe d’un règlement : inopposabilité, invalidité, inexistence ?” (Commentaire
de l’arrêt CJCE, Grande chambre, Gottfried Heinrich, 10 mars 2009, aff. C-345/06),208 in : Revue
Europe, n/ 5, mai 2009, comm 178.
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matière « d’actions révocatoires »” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Seagon, ès qual. c/ Deko
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T Valérie Michel, in : Revue Europe, n/ 6, juin 2009 :
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Glückauf Brauerei GmbH du 2 avril 2009, aff. C-83/08), comm 249.
- “Modalité d’interprétation et de transposition d’une directive” (Commentaire de l’arrêt
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206 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars- Avril 2009), p. 107.
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208 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 86.
209 Arrêt commenté dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-février 2009), p. 111
210 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 89
211 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 119
212 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p.105
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G, n/ 25, 15 juin 2009, p. 44.
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recours efficace” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Commission c/ France du 11 juin 2009, aff. C327/08 ) , in : JCP, éd. G, n/ 26, 22 juin 2009, p. 39.
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abusives” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Pannon GSM c/ Erzsébet Sustikné Gyorfi du 4 juin
2009, aff. C-243/08), in : JCP, éd. G, n/ 26, 15 juin 2009, p. 44.
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2009, comm 229.
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l’exécution communautaire des résolutions onusiennes ?” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Kadi
c/ Conseil et Commission du 3 septembre 2008, aff. jointes C-402/05 et C-415/05 ),213 in : Revue
de science criminelle et de droit pénal comparé, n/ 1, janvier-mars 2009, p. 75.
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c/ NEOS Banca SpA du 23 avril 2009, aff C-509/07),214 in : Revue Europe, n/ 6, juin 2009, comm
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T Denys Simon, Anne Rigaux, “La responsabilité des Etats membres en cas de violation du
droit communautaire revisitée, ou comment le problème technique de l’odeur sexuelle des porcs
mâles non castrés conduit la Cour à trancher des questions fondamentales”, (Commentaire de
213 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 21 (Septembre-Octobre 2008), p. 103
214 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 ( Mars-Avril 2009 ), p. 117
-200-
l’arrêt CJCE, Danske Slageterier c/ Allemagne du 23 avril 2009, aff C-445/06),215 in : Revue
Europe, n/ 5, mai 2009, étude, p. 5.
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conclus par les Etats membres avant leur adhésion à l’‘Union” (Commentaire des arrêts CJCE,
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T Jean-Luc Valens, “Nullités de la période suspecte : l’action relève de la compétence de l’Etat
où la procédure collective a été ouverte”, (Commentaire de l’arrêt CJCE, Seagon c/ Deko Marty
Belgium NV, du 12 février 2009, affaire C- 339/07), in : Le Dalloz, 14 mai 2009, n/ 19, p. 1311.
T Jean-Claude Zarka, “Etrangers” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Epoux Elgafaji c/
Staatssecretaris van Justitie du 17 février 2009, aff. C-465/07),216 in : Gazette du Palais, n/ 156
à 157, 5-6 juin 2009, p. 8.
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v
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215 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/24 ( Mars-Avril 2009 ), p. 100
216 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/23 ( Janvier- Février 2009 ), p. 119
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ARTICLES GÉNÉRAUX
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CONCERNANT LES DROITS DE L’HOMME ET LES DROITS FONDAMENTAUX
T Joël Andriantsimbazovina, “Les bienfaits de la « juridictionnalisation » de la protection
supranationale des droits de l’homme”, in : RFDA, n/ 2, mars-avril 2009, p. 294.
T Jean François Flauss, “Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme
(septembre 2008-février 2009)”, in : AJDA, n/ 16, 4 mai 2009, p. 872.
T Natalie Fricero, “Procédures européenne et communautaire, Exécution des arrêts de la Cour
europénne”, in : Revue Jurisclasseur Procédures, n/ 6, juin 2009, comm 193.
T Eric J. Van Brustem, “Les lois rétroactives et la Convention européenne des droits de
l’homme - A la recherche de l’équilibre entre l’espérance légitime du contribuable et l’ingérence
du législateur en raison d’impérieux motifs d’intérêt général”, in: Revue de droit fiscal, n/ 25, 18
juin 2009, p. 9.
T Michel Van Brustem, Eric Van Brustem, “Les hésitations de la Cour européenne des droits
de l’homme : à propos du revirement de jurisprudence en matière de satisfaction équitable
applicable aux expropriations illicites”, Note sous CEDH, 21 octobre 2008, Guisi-Gallisay c. Italie,
req. n/ 58858/00, in : RFDA, n/ 2, mars-avril 2009, p. 285.
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CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE
T Compte rendu du colloque organisé le 7 novembre 2008 par l’Ordre des avocats aux
Conseils : « L’influence des droits nationaux sur le droit communautaire ».
Dossier : « Actualités du droit communautaire ».
In : Revue annuelle des Avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, Dalloz 2009.
