Cour de cassation Service de Documentation et d’Etudes __________________________________________________________________ -------------------------------- VEILLE BIMESTRIELLE DE DROIT EUROPÉEN Mai - Juin 2009 n/ 25 ___________________________________________________________ Observatoire du droit européen SOMMAIRE ACTUALITÉ Actualité de l’Union Européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Textes législatifs et réglementaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Communiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Actualité du Conseil de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ratifications et signatures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Communiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Activités du Commissaire des droits de l’Homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Travaux du Conseil de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 16 18 24 26 Activité internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Actualité législative et juridique nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 JURISPRUDENCE Arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Liste des arrêts et décisions commentés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Décisions sur la recevabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 35 37 93 Arrêts de la Cour de justice et du Tribunal de première instance des communautés européennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Liste des arrêts et conclusions des Avocats généraux . . . . . . . . . . . . . . . . Citoyenneté européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Concurrence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Droit institutionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Environnement et consommateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Espace de liberté, de sécurité et de justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fiscalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Liberté d’établissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Libre prestation des services . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Politique étrangère et sécurité commune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Propriété intellectuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rapprochement des législations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 107 109 112 118 122 125 138 142 146 150 153 157 160 Affaires communautaires à suivre : Conclusions des avocats généraux . . . . Espace de liberté, sécurité et justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Libre circulation des personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Transport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Autre domaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 172 174 177 179 181 Décisions d’autres hautes instances juridictionnelles françaises et étrangères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bundessozialgericht, Cour fédérale du contentieux social - Allemagne . . 185 Cour de cassation - Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187 Supreme Court - Etats-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189 Cour constitutionnelle de la République Tchèque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190 DOCTRINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192 Commentaires d’arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193 Concernant les droits de l’homme et les droits fondamentaux . . . . . . . . . . 194 Concernant le droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196 Articles généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202 Concernant les droits de l’homme et les droits fondamentaux . . . . . . . . . . 203 Concernant le droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204 Cette veille est désormais disponible en ligne sur le site intranet de la Cour de cassation http://srv-cassation/Rpvjcc/AccueilRpvjcc_800.asp sous la rubrique “Documentation” (en suivant la flèche en bas d’écran). L’équipe de l’Observatoire : Françoise CALVEZ, auditeur Anne-Claire DUBOS, greffier en chef Aurélie DRESSAYRE, assistante de justice Héloïse PLAQUIN, assistante de justice Elodie SALLES, assistante de justice Nous remercions également très chaleureusement Yamina Doolaur, vacataire, ainsi que Camille Delacoute et Edouard Descotis, stagiaires, pour leur efficace contribution à la réalisation de ce document. ACTUALITÉ -1- ACTUALITÉ DE L’UNION EUROPÉENNE -2- TEXTES LÉGISLATIFS ET RÉGLEMENTAIRES 1 T Décision n/ 568/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 modifiant la décision 2001/470/CE du Conseil relative à la création d’un réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale Sources : Publication au JOUE du 30 juin 2009 ( L 168 ) T Directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier Sources : Publication au JOUE du 30 juin 2009 ( L 168 ) T Directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié Sources : Publication au JOUE du 18 juin 2009 ( L 155 ) T Décision du Conseil du 6 avril 2009 portant création de l’Office européen de police (Europol) Sources : Publication au JOUE du 15 juin 2009 ( L121/37 ) T Décision du Conseil du 27 novembre 2008 relative à la conclusion de la convention sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Sources : Publication au JOUE du 10 juin 2009 ( L147/1 ) T Décision 2009/426/JAI du Conseil du 16 décembre 2008 sur le renforcement d’Eurojust et modifiant la décision 2002/187/JAI instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité. Sources : Publication au JOUE du 4 juin 2009 ( L138/14 ) T Règlement (CE) n/ 444/2009 du Parlement Européen et du Conseil du 28 mai 2009 modifiant le règlement ( CE ) n/ 2252/2004 du Conseil établissant des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents de voyage délivrés par les Etats membres. Sources : Publication au JOUE du 6 juin 2009 ( L142/1 ) 1 Pour plus d’informations : http://eur-lex.europa.eu/fr/index.htm -3- T Règlement (CE) n/ 392/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d’accident. Sources : Publication au JOUE du 28 mai 2009 ( L131/24 ) T Directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur. Sources : Publication au JOUE du 5 mai 2009 (L 111 ). T Proposition de règlement du Conseil instituant une procédure pour la négociation et la conclusion d’accords bilatéraux entre les États membres et les pays tiers concernant des questions sectorielles et portant sur la compétence, la reconnaissance et l’exécution des jugements et décisions en matière matrimoniale, de responsabilité parentale et d’obligations alimentaires, ainsi que sur le droit applicable en matière d’obligations alimentaires Sources : COM (2008) 894 et 2008/0266/CNS Depuis la communautarisation de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale par le traité d’Amsterdam en 1997, la Communauté a édicté de nombreux règlements destinés à régler les conflits de loi ainsi que les conflits de juridictions intracommunautaires. Cependant, dans ce domaine, les Etats membres ont depuis longtemps ratifié des conventions bilatérales avec des Etats tiers. Certaines de leurs dispositions étant incompatibles avec des dispositions du traité CE, la présente proposition tente d’harmoniser ces traités afin qu’ils ne soient pas en désaccord avec les règlements communautaires. De plus, la Communauté disposant désormais d’une compétence externe exclusive pour négocier et conclure des accords internationaux avec les pays tiers dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale, l’institution d’une procédure harmonisée permettra à terme à la Communauté de ratifier de tels accords, unifiant ainsi les relations entre la Communauté et les Etats tiers dans le domaine de la justice civile. -4- COMMUNIQUÉS Conseil de l’Union européenne 2 T 2ème conférence du réseau des Procureurs généraux près les cours suprêmes des Etats membres de l’Union européenne. Le jeudi 28 mai 2009, M. Jean-Louis Nadal, Procureur général près de la Cour de cassation, a participé à la 2ème conférence du réseau des Procureurs généraux près les cours suprêmes des Etats membres de l’Union européenne. Ce réseau a pour objectif de fédérer un ensemble d’experts capable de favoriser l’expression de la norme communautaire et européenne par les cours suprêmes. Conformément aux statuts du réseau, un nouveau président a été élu à l’issue de cette conférence. Il s’agit du Procureur général du Royaume d’Espagne, M. Candido-PUMPODO TOURON. Source : Site intranet de la Cour de cassation T Le Conseil adopte le code communautaire des visas (code des visas) « Le Conseil a adopté ce jour des règles communes concernant les procédures et conditions de délivrance des visas de courte durée. Il s’agit d’une étape importante pour la poursuite de la mise en place d’une politique commune des visas et pour le renforcement de la coopération dans l’espace Schengen. Les ressortissants de pays tiers bénéficieront de procédures relatives aux demandes plus cohérentes et transparentes. Les dispositions du règlement adopté portent essentiellement sur les transits ou les séjours d’une durée maximale de trois mois sur une période de six mois (visas de courte durée). » Sources : Communiqué 11376/1/09 , Bruxelles, le 25 juin 2009 T Communiqué de presse concernant la fermeture de Guantanamo adopté par l’UE et les États-Unis « Lundi, l’Union européenne et les États-Unis ont adopté une déclaration conjointe concernant la fermeture du centre de détention de Guantanamo. Cette déclaration marque en même temps un nouveau départ dans la coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, fondée sur des valeurs communes, le droit international et le respect des droits de l’homme et de l’État de droit. Cette déclaration, qui est le résultat d’un travail commun entre la présidence tchèque de l’Union européenne, assistée du coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme et de la Commission, et les États-Unis, soutient pleinement l’engagement pris par les États-Unis de fermer le centre de détention. Elle permet aux États membres de l’UE qui, à la suite d’une demande des États-Unis, souhaitent accueillir d’anciens détenus déclarés libérables, de le faire en se référant à un cadre commun de l’UE. » Sources : Communiqué 11016/09 (Presse 178) , Bruxelles, le 15 juin 2009 2 Pour plus d’informations : http://www.consilium.europa.eu/cms3_fo/showPage.asp?id=339&lang=fr -5- T Décisions en matière de droit civil et commercial « Le Conseil a pris aujourd’hui des décisions importantes dans le domaine du droit européen en matière civile et commerciale. Ces décisions ont trait au réseau judiciaire européen, à l’établissement d’un futur cadre commun de référence pour le droit européen des contrats, et aux nouvelles procédures pour la conclusion d’accords bilatéraux dans des domaines du droit civil entre les pays de l’UE et des pays tiers. » Sources : Communiqué 10697/09 (Presse 167), Luxembourg, le 5 juin 2009 T Déclaration de la présidence au nom de l’Union européenne à l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie, organisée le 17 mai « À l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie, la présidence du Conseil réaffirme, au nom de l’Union européenne, le principe de non discrimination, selon lequel les droits de l’homme s’appliquent de la même manière à chaque être humain, indépendamment de son orientation sexuelle et de son identité de genre. L’Union européenne rejette et condamne toute manifestation d’homophobie, ce phénomène constituant une atteinte flagrante à la dignité humaine. Elle considère que la discrimination fondée sur l’orientation ou l’identité sexuelle est incompatible avec les principes sur lesquels elle se fonde, de même qu’elle demeure et demeurera attachée à la prévention et à l’éradication des discriminations fondées sur les six motifs énumérés à l’article 13 du traité CE, parmi lesquels figure l’orientation sexuelle. L’Union européenne demande instamment aux États de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne soient, en aucune circonstance, le fondement de sanctions pénales, pour que des enquêtes soient menées sur ces violations et que leurs auteurs soient reconnus responsables et traduits en justice. L’Union européenne se félicite du soutien sans cesse croissant dont bénéficient ces principes dans le monde et rappelle à cet égard que 67 États de différentes régions ont condamné les violations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans la déclaration de l’assemblée générale des Nations unies relative aux droits de l’homme et à l’orientation sexuelle et l’identité de genre du 18 décembre 2008. La Turquie, la Croatie * et l’ancienne République yougoslave de Macédoine *, pays candidats, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Serbie, pays du processus de stabilisation et d’association et candidats potentiels, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège, pays de l’AELE membres de l’Espace économique européen, ainsi que l’Ukraine, l’Arménie et la Géorgie se rallient à la présente déclaration. * La Croatie et l’ancienne République yougoslave de Macédoine continuent à participer au processus de stabilisation et d’association. » Sources : Bruxelles, le 15 mai 2009, 9823/09 ( Presse 126 ) T Demandes d’asile dans l’UE en 2008 : Environ 20 000 demandeurs d’asile enregistrés chaque mois dans l’UE à 27 « L’UE a enregistré près de 240 000 demandeurs d’asile en 2008, soit 480 demandeurs par million d’habitants. Ces demandeurs étaient principalement de nationalité iraquienne (29 000, soit 12 % de l’ensemble des demandeurs), russe (21 100, soit 9 %), somalienne (14 300, soit 6 %), serbe (13 600, soit 6 %) et afghane (12 600, soit 5 %). Ces données sur les demandeurs d’asile au sein de l’UE27 sont extraites d’un rapport publié par Eurostat, l’Office statistique des Communautés européennes. Malte et Chypre enregistrent les plus grands nombres de demandeurs d’asile par habitant. En 2008, parmi les États membres pour lesquels des données sont disponibles, le plus grand nombre de demandeurs d’asile a été enregistré en France (41 800). Le Royaume-Uni a recensé -6- 30 500 demandeurs, mais il faut noter que ce chiffre ne prend en compte que les nouveaux demandeurs. Viennent ensuite l’Allemagne (26 900), la Suède (24 900), la Grèce (19 900), la Belgique (15 900) et les Pays-Bas (15 300). En comparaison avec la population de chaque État membre, les plus grands taux de demandeurs d’asile ont été enregistrés à Malte (6 350 demandeurs par million d’habitants), à Chypre (4 370), en Suède (2 710), en Grèce (1 775), en Autriche (1 530) et en Belgique (1 495). Dans certains États membres, une grande proportion des demandeurs provenait d’un seul pays. Les États membres présentant les plus fortes concentrations étaient la Pologne (91 % des demandeurs venaient de Russie), la Lituanie (77 % en provenance de Russie), la Hongrie (52 % en provenance de Serbie), le Luxembourg (48 % en provenance de Serbie) et la Bulgarie (47 % en provenance d’Iraq). Décisions de première instance : En 2008, 193 690 décisions de première instance ont été prises dans l’UE27 à l’égard des demandeurs d’asile. Sur l’ensemble de ces décisions, 141 730 ont fait l’objet d’un rejet (soit 73 % des décisions), 24 425 demandeurs (13 %) se sont vu octroyer le statut de réfugié, 18 560 (10 %) la protection subsidiaire et 8 970 (5 %) une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires. La proportion de décisions positives varie considérablement d’un État membre à l’autre, mais il convient de rappeler que le pays d’origine des demandeurs diffère aussi grandement d’un État membre à l’autre. » Sources : Statistiques/09/66, le 8 mai 2009 -7- Parlement 3 T Droits de l’homme dans le monde en 2008 « Le recul de la peine de mort dans le monde et les progrès dans le domaine des droits des femmes et des enfants figurent parmi les évolutions positives du rapport annuel sur les droits de l’homme dans le monde en 2008. Cependant, selon le Parlement, l’UE pourrait promouvoir les droits de l’homme de manière plus efficace et s’assurer qu’elle respecte ses propres principes, par exemple en matière d’immigration et de lutte contre le terrorisme. » Sources : PE, Communiqué de presse du 7 mai 2009. T Politique d’asile : le Parlement veut mettre en place de nouvelles règles « Une série de mesures visant à améliorer le fonctionnement du système d’asile européen et à renforcer les droits des demandeurs d’asile ont été adoptées ce jeudi par le Parlement européen. Les députés ont introduit des amendements renforçant la solidarité entre Etats membres dans la gestion des demandes d’asile et demandent d’établir un mécanisme contraignant avant 2012. » Sources : PE, Communiqué de presse du 7 mai 2009. T Justice : accords avec les pays tiers et espace européen de justice pénale « Alors que la négociation des accords nationaux et bilatéraux concernant les jugements en matière matrimoniale ou de responsabilité parentale est à présent de la compétence exclusive de l’Union, deux textes, approuvés par le Parlement, proposent de rendre cette compétence aux Etats membres dans les cas où l’intérêt de la Communauté n’est pas engagé. Un rapport d’initiative propose en outre une série de mesures pour favoriser la mise en place d’un véritable espace de justice pénale dans l’UE. » Sources : PE, Communiqué de presse du 7 mai 2009. T Rejet de la directive sur le temps de travail des conducteurs routiers (05-05-2009) « Les députés ont rejeté en première lecture une proposition de directive relative à l’aménagement du temps de travail “des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier”. La proposition de la Commission ne tient pas compte de la demande du Parlement qui souhaite l’inclusion complète des conducteurs indépendants, déclarent les parlementaires. » Sources : PE, Communiqué de presse du 5 mai 2009. T Pollution maritime : les infractions passibles bientôt de sanctions pénales « Les rejets de substances polluantes des navires en mer seront bientôt sanctionnés plus durement. Le Parlement en accord avec le Conseil a adopté des mesures plus efficaces destinées à combattre la pollution maritime. La directive obligera les États membres à considérer les cas sérieux de pollution comme des actes criminels. Les cas mineurs seront considérés comme des 3 Pour plus d’informations : http://www.europarl.europa.eu/news/public/default_fr.htm?language=FR -8- infractions pénales s’ils endommagent la qualité de l’eau et sont répétés, délibérés ou commis à la suite d’une négligence grave. » Sources : PE, Communiqué de presse du 5 mai 2009. x x x -9- Commission 4 T Rapport de la Commission : Analyse des sanctions applicables en cas d’infraction grave à la réglementation sociale dans le transport routier, telles que prévues dans la législation des États membres Sources : COM (2009) 225, http://ec.europa.eu/prelex/ T La Commission propose la création d’une agence pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle « A la demande du Conseil et du Parlement européen, la Commission a adopté aujourd’hui un paquet législatif proposant la création d’une agence pour la gestion opérationnelle à long terme du système d’information Schengen (SIS II), du système d’information sur les visas (VIS), d’EURODAC et d’autres systèmes d’information à grande échelle dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice. » Sources : Communiqué IP/09/991, Bruxelles, le 24 juin 2009. T Congé parental : Les partenaires sociaux européens signent la révision de l’accord- cadre « Le nouvel accord-cadre conclu par les partenaires sociaux européens augmente la durée du congé parental de trois à quatre mois par parent et s’applique à tous les travailleurs employés, indépendamment de la forme de leur contrat. Il est le résultat de six mois de négociations entre les partenaires sociaux et reflète les changements intervenus dans la société et sur le marché du travail depuis la signature du premier accord-cadre sur le congé parental en 1995. » Sources : Communiqué IP/09/948, le 18 juin 2009. T La lutte contre le travail des enfants est un engagement essentiel du programme de l’Union européenne en matière de droits de l’enfant « La quatrième réunion du Forum européen sur les droits de l’enfant abordera un sujet grave : le travail des enfants. Le Forum se penchera sur les moyens de lutter efficacement contre ce phénomène en utilisant les instruments dont dispose l’Union européenne. À l’intérieur du thème principal du travail des enfants, il sera question, spécifiquement, de la protection sociale et de la responsabilité sociale des entreprises. » Sources : Communiqué IP/09/950, le 18 juin 2009 T Aides d’État : la Commission adopte des orientations sur les aides à la formation et les aides en faveur des travailleurs défavorisés ou handicapés « La Commission européenne a adopté deux documents d’orientation établissant des critères pour l’évaluation approfondie d’aides à la formation et d’aides en faveur des travailleurs défavorisés ou handicapés portant sur des montants élevés. Ces documents exposent le type d’informations 4 Pour plus d’informations : http://europa.eu/rapid/setLanguage.do?language=fr : recherche via la référence du communiqué. -10- nécessaires à la Commission aux fins de son évaluation, ainsi que la méthodologie appliquée, qui se fonde sur la mise en balance des effets positifs et négatifs de l’aide. Ces critères sont conformes à l’approche économique affinée mise en œuvre par la Commission dans son analyse des aides d’État, qui repose sur les principes énoncés dans le plan d’action dans le domaine des aides d’État (voir IP/05/680 et MEMO/05/195 ). Ces orientations s’inscrivent dans le cadre des efforts déployés par la Commission pour clarifier et simplifier les règles applicables aux aides d’État. » Sources : Bruxelles, IP/09/863, le 3 juin 2009 T Les réalisations de la Commission de 2004 à 2009 : de réels avantages pour les citoyens de toute l’Europe « La Commission européenne a présenté le bilan de son action, en préparation de l’élection du Parlement européen. » Sources : Bruxelles, IP/09/845, le 28 mai 2009 T L’Europe telle qu’elle s’écrit : lancement du portail PRESSEUROP.EU, premier site multilingue d’articles de presse sur les affaires européennes « Sous la houlette de Courrier International, le portail PRESSEUROP.EU offrira en 10 langues une sélection d’articles sur les affaires européennes. Mme. Margot WALLSTRÖM, Vice-présidente de la Commission européenne et Commissaire en charge de la communication, s’est félicitée du soutien de la Commission à ce projet novateur, et ce dans le plus strict respect de la liberté éditoriale du consortium : “Avec EuRaNet (lancé en 2008) et EU TV Net (prévu en 2010), PRESSEUROP traduit notre volonté de favoriser, de nourrir et d’accompagner l’affirmation d’un espace public européen de communication, de réflexion et de débat”. La Commission européenne et un consortium coordonné par Courrier International lancent PRESSEUROP.EU, le premier site multilingue d’articles de presse sur les affaires européennes. PRESSEUROP proposera les traductions, dans le plus grand nombre de langues, d’une sélection d’articles sur les affaires européennes parus le jour même ou la veille. Ces articles seront enrichis par des analyses, commentaires et illustrations. PRESSEUROP.EU met ainsi à la disposition du public : - des articles de la presse internationale et européenne (presse écrite et online), sélectionnés selon des critères de pertinence et de fiabilité et portant sur divers domaines de l’actualité communautaire : politique, économie, société, monde, environnement, sciences, culture, débats d’idées, etc. ; - des revues de presse, des brèves et des synthèses de l’actualité ; - des illustrations (infographie, photos, vidéos, dessins humoristiques, etc.) ; - une newsletter quotidienne sur l’actualité du jour et le contenu le plus récent ; - des archives d’articles. L’offre interactive se traduira par des forums thématiques, des sondages en ligne et la possibilité de commenter les articles publiés. Ce service sera proposé d’abord en 10 langues (allemand, anglais, espagnol, français, italien, néerlandais, polonais, portugais, roumain et tchèque) puis, progressivement, dans les 23 langues officielles de l’UE. Le consortium PRESSEUROP est donc appelé à s’élargir à de nouveaux membres. D’ores et déjà, des partenariats sont prévus, notamment avec le réseau EuRaNet et le futur réseau EU TV Net. » Sources : Bruxelles, IP/09/837, le 27 mai 2009 (http://www.presseurop.eu/) -11- T La Commission salue l’accord conclu par les États membres sur le renforcement de la coopération dans le domaine de l’éducation et de la formation « Le Conseil a adopté aujourd’hui un nouveau cadre stratégique pour la coopération entre les États membres de l’Union européenne, désireux de réformer leurs systèmes d’éducation et de formation. Cette initiative véhicule un message important : en ces temps de crise économique, les États membres doivent apprendre les uns des autres et apporter une réponse collective aux défis communs que représentent les déficits de compétences, le vieillissement des sociétés et l’implacable concurrence mondiale. En conclusion, le Conseil définit des priorités immédiates pour la période 2009-2011 et cerne les enjeux pour la décennie à venir. Parmi les instruments mis en œuvre pour relever ces défis, on trouve de nouveaux critères de référence en matière d’éducation et de formation, qui permettront de suivre les progrès accomplis en Europe. » Sources : Bruxelles, IP/09/748, le 12 mai 2009 T Les présidents de la Commission et du Parlement discutent des apports de l’éthique pour la gouvernance économique à l’échelle européenne et mondiale avec de hauts dignitaires religieux européens « Une vingtaine de hauts représentants du Christianisme, du Judaïsme et de l’Islam en Europe, répondant à l’invitation du président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, se sont réunis au siège de la Commission européenne pour un dialogue informel avec l’UE. La réunion était présidée conjointement par le président de la Commission, M. Barroso, et le président du Parlement européen, M. Hans-Gert Pöttering. Cette année, elle était consacrée à un défi majeur pour l’Europe et le monde : la crise économique et financière et l’apport de l’éthique dans la gouvernance économique au niveau européen et mondial. » Sources : Bruxelles, IP/09/730, le 11 mai 2009 T La Commission adopte une communication sur le commerce équitable « La Commission européenne a adopté aujourd’hui une communication relative au rôle du commerce équitable et des systèmes non gouvernementaux d’assurance de la durabilité liés au commerce. La communication reconnaît le développement considérable du phénomène du commerce équitable et l’importance d’un marché européen qui représente désormais 1,5 milliard d’euros par an. Elle définit également de nouveaux domaines d’action dans lesquels le commerce équitable et d’autres systèmes peuvent contribuer à la réalisation d’objectifs européens en matière de développement durable. Enfin, elle énonce les principaux principes et définitions, ainsi que les règles fondamentales régissant les marchés publics de biens et de services durables. » Sources : Bruxelles, IP/09/697, le 5 mai 2009 T Journée mondiale de la liberté de la presse : La Commission lance le Prix Lorenzo Natali 2009 pour les journalistes engagés « A l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, la Commission européenne a lancé officiellement le Prix Lorenzo Natali 2009. Ce prix organisé en partenariat avec Reporters sans Frontières et l’Association Mondiale des Journaux récompense les journalistes engagés pour les Droits de l’Homme, la Démocratie et le Développement. Le Commissaire Européen au Développement et à l’Aide Humanitaire, Louis Michel, a déclaré : “Sans la liberté d’informer, il n’y a pas de démocratie. Une société mal informée est une société malade. L’idéal de développement, l’idéal des droits de l’homme et l’idéal de démocratie ne peuvent se réaliser sans des médias libres et indépendants pour les questionner et susciter le débat. La -12- Commission européenne organise le Prix Lorenzo Natali avec la volonté de soutenir des journalistes engagés qui contribuent à faire avancer le développement, la démocratie et les droits de l’homme par la qualité de leur travail”. Le Prix Natali est un prix international (plus de 1 500 journalistes de 151 pays en 2008) qui récompense la presse depuis 1992. Il est ouvert aux journalistes de télévision, de radio et de presse écrite ou en ligne. Le Prix Lorenzo Natali fait partie intégrante de la politique de développement de la Commission européenne qui considère que défendre la liberté d’expression, la démocratie, les droits de l’homme et le développement, c’est agir pour la bonne gouvernance, la Paix et le Progrès, c’est améliorer les conditions de vie dans les pays les plus pauvres. » Sources : Bruxelles, IP/09/685, le 3 mai 2009 -13- Comité économique et social européen T Promouvoir l’intégration des minorités - Les Roms : une priorité du CESE « A l’occasion du Pèlerinage des Saintes Maries de la Mer et de la Fête des gitans, le Président du CESE Mario Sepi est invité à participer à une conférence sur l’intégration des Roms et leur contribution dans la société civile. Cette conférence a été organisée dans le cadre de la mise en œuvre de son programme présidentiel concernant la promotion des droits, l’intégration des minorités et le dialogue interculturel en Europe. » Sources : CES/09/70, le 18 mai 2009 T Le CESE et les acteurs concernés appellent à renforcer la coopération pour garantir la sécurité des enfants sur Internet « Lors de la conférence organisée le 5 mai 2009 par le Comité économique et social européen (CESE), qui a rassemblé une centaine de participants, 15 orateurs éminents, dont deux jeunes lauréats de Roumanie, ont plaidé unanimement et fermement pour une coopération internationale renforcée et des partenariats coordonnés afin de rendre Internet plus sûr pour les jeunes, et tout particulièrement les enfants. Parmi les questions débattues par les experts et acteurs concernés participant à la conférence du CESE figuraient notamment la protection des enfants contre les contenus et comportements en ligne préjudiciables et la manière de mettre un terme à la diffusion de contenus illicites. Ils ont discuté en particulier des défis à relever aux niveaux politique, réglementaire et de l’application de la législation, ainsi que sur les plans technologique, commercial et social. » Sources : CES/09/64, le 14 mai 2009 T Le Président du CESE, Mario Sepi, demande à l’UE un régime commun en matière d’asile et de canaux d’immigration légale « “En tant que Président du Comité économique et social européen, j’entends exprimer le total désaccord du Comité quant à la pratique qui veut que l’Union européenne ou ses États membres concluent des accords de réadmission ou de contrôle des frontières avec des pays non signataires des principaux instruments juridiques internationaux de protection du droit d’asile. Le Comité s’oppose également à toute mesure de refoulement ou de réadmission lorsque les conditions de sécurité et de dignité ne sont pas garanties. Le refoulement (retour ou expulsion) d’individus dont les besoins de protection n’ont pas été examinés par un État membre ne doit pas se produire, sauf s’il est garanti que ces besoins seront examinés dans le pays tiers au moyen d’une procédure juste et conforme aux normes internationales de protection. Cette situation, de même que les milliers de morts survenues ces dernières années en Méditerranée, mettent directement en cause les institutions européennes, qui doivent absolument proposer avec vigueur des modes d’actions plus efficaces et plus humains. Je demande instamment aux autres institutions de l’UE que soit mis en place au plus vite le régime d’asile européen commun qui permette d’affronter ces problématiques dans le plein respect des droits de l’homme et des conventions internationales, mais également dans un cadre de solidarité accrue entre les États, afin que les États les plus exposés aux flux migratoires n’aient pas à y réagir seuls. Je souhaite également répéter ce que le Comité demande depuis des années au Conseil : l’ouverture de canaux d’immigration légale, afin que celle-ci puisse devenir une ressource pour tous : pour nos économies et nos sociétés, qui en ont tant besoin, mais aussi pour les immigrés mêmes, qui recherchent légitimement des conditions de vie plus dignes et la protection de leurs droits individuels et collectifs, de même que pour les pays d’origine”. » Sources : CES/09/61, le 13 mai 2009 -14- ACTUALITÉ DU CONSEIL DE L’EUROPE -15- RATIFICATIONS ET SIGNATURES T Le 15 mai 2009 : L’Estonie a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme. T Le 27 mai 2009 : L’Espagne a signé le Protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption. L’ex-République yougoslave de Macédoine a signé la Charte sociale européenne (révisée) et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite de êtres humains. T Le 18 juin 2009 : La Serbie a signé la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants et la Convention européenne en matière d’adoption des enfants. Le Monténégro a signé la Convention européenne sur l’exercice du droit des enfants, la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels et la Convention européenne en matière d’adoption des enfants. La Belgique, l’Estonie, la Finlande, la Géorgie, la Hongrie, la Lituanie, le Monténégro, la Norvège, la Serbie, la Slovénie, la Suède et l’ex-République yougoslave de Macédoine ont signé la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics. N Les Protocoles n/ 14 et n/ 14bis 5 - Le 27 mai 2009, la France, la Géorgie, la Slovénie et l’Espagne ont signé le Protocole n/ 14bis à la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales. - Le 27 mai 2009, le Danemark et la Norvège ont signé sans réserve de ratification le Protocole n/ 14bis à la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales. - Le 9 juin 2009 : Le Luxembourg a signé le Protocole n/ 14bis à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales et a accepté la mise en application provisoire à son égard de certaines dispositions du Protocole n/ 14 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la Convention. - Le 9 juin 2009 : Les Pays-Bas ont accepté la mise en application à leur égard de certaines dispositions du Protocole n/ 14 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales. - Le 17 juin 2009 : L’Irlande a signé sans réserve de ratification le Protocole n/ 14bis à la 5 Voir pour plus d’information, Dossier : “La réforme de la Cour européenne des droits de l’homme”, veille bimestrielle n/ 24 (Mars, avril 2009), p. 149 s. Voir également le communiqué de presse “Le Conseil de l’Europe adopte de nouvelles décisions pour améliorer l’efficacité de la Cour européenne des droits de l’homme”, p. 19 de la présente veille bimestrielle -16- Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales. - Le 19 juin 2009 : Saint Marin a signé le Protocole n/ 14bis à la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales. - Le 30 juin 2009 : Le Royaume-Uni a accepté la mise en application provisoire à son égard de certaines dispositions du Protocole n/ 14 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la Convention. -17- COMMUNIQUÉS T Les personnes déplacées sont « les oubliés de l’Europe » selon le rapporteur de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe « “C’est une honte pour l’Europe que quinze à vingt ans après les conflits qui ont ravagé le Caucase du Sud au début des années 1990, des centaines de milliers de personnes déplacées à la suite de ces conflits continuent de vivre dans des conditions lamentables et qu’elles soient marginalisées, sans guère de perspectives de retour ou de restitution de leurs biens”, a déclaré John Greenway (Royaume-Uni, GDE), rapporteur sur la protection des droits fondamentaux des personnes déplacées de longue date, à la fin de sa mission d’information de quatre jours à Erevan et à Bakou. “La communauté internationale doit redoubler d’efforts pour donner un nouvel élan politique débouchant sur des solutions durables pour ces personnes. Nous devons tout faire pour qu’elles ne deviennent pas « les oubliés de l’Europe »”. En donnant ses impressions après les réunions qu’il a eues avec les autorités de l’Azerbaïdjan et des représentants de la société civile et après sa visite d’un centre d’hébergement collectif temporaire et d’un nouveau quartier résidentiel pour personnes déplacées à Bakou, le rapporteur a reconnu les progrès importants accomplis par le gouvernement de l’Azerbaïdjan pour améliorer les conditions de vie de ces personnes. “Il reste néanmoins beaucoup à faire pour loger convenablement les centaines de milliers de personnes déplacées qui continuent de vivre dans des conditions déplorables, un fait que le gouvernement reconnaît. De même, il faut faire plus pour remédier à la vulnérabilité de ces personnes, leur permettre d’accéder à l’emploi, à une éducation de qualité ou aux services élémentaires, et répondre à leurs besoins en matière de soins, psychologiques ou autres” (...) Il a encouragé les autorités de l’Azerbaïdjan, ainsi que la communauté internationale, à étudier attentivement et à prévoir les coûts, les besoins en matière de reconstruction, la sensibilisation de la population et la préparation psychologique des rapatriés potentiels, en cas de conditions favorables à leur retour. “La communauté internationale a un rôle particulier à jouer pour aider à déminer ces régions”, a-t-il ajouté. Le rapporteur s’est dit aussi préoccupé par le statut et la protection des personnes arrivant en Azerbaïdjan sous la pression des conflits des régions voisines. “La prospérité économique a rendu l’Azerbaïdjan attractif comme pays de destination. Nombre des personnes en provenance du Caucase du Nord, d’Iran, d’Afghanistan, du Pakistan et d’autres pays n’ont pas de statut juridique et ne reçoivent guère d’aide. Il faut prévoir des mesures de protection temporaires et garantir les principes du non-refoulement dans la mesure du possible. La communauté internationale doit soutenir les efforts faits pour développer les capacités en élaborant des procédures d’asile efficaces en Azerbaïdjan” ». Sources : Communiqué de presse - 381 (2009) - le 8 mai 2009. T Les ministres des Affaires étrangères des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe se réunissent à Madrid « Les ministres des Affaires étrangères des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe se retrouveront le 12 mai à Madrid. La garantie de l’efficacité à long terme du système de contrôle de la Convention européenne des droits de l’homme est l’un des principaux sujets à l’ordre du jour de cette 119ème session. Afin d’augmenter la capacité de traitement à court terme des requêtes de la Cour européenne des droits de l’homme, les ministres devraient adopter le Protocole n/ 14bis à la Convention européenne des Droits de l’Homme, qui permettra l’application immédiate de deux éléments de procédure du Protocole n/ 14, en attendant son entrée en vigueur. Une autre voie juridique permettant l’application provisoire de ces deux aspects procéduraux devra être entérinée par consensus lors de la Conférence des Hautes Parties contractantes à la -18- Convention qui se tiendra en marge de la session. Les ministres auront l’opportunité de discuter “L’état de la démocratie en Europe. Belarus”, et du conflit en Géorgie. Les ministres devraient adopter une Déclaration à l’occasion du 60ème anniversaire du Conseil de l’Europe, réaffirmant et réactualisant les objectifs politiques fixés lors du Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de Varsovie (mai 2005). Enfin, ils adopteront une résolution transmettant à l’Assemblée parlementaire la liste des candidats au poste de Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Ils devraient adopter également une Déclaration : Faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une réalité dans les faits. A l’issue de la session, la Slovénie succédera à l’Espagne à la présidence du Comité des Ministres pour les six prochains mois. » Sources : Communiqué de presse - 382 (2009) - le 11 mai 2009. T Le Conseil de l’Europe adopte de nouvelles décisions pour améliorer l’efficacité de la Cour européenne des droits de l’homme « Les ministres des Affaires étrangères et les représentants des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe ont adopté aujourd’hui le Protocole n/ 14bis à la Convention européenne des droits de l’homme, qui accroît la capacité de la Cour à traiter les requêtes à court terme. Lors de la 119ème session du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe tenue à Madrid, ils ont adopté ce nouveau protocole qui autorisera, en attendant l’entrée en vigueur du Protocole n/ 14, l’application immédiate et provisoire de deux éléments procéduraux du Protocole n/ 14 par les Etats qui auront exprimé leur consentement : - Un juge unique pourra rejeter des requêtes clairement irrecevables, décision qui ne pouvait être rendue jusqu’à présent que par un comité de trois juges. - Les compétences des comités de trois juges vont être étendues afin qu’ils puissent déclarer une requête recevable et rendre un arrêt sur le fond dans le cas de requêtes manifestement bien fondées et d’affaires répétitives, lorsqu’il existe déjà une jurisprudence bien établie de la Cour. Ces affaires sont actuellement traitées par des chambres de sept juges. Le Protocole n/ 14bis sera ouvert à la signature le 27 mai et devra être ratifié par trois Etats pour entrer en vigueur. Ses dispositions s’appliqueront aux requêtes pendantes devant la Cour contre chacun des Etats dans lesquels le Protocole sera entré en vigueur. S’ils le souhaitent, les Etats membres pourront appliquer provisoirement les dispositions du protocole avant son entrée en vigueur. L’application du Protocole n/ 14bis, bien qu’elle n’apporte pas de solution définitive aux problèmes de la Cour, représenterait un gain d’efficacité estimé à 20 à 25 %. En marge de la session ministérielle, une Conférence des Hautes Parties contractantes à la Convention a adopté un accord par consensus, selon lequel les Etats pourraient consentir individuellement, pour une durée provisoire, à appliquer directement les deux éléments procéduraux susmentionnés du Protocole n/ 14 aux requêtes dirigées contre eux. Cet accord est complémentaire au Protocole n/ 14bis puisqu’il ouvre une seconde voie pour arriver au même résultat. Les ministres ont néanmoins affirmé que l’entrée en vigueur du Protocole n/ 14 devait demeurer la première priorité. » Sources : Communiqué de presse - 391 (2009) - le 12 mai 2009. T Journée mondiale de lutte contre l’homophobie, 17 mai - Déclaration du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Terry Davis « “Tout le monde sait que des homosexuels ont été arrêtés et envoyés dans des camps de concentration par les nazis, mais on sait moins que beaucoup d’entre eux ont dû purger leur peine de détention après leur libération des camps. Cela peut paraître choquant, mais cette réaction s’inscrivait dans la logique de la discrimination profonde dont étaient victimes les homosexuels à -19- cette époque en Europe, discrimination qui a continué de s’exercer à leur égard pendant les décennies qui ont suivi. Il a fallu attendre 1990 pour que l’Organisation mondiale de la santé retire l’homosexualité de sa liste des maladies mentales et il y a quelques années encore, l’homosexualité était toujours considérée dans plusieurs pays d’Europe comme une infraction criminelle. Etre homosexuel aujourd’hui n’est plus puni par une peine de prison, du moins dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, mais la discrimination et l’homophobie n’ont pas disparu et ne sont pas l’apanage de certains groupes marginaux de la société. Je condamne les actes violents homophobes des skinheads, mais je m’inquiète plus encore des convictions des dirigeants de certains partis politiques. On ne peut accepter que des personnes investies d’une autorité officielle ou morale en Europe se conduisent encore comme si la Convention européenne des droits de l’homme ne s’appliquait pas aux homosexuels. Les auteurs de discrimination invoquent souvent les valeurs morales pour justifier leur comportement. C’est très bien de défendre les valeurs morales, mais ils se trompent complètement. Ce n’est pas l’homosexualité qui est immorale, c’est l’homophobie”. » Sources : Communiqué de presse - 395 (2009) - le 15 mai 2009 T Education des enfants roms en Europe : conférence finale en Slovénie Conférence au Palais des congrès de Brdo (Slovénie), les 25-26 mai 2009. « Une centaine d’experts gouvernementaux et non gouvernementaux et de hauts représentants des Etats membres du Conseil de l’Europe vont dresser le bilan du projet de l’Organisation sur l’éducation des enfants roms en Europe qui dure depuis six ans (...) ». Abstract. Sources : Annonce aux médias 062(2009), le 18 mai 2009. T Forum de Reykjavik sur les lois antiterroristes et la liberté d’expression et d’information Reykjavik (Islande) - Hôtel Hilton Nordica, le 27 mai 2009 « (...) Des représentants des Etats membres du Conseil de l’Europe, des médias et de la société civile ainsi que des experts indépendants discuteront du respect en Europe, dans la loi et la pratique et dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, des normes du Conseil de l’Europe relatives à la liberté d’expression et d’information (...) ». Abstract. Sources : Annonce aux médias - 064(2009), le 19 mai 2009. T 2-5 juin 2009 : Le Comité des Ministres surveille l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme « Du 2 au 5 juin, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe tient sa deuxième réunion spéciale “DH” de 2009. Il surveillera l’adoption des mesures individuelles nécessaires pour effacer les conséquences pour les requérants des violations établies par la Cour (y compris le paiement de toute satisfaction équitable octroyée) et/ou des mesures générales (changements législatifs ou autres) nécessaires pour prévenir des violations semblables. 476 nouveaux arrêts seront ainsi examinés, dont un certain nombre soulève la question de l’adoption de nouvelles mesures individuelles ou générales. Les autres se rattachent à des questions déjà en cours d’examen dans le cadre d’autres affaires ou qui ne présentent pas de caractère structurel. Dans les autres affaires, il examinera les progrès accomplis, notamment en ce qui concerne quelque 400 réformes législatives ou autres. Une liste préliminaire des points/affaires pour examen lors de cette 1059e réunion des Délégués des Ministres est disponible sur le site du Comité des Ministres www.coe.int/t/cm/home_fr.asp. A cette liste s’ajoutent les arrêts devenus définitifs après la dernière réunion “DH” (mars 2009). Les -20- dernières informations publiques sur les principales affaires examinées sont disponibles, regroupées par Etat, sur le site www.coe.int/Droits_de_l’Homme/execution, sous la rubrique “Etat d’exécution”. » Sources : Strasbourg, le 27 mai 2009, Communiqué de presse-420 (2009) T La conférence de Reykjavik donne les grandes lignes des futurs travaux du Conseil de l’Europe sur les médias et Internet « Des ministres et des représentants des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe ont adopté aujourd’hui un plan d’action qui fixe les grandes orientations des futurs travaux de l’Organisation concernant les médias et Internet.(...) Les ministres demandent à l’Organisation d’évaluer, en consultation avec les parties prenantes concernées, si les normes actuelles relatives à la liberté d’expression et d’information qui s’appliquent aux médias traditionnels devraient être étendues aux nouveaux médias et aux fournisseurs de services, ou s’il faudrait en élaborer de nouvelles. Comme pour les médias traditionnels, ils sont partisans d’une autorégulation comme principal moyen de faire respecter les normes en matière de liberté d’expression. Les ministres ont également souligné que les fournisseurs de nouveaux services - comme les fournisseurs de services Internet, les aggrégateurs de contenus ou les moteurs de recherche - devaient prendre conscience de leurs droits mais aussi de leurs devoirs et de leurs responsabilités. Durant la conférence, les ministres ont aussi adopté des résolutions sur la nouvelle conception des médias, les ressources critiques de l’internet et la protection de la liberté d’expression et d’information face aux lois antiterroristes. Ils ont décidé d’examiner régulièrement leur législation et leur pratique nationales dans le domaine de la lutte contre le terrorisme pour veiller à ce que tout impact sur le droit à la liberté d’expression et d’information soit conforme aux normes du Conseil de l’Europe, en particulier à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Ils ont déclaré que, bien qu’il existe des cas dans lesquels il convient de ne pas diffuser certaines informations afin de prévenir des actes terroristes, de préserver le cours d’une enquête, de protéger la sécurité des victimes ou encore de ne pas gêner l’administration de la justice, « le fait d’informer sur le terrorisme ne peut être assimilé à un soutien du terrorisme ». Ils ont par ailleurs souligné que des préoccupations avaient été exprimées au sujet des cas où les lois antiterroristes restreignant la liberté d’expression et d’information dans des Etats membres sont trop générales, ne fixent pas de limites claires en matière d’intervention des autorités ou manquent de garanties procédurales suffisantes pour empêcher des abus. En ce qui concerne Internet, les ministres ont appelé tous les acteurs, publics ou privés, à explorer des pistes pour que les ressources critiques de l’internet soient gérées dans l’intérêt commun en tant que bien public, y compris en élaborant un instrument juridique international. Ils ont également demandé au Conseil de l’Europe d’examiner la faisabilité d’un traité destiné à renforcer la protection du trafic Internet transfrontalier. Enfin, ils ont appelé le Conseil de l’Europe à prendre des dispositions à long terme pour organiser des événements sur la gouvernance de l’Internet au niveau paneuropéen. » Sources : Reykjavik, 29 mai 2009, Communiqué de presse - 435 ( 2009 ) T Le Président Costa salue l’ouverture à la signature du Protocole n/ 14bis « Le Président Jean-Paul Costa a tenu à saluer l’ouverture à la signature du Protocole n/ 14bis. Il a rappelé que, si l’entrée en vigueur du Protocole 14 demeure, plus que jamais, l’objectif à atteindre, le Protocole n/14bis contient des dispositions procédurales qui devraient permettre d’accroître l’efficacité de la Cour. La Cour est, d’ores et déjà, prête à le mettre en œuvre. Il a remercié les Etats membres qui ont œuvré pour qu’un tel protocole soit possible, témoignant ainsi de leur attachement au mécanisme de protection issu de la Convention européenne des droits de l’homme. » -21- Sources : Strasbourg, le 27 mai 2009, Communiqué du greffier 419 T Liberté de réunion et de conscience, indépendance du pouvoir judiciaire - la Commission de Venise se réunit pour la session plénière de juin 2009 « La Commission de Venise du Conseil de l’Europe se réunira en session plénière les 12 et 13 juin 2009 à Venise (Italie). La Commission discutera et adoptera inter alia des avis sur les questions suivantes : - la liberté de conscience en Arménie ; - la liberté de réunion en Bulgarie et en République Kirghize ; - les partis politiques en Géorgie ; - le projet de critères et de normes pour les juges et les procureurs de la Serbie ; - la réforme constitutionnelle en Géorgie et en Ukraine. La Commission est également invitée à adopter des rapports généraux sur : - l’indépendance du pouvoir judiciaire (partie 1 - les juges) ; - le mandat impératif ; - le monopole d’État sur l’usage de la force ; - l’impact des systèmes électoraux sur la représentation des femmes en politique ; - la couverture médiatique des campagnes électorales. En outre, le vendredi 12 juin 2009, le Bureau élargi de la Commission de Venise se réunira avec le Comité des Présidents de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. » Sources : Strasbourg, le 11 juin 2009, Communiqué de presse -465 (2009) T Journée mondiale des réfugiés - 20 juin : Déclaration de Terry Davis, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe « “Les frontières de l’Europe sont devenues un piège mortel pour des centaines de personnes désespérées qui fuient les persécutions, la guerre et la faim, ou tentent d’échapper à la pauvreté et de construire un avenir meilleur pour elles-mêmes et leur famille. L’Europe, dans son ensemble, a le devoir d’agir. Il est injuste, cruel et irresponsable de laisser se débrouiller seuls les pays qui, du fait de leur situation géographique, sont les plus exposés. Notre action doit être guidée par la compassion et la solidarité. Quelles que soient les raisons pour lesquelles les gens décident de quitter leur pays d’origine, nous ne devons jamais oublier que les statistiques cachent des êtres humains. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger leur dignité et leur vie. Des centaines de personnes sont en train de mourir aux portes de l’Europe. A l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, il convient aussi de rappeler les obligations qui nous incombent en vertu de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Tous les gouvernements devraient respecter leurs engagements et s’abstenir de renvoyer des réfugiés dans des pays où ils risquent d’être tués ou emprisonnés en raison de leur origine raciale, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un groupe social particulier. Les pays européens ont aussi des obligations en tant que membres du Conseil de l’Europe. Il n’y a pas de note en bas de page qui prive les réfugiés et les migrants économiques de la protection garantie par la Convention européenne des droits de l’homme” ». Sources : Strasbourg, le 19 juin 2009, Communiqué de presse 489 (2009) T Le Conseil de l’Europe réunit des juges et des procureurs de ses 47 Etats membres pour préparer un avis sur leur rôle respectif. « Des juges et des procureurs des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe seront réunis à l’occasion de la première Conférence européenne des juges et des procureurs pour discuter du rôle respectif des juges et des procureurs et de leur complémentarité. Leurs discussions contribueront -22- à la préparation d’un avis sur ce thème qui devrait être adopté avant la fin de l’année 2009. La conférence a pour objectif d’identifier les valeurs communes à ses deux fonctions, distinctes mais complémentaires, et les principes communs qui doivent régir le statut des juges et des procureurs quel que soit le système auquel il se rattache : common law britannique, prokuratura à la russe, ou système « romano-germanique » à la française. Si, pour les juges, l’indépendance est incontestée et incontestable dans toute société démocratique, les liens qui lient les procureurs au Ministère de la Justice, sont de nature beaucoup plus diverse, et varient de l’absence totale de lien hiérarchique à une subordination plus ou moins marquée. La question des relations entre les juges et les procureurs revêt ainsi une importance toute particulière dans la perspective d’un respect effectif des normes européennes en matière de justice, notamment le droit à un procès équitable, et des principes de la séparation des pouvoirs et de la prééminence du droit. » Sources : Annonce aux médias - 082(2009), Strasbourg, le 25 juin 2009 -23- ACTIVITÉS DU COMMISSAIRE DES DROITS DE L’HOMME T Publication du Rapport d’activités 2088 du Commissaire des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarbarg N Le rapport est disponible à l’adresse suivante : https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1435099&Site=CommDH&BackColorInternet=FEC65B&B ackColorIntranet=FEC65B&BackColorLogged=FFC679 T Publication du Premier rapport d’activités 2009 (1er janvier au 31 mars 2009) N Le rapport est disponible à l’adresse suivante : https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1435089&Site=CommDH&BackColorInternet=FEC65B&B ackColorIntranet=FEC65B&BackColorLogged=FFC679 T « La répression n’est pas la seule réponse à la délinquance juvénile » déclare le Commissaire Hammarberg « “Les mesures de lutte contre la délinquance juvénile doivent toujours privilégier les besoins et l’intérêt de l’enfant plutôt que la répression” a déclaré aujourd’hui Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à l’occasion de la publication d’un document thématique sur la justice des mineurs dans lequel il propose des pistes d’amélioration. “L’impression que les enfants sont de plus en plus violents n’est pas corroborée par les statistiques, qui n’indiquent pas d’augmentation globale de la criminalité chez les jeunes” a-t-il déclaré. “Les Etats n’ont pas tous la même approche de la délinquance juvénile et la justice des mineurs varie d’un pays à l’autre. Cette diversité renforce l’importance relative des normes établies par les instruments internationaux et européens en matière de droits de l’enfant.” Après avoir passé en revue les normes internationales et européennes applicables en matière de justice des mineurs et donné des exemples de mise en œuvre de ces normes, le Commissaire appelle les Etats membres à mettre en place des systèmes effectifs et fondés sur les droits, et à veiller à ce que les enfants et les jeunes en conflit avec la loi soient bien traités. Dans le document thématique, le Commissaire recommande l’utilisation des standards en usage. Il s’agit d’adopter une approche globale de la délinquance juvénile reposant essentiellement sur des mesures peu onéreuses de prévention, de réadaptation et de réinsertion sociale des jeunes en difficulté. “Les mesures de prévention et de déjudiciarisation doivent être développées davantage pour se substituer aux procédures judiciaires. Si un enfant doit passer en jugement, la décision de le placer en détention ne doit être envisagée qu’en dernier recours.” (...) Le document thématique s’achève par des recommandations aux Etats membres visant à améliorer la justice des mineurs. » Sources : Strasbourg, le 19 juin 2009, Communiqué de presse-488 (2009) T « Il faut défendre et renforcer la Cour pénale internationale », déclare le Commissaire Hammarberg « “Les pays européens doivent défendre la Cour pénale internationale et demander le retrait de l’impunité pour les ressortissants des Etats-Unis” déclare le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, dans son dernier Point de vue publié aujourd’hui. -24- “Il est grand temps que la politique américaine à l’égard de la Cour pénale internationale soit revue, dans l’esprit d’une coopération active et positive avec la Cour. La nouvelle administration américaine doit contribuer à faire de cette juridiction un instrument effectif de dernier recours contre l’impunité pour des crimes restés impunis, malgré leur nature barbare”. Le Commissaire critique en particulier la campagne tous azimuts menée contre la Cour, et notamment les pressions politiques et diplomatiques exercées par les précédentes administrations américaines sur certains Etats membres du Conseil de l’Europe. Il encourage les Etats européens à signer et à ratifier le Statut de Rome s’ils ne l’ont pas encore fait et souligne la “nécessité d’un mécanisme de justice internationale, effectif et indépendant”. » Sources : Strasbourg, le 22 juin 2009, Communiqué de presse-495 (2009) -25- TRAVAUX DU CONSEIL DE L’EUROPE T « La violence à l’égard des femmes et des enfants constitue une violation des droits de la personne humaine et nous concerne tous » « “L’apogée des efforts déployés depuis des années par le Conseil de l’Europe pour lutter contre la violence à l’égard des femmes sera l’adoption de sa nouvelle convention, qui mettra en place des normes juridiquement contraignantes en la matière. L’objet de cette convention n’est pas tant de sanctionner les violations des droits de l’homme une fois celles-ci commises mais de les prévenir. On ne peut se contenter de soulager les victimes ; il faut faire en sorte que les femmes ne deviennent pas victimes” a déclaré aujourd’hui Maud de Boer-Buquicchio, Secrétaire Générale Adjointe du Conseil de l’Europe, dans son allocution d’ouverture de la Conférence des ministres européens de la Justice. Récemment, dans un arrêt historique, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu que la violence domestique constituait une infraction fondée sur le sexe. “Le seul moyen de susciter un quelconque changement est de mettre à profit cet arrêt pour modifier la législation, les procédures administratives et les attitudes afin d’aider et de protéger toutes les femmes victimes de violences domestiques” a conclu la Secrétaire Générale adjointe. (...) » Sources : Tromsø, le 18 juin 2009, Communiqué de presse-483 (2009 ) T Conférence des Ministres de la Justice du Conseil de l’Europe - Douze Etats membres du Conseil de l’Europe signent la Convention sur l’accès aux documents publics « Douze Etats membres du Conseil de l’Europe ont signé aujourd’hui la Convention sur l’accès aux documents publics (STCE n/ 205), premier instrument juridique international contraignant qui établit un droit général d’accès aux documents publics. La transparence des organes de l’Etat est l’un des éléments clés de la bonne gouvernance et l’un des aspects qui révèle le mieux l’existence ou non d’une société véritablement démocratique et pluraliste, opposée à toute forme de corruption, capable de critiquer ceux qui la gouvernent et ouverte à la participation éclairée des citoyens dans les questions d’intérêt général. Le droit d’accès aux documents publics est également essentiel pour l’épanouissement des personnes et pour l’exercice des droits de l’homme fondamentaux. Il renforce également la légitimité des autorités publiques. La Belgique, l’Estonie, la Finlande, la Géorgie, la Hongrie, “l’ex-République yougoslave de Macédoine”, la Lituanie, le Monténégro, la Norvège, la Serbie, la Slovénie et la Suède ont signé la Convention au début de la 29ème Conférence des Ministres européens de la Justice qui se tient les 18 et 19 juin à Tromsø sur le thème de la violence domestique. La Convention entrera en vigueur lorsqu’elle aura été ratifiée par cinq Etats. La Convention énonce les normes minimales à appliquer dans le traitement des demandes d’accès aux documents publics (formes de l’accès et frais d’accès aux documents publics), le droit de recours et les mesures complémentaires. Des limitations au droit d’accès aux documents publics ne sont permises que dans la mesure où elles visent à protéger certains intérêts tels que la sécurité nationale, la défense ou la vie privée. » Sources : Tromsø, le 18 juin 2009, Communiqué de presse 486 (2009) L Pour plus d’informations sur la conférence, voir : www.coe.int/minjust et www.coe.int/violence -26- PUBLICATIONS T Publication du rapport annuel 2008 de l’ECRI (Commission européenne contre le racisme et l’intolérance) « Ce rapport décrit les activités mises en œuvre par l’ECRI dans le cadre de son programme 2008 et met également en exergue les grandes tendances concernant les manifestations de racisme, de xénophobie, d’antisémitisme et d’intolérance à travers l’Europe. » N Le rapport est disponible à l’adresse suivante : www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/activities/Rapport%20annuel%202008.pdf -27- ACTIVITÉ INTERNATIONALE -28- T Fin de la 45ème session ordinaire de la Commission Africaine des droits de l’Homme et des peuples La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples est un organisme prévu par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Elle est chargée de promouvoir les droits de l’homme et des peuples et d’assurer leur protection en Afrique. A ce titre elle a achevé sa 45ème session ordinaire le 27 mai 2009, où plusieurs rapports sur l’activité des rapporteurs spéciaux et la situation des droits de l’homme en Afrique pendant l’intersession ont été présentés : - Rapport sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique ; - Rapport sur les prisons et les conditions de détention en Afrique ; - Rapport sur les réfugiés, demandeurs d’asile, les personnes déplacées et les migrants en Afrique ; - Rapport sur les droits des défenseurs des droits de l’homme ; - Rapport sur les droits de la femme en Afrique ; - Rapport d’étape du groupe de travail sur les populations/ communautés autochtones ; - Groupe de travail sur la peine de mort ; - Point focal sur les droits des personnes âgées en Afrique. N Le communiqué final est disponible à l’adresse suivante : http://www.achpr.org/francais/communiques/Final%20Communique_45.pdf T Publication par la Commission de Venise des conclusions de Didier Maus, président de l’Association internationale de droit constitutionnel sur le « contrôle du processus électoral » N Les conclusions sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.venice.coe.int/docs/2009/CDL-UD(2009)009-f.pdf -29- ACTIVITÉ LÉGISLATIVE ET JURIDIQUE NATIONALE -30- T Rapport d’information déposé par la Commission chargée des affaires européennes sur la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle. Rapport déposé par MM. Christophe Caresche et Guy Geoffroy. Sources : COM[2008] 426 final/n/ E 3918, le 6 mai 2009 N Le rapport est disponible à l’adresse suivante: http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/094000232/index.shtml T Proposition de Règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n/ 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche Sources : E4454 - COM (2009) 202 final du 29/04/2009, Texte déposé au Sénat le 11 mai 2009. T Proposition de résolution sur la proposition de décision-cadre relative à l’utilisation de données des dossiers passagers (Passenger Name Record - PNR) à des fins répressives (E 3697) Sources : Rapport n/ 401 (2008-2009) de M. Yves DÉTRAIGNE, fait au nom de la commission des lois, déposé au Sénat le 13 mai 2009. T La Commission des lois du Sénat s’oppose, à l’unanimité, à l’utilisation des données sensibles dans le cadre du projet de PNR (Passenger Name Record) européen. Sources : Communiqué du 14 mai 2009. N Le dossier peut être consulté sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/dossierleg/ppr08-252.html T Proposition de résolution au nom de la commission des Affaires européennes, sur la création d’un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets Sources : Proposition de résolution n/ 414 (2008-2009) de M. Richard YUNG, déposée au Sénat le 18 mai 2009. T Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n/ 1905/2006 portant établissement d’un instrument de financement de la coopération au développement et modifiant le règlement (CE) n/ 1889/2006 instituant un instrument financier pour la promotion de la démocratie et des droits de l’homme dans le monde Sources : E4477 - COM (2009) 194 final du 21/04/2009, Texte déposé au Sénat le 20 mai 2009. T Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les redevances de sûreté aérienne Sources : E4479 - COM (2009) 217 final du 11/05/2009, Texte déposé au Sénat le 20 mai 2009 -31- T Publication du rapport 2008 de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discrimination et pour l’égalité). Selon le rapport de la HALDE : « Avec 7 788 réclamations en 2008, la HALDE a connu une croissance de 25 % du nombre de réclamations par rapport à l’année 2007. Le quatrième rapport recense les avancées significatives obtenues comme des modifications réglementaires, des décisions de justice, des dédommagements et des actions en faveur de l’égalité. De plus en plus sollicitée, la HALDE a mis en place un réseau de correspondants locaux pour répondre plus rapidement aux demandes d’information. » Sources : Rapport annuel publié le 13 mai 2009. N Ce rapport peut être consulté: http://www.halde.fr/Publication-du-rapport-annuel-2008.html T Publication du 29ème rapport d’activité 2008 de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) La CNIL reprend notamment l’historique de sa position sur la loi dite « Hadopi ». Elle exprime son souhait d’être placée au cœur du dispositif de contrôle en matière de vidéo surveillance et réclame une reconnaissance du droit à la protection des données personnelles dans le texte constitutionnel. N Ce rapport peut être consulté: http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/094000211/ -32- JURISPRUDENCE -33- ARRÊTS DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME 6 6 Les arrêts de la CEDH sont disponibles sur le site http://www.echr.coe.int/ECHR/ . Les arrêts présentés deviendront définitifs dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. -34- LISTE DES ARRÊTS ET DÉCISIONS CI-APRÈS COMMENTÉS, classement par articles - Article 3 : INTERDICTION DE LA TORTURE - CEDH, Korelc c. Slovenia, du 12 mai 2009, req. n/ 28456/03, p. 87. - CEDH, (décision) Tas c. Belgique, du 12 mai 2009, req. n/ 44614/06 p. 97. - Article 6 : DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE - CEDH, Batsanina c. Russie, du 26 mai 2009, req. n/ 3932/02, p. 82. - CEDH, Bendayan Azcantot et Benalal Bandayan c. Espagne, du 9 juin 2009, req. n/ 28142/04, p. 62. - CEDH, Borovsky c. Slovaquie, du 2 juin 2009, req. n/ 24528/02, p. 70. - CEDH, Codarcea c. Roumanie, du 2 juin 2009, req. n/ 31675/04, p. 67. - CEDH, Dubus c. France, du 11 juin 2009, req. n/ 5242/04, p. 59. - CEDH, Elyasin c. Grèce, du 28 mai 2009, req. n/ 46929/06, p. 76. - CEDH, Fiume c. Italie, du 30 juin 2009, req. n/ 20774/05, p. 37. - CEDH, (décision) Gouveina Gomes Fernanez et Freita E Costa c. Portugal, du 26 mai 2009, req. n/ 1529/08, p. 93. - CEDH, (décision) Gasparini c. Italie et Belgique, du 12 mai 2009, req. n/ 10750/03 p. 99. - CEDH, Kenedi c. Hongrie, du 26 mai 2009 , req. n/ 31475/05, p. 80. - CEDH, Korelc c. Slovenia, du 12 mai 2009, req. n/ 28456/03, p. 87. - CEDH, Laudette c. France, du 11 juin 2009, req. n/ 19/05, p. 57. - CEDH, Masaec c. Moldova, du 12 mai 2009, req. n/ 6303/05, p. 84. - CEDH, (décision) Menéndez Garcia c. Espagne, du 5 mai 2009, req. n/ 21046/07, p. 103. - CEDH, (décision) Pipi c. Turquie, du 12 mai 2009, req. n/ 4020/03, p. 95. - CEDH, Pistolis et autres c. Grèce, du 4 juin 2009, req. n/ 54594/07, p. 64. - CEDH, Varnima Corporation International S.A c. Grèce, du 28 mai 2009, req. n/ 48906/06, p. 78. - Article 7 : PAS DE PEINE SANS LOI - CEDH, (décision) Tas c. Belgique, du 12 mai 2009, req. n/ 44614/06 p. 97. - Article 8 : DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE - CEDH, Codarcea c. Roumanie, du 2 juin 2009, req. n/ 31675/04, p. 67. - CEDH, (décision) Menéndez Garcia c. Espagne, du 5 mai 2009, req. n/ 21046/07, p. 103. - CEDH, (décision) Pipi c. Turquie, du 12 mai 2009, req. n/ 4020/03, p. 95. - CEDH, Szuluk c. Royaume-Uni, du 2 juin 2009, req. n/ 36936/05, p. 72. - Article 9 : DROIT A LA LIBERTÉ DE PENSÉE, DE CONSCIENCE ET DE RELIGION - CEDH, Masaec c. Moldova, du 12 mai 2009, req. n/ 6303/05, p. 84. Article 10 : DROIT A LA LIBERTÉ D’EXPRESSION - CEDH, Bodroñiƒ et Vujin c. Serbie, du 23 juin 2009, req. n/ 38435/05, p. 52 -35- - CEDH, Etxeberria et autres c. Espagne, du 30 juin 2009, req. n/ 35579/03 p. 46. - CEDH, (décision) Gouveina Gomes Fernanez et Freita E Costa c. Portugal, du 26 mai 2009, req. n/ 1529/08, p. 93. - CEDH, Hachette Filipacchi Presse Automobile et Dupuy c. France, du 5 mars 2009, req. n/ 13353/05, p. 90. - CEDH, Kenedi c. Hongrie, du 26 mai 2009 , req. n/ 31475/05, p. 80. - CEDH, Sorguç c. Turquie, du 23 juin 2009, req. n/ 17089/03 p. 50. - CEDH, Standard Verlags GMBH c. Autriche n/ 2, du 4 juin 2009, req. n/ 21277/05, p. 66. - CEDH, Grande chambre, Verein Gegen Tierfabriken Scweiz (VGT) c. Suisse (n/ 2), du 30 juin 2009, req. n/ 32772/02, p. 39. - Article 11 : DROIT A LA LIBERTÉ DE RÉUNION ET D’ASSOCIATION - CEDH, Herri Batasuna et Batasuna c. Espagne, du 30 juin 2009 , req. n/ 25803/04, p. 42. - CEDH, Barraco c. France, du 5 mars 2009, req. n/ 31684/05, p. 88. - Article 13 : DROIT A UN RECOURS EFFECTIF - CEDH, Etxeberria et autres c. Espagne, du 30 juin 2009, req. n/ 35579/03 p. 46. - CEDH, Kenedi c. Hongrie, du 26 mai 2009 , req. n/ 31475/05, p. 80. - CEDH, Korelc c. Slovenia, du 12 mai 2009, req. n/ 28456/03, p. 87. - CEDH, (décision) Menéndez Garcia c. Espagne, du 5 mai 2009, req. n/ 21046/07, p. 103. - Article 14 : INTERDICTION DE DISCRIMINATION - CEDH, (décision) Gouveina Gomes Fernanez et Freita E Costa c. Portugal, du 26 mai 2009, req. n/ 1529/08, p. 93. - CEDH, (décision) Pipi c. Turquie, du 12 mai 2009, req. n/ 4020/03, p. 95. ... combiné avec article 8 : DROIT A LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE : - CEDH, Brauer c. Allemagne, du 28 mai 2009, req. n/ 3545/04, p. 74. ... combiné avec article 10 : LIBERTÉ D’EXPRESSION : - CEDH, Hachette Filipacchi Presse Automobile et Dupuy c. France, du 5 mars 2009, req. n/ 13353/05, p. 90. - Article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention : PROTECTION DE LA PROPRIÉTÉ - CEDH, (décision) Tas c. Belgique, du 12 mai 2009, req. n/ 44614/06 p. 97. - Article 3 du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention : DROIT A DES ELECTIONS LIBRES - CEDH, Etxeberria et autres c. Espagne, du 30 juin 2009, req. n/ 35579/03 p. 46. - Article 4 du Protocole additionnel n/ 7 à la Convention : DROIT DE NE PAS ÊTRE JUGÉ OU PUNI DEUX FOIS - CEDH, Ruotsalainen c. Finlande, du 16 juin 2009, req. n/ 13079/03, p. 55. -36- ARRÊTS DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME L Affaires à suivre : L’audience de Grande chambre concernant l’affaire Medvedyev et autres c. France - req. n/ 3394/03 s’est déroulée le 6 mai 2009. Un dossier spécial sera publié dans la veille bimestrielle n/ 26 (juillet-août 2009). L’affaire Taxquet c. Belgique ayant donné lieu à un arrêt de chambre du 13 janvier 2009 a été renvoyée le 5 juin 2009 en Grande chambre à la demande du Gouvernement belge. Fiume c. Italie 30 juin 2009 - req. n/ 20774/05 - non violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention - T Faits : Le requérant, agent des services douaniers, exerce les fonctions de directeur. En mars 2002, l’un de ses collègues (D.C.) fut affecté jusqu’au 7 août 2004 à la direction régionale des douanes de Salerne (Italie). Le requérant saisit le juge du travail de Salerne d’une demande en référé d’annulation en urgence de la décision d’affectation de son collègue, et ce au motif que ce dernier n’avait pas le profil exigé pour remplir la fonction. Par ordonnance provisoire du 3 décembre 2002, le juge fit droit à sa demande en observant que D.C., qui n’avait pas de diplôme d’études supérieures, n’était pas apte à occuper un poste de directeur. Il annula donc la décision d’affectation à titre conservatoire. En réaction, l’administration douanière introduisit devant le tribunal de Salerne une réclamation contre ladite ordonnance de référé qui fut rejetée par ordonnance d’avril 2003. Pour autant, elle ne s’exécuta pas et D.C. resta en fonction. Le requérant demanda alors au juge du travail de Salerne de préciser les modalités d’exécution de l’ordonnance du 3 décembre 2002. En octobre 2003, le juge répondit ladite ordonnance contenait une obligation de faire à la charge de l’administration des douanes et ordonna que celle-ci procède, dans un délai de quarante-cinq jours, à l’organisation d’un concours interne visant à l’affectation du poste de directeur en question. Parallèlement, le requérant avait engagé devant le tribunal de Salerne un recours en annulation de la décision d’affectation de D.C.. Le 17 octobre 2003, la juridiction fit droit à cette demande en retenant que la nomination en cause était illégale, la législation applicable faisant de la possession d’un diplôme d’études supérieures une condition nécessaire pour intégrer le poste de directeur. Outre l’annulation de la décision, le tribunal ordonna également à l’administration concernée de mettre en place une procédure de recrutement afin de pourvoir le poste en cause. L’administration des douanes ne s’étant pas conformé à cette décision, le requérant introduisit un recours en exécution du jugement du 17 octobre 2003 devant le tribunal régional de la Campane (ci-après le TAR) qui rejeta le recours en considérant que cette décision n’avait pas acquis l’autorité de la chose jugée et qu’elle ne pouvait donc faire l’objet d’une procédure -37- d’exécution. Le requérant interjeta appel. Le Conseil d’Etat italien rejeta cet appel et confirma le jugement du TAR en affirmant que le droit interne ne permettait l’exécution immédiate d’une décision frappée d’appel que si la dite décision avait été rendue par une juridiction administrative. T Griefs : Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant exposait qu’il lui avait été impossible d’obtenir l’exécution du jugement du tribunal de Salerne ordonnant la destitution de son collègue du poste de directeur des douanes. T Décision : - Sur la recevabilité : Le Gouvernement italien soutient que l’article 6 de la Convention ne peut être appliqué car le droit revendiqué par le requérant ne revêt pas le caractère de droit civil au sens de ladite Convention. Sur ce point, la Cour citant l’arrêt Vilho Eskelinen et autres c. Finlande 7 expose que pour décider si un Etat défendeur peut valablement opposer à un requérant fonctionnaire l’inapplicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention, deux conditions cumulatives sont requises : “d’une part, le requérant fonctionnaire doit être expressément privé du droit d’accéder à un tribunal d’après le droit national ; d’autre part, l’exclusion des droits garantis à l’article 6 doit reposer sur des motifs objectifs liés à l’intérêt de l’Etat.” (§ 33) La juridiction européenne note qu’en l’espèce, le requérant a pu faire valoir ses prétentions devant un tribunal, et que l’argument du Gouvernement tiré de la qualité de fonctionnaire du requérant pour lui refuser l’application de l’article 6 de la Convention ne saurait donc être recevable. (§ 34) Elle observe par ailleurs que le droit de bénéficier d’une procédure de recrutement, revendiqué par le requérant et reconnu à plusieurs reprises par les juridictions internes, concerne l’exercice même de la carrière de l’intéressé et, par conséquent, sa situation patrimoniale. De plus, dans la mesure où les autorités internes ont admis que le requérant pouvait légitimement espérer obtenir le poste à pourvoir, la Cour estime que “l’issue de la procédure litigieuse était directement déterminante pour le droit revendiqué par l’intéressé” 8. Puis, la Cour réaffirme que “la régularité d’une procédure ayant trait à un droit de caractère civil se prêtait à un recours judiciaire qui a été exercé par le requérant, il convient de conclure qu’une « contestation » relative à un « droit de caractère civil » a surgi en l’occurrence et a été tranchée par la juridiction judiciaire”.9 (§ 36). Rejetant l’exception d’incompatibilité soulevée par le Gouvernement, elle décide que l’article 6 de la Convention trouve effectivement à s’appliquer en l’espèce. - Sur le fond : Le requérant soutient que le tribunal de Salerne du 17 octobre 2003, qui ne faisait que confirmer l’ordonnance exécutoire du 3 décembre 2003, condamnant l’administration a exécuter une 7 CEDH, Vilho Eskelinen et autres c. Finlande, du 19 avril 2007, req. n/ 63235/00, § 62. (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 14, p. 19) 8 A contrario, CEDH, décision Revel et Mora c. France, du 15 novembre 2005, req. n/ 171/03. 9 CEDH, Kök c. Turquie, du 19 octobre 2006, req. n/ 1855/02, § 37. -38- obligation de facere, était immédiatement exécutoire. Il expose que la non exécution du jugement litigieux a permis aux autorités de tirer profit d’une situation d’illégalité devenue irréversible le 7 août 2004, lorsque le mandat provisoire de D.C. est venu à échéance. De son côté, le Gouvernement italien estime qu’il n’avait aucune obligation d’exécuter les décisions litigieuses puisque celles-ci n’avaient pas acquis l’autorité de la chose jugée. Dans un premier temps, les juges de Strasbourg rappellent que “le droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 § 1 de la Convention serait illusoire si l’ordre juridique interne d’un Etat contractant permettait qu’une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d’une partie”.10 Puis, ils relèvent qu’en l’espèce le jugement en cause n’était pas une décision définitive, car elle avait été rendue en première instance et qu’elle était susceptible de faire l’objet d’un appel, ce qui fut d’ailleurs le cas (§ 44). Ils constatent également que la juridiction nationale avait déclaré illégitime l’affectation de D.C. à titre provisoire et condamné l’administration à organiser un concours interne conforme à la loi mais que la décision clôturant la procédure au fond n’était intervenue que le 23 mai 2007, et ce alors que le mandat provisoire de D.C. avait expiré le 7 août 2004 (§ 45). La Cour déclare qu’elle “ne saurait admettre que l’article 6 protège non seulement la mise en œuvre de décisions judiciaires définitives et obligatoires, mais aussi celle de décisions qui peuvent être soumises au contrôle de plus hautes instances et, éventuellement, infirmées” 11. Elle indique enfin qu’en l’occurrence, elle ne saurait “juger contraire aux exigences de l’article 6 l’omission de l’administration d’exécuter le jugement du tribunal de salerne du 17 octobre 2003 en l’attente de l’issue de la procédure” (§ 46) et conclut, à l’unanimité, à la non violation de l’article 6 § 1 de la Convention. jjj Verein Gegen Tierfabriken Schweiz ( VGT ) c. Suisse ( n/ 2 ) Grande chambre 30 juin 2009 - req. n/ 32772/02 - violation de l’article 10 de la Convention (liberté d’expression) - T Faits : Verein Gegen Schweiz (« VGT ») association de droit suisse de protection des animaux, militant contre l’expérimentation animale et l’élevage en batterie, avait souhaité diffuser à la télévision un spot publicitaire dénonçant l’élevage des cochons « en batterie ». L’instance de contrôle de la publicité puis le tribunal administratif devant lequel l’association présenta un recours refusèrent. L’association déposa une première requête devant la Cour européenne qui, par un arrêt du 28 juin 2001,12 condamna la Suisse pour violation de l’article 10 de la Convention. Sur la base de cet arrêt, l’association requérante demanda au Tribunal fédéral, de réviser l’arrêt définitif interne interdisant la diffusion du spot. Sa demande de révision fut rejetée au motif que la société n’avait 10 CEDH, Hornsby c. Grèce, du 19 mars 1997, req. n/ 18357/91 , § 40 11 CEDH, Ouzounis et autres c. Grèce, du 18 avril 2002, req. n/ 49144/99, § 21. 