T Hugues Bouthinon-Dumas, “La directive sur les services de paiement et la concurrence entre
les établissements de paiement et les banques”, in : Revue trimestrielle de droit commercial et
de droit économique, n/ 1, janvier-mars 2009 p. 59.
T Paul Cassia, “Droit administratif français et droit de l’Union européenne, 1er juillet-31 décembre
2008, L’application du droit communautaire par les autorités et juridictions administratives
françaises”, in : RFDA, n/ 2, mars-avril 2009, p. 343.
T Jacques Demotes-Mainard, Inserm, Ecrin, “Droit de la santé, Droit communautaire : vers une
évolution de la directive n/ 2001/20/CE ?, in : Gazette du Palais, n/ 142 à 143, 22-23 mai 2009,
p. 8.
T Jean Claude Fillon, “Union européenne et sécurité sociale : les nouveaux règlements de
coordination”, in : Revue de droit du travail, n/ 6, juin 2009, p. 403.
T Daniel Gadbin, “Agriculture et droit européen des affaires : l’irréductible droit communautaire
agricole”, Dossier, in : Revue de droit rural, n/ 372, avril 2009.
T Juliette Gest, “Les travaux préparatoires du projet de Cadre commun de référence sous la
Présidence française du Conseil de l’Union européenne”, in : Le Dalloz, 4 juin 2009, p. 1431.
T Laurence Idot, “L’activité en matière de pratiques anticoncurrentielles”, in : Revue Europe,
n/ 5, mai 2009, comm 199.
T Gérard Jazottes, “Droit européen des affaires, Ententes anti-concurrentielles, La Commission
se dote d’une procédure simplifiée pour l’application de l’interdiction des ententes : la procédure
dite de transaction”, in : Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique, n/ 1,
janvier-mars 2009 p. 230.
T Daniel Lecrubier, Claudine Jacob, Karima Zouaoui, Frédéric Baab, Claire Rocheteau,
Emmanuel Barbe, “Présidence française de l’UE et bilan en matière de justice”, Dossier spécial,
in : L’Observateur de Bruxelles, n/ 76, avril 2009, p. 7.
T Virginie Lefebvre Dutilleul, Patrice Mottier, Olivia Ramos Garcia, “Prix prédateurs sur un
marché non dominé et abus de position dominante : des liens difficiles à nouer”, in : Revue Lamy
Droit des Affaires, n/ 38, mai 2009, p. 41.
-204-
T Bérengère Legros, “Risques psychosociaux au travail et dialogue social européen : l’utilisation
de l’accord-cadre autonome”, in : La semaine juridique, Social, n/ 25, 16 juin 2009, p. 19.
T Florian Linditch, “Procédure d’infraction à l’encontre de la France concernant les droits
exclusifs pour la gestion des aides agricoles et des aides à la formation professionnelle”, in :
Contrats et Marchés publics, n/ 5, mai 2009, alerte 28.
T Cyril Nourissat, “Le règlement (CE) n/4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la
compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération
en matière d’obligations alimentaires”, in : Revue Jurisclasseur Procédures, n/ 6, juin 2009, p. 7.
T Charles Edouard Renault, “Droit du cinéma, Droit européen et international du cinéma”, in :
Gazette du Palais, n/ 137 à 139, 17 au 19 mai 2009 :
- Carlota Planas I Silva, “Le plagiat, les pseudo-plagiats, les hommages dans la
production cinématographique au regard de la jurisprudence espagnole”, p. 24.
- Yan Pecoraro, “Les incitations fiscales italiennes en faveur des activités
cinématographiques”, p. 26.
- Dr. Benjamin Vollrath, “Les fictions du réel en droit allemand”, p. 33.
T Gilles Rouzet, “La circulation de l’acte authentique dans l’Union européenne, Fer de lance du
Notariat”, in : JCP Notariale et immobilière, n/ 19, 2009, p. 11-15 .
T Ekaterini Sabatakakis, “Les droits sociaux du citoyen européen”, in : Les Petites Affiches,
n/ 116, 11 juin 2009, p. 74.
T Jean-François Sampieri-Marceau, “Les signification d’actes judiciaires et extrajudiciaires
dans l’Union européenne”, in : Le Dalloz, n/ 21, 4 juin 2009, p. 1434.
T Paolina Testa, “La transposition en droit italien de la directive relative aux pratiques
commerciales déloyales”, in : Gazette du Palais, n/ 144 à 146, 24 au 26 mai 2009, p. 7.
T Allard de Waal, Laurent Ragot, “La réclamation contentieuse constitue-t-elle un moyen
satisfaisant de réparer une discrimination contraire au droit communautaire ?”, in : Revue de droit
fiscal, n/ 23, 4 juin 2009, p. 9.
T Bertrand Warusfel, “Le projet communautaire de création d’une juridiction européenne des
brevets”, in : L’Observateur de Bruxelles, n/ 76, avril 2009, p. 26.
-205-
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