12 CEDH, VGT Verein Gegen Tierfabriken c. Suisse, du 28 juin 2001, req. n/ 24699/94. -39- pas démontré qu’il existait encore un intérêt à ce que le spot soit diffusé. Le Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe, chargé de surveiller l’exécution des arrêts de la Cour ne fut pas informé du rejet de la demande de révision et mit fin à l’examen de la première requête de la requérante en adoptant une résolution finale, comportant notamment, la possibilité d’une demande de révision devant le Tribunal fédéral. En juillet 2002, l’association requérante introduisit une seconde requête devant la Cour, qui rendit un arrêt du 4 octobre 2007 condamnant la Suisse, par cinq voix contre deux, pour violation de l’article 10 de la Convention en raison du maintien de l’interdiction de diffuser le spot publicitaire. L’affaire fut renvoyée en Grande chambre à la demande du gouvernement. T Griefs : L’association requérante soutenait que le maintien de l’interdiction de la diffusion du spot litigieux malgré le premier arrêt de la Cour européenne constatant une atteinte à sa liberté d’expression, constituait une nouvelle violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention. T Décision : - Sur la recevabilité de la requête : Le gouvernement suisse allègue que la requête est irrecevable pour deux raisons: il soutient d’une part, que l’association requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes et d’autre part, que la requête porte sur l’exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg qui, en vertu de l’article 46 de la Convention, relève de la compétence exclusive du Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Concernant le premier point, la Cour confirme la décision de l’arrêt de chambre et juge que les voies de recours internes ont effectivement été épuisées. En effet, le Tribunal Fédéral, dans son arrêt rejetant la demande de révision de l’association, s’était prononcé sur le fond de l’affaire. Par conséquent, elle rejette le premier argument du gouvernement. Sur le deuxième point, la Cour rappelle que les constats de violation revêtent un caractère déclaratoire et que, par l’article 46 de la Convention, les Hautes parties contractantes se sont engagées à se conformer aux arrêts de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties, le Conseil des Ministres étant en chargé de surveiller l’exécution des arrêts. Cependant, elle considère que “le rôle du Conseil des ministres dans ce domaine ne signifie pas que les mesures prises par un Etat défendeur en vue de remédier à la violation constatée par la Cour ne puissent pas soulever un problème nouveau, non tranché par l’arrêt” (§ 62). Ainsi, la Cour doit déterminer si elle est elle-même compétente ratione materiae en prenant en compte l’article 35 § 2 b) de la Convention qui “commande de déclarer irrecevable une requête qui est « essentiellement la même qu’une requête précédemment examinée par la Cour (...), et (...) ne contient pas de faits nouveaux. »” (§ 63). La Cour doit donc analyser si les deux requêtes dont elle a été saisie concernent les mêmes personnes, les mêmes faits et les mêmes griefs. Elle observe que pour rejeter la demande de révision, le Tribunal Fédéral a jugé qu’en raison du temps écoulé, l’association avait perdu tout intérêt à voir diffuser le spot publicitaire. Elle considère qu’il s’agit d’un élément nouveau dont le Comité des ministres n’a pas été informé. Par conséquent, la juridiction strasbourgeoise juge qu’il n’y pas d’empiétement sur les compétences du Comité des ministres, dans la mesure où elle connaît de faits nouveaux dans le cadre d’une nouvelle requête. En outre, le Comité a mis fin à la surveillance de l’exécution de l’arrêt par l’adoption d’une résolution finale sans avoir pris en compte le rejet de la demande de révision par le Tribunal fédéral. La Cour considère que le rejet constitue donc un élément -40- nouveau. Elle précise que si elle ne pouvait en connaître, “il serait soustrait à tout contrôle au titre de la Convention” (§ 67). L’exception préliminaire du gouvernement tirée de l’incompétence ratione materiae est rejetée. Sur le fond : La Cour doit déterminer si le refus de la révision était constitutif d’une violation de l’article 10 de la Convention. La Grande Chambre se détache du raisonnement développé par la chambre en estimant “opportun d’aborder la présente requête sous l’angle de l’obligation positive de l’Etat défendeur de prendre les mesures nécessaires afin de permettre la diffusion du spot litigieux” (§ 78). Ainsi, elle appuie son argumentation sur l’importance de la liberté d’expression et de la nécessité de son exercice « réel et effectif » qui exige de l’Etat des mesures positives. Rappelant l’importance de l’exécution effective des arrêts, les juges européens doivent vérifier si il existait, à la charge de l’Etat défendeur, une obligation positive de prendre les mesures nécessaires afin de faire diffuser le spot litigieux à la suite de l’arrêt de chambre ayant constaté une violation. A cet égard, ils soulignent que “la réouverture d’une procédure ayant violé la Convention n’est pas une fin en soi, elle n’est qu’un moyen-certes privilégié-susceptible d’être mis en œuvre en vue d’un certain objectif : l’exécution correcte et entière des arrêts de la Cour” (§ 90). La Cour rappelle que “l’article 10 § 2 de la Convention ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique, ou comme ici, des questions d’intérêt général” (§ 92). En l’espèce, elle relève que le spot traitant de la santé des consommateurs ainsi que de la protection des animaux et de l’environnement présentait un intérêt public. Elle précise en outre qu’en l’absence de motifs nouveaux permettant de justifier, au regard de l’article 10 de la Convention, le maintien de l’interdiction, les autorités suisses avaient l’obligation d’autoriser la diffusion du spot. Elle relève également qu’en considérant que l’association requérante n’avait pas suffisamment démontré l’intérêt de la diffusion du spot, le Tribunal fédéral s’était substitué elle, à qui il appartenait d’apprécier la persistance d’un intérêt à diffuser le spot litigieux. De plus, elle juge que le Tribunal Fédéral n’a pas démontré dans quelles mesures les circonstances auraient changé au point de remettre en cause la validité des motifs à l’appui desquels la Cour avait jugé une violation de l’article 10 de la Convention. Enfin, l’argument du gouvernement qui soutenait que la diffusion du spot pouvait être perçue comme désagréable, notamment par les consommateurs ou les commerçants et producteurs de viande, ne peut justifier une interdiction. En effet, la liberté d’expression vaut également pour les “idées qui heurtent, choquent ou inquiètent” (§ 96). Par conséquent, la Cour conclut, par onze voix contre six, à la violation de l’article 10 de la convention. N Les opinions dissidentes des juges Malinverni, Sajó et Power à laquelle se sont ralliés les juges Bîrsan, Myjer et Berro-Lefèvre sont annexées à l’arrêt. jjj -41- Herri Batasuna et Batasuna c. Espagne 30 juin 2006 - req. n/ 25803/04 - Non violation de l’article 11 (Liberté de réunion et d’association) de la Convention - T Faits : L’affaire en cause concerne deux partis politiques : Herri Batasuna (premier requérant) fondé en 1986, et Batasuna (second requérant) fondé en mai 2001. Le 27 juin 2002, le Parlement espagnol adopta la loi organique 6/2002 sur les partis politiques (LOPP). Les principales nouveautés introduites par la nouvelle loi figurent au chapitre II relatif à l’organisation, au fonctionnement et aux activités des partis politiques et au chapitre III relatif à leur dissolution ou suspension judiciaire. Par une décision du 26 août 2002, le juge central d’instruction près l’Audiencia Nacional prononça la suspension des activités de Batasuna et la fermeture, pendant trois ans, des sièges et locaux pouvant être utilisés par les partis requérants. Le 2 septembre 2002, l’avocat du Gouvernement espagnol engagea devant le Tribunal suprême une action tendant à la dissolution des partis requérants, au motif qu’ils avaient enfreint la nouvelle LOPP car ils avaient accumulé des activités démontrant de manière irréfutable une conduite en rupture avec la démocratie et les valeurs constitutionnelles, la méthode démocratique et les droits des citoyens et contraire aux principes établis dans l’exposé des motifs de ladite loi. Le même jour, le procureur général de l’Etat intenta, sur le fondement des articles 10 et suivants de la LOPP, une action tendant à leur dissolution. Le 10 mars 2003, Batasuna demanda qu’une question préjudicielle sur l’inconstitutionnalité de la LOPP soit posée au Tribunal constitutionnel. En effet, il estimait que certains articles de la LOPP violaient les droits à la liberté d’association, à la liberté d’expression, à la liberté de pensée, ainsi que les principes de légalité, de sécurité juridique et de non-rétroactivité des lois pénales moins favorables, et ceux relatifs à la proportionnalité et au non bis in idem, ainsi que le droit à participer aux affaires publiques. Par un arrêt, rendu à l’unanimité, en date du 27 mars 2003, le Tribunal suprême rejeta leur demande en rappelant que les objections soulevées quant à la constitutionnalité de la LOPP avaient déjà été examinées et rejetées dans son arrêt du 12 mars 2003. Le Tribunal suprême déclara également les partis Herri Batasuna, EH et Batasuna illégaux, il prononça leur dissolution et procéda à la liquidation de leur patrimoine. Par deux arrêts du 16 janvier 2004 rendus à l’unanimité, le Tribunal constitutionnel rejeta les recours d’Amparo formés par les requérants. T Griefs : Invoquant les articles 10 (Liberté d’expression) et 11 (Liberté de réunion et d’association) de la Convention, les requérants soutenaient que leur dissolution avait eu pour effet de violer leurs droits à la liberté d’expression et à la liberté d’association. T Décision : - Concernant la violation alléguée de l’article 11 de la Convention : Les requérants se plaignent du caractère non accessible et non prévisible de la LOPP, ainsi que de son application rétroactive et de son absence de but légitime. Ils estiment en outre que la mesure prise à leur encontre ne peut être considérée « nécessaire dans une société démocratique » et la jugent contraire au principe de proportionnalité. -42- La Cour considère que la dissolution des partis requérants s’analyse en une ingérence dans l’exercice de leur droit à la liberté d’association. Elle rappelle ensuite qu’une telle ingérence enfreint l’article 11, sauf si elle est « prévue par la loi », si elle tend à un ou plusieurs des buts légitimes énumérés à l’article 11 § 2 de la Convention et si elle est « nécessaire dans une société démocratique » pour les atteindre. D’autre part, l’expression « prévue par la loi » exige que la mesure incriminée ait une base en droit interne et que cette loi soit suffisamment accessible et prévisible pour permettre à l’individu de régler sa conduite.13 Concernant le grief tiré de l’application rétroactive de la loi, la Cour, rappelle que l’article 7 § 1 de la Convention ne garantit la non-rétroactivité que dans les procédures pénales, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, et que par ailleurs, aucune disposition de la Convention n’exclut la possibilité de se baser sur des faits antérieurs à l’adoption de la loi. Elle constate que les actes pris en compte par le Tribunal suprême pour conclure à la dissolution des partis requérants ont été commis entre le 29 juin 2002 et le 23 août 2002, soit après la date d’entrée en vigueur de la LOPP (§ 59). La Cour en déduit que l’ingérence en question était « prévue par la loi » et que la critique des requérants à l’égard de cette mesure concerne plutôt la nécessité de l’ingérence litigieuse (§ 60). Les juges européens considèrent que les requérants n’ont pas apporté la preuve de leurs allégations et estiment que les dissolutions en cause poursuivaient plusieurs des buts légitimes énumérés à l’article 11 de la Convention, notamment le maintien de la sûreté publique, la défense de l’ordre et la protection des droits et libertés d’autrui (§ 64). Sur la question de la violation du principe de proportionnalité, la Cour réaffirme les liens existants entre la liberté d’association et la liberté d’expression. En effet, elle indique que “malgré son rôle autonome et la spécificité de sa sphère d’application, l’article 11 doit s’envisager aussi à la lumière de l’article 10. La protection des opinions et de la liberté de les exprimer constitue l’un des objectifs de la liberté de réunion et d’association consacrée par l’article 11. Il en va d’autant plus ainsi dans le cas de partis politiques, eu égard à leur rôle essentiel pour le maintien du pluralisme et le bon fonctionnement de la démocratie” 14 (§ 74). Puis, elle précise qu’elle a pour tâche de vérifier, sous l’angle de l’article 11 de la Convention, les décisions que les juridictions nationales ont rendues. Elle ne doit donc pas se limiter à rechercher “si l’Etat défendeur a usé de ce pouvoir de bonne foi, avec soin et de façon raisonnable : il lui faut considérer l’ingérence litigieuse compte tenu de l’ensemble de l’affaire pour déterminer si elle était « proportionnée au but légitime poursuivi » et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants ». Ce faisant, la Cour doit se convaincre que les autorités nationales ont appliqué des règles conformes aux principes consacrés par l’article 11 et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des faits pertinents” 15 (§ 75). Les juges de Strasbourg réaffirment la nécessité du pluralisme pour la démocratie. “En effet, l’une des principales caractéristiques de la démocratie réside dans la possibilité qu’elle offre de débattre par le dialogue et sans recours à la violence des questions soulevées par différents courants d’opinion politique, et cela même quand elles dérangent ou inquiètent. La démocratie se nourrit en effet de la liberté d’expression. C’est pourquoi cette liberté (...) vaut, sous réserve du paragraphe 2, (...) pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou 13 CEDH, Sunday Times c. Royaume-Uni (n/ 1), du 26 avril 1979, req. n/ 6538/74, série A n/ 30, § 49 . 14 CEDH, Partidul Comunistilor (Nepeceristi) et Ungureanu c. Roumanie, du 3 février 2005, req. n/ 46626/99 , § 44,. 15 Notamment, CEDH, Sidiropoulos et autres c. Grèce, du 10 juillet 1998, req. n/ 26695/95 et CEDH, Partidul Comunistilor (Nepeceristi) et Ungureanu, précité, § 49. -43- considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent”.16 La Cour affirme ensuite que les exceptions visées à l’article 11 de la Convention sont d’interprétation stricte, et que seules des raisons convaincantes et impératives peuvent les justifier. Il s’en suit que pour juger de l’existence d’une nécessité au sens de l’article 11 § 2, les Etats ne disposent que d’une marge d’appréciation réduite, qui se double d’un contrôle européen rigoureux portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l’appliquent, y compris celles d’une juridiction indépendante. Puis elle rappelle que, conformément à sa jurisprudence,17 des mesures sévères, telles que la dissolution de tout un parti politique, ne peuvent s’appliquer qu’aux cas les plus graves et que la nature et la charge des ingérences sont des éléments devant être pris en considération lorsqu’il s’agit de mesurer leur proportionnalité 18 (§ 78). Néanmoins, les juges européens rappellent “qu’un parti politique peut mener campagne en faveur d’un changement de la législation ou des structures légales ou constitutionnelles de l’Etat à deux conditions : (1) les moyens utilisés à cet effet doivent être à tous points de vue légaux et démocratiques ; (2) le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques fondamentaux”. Dès lors, “un parti politique dont les responsables incitent à recourir à la violence, ou proposent un projet politique qui ne respecte pas une ou plusieurs règles de la démocratie ou qui vise la destruction de celle-ci ainsi que la méconnaissance des droits et libertés qu’elle reconnaît, ne peut se prévaloir de la protection de la Convention contre les sanctions infligées pour ces motifs” (§ 79). Ils soulignent ensuite que les statuts et le programme d’un parti ne peuvent être pris en compte comme seul critère pour déterminer ses objectifs et qu’il faut comparer le contenu de ce programme avec les actes et les prises de position des membres de ce parti. Cependant, selon la Cour, “on ne saurait exiger de l’Etat d’attendre, avant d’intervenir, qu’un parti politique s’approprie le pouvoir et commence à mettre en œuvre un projet politique incompatible avec les normes de la Convention et de la démocratie, en adoptant des mesures concrètes visant à réaliser ce projet, même si le danger de ce dernier pour la démocratie est suffisamment démontré et imminent. La Cour accepte que lorsque la présence d’un tel danger est établie par les juridictions nationales (...), un Etat doit pouvoir « raisonnablement empêcher la réalisation d’un (...) projet politique, incompatible avec les normes de la Convention, avant qu’il ne soit mis en pratique par des actes concrets risquant de compromettre la paix civile et le régime démocratique dans le pays »” 19 (§ 81). Un tel pouvoir d’intervention préventive de l’Etat est conforme aux obligations positives pesant sur les Parties contractantes dans le cadre de l’article 1er de la Convention. “Ces obligations (...) visent aussi des atteintes imputables à des personnes privées dans le cadre de structures qui ne relèvent pas de la gestion de l’Etat. Un Etat contractant à la Convention, en se fondant sur ses obligations positives, peut imposer aux partis politiques, formations destinées à accéder au pouvoir et à diriger une part importante de l’appareil étatique, le devoir de respecter et de sauvegarder les droits et libertés garantis par la Convention ainsi que l’obligation de ne pas 16 CEDH, Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, req. n/ 5493/72, série A n/ 24, § 49; CEDH, Jersild c. Danemark du 23 septembre 1994, req. n/ 15890/89, série A n/ 298, § 37. 17 CEDH, Refah Partisi, du 13 février 2003, req. n/ 41340/98, 41342/98, 41343/98 ; CEDH, Parti communiste unifié de Turquie et autres, précité, § 46 ; CEDH, Parti socialiste et autres c. Turquie, du 25 mai 1998, req. n/ 21237/93, § 50; CEDH, Parti de la liberté et de la démocratie (ÖZDEP) c. Turquie, n/ 23885/94, § 45. 18 CEDH, Sürek c. Turquie (n/ 1), du 8 juillet 1999, req. n/ 26682/95, § 64. 19 CEDH, Refah Partisi précité, § 102. -44- proposer un programme politique en contradiction avec les principes fondamentaux de la démocratie” (§ 82). La Cour rappelle ensuite que l’adjectif « nécessaire », au sens de l’article 11 § 2 de la Convention, implique un « besoin social impérieux ». Dans ces conditions, pour établir si la dissolution d’un parti politique en raison des risques qu’il présente pour la démocratie, répond à un besoin social, elle recherche “s’il existe des indices montrant que le risque d’atteinte à la démocratie, sous réserve d’être établi, est suffisamment et raisonnablement proche et d’examiner si les actes et discours constituent un tout qui donne une image nette d’un modèle de société conçu et prôné par le parti, et qui serait en contradiction avec la conception d’une « société démocratique »” (§ 83). Après avoir rappelé ces principes, la Cour les applique au cas d’espèce. Elle recherche dans un premier temps si la dissolution des partis requérants répondait à « un besoin social impérieux ». A cet égard, elle souligne que pour décider de la dissolution des partis requérants, la juridiction nationale a mentionné leur absence de condamnation des attentats commis par l’organisation ETA et a énuméré l’ensemble des comportements permettant de considérer qu’ils “étaient des instruments politiques de la stratégie terroriste de l’ETA”. Elle constate, comme l’avaient fait les juridictions internes, que les “comportements [des membres des partis étaient] très proches d’un soutien explicite à la violence et de louanges de personnes vraisemblablement liées au terrorisme” et indique que “les actes des requérants [doivent] être analysés dans leur ensemble comme faisant partie d’une stratégie pour mener à bien leur projet politique, contraire dans son essence aux principes démocratiques prônés dans la Constitution espagnole” (§ 86). Rejetant l’argumentation des requérants qui justifiaient leurs actes et leurs discours favorables à l’ETA par la liberté d’expression, la Cour de Strasbourg considère par ailleurs que le refus de condamner la violence peut être assimilé à un soutien tacite au terrorisme et ce, d’autant plus compte tenu du contexte terroriste espagnol existant depuis plus de trente ans et de la condamnation explicite par tous les autres partis. Elle souligne d’ailleurs que cet élément n’a pas été la seule base de la dissolution des partis requérants et que le Tribunal constitutionnel a constaté qu’il s’ajoutait à une pluralité d’actes, graves et réitérés qui permettaient de conclure à un compromis avec la terreur et contre la coexistence organisée dans le cadre d’un Etat démocratique. Pour la Cour “le simple fait que la dissolution eut été aussi fondée sur cet élément n’aurait pas été contraire à la Convention, le comportement des hommes politiques englobant d’ordinaire non seulement leurs actions ou discours, mais également, dans certaines circonstances, leurs omissions ou silences, qui peuvent équivaloir à des prises de position et être aussi parlant que toute action de soutien exprès” 20 (§ 88). Les juges européens retiennent que “en l’espèce les juridictions internes sont parvenues à des conclusions raisonnables après une étude détaillée des éléments dont elles disposaient et elle ne voit aucune raison de s’écarter du raisonnement auquel est parvenu le Tribunal suprême concluant à l’existence d’un lien entre les partis requérants et l’ETA. De plus, compte tenu de la situation existant en Espagne depuis de nombreuses années concernant les attentats terroristes, plus spécialement dans la « région politiquement sensible » qu’est le pays basque 21 ces liens peuvent être considérés objectivement comme une menace pour la démocratie” (§ 89). Ils poursuivent en indiquant que “les constats du Tribunal suprême doivent s’inscrire dans le souci international de condamnation de l’apologie du terrorisme, comme en témoigne au plan européen (...) la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme, entrée en 20 CEDH, Ždanoka c. Lettonie [GC], du 16 mars 2006, req. n/ 58278/00, §§ 123 et 130. 21 CEDH, Leroy c. France, du 2 octobre 2008, req. n/ 36109/03, § 45. (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 21, p.49) -45- vigueur le 1er juin 2007, signée et ratifiée par l’Espagne, qui dans son article 5 prévoit l’incrimination de la « provocation publique à commettre une infraction terroriste ». Par ailleurs, cette dernière reconnaît dans son article 10 la responsabilité des personnes morales qui participent aux infractions terroristes figurant dans la Convention et son article 9 pénalise la contribution à la commission d’une de ces infractions”. (§ 90). Au vu de ces différents éléments, la Cour estime qu’en l’espèce, la dissolution des partis, “même dans le cadre de la marge d’appréciation réduite dont disposent les Etats, peut raisonnablement être considérée comme répondant à un « besoin social impérieux »” (§ 91). Enfin, les juges européens s’attardent sur la question de la proportionnalité de la sanction prononcée à l’encontre des requérants. Dès lors que l’ingérence en cause répondait à un «besoin social impérieux », et “compte tenu du fait que les projets susmentionnés sont en contradiction avec la conception de la « société démocratique » et comportent un fort danger pour la démocratie espagnole”, ils considèrent que la sanction infligée aux requérants est proportionnelle au but légitime poursuivi au sens de l’article 11 § 2 de la Convention. “Il en résulte que la dissolution peut être considérée comme « nécessaire dans une société démocratique », notamment pour le maintien de la sûreté publique, la défense de l’ordre et la protection des droits et libertés d’autrui, au sens de l’article 11 § 2” (§ 94). La Cour conclut, à l’unanimité, à la non-violation de l’article 11 de la Convention. - Concernant la violation alléguée de l’article 10 de la Convention : Sur ce point, la Cour est d’avis que les questions soulevées par les requérants sous l’angle de l’article 10 portent sur les mêmes faits que ceux examinés sur le terrain de l’article 11 de la Convention. Par conséquent, elle estime qu’il n’est pas nécessaire de les traiter séparément. jjj Etxeberria et autres c. Espagne 30 juin 2009 - req. n/ 35579/03, 35613/03, 35626/03 et 35634/03 - non violation de l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (droit à des élections libres) et des articles 10 (Liberté d’expression) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention - T Faits : Les requérants sont des groupements électoraux ayant exercé des activités au sein de partis politiques déclarés illégaux et dissous (notamment Herri Batasuna et Batasuna) sur la base de la loi organique 6/2002 sur les partis politiques (LOPP). Le 28 avril 2003, les commissions électorales du Pays basque et de Navarre ont enregistré les candidatures des groupements aux élections municipales, régionales et autonomes au Pays basque et en Navarre fixées au 25 mai 2003. Le 1er mai 2003, l’avocat de l’Etat et le ministère public présentèrent des recours contentieux-électoraux tendant à l’annulation d’environ 300 candidatures, dont celles des groupements électoraux litigieux, devant la chambre spéciale du Tribunal suprême, constituée conformément à l’article 61 de la loi organique relative au pouvoir judiciaire (LOPJ). Ils leur reprochaient de poursuivre les activités des partis politiques Batasuna et Herri Batasuna, déclarés illégaux et dissous en mars 2003. -46- Le 3 mai 2003, le Tribunal suprême fit droit aux recours présentés par l’avocat de l’Etat et le ministère public et annula les candidatures au motif qu’elles avaient pour but de poursuivre les activités des trois partis déclarés illégaux et dissous. Il fonda ses décisions sur l’article 44 § 4 de la loi organique relative au régime électoral général, telle que modifiée par la LOPP. Les groupements électoraux litigieux présentèrent alors un recours d’Amparo devant le Tribunal constitutionnel. Par un arrêt du 8 mai 2003, le Tribunal constitutionnel rejeta le recours pour ce qui est, entre autres, des quatre groupements électoraux litigieux. Seize des groupements électoraux visés dans la procédure interne virent accueillir leur recours d’Amparo. En ce qui concerne les quatre groupements électoraux litigieux, le Tribunal constitutionnel rappela sa propre jurisprudence concernant la constitutionnalité de la procédure contentieuse-électorale prévue par l’article 49 de la loi organique relative au régime électoral général. Tout en rappelant qu’il n’avait pas compétence pour réviser l’appréciation du Tribunal suprême, il se référa également aux arrêts contestés de ce dernier et considéra qu’ils accréditaient, de façon raisonnable et suffisamment motivées, l’existence d’une stratégie conjointe, élaborée par l’organisation terroriste ETA et le parti dissout Batasuna, visant à favoriser la reconstruction du parti et à présenter des candidatures lors des élections municipales, régionales ou autonomes suivantes. T Griefs : Invoquant l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1 (droit à des élections libres), les requérants à l’origine des requêtes n/ 35613/03 et 35626/03 estimaient avoir été privés de la possibilité de se présenter aux élections au Parlement de Navarre et de représenter les électeurs, ce qui aurait entravé la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif. Au titre de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention, l’ensemble des requérants se plaignaient de l’annulation de leurs candidatures aux élections au Parlement de Navarre, ainsi qu’aux élections municipales et régionales au Pays basque et en Navarre. Contestant le caractère prévisible de l’article 44 § 4 de la loi organique relative au régime électoral général et dénonçant l’absence de but légitime et de nécessité de l’ingérence dans une société démocratique, ils soutenaient que l’objectif de l’ingérence, ainsi que de la LOPP, était d’interdire toute expression politique de l’indépendantisme basque. Ils estimaient enfin que la mesure litigieuse n’était pas proportionnée au but poursuivi. Invoquant l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention, l’ensemble des requérants alléguaient également un défaut de recours effectif s’agissant de la procédure contentieuse-électorale devant la chambre spéciale du Tribunal suprême. T Décision : - Sur la violation alléguée de l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1 : La Cour européenne rappelle sa jurisprudence relative à cet article. Elle souligne que cette disposition consacre un principe fondamental dans un régime politique véritablement démocratique et revêt donc dans le système de la Convention une importance capitale.22 En effet, la Cour indique que “la démocratie représente un élément fondamental de « l’ordre public européen », et les droits garantis par l’article 3 du Protocole n/ 1 sont cruciaux pour l’établissement et le maintien des fondements d’une véritable démocratie régie par la prééminence du droit”.23 (§ 47). 22 CEDH, Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique, du 2 mars 1987, req. n/ 9267/81, série A n/ 113, § 47. 23 CEDH, Ždanoka c. Lettonie, du 17 juin 2004 , req. n/ 58278/00, §§ 98 et 103. -47- Cependant, elle rappelle que, malgré leur importance, les droits reconnus par cette disposition ne sont pas absolus et qu’il existe des « limitations implicites ».24 Elle poursuit en indiquant que “Dans leurs ordres juridiques respectifs, les Etats contractants (...) jouissent (...) d’une large marge d’appréciation, mais il appartient à la Cour de statuer en dernier ressort sur l’observation des exigences du Protocole n/ 1 ; il lui faut s’assurer que lesdites conditions ne réduisent pas les droits dont il s’agit au point de les atteindre dans leur substance même et de les priver de leur effectivité, qu’elles poursuivent un but légitime et que les moyens employés ne se révèlent pas disproportionnés,25 sans perdre de vue la base légale nécessaire pour la mise en œuvre de toute mesure restrictive des droits garantis par cette disposition” (§ 48). La Cour précise ensuite que lorsqu’elle doit connaître de questions de conformité d’une restriction à l’article 3 du Protocole n/ 1, elle s’attache à vérifier deux critères : d’une part l’existence d’ arbitraire ou d’un manque de proportionnalité et d’autre part si la restriction a porté atteinte à la libre expression de l’opinion du peuple. De plus, elle insiste sur la “nécessité d’apprécier toute législation électorale à la lumière de l’évolution politique du pays concerné, ce qui implique que des caractéristiques inacceptables dans le cadre d’un système peuvent se justifier dans le contexte d’un autre” 26 (§ 49). Les juges européens rappellent également leur distinction entre le droit de vote, dans l’aspect « actif » des droits garantis par l’article 3 du Protocole n/ 1 et le droit de se présenter aux élections, qui en constitue son aspect « passif ». A cet égard, ils indiquent avoir observé que le droit de se présenter aux élections législatives peut être encadré par des exigences plus strictes que le droit de vote. Ils précisent d’ailleurs que, alors que le critère relatif à l’aspect « actif » de l’article 3 du Protocole n/ 1 implique une appréciation plus large de la proportionnalité des dispositions légales privant du droit de vote, leur démarche concernant l’aspect « passif » de cette disposition se limite pour l’essentiel à vérifier l’absence d’arbitraire dans les procédures internes conduisant à priver un individu de l’éligibilité.27 (§ 50). La Cour note qu’en l’espèce, l’ordre juridique espagnol prévoyait la mesure litigieuse et que les requérants pouvaient donc raisonnablement s’attendre à ce que cette disposition leur soit appliquée (§ 51). Elle relève que, conformément à l’article 12 § 1 de la LOPP combiné avec l’article 44 § 4 de la loi organique relative au régime électoral général, la mesure est réservée aux candidatures qui ont des liens forts et avérés avec des partis politiques dissous. Elle admet l’affirmation du Gouvernement selon laquelle la dissolution des partis politiques Batasuna et Herri Batasuna aurait été inutile s’ils avaient pu poursuivre de facto leur activité par le biais des groupements électoraux litigieux. Dès lors, elle considère que “la restriction litigieuse poursuit des buts compatibles avec le principe de la prééminence du droit et les objectifs généraux de la Convention, à savoir notamment la protection de l’ordre démocratique” (§ 52). Sur la question de la proportionnalité de la mesure, les juges de Strasbourg constatent en substance que les autorités nationales disposaient de nombreux éléments permettant de conclure que les groupements électoraux litigieux voulaient continuer les activités des partis politiques déclarés illégaux, que les autorités ont eu le temps d’examiner les programmes litigieux et qu’elles ont pris les décisions d’annulation de façon individualisée et, après un examen contradictoire au cours duquel les groupements ont pu présenter des observations (§ 53). Ils poursuivent en affirmant que, selon eux, “il a été suffisamment prouvé par les juridictions internes 24 CEDH, Gitonas et autres c. Grèce, du 1er juillet 1997, § 39. 25 CEDH, Ždanoka précité, § 115 et CEDH, Matthews c. Royaume-Uni, du 18 février 2002, req. n/ 24833/94, § 63. 26 CEDH, Mathieu-Mohin et CEDH, Clerfayt précités. 27 Notamment, CEDH, Melnitchenko c. Ukraine, du 19 octobre 2004, req. n/ 17707/02, § 57. -48- espagnoles que les groupements litigieux prétendaient poursuivre les activités de Batasuna et Herri Batasuna, dissous préalablement en raison de leur soutien à la violence et aux activités de l’organisation terroriste ETA” (§ 54). Ils soulignent enfin que “le contexte politique existant en Espagne ( ...) prouve que la mesure litigieuse ne répondait pas à une intention d’interdire toute manifestation d’idées séparatistes. Ainsi, la Cour estime que sa propre jurisprudence, conformément à laquelle l’expression de points de vue séparatistes n’implique pas per se une menace contre l’intégrité territoriale de l’Etat et la sécurité nationale, a été respectée” 28 (§ 55). Partant, la juridiction européenne conclut, à l’unanimité, à la non violation de l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1. - Sur la violation alléguée de l’article 10 de la Convention : La Cour s’interroge au préalable sur le point de savoir si l’article 10 de la Convention s’applique lorsque, comme en l’espèce, l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1 ne rentre pas dans le champ d’application. En effet, ni les municipalités ni les provinces en cause ne participaient à “l’exercice du pouvoir législatif et partant [elles] ne font pas partie du « corps législatif » au sens de l’article 3 du Protocole n/ 1”.29 A cet égard, elle indique avoir, à plusieurs reprises, rappelé l’importance de la liberté d’expression, qui constitue l’une des conditions préalables au fonctionnement de la démocratie.30 Selon elle, “cette affirmation de la fonction sociale de la liberté d’expression constitue la philosophie de base de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 10. Il en résulte, d’une part, que la liberté d’expression n’est pas seulement une garantie contre les ingérences de l’Etat (un droit subjectif) mais elle est aussi un principe fondamental objectif pour la vie en démocratie ; d’autre part, la liberté d’expression n’est pas une fin en soi mais un moyen pour l’établissement d’une société démocratique pluraliste” (§ 63). Les juges de Strasbourg affirment que ce “droit doit être interprété comme englobant également celui à communiquer des informations et des idées à des tiers dans un contexte politique. Ainsi, même si le droit à la liberté d’expression est lié, in concreto, à une procédure électorale, ceci ne suffit pas à exclure son application aux présentes affaires.” 31 (§ 64). Ils concluent donc à l’applicabilité de l’article 10 de la Convention. Concernant les requêtes n/ 35613/03 et 35626/03, la Cour de Strasbourg constate que le grief tiré de l’article 10 de la Convention se rapporte aux mêmes faits que les doléances soulevées sur le terrain de l’article 3 du Protocole n/ 1 et rappelle que cette dernière disposition “constitue une lex specialis pour ce qui est de l’exercice du droit de vote”.32 Selon elle, “cette considération est applicable a fortiori au droit subjectif de se porter candidat”. Par conséquent, elle renvoie aux conclusions présentées ci-dessous sous l’angle de l’article 3 du Protocole n/ 1 et déclare qu’aucune question distincte ne se pose sous l’angle de l’article 10 de la Convention(§ 70). Concernant les requêtes n/ 35579/03 et 35634/03, “dans la mesure où l’article 10 est la seule disposition invoquée, la Cour rappelle qu’elle a conclu ci-dessus à la non-violation de l’article 3 du Protocole n/ 1, au motif que la mesure d’annulation dont firent l’objet les groupements litigieux était proportionnée au but légitime poursuivi et n’avait pas porté atteinte à la libre expression de l’opinion du peuple” (§ 71). 28 CEDH, Organisation macédonienne unie Ilinden et autres c. Bulgarie, du 19 janvier 2006, req. n/ 59491/00, § 76. 29 CEDH, décision Salleras Llinares c. Espagne, du 12 octobre 2000, req. n/ 52226/99. 30 CEDH, Özgür Gündem c. Turquie, du 16 mars 2000, req. n/ 23144/93, § 43. 31 CEDH, Rekvényi, du 20 mai 1999, req. n/ 25390/94, § 26. 32 CEDH, Hirst c. Royaume-Uni (n/ 2), du 6 octobre 2005, req. n/ 74025/01, § 89. -49- Elle affirme également que, concernant l’article 10, “l’Etat est en droit de disposer d’une marge d’appréciation comparable à celle acceptée dans le cadre de l’article 3 du Protocole n/ 1”. Ainsi, au vu des éléments les ayant conduit au constat de non-violation de l’article 3 du Protocole n/ 1, ils estiment que les autorités espagnoles n’ont pas excédé la marge d’appréciation dont elles disposaient vis-à-vis de l’article 10 de la Convention (§ 72). Enfin, concernant le grief relatif à l’application rétroactive de l’article 44 § 4 de la loi organique relative au régime électoral général, les juges de Strasbourg rappellent que l’article 7 § 1 de la Convention ne garantit la non-rétroactivité que dans les procédures pénales, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Ils constatent ensuite que les actes pris en compte par le Tribunal suprême pour conclure à l’annulation des groupements électoraux litigieux sont postérieurs à l’entrée en vigueur de la LOPP et précisent qu’aucune disposition de la Convention n’exclut la possibilité de se baser sur des faits antérieurs à l’adoption de la loi. Par conséquent, la Cour conclut, à l’unanimité, à la non-violation de l’article 10 de la Convention. - Sur la violation alléguée de l’article 13 de la Convention : Les juges de Strasbourg observent tout d’abord que les délais dont ont disposé les requérants pour former leur recours ont été très brefs. A cet égard, ils rappellent que les standards fixés en la matière considèrent souhaitable un délai de trois à cinq jours en première instance (§ 79). Ils notent cependant l’absence de consensus des Etats membres sur cette question et affirment que “le délai prévu en Espagne ne constitue pas un exemple isolé ou une solution manifestement déraisonnable par rapport à la majorité des autres Etats européens”. (§ 80). Enfin, la Cour constate que les requérants n’ont pas démontré que ces délais les avaient empêchés de former leurs recours devant le Tribunal suprême ou le Tribunal constitutionnel et de présenter des observations et défendre leurs intérêts de manière appropriée (§ 81). Par conséquent, elle conclut, à l’unanimité, à la non violation de l’article 13 de la Convention. jjj Sorguç c. Turquie 33 23 juin 2009 - req. n/ 17089/03 - Violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention - T Faits : Le requérant est professeur de gestion de la construction à l’Université technique d’Istanbul. En 1997, lors d’une conférence, il distribua un article dans lequel il critiquait, sans citer de noms, la procédure de sélection des professeurs assistants. Au cours de la même année, N.C.A., un professeur assistant, intenta contre le requérant une procédure civile en réparation. Il lui reprochait certains des commentaires figurant dans l’article, estimant que ces propos constituaient une atteinte à sa réputation. Par la suite, N.C.A. fut révoqué de son poste pour incompétence professionnelle et incompatibilité entre ses valeurs personnelles et celles de l’université. Le tribunal de première instance donna raison au requérant en considérant que ses déclarations n’étaient qu’une critique du système et des institutions universitaires. N.C.A. fit appel de la décision. Cette seconde juridiction, sans avoir examiné sa révocation de l’université, condamna 33 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais. -50- le requérant à indemniser N.C.A. pour avoir porté atteinte à sa réputation. T Griefs : Invoquant une violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention, le requérant contestait la décision l’ayant reconnu coupable de diffamation. Enfin, il soutenait que les articles 6 (Droit à un procès équitable) de la Convention et 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (Protection de la propriété), avaient été violés, estimant que l’indemnisation à laquelle il avait été condamné portait atteinte à la jouissance paisible de ses biens. T Décision : - Concernant la violation alléguée de l’article 10 de la Convention : La Cour reconnaît qu’il s’agit bien d’une ingérence dans le droit à la liberté d’expression du requérant et elle précise qu’elle doit rechercher si la violation alléguée était « nécessaire dans une société démocratique » et si elle correspondait à un « besoin social impérieux ». Sur ce point, elle rappelle que les Etats membres jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour décider si un tel besoin existe mais que celle-ci doit aller de paire avec le respect du droit européen. Elle rappelle ensuite que le paragraphe 2 de cette disposition limite cette liberté afin d’éviter les atteintes qu’elle pourrait porter à la réputation (§ 28). Les juges européens affirment ensuite qu’une attention particulière doit être apportée à la distinction entre les « états de faits » et « les jugements de valeur » : les faits peuvent être démontrés tandis que les jugements de valeur ne sont eux pas, en principe, susceptibles d’être prouvés. Ainsi, les juges expliquent qu’on ne peut obliger à prouver la véracité d’un jugement de valeur sans violer la liberté d’opinion qui est un élément fondamental du droit garanti par l’article 10 de la Convention.34 Cependant, même lorsqu’une déclaration équivaut à un jugement de valeur, la proportionnalité de l’ingérence en cause doit dépendre du point de savoir si il existe une base factuelle suffisante justifiant la déclaration litigieuse. En effet, à défaut de base factuelle à son soutien, la déclaration peut être excessive 35 (§ 29). Enfin, les juges soulignent que le montant de l’indemnité accordée doit être proportionnelle au dommage moral subi.36 En l’espèce, la Cour de Strasbourg note que les déclarations litigieuses ont été faites par le biais de la distribution d’un document lors d’une conférence scientifique. Elle relève également que le requérant a exprimé une opinion sur une question d’intérêt général, à savoir le système de nominations et de promotion à l’université. Sachant qu’il avait formulé ses déclarations en se fondant sur son expérience personnelle et que les informations qu’il avait divulguées étaient déjà connues dans les milieux universitaires, les juges européens soulignent que son discours contenait des jugements de valeur dont la véracité était susceptible d’être prouvée, au moins partiellement (§ 31). Or, ils constatent que les tribunaux turcs ont conclu que les déclarations litigieuses constituaient une atteinte à la réputation de N.C.A. et ce, sans donner au requérant l’occasion d’étayer ses déclarations. Ils estiment donc que la juridiction nationale a accordé une plus grande importance 34 CEDH, Lingens c. Autriche, du 8 juillet 1986, Série A n/ 103, req. n/ 9815/82 , § 46 et CEDH, Oberschlick c. Autriche (n/ 1), du 23 mai 1991,Série A n/ 204, req. n/ 11662/85, § 63. 35 CEDH, Jerusalem c. Autriche, du 27 février 2001, req. n/ 26958/95, § 43. 36 CEDH, Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni, du 13 juillet 1995,Série A n/ 316 B, req. n/ 18139/91, § 49 et CEDH, Steel et Morris c. Royaume-Uni, du 15 février 2005, req. n/ 68416/01, § 96. -51- à la protection des droits de la personnalité d’un individu anonyme qu’à la liberté d’expression dont doit normalement bénéficier un universitaire dans le cadre d’un débat public (§ 34). La Cour insiste ensuite sur l’importance de la liberté universitaire, qui comprend notamment la liberté pour un enseignant d’exprimer librement son avis au sujet de l’institution ou du système au sein desquels il travaille et de diffuser ses connaissances sans restriction (§ 35). Compte tenu de ce qui précède, elle estime que la juridiction nationale n’a pas établi l’existence d’un « besoin social impérieux » de placer la protection des droits de la personnalité d’un individu au-dessus du droit à la liberté d’expression du requérant et de l’intérêt général dans la promotion de cette liberté lorsque des questions d’intérêt public sont concernés. Elle constate également que le juge national n’a pas établi dans quelle mesure les propos litigieux avaient effectivement porté atteinte à la réputation et à la carrière de N.C.A.. Enfin, elle souligne l’importance du montant des dommages et intérêts accordés. Les juges de Strasbourg estiment que les autorités nationales n’ont pas trouvé un juste équilibre entre les différents intérêts en présence. Partant, ils considèrent que l’ingérence en cause n’était pas « nécessaire dans une société démocratique » et concluent, à l’unanimité, à la violation de l’article 10 de la Convention. - Concernant les violations alléguées de l’article 6 de la Convention et de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 : La Cour considère que ces griefs sont liés à celui tiré de la violation de l’article 10 de la Convention. Elle estime donc qu’eu égard aux faits de l’espèce et à son constat de violation de l’article 10 de la Convention, elle a examiné les principales questions juridiques soulevées par la requête et conclut qu’il n’est pas nécessaire de rendre des décisions séparées sur ces points.37 jjj Bodroñiƒ et Vujin c. Serbie 38 23 juin 2009 - req. n/ 38435/05 - Violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) de la Convention - T Faits : Les requérants, journalistes, travaillaient à l’époque des faits pour un journal local. En 2003 et 2004, ils publièrent deux articles. Le premier critiquait les condamnations pénales infligées à plusieurs journalistes pour diffamation et faisait notamment référence à un avocat connu en le qualifiant de « blonde » ; il contenait d’ailleurs la photo d’une femme blonde en sous-vêtements accompagnée d’une anagramme du nom de l’avocat. Le second article condamnait quant à lui le point de vue exprimé à la télévision publique par un historien connu au sujet de l’existence et de l’histoire des minorités nationales en Voïvodine et qualifiait cet historien d’« idiot » et de « fasciste ». L’avocat et l’historien évoqués dans les articles engagèrent des procédures pénales à l’encontre 37 CEDH, Mehmet et Suna Yigit c. Turquie, du 17 juillet 2007, req. n/ 52658/99, § 43 et CEDH, K.Ö. c. Turquie, du 11 décembre 2007, req. n/ 71795/01, § 50. 38 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais. -52- des requérants pour injures. L’un des requérants fut également poursuivi en diffamation par l’historien qu’il avait qualifié de « membre du mouvement fasciste en Serbie ». Les juridictions internes jugèrent les deux requérants coupables d’injures et les condamnèrent à des amendes, assorties, en cas de non paiement, d’une peine de prison. L’auteur de l’article relatif à l’historien fut en outre reconnu coupable de diffamation. Au sujet de la première affaire, les juges affirmèrent que le fait de traiter l’avocat de blonde constituait objectivement une insulte et, dans la seconde, que le fait de qualifier l’historien de fasciste et d’idiot n’avait pas d’autre but que de l’offenser. T Griefs : Invoquant notamment l’article 10, les requérants se plaignaient d’avoir été condamnés au pénal en raison de la teneur des articles qu’ils avaient écrits. T Décision : - Sur la recevabilité : Le Gouvernement serbe demande à la Cour de rejeter la requête pour non-épuisement des voies de recours interne. En particulier, il met en avant le fait que les requérants n’ont pas fait appel devant la Cour constitutionnelle. Ces derniers font quant à eux valoir que cette procédure ne pouvait être considérée comme une voie de recours effective puisque la Cour constitutionnelle n’est opérationnelle que depuis 2007, alors qu’ils ont déposé leur recours en 2005. Sur ce point, les juges européens rappellent avoir indiqué que concernant les requêtes déposées avant le 24 novembre 2007, ce recours devant la Cour constitutionnelle ne pouvait être considéré comme efficace au sens de sa jurisprudence établie en vertu de l’article 35 § 1 de la Convention.39 Ils indiquent ne voir aucune raison en l’espèce de s’écarter de cette conclusion et décident par conséquent de déclarer la requête recevable. - Sur le fond : Concernant l’article mettant en cause l’avocat, le Gouvernement serbe soutient que la comparaison entre hommes et femmes, en particulier les blondes, constitue une atteinte à l’intégrité personnelle et à la dignité des hommes, et ce tel qu’entendu dans l’environnement social serbe. Cette analyse est contestée par les requérants qui font quant à eux valoir que le Gouvernement et les tribunaux internes ont mal compris leurs écrits. En premier lieu, la Cour indique qu’il n’est pas contesté que la condamnation litigieuse était prévue par l’article 93 du code pénal serbe de l’époque et qu’elle équivalait à une ingérence dans le droit à la liberté d’expression des requérants. Elle note également que cette ingérence poursuivait le but légitime de la protection d’autrui et recherche si, conformément à l’article 10 § 2 de la Convention, elle était effectivement « nécessaire dans une société démocratique ». Les juges européens rappellent ensuite que la liberté d’expression, telle que garantie au paragraphe 1er de l’article 10, constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique. Sous réserve du paragraphe 2, elle est applicable “non seulement aux « informations » ou « idées » qui sont considérées comme inoffensives, mais également à celles qui heurtent, choquent ou encore inquiètent”.40 39 CEDH, Cvetkovic c. Serbie, du 10 juin 2008, req. n/ 17271/04, § 42. 40 CEDH, Lepojic c. Serbie, du 6 novembre 2007, n/ 13909/05, § 73 et CEDH, Filipovic c. Serbia, du 20 novembre 2007, req. n/ 27935/05, § 53. -53- Insistant sur l’importance de la fonction essentielle remplie par presse dans une société démocratique, ils affirment que, bien qu’elle ne doive pas dépasser certaines limites, notamment en ce qui concerne la réputation et les droits d’autrui, elle doit néanmoins donner, de manière compatible avec ses obligations et ses responsabilités, des informations et des idées sur tous les sujets d’intérêts publics. Toujours selon la Cour, “la liberté journalistique couvre également la possibilité de recourir à un certain degré d’exagération, voire de provocation” 41 (§ 29). Puis, la juridiction européenne réaffirme qu’il incombe en premier lieu aux autorités nationales d’évaluer s’il existe « un besoin social impérieux » de restreindre la liberté d’expression, et que dans cette hypothèse, elles disposent d’une certaine marge d’appréciation.42 Cependant, dans les affaires relatives à la presse, elle précise que cette marge est limitée par les intérêts d’une société démocratique à assurer et maintenir une presse libre. Sur ce point, elle rappelle d’ailleurs que, dans l’exercice de sa fonction de surveillance, elle a pour tâche de vérifier si les motifs invoqués par les autorités nationales pour justifier l’ingérence alléguée sont “pertinents et suffisants” 43 (§ 30). Concernant le premier article publié, les juges de Strasbourg relèvent que le texte en cause ne saurait être compris comme une insulte gratuite et personnelle mais qu’il doit plutôt s’analyser comme un refus des sanctions de la liberté d’expression journalistique. Estimant que le premier requérant avait soulevé une question d’intérêt général devant être considérée comme importante pour l’ensemble de la société, à savoir la pratique des juridictions internes consistant à réprimer la liberté d’expression des journalistes, ils réaffirment la jurisprudence selon laquelle les restrictions prévues par le paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention ont peu de portée sur les débats relatifs aux questions d’intérêt public 44 (§ 32). Concernant le second article litigieux, la Cour note qu’il s’agissait d’un texte drôle publié dans la colonne « humour » du journal. Elle estime par conséquent qu’il devait s’analyser comme une blague et non comme une déclaration malveillante visant à offenser (§ 33). Sur le point de savoir si l’avocat devait être considéré comme un personnage public, la Cour rappelle que dès lors qu’un individu entre dans l’arène du débat public, il s’expose à la critique.45 Elle relève que les parties se sont accordées sur le fait que l’avocat était une figure locale bien connue. La Cour estime qu’en conséquence il doit y avoir un seuil de tolérance plus élevé à l’égard des critiques formulées à son encontre. Les juges de Strasbourg examinent ensuite si les motifs invoqués par les tribunaux nationaux pour condamner les requérants étaient « pertinents et suffisants » pour justifier l’ingérence. Sur ce point, ils affirment tout d’abord que l’analyse du Gouvernement et des tribunaux internes selon laquelle la comparaison entre un homme et une blonde constituait une atteinte à l’intégrité et à la dignité masculines est inacceptable (§ 35). Ils décèlent dans les propos en cause un peu de moquerie, mais affirment que, pour autant, ils ne pouvaient passer pour être suffisamment insultants pour justifier une sanction pénale (§ 36). Enfin, ils relèvent qu’en observant que l’avocat avait déjà prouvé le caractère insultant des articles des requérants, les tribunaux nationaux ont implicitement rendus les moyens de défense soulevés dépourvus de tout effet 41 CEDH, Dalban c. Romanie, du 28 septembre 1999, req. n/ 28114/95, § 49. 42 CEDH, Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c. France, du 21 octobre 2007, req. n/ 21279/02 et 36448/02, § 45. 43 Notamment, CEDH, Vogt c. Allemagne, du 26 septembre 1995, req. n/ 17851/91, série A n/ 323, pp. 25-26, § 52. 44 CEDH, Nilsen et Johnsen c. Norvège, du 25 novembre 1999, req. n/ 23118/93, § 46. 45 CEDH, Jerusalem c.Autriche, du 27 février 2001, req. n/ 26958/95, §§ 38-39. -54- pratique (§ 37). Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime qu’il n’y avait pas de « besoin social impérieux » de restreindre la liberté d’expression des requérants et que les motifs invoqués par les juridictions nationales n’étaient ni suffisants ni pertinents pour justifier l’ingérence en cause. Enfin, elle rappelle que lors l’évaluation de la proportionnalité de l’ingérence, la nature et la sévérité des sanctions infligées sont également des facteurs pris en compte.46 A cet égard, la juridiction européenne souligne que le recours à des poursuites pénales pour de prétendues injures contre des journalistes qui soulèvent des questions d’intérêt public ne doit être considéré comme proportionné, que dans des circonstances très exceptionnelles impliquant une plus grave atteinte aux droits d’un individu.47 Prétendre le contraire aurait pour effet de dissuader les journalistes de contribuer au débat public sur des questions touchant à la vie de la communauté, et plus généralement, d’entraver la presse dans l’accomplissement de son rôle essentiel de « chien de garde » (§ 39).En l’espèce, la Cour européenne rappelle les requérants ont été soumis à une condamnation pénale, et que l’amende infligée à chacun d’entre eux pouvait, en cas de non paiement, être remplacée par soixante jours de prison (§ 40). En conséquence, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 10 de la Convention. jjj Ruotsalainen c. Finlande 48 16 juin 2009 - req. n/ 13079/03 - Violation de l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7 à la Convention (droit de ne pas être jugé ou puni deux fois) - T Faits : Lors d’un contrôle routier, la police constata que le véhicule du requérant fonctionnait avec un carburant moins lourdement taxé que le diesel qu’il aurait dû utiliser. Une procédure pénale sommaire fut engagée contre lui, à l’issue de laquelle on lui infligea une amende pour avoir commis une contravention fiscale. De plus, le requérant ayant reconnu avoir fait lui-même le plein de son véhicule, il fut constaté qu’il avait agi intentionnellement. Il ne s’opposa pas à l’amende et la condamnation devint définitive. Parallèlement, une procédure administrative fut également engagée contre le requérant. Les autorités administratives le sommèrent de payer la différence entre la taxe qu’il avait versée et celle qu’il aurait dû acquitter. En effet, celui-ci ayant utilisé sa camionnette avec un carburant moins lourdement taxé que le diesel et n’ayant pas informé au préalable l’administration routière ou les douanes, la différence normale de taxe fut triplée. Le requérant demanda à obtenir une réduction du montant demandé au titre de taxe mais les autorités rejetèrent sa demande ainsi que le recours qu’il avait formé pour faire annuler la décision de rejet à cet égard. 46 CEDH, Cumpana et Mazare c. Romanie, du 17 décembre 2004, req. n/ 33348/96, §§ 111-124 et CEDH, Sokolowski c. Pologne, du 29 mars 2005, req. n/ 75955/01, § 51 (uniquement en anglais) 47 Voir mutatis mutandis, CEDH Azevedo c. Portugal, du 27mars 2008, req. n/ 20620/04, § 33 (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 19, p. 39) 48 L’arrêt n’est disponible qu’en anglais -55- T Griefs : Le requérant se plaignait d’avoir été puni deux fois pour la même contravention fiscale et à ce titre, invoquait une violation de l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7 (droit de na pas être jugé ou puni deux fois). Enfin, il soutenait que les autorités ne s’étaient pas conformées à la règle du non bis in idem, et que l’article 6 de la Convention (droit à un procès équitable) avait été violé. T Décision : - Sur la violation de l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7 à la Convention : La Cour rappelle que l’objectif de l’article 4 du Protocole n/ 7 invoqué est d’éviter la répétition de poursuites pénales clôturées par une décision finale. En l’espèce, elle relève que deux mesures ont été prononcées à l’encontre du requérant dans le cadre de deux procédures différentes. Elle juge que toutes les sanctions infligées au requérant étaient de nature pénale. En effet, dans l’ordre juridique finlandais, la première procédure se qualifie de procédure « pénale » ; concernant la deuxième, la Cour estime que bien que celle-ci relève d’une procédure administrative en ce qu’elle concerne la matière fiscale, elle ne revêt pas un simple caractère compensatoire. Les autorités nationales ayant triplé la différence de taxe afin de punir et de dissuader le requérant de recommencer, la Cour juge qu’il s’agit des caractéristiques de la sanction en matière pénales. En outre, elle précise que les faits à l’origine des deux procédures étaient les mêmes : l’usage d’un carburant moins lourdement taxé que le diesel. La seule différence majeure était la notion d’intention relevée dans la première procédure. Les juges de Strasbourg jugent donc qu’il y a eu répétition des procédures, la seconde sanction ayant été prononcée pour des faits identiques à la première. Enfin, en vertu de l’article 4 du Protocole additionnel n/ 7, la deuxième procédure n’aurait dû s’ouvrir qu’à la suite de l’apparition d’éléments de preuve ou de faits nouveaux ou encore de la découverte d’un vice fondamental de la procédure précédente de nature à affecter le jugement intervenu. Or, les autorités nationales n’ont invoqué aucun de ces éléments pour engager la seconde procédure. Partant, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 4 de Protocole additionnel n/ 7. - Sur la violation de l’article 6 de la Convention : Le requérant se plaint du non respect du principe non bis in idem sous l’angle de l’article 6 de la Convention. La Cour estime que ce principe est garanti par le respect de l’article 4 de Protocole n/ 7. Elle se déclare donc incompétente ratione materiae pour traiter de cette partie de la requête. jjj -56- Laudette c. France 11 juin 2009 - req. n/ 19/05 - Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable sous l’angle de l’égalité des armes) - T Faits : En 2003, le requérant porta plainte avec constitution de partie civile, à Paris, contre sa femme. Cette plainte concernait des faits de violences et de dénonciations calomnieuses commis à son encontre par son épouse et survenus lors d’un voyage à Singapour en 2000. Il demandait par ailleurs réparation du préjudice subi du fait des dénonciations calomnieuses. Le juge d’instruction rendit une ordonnance d’irrecevabilité de constitution de partie civile au visa de l’article 113-8 du code pénal qui prévoit que lorsque les faits dénoncés se sont déroulés à l’étranger, la poursuite des délits ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public, après dépôt de plainte par la victime ou ses ayants-droits. Le requérant interjeta appel de cette ordonnance. Il ne put assister à l’audience, seul son avocat étant autorisé à pénétrer dans la salle pour y plaider. La chambre de l’instruction de la Cour d’appel rejeta son recours. Il forma un pourvoi en cassation. Le greffe de la Cour suprême l’informa que son mémoire serait soumis à l’examen d’un Conseiller-rapporteur, puis de l’Avocat général qui lui ferait connaître le sens de ses conclusions avant l’audience. Invoquant notamment les arrêts Slimane-Kaïd c. France des 31 mars 1998 et 25 janvier 2000, le requérant demanda communication du rapport du conseiller-rapporteur avant l’audience, celuici ayant été transmis à l’avocat général. Il n’obtint aucune réponse à sa demande. Le 22 juin 2004, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta son pourvoi sur le fondement des dispositions de l’article 113-8 du code pénal. Par ailleurs, la Haute Cour précisa que l’ordonnance d’irrecevabilité n’était pas constitutive d’une violation de l’article 6 de la Convention européenne invoquée par le requérant. T Griefs : Devant la Cour européenne, le requérant invoquait une violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) combiné avec l’article 13 de la Convention (droit à un recours effectif). Il estimait en effet que l’ordonnance d’irrecevabilité de sa plainte l’avait privé de son droit d’accès à un tribunal. Par ailleurs, toujours sur le fondement de l’article 6 § 1, il se plaignait d’une part de n’avoir pu assister à l’audience devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel et d’autre part de la violation du principe de l’égalité des armes. Sur ce dernier point, il alléguait n’avoir eu communication ni des conclusions du Conseiller-rapporteur ni de celles de l’Avocat général. T Décision : - Sur le premier grief tiré de la violation de l’article 6 combiné à l’article 13 de la Convention : A titre liminaire, la Cour statue sur les exceptions soulevées par le Gouvernement français sur l’applicabilité des dispositions de l’article 6 à la présente affaire. Elle précise dans un premier temps que “les exigences de l’article 6 § 1, qui impliquent toute la panoplie des garanties propres aux procédures judiciaires, sont plus strictes que celles de l’article 13, qui se trouvent absorbées par elles” (§ 26). Dans ces conditions, elle décide de n’examiner l’affaire que sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention. -57- Elle rappelle par ailleurs s’être déjà prononcée, notamment dans l’arrêt de grande chambre Perez c. France du 12 février 2004,49 sur l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention aux plaintes avec constitution de partie civile et y avoir précisé qu’une telle plainte relevait bien de l’article 6 dans la mesure où elle ne visait pas exclusivement un but répressif ou vindicatif mais qu’elle avait également un objet indemnitaire. En l’espèce, la Cour constate que le requérant a sollicité l’attribution de dommages et intérêts notamment en réparation de l’atteinte portée à son image, à son honneur et à sa réputation. Elle admet donc l’application de l’article 6 de la Constitution et rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement. Enfin, la Cour considère que la dernière exception tirée du non épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement, ne s’applique qu’au grief portant sur la violation du droit d’accès à un tribunal. La juridiction strasbourgeoise rappelle que “le droit d’accès à un tribunal se trouve atteint lorsque la réglementation en cause cesse de servir les buts de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice et constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir la substance de son litige tranchée par la juridiction compétente (Kemp et autres c. Luxembourg, n/ 17140/05, § 47, 24 avril 2008)”. Or, “la réglementation relative aux formalités et aux délais à observer pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique” (§ 31). Reprenant l’argumentation du Gouvernement, la Cour considère que l’article 113-8 du code pénal “applicable seulement en matière délictuelle, tient compte des difficultés auxquelles se heurtent les enquêteurs pour diligenter des investigations en territoire étranger (...)”. A ses yeux, “il ne fait aucun doute que cette exclusivité de compétence concourt à la bonne administration de la justice dans la mesure où elle vise à éviter que l’action publique ne soit mise en mouvement pour des faits dont l’élucidation ou la poursuite se trouvent compromis” (§ 32). Les juges européens constatent que le requérant a bénéficié d’un droit d’accès à un tribunal, dans les limites prévues par l’article 113-8 du code pénal, que “ces limites sont justifiées et n’ont pas restreint l’accès ouvert au requérant” (...) à un point tel “que son droit à un tribunal s’en est trouvé atteint dans sa substance même” (§ 33). Ils observent enfin que le requérant n’a pas saisi les juridictions civiles après avoir été informé de la décision d’irrecevabilité de sa plainte comme cela lui était permis. Dès lors, la Cour rejette ce grief du requérant tiré du défaut d’accès à un tribunal, le considérant manifestement mal fondé. - Sur les autres violations alléguées de l’article 6 de la Convention : Concernant l’impossibilité pour le requérant d’assister à l’audience de la chambre de l’instruction : La Cour constate que le requérant était effectivement représenté par son avocat devant la chambre de l’instruction. Elle rejette donc le grief du requérant. Concernant l’absence de communication des conclusions de l’avocat général : Le procureur général près la Cour de cassation a informé le requérant par courrier du 3 juin 2004 du dépôt des conclusions de l’avocat général et du sens de ses conclusions. Visant notamment l’arrêt Fonfrede c. France du 16 octobre 2008,50 la Cour conclut au rejet du grief qu’elle estime manifestement mal fondé. 49 CEDH, Grande chambre Perez c. France du 12 février 2004, req. n/ 47287/99. 50 CEDH, Fonfrede c. France du 16 octobre 2008, req. n/ 44562/04. -58- Concernant l’absence de communication du rapport du conseiller-rapporteur : La Cour rappelle sa jurisprudence constante en la matière, et notamment les deux arrêts Bertin c. France et Ledru c. France,51 selon laquelle “l’absence de communication au requérant ou à son conseil, avant l’audience, du premier volet du rapport du conseiller-rapporteur, alors que ce document avait été transmis à l’avocat général, ne s’accorde pas avec les exigences du procès équitable” (§ 44). En l’espèce, elle constate en outre que le courrier du requérant demandant communication de ce rapport est resté sans réponse. Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 de la Convention sous l’angle de l’égalité des armes. jjj Dubus S.A. c. France 11 juin 2009 - req. n/ 5242/04 - violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) - T Faits : La société Dubus S.A., (requérante) est une entreprise d’investissement dont l’activité consiste en la réception, la transmission et l’exécution d’ordres pour le compte de tiers et la négociation pour son propre compte. En 2000, elle fit l’objet d’une inspection diligentée par la Commission bancaire - autorité de contrôle des établissements de crédit et d’investissement présidée par le gouverneur de la Banque de France (« la Commission ») -. A l’issue de cette inspection, une infraction réglementaire lui fut signifiée, et la régularisation de sa situation demandée. Le 28 septembre 2000, sur la base du rapport d’inspection, la Commission bancaire décida d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de la requérante. Le président de la Commission lui notifia les motifs d’ouverture de cette procédure. En réponse, la requérante déposa, le 28 décembre 2000, ses observations. Elle contestait la régularité et l’impartialité de cette procédure au regard de l’article 6 § 1 de la Convention européenne, dénonçant notamment le cumul par la Commission des fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement. En réplique, le secrétariat général de la Commission lui transmit ses observations et l’invita par ailleurs à l’audience se tenant le 11 juillet 2001. Le 8 octobre 2001, la Commission prononça un blâme à l’encontre de la requérante. La décision, qui précisait par ailleurs que la procédure n’était entachée d’aucune irrégularité, lui fut notifiée par le secrétaire général. En juillet 2003, le Conseil d’État rejeta le pourvoi formé par la requérante. Il écarta les moyens tirés de l’incompatibilité avec l’article 6 § 1 du fait, notamment, du cumul des fonctions au sein de la Commission, de sa faculté d’autosaisine. Il estima enfin que la décision du 8 octobre 2001 avait été suffisamment motivée. T Griefs : Devant la Cour européenne, la requérante invoquait l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention. Elle se plaignait du manque d’impartialité et d’indépendance de la Commission 51 CEDH, Bertin c. France du 24 mai 2006, req. n/ 55917/00 (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle de mai-juin 2006, p. 11) et CEDH, Ledru c. France, du 6 décembre 2007, req. n/ 38615/02. (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 17, p. 25) -59- bancaire dans le cadre d’une procédure disciplinaire ouverte à son encontre par cette autorité, ainsi que de l’iniquité de la procédure devant la Commission et le Conseil d’État. T Décision : - Sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Gouvernement : Le Gouvernement affirmait que l’article 6 de la Convention ne trouvait pas à s’appliquer au cas d’espèce en raison de la nature disciplinaire de la procédure : La Cour, constate en premier lieu que le Conseil d’Etat lui même reconnaît l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention sous son angle pénal et rappelle ses jurisprudences Lilly c. France du 3 décembre 2002 et Didier c. France du 2 juillet 2002 appliquant cette disposition à d’autres autorités administratives compétentes en matière économique et financière. Elle reprend ensuite les arguments de la requérante et précise que trois critères (critères « Engels52 »), permettent d’établir l’existence d’une « accusation en matière pénale » qui détermine l’applicabilité de l’article 6 : “la qualification juridique de l’infraction en droit interne, (...) la nature même de l’infraction (...) et le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé” (§ 36), les deux derniers critères étant alternatifs et non cumulatifs. En l’espèce, elle estime que la requérante “pouvait encourir une radiation et/ou une sanction pécuniaire « au plus égale au capital minimum auquel est astreinte la personne morale sanctionnée ». De telles sanctions entraînent des conséquences financières importantes, et partant, peuvent être qualifiées de sanctions pénales”. Par ailleurs, “le blâme qui a été prononcé était de nature à porter atteinte au crédit de la société sanctionnée entraînant pour elle des conséquences patrimoniales incontestables” (§ 37). Selon les juges européens, “la Commission bancaire, lorsqu’elle a infligé à la requérante la sanction du blâme, devait être regardée comme un « tribunal » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention” et “cette sanction, dans les circonstances de l’espèce, avait une « coloration pénale »” (§ 38). La Cour en déduit que l’article 6 § 1 de la Convention trouve à s’appliquer et rejette l’exception d’incompatibilité ratione materiae soulevée par le Gouvernement. Le gouvernement soutenait enfin que, s’agissant du grief tiré du défaut de motivation par le Conseil d’Etat, les voies de recours internes n’avaient pas été épuisées puisque la requérante n’avait pas exercé le recours en rectification d’erreur matérielle : La Cour rappelle que l’article 35 de la Convention vise à “ménager aux Etats contractants l’occasion de prévenir ou redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne soient soumises aux organes de la Convention”. Cependant, les dispositions de cet article “ne prescrivent l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues” (§ 41). Il appartient au Gouvernement de démontrer que ces exigences se trouvent réunies. En l’espèce, les juges européens observent que la voie de recours proposée, à savoir, “le recours en rectification d’erreur matérielle prévu à l’article R 833-1 du code de justice administrative, vise à redresser les inexactitudes et erreurs commises par le juge” et non pas les critiques portant sur un raisonnement juridique. Ils en concluent donc que le recours évoqué par le Gouvernement “n’était pas de nature à remédier à la violation alléguée de la Convention par la requérante.” (§ 42) et rejettent l’exception de non-épuisement des voies de recours internes. 52 CEDH, Engels et autres c. Pays-Bas, du 8 juin 1976, req. n/ 5100/71, 5101/71, 5354/72 et 5370/72 -60- - Concernant la procédure suivie devant la Commission bancaire : Sur le manque d’impartialité et d’indépendance de la Commission bancaire : La Cour rappelle ses principes en matière d’impartialité subjective et objective. En l’espèce, elle ne voit aucune raison de mettre en cause l’impartialité subjective des membres de la Commission. Concernant l’impartialité objective, les juges européens exposent qu’en “la matière, même les apparences peuvent revêtir de l’importance. Il y va de la confiance que les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer aux justiciables, à commencer, au pénal, par les prévenus” (§ 53) et que “les notions d’indépendance et d’impartialité sont étroitement liées”. Or, en l’espèce, ils constatent “l’imprécision des textes qui régissent la procédure devant la Commission bancaire, quant à la composition et aux prérogatives des organes appelés à exercer les différentes fonctions qui lui sont dévolues.” (§ 56). En l’occurrence, la Commission exerce une fonction de contrôle administratif, dispose d’un pouvoir d’injonction et d’un pouvoir disciplinaire. La Cour rappelle avoir déjà jugé, notamment par une décision d’irrecevabilité Didier c. France, précitée, concernant une autorité administrative indépendante similaire à la Commission bancaire, que “si le cumul des fonctions d’instruction et de jugement peut être compatible avec le respect de l’impartialité garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, (...) ce cumul est subordonné à la nature et l’étendue des tâches du rapporteur durant la phase d’instruction, et notamment à l’absence d’accomplissement d’acte d’accusation de sa part” (§ 57). En l’espèce, elle recherche si la Commission bancaire a pu décider de la sanction disciplinaire sans « préjugement ». Elle constate une confusion des rôles : le secrétaire général et la Commission bancaire ont diligenté les poursuites contre la requérante, le Président lui a notifié les griefs retenus à son encontre, l’instruction n’était pas dévolue à une personne précise et la décision de sanction fut prise par le président de la Commission bancaire et cinq membres de celle-ci après une audience publique et un délibéré. Enfin, le secrétaire général notifia à la requérante la sanction prononcée par la Commission. “De cet enchaînement d’actes pris au cours de la procédure juridictionnelle, il résulte, de l’avis de la Cour, que la société requérante pouvait raisonnablement avoir l’impression que ce sont les mêmes personnes qui l’ont poursuivie et jugée.” (§ 60) estime la Cour européenne. La juridiction strasbourgeoise ne s’estime “pas convaincue par l’affirmation du Gouvernement sur l’existence d’une séparation organique au sein de la Commission bancaire”. Elle en déduit que “la requérante pouvait nourrir des doutes objectivement fondés quant à l’indépendance et l’impartialité de la Commission du fait de l’absence de distinction claire entre ses différentes fonctions” (§ 61) et à l’unanimité, conclut à la violation de l’article 6 de la Convention. Sur la rupture de l’égalité des armes : La Cour n’estime pas nécessaire d’examiner le grief tiré de la rupture de l’égalité des armes entre le secrétariat général de la Commission et les personnes poursuivies. Selon elle, le constat de violation de l’article 6 § 1 de la Convention concernant le manque d’impartialité et d’indépendance de la Commission est suffisant. - Concernant la procédure devant le Conseil d’État : La Cour rappelle avoir, dans l’arrêt Wagner et J. M. W. L. c. Luxembourg, du 28 juin 2007,53 exposé “les principes régissant l’obligation pour les tribunaux de répondre aux arguments des parties”. Elle constate que le Conseil d’Etat a apprécié l’impartialité de la procédure litigieuse 53 CEDH, Wagner et J. M. W. L. c. Luxembourg, du 28 juin 2007, req. n/ 76240/01 (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 15) -61- dans son ensemble, et qu’il a justifié le principe d’autosaisine de la Commission, soulevé par la requérante, “par la particularité des autorités administratives indépendantes dans leur rôle de régulation des marchés” (§ 69). Elle ne voit donc aucune raison de reprocher un défaut de motivation à cette haute juridiction. Concernant enfin le grief soulevé par la requérante qui soutenait que dans une procédure disciplinaire, le Conseil de l’Etat ne pouvant pas apprécier la proportionnalité de la sanction, cette absence de double degré de juridiction méconnaîtrait l’article 2 du Protocole n/ 7 à la Convention, les juges de Strasbourg rappellent leur position concernant le recours devant le Conseil d’Etat et le double degré de juridiction garanti en la matière, la Commission bancaire étant à ses yeux une juridiction administrative. La Cour conclut à la non-violation de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales concernant les griefs tirés de l’iniquité de la procédure devant le Conseil d’Etat. jjj Bendayan Azcantot et Benalal Bendayan c. Espagne 9 juin 2009 - req. n/ 28142/04 - Violation de l’article 6 § 1 de la Convention - T Faits : Le 24 octobre 1988, les requérants déposèrent une plainte à l’encontre de M.L.R. pour escroquerie, faux et augmentation frauduleuse des prix. Par un jugement du 9 mars 1991, l’Audiencia Provincial de Santa Cruz de Tenerife relaxa l’accusé. Les requérants formèrent un pourvoi en cassation devant le Tribunal suprême, qui, par un arrêt du 9 juillet 1993, cassa le jugement et renvoya l’affaire devant la juridiction de première instance. Le 17 février 1995, la juridiction de première instance reconnut M.L.R. coupable d’un délit d’escroquerie et le condamna à une peine d’un an et trois mois d’emprisonnement ainsi qu’au versement d’une somme d’argent aux requérants. M.L.R. se pourvut en cassation devant le Tribunal suprême qui, par un arrêt du 22 avril 1997, rejeta le pourvoi et confirma la condamnation prononcée. Par une ordonnance du 24 juin 1997, l’Audiencia Provincial déclara le caractère définitif et exécutoire du jugement du 17 février 1995. Le 24 juillet 1997, les requérants sollicitèrent l’exécution du jugement auprès de l’Audiencia Provincial de Santa Cruz de Tenerife. Le 20 novembre 1997, ils s’adressèrent de nouveau à l’Audiencia Provincial en vue de voir exécuter la décision rendue en leur faveur, sollicitant notamment le paiement dans les plus bref délais d’une somme représentant le montant octroyé au titre de la responsabilité civile, plus les intérêts calculés jusqu’au 24 juillet 1997. Le 3 décembre 1997, l’Audiencia Provincial informa les requérants du fait qu’un sursis à exécution de la peine d’emprisonnement avait été accordé à M.L.R. pour maladie grave. Le 11 décembre 1997, les requérants attaquèrent cette décision devant l’Audiencia Provincial. Le 27 février 1998, la juridiction rejeta le recours formé par les requérants et ordonna qu’il soit procédé à la liquidation de la somme due au titre de la responsabilité civile. Le 20 mars 2000, M.L.R décéda. Ses enfants engagèrent une procédure de succession testamentaire et sollicitèrent la suspension d’exécution du jugement pénal en cause. Le 9 janvier 2001, les requérants se plaignirent auprès du tribunal suprême du retard de l’exécution par l’Audiencia provincial du jugement litigieux. Diverses procédures furent encore engagées par les requérants pour obtenir l’exécution du jugement. Finalement, par ordonnance -62- du 20 avril 2005 l’Audiencia Provincial classa définitivement l’exécution du jugement pénal en cause. T Griefs : Invoquant une violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention, les requérants reprochaient aux autorités espagnoles de ne pas avoir exécuté dans un délai raisonnable le jugement devenu définitif le 24 juin 1997. T Décision : La Cour observe en premier lieu que le grief invoqué par les requérants porte sur la procédure d’exécution du jugement pénal. Sur ce point, elle réitère sa jurisprudence selon laquelle l’article 6 § 1 de la Convention exige que toutes les phases des procédures judiciaires tendant à mettre un terme à des « contestations sur des droits et obligations de caractère civil » aboutissent dans un délai raisonnable 54 et que l’exécution d’un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès »au sens de l’article 6 de la Convention.55 Les juges européens relèvent qu’il s’agissait en l’espèce de l’exécution d’un jugement imposant à un particulier une obligation de verser des dommages-intérêts au titre de la responsabilité civile résultant d’une infraction pénale. A cet égard, ils rappellent la nécessité de préserver les droits des victimes des infractions pénales et la place qui leur revient dans le cadre des procédures pénales.56 Surtout, ils précisent que “Cela vaut également pour la phase d’exécution d’un jugement pénal rendu en leur faveur, dans la mesure où c’est durant celle-ci que la réparation pécuniaire du dommage subi par les victimes trouve sa réalisation effective” (§ 69). En l’espèce, concernant la durée de la procédure d’exécution litigieuse, la Cour considère que la période à prendre en considération commence à la date à laquelle le jugement pénal est devenu définitif, soit le 24 juin 1997 et se termine à la date de l’ordonnance de l’Audiencia Provincial, c’est à dire le 20 avril 2005. Ainsi, la durée qu’elle décide d’examiner est de sept ans, neuf mois et vingt-sept jours. Puis, elle rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure doit s’apprécier suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence (complexité de l’affaire, comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que de l’enjeu du litige pour les intéressés).57 Les juges de Strasbourg affirment qu’au vu des faits de l’espèce, ils ne peuvent partager la position des requérants selon laquelle les autorités judiciaires n’ont réalisé aucun acte d’exécution du jugement définitif. Ils admettent que la présentation des recours successifs a pu retarder le déroulement de la procédure d’exécution et observent en outre que les requérants ont contesté, devant le Tribunal suprême, la dissolution de la communauté d’acquêts entre le condamné et son épouse. Cependant, ils estiment qu’il ne saurait leur être reproché d’avoir utilisé les voies procédurales disponibles pour défendre leurs intérêts. 54 CEDH, Robins c. Royaume-Uni, du 23 septembre 1997, req. n/ 22410/93, § 28 ; CEDH, Estima Jorge c. Portugal, du 21 avril 1998, req. n/ 24550/94, § 35; CEDH, Buj c. Croatie, du 1er juin 2006, req. n/ 24661/02, § 16. 55 CEDH, Hornsby c. Grèce, du 19 mars 1997, req. n/ 18357/91, § 40. 56 CEDH, Perez c. France, du12 février 2004, req. n/ 47287/99, § 72. 57 CEDH, Frydlender c. France, du27 juin 2000, req. n/ 30979/96, § 43 ; CEDH, Quiles Gonzalez c. Espagne, du 27 avril 2004, req. n/ 71752/01, § 23 ; CEDH, Alberto Sanchez c. Espagne,du 16 novembre 2004, req. n/ 72773/01, § 46. -63- Admettant que l’affaire revêtait une certaine complexité, la Cour considère néanmoins que “les autorités compétentes auraient dû agir avec plus de diligence afin de ne pas porter préjudice aux possibilités réelles d’exécution du jugement rendu au principal et pour ne pas favoriser le débiteur et sa famille” (§ 74). En conclusion, les juges européens estiment “qu’un laps de temps de sept ans, neuf mois et vingt-sept jours pour la phase d’exécution d’un jugement pénal définitif ne saurait, en soi, être considéré comme répondant aux exigences du « délai raisonnable »” (§ 75). Ils concluent, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. N Les opinions partiellement dissidentes du Juge Zemiele et du Juge Saiz Arnaiz sont annexées à l’arrêt. jjj Pistolis et autres c. Grèce 4 juin 2009 - req. n/ 54594/07 - Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable sous l’angle du droit d’accès à un tribunal) - T Faits : En juillet 1999, alors qu’il traversait la rue en compagnie de son père, un enfant fut renversé par une moto conduite par un mineur sans permis. L’enfant décéda des suites de ses blessures. Les membres de sa famille saisirent d’une action en dommages et intérêts le tribunal de première instance. Le 30 juin 2003, leur demande ne fut que partiellement accueillie. En effet, le père de l’enfant fut reconnu responsable à 30 % de l’accident, le tribunal estimant qu’il n’avait pas fait preuve de toute la diligence requise. Les requérants interjetèrent appel de cette décision au motif que, selon eux, l’auteur de l’accident était totalement responsable. Le 8 décembre 2004, la cour d’appel confirma ce jugement en détaillant le comportement que père de l’enfant aurait du avoir. Elle décida que le montant de l’indemnité devant être versée à la famille de la victime devait être réduite de 30 %. Le 1er juin 2005, les requérants formèrent un pourvoi en cassation en soulevant six moyens. Le premier d’entre eux, invoqué à titre individuel par le père de la victime, contestait la conclusion de la cour d’appel qui lui reconnaissait une part de responsabilité dans l’accident. Les autres requérants, reprenant le même argument, exposaient par ailleurs que la mise en cause de la responsabilité du père de l’enfant avait réduit le montant de l’indemnité. La Cour de cassation rejeta le pourvoi en déclarant irrecevables les premier et troisième moyens au motif que les requérants n’avaient pas précisé les circonstances de faits sur lesquelles la cour d’appel s’était fondée pour conclure à la mise en cause de la responsabilité du père de la victime. T Griefs : Invoquant l’article 6 § 1 (droit d’accès à un tribunal) de la Convention, les requérants se plaignaient de l’iniquité de la procédure. En particulier, ils dénonçaient le fait que la Cour de cassation avait rejeté leur pourvoi pour manque de précision. -64- T Décision : La Cour européenne rappelle sa jurisprudence selon laquelle il revient en premier lieu aux autorités nationales d’interpréter la législation interne58. Elle expose également que “le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès constitue un aspect particulier, n’est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation de l’Etat, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation. Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l’accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s’en trouve atteint dans sa substance même; enfin, elles ne se concilient avec l’article 6 § 1 que si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé”.59 En outre, elle précise que “le droit d’accès à un tribunal se trouve atteint lorsque sa réglementation cesse de servir les buts de sécurité juridique et de bonne administration de la justice” (§ 21). Ce droit “constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir son litige tranché au fond par la juridiction compétente” (§ 21). Les juges européens réaffirment par ailleurs que l’article 6 de la Convention n’astreint pas les Etats à créer des cours d’appel ou de cassation 60 mais que si de telles juridictions existent, alors les garanties offertes par cette disposition doivent être respectées, notamment en ce qui concerne le droit effectif d’accès aux tribunaux.61 Ils rappellent enfin que la réglementation relative aux formalités pour former un recours a pour objectif d’assurer la bonne administration de la justice et le respect du principe de la sécurité juridique. A plusieurs reprises, la Cour de Strasbourg a considéré que “l’application par les juridictions internes de formalités à respecter pour former un recours est susceptible de violer le droit d’accès à un tribunal. Il en est ainsi quand l’interprétation par trop formaliste de la légalité ordinaire faite par une juridiction empêche, de fait, l’examen au fond du recours exercé par l’intéressé” (§ 24). En l’espèce, elle relève que la règle appliquée par la Cour de cassation grecque pour déclarer irrecevables deux des moyens soulevés par les requérants est une construction jurisprudentielle (§ 25). Mais elle estime que cette règle obéit aux exigences de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice. Ainsi, les juges européens considèrent que “quand le demandeur en cassation reproche à la cour d’appel une appréciation erronée des faits de la cause par rapport à la règle juridique appliquée, il paraît raisonnable d’exiger qu’il relate dans son pourvoi les faits pertinents tels qu’ils ont été admis par la cour d’appel. A défaut, la haute juridiction ne serait pas en mesure d’exercer son contrôle d’annulation à l’égard de l’arrêt attaqué ; elle serait tenue de procéder à un nouvel établissement des faits pertinents de la cause et de les apprécier elle-même par rapport à la règle de droit appliquée par la cour d’appel. Cette hypothèse ne peut donc être envisagée, car elle équivaudrait à exiger de la haute juridiction qu’elle formule elle-même les moyens de cassation censés être soumis à son examen. En somme, la règle jurisprudentielle appliquée en l’espèce se concilie avec la spécificité du rôle joué par la Cour de cassation, dont le contrôle est limité au respect du droit.” 62 (§ 26). 58 CEDH, García Manibardo c. Espagne, du 15 février 2000, req. n/ 38695/97, § 36. 59 CEDH, Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, du 19 février 1998, req. n/ 28028/95, § 34. 60 CEDH, Delcourt c. Belgique, du 17 janvier 1970, req. n/ 2689/65, §§ 25-26. 61 CEDH, Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, du 19 décembre 1997, req. n/ § 37. 62 CEDH, Brechos c. Grèce, du 11 avril 2006, req. n/ 7632/04. -65- Cependant, en l’espèce, la Cour constate que le premier requérant avait repris mot pour mot les dires de la cour d’appel. Elle considère que dans ces conditions, les moyens de cassation en cause ne faisaient pas peser sur la Cour de cassation la charge de procéder à un nouvel établissement des faits. Elle affirme donc que la limitation du droit d’accès à un tribunal imposée par la Cour de cassation grecque n’était pas proportionnée à l’objectif de garantie de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice et conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. jjj Standard Verlags GMBH c. Autriche ( n/ 2 ) 63 4 juin 2009 - req. n/ 21277/05 - non-violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention - T Faits : La requérante est une société à responsabilité limitée, propriétaire d’un quotidien autrichien. Elle publia un article faisant état de rumeurs selon lesquelles l’épouse du président autrichien avait l’intention de divorcer et qu’elle entretenait des liaisons avec deux hommes, parmi lesquels, le chef du groupe parlementaire d’un parti politique autrichien. Le couple présidentiel poursuivit le quotidien en justice en vertu des articles 6 et 7 de la loi sur les médias. Le tribunal pénal régional de Vienne condamna la société requérante à verser des dommages et intérêts aux personnes visées par l’article et à publier un jugement. Il estima que le quotidien avait fait état d’un domaine strictement personnel de la vie du couple, ce qui avait certainement nuit à son image auprès du public. Le quotidien rétorqua que l’article ne faisait que rapporter une rumeur, mais le tribunal régional jugea que la seule diffusion d’une rumeur pouvait violer l’article 7 de la loi sur les médias si elle donnait l’impression que celle-ci pouvait avoir quelques fondements. En outre, les tribunaux autrichiens écartèrent la thèse de la société requérante selon laquelle l’article avait trait à la vie publique. Ils firent notamment la distinction entre les problèmes conjugaux prétendument rencontrés par une personnalité publique et son état de santé susceptible d’avoir un impact sur l’exercice de ses fonctions. La société requérante interjeta appel en alléguant que le couple présidentiel avait toujours tenu le public informé de sa vie privée et que l’article visait à se moquer des ragots de la société bourgeoise de Vienne. La cour d’appel confirma le jugement du tribunal régional. Le chef du parti politique évoqué dans l’article avait lui aussi intenté une procédure. Il estimait en effet que l’article évoquant un fait strictement personnel et sans rapport avec les fonctions publiques qu’il exerçait, risquait de ternir son image auprès du public. Le tribunal régional lui donna gain de cause. T Griefs : Devant la Cour européenne, la société requérante invoquait l’article 10 de la Convention. Elle estimait que sa condamnation prononcée par les juridictions autrichiennes portait atteinte à sa liberté d’expression. 63 L’arrêt n’est disponible qu’en anglais. -66- T Décision : La Cour indique qu’elle doit déterminer si l’interprétation de la loi sur les médias donnée par les tribunaux internes constitue une atteinte à la liberté d’expression de la société requérante. Elle juge que l’ingérence dans le droit de la société requérante à la liberté d’expression est prévue par les articles 6 et 7 de la loi sur les médias et qu’elle vise le but légitime de la protection des droits et de la réputation d’autrui. La Cour précise qu’elle doit donc rechercher si l’ingérence en question est « nécessaire dans une société démocratique ». Au regard de sa jurisprudence antérieure, la Cour doit mettre en balance la protection de la vie privée et la protection de la liberté d’expression qui suppose que les photos ou les articles en causes doivent contribuer à enrichir un débat d’intérêt général. Elle doit également tenir compte de la personne concernée, notamment lorsqu’il s’agit d’une personnalité politique. Le droit du public à être informé peut s’étendre à certains aspects de le vie privée des hommes et des femmes politiques. En l’espèce, la Cour constate que les juridictions internes ont justement mis en balance les divers intérêts en jeu en prenant effectivement en compte la personnalité publique des plaignants et le fait que l’article en cause ne contribuait à aucun débat d’intérêt général. Ainsi, elle juge que les personnalités publiques peuvent, malgré leur statut, être protégées contre la propagation de rumeurs relatives aux aspects intimes de leur vie privée. Elle estime que l’ingérence litigieuse était nécessaire dans une société démocratique pour la protection de la réputation et des droits d’autrui. Elle conclut, par cinq voix contre deux, à la non-violation de l’article 10 de la Convention. N L’opinion dissidente du juge Jebens à laquelle s’est ralliée le juge Spielmann est annexée à l’arrêt. jjj Codarcea c. Roumanie 2 juin 2009 - req. n/ 31675/04 - violation des articles 6 (droit à un procès équitable sous l’angle de la durée excessive de la procédure), et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention - T Faits : La requérante fut hospitalisée pour l’extirpation d’un papillome sous-mandibulaire et un problème de cicatrisation postopératoire à la cuisse droite. Le médecin qui la suivait lui conseilla une intervention de chirurgie plastique et pratiqua une blépharoplastie (correction des paupières). A la suite de cette intervention, elle fut de nouveau hospitalisée et opérée car ses paupières ne se fermaient plus. Elle fut opérée une nouvelle fois, la même année et son médecin pratiqua sur elle une troisième blépharoplastie ainsi que d’autres interventions de chirurgie plastique. Ces multiples opérations causèrent des séquelles à la requérante nécessitant un traitement médical spécialisé. Plusieurs interventions chirurgicales ultérieures furent ensuite nécessaires. La requérante porta plainte avec constitution de partie civile contre le médecin, mais un non-lieu fut rendu par le tribunal départemental au motif que la prescription pénale du médecin était intervenue. La même année, la requérante intenta une action civile en responsabilité contre le médecin et assigna également l’hôpital. Le juge civil estima qu’elle avait effectivement été victime d’une faute médicale et condamna le médecin au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel, mais il rejeta l’action de la requérante contre l’hôpital, après avoir -67- estimé que ce dernier ne pouvait être tenu responsable des actes accomplis par le médecin. La procédure se termina par un arrêt de la cour d’appel qui confirma le droit de la requérante à se voir dédommagée. Entre temps, une procédure d’exécution forcée avait été ouverte à l’encontre du médecin, mais celle-ci se révéla infructueuse pour cause d’insolvabilité du médecin. T Griefs : La requérante soutenait que la procédure qu’elle avait engagée devant les juridictions internes avait été excessivement longue et donc contraire à l’article 6 de la Convention (droit à un procès équitable). Elle invoquait également l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale) considérant que l’inefficacité de cette procédure l’avait empêchée d’obtenir une juste réparation des préjudices physiques et moraux résultant des fautes médicales dont elle avait été victime. T Décision : - Concernant l’article 6 de la Convention : La requérante invoque une atteinte à son droit à un procès équitable. Elle considère en effet que la procédure qu’elle a débuté par une plainte pénale avec constitution de partie civile dans le but d’engager la responsabilité du médecin a été excessivement longue. La Cour doit analyser en premier lieu la période à prendre en considération afin de juger de la longueur excessive de la procédure. Elle rappelle que la durée d’une procédure pénale avec constitution de partie civile entre dans le champ d’application de l’article 6, “y compris durant la phase de l’instruction, voire le cas échéant, en cas de procédure pendante ou potentielle devant les juridictions civiles (...) et que la période à considérer débute à la date à laquelle le requérant s’est prévalu de son droit à caractère civil (...) à savoir l’acte de constitution de partie civile.” (§ 78). Les juges de Strasbourg observent que la requérante s’est constituée partie civile le jour où elle déposa sa plainte pénale contre le médecin. Ainsi, la période à considérer a débuté à cette date. La Cour doit ensuite établir la date à laquelle la période à prendre en considération s’est terminée. Faisant référence à sa jurisprudence antérieure, 64 elle rappelle “que la constitution de partie civile n’est en réalité qu’une modalité de l’action civile.” Elle juge que le droit roumain prévoit “que la personne qui s’estime victime d’une infraction dispose d’une option procédurale entre, d’une part, la voie civile et, d’autre part la voie pénale. Si la voie civile est préférée, alors compte tenu de ce que le fait générateur du préjudice est une infraction, la procédure civile ne s’applique que sous réserve du principe selon lequel « le pénal tient le civil en l’état »”. (§ 82) Ainsi, à partir de la constitution de partie civile jusqu’à la conclusion de cette procédure pénale, la partie civile reste étroitement liée au déroulement de la procédure pénale. En l’espèce, la Cour observe que la procédure pénale a pris fin six ans après l’introduction de la plainte, par la décision du tribunal départemental rejetant la contestation par la requérante de la décision de non-lieu rendue par le parquet au motif que la prescription de la responsabilité pénale du docteur était acquise. Elle précise qu’ensuite, la requérante assigna le médecin devant le tribunal départemental par une action en responsabilité civile délictuelle et que cette action prit fin quand le tribunal départemental confirma le droit de la requérante à se voir dédommagée. Les juges européens relèvent que l’action civile de la requérante a été dans un premier temps jointe à sa plainte pénale. A la fin de la procédure pénale, cette action est restée sans suite et 64 CEDH, Perez c. France, du 12 février 2004, req. n/ 47287/99 -68- la requérante a poursuivi cette action devant les juridictions civiles. Ils en concluent que la période à prendre en considération s’est terminée à la date à laquelle l’arrêt de la cour d’appel qui confirma le droit de la requérante à se voir dédommagée devint définitif. En conclusion la Cour juge que la période de la procédure litigieuse a duré neuf années, six mois et vingt-trois jours. Ensuite, la Cour apprécie la durée de la procédure. Elle rappelle que “le caractère raisonnable d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés”.65 (§ 88). En l’espèce la juridiction strasbourgeoise relève que la requérante étant âgée de 65 ans à l’époque de l’introduction de son action en responsabilité civile délictuelle pour dommages causés à l’intégrité physique d’une personne ; les autorités nationales auraient ainsi dû faire preuve « d’une diligence particulière ». Elle estime que, bien que l’affaire comportait des questions médicales relativement complexes, il n’existe aucune justification au fait que la procédure ait duré plus de neuf années. Partant, la Cour conclut à l’unanimité à une violation de l’article 6 § 1 de la Convention. - Concernant la violation alléguée de l’article 8 de la Convention : Sur la recevabilité : Le gouvernement soutient que la requérante a perdu sa qualité de « victime », prétextant que les juridictions lui ont rendu une décision favorable en condamnant le médecin au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel. Cependant, la Cour considère “qu’une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de victime que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention”. (§ 99) Elle juge la requête recevable au motif que la violation de la Convention invoquée par la requérante n’a pas été explicitement reconnue ni réparée par les autorités nationales. Sur le fond : La Cour rappelle que les questions liées à “l’intégrité morale et physique des individus, à leur participation au choix des actes médicaux qui leur sont prodigués ainsi qu’à leur consentement à cet égard, et l’accès à des informations leur permettant d’évaluer les risques sanitaires auxquels ils sont exposés” (§ 101) entrent dans le champ de l’article 8 de la Convention. Elle en déduit que cette disposition peut s’appliquer au cas d’espèce. Ensuite, la juridiction européenne affirme que les Etats ont l’obligation de mettre en place un cadre réglementaire imposant aux hôpitaux, publics ou privés, l’adoption de mesures propres à assurer le respect de l’intégrité physique de leurs patients. Elle ajoute que les patients sont tenus d’être informés des conséquences d’une intervention médicale et doivent pouvoir donner leur consentement en connaissance de cause. A défaut d’une telle information et si un risque prévisible de cette nature se réalise sans que les patients en aient été dûment informés par les médecins exerçant dans un hôpital public, l’Etat peut être tenu pour directement responsable. En l’espèce, la Cour relève que la requérante a eu accès à une procédure qui lui a permis de faire reconnaître la responsabilité du médecin qui l’avait opérée et qu’il a été condamné à la dédommager. Cependant, en raison de l’insolvabilité du médecin, la somme allouée par les 65 CEDH, Frydlender, du 27 juin 2000, req. n/ 30970/96. -69- juridictions internes n’a jamais pu être recouvrée. En outre, à l’époque des faits le droit roumain ne prévoyait aucun mécanisme d’assurance pour responsabilité médicale. Enfin, les juges de Strasbourg notent que les juridictions internes ont refusé de reconnaître la responsabilité de l’hôpital du fait de son préposé en dépit des avis favorables de la jurisprudence des plus hautes juridictions du pays et de la doctrine. Partant, la Cour conclut, par 6 voix contre une, à la violation de l’article 8 de la Convention en raison de l’impossibilité pour la requérante d’obtenir la réparation qui lui avait été reconnue par les juridictions roumaines pour les conséquences de la faute médicale dont elle a été victime. N L’opinion en partie dissidente du juge Mujer est annexée à l’arrêt. jjj Borovsky c. Slovaquie 66 2 juin 2009 - req. n/ 24528/02 - Violation de l’article 6 § 2 de la Convention (droit à un procès équitable - droit à la présomption d’innocence) - T Faits : En août 2000, la police slovaque engagea des poursuites pénales contre le requérant qui était soupçonné d’avoir porté préjudice au créancier de deux grandes sociétés en permettant le transfert de titres de ces sociétés à un tiers. Le 7 septembre 2000, le requérant se vit signifier la première décision d’inculpation. Avant et après cette date, plusieurs articles parurent dans divers journaux. Ils se fondaient principalement sur les faits exposés dans la décision d’engager des poursuites contre le requérant et précisaient que les informations avaient été fournies par la police. Le 18 septembre 2000, l’hebdomadaire Profit publia un article révélant des détails du dossier d’instruction. Parmi eux, se trouvaient des propos du directeur de la brigade financière qui déclarait notamment que les actes commis par le requérant avaient été « prémédités » et « frauduleux ». En réaction, ce dernier assigna en justice le rédacteur en chef pour diffamation. En septembre 2002, le tribunal lui donna gain de cause et enjoignit au rédacteur en chef de publier des excuses pour les déclarations erronées figurant dans l’article. Parallèlement, en mai 2001, le requérant saisit la Cour constitutionnelle slovaque ; il faisait état d’une violation de son droit à la présomption d’innocence au motif que des fonctionnaires de police avaient fait des déclarations révélant la teneur du dossier d’instruction aux médias et avaient annoncé qu’il avait commis des infractions pénales. Ce recours fut rejeté par la Cour constitutionnelle. T Griefs : Invoquant l’article 6 § 2 de la Convention, le requérant estimait que son droit à être présumé innocent avait été violé. Il reprochait à des fonctionnaires de police d’avoir informé les médias de la teneur du dossier d’instruction et, surtout, d’avoir fait des déclarations sur sa culpabilité. 66 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais. -70- T Décision : Les juges européens rappellent que l’article 6 § 2 de la Convention a pour objectif de prévenir les atteintes portées par des déclarations au droit à un procès équitable. Il interdit l’expression prématurée par un tribunal de l’opinion selon laquelle un individu accusé d’une infraction pénale est coupable, avant même qu’il ait été en mesure de prouver son innocence. Cette disposition couvre également les déclarations faites par d’autres agents publics sur le déroulement de l’enquête judiciaire et qui encouragent l’opinion publique à considérer le suspect comme coupable et ainsi à préjuger de l’appréciation des faits par l’autorité judiciaire compétente.67 La Cour de Strasbourg estime également que si une décision judiciaire ou la déclaration d’un agent public concernant la culpabilité dune personne accusée d’une infraction pénale intervient avant que cet individu ait été déclaré coupable, le droit à la présomption d’innocence est violé. Elle précise qu’il suffit, même en l’absence de preuves formelles, qu’il y ait des raisons laissant supposer qu’une juridiction ou un officier public l’ait considéré comme coupable. Sur ce point, la Cour indique qu’une distinction fondamentale doit être établie entre une déclaration faisant état de simples soupçons et une déclaration claire, intervenant en l’absence de condamnation définitive, et selon laquelle un individu a commis l’infraction en question. A cet égard, elle rappelle avoir toujours souligné l’importance du choix des mots utilisés par les fonctionnaires dans leurs déclarations intervenant avant que l’individu en question ait été jugé et reconnu coupable de l’infraction lui étant reprochée.68 En l’espèce, les juges européens constatent tout d’abord que, replacées dans le contexte de l’ensemble des articles, les déclarations des fonctionnaires de police laissaient entendre qu’il y avait de bonnes raisons de croire que le requérant avait commis l’infraction en cause. Dès lors, pour ce qui est du contenu de la plupart de ces articles, ils parviennent à la même conclusion que la Cour constitutionnelle slovaque. Concernant les propos du directeur adjoint de la brigade financière rapportés dans l’article du magazine Profit en date du 18 septembre 2000, la Cour opère une distinction. Elle estime qu’ils ne se bornaient pas à décrire l’état d’avancement de la procédure ou encore à évoquer les « soupçons » pesant sur le requérant. En réalité, selon elle, en qualifiant les actes de « frauduleux » et de « prémédités », ces propos conduisaient à penser qu’il s’agissait d’un fait établi. Ces déclarations impliquaient donc que l’accusé se soit rendu coupable d’escroquerie, une infraction dont il n’a pourtant jamais été accusé. La Cour constitutionnelle ayant ordonné au rédacteur en chef de présenter des excuses, la Cour européenne dit que les propos tenus par le directeur adjoint de la brigade financière ont méconnu les droits du requérant à la présomption d’innocence. Ainsi, en raison de ces déclarations qui laissaient entendre, au commencement de l’instruction, que le requérant était coupable de l’infraction dont il n’était pas accusé, la Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 2 de la Convention. jjj 67 CEDH, Khuzhin et autres c. Russie, du 23 octobre 2008, req. n/ 13470/02, § 93. 68 CEDH, Böhmer c. Allemagne, du 3 octobre 2002, req. n/ 37568/97, § 54 et 56 et CEDH, Nešták c. Slovaquie, du 27 février 2007, req. n/ 65559/01, §§ 88- 89. -71- Szuluk c. Royaume-Uni 69 2 juin 2009 - req. n/ 36936/05 - violation de l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale) - T Faits : En novembre 2001, le requérant, ressortissant britannique fut condamné à une peine d’emprisonnement de quatorze ans pour infractions en matière de drogue. Quelques mois plus tôt en avril 2001, alors qu’il bénéficiait d’une liberté conditionnelle en attente de son procès, il fut victime d’une hémorragie cérébrale qui nécessita deux interventions chirurgicales. Depuis lors, il dut faire l’objet d’un suivi médical particulier impliquant pour lui de se rendre tous les six mois à l’hôpital afin d’être examiné par un médecin neuroradiologiste. Après son incarcération, il demanda au directeur de la prison que sa correspondance médicale avec ce spécialiste ne fut pas lue et resta confidentielle. Cette demande, qui fut dans un premier temps accueillie, fit l’objet deux mois plus tard d’un refus. Le requérant fut en effet informé que son courrier serait transmis au médecin de la prison, qui vérifierait que le contenu était uniquement médical et ne contenait pas de messages illicites. Il contesta ce contrôle auprès des juridictions internes, toutefois la cour d’appel confirma cette décision en estimant que l’ingérence aux droits protégés par l’article 8 de la Convention était justifiée et proportionnée, notamment parce que son courrier était seulement contrôlé par le médecin de l’établissement pénitentiaire. T Griefs : Devant la Cour européenne, le requérant invoquait une violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privé et familiale) de la Convention, en raison de l’interception et de la lecture de sa correspondance médicale par l’autorité pénitentiaire. T Décision : En premier lieu, la Cour souligne qu’il n’est pas contesté qu’il y a bien eu ingérence d’une autorité publique dans l’exercice par le requérant de son droit au respect de sa correspondance. Conformément à sa jurisprudence en la matière, elle rappelle qu’une telle atteinte est contraire à l’article 8 de la Convention à moins d’être « prévue par la loi », de « poursuivre un but légitime » et enfin, d’être « nécessaire dans une société démocratique ». En l’espèce, la juridiction strasbourgeoise relève que les parties ne contestent pas que la lecture de la correspondance du requérant est bien prévue par la loi et qu’elle poursuit les buts légitimes que sont la prévention du crime et la protection des droits et des libertés d’autrui. Dès lors, il lui reste à examiner si l’atteinte était « nécessaire dans une société démocratique ». La Cour fait référence à un arrêt récent, Petrov c. Bulgarie,70 dans lequel elle a établit des standards rigoureux en ce qui concerne la correspondance entre les avocats et les prisonniers. Cet arrêt fut l’occasion pour elle d’affirmer que les autorités pénitentiaires ne peuvent ouvrir une lettre adressée par un avocat à un détenu que lorsqu’elles ont un motif légitime de croire que le courrier contient un envoi illicite que des moyens de détection normaux ne peuvent suffire à découvrir. En outre, seule l’ouverture, et non la lecture, de la lettre est autorisée et des garanties 69 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais. 70 CEDH, Petrov c. Bulgarie, du 22 mai 2008, req. n/ 15197/02, § 43 (cet arrêt n’est disponible qu’en anglais). -72- appropriées doivent être fournies, telle que la présence du détenu lors de son ouverture. Enfin, la lecture de la correspondance entre l’avocat et son client ne doit être autorisée qu’en des circonstances exceptionnelles, lorsque les autorités pénitentiaires ont un motif raisonnable et des raisons objectives de penser que le détenu a abusé du privilège de confidentialité dont il a pu bénéficier et que le contenu de la lettre pourrait être de nature à compromettre la sécurité de la prison ou celle d’autrui, ou puisse être de nature criminelle. La Cour cite également l’arrêt Z. c. Finlande de 1997,71 qui concernait plus spécifiquement la correspondance médicale et dans lequel elle déclarait que “Le respect du caractère confidentiel des informations sur la santé constitue un principe essentiel du système juridique de toutes les Parties contractantes à la Convention. Il est capital non seulement pour protéger la vie privée des malades mais également pour préserver leur confiance dans le corps médical et les services de santé en général. Faute d’une telle protection, les personnes nécessitant des soins médicaux pourraient être dissuadées de fournir les informations à caractère personnel et intime nécessaires à la prescription du traitement approprié et même de consulter un médecin, ce qui pourrait mettre en danger leur santé [...]”. Après le rappel de ces principes, la Cour européenne s’attache plus spécifiquement aux faits de l’espèce. A cet égard, elle relève que la cour d’appel avait reconnu que la lecture de la correspondance médicale du requérant, quoique limitée au médecin de la prison, impliquait un « risque inévitable d’abus ». La cour d’appel avait alors noté que permettre au médecin de la prison de lire une telle correspondance pouvait le conduire à faire face à la critique de ses propres compétences, ceci étant susceptible de créer des difficultés pour la vie et le traitement médical du requérant au sein de la prison. En l’espèce, les juges de Strasbourg relèvent que, par le passé, il n’y a jamais eu aucune raison de penser que le requérant avait abusé de la confidentialité de sa correspondance médicale, et que rien n’indiquait qu’il ait l’intention d’en abuser dans l’avenir. D’autre part, celui-ci, bien que était détenu dans un quartier de haute sécurité de « catégorie A » était considéré comme un prisonnier de « catégorie B », c’est à dire un détenu pour lequel, les conditions de haute sécurité n’étaient pas jugées nécessaires. Enfin la Cour n’estime pas pertinent l’argument des services pénitentiaires ayant trait aux difficultés liées à la confidentialité de la correspondance médicale des prisonniers, sachant qu’en l’espèce, un seul médecin spécialiste était concerné, dont l’adresse et les qualifications étaient facilement vérifiables, ainsi que la cour d’appel l’avait elle même reconnu. En outre, le médecin en question semblait disposé à marquer toute la correspondance avec le requérant d’un cachet caractéristique. La juridiction strasbourgeoise ne partage pas non plus le point de vue de la cour d’appel, qui considérait que le risque que le requérant amène par intimidation ou par ruse, son médecin à transmettre des messages illicites, était suffisant pour justifier l’atteinte à ses droits découlant de l’article 8 de la Convention. Elle souligne que la cour d’appel a déjà reconnu qu’un tel risque existait également dans les communications avec les députés du parlement, mais que dans cette hypothèse l’importance d’une correspondance sans entrave avec les députés a prévalu sur ce risque. Or, selon la Cour européenne, la protection de la correspondance offerte à un détenu souffrant d’une maladie pouvant lui être fatale avec son médecin, ne doit pas être inférieure, à celle offerte à la correspondance d’un détenu avec un député ou encore avec un avocat. 71 CEDH, Z c. Finlande, du 25 février 1997, req. n/ 22009/93, § 95. -73- Par conséquent, la Cour prononce, à l’unanimité, la violation de l’article 8 de la Convention européenne. jjj Brauer c. Allemagne 28 mai 2009 - req. n/ 3545/04 - Violation de l’article 14 ( interdiction de la discrimination) combiné à l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la Convention - T Faits : La requérante est née hors mariage en 1948 en République Démocratique Allemande (RFA). Elle fut immédiatement reconnue par son père qui résidait en RFA. A la mort de celui-ci, en 1998, elle chercha à faire valoir ses droits à héritage. Cette demande fut rejetée en première instance au motif que, en vertu de la loi de 1969 sur le statut juridique des enfants nés hors mariage, un enfant né dans de telles conditions avant le 1er juillet 1949 n’était pas un héritier légal. Cette législation avait été déclarée par la Cour constitutionnelle fédérale conforme à la Loi fondamentale allemande. Comme son père résidait en République Fédérale Allemande à l’époque de la réunification, la requérante ne pouvait pas non plus bénéficier de l’égalité des droits successoraux prévue par le droit de l’ancienne République Démocratique Allemande (RDA). Après cette loi et pour éviter tout désavantage pour les enfants nés hors mariage en RDA, le législateur leur a accordé les mêmes droits successoraux qu’aux enfants issus du mariage, et ce à condition que le père eût résidé dans l’ancienne RDA au moment de la prise d’effet de la réunification. Finalement, après deux instances d’appel, la Cour constitutionnelle allemande refusa en novembre 2003 de retenir le recours formé devant elle par la requérante. Elle estima que les droits successoraux des enfants nés hors mariage avant le 1er juillet 1949 avaient été déclarés conformes à la Loi fondamentale en 1976 et en 1996. Selon elle, la date limite ne perdait pas non plus sa justification du simple fait que des enfants également nés hors mariage, mais dans un contexte social totalement différent (l’ancienne RDA), disposaient des mêmes droits que les enfants issus du mariage. La juridiction suprême allemande justifiait cette différence de traitement par l’objectif d’éviter tout désavantage résultant de l’adhésion de l’ancienne République Démocratique Allemande à la République Fédérale Allemande. T Griefs : La requérante soutenait que son exclusion de tout droit à la succession de son père s’analysait en un traitement discriminatoire totalement disproportionné. Selon elle, les dispositions pertinentes du droit interne et les décisions des juridictions nationales méconnaissaient les articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention. En effet, en application des dispositions pertinentes du droit interne, il y avait eu une différence de traitement entre un enfant né hors mariage avant la date du 1er juillet 1949 et un enfant légitime. Il y avait également une différence de traitement entre à un enfant né hors mariage avant cette date et à qui s’appliquait le droit de l’ancienne République Démocratique Allemande et un enfant né hors mariage après cette date limite (§ 34). -74- T Décision : - Sur la recevabilité de la requête : La Cour rappelle que “l’article 14 de la Convention complète les autres clauses normatives de la Convention et de ses Protocoles. Il n’a pas d’existence indépendante, puisqu’il vaut uniquement pour « la jouissance des droits et libertés » qu’elles garantissent. Certes, il peut entrer en jeu même sans un manquement à leurs exigences, et dans cette mesure, il possède une portée autonome, mais il ne saurait trouver à s’appliquer si les faits du litige ne tombent pas sous l’empire de l’une au moins desdites clauses” 72 (§ 27). En l’espèce, elle relève que les droits successoraux entre un père et son enfant naturel sont “étroitement liés à la vie familiale [et qu’ils] tombent sous l’empire de l’article 8 de la Convention” (§ 29). Les juges de Strasbourg déclarent donc la requête recevable et examinent l’affaire sous l’angle de l’article 8 combiné à l’article 14 de la Convention. - Sur le fond : La Cour rappelle “qu’au regard de l’article 14 de la Convention, une distinction est discriminatoire si elle « manque de justification objective et raisonnable », c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un « but légitime » ou s’il n’y a pas de « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé »” 73 (§ 39). Les juges européens rappellent que la Convention est un instrument à interpréter à la lumière des conditions actuelles.74 Ils affirment que “les Etats membres du Conseil de l’Europe attachent de nos jours de l’importance à l’égalité, en matière de droits de caractère civil, entre enfants issus du mariage et enfants nés hors mariage” (§ 40). Ils estiment que “le but poursuivi par le maintien de la disposition litigieuse, à savoir assurer la sécurité juridique et la protection du de cujus et de sa famille, peut être considéré comme légitime”. (§ 41). Cependant, selon la Cour, les arguments avancés en 1976 et en 1996 en faveur du maintien de la disposition litigieuse ne sont plus valables aujourd’hui : “A l’image d’autres sociétés européennes, la société allemande a considérablement évolué et le statut juridique des enfants nés hors mariage est de nos jours devenu équivalent à celui des enfants issus du mariage. De plus, les difficultés pratiques et procédurales pour prouver la filiation des enfants ont disparu, le test de paternité basé sur des prélèvements d’ADN constituant une méthode simple et très fiable” (§ 43). Par ailleurs, les juges européens critiquent le raisonnement suivi par la Cour constitutionnelle fédérale ; selon eux, eu égard à l’évolution du contexte européen en la matière et à l’importance que les Etats membres du Conseil de l’Europe attachent à l’égalité entre enfants issus du mariage et enfants nés hors mariage, “l’élément de protection de la « confiance » du défunt et de sa famille doit s’effacer devant l’impératif de l’égalité de traitement entre enfants nés hors mariage et enfants issus du mariage” (§ 43). Concernant la proportionnalité des moyens employés par rapport au but poursuivi, la Cour relève que le père de la requérante l’avait reconnue après sa naissance et avait toujours entretenu des contacts réguliers avec elle. Elle note également que celui-ci n’avait pas d’épouse, ni de 72 CEDH, Pla et Puncernau c. Andorre, du 13 juillet 2004, req. n/ 69498/01, CEDH 2004-VIII, § 54. 73 CEDH, Inze c. Autriche, du 28 octobre 1987, req. n/ 8695/79, série A n/ 126, § 41 et CEDH, Mazurek c. France, du 1er février 2000, req. n/ 3440697, § 48. 74 CEDH, Marckx c. Belgique, du 13 juin 1979, req. n/ 6833/74, série A , n/ 31, § 52. -75- descendants directs, et écarte ainsi l’argument tiré de protection de la « confiance » de ces parents éloignés. Les juges européens soulignent qu’après la réunification allemande, le législateur a voulu protéger les droits successoraux des enfants nés hors mariage dont le père résidait sur le territoire de l’ancienne RDA. Cette différence de traitement a pourtant eu pour effet d’aggraver l’inégalité déjà existante par rapport à des enfants nés hors mariage avant le 1er juillet 1949 et dont le père résidait en RFA, comme dans le cas de la requérante. Enfin, l’application de la disposition pertinente de la loi sur le statut juridique des enfants nés hors mariage a entraîné l’exclusion totale de la requérante de la succession légale de son père sans aucune compensation financière. Or, “La Cour ne trouve aujourd’hui aucun motif de nature à justifier une telle discrimination fondée sur la naissance hors mariage, et ce d’autant moins que l’exclusion totale de la requérante de la succession légale l’a encore davantage pénalisée que ce ne fut le cas de requérants dans d’autres affaires de ce type dont la Cour a eu à connaître” 75 (§ 44). Partant, les juges de Strasbourg concluent à l’unanimité à la violation de l’article 14 combiné à l’article 8 de la Convention et estiment qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément le grief fondé sur l’article 8 de la Convention. jjj Elyasin c. Grèce 28 mai 2009 - req. n/ 46929/06 - Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) - T Faits : Le 20 février 2000, le requérant fut arrêté à son domicile professionnel pour recel et corruption de fonctionnaire. Les documents relatifs à cette arrestation indiquaient qu’il était domicilié au 5, rue Rodou. Le 13 novembre 2002, l’audience eut lieu devant le tribunal correctionnel d’Athènes. Le requérant ne s’y présenta pas - il affirme n’avoir jamais reçu de citation à comparaître -. Le tribunal considéra que le requérant avait été régulièrement cité, et décida d’examiner l’affaire. Après avoir entendu un témoin et le coaccusé du requérant, il condamna ce dernier à une peine de deux ans d’emprisonnement, convertibles en une sanction pécuniaire. En juin 2004, l’huissier de justice se présenta à deux reprises au 5, rue Rodou afin de lui signifier le jugement, mais en vain. Considérant que le domicile du requérant était « inconnu », l’huissier déposa alors le jugement à la mairie, conformément à la législation nationale. Le 19 août 2005, le requérant interjeta appel contre le jugement du tribunal correctionnel. Il allégua que l’arrêt avait été notifié comme si son adresse était « inconnue » alors qu’il était toujours domicilié au 5 de la rue Rodou. Le 10 octobre 2005, la cour d’appel considéra le recours tardif et le déclara irrecevable. Le 20 octobre 2005, le requérant forma un pourvoi en cassation. Estimant que la cour d’appel avait suffisamment motivé sa décision, la Cour de cassation rejeta le pourvoi. 75 CEDH, Mazurek c. France, précité, §§ 52 à 55. -76- T Griefs : Dénonçant notamment une atteinte à son droit d’accès à un tribunal, et en particulier le fait qu’en raison des irrégularités survenues lors de la notification de l’arrêt du tribunal correctionnel, il n’avait pu se défendre contre les accusations dirigées contre lui, le requérant invoquait l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention. T Décision : - Sur la recevabilité : Le Gouvernement grec invoque le non épuisement des voies de recours internes. Selon la Cour, cette objection est étroitement liée à la substance du grief énoncé par le requérant. Elle décide donc de joindre cette exception au fond. - Sur le fond : Le Gouvernement grec souligne qu’au lieu d’engager une requête en annulation contre le jugement de condamnation, le requérant a interjeté appel contre celui-ci. Le requérant soutient que s’il avait introduit une requête en annulation, celle-ci aurait aussi été rejetée car il y avait une adresse connue. La Cour européenne rappelle que “le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès constitue un aspect particulier, n’est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’Etat, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation” (§ 26). Néanmoins, elle précise que “ces limitations ne sauraient restreindre l’accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s’en trouve atteint dans sa substance même ; enfin, elles ne se concilient avec l’article 6 § 1 que si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé” 76 (§ 26). Les juges européens indiquent avoir déjà eu l’occasion de préciser que “la comparution d’un prévenu à l’audience revêt une importance capitale en raison tant du droit de celui-ci d’être entendu que de la nécessité de contrôler l’exactitude de ses affirmations et de les confronter avec les dires de la victime, dont il y a lieu de protéger les intérêts, ainsi que des témoins”. Ils précisent qu’une “procédure se déroulant en l’absence du prévenu n’est pas en soi incompatible avec l’article 6 de la Convention s’il peut obtenir ultérieurement qu’une juridiction statue à nouveau, après l’avoir entendu, sur le bien-fondé des accusations en fait comme en droit” 77 (§ 27). Puis, ils rappellent que la Cour a déjà estimé que “la réouverture du délai d’appel contre la condamnation par contumace, avec la faculté, pour l’accusé, d’être présent à l’audience de deuxième instance et de demander la production de nouvelles preuves, s’analysait en la possibilité d’une nouvelle décision sur le bien-fondé de l’accusation en fait comme en droit, ce qui permettait de conclure que, dans son ensemble, la procédure avait été équitable” 78 (§ 28). 76 CEDH, Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, du 19 février 1998, req. n/ 28028/95, § 34. 77 CEDH, Colozza c. Italie, du 12 février 1985, req. n/ 9024/80, série A n/ 89 § 29 ; CEDH, Medenica c. Suisse, du 14 juin 2001, req. n/ 20491/92, § 54. 78 CEDH, Jones c. Royaume-Uni, du 9 septembre 2003, req. n/ 30900/02. -77- Les juges de Strasbourg relèvent que “le régime grec de la signification à des personnes « de domicile inconnu »vise à assurer la sécurité juridique et n’est pas en soi incompatible avec les exigences d’un procès équitable” et précisent qu’il “convient de déterminer si son application dans le cas d’espèce n’a pas privé le requérant de son droit d’accès à un tribunal” (§30). La Cour affirme ne pas être convaincue que les autorités chargées de signifier l’arrêt du tribunal correctionnel ont fait preuve de la diligence adéquate. Selon elle, il ressort du dossier que les autorités avaient connaissance tant de l’adresse personnelle que de l’adresse professionnelle du requérant. Elle relève que “dans l’hypothèse où l’huissier aurait ignoré l’adresse professionnelle du requérant, il n’en reste pas moins que cette lacune relevait de la responsabilité de l’Etat” (§ 31). De plus, la juridiction européenne estime que la cour d’appel a fait preuve d’une rigidité certaine en déclarant l’appel du requérant tardif, surtout dans la mesure où, alors qu’il a été condamné in absentia en première instance, il n’a eu, à aucun moment de la procédure, l’occasion de présenter sa défense. La Cour conclut donc, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. jjj Varnima Corporation International S.A. c. Grèce 28 mai 2009 - req. n/ 48906/06 - violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) - T Faits : En 1978, la société requérante, Varnima Corporation dont le siège se trouve au Panama, avait conclu un contrat de transport de produits pétroliers avec la Grèce. En 1979, cet Etat saisit les juridictions internes d’une action en dommages-intérêts mettant en cause la responsabilité contractuelle de la société au motif que celle-ci n’avait pas respecté ses engagements. La société Varnima, quant à elle, demanda à titre reconventionnel, le versement de dommages-intérêts en raison de l’absence d’exécution intégrale de l’engagement pris par l’Etat. Après avoir joint les deux actions, le tribunal de grande instance d’Athènes, rejeta l’action de la requérante pour cause de prescription. Il exposa que l’action relative à un contrat de transfert de biens était considérée comme prescrite en cas de litispendance lorsque l’écart entre deux actes procéduraux successifs et déclenchés soit par les parties soit par le tribunal, dépassait le délai d’un an. Toutefois, le tribunal n’appliqua pas la même règle de prescription à l’action introduite par l’Etat, pour laquelle il fit application de la règle régissant la prescription des créances de l’Etat à l’égard des personnes privées, prescription qui s’avérait être de vingt ans. La société Varnima interjeta appel, puis se pourvut en cassation, mais la position adoptée par le tribunal en première instance fut confirmée. -78- T Griefs : Devant la Cour européenne, la société requérante alléguait une violation de l’article 6 § 1 de la convention, sous l’angle de la rupture du principe de l’égalité des armes. Elle invoquait également une atteinte au principe de l’interdiction de la discrimination au sens de l’article 14 de la Convention. Elle se plaignait en effet de l’application par les juridictions internes de deux délais de prescription différents dans le cadre du litige l’opposant à l’Etat grec, un délai de prescription d’un an ayant régi son action, et un délai de prescription de vingt ans régissant l’action de l’Etat. T Décision : - Sur la recevabilité : En premier lieu, la Cour examine la recevabilité de la demande, le gouvernement grec soulevait en effet une exception d’irrecevabilité. Il estimait que la prescription n’était pas une règle procédurale mais une institution du droit matériel et que l’article 6 § 1 de la Convention ne trouvait pas à s’appliquer puisque la manière dont le droit interne régissait l’existence ou non d’un droit matériel ne relevait pas du principe de l’égalité des armes. La Cour de Strasbourg ne partage pas cette conception. Elle relève que l’exception du Gouvernement “concerne le lien entre le principe de l’égalité des armes avec les modalités d’application des règles relatives à la prescription. Cet élément a constitué, à ses yeux, l’une des raisons justifiant la communication de requête” (§ 22). Par conséquent, elle estime que cette exception est étroitement liée à la substance même du grief soulevé par la société, décide de le joindre au fond et le déclare recevable. - Sur le fond : La Cour procède ensuite à l’examen de l’affaire sur le fond. Elle rappelle tout d’abord que sa tâche n’est pas de se substituer aux juridictions nationales, auxquelles il incombe naturellement d’interpréter la législation interne, ceci d’autant plus lorsqu’il s’agit de l’interprétation de règles de nature procédurale. En effet, il est de jurisprudence constante 79 qu’une large marge d’appréciation est laissée aux Etats en ce qui concerne l’aménagement des délais de prescription, notamment “en ce que ces délais, considérés comme des limitations implicitement admises du d’accès à un tribunal, servent à garantir la sécurité juridique et à empêcher l’usage d’éléments de preuve incomplets en raison du temps écoulé” (§ 26). Par ailleurs, les juges européens insistent sur le fait que le principe de l’égalité des armes, requiert que chaque partie puisse présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la partie adverse. Après avoir rappelé ces principes, la Cour procède à leur application au cas d’espèce. Elle constate que les juridictions internes ont appliqué dans le cadre de la même affaire, deux règles de prescription différentes : une prescription d’un an en vertu de laquelle la créance de la société requérante fut prescrite et une règle de prescription de vingt ans régissant l’action des créances dont l’Etat était bénéficiaire. Face à une telle situation, la juridiction strasbourgeoise ne peut que constater le net désavantage existant entre les parties, mais elle précise que ce seul constat ne suffit pas ; il lui faut également tenir compte du statut et du rôle équivalents ou non des parties pour conclure à l’éventuelle violation du principe de l’égalité des armes. A cet égard, elle estime “qu’en raison de l’application 79 CEDH, Grande chambre, Vo c. France du 8 juillet 2004, req. n/ 53924/00, §92 et CEDH, Stubbings c. Royaume-Uni, du 22 octobre 1996, req. n/ 22083/93 et 22095/93, §§ 50-57. -79- à l’égard de la requérante d’un délai de prescription vingt fois plus court que celui accordé à la partie adverse, ses prétentions ont été rejetées par les juridictions internes” (§ 31). En outre, elle note que le litige était relatif à “une transaction commerciale de caractère privé soumise au droit privé et non pas à une procédure dans laquelle l’Etat avait exercé son pouvoir de puissance publique” (§ 32). En concluant le contrat, l’Etat grec a donc agit comme un particulier en ayant recours à des procédés de gestion privée. Les juges européens admettent que, dans le cadre de recours à des procédures de droit privé, l’administration puisse poursuivre des missions de droit public nécessitant des privilèges et immunités. Cependant, ils précisent que “la seule appartenance à la structure de l’Etat ne suffit pas en soi pour légitimer, en toutes circonstances, l’application de privilèges étatiques, (...) il faut que cela soit nécessaire au bon exercice des fonctions publiques” (§ 33). Sur ce dernier point, la Cour ne partage pas la thèse de l’Etat grec, qui justifiait l’application d’une prescription de vingt ans par la nécessité de garantir la gestion efficace des finances publiques et l’accomplissement des objectifs budgétaires de l’Etat. Elle constate en effet que le simple intérêt de trésorerie n’est pas assimilable à lui seul à un intérêt public et général. En outre, elle souligne l’absence d’élément concret fourni par le gouvernement pour prouver l’impact qu’aurait eu sur son équilibre financier l’application de la prescription d’un an à son encontre. La Cour conclut par conséquent à l’absence de motif d’intérêt général suffisant pour appliquer une telle prescription. Elle considère que l’application de délais de prescription différents n’a pas respecté le principe de l’égalité des armes. Elle rejette l’exception d’irrecevabilité avancée par le Gouvernement grec et conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. La société requérante invoquait enfin une violation de l’article 6 § 1 combiné à l’article 14 de la Convention, se plaignant d’une discrimination en raison du traitement préférentiel de l’Etat quant aux délais de prescription appliqués. La Cour constate que ce grief se confond largement avec le précédent. Elle le déclare recevable, mais n’estime pas nécessaire de statuer séparément sur ce grief. jjj Kenedi c. Hongrie 80 26 mai 2009 - req. n/ 31475/05 - Violation des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable), 10 (liberté d’expression) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention - T Faits : Le requérant est historien, spécialiste des dictatures et de leurs services secrets. En septembre 1998, il demanda à avoir accès à certains documents détenus par le ministère de l’Intérieur hongrois. En novembre 1998, le ministère lui opposa un refus au motif que les documents avaient été classés « secret défense » jusqu’en 2048. Cette décision fut contestée par le requérant en justice. En janvier 1999, le tribunal lui donna gain de cause et lui accorda l’accès à tous les documents voulus aux fins de ses recherches. Prenant note de cette décision de justice, le ministère proposa, en novembre 1999, de donner accès à ces documents à la condition que le requérant s’engage par écrit à les tenir secrets. Une telle condition fut jugée inacceptable par le requérant qui demanda l’exécution de la décision de 80 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais. -80- justice lui ayant donné gain de cause. L’exécution du jugement fut ordonnée et engagée en décembre 2000. Le ministre de l’intérieur tenta d’empêcher le requérant de publier les informations dont il avait pris connaissance. Il fut condamné à deux amendes pour ne pas s’être conformé à l’ordonnance d’exécution. En décembre 2003, tous les documents, sauf un, furent transférés aux archives nationales et devinrent de ce fait publics. Le requérant n’a pas eu pleinement accès au document restant. T Griefs : Invoquant les article 6 § 1 (droit à un procès équitable sous l’angle du délai raisonnable), 10 (liberté d’expression) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention, le requérant se plaignait de n’avoir pu consulter dans un délai raisonnable tous les documents qu’il souhaitait, et ce en dépit de la décision de justice qui lui était favorable. T Décision : - Sur la violation de l’article 6 § 1 de la Convention : La Cour note que la procédure a duré environ dix ans et demi pour trois degrés de juridiction et le stade de l’exécution. Puis, elle rappelle sa jurisprudence en la matière, et en particulier le principe selon lequel le caractère raisonnable de la durée de la procédure doit être apprécié à la lumière des circonstances de l’affaire et en référence à sa complexité, du comportement du requérant et de l’autorité compétente et ainsi qu’au regard de l’enjeu du litige pour l’intéressé (§ 37). Puis, examinant le cas d’espèce, elle affirme, à l’unanimité, qu’en l’absence d’exécution dans un délai raisonnable de la décision judiciaire autorisant l’accès aux documents, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention. - Sur la violation de l’article 10 de la Convention : Les juges européens soulignent que l’accès aux sources documentaires originales pour légitimer la recherche historique constitue un élément essentiel de l’exercice du droit du requérant à la liberté d’expression.81 Dès lors, il convient de déterminer si l’ingérence était « prévue par la loi », poursuivait un ou plusieurs des buts légitimes énoncés dans ce paragraphe et était « nécessaire dans une société démocratique ». La Cour de Strasbourg rappelle que l’expression « prévue par la loi » au paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention fait allusion à la même notion de la légalité que celle à laquelle la Convention se réfère notamment dans le deuxième paragraphe des articles 8 à 11. Elle précise que la notion de légalité implique également des exigences qualitatives en droit interne, tels que la prévisibilité et, plus généralement, l’absence d’arbitraire. Relevant que le requérant a obtenu une décision de justice lui donnant accès à tous les documents et que les juridictions internes ont statué en sa faveur au cours de la procédure, la Cour estime que les autorités se sont soustraites à leur obligation de se conformer au jugement interne. 81 CEDH, Társaság a Szabadságjogokért c. Hongrie, du 14 avril 2009, req. n/ 37374/05, § 35-39 (cet arrêt n’est disponible qu’en anglais et se trouve résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p.31) -81- Elle conclut que les autorités hongroises ont agi au mépris du droit interne et de façon arbitraire. Leurs actes d’obstruction l’ont déjà amenée à constater une violation de l’article 6 § 1 de la Convention. En conséquence, elle estime, à l’unanimité, qu’en retardant l’exercice par le requérant du droit à la liberté d’expression, les autorités hongroises ont commis un abus de pouvoir et ont donc violé l’article 10 de la Convention. - Sur la violation de l’article 13 de la Convention : Pour les juges de Strasbourg, il serait inconcevable que l’article 13 qui garanti le droit à un recours effectif, ne soit pas applicable à la mise en œuvre des voies de recours. Soutenir le contraire conduirait à des situations incompatibles avec le principe de la règle de droit que les Etats parties à la Convention se sont engagés à respecter (§ 47). Ils estiment enfin que l’insuffisance des voies de recours contre les agissements des autorités hongroises est en cause. En effet, la Cour constate qu’alors que le ministère de l’Intérieur s’était opposé à l’exécution des droits du requérant, la procédure existant en Hongrie à l’époque des faits et devant permettre de réparer la violation des droits garantis au requérant par l’article 10 de la Convention s’est révélée inefficace. Elle conclut à l’unanimité, à la violation de l’article 13 combiné avec l’article 10 de la Convention. jjj Batsanina c. Russie 82 26 mai 2009 - req. n/ 3932/02 - Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) - T Faits : La requérante est l’épouse d’un membre de l’Institut d’océanologie de l’Académie russe des sciences, qui fut inscrit en 1977 sur liste d’attente pour se voir attribuer un logement. En août 1998, il figurait en tête de celle-ci. Afin d’obtenir un plus grand appartement, il fut convenu que la requérante céderait son appartement à l’Institut. En décembre 1998, un accord d’échange fut signé en ce sens. Cependant, l’Institut découvrit par la suite qu’en mars 1998 elle avait vendu son ancien appartement. En réaction, le procureur de la ville de Gelendzhik, agissant pour le compte de l’Institut et de la personne à qui l’appartement de la requérante avait été attribué, assigna en justice la requérante et son mari aux fins de faire annuler l’accord d’échange et de faire expulser cette famille de l’appartement nouvellement octroyé par l’Institut au mari. Celui-ci forma une demande reconventionnelle afin de faire reconnaître son droit à cet appartement. En juin 2001, le tribunal municipal accueillit la demande du procureur puis, ultérieurement ce même mois, rejeta la demande reconventionnelle dans un jugement distinct. La requérante interjeta appel mais la cour d’appel confirma les deux jugements. Le procureur assista à l’audience d’appel qui eut lieu le 16 août 2001. - Aucun élément écrit n’atteste que la requérante ait reçu un avis de comparution pour cette audience -. 82 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais. -82- En janvier 2003, la Cour suprême refusa d’ouvrir une instance en révision à l’égard des deux jugements. Elle rejeta notamment le moyen tiré par la requérante du défaut de notification de l’audience d’appel, considérant que les parties en avaient été avisées. T Griefs : Invoquant l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable, sous l’angle de l’égalité des armes) de la Convention, la requérante estimait que la procédure conduite dans le cadre d’un recours civil concernant un différend portant sur un appartement accordé à son mari par son employeur était inéquitable. Elle se plaignait notamment d’avoir été assignée en justice par le procureur lui même et de ne pas avoir été convoquée à l’audience devant la juridiction d’appel. T Décision : - Sur la violation alléguée de l’article 6 de la Convention concernant le recours introduit par le procureur : A titre liminaire, la Cour européenne rappelle que le principe de l’égalité des armes est un élément de la notion plus large de procès équitable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention qui exige « un juste équilibre entre les parties » et que chacune ait une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions ne constituant pas à un désavantage vis-à-vis de son adversaire.83 (§ 22). Puis, faisant référence à sa jurisprudence antérieure sur le rôle des procureurs hors du domaine pénal, elle réaffirme que dans certains cas, elle a considéré que la seule présence, du procureur ou d’un officier exerçant des fonctions comparables lors des délibérations de la juridiction pouvait emporter violation de l’article 6 § 1 de la Convention.84 Dans d’autres hypothèses, la Cour a également examiné si les arguments de l’avocat général ou d’agents similaires avaient été communiquées à la demande des parties, et si celles-ci avaient eu l’occasion d’y répondre.85 Les juges de Strasbourg relèvent que la présente affaire soulève toutefois des questions différentes puisque le procureur n’a pas participé au délibéré. Ils rappellent que, dès lors que, un procureur ou agent pouvant y être assimilé, devient l’allié ou l’adversaire de l’un des plaideurs, sa participation est susceptible de créer un sentiment d’inégalité entre les parties.86 La Cour explique que le fait que le même point de vue soit défendu devant un tribunal par plusieurs parties, ou encore le fait que les procédures aient été diligentées par un procureur, ne met pas nécessairement la partie adverse dans une situation de « désavantage ». Selon elle, il faut alors rechercher si, en l’espèce et compte tenu de la participation du procureur à la procédure, le « juste équilibre » qui doit prévaloir entre les parties a été respecté (§ 25). 83 CEDH, Yvon c. France, du 24 avril 2003, req. n/ 44962/98, § 31; CEDH, Nideröst-Huber c. Suisse, du 18 février 1997, req. n/ 18990/91, § 23; CEDH, Kress c. France, du 7 juin 2001, req. n/ 39594/98, § 72. 84 CEDH, Martinie c. France, du 12 avril 2006, req. n/ 58675/00, § 53 (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 9, marsavril 2006, p. 10). 85 CEDH, Lobo Machado c. Portugal, du 20 février 1996, req. n/ 15764/89, § 31 ; CEDH, K.D.B. c. Pays-bas, du 27 mars 1998,req. n/ 21981/93, § 43. 86 CEDH, Lobo Machado c. Portugal susmentionné, § 81. -83- La juridiction strasbourgeoise relève que, dans la présente affaire, le procureur a agi dans l’intérêt général. Elle relève que sa décision était fondée sur des règles pertinentes du droit russe alors en vigueur, lesquelles lui donnaient toute latitude pour saisir le juge. Elle estime que le tribunal civil n’a pas été indûment influencé par le fait que le procureur ait été à l’origine du recours. En outre, elle note que la requérante et son mari ont eu la possibilité de défendre effectivement leur dossier devant les juridictions nationales. Les deux parties au litige ayant été mises sur un pied d’égalité pour ce qui est de faire entendre leur cause, la Cour conclut, à l’unanimité, à l’absence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention. - Sur la violation alléguée de l’article 6 § 1 concernant l’absence de convocation devant la juridiction d’appel : La Cour constate que les autorités n’ont présenté aucun élément de nature à établir que la requérante avait eu connaissance de l’audience devant la juridiction d’appel, la prétendue destruction des registres invoquée par le gouvernement n’étant pas étayée. Dans son arrêt, la cour d’appel n’a pas non plus précisé si elle avait vérifié que la requérante avait été effectivement avisée de l’audience. Les juges de Strasbourg en déduisent que l’intéressée n’a pas eu la possibilité de comparaître à cette audience ni de plaider sa cause, en violation de son droit à un procès équitable tel que garanti par l’article 6 § 1 de la Convention. Ils concluent, à l’unanimité, à la violation de cette disposition. - Sur les autres violations alléguées par la requérante : La requérante invoquait également les violations des articles 6 (durée excessive de la procédure), 13 (droit à un recours effectif) et 14 (interdiction de discrimination) de la Convention, ainsi que de l’article 1er du protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété) La Cour, à la lumière des éléments matériels produits par les parties, ne voit aucune violation apparente de ces articles et déclare ces griefs non recevables. N Le juge Gyulumyan a exprimé une opinion partiellement dissidente dont le texte se trouve joint à l’arrêt. jjj Masaev c. Moldova 87 req. n/ 6303/05 12 mai 2009 - Violation des articles 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) et 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention - T Faits : Le requérant est un ressortissant moldave de confession musulmane. Le 30 janvier 2004, alors qu’il priait dans un local privé prêté par une organisation non gouvernementale, il fut arrêté par la police et accusé de pratiquer une religion non reconnue par l’Etat. Le 17 février 2004, la Cour du district déclara le requérant coupable sur le fondement de l’article 200 (3) du Code des infractions administratives et le condamna à payer une amende. Mais le 87 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais -84- requérant invoqua une violation de sa liberté de religion. Le 9 mars 2004, la Cour d’appel rejeta l’appel sans motiver sa décision ni même convier le requérant à son procès. T Griefs : Condamné pour avoir pratiqué une religion qui n’était pas reconnue par l’Etat, le requérant se plaignait d’une violation de sa liberté de pensée, de conscience et de religion protégée par l’article 9 de la Convention. Il invoquait également l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention (droit à un procès équitable) estimant ne pas avoir été convoqué, dans un délai raisonnable, à son procès. Enfin, il se fondait sur l’article 13 de la Convention (droit à un recours effectif) pour se plaindre de l’absence de recours effectif contre la décision des juridictions nationales. T Décision : - Sur la violation de l’article 9 de la Convention : Le requérant soutient qu’il y a eu ingérence de la part des autorités étatiques dans sa liberté de pensée, de conscience et de religion, que cette ingérence n’était pas prévue par la loi, ne poursuivait pas de but légitime et n’était pas nécessaire dans une société démocratique. La Cour rappelle que, selon l’article 9 de la Convention, la liberté de religion implique entre autre la liberté d’exprimer sa religion, avec d’autres, en public, ou au contraire seul et en privé. Cette liberté est restreinte par la nécessité, dans une société démocratique et multiconfessionnelle, de garantir à chaque confession cette liberté d’expression religieuse et de concilier ainsi les intérêts collectifs. Elle explique que si les Etats disposent d’une certaine marge d’appréciation pour estimer si et dans quelle mesure ils peuvent réglementer la liberté de religion, ils ne sont cependant pas autorisés à dicter à une personne sa foi, ni à adopter des mesures coercitives pour l’obliger à changer de croyances. Les juges de Strasbourg exposent que pour vérifier si les mesures nationales prises sont justifiées en principe et sont proportionnelles aux buts recherchés, ils prennent en considération les enjeux de la situation de l’espèce, et notamment la nécessité de maintenir le pluralisme religieux. Dans la présente affaire, la Cour estime que la condamnation du requérant à une amende pour avoir prié en cercle privé constitue une ingérence dans son droit à la liberté de religion. Elle précise ensuite que cette ingérence était prévue par la loi moldave dans son article 200 § 3 du Code des infractions administratives et qu’elle répondait au but légitime du maintien de l’ordre public. Cependant, elle doute du caractère nécessaire de l’amende dans une société démocratique. Elle considère que si les Etats ont le droit d’imposer l’enregistrement de différentes confessions de façon compatible avec les articles 9 et 11 de la Convention, il n’est cependant pas autorisé de sanctionner un individu qui exprimerait sa foi d’une manière non reconnue par l’Etat : “The Court does not contest the State’s power to put in place a requirement for the registration of religious denominations in a manner compatible with Articles 9 and 11 of the Convention. However, it does not follow, as the Government appear to argue, that it is compatible with the Convention to sanction the individual members of an unregistered religious denomination for praying or otherwise manifesting their religious beliefs” (§ 26). Une telle démarche reviendrait à exclure les religions minoritaires n’ayant pas reçu l’approbation officielle de l’Etat et à laisser celui-ci dicter aux individus leurs croyances. -85- Les juges européens considèrent donc que la limitation imposée à la liberté de religion prévue à l’article 200 § 3 constitue une ingérence qui n’est pas nécessaire dans une société démocratique. Ils concluent à l’unanimité, à la violation de l’article 9 de la Convention. - Sur la violation de l’article 13 de la Convention : La Cour estime, à l’unanimité, qu’il n’est pas nécessaire d’examiner ce grief séparément puisqu’elle a déjà statué sur la violation de l’article 9 de la Convention,. - Sur la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention : Le requérant affirme qu’il n’aurait pas reçu en temps utile sa convocation au tribunal : celle-ci, postée le 5 mars, ne lui serait parvenue que le 16 mars. La Cour se réfère à trois précédents jurisprudentiels 88 dans lesquels elle avait conclut à une violation de l’article 6 § 1 de la Convention pour des faits similaires. Le Gouvernement moldave reconnaît également l’existence d’une atteinte au droit du requérant à un procès équitable. Les juges de Strasbourg concluent donc à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1 et n’estiment pas nécessaire d’examiner le grief du requérant fondé sur le paragraphe 3 de l’article 6 de la Convention. jjj 88 CEDH, Ziliberberg c. Moldova, du 1er février 2005, req. n/ 61821/00 ; CEDH, Gutu c. Moldova, du 7 juin 2007, req. n/ 20289/02 et Russu c. Moldova du 13 novembre 2008, req. n/ 7413/05. -86- Korelc c. Slovénie 89 12 mai 2009 -req. n/ 28456/03 - violation des articles 6 (droit à un procès équitable), et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention - T Faits : Le requérant cherchant un appartement, était hébergé par un homme plus âgé à qui, en contre partie, il apportait l’aide et les soins quotidiens. A la suite du décès de son ami, la municipalité informa le requérant qu’il devait quitter les lieux. Celui-ci intenta une action afin de faire renouveler le bail à son profit, en invoquant la loi slovène qui octroie un droit de poursuite du bail au survivant en cas de « communauté de vie durable ». Son action fut rejetée par les tribunaux internes qui, estimant que le requérant n’avait jamais entretenu de « relation durable » avec son ami, conclurent que les deux hommes avaient cohabité sous un régime de « communauté économique » qui n’ouvrait pas droit à la transmission du bail. La municipalité engagea donc une procédure d’expulsion à l’encontre du requérant. Celui-ci demanda aux juridictions internes de surseoir à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion qui le visait en attendant que la Cour européenne des droits de l’homme se prononce sur sa requête. T Griefs : Devant la Cour européenne, le requérant invoquait une violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privé et familiale) combiné à l’article 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention. Il prétendait en effet que la raison pour laquelle on lui avait refusé de rester dans l’appartement qu’il avait partagé avec son ami décédé tenait à ce qu’ils étaient tous les deux du même sexe. En outre, se plaignant de la durée excessive de la procédure intentée contre la municipalité pour que lui soit reconnu le droit de continuer à occuper le logement litigieux, il invoquait une violation des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention. T Décision : - Sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement : Se référant à sa jurisprudence antérieure,90 la Cour écarte l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement selon laquelle la requérante n’avait pas épuisé toutes les voies de recours interne. - Concernant la violation alléguée des articles 6 et 13 de la Convention : Le requérant se plaignait de la durée excessive de la procédure engagée devant la municipalité. La Cour considère que les durées de procédures devant les juridictions internes et de l’exécution du jugement qui se sont étalées sur près de neuf ans au total ont été excessives. En outre, elle 89 L’arrêt n’est disponible qu’en anglais. 90 CEDH, Grzincic, du 3 mai 2007, req. n/ 26867/02 -87- constate que le droit slovène ne permet pas aux justiciables de se plaindre de la durée excessive de procédures judiciaires et d’exécution. En conséquence, elle conclut à l’unanimité à la violation des articles 6 et 13 de la Convention. - Concernant la violation alléguée de l’article 8 combiné à l’article 14 de la Convention : La Cour admet que les allégations du requérant relèvent du champ d’application de l’article 8 qui comprend le droit au logement. Cependant, en l’espèce, elle considère qu’il n’existe pas de discrimination dans l’exercice de ce droit. En effet, elle note que la relation entre les deux hommes n’était pas de nature homosexuelle et estime que le refus de lui transférer le bail n’était pas fondé sur le fait qu’ils étaient du même sexe. Il n’est donc pas question, selon elle, d’une discrimination fondée sur l’orientation ou le sexe. Ensuite, les juges européens précisent la problématique mise en exergue dans cette affaire : Est-il discriminatoire d’opérer une distinction entre la communauté de vie en couple et la communauté de nature économique ?. Faisant référence à l’arrêt Burden c. Royaume-Uni,91 elle considère qu’établir une différence entre la vie de couple et d’autres formes de cohabitation n’est pas une discrimination au sens de l’article 14 de la Convention. Ainsi, les juridictions internes ont rejeté la demande du requérant au motif que leur relation était fondée sur un rapport de dépendance économique. La Cour constitutionnelle slovène a jugé que ce type de rapport ne pouvait être assimilé à une relation durable peu importe si des personnes de même sexe ou de sexe différents étaient concernées. Au regard de ces différents éléments, la Cour estime que le requérant et son ami n’étaient pas dans une situation analogue à celle d’un couple marié ou non, ou à celle de personnes engagées dans un partenariat civil homosexuel, ou encore à celle de parents proches, lesquels peuvent succéder aux droits du titulaire d’un bail après le décès de celui-ci. La différence de traitement dont se plaignait le requérant n’était donc pas discriminatoire. La Cour considérant que le grief tiré de l’article 8 combiné avec l’article 14 de la Convention est manifestement mal fondé, conclut à l’unanimité à son irrecevabilité. jjj Barraco c. France 5 mars 2009 - req. n/ 31684/05 - Non violation de l’article 11 (liberté de réunion) de la Convention - T Faits : Le 25 novembre 2002, le requérant participa à une « opération escargot », dans le cadre d’une journée d’action revendicative nationale organisée ce jour-là à l’appel d’une intersyndicale des transports routiers, suivant un préavis déposé le 15 novembre 2002. Avec deux autres personnes, ils furent cités à comparaître devant le tribunal de grande instance de Lyon, pour avoir, le 25 novembre 2002, en vue d’entraver la circulation, placé ou tenté de placer sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules, ou employé 91 CEDH, Burden c. Royaume-Uni, du 12 décembre 2006, req. n/ 13378/05. (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 12, novembre-décembre 2006) -88- ou tenté d’employer un moyen quelconque pour y mettre un obstacle en l’espèce en s’arrêtant plusieurs fois avec son véhicule. Par un jugement du 13 novembre 2003, le tribunal de grande instance de Lyon renvoya le requérant des fins de la poursuite. Par un arrêt du 27 mai 2004, sur appel du ministère public, la cour d’appel de Lyon infirma le jugement. Selon la juridiction d’appel, en plaçant et en immobilisant leurs véhicules de manière à occuper l’ensemble des voies de circulation de l’autoroute, les prévenus avaient délibérément fait obstacle au passage des véhicules dans le dessein d’entraver leur progression et s’étaient bien rendus coupables du délit poursuivi et prévu à l’article L. 412-1 du code de la route. Elle décida que la commission d’infraction à la loi pénale ne saurait être justifiée ni par l’exercice du droit de grève ni par les manifestations sur les voies publiques qui constituent un des modes d’expression de la liberté de réunion et qui sont soumises à une obligation de déclaration préalable. La cour d’appel déclara ainsi les prévenus coupables du délit et condamna chacun d’eux à trois mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à 1 500 euros d’amende. Par un arrêt du 8 mars 2005, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par le requérant et l’un de ses co-prévenus. T Griefs : Le requérant estimait incompatible avec ses libertés d’expression, de réunion et d’association syndicale protégées par les articles 10 et 11 de la Convention, la condamnation par la cour d’appel de Lyon, pour délit d’entrave à la circulation publique. Invoquant l’article 6 §§1 et 2 de la Convention, il soutenait également ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable, eu égard à la dénaturation des faits opérée par les juridictions internes et à l’insuffisance de motivation de leurs décisions. Il estimait enfin, qu’en l’absence de preuve certaine de la réalité des faits, il avait été porté atteinte à sa présomption d’innocence. T Décision : Sur le fond : s’agissant d’une manifestation sous la forme de rassemblement et de défilé, la liberté de pensée et la liberté d’expression s’effacent derrière la liberté de réunion pacifique. La Cour n’examine donc le premier grief de requérant que sur le fondement de l’article 11 de la Convention. - Sur la violation alléguée de l’article 11 de la Convention : La Cour observe d’emblée que “le droit à la liberté de réunion est un droit fondamental dans une société démocratique et, à l’instar du droit à la liberté d’expression, l’un des fondements de pareille société. Dès lors, il ne doit pas faire l’objet d’une interprétation restrictive.” (§ 41). Elle reconnaît “que toute manifestation dans un lieu public est susceptible de causer un certain désordre pour le déroulement de la vie quotidienne, y compris une perturbation de la circulation, et qu’en l’absence d’actes de violence de la part des manifestants, il est important que les pouvoirs publics fassent preuve d’une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques, afin que la liberté de réunion ne soit pas dépourvue de tout contenu.” (§ 43). En l’espèce, les juges de Strasbourg constatent à cet égard que le requérant n’a pas été condamné pour avoir participé à la manifestation du 25 novembre 2002 en tant que telle, mais en raison d’un comportement précis adopté lors de la manifestation, à savoir le blocage d’une autoroute, causant par là-même une obstruction plus importante que n’en comporte généralement l’exercice du droit de réunion pacifique. Par ailleurs, les forces de police “n’ont procédé à l’interpellation des trois manifestants que dans le but de mettre fin au blocage complet -89- et après que ceux-ci eurent été à plusieurs reprises prévenus de l’interdiction de s’immobiliser sur l’autoroute et des sanctions qu’ils encouraient” (§ 47). La cour européenne considère que le requérant a pu exercer, dans ce contexte, et durant plusieurs heures, son droit à la liberté de réunion pacifique et que les autorités ont fait preuve de la tolérance nécessaire qu’il convient d’adopter envers de tels rassemblements. “Dans ces conditions, mettant en balance l’intérêt général à la défense de l’ordre et l’intérêt du requérant et des autres manifestants à choisir cette forme particulière de manifestation, et compte tenu du pouvoir d’appréciation reconnu aux Etats en cette matière (...), la condamnation pénale du requérant n’apparaît pas disproportionnée aux buts poursuivis. (G. c. Allemagne)” 92 (§ 48). La Cour juge, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 11 de la Convention. - Sur la violation alléguée de l’article 6 §§ 1 et 2 de la Convention : La Cour écarte à l’unanimité ce grief en rappelant “qu’il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de droit ou de fait prétendument commises par les juridictions internes” (§ 52) et en relevant que les juridictions nationales se sont prononcées à l’issue d’une procédure contradictoire au cours de laquelle les différents moyens de preuve ont été débattus. jjj Hachette Filipacchi Presse Automobile et Dupuy c. France 5 mars 2009 - req. n/ 13353/05 - non violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) et des articles 14 et 10 combinés (interdiction de la discrimination) de la Convention - N Le 5 mars 2009, la Cour européenne, pour des faits et des griefs identiques, a également conclu, à l’unanimité à la non violation de l’article 10 et de l’article 14 combiné à l’article 10 de la Convention dans l’affaire Société de conception de presse et d’édition et Ponson c. France, req. n/ 26935/05. T Faits : La SNC Hachette Filipacchi est l’éditrice d’un magazine mensuel spécialisé dans la présentation et les achats d’automobiles. Le second requérant, M. Dupuy, était à l’époque des faits, le directeur de la publication et gérant de la société. En mars 2002, le magazine publia des photographies prises lors du grand prix d’Australie et présentant le vainqueur de la course. Or, à deux endroits de la photographie, apparaissent les logos de deux marques de tabac. Le Comité national de lutte contre le tabagisme (CNLT) fit citer M. Dupuy, en qualité de prévenu et la SNC en qualité de civilement responsable, devant le tribunal correctionnel pour répondre des faits de publicité indirecte ou clandestine en faveur du tabac ou de ses produits conformément à la législation issue de la loi n/ 91-32 du 10 janvier 1991, dite loi Evin. Le second requérant, reconnu coupable de ces faits, fut condamné en première instance à une amende de 30 000 euros. La SNC Hachette Filipacch fut déclarée solidairement responsable de 92 Décision de la Commission, G. c. Allemagne, du 6 mars 1989. -90- l’amende mise à la charge de M. Dupuy et tous deux furent en outre condamnés à verser au CNLT la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts. La décision fut confirmée en appel, la cour relevant toutefois le montant de la somme à verser au CNLT à 10 000 euros. Le pourvoi exercé par les requérants fut déclaré non admissible par la Cour de cassation. T Griefs : Invoquant l’article 10 de la Convention, les requérants se plaignaient de leur condamnation pour publicité indirecte ou publicité illicite en faveur des produits du tabac. Par ailleurs, dénonçant une différence de traitement par rapport aux médias audiovisuels diffusant des compétitions de sport mécanique dans un pays où la publicité pour le tabac n’est pas interdite, ils alléguaient une violation de l’article 14 combiné avec l’article 10 de la Convention. T Décision : - Concernant l’article 10 de la Convention : Sur la recevabilité du grief : Le Gouvernement expliquait que l’article 10 de la Convention ne pouvait s’appliquer à l’espèce puisqu’il s’agissait d’un litige relatif à la publicité de marques, ayant nécessairement un objectif mercantile et non d’information ou d’expression d’opinions. Par ailleurs, se référant à l’arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 12 janvier 2006 (Allemagne c/ Parlement et Conseil, C-380/03), il soutenait que si les mesures d’interdiction de publicité ont pour effet de réduire indirectement la liberté d’expression, elles laissent intacte la liberté d’expression des journalistes. La Cour européenne rappelle que l’article 10 de la Convention a pour vocation à s’appliquer largement, que le but recherché par les requérants soit ou non lucratif. Elle précise avoir déjà décidé dans plusieurs arrêts que la liberté d’expression s’étend également à la publication de photographies et déclare donc le grief recevable. Sur le bien fondé du grief : La Cour reconnaît l’existence d’une ingérence dans le droit des requérants à la liberté d’expression. Par ailleurs, elle se range de l’avis du Gouvernement pour constater que cette ingérence était prévue par la loi - le code de la santé publique - et qu’elle avait pour but légitime la protection de la santé publique, par la lutte contre le tabagisme. Les juges européens recherchent ensuite si cette ingérence était « nécessaire dans une société démocratique ». En l’espèce, ils relèvent que la publication litigieuse qui touche au domaine commercial, s’inscrit néanmoins “dans le cadre d’une information relative à un événement d’actualité” (§ 45) et que dans ces conditions, la marge d’appréciation laissée à l’Etat se trouve limitée. Ils procèdent ensuite à un examen attentif de la proportionnalité des mesures litigieuses au but poursuivi par l’ingérence. Dans un premier temps, la Cour note qu’il existe un consensus européen visant à réglementer strictement la publicité des produits en faveur du tabac et que cette tendance générale à la réglementation est désormais affichée au niveau mondial. Elle constate également que ce magazine est destiné à un large public et notamment aux jeunes qui se trouvent être vulnérables. -91- Contrairement à ce que soutiennent les requérants, elle estime que la publication litigieuse était “susceptible d’inciter à la consommation, en particulier les jeunes, [ce qui] lui paraît être un motif « pertinent » et « suffisant » pour justifier l’ingérence” (§ 49). Après avoir précisé qu’en l’espèce, “l’image litigieuse ne constitue pas le témoignage d’un moment particulier mais plutôt la reproduction de la mise en scène, par des sponsors, d’un sportif à des fins publicitaires” et relevant qu’il “ne fait aucun doute que la photographie a pour objet d’assurer la publicité de marques de tabac, entre autres”, la Cour précise que les requérants, professionnels de la presse, auraient dû utiliser le procédé technique du « floutage » des logos, très facile à mettre en œuvre et qui n’altère pas “la substance même de la photographie, ni ne porte atteinte à la retransmission exacte de l’information” (§ 49). Enfin, les juges européens s’attachent à la nature des peines infligées aux requérants. Ils admettent que les sommes infligées ne sont pas négligeables, mais rappellent qu’il “convient de les mettre en balance, pour en apprécier la lourdeur, avec les recettes de magazines à fort tirage” comme celui en cause, et considèrent ainsi que la peine n’est pas disproportionnée au but légitime poursuivi. La Cour conclut à l’unanimité, à la non violation de l’article 10 de la Convention. - Concernant l’article 14, combiné à l’article 10 de la Convention : La Cour rappelle que selon sa jurisprudence constante, “une différence de traitement est discriminatoire au sens de l’article 14 si elle manque de justification objective et raisonnable, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas de « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé »”. Elle constate par ailleurs que les juridictions internes, pour rejeter l’argument des requérants fondé sur cet article, avaient relevé que “les moyens techniques ne permettent pas à l’heure actuelle de dissimuler les (...) publicités sur les images retransmises dans les médias audiovisuels. En revanche, il est possible de ne pas photographier de tels signes, de les cacher ou de les rendre flous sur les pages de magazines. Les médias de presse écrite disposent ainsi du temps et des facilités techniques nécessaires pour modifier l’image et rendre flous les logos rappelant des produits du tabac” (§ 63). Enfin, elle relève que la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 mai 2008 (n/ 07-87.128) avait admis comme seule exception à l’interdiction de la publicité indirecte en faveur des produits du tabac, la situation d’une retransmission en temps réel d’une course. Les juges européens en déduisent que les situations des médias audiovisuel et des médias de presse écrite ne sont pas comparables et dès lors concluent, à l’unanimité, à la non violation de l’article 14 combiné avec l’article 10 de la Convention. jjj -92- DÉCISIONS SUR LA RECEVABILITÉ RENDUES PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME Gouveia Gomes Fernandez et Freita E Costa c. Portugal 26 mai 2009 - req. n/ 1529/08 - Décision d’irrecevabilité - Articles 10 (liberté d’expression), 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 14 (interdiction de discrimination) de la Convention - T Faits : En 1996, des poursuites furent engagées contre un avoué et un juge soupçonnés de corruption dans le cadre d’une procédure civile dans laquelle les requérants représentaient en tant qu’avocats l’une des parties. Finalement, le juge bénéficia d’une ordonnance de non-lieu. Le beau frère du juge, qui était également directeur de l’information d’une chaîne télévisée, publia dans un quotidien national un article critiquant fortement ceux qu’il accusait de s’être acharné contre sa belle soeur magistrat. Parmi eux, les ministres de l’Intérieur et de la Justice. En réaction, les requérants firent publier un droit de réponse dans lequel ils mettaient en cause l’avoué et le juge. En janvier 2000, cette dernière saisit le tribunal de Lisbonne d’une demande en dommages et intérêts contre les requérants. Elle avançait également qu’en tant que magistrat, elle avait le droit de bénéficier de l’exemption des frais de justice générés par l’introduction de la demande. Le 21 juillet 2005, le tribunal fit partiellement droit à sa demande en soulignant que les préjudices causés avaient été partiellement réparés dans le cadre d’une procédure précédemment introduite par la demanderesse. Cette dernière et les requérants interjetèrent appel de ce jugement. Précisément, les requérants s’opposaient à l’exemption des frais de justice accordée à la demanderesse car, selon eux, un tel traitement était constitutif d’une atteinte au principe de l’égalité des armes. Par un arrêt en date du 20 juin 2006, la cour d’appel rejeta le recours des requérants et fit partiellement droit à celui de la demanderesse. Soulignant que le droit à la liberté d’expression devait céder devant le droit à la protection de la réputation du juge, elle confirma l’exemption des frais de justice en sa faveur. Les requérants se pourvurent en cassation devant la Cour suprême qui rejeta le pourvoi par un arrêt de juin 2007. Ils déposèrent également un recours devant le Tribunal constitutionnel qui déclara le recours irrecevable au motif qu’il n’était pas compétent pour apprécier l’inconstitutionnalité d’une décision judiciaire. T Griefs : Invoquant l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention, les requérants estimaient que leur condamnation avait porté atteinte à leur droit à la liberté d’expression. Affirmant que les principes d’égalité des armes et de non-discrimination avaient été violés du fait de l’exemption des frais de justice dont avait bénéficié la partie adverse, ils invoquaient également les articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 14 (Interdiction de discrimination) de la Convention. -93- T Décision : - Concernant l’allégation de violation de l’article 10 de la Convention : La Cour affirme ne pas être, en l’état actuel du dossier, en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief. Elle décide donc de communiquer cette partie de la requête au Gouvernement défendeur afin de recueillir ses observations. - Concernant les allégations de violation des articles 6 § 1 et 14 de la Convention : La Cour souligne que sa tâche consiste uniquement à rechercher si la procédure envisagée (...) a revêtu un caractère équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. Elle rappelle ensuite, selon sa jurisprudence antérieure 93 que “le principe de l’égalité des armes, l’un des éléments de la notion plus large de procès équitable, exige un juste équilibre entre les parties : chacune doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires”. Puis, la juridiction européenne indique qu’en l’espèce, elle n’a pas décelé en quoi la position procédurale des requérants avait été affectée par l’exemption des frais de justice dont avait bénéficié la partie adverse. Elle constate également que les requérants ne lui ont apporté aucune précision à cet égard. Dans ces conditions, la Cour rejette le grief soulevé par les requérants pour défaut manifeste de fondement. La juridiction strasbourgeoise étudie ensuite le grief tiré de l’article 14 de la Convention. Sur ce point, elle rappelle au préalable l’arrêt Nerva c. Royaume-Uni 94 dans lequel elle indiquait que “pour que cette disposition trouve à s’appliquer, il faut établir que des personnes placées dans des situations analogues ou comparables en la matière jouissent d’un traitement préférentiel et que cette distinction ne trouve aucune justification objective ou raisonnable”. En l’espèce, il n’est pas possible de considérer que les requérants se trouvaient dans une situation analogue à celle de la partie adverse, à savoir un magistrat judiciaire. En effet, selon la Cour, tout système judiciaire interne peut connaître différentes catégories de plaignants soumis à des procédures ou à des principes divers, classés en fonction du type de préjudice subi, de la base juridique de la plainte ou encore d’autres facteurs.95 La Cour européenne précise ensuite que “cela est également valable s’agissant de différentes catégories de plaideurs : des considérations différentes peuvent s’appliquer à chacune de ces catégories. En l’occurrence, le droit portugais en la matière dispose que les magistrats judiciaires doivent bénéficier d’une exemption spéciale des frais de justice lorsqu’ils sont partie à un litige en vertu de l’exercice de leurs fonctions. Or les juridictions internes ont considéré en l’espèce que la demanderesse pouvait bénéficier d’une telle exemption, la procédure litigieuse rentrant dans le champ d’application de l’article 17 § 1 g) du statut des magistrats judiciaires.” Elle souligne ensuite qu’ “à supposer même que l’on pût dresser une comparaison entre les deux groupes de plaideurs en présence, la différence de traitement pourrait encore se fonder sur une différence objective et raisonnable : il est en effet tout à fait raisonnable, et cela relève de la marge d’appréciation reconnue aux Etats contractants dans ces domaines, d’instaurer un régime 93 CEDH, Nideröst-Huber c. Suisse, du 18 février 1997, § 23, Recueil des arrêts ou décisions 1997-I et CEDH, Kress c. France, du 7 juin 2001, req. n/ 39594/98, § 72. 94 CEDH, Nerva et autres c. Royaume-Uni, du 24 septembre 2002, req. n/ 42295/98, § 48. 95 CEDH, Stubbings et autres c. Royaume-Uni, 22 octobre 1996, req. n/ 22083/93 et n/ 22095/93, § 73. -94- distinct en matière de paiement de frais de justice pour les magistrats judiciaires, qui peuvent souvent être confrontés, de par l’exercice de leurs fonctions judiciaires, à des procédures introduites par des plaideurs mécontents”. Au vu de ces différents éléments, la Cour déclare les griefs allégués mal fondés et rejette cette partie de la requête. Considérant cependant que la requête mérite d’être examinée au regard de l’article 10 de la Convention, elle ajourne l’examen tiré de ce grief tiré et déclare la requête irrecevable pour le surplus. jjj Pipi c. Turquie 12 mai 2009 - req. n/ 4020/03 - Décision d’irrecevabilité - Articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 14 (interdiction de discrimination) de la Convention - T Faits : Le requérant était associé d’une société de production, Yasmin SARL et d’un institut de beauté. Il signa en avril 2000 un chèque d’un montant de 42 000 dollars au nom de Yasmin SARL. En juin de la même année, le destinataire du chèque porta plainte contre le requérant pour émission d’un chèque sans provision et déclencha une procédure d’exécution forcée. Peu après, le requérant s’acquitta de sa dette et le créancier retira sa plainte pénale et sa demande d’exécution forcée. En juillet 2000, le quotidien Star publia un article et la chaîne de télévision Interstar diffusa une un reportage mettant en cause le requérant. Celui-ci exigea du quotidien et de la chaîne de télévision qu’ils effectuent un rectificatif. Face au refus du quotidien, le requérant saisit le juge de paix d’Istanbul qui fit droit à sa demande au motif que l’article publié en cause n’était fondé sur aucune donnée susceptible d’étayer les propos litigieux. Parallèlement, le requérant introduisit deux actions en dédommagement moral devant le tribunal de grande instance d’Istanbul : l’une contre la société éditrice et le rédacteur en chef du journal Star et l’autre contre la chaîne de télévision Interstar. Dans les deux affaires, la Cour de cassation rejeta les pourvois. T Griefs : Invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention, le requérant soutenait que la diffusion des informations litigieuses avait porté une atteinte injustifiée à sa vie privée. Il dénonçait en outre l’iniquité, au regard de l’article 6 § 1( droit à un procès équitable) de la Convention, des procédures menées devant les juridictions civiles qui, selon lui, en l’ayant débouté de ses demandes, avaient toléré la diffamation dénoncée. A cet égard, il invoquait également l’article 14 (interdiction des discriminations) de la Convention car il estimait avoir été victime de discrimination. -95- T Décision : - Concernant l’article 8 de la Convention : La Cour rappelle tout d’abord les principes généraux relatifs d’une part, au rôle des médias écrits 96 ou audiovisuels 97 et, d’autre part, à la protection de la vie privée des personnes.98 Elle relève ensuite que l’article et l’émission en cause ont décrit le requérant comme un homme d’affaires ayant des problèmes financiers et judiciaires. Selon elle, “il s’agissait d’une série de spéculations tirées d’un fait judiciaire, exposées sur le ton de la rumeur propre au genre du média en cause ; mais, contrairement à d’autres affaires comparables (...), les informations diffusées ne portaient pas sur les détails purement personnels de la vie du requérant ni n’étaient le fruit d’une intrusion intolérable et continue dans celle-ci”.99 Ainsi, la Cour estime que “pareilles informations ne pouvaient constituer, pour la vie privée du requérant, une ingérence à ce point grave que son intégrité personnelle fût lésée ; seule pouvait donc être en jeu sa réputation, dont la protection est justement une des limites à la liberté d’expression, au sens de l’article 10 § 2 de la Convention”. Elle décide donc d’examiner la position des juges nationaux sur ce dernier point. Les juges européens relèvent qu’en l’espèce, le tribunal de grande instance d’Istanbul a considéré que l’article et l’émission litigieux “s’inscrivaient dans le cadre de sujets relevant du devoir d’information de la presse et qu’il n’y avait pas eu atteinte au droit à la personnalité du requérant, en l’absence d’un élément illicite ayant causé un tort moral quelconque”. Ils soulignent que la juridiction nationale a considéré que ces informations étaient « en substance exactes » car elles provenaient des dossiers officiels ouverts contre le requérant auprès du parquet ; il existait donc une base factuelle pour justifier les propos litigieux et rien ne permettait d’en sanctionner les auteurs. Ainsi, tout en reconnaissant que l’article et l’émission en cause contenaient des informations ne figurant pas dans les dossiers officiels relatifs au requérant, la Cour estime pouvoir retenir l’interprétation des juges nationaux. Elle précise que “s’il s’agit là d’une situation qui pourrait être critiquable du point de vue de la déontologie journalistique” 100, elle y voit “davantage l’expression de la « dose d’exagération » dont il est permis d’user dans le cadre de l’exercice de la liberté journalistique” 101. Ainsi, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la juridiction européenne décide que “rien ne permet de conclure que le tribunal de grande instance d’Istanbul a dépassé la marge d’appréciation, lorsqu’il a relativisé le poids du droit à la protection de la vie privée du requérant, 96 CEDH, Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège, du 20 mai 1999, req. n/ 21980/93, §§ 58-60; CEDH, Tammer c. Estonie, du 6 février 2001, req. n/ 41205/98, §§ 59-63. 97 CEDH, Radio France et autres c. France, du 30 mars 2004, req. n/ 53984/00, §§ 32-33 et 39 et CEDH, Jersild c. Danemark, du 23 septembre, req. 15890/89, n/ série A n/ 298, § 31. 98 CEDH, Von Hannover c. Allemagne, du 28 juillet 2005, req. n/ 59320/00, §§ 56-60; CEDH, Sciacca c. Italie, du 11 janvier 2005, req. n/ 50774/99, §§ 27 et 29 ; CEDH, Société Prisma Presse c. France, du 1er juillet 2003, req. n/ 66910/01 et 71612/01. 99 CEDH, Von Hannover, précité, §§ 59 et 65 ; CEDH, Campmany y Diez de Revenga et Lopez Galiacho Perona c. Espagne, du 12 décembre 2000, req. n/ 54224/00 ; CEDH, Julio Bou Gibert et El Hogar Y La Moda J.A. c. Espagne, du 13 mai 2005, req. n/ 14929/02. 100 CEDH, Bladet Tromsø et Stensaas, précité, § 65 ; CEDH, Colombani et autres c. France, du 25 juin 2002, req. n/ 51279/99, § 65 et CEDH, Radio France et autres, précité, § 37. 101 CEDH, Prager et Oberschlick c. Autriche, du 26 avril 1995, req. n/ 15974/90, série A, n/ 313 § 38. -96- au sens de l’article 8, dans la mise en balance des intérêts concurrents des médias mis en cause, au regard de l’article 10 de la Convention” 102. Estimant que le grief est dépourvu de fondement, elle rejette le grief tiré de la violation de l’article 8 de la Convention. - Concernant les articles 6 et 14 de la Convention : La Cour constate que le grief tiré de l’article 6 de la Convention soulève la même problématique que celui formulé sur le terrain de l’article 8 de la Convention.103 Elle considère qu’aucun problème distinct ne se pose sur le terrain de l’article 6, pris isolément ou combiné avec l’article 14, du fait du rejet des actions civiles du requérant et décide de rejeter cette partie de la requête comme étant dénuée de fondement. La Cour déclare, à la majorité, la requête irrecevable. jjj Tas c. Belgique 12 mai 2009 - req. n/ 44614/06 - Décision d’irrecevabilité - Article 1er du protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété), articles 3 (interdiction de la torture) et 7 (pas de peine sans loi) de la Convention - T Faits : Le requérant fut poursuivi devant le tribunal correctionnel de Liège pour avoir abusé de la vulnérabilité d’étrangers en situation irrégulière en leur louant des habitations dans l’intention de réaliser un profit exorbitant. Constatant que les logements en question n’étaient pas en état d’être loués, la juridiction le condamna en septembre 2005 à une peine d’un an d’emprisonnement et au paiement d’une amende. Elle ordonna également la confiscation des immeubles concernés. En appel, la Cour releva que la confiscation visée par l’article 42, 1 du code pénal, qui autrefois était facultative, était désormais rendue obligatoire par l’article 433 du même code. Elle décida donc d’alourdir la peine d’emprisonnement et de confirmer l’amende ainsi que la confiscation des biens concernés. T Griefs : Invoquant l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété) et l’article 3 de la Convention (Interdiction de la torture), le requérant affirmait que la confiscation de ses biens était constitutive d’un traitement inhumain et dégradant. Il invoquait également l’article 7 (pas de peine sans loi) de la Convention au motif que les juges d’appel lui auraient appliqué une loi nouvelle de façon rétroactive. 102 CEDH, Société Prisma Presse, précitée. 103CEDH, Fayed c. Royaume-Uni, du 21 septembre 1994, req. n/ 17101/90, série A n/ 294 B, § 67. -97- T Décision : - Concernant la violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention : A titre liminaire, la Cour constate que la confiscation litigieuse “a constitué sans nul doute une ingérence dans la jouissance du droit du requérant au respect de ses biens”. Elle précise ensuite que “la confiscation qui a frappé un bien dont les tribunaux avaient constaté son usage illégal, a eu pour but d’éviter que l’immeuble du requérant soit utilisé pour commettre d’autres infractions”. La juridiction européenne poursuit en affirmant que même si cette confiscation a entraîné une privation de propriété, elle relève cependant d’une réglementation de l’usage des biens au sens du second aliéna de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1, qui permet aux Etats d’adopter “les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général”.104 Or, elle rappelle que, selon sa jurisprudence, pour être justifiée, une ingérence au sens du second aliéna de l’article 1er du Protocole n/ 1 doit être respectée les conditions de cette disposition. En d’autres termes, il incombe à la Cour de rechercher si l’équilibre a été maintenu entre les exigences de l’intérêt général et l’intérêt du ou des individus concernés.105 Elle note, qu’en l’espèce, la confiscation de l’immeuble a été ordonnée conformément à la législation nationale et qu’elle était donc prévue par la loi. Par ailleurs, cette ingérence avait pour “but légitime de combattre le trafic d’êtres humains et l’exploitation d’étrangers en situation précaire, ce qui correspond à l’intérêt général”.106 Les juges de Strasbourg examinent ensuite la question de l’équilibre entre ce but et les droits fondamentaux du requérant. Sur ce point, ils rappellent qu’en matière de confiscation de biens utilisés illégalement, un tel équilibre dépend de plusieurs facteurs et circonstances, parmi lesquelles l’attitude du propriétaire. Ils recherchent donc si les autorités belges ont effectivement pris en compte l’attitude du requérant et si la procédure devant les juridictions internes lui a offert “une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes” 107. En l’espèce, la Cour relève que l’article 433 terdecies alinéa 2 du code pénal belge rend obligatoire la confiscation de biens objets de certaines infractions et qu’elle se situait donc dans le cadre du droit pénal. Elle précise que “dans le cadre d’une confiscation à titre de sanction, il faut que le propriétaire du bien confisqué puisse invoquer son innocence, sans quoi le juste équilibre entre la protection du droit au respect des biens et l’exigence de l’intérêt général n’est pas respecté”. A cet égard, la juridiction européenne constate que la cour d’appel belge a longuement motivé sa décision de condamner le requérant. Au regard de l’ensemble de ces éléments et “compte tenu de la marge d’appréciation qui revient aux Etats lorsqu’ils réglementent « l’usage des biens conformément à l’intérêt général », en particulier dans le cadre d’une politique visant à combattre des phénomènes criminels, la Cour conclut que l’ingérence dans le droit du requérant au respect de ses biens n’a pas été disproportionnée par rapport au but légitime poursuivi”. Elle décide donc que ce grief manifestement mal fondé doit être rejeté. 104 CEDH, Agosi c. Royaume-Uni, du 24 octobre 1986, req. n/ 9118/80, série A, n/ 108, § 51 et CEDH, Handyside c. RoyaumeUni, du 7 décembre 1976, série A n/ 24 , req. n/ 5493/72, § 62-63. 105 CEDH, Sporrong et Lönnroth c. Suède, du 23 septembre 1982, req. n/ 7151/75 et n/ 7152/75, série A, n/ 52, § 69 et 73 et CEDH, James et autres c. Royaume-Uni, du 21 février 1986, req. n/ 8793/79, série A,, n/ 98 § 50. 106 CEDH, Air Canada c. Royaume-Uni, du 5 mai 1995, req. n/ 18465/91, série A n/ 316-A, §§ 41-42. 107 CEDH, Agosi c. Royaume-Uni, précité, §§ 54-55 et §§ 58-60 et CEDH, Air Canada c. Royaume-Uni, précité, § 46. -98- - Concernant les griefs tirés des articles 3 et 7 de la Convention : Le requérant ayant invoqué le grief tiré de la violation de l’article 3 de la Convention pour la première fois devant la Cour de cassation, les juges de Strasbourg le rejettent pour non-épuisement des voies de recours internes. Le second grief tiré d’une prétendue violation de l’article 7 de la Convention est déclaré manifestement infondé par les juges européens. Ils estiment qu’il ressort de l’arrêt de la Cour de cassation que le moyen selon lequel l’article 433 terdecies avait remplacé la confiscation facultative des biens appartenant au condamné par une confiscation obligatoire, était erroné. En effet, la confiscation était déjà obligatoire sous l’empire de l’ancienne loi (article 42, 1/ du code pénal et article 77bis, § 5 de la loi du 15 décembre 1980) et la nouvelle loi n’a eu pour effet que d’étendre l’obligation de prononcer cette peine à l’égard des biens n’appartenant pas au condamné. Par conséquent, ils rejettent cette partie de la requête.. jjj Gasparini c. Italie et Belgique 12 mai 2009 - req. n/ 10750/03 - Décision d’irrecevabilité - Article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable) - T Faits : En 1999, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord décida que le taux de la contribution des agents au régime des pensions serait porté de 8 à 8, 3%. Le requérant, un salarié de l’Organisation, adressa alors une réclamation contestant cette augmentation. En janvier 2001, il saisit la Commission de recours de L’OTAN (ci-après CROTAN) d’un recours en annulation de cette décision. Il demanda également le retour à un taux de sa contribution à hauteur de 8% ainsi que le remboursement des sommes correspondant à la différence entre ces deux taux qui avaient été prélevées sur son salaire depuis le 1er janvier 2000. Par décision du 5 septembre 2002, la CROTAN rejeta la requête en considérant que l’intéressé n’était pas fondé à contester l’augmentation du taux de cotisation. T Griefs : Invoquant l’article 6 de la Convention (droit à un procès équitable), le requérant soutenait que la procédure devant la CROTAN ne répondait pas aux exigences du procès équitable. Il visait notamment l’article 4.71 du règlement du personnel civil prévoyant l’absence de publicité des débats ayant lieu devant cet organe. Il mettait également en cause la partialité des membres de cette Commission. Enfin, le requérant reprochait à la Belgique, Etat du siège de l’Organisation, et à l’Italie, son pays d’origine, de ne pas avoir veillé à ce que l’OTAN mette en place un système juridictionnel interne compatible avec les exigences de la Convention. -99- T Décision : - Sur les principes applicables : La Cour explique avoir posé, dans les affaires Bosphorus, Behrami et Behrami c. France et Saramati c. Allemagne, France et Norvège,108 le principe selon lequel, si la Convention n’interdit pas aux Etats de transférer des pouvoirs souverains à une organisation internationale, ils restent, au titre de l’article 1er de la Convention, responsables de tous les actes et omissions de leurs organes. Elle rappelle également que lorsque l’acte d’un Etat se justifie par le respect d’une obligation découlant de son appartenance à une organisation internationale et que cette organisation accorde une protection des droits fondamentaux au moins équivalente à celle offerte par la Convention, l’Etat en question bénéficie d’une présomption de respect des exigences de la Convention. Cette présomption peut néanmoins être renversée, notamment si l’on estime que la protection des droits était entachée d’une « insuffisance manifeste ». “Dans un tel cas, le rôle de la Convention en tant qu’« instrument constitutionnel de l’ordre public européen » dans le domaine des droits de l’homme l’emporterait sur l’intérêt de la coopération internationale” 109. Les juges de Strasbourg rappellent également s’être prononcés sur des questions similaires à celles de l’espèce, dans deux affaires portant sur des litiges opposant des fonctionnaires internationaux aux organisations qui les employaient 110. Dans ces deux affaires, la juridiction européenne avait constaté qu’à aucun moment les Etats défendeurs n’étaient intervenus dans les litiges en cause et elle n’avait relevé aucune action ou omission de leur part susceptible d’engager leur responsabilité au regard de la Convention. Elle avait donc conclu que les requérants ne relevaient pas de la « juridiction » des Etats mis en cause et que leurs griefs étaient incompatibles rationae personae avec les dispositions de la Convention. La Cour fait également référence à l’affaire Cooperatieve Producentenorganisatie Van de Nederlandse Kokkelvisserij U.A. c. Pays-Bas 111, au cours de laquelle elle avait précisé que la présomption de respect de la Convention s’applique aux actions commises par les Etats ainsi qu’aux procédures suivies au sein de l’organisation en question, et en l’espèce, aux procédures devant la Cour de justice des communautés européennes. A cette occasion, elle avait affirmé que la protection accordée aux droits fondamentaux par l’Organisation ne devait pas nécessairement être identique à celle assurée par l’article 6 de la Convention et que la présomption de régularité ne pouvait être renversée que si la protection des droits garantis par la Convention était entachée d’une insuffisance manifeste. Pour les juges européens, il ressort de ces principes que les Etats membres, au moment où ils transfèrent une partie de leurs pouvoirs souverains à une organisation internationale à laquelle ils adhèrent, ont l’obligation de veiller à ce que les droits garantis par la Convention reçoivent au sein de cette organisation une « protection équivalente » à celle assurée par le mécanisme de la Convention. Ainsi, “la responsabilité d’un Etat partie à la Convention pourrait être mise en 108 CEDH, Bosphorus Airways c. Irlande, du 30 juin 2005, req. n/ 45036/98, CEDH, Behrami et Behrami c. France, du 31 mai 2007, req. n/ 71412/01 et CEDH, Saramati c. Allemagne, France et Norvège, du 31 mai 2007, req. n/ 78166/01. 109 CEDH, Bosphorus Airways, précité, §§ 155-156 ; CEDH, Saramati c. Allemagne, France et Norvège, précité, § 145. 110 CEDH, Boivin c. 34 Etats membres du Conseil de l’Europe, du 9 septembre 2008, req. n/ 73250/01 (Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 21 (septembre-octobre 2008)) et CEDH, Connolly c. 15 Etats membres de l’Union européenne, du 9 décembre 2008, req. n/ 73274/01. 111 CEDH, Cooperatieve Producentenorganisatie Van de Nederlandse Kokkelvisserij U.A. c. Pays-Bas, du 20 janvier 2009, req. n/ 13645/05. -100- jeu au regard de celle-ci s’il s’avérait ultérieurement que la protection des droits fondamentaux offerte par l’organisation internationale concernée était entachée d’une « insuffisance manifeste »”. Cependant, ils considèrent qu’un Etat contractant “ne peut se voir imputer une violation alléguée de la Convention à raison d’une décision ou d’une mesure émanant d’un organe d’une organisation internationale dont il est membre, dans la mesure où il n’a pas été établi ni même allégué que la protection des droits fondamentaux globalement offerte par ladite organisation internationale ne serait pas « équivalente » à celle assurée par la Convention et où l’Etat concerné n’est intervenu ni directement ni indirectement dans la commission de l’acte litigieux”. - Application de ces principes à l’affaire en cause : Concernant la publicité des débats : La Cour européenne estime qu’il faut rechercher si le mécanisme contesté est entaché d’une « insuffisance manifeste », “ce qui renverserait en l’espèce, la présomption de respect par les Etats défendeurs de leurs obligations au titre de la Convention”. A cet égard, elle souligne cependant que “son contrôle en vue de déterminer si la procédure devant la CROTAN, organe d’une organisation internationale ayant une personnalité juridique propre et non partie à la Convention, est entachée d’une insuffisance manifeste est nécessairement moins ample que le contrôle qu’elle exerce au regard de l’article 6 sur les procédures devant les juridictions internes des Etats membres de la Convention, lesquels se sont obligés à en respecter les dispositions”. Elle poursuit en indiquant qu’ “il lui faut en réalité déterminer si, au moment où ils ont adhéré à l’OTAN et lui ont transféré certains pouvoirs souverains, les Etats défendeurs ont pu, de bonne foi, estimer que le mécanisme de règlement des conflits du travail interne à l’OTAN n’était pas en contradiction flagrante avec les dispositions de la Convention”. Les juges de Strasbourg précisent avoir déjà indiqué que la tenue d’une audience publique constitue un principe fondamental consacré par l’article 6 § 1 de la Convention. Cependant, “cette disposition n’exige pas nécessairement la tenue d’une audience dans toutes les procédures. Tel est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui aurait requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d’autres pièces”. Ils rappellent également avoir déjà reconnu, notamment dans l’arrêt Schuler-Zgraggen c. Suisse, du 24 juin 1993,112 que les autorités nationales peuvent estimer que l’organisation systématique de débats peut constituer un obstacle à la diligence particulière requise en matière sociale et empêcher le respect du délai raisonnable visé à l’article 6 § 1 de la Convention. Ils soulignent par ailleurs que si dans plusieurs affaires, ils ont d’abord estimé qu’une procédure se déroulant devant un tribunal statuant en premier et dernier ressort, une audience devait avoir lieu sauf si des circonstances exceptionnelles justifiaient de s’en dispenser,113 ils ont par la suite considéré que l’existence de pareilles circonstances dépendait essentiellement de la nature des questions soumises aux tribunaux internes et non de la fréquence des litiges au cours desquelles celles-ci se posent. Sur ce point, la Cour cite l’affaire Jussila c. Finlande.114 Il s’agissait d’une affaire pénale pour laquelle la juridiction nationale avait jugé que la tenue d’une audience publique n’était pas 112CEDH, Schuler-Zgraggen c. Suisse, du 24 juin 1993, req. n/ 14518/89 , série A n/ 263, § 58. 113 Notamment, CEDH, Håkansson et Sturesson c. Suède, du 21 février 1990, req. n/ 11855/85 , § 64 et CEDH, Fredin c. Suède (n/ 2), du 23 février 1994, req. n/ 18928/91, série A n/ 283-A, §§ 21-22. 114 CEDH, Jussila c. Finlande, du 23 novembre 2006, req. n/ 73053/01, § 48 . -101- nécessaire. Or, dans cette affaire, la Cour de Strasbourg avait estimé que l’intéressé avait eu amplement l’occasion de présenter par écrit ses moyens de défense et de répondre aux conclusions des autorités fiscales et en avait conclu que “les exigences d’équité avaient été satisfaites et que, eu égard aux circonstances particulières de la cause, elles n’impliquaient pas la tenue d’une audience”. La Cour européenne remarque ensuite que, dans la plupart des affaires concernant une procédure devant des juridictions « civiles » statuant au fond dans lesquelles elle était arrivée à cette conclusion, le requérant avait eu la possibilité, contrairement à la présente affaire, de solliciter la tenue d’une audience publique.115 En l’espèce, elle relève que l’article 4.71 de l’annexe IX du règlement du personnel civil de l’OTAN prévoit expressément « que les séances de la Commission de recours ne sont pas publiques », cette disposition étant cependant fortement nuancée par l’article suivant, qui dispose quant à lui que les parties au litige peuvent « assister aux débats et développer oralement tous arguments à l’appui des moyens invoqués dans leurs mémoires [ainsi que] se faire assister ou représenter à cet effet soit par un membre du personnel civil ou militaire de l’OTAN soit par un conseil choisi par eux ». Plus généralement, la Cour note que la CROTAN est compétente pour connaître des litiges entre les instances dirigeantes de l’OTAN et ses personnels civils. Elle note également que “dans sa décision du 4 septembre 2002 déboutant le requérant, la CROTAN a justifié l’absence de caractère public des débats par la nécessité d’ « en préserver la sérénité dans le contexte spécifique d’une organisation telle que l’OTAN (...) »”. Ainsi, “au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour estime que les deux Etats défendeurs, au moment où ils ont approuvé le règlement sur le personnel civil, ont pu considérer à bon droit que le type d’affaires dont la CROTAN a à connaître pouvaient être examinées et tranchées par elle de manière adéquate dans le cadre de la procédure prévue par le règlement applicable, et, qu’eu égard à l’ensemble des dispositions de ce règlement, notamment à l’article 4.72 précité, les exigences d’équité étaient satisfaites sans la tenue d’une audience publique. Sans examiner plus avant le cas d’espèce, elle relève qu’il ressort de la décision de la CROTAN et des autres éléments du dossier que l’absence de publicité n’a en rien nui à l’équité de l’ensemble de la procédure”. Sur l’allégation de défaut d’impartialité des membres de la Commission : Sur ce point, la Cour remarque que les membres de la Commission, qui sont désignés par le Conseil de l’Atlantique Nord, sont des personnes extérieures à l’OTAN et “dont la compétence est « établie »”. Elle observe par ailleurs qu’il ressort de l’article 4.21 que les recours soumis à la CROTAN doivent être dirigés contre des décisions des chefs des organismes de l’OTAN, que ceux-ci appliquent ou non les décisions de Conseil de l’Atlantique Nord. Par ailleurs, elle note que tout requérant peut invoquer une présomption de partialité et demander la modification de la composition de la Commission, ce qui ne fut pas le cas en l’espèce. Au vu des ces éléments, “la Cour estime que les deux Etats mis en cause ont pu à bon droit considérer (...) que les dispositions régissant la procédure devant la CROTAN satisfaisaient aux exigences du procès équitable. Aucun élément susceptible de contredire ce constat n’a été porté à la connaissance de la Cour. Elle en conclut que la protection offerte au requérant en l’espèce par le mécanisme de règlement interne des conflits de l’OTAN n’était donc pas entachée d’une « insuffisance manifeste » au sens donné à ce terme dans l’arrêt Bosphorus, particulièrement 115 CEDH, Martinie c. France, du 12 avril 2006, req. n/ 58675/00, § 41. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 9 (MarsAvril 2006) -102- dans le contexte spécifique d’une organisation telle que l’OTAN. Dès lors, elle considère que le requérant n’est pas fondé à faire grief à l’Italie et à la Belgique d’avoir souscrit à un système contraire à la Convention, et que la présomption de respect de celle-ci par ces deux Etats n’a pas été renversée”. Les juges de Strasbourg décident donc que les griefs du requérant sont manifestement mal fondés et déclarent la requête irrecevable. jjj Menéndez Garcia c. Espagne 5 mai 2009 - req. n/ 21046/07 - Décision d’irrecevabilité - Articles 6 § 1 (droit à un procès équitable), 8 § 1 (droit à la protection de la vie privée et de la vie familiale) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention - T Faits : En janvier 2000, la requérante saisit le juge de première instance d’Oviedo afin que son père, décédé en 1974, soit reconnu comme le fils naturel de V.T.A., également décédé. Elle sollicitait l’exhumation du corps de V.T.A. et la pratique d’analyses ADN afin de clarifier l’existence du lien de paternité. Au soutien de sa demande, elle affirmait que son père était le fruit d’une relation extra-matrimoniale entre V.T.A. et l’une de ses employées. Elle soutenait qu’il existait une « possession d’état » entre son père et V.T.A et apportait des éléments de preuve tels que des photos et les dépositions du maire de leur village d’origine assurant que cette paternité était connue par l’ensemble des habitants, V.T.A. se comportant publiquement comme le père de l’enfant. La famille de V.T.A. fit part de son opposition à cette demande. En novembre 2000, le juge de première instance de Oviedo décida de surseoir à statuer sur la demande d’analyses ADN jusqu’à la prise de décision relative à la qualité d’agir de la requérante. Par un jugement du 19 septembre 2001, il “rejeta la requête en raison du manque de légitimation de la requérante”. En effet, il estima que ni la législation applicable lors des décès de son père et de V.T.A., ni celle en vigueur au moment de l’introduction de la requête ne prévoyaient cette possibilité. Il considéra également que les éléments apportés par la requérante n’étaient pas suffisant pour établir une « possession d’état » entre son père et V.T.A.. La requérante interjeta appel de cette décision. Le 18 septembre 2002, l’Audiencia Provincial de Oviedo rejeta ce recours jugeant qu’aucune des conditions suivantes n’était réunie : l’action en réclamation de la filiation correspondait exclusivement à l’enfant, les héritiers de ce dernier étant légitimés seulement s’il était décédé mineur ou juridiquement incapable. En tout état de cause, le délai pour effectuer la demande était de cinq ans. S’agissant de la demande de la requérante à être reconnue comme petite-fille de V.T.A., l’arrêt signala que celle-ci se heurtait au rejet, faute de reconnaissance de la filiation de son père. Le pourvoi en cassation formé par la requérante fut rejeté le 16 mars 2005 par le Tribunal suprême. A cette occasion, il rappela qu’en droit espagnol la déclaration de « grand-paternité » était soumise à l’existence préalable d’une relation de paternité, qui en l’espèce n’avait pas été établie. -103- Invoquant les articles 14 (interdiction de la discrimination) et 24 (droit à un procès équitable) de la Constitution espagnole, la requérante forma un recours d’Amparo devant le Tribunal constitutionnel. Par une décision du 13 décembre 2006, la Haute juridiction rejeta le recours en considérant, d’une part, que les décisions qui avaient rejeté la prétention de la requérante étaient suffisamment motivées et dénuées d’arbitraire et d’autre part, que la demande de reconnaissance de « grand-paternité » ne pouvait être acceptée, dans la mesure où il manquait l’établissement préalable d’une déclaration de filiation. La Haute juridiction considéra par ailleurs qu’aucun élément du dossier ne permettait de conclure à un traitement discriminatoire vis-à-vis de la requérante. T Griefs : Devant la Cour européenne, la requérante invoquait une violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable). Elle estimait que le refus de sa demande d’analyses ADN était à l’origine du rejet de sa demande de reconnaissance de l’existence d’une « possession d’état » entre son père et V.T.A.. Elle invoquait également une violation de l’article l’article 8 § 1 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale) dans la mesure où la déclaration de « grand-paternité » dépendait de l’établissement de la « possession d’état » entre son père et V.T.A.. Enfin, elle invoquait une violation de l’article 13 de la Convention (droit à un recours effectif), estimant ne pas avoir bénéficié d’un recours effectif contre la décision l’ayant considérée comme non légitimée pour introduire l’action en reconnaissance de filiation. T Décision : La Cour relève tout d’abord que la requérante, invoquant l’article 6 § de la Convention, se limite à montrer son désaccord avec les décisions des juridictions internes qui constatèrent son absence de légitimation à solliciter sa déclaration de filiation. Sur ce point, elle rappelle qu’il incombe en premier lieu aux autorités nationales d’interpréter la législation interne 116 et note qu’en l’espèce, les juridictions internes ont rendu des décisions suffisamment motivées et qui ne peuvent être considérées comme entachées d’arbitraire. De ce fait, elle rejette le grief pour défaut manifeste de fondement (§ 1). Puis, les juges de Strasbourg considèrent que la déclaration d’absence de légitimité pour agir prononcée par les juridiction internes à l’égard de la requérante et leur rejet de sa demande de « grand-paternité » ont eu une incidence sur sa vie privée. Or, conformément à la jurisprudence établie dans l’arrêt Jäggi c. Suisse 117, “le droit à l’identité, dont relève le droit à connaître son ascendance, fait partie intégrante de la notion de vie privée” ; l’article 8 de la Convention doit donc s’appliquer. Ils rappellent également qu’il est nécessaire de mettre en balance ce droit à la lumière du “droit des tiers à l’intangibilité du corps du défunt, le droit au respect des morts ainsi que l’intérêt public à la protection de la sécurité juridique”. A cet égard, la Cour “considère que l’intérêt dans la connaissance de l’identité varie en fonction du degré de proximité des ascendants. En effet, alors qu’il convient de lui accorder la plus haute importance s’agissant des ascendants directs, à savoir les parents, son poids en relation avec d’autres intérêts diminue en fonction de l’éloignement dans le degré de parenté. Il appartient à chaque État de ménager son ordre juridique interne en utilisant la marge d’appréciation dont il dispose pour pondérer les intérêts en conflit dans chaque cas d’espèce. Un des moyens d’effectuer cette pondération est la réglementation des conditions d’octroi de la capacité pour agir dans les demandes de reconnaissance de paternité” (§ 2). 116 CEDH, Tejedor García c. Espagne, du 16 décembre 1997, req. n/ 25420/94, § 31. 117 CEDH, Jäggi c. Suisse, du 13 juillet 2006, req. n/ 58757/00, §§ 37 et 39. -104- Elle souligne ensuite, qu’en l’espèce, ni le refus d’accorder la capacité pour agir à la requérante aux fins de solliciter la déclaration de filiation de son père vis-à-vis de V.T.A., ni l’absence d’une action directe permettant de reconnaître cette relation ne peuvent être considérés comme disproportionnés ou arbitraires. La juridiction européenne précise ensuite que le père de la requérante et V.T.A. étaient décédés au moment de l’introduction de la demande et que, “dans la mesure où aucun des deux intéressés n’avait fait preuve de leur vivant d’une quelconque intention d’entamer des actions” , il y a lieu de s’interroger “sur leur réelle volonté d’effectuer ces démarches et tient compte des restrictions imposées par la loi applicable à l’espèce quant à l’introduction de l’action en contestation de la paternité par des individus autres que le propre fils” (§ 2). La Cour reconnaît que le droit à la vie privée de la requérante est en cause. Cependant, elle précise qu’en l’espèce l’intéressée souhaitait connaître son grand père et non, comme dans l’affaire Jäggi c. Suisse, son père. “Bien que la Cour ne doute pas de l’importance de connaître l’identité de son grand-père, elle ne peut cependant lui accorder le même impact dans la vie privée que celui du droit à connaître son père”. Ainsi, elle “estime que lors de la mise en balance des différents intérêts en jeu, celui de la requérante doit s’incliner face à la protection des droits de la famille de V.T.A. et de la sécurité juridique” et rejette ce grief pour défaut manifeste de fondement. Enfin, concernant l’article 13 de la Convention, les juges de Strasbourg constatent que la requérante a eu l’occasion de soulever ses arguments devant les juridictions internes pour appuyer ses prétentions. Elle rejette ce grief comme manifestement infondé. Au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour conclut donc, à l’unanimité, à l’irrecevabilité de la requête. jjj -105- ARRÊTS DE LA COUR DE JUSTICE ET DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES 118 Les arrêts de la CJCE et du TPICE sont disponibles sur le site : http://curia.europa.eu/fr -106- 118 LISTE DES ARRÊTS ET CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAUX CI-APRÈS COMMENTÉS classement par domaine CITOYENNETÉ EUROPÉENNE - CJCE, Athanasios Vatsouras c/ Arbeitsgemeinschaft (ARGE) Nürnberg 900 et Josif Koupatanze c/ Arbeitsgemeinschaft (ARGE) Nürnberg 900, 14 juin 2009, aff. jointes C-22/08 et C-23/08, p. 109. CONCURRENCE - CJCE, Inspecteur van de Belastingdienst c/ X.B, 11 juin 2009, aff. C-429/07, p. 112 - CJCE, T-Mobile Netherlands BV, KPN Mobile BV, Orange Nederland NV, Vodafone Libertel NV c/ Raad van bestuur van de Nederlandse Mededingingsautoriteit, 4 juin 2009, aff. C-8/08, p. 114. DROIT INSTITUTIONNEL - CJCE, Commission c/ Grèce, 4 juin 2009, aff. C-109/08, p. 118. ENVIRONNEMENT ET CONSOMMATEURS - CJCE, Moteurs Leroy Somer c/ Dalkia France, Ace Europe, 4 juin 2009, aff. C-285/03, p. 122 ESPACE DE LIBERTÉ, DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE - CJCE, A, 2 avril 2009, aff. C-529/07, p. 133. - CJCE, Falco Privatstiftung et Thomas Rabisch c/ Gisela Weller-Lindhorst, 23 avril 2009, aff. C-533/07, p. 131. - CJCE, María Julia Zurita García c/ Delegación del Gobierno en Murcia et Aurelio Choque Cabrera c/ Delegación del Gobierno en Murcia, conclusions de l’avocat général Mme Julia Kokott présentées le 19 mai 2009, aff. jointes C-261/08 et C-348-08, p. 172. - CJCE, Renate Ilsinger c/ Martin Dreschers, 14 mai 2009, aff. C-180/06, p. 128. - CJCE, Roda Golf & Beach Resort, 25 juin 2009, aff. C-14/08, p. 125. FISCALITÉ - CJCE, Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy, du 18 juin 2009, aff. C-303/07, p. 138. LIBERTÉ D’ETABLISSEMENT - CJCE, Grande chambre,Apothkerkammer des Saarlandes, du 19 mai 2009, aff. C-171/07 et C-172/07, p. 142. -107- LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES - CJCE, Nicolas Bressol e. a. et Céline Chaverot e. a. c/ le Gouvernement de la Communauté française, conclusions de l’avocat général Mme Eleanor Sharpston, présentées le 25 juin 2009, aff. C-73/08, p. 174. LIBRE PRESTATION DES SERVICES - CJCE, X., E.H.A. Passenheim-van Schoot c/ Staatssecretaris van Financiën, du 11 juin 2009, aff. jointes C-155/08 et C-157/08, p. 146. POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE - TPICE, Omar Mohammed Othman c/ Conseil de l’Union européenne et Commission des Communautés européennes, 11 juin 2009, aff. T-318/01 -, p. 150 . POLITIQUE SOCIALE - CJCE, David Hütter c/ Technische Universität Graz, 18 juin 2009, aff. C-88/08 , p. 153 . - CJCE, C. Meerts c/ Proost NV, conclusions de l’Avocat général Mme Juliane Kokott, présentées le 14 mai 2009, aff. C-116/08, p. 177. PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE - CJCE, Chocoladefriken Lindt & Sprüngli AG c/ Franz hauswirth GmbH, 11 juin 2009, aff. C-529/07, p. 157. RAPPROCHEMENT DES LÉGISLATIONS - CJCE, College van burgrmrrster en wethouders van Rottredam c/ M.E.E. Rijkeboer, 7 mai 2009, aff. C-553/07, p. 167. - CJCE, Generics (UK) Ltd, 18 juin 2009, aff. C-527/07, p. 164. - CJCE, L’Oréal SA e.a, du 18 juin 2009, aff. C-487/07, p. 160. TRANSPORT - CJCE, Bogiatzi, conclusions de l’Avocat général Jan Mazak, présentées le 25 juin 2009, aff. C301/08, p. 179. AUTRE DOMAINE - CJCE, Intercontainer Interfrigo SC (ICF), conclusions de l’Avocat général Yves Bot, présentées le 19 mai 2009, aff. C-133/08, p. 181. -108- CITOYENNETÉ EUROPÉENNE Athanasios Vatsouras c/ Arbeitsgemeinschaft (ARGE) Nürnberg 900 et Josif Koupatanze c/ Arbeitsgemeinschaft (ARGE) Nürnberg 900 119 4 juin 2009 - affaires jointes C-22/08 et C-23/08 « Citoyenneté européenne - Libre circulation des personnes - Articles 12 CE et 39 CE - Directive 2004/38/CE - Article 24, paragraphe 2 - Appréciation de validité - Ressortissants d’un État membre Activité professionnelle dans un autre État membre - Niveau de la rémunération et durée de l’activité Maintien du statut de “travailleur” - Droit au bénéfice de prestations en faveur des demandeurs d’emploi » T Faits : Dans ces deux affaires, les requérants, ressortissants grecs vivent en Allemagne, respectivement depuis les mois de mars et octobre 2006. Ils ont demandé à pouvoir bénéficier de « prestations de base en faveur des demandeurs d’emploi » (ci-après « SGB II »). L’Arbeitsgemeinschaft (Centre d’emploi de la ville de Nürnberg, ci-après l’« ARGE ») leur a accordé le bénéfice de ces allocations pendant quelques mois puis il leur a notifié qu’en vertu des dispositions de l’article 7, paragraphe 1 deuxième phrase du SBG II, ils n’avaient pas droit à ces allocations qui ne leur seraient plus attribuées. En effet, selon les dispositions nationales mises en cause, sont exclus du bénéfice des prestations de base en faveur des demandeurs d’emploi, « (...) 2. les ressortissants étrangers dont le droit de séjour découle exclusivement de l’objectif de recherche d’un emploi, les membres de leurs familles ainsi que les bénéficiaires visés à l’article 1er de la loi sur les prestations à accorder aux demandeurs d’asile [Asylbewerberleistungsgesetz]. (...) ». Ces décisions ont été contestées par chacun des requérants devant le Sozialgericht Nürnberg. Entre-temps, les requérants ont repris une activité professionnelle leur permettant de ne plus dépendre de l’assistance sociale. T Droit communautaire et questions préjudicielles : La juridiction de renvoi pose à la Cour trois questions préjudicielles portant sur l’interprétation des articles 12 CE et 39 CE ainsi que sur la validité de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 29 avril 2004 et relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. L’article 24 de la directive 2004/38/CE dispose : « 1. Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité. Le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille, qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent. 119 Les conclusions de l’Avocat général M. Damaso Ruiz-Jarabo Colomer, présentées le 12 mars 2009, ont été résumées dans la veille bimestrielle Mars-Avril 2009, pp.123-124. -109- 2. Par dérogation au paragraphe 1, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit à une prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour ou, le cas échéant, pendant la période plus longue prévue à l’article 14, paragraphe 4, point b), ni tenu, avant l’acquisition du droit de séjour permanent, d’octroyer des aides d’entretien aux études, y compris pour la formation professionnelle, sous la forme de bourses d’études ou de prêts, à des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut, et les membres de leur famille. » Plus précisément, la juridiction de renvoi pose les trois questions suivantes à la Cour de justice : « 1) L’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 […] est-il conforme à l’article 12 CE lu en combinaison avec l’article 39 CE ? 2) Dans l’hypothèse où la première question appellerait une réponse négative, l’article 12 CE lu en combinaison avec l’article 39 CE s’oppose-t-il à une réglementation nationale qui exclut les citoyens de l’Union du bénéfice de l’assistance sociale en cas de dépassement de la durée maximale du séjour visé à l’article 6 de la directive 2004/38 […], et en l’absence de tout droit de séjour en vertu d’autres dispositions ? 3) Dans l’hypothèse où la première question appellerait une réponse positive, l’article 12 CE s’oppose-t-il à une réglementation nationale qui exclut les ressortissants d’États membres de l’Union européenne même du bénéfice de prestations d’assistance sociale octroyées aux immigrés clandestins ? » T Décision : A titre liminaire, la Cour note qu’il résulte de la décision de renvoi, que les questions posées sont fondées sur le fait que, à l’époque des faits, les requérants n’avaient pas la qualité de « travailleur » au sens de l’article 39 CE. Elle relève en effet, que la juridiction de renvoi a constaté que l’activité professionnelle « mineure exercée brièvement » par le premier requérant était « insuffisante aux fins de sa subsistance » et que celle exercée par l’autre requérant « a duré à peine plus d’un mois ». Or, les juges de Luxembourg rappellent que “selon une jurisprudence constante, la notion de « travailleur » au sens de l’article 39 CE revêt une portée communautaire et ne doit pas être interprétée de manière restrictive. Doit être considérée comme « travailleur » toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires” (point 26). Ils précisent que “Le fait que les revenus d’une activité salariée sont inférieurs au minimum d’existence n’empêche pas de considérer la personne qui l’exerce comme « travailleur » au sens de l’article 39 CE” (point 28), ni même le fait que cette personne demande le bénéfice de prestations financières à l’Etat en complément de sa propre rémunération. Enfin, la courte durée de l’activité salariée n’est pas non plus, à elle seule, susceptible de l’exclure du champ d’application de l’article 39 CE. Après avoir apporté ces précisions, les juges communautaires estiment qu’il incombe aux juridictions nationales d’interpréter les faits et de qualifier au besoin les requérants de « travailleurs » au sens de l’article 39 CE. Concernant la première question portant sur la conformité de l’article 24, paragraphe 2 de la directive 2004/38/CE à l’article 12 lu en combinaison de l’article 39 CE : La Cour luxembourgeoise relève que “l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 établit une dérogation au principe d’égalité de traitement dont bénéficient les citoyens de l’Union autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut et les membres de leur famille, qui séjournent sur le territoire d’un État membre d’accueil” (point 34). En effet, “Selon cette disposition, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit aux prestations d’assistance sociale, notamment aux demandeurs d’emploi pendant la période plus longue durant laquelle ils ont le droit d’y séjourner” (point 35). -110- Par ailleurs, elle rappelle que l’article 39 CE s’applique aux “ressortissants d’un État membre à la recherche d’un emploi dans un autre État (...)” et que dans ces conditions, ceux-ci “bénéficient du droit à l’égalité de traitement prévu au paragraphe 2 de cette disposition” 120 (Point 36). Cependant, les juges communautaires reconnaissent que l’Etat peut subordonner l’attribution de prestations de nature financière destinée à faciliter l’accès à l’emploi à la condition que le demandeur établisse l’existence d’un lien réel avec le marché national du travail. Ils laissent par ailleurs aux autorités nationales la faculté de déterminer les finalités et conditions d’octroi de ces prestations. En l’espèce, ils relèvent que l’octroi de la prestation en cause est subordonné à la condition que l’intéressé soit en mesure d’exercer une activité professionnelle. Ils en déduisent qu’il s’agit là d’un “indice que la prestation est destinée à faciliter l’accès à l’emploi” (point 43). La Cour insiste sur la nécessité d’interpréter “la dérogation prévue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, conformément à l’article 39, paragraphe 2, CE” et elle explique que les prestations financières de nature à faciliter l’accès à l’emploi ne peuvent être considérées comme des prestations d’assistance sociale au sens de l’article 24 de la directive 2004/38/CE. Sur ce point, elle dit pour droit (dispositif) : “1) En ce qui concerne le droit des ressortissants des États membres qui cherchent un emploi dans un autre État membre, l’examen de la première question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n/ 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE.” - Concernant la deuxième question : La Cour, eu égard à la réponse donnée à la première question, n’estime pas nécessaire de répondre à la deuxième question. - Concernant la troisième question : La Cour formule différemment la question posée par la juridiction de renvoi et considère qu’il “convient (...) de comprendre la question posée en ce sens que la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12 CE s’oppose à une réglementation nationale qui exclut les ressortissants des États membres du bénéfice de prestations d’assistance sociale, alors que celui-ci est octroyé aux nationaux d’États tiers” (point 50). Les juges de Luxembourg rappellent que “l’article 12, premier alinéa, CE interdit, dans le domaine d’application du traité CE et sans préjudice des dispositions qu’il prévoit, toute discrimination en raison de la nationalité” (point 51). Cependant, cet article trouve à s’appliquer lorsqu’un “ressortissant d’un État membre subit un traitement discriminatoire par rapport aux nationaux d’un autre État membre sur le seul fondement de sa nationalité” (point 52) et non lorsqu’il s’agit d’une différence de traitement entre les ressortissants des États membres et ceux des États tiers. La Cour dit pour droit que “l’article 12 CE ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui exclut les ressortissants des États membres du bénéfice de prestations d’assistance sociale octroyées aux nationaux d’États tiers”. (point 53). jjj 120 CJCE, Ioannidis, du 15 septembre 2005, C-258/04, Rec. p. I-8275, point 21. -111- CONCURRENCE Inspecteur van de Belastingdienst c/ X BV 11 juin 2009 - C-429/07 « Politique de concurrence - Articles 81 CE et 82 CE - Article 15, paragraphe 3, du règlement (CE) n/ 1/2003 - Observations écrites soumises par la Commission - Litige national relatif à la déductibilité fiscale d’une amende infligée par une décision de la Commission » T Faits : En novembre 2002, la Commission européenne infligea des amendes de plusieurs millions à différentes sociétés, en raison des infractions commises par elles à l’article 81 du Traité CE, prohibant les ententes. Ces sanctions furent confirmées par plusieurs arrêts du Tribunal de Première instance en date du 8 juillet 2008.121 Or, avant que ne soient rendus les arrêts du Tribunal, l’une des sociétés concernées, dénommée X KG et établie en Allemagne, répercuta partiellement l’amende qui lui avait été infligée au sein du groupe dont elle était la société mère, et notamment sur l’une de ses filiales néerlandaises, X BV. Le 13 mars 2004, l’administration fiscale néerlandaise adressa un avis d’imposition à X BV au titre de l’impôt des sociétés pour l’exercice 2002. Celle-ci introduisit alors une réclamation contre cet avis d’imposition, réclamation qui fut rejetée par l’administration fiscale. La société X BV forma alors un recours devant les juridictions internes. Le tribunal fit droit à sa demande relative à la déductibilité partielle du montant de l’amende, mais l’administration fiscale interjeta appel de ce jugement. C’est alors que la Commission européenne, avertie par voie de presse et par l’intermédiaire des autorités nationales de concurrence, prit connaissance de l’affaire. Elle informa la juridiction de renvoi de son souhait d’intervenir dans la procédure en tant qu’amicus curiae en vertu de l’article 15, paragraphe 3, du règlement n/ 1/2003/CE. Au cours de l’audience devant la juridiction néerlandaise, les parties au principal ainsi que la Commission furent invitées à s’exprimer sur le point de savoir si cet article autorisait la Commission, agissant d’office, à présenter des observations écrites dans le cadre de la procédure pendante devant la juridiction nationale. La juridiction de renvoi saisie du litige, décida de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice une question préjudicielle. T Question préjudicielle et droit communautaire en cause : La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 3, du règlement (CE) n/ 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité CE. L’article 15 du règlement n/ 1/2003/CE dispose : « 3. Les autorités de concurrence des États membres, agissant d’office, peuvent soumettre des observations écrites aux juridictions de leur État membre respectif au sujet de l’application de l’article 81 ou 82 du traité. Avec l’autorisation de la juridiction en question, elles peuvent aussi présenter des observations orales. Lorsque l’application cohérente de l’article 81 ou 82 du 121 TPICE, arrêts du 8 juillet 2008, Saint Gobain Gyproc Belgium c/ Commission, T-50/03, Knauf Gips c/ Commission, T52/03, BPB c/ Commission, T-53/03, et Lafarge c/ Commission, T-54/03. -112- traité l’exige, la Commission, agissant d’office, peut soumettre des observations écrites aux juridictions des États membres. Avec l’autorisation de la juridiction en question, elle peut aussi présenter des observations orales. Afin de leur permettre de préparer leurs observations, et à cette fin uniquement, les autorités de concurrence des États membres et la Commission peuvent solliciter la juridiction compétente de l’État membre afin qu’elle leur transmette ou leur fasse transmettre tout document nécessaire à l’appréciation de l’affaire » Par la question préjudicielle posée à la Cour de Justice, la juridiction de renvoi désirait savoir si l’article 15, paragraphe 3, du règlement n/ 1/2003/CE, autorisait la Commission à soumettre d’office des observations écrites dans une procédure relative à la possibilité de déduire des bénéfices fiscaux une amende que la Commission avait imposée à la société mère pour violation du droit communautaire de la concurrence et que cette dernière avait partiellement répercutée sur l’une de ses filiales. T Décision : Tout d’abord, la Cour rappelle qu’un mécanisme de coopération entre la Commission, les autorités nationales et les juridictions des Etats membres a été instauré au chapitre IV du règlement n/ 1/2003/CE. Il vise à garantir une application cohérente des règles de concurrence entre les Etats membres. A cet égard, l’article 15 de ce règlement, intitulé « Coopération avec les juridictions nationales », instaure un système d’échange d’informations réciproque entre la Commission et les juridictions des Etats membres. En outre, une possibilité d’intervention de la Commission et des autorités de concurrence des Etats membres dans les procédures pendantes devant les juridictions nationales est prévue. Les juges de Luxembourg procèdent ensuite à un examen plus attentif de cet article. Ils relèvent notamment que le paragraphe 3 vise deux types différents d’intervention. D’une part, l’intervention des autorités nationales de concurrence devant les juridictions de leur Etat membre respectif au sujet de l’application de l’article 81 ou 82 CE, d’autre part, une possibilité d’intervention de la Commission devant les juridictions des Etats membres lorsque l’application cohérente de ces mêmes articles l’exige. Dès lors, la Cour, après avoir constaté que les deuxième et quatrième phrases de cet alinéa sont presque identiques, en déduit que la volonté du législateur est bien de séparer ces deux hypothèses. Procédant à une interprétation littérale de cet article, elle remarque que cela conduit à considérer que la faculté offerte à la Commission de soumettre d’office ses observations écrites aux juridictions des Etats membres, est subordonnée à l’unique condition que l’application cohérente de l’article 81 ou 82 CE l’exige. La Cour précise en outre que “Cette condition peut être remplie même dans des cas où la procédure concernée ne se déroule pas au sujet de l’application de l’article 81 ou 82 du traité” (point 30). De façon à étayer leur analyse, les juges européens rappellent que le pouvoir de la Commission d’infliger des amendes aux entreprises commettant des infractions aux dispositions des articles 81 ou 82, constitue l’un des moyens lui permettant d’accomplir la mission de surveillance que lui confère le droit communautaire dans ce domaine. Or, si l’on dissociait le principe de l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles de celui des sanctions, cela aboutirait pour la Cour “à priver d’effectivité l’action des autorités chargées de surveiller le respect de cette interdiction et de sanctionner de telles pratiques” (point 36). Par conséquent, la Cour estime que l’effectivité des sanctions infligées par les autorités de concurrence nationales ou communautaires est une condition de l’application cohérente des articles 81 et 82 CE. Or en l’espèce, la Cour de justice note que l’issue du litige, ayant trait à la déductibilité fiscale d’une partie du montant des amendes infligée par la Commission, est susceptible de porter -113- atteinte à l’effectivité de la sanction imposée par celle-ci. Elle considère que “L’effectivité de la décision de la Commission par laquelle elle a infligé une amende à une société pourrait en effet être sensiblement réduite si la société concernée, ou du moins une société qui est liée à celle-ci, était autorisée à déduire en tout ou en partie le montant de cette amende du montant de ses bénéfices imposables, puisqu’une telle possibilité aurait pour effet de compenser partiellement la charge de ladite amende par une réduction de la charge fiscale.” (Point 39). Par ces motifs, la Cour dit pour droit (dispositif) : “L’article 15, paragraphe 3, premier alinéa, troisième phrase, du règlement (CE) n/ 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, doit être interprété en ce sens qu’il autorise la Commission des Communautés européennes à soumettre d’office des observations écrites à une juridiction d’un État membre dans une procédure relative à la possibilité de déduire des bénéfices imposables le montant d’une amende ou une partie de celle-ci que la Commission a infligée pour la violation de l’article 81 CE ou 82 CE”. jjj T-Mobile Netherlands BV, KPN Mobile BV, Orange Nederland NV, Vodafone Libertel NV c/ Raad van bestuur van de Nederlandse Mededingingsautoriteit 4 juin 2009 - C-8/08 « Demande de décision préjudicielle - Article 81, paragraphe 1 , CE - Notion de ‘pratique concertée’ Lien de causalité entre la concertation et le comportement des entreprises sur le mar hé - Appréciation selon les règles du droit national - Caractère suffisant d’une unique réunion ou nécessité d’une concertation durable et régulière » T Faits : Le 13 juin 2001, une réunion a été organisée entre les cinq opérateurs de téléphonie mobiles néerlandais, visant à réduire les rémunérations standard des revendeurs pour les abonnements de téléphone. L’autorité néerlandaise de la concurrence (Raad van bestuur van de Nederlandse Mededingingsautoriteit, ci après la « Nma »), par une décision du 30 décembre 2002, constata que ces opérateurs avaient passé un accord entre eux ou avaient concerté leurs pratiques, ce qui avaient eu pour effet de restreindre la concurrence ; en conséquence, elle leur infligea des amendes. Les entreprises sanctionnées introduisirent un recours à l’encontre de cette décision, mais la « Nma » maintint les amendes infligées. La juridiction néerlandaise, saisie du litige, estima qu’elle devait déterminer d’une part, si la communication d’informations sur les abonnements au cours de la réunion du 13 juin 2001 avait eu pour objet de restreindre la concurrence et si la « Nma » avait eu raison de ne pas examiner les effets de la pratique concertée, d’autre part, s’il existait un lien de causalité entre cette concertation et le comportement sur le marché des opérateurs concernés. Doutant de l’interprétation à donner, la juridiction de renvoi décida de surseoir à statuer et posa à la Cour de justice trois questions préjudicielles. -114- T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : Les questions préjudicielles portent sur l’interprétation de l’article 81, paragraphe 1, du Traité CE. L’article 81, § 1 du Traité instituant la Communauté Européenne dispose que : « 1. Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à : a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction ; b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements ; c) répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ; d) appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; e) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats ». Plus précisément, la Cour de Luxembourg devait répondre aux trois questions suivantes : «1) Aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, quels critères convient-il de retenir pour apprécier si une pratique concertée a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ? 2) L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens que, dans le cadre de l’application de cet article par la juridiction nationale, la preuve du lien de causalité entre la concertation et le comportement sur le marché doit être rapportée et appréciée conformément aux règles du droit national pourvu que ces règles ne soient pas moins favorables que celles applicables à des recours similaires de nature interne et qu’elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire ? 3) Aux fins de l’application de la notion de pratique concertée visée à l’article 81 CE, la présomption du lien de causalité entre la concertation et le comportement sur le marché s’applique-t-elle toujours, même si la concertation est restée isolée et que l’opérateur y ayant participé continue son activité sur le marché, ou bien cette présomption ne s’applique-t-elle que lorsque la concertation s’est prolongée de manière régulière et sur une longue période ? ». T Décision : - Sur la première question préjudicielle : La Cour de Justice reprend sur ce point, les conclusions de l’Avocat général dans cette affaire.122 Elle rappelle que les critères dégagés par la jurisprudence afin d’apprécier si un comportement a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sont applicables qu’il s’agisse d’un accord, d’une décision ou d’une pratique concertée. La jurisprudence a par ailleurs, déjà fourni un certain nombre de critères permettant d’apprécier le caractère anticoncurrentiel d’une pratique concertée. A cet égard, elle redonne la définition de celle-ci en précisant qu’une “telle pratique vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence” 123 (point 26). En 122 Conclusions de l’Avocat général Mme Juliane Kokott, présentées le 19 février 2009, point 38. 123 CJCE, Suiker Unie e.a c/ Commission, du 16 décembre 1975, aff. 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 26. -115- outre, afin d’apprécier le caractère anticoncurrentiel d’une pratique concertée, la Cour estime qu’il “convient de s’attacher notamment aux buts objectifs qu’elle vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel elle s’insère” 124 (point 27). La Cour poursuit en évoquant l’absence de caractère cumulatif de l’objet et de l’effet anticoncurrentiel. Il s’agit en effet de conditions alternatives et ce, en vertu d’une jurisprudence constante125. Elle précise en effet qu’il convient d’abord de rechercher si la pratique a un objet anticoncurrentiel. Si celle-ci ne révélait pas « un degré suffisant de nocivité » à l’égard de la concurrence, il faudrait alors seulement se tourner vers les effets de la pratique afin de déterminer si elle est susceptible d’empêcher, restreindre ou fausser de façon sensible le jeu de la concurrence. Par conséquent, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de prendre en compte les effets d’une pratique concertée dès lors que son objet est par lui-même anticoncurrentiel. En second lieu, la Cour examine l’échange d’informations entre concurrents. Elle rappelle que s’il n’est pas exclut qu’il puisse s’adapter “intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents”, l’exigence d’autonomie des opérateurs économiques s’oppose “cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur ce marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci” (point 33). Enfin les juges de Luxembourg se penchent sur la possibilité de considérer qu’une pratique concertée ait un objet anticoncurrentiel bien que cette dernière n’ait pas de lien direct avec les prix à la consommation. Ils relèvent que l’article 81, paragraphe 1 CE, ne permet pas de considérer que seules les pratiques concertées ayant un effet direct sur le prix acquitté par les consommateurs finaux, seraient interdites. En effet cet article vise “à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle” (point 38). Par conséquent, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une pratique concertée ne saurait être subordonnée à celle d’un lien direct de celle-ci avec les prix à la consommation. Sur ce point, la Cour dit pour droit : “Une pratique concertée a un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE lorsque, en raison de sa teneur ainsi que de sa finalité et compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel elle s’insère, elle est concrètement apte à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence au sein du marché commun. Il n’est pas nécessaire que la concurrence soit réellement empêchée, restreinte ou faussée ni qu’il existe un lien direct entre cette pratique concertée et les prix à la consommation. L’échange d’informations entre concurrents poursuit un objet anticoncurrentiel lorsqu’il est susceptible d’éliminer les incertitudes quant au comportement envisagé par les entreprises concernées” (point 43). - Sur la deuxième question préjudicielle : Par cette question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si la présomption du lien de causalité entre la concertation et le comportement sur le marché des entreprises y participant, s’impose également aux autorités et aux tribunaux nationaux quand ils appliquent l’article 81 CE. Sur ce point, l’argumentation de la Cour est relativement brève, elle relève tout d’abord que l’article 81 du Traité CE, produit des effets directs dans les relations entre les particuliers et qu’il engendre également des droits dans le chef des justiciables que les juridictions nationales 124 CJCE, IAZ International Belgium e.a. c/ Commission, du 8 novembre 1983, aff. 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 25. 125 CJCE, LTM, du 30 juin 1966, aff. 56/65, Rec. p. 337, 359. -116- doivent sauvegarder. D’autre part, elle note que cette disposition est d’ordre public et, à cet égard, doit être appliquée d’office par les juridictions nationales. Ainsi l’interprétation donnée par la Cour de cet article est à la fois contraignante et partie intégrante du droit communautaire applicable. Sur ce point, la Cour dit pour droit : “Dans le cadre de l’examen du lien de causalité entre la concertation et le comportement sur le marché des entreprises participant à celle-ci, lien qui est exigé pour établir l’existence d’une pratique concertée au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, le juge national est tenu, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe à ces dernières de rapporter, d’appliquer la présomption de causalité énoncée par la jurisprudence de la Cour et selon laquelle lesdites entreprises, lorsqu’elles demeurent actives sur ce marché, tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents.” - Sur la troisième question préjudicielle : Il s’agit ici de savoir si la présomption du lien de causalité entre la concertation et le comportement des entreprises concernées s’appliquait même dans l’hypothèse où il n’y aurait eu qu’une seule réunion entre les entreprises en cause. Sur ce point, les parties au litige s’opposaient. Les opérateurs de téléphonie mobile estimaient qu’une seule réunion n’était pas suffisante, tandis que le gouvernement néerlandais et la Commission estimaient que la présomption de causalité ne dépendait pas du nombre des réunions ayant constitué la base de la concertation. La Cour réitère la position adoptée dans sa jurisprudence antérieure.126 Elle considère qu’il “n’est pas exclu que, selon la structure du marché, une seule prise de contact, telle que celle en cause dans le litige au principal, puisse, en principe, suffire pour que les entreprises concernées concertent leur comportement sur le marché et aboutissent ainsi à une coopération pratique se substituant à la concurrence et aux risques que celle-ci implique” (point 59). Elle estime en particulier que si “la concertation est ponctuelle et vise une harmonisation unique du comportement sur le marché concernant un paramètre isolé de la concurrence, une seule prise de contact pourra suffire pour réaliser la finalité anticoncurrentielle recherchée par les entreprises concernées” (point 60). Pour les juges européens, ce qui importe, n’est pas tant le nombre de réunions entre les entreprises concernées, mais de savoir si le ou les contacts ont permis de tenir compte des informations échangées avec les concurrents afin de déterminer le comportement de ces entreprises sur le marché concerné, et ainsi de substituer sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence. Sur ce troisième point, la Cour dit pour droit : “Pour autant que l’entreprise participant à la concertation demeure active sur le marché considéré, la présomption du lien de causalité entre la concertation et le comportement de cette entreprise sur ce marché est applicable même si la concertation n’est fondée que sur une seule réunion des entreprises concernées.” (point 62). jjj 126 CJCE, Commission c/ Anic Partecipazioni, 8 juillet 1999, C-49/92 P, Rec. p. I 4125, point 121, et Huls c/ Commission, 8 juillet 1999, C-199/92 P, Rec. p. I- 4287, point 162. -117- DROIT INSTITUTIONNEL Commission c/ Grèce 4 juin 2009 - C-109/08 « Manquement d’État - Articles 28 CE, 43 CE et 49 CE - Directive 98/34/CE - Normes et réglementations techniques - Réglementation nationale applicable aux jeux électriques, électromécaniques et électroniques pour ordinateurs - Arrêt de la Cour constatant l’existence d’un manquement - Inexécution - Article 228 CE - Sanctions pécuniaires » T Faits : Le 26 octobre 2006, la République hellénique a été condamnée pour manquement par la Cour de Luxembourg. Cette condamnation faisait suite à la demande faite par la Commission de constater que la République hellénique avait manqué aux obligations lui incombant en vertu des articles 28, 43 et 49 CE ainsi que de l’article 8 de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 relative à la procédure d’information dans le domaine des normes techniques. Etait en cause, l’introduction dans les articles 2, paragraphe 1, 3, second alinéa, 4 et 5 de la loi n/ 3037/2002 de l’interdiction, sous peine de sanctions pénales ou administratives, d’installer et d’exploiter tous les jeux électriques, électromécaniques et électroniques, y compris les jeux techniques récréatifs et tous les jeux pour ordinateurs, dans tous les lieux publics ou privés, à l’exception des casinos. La Cour avait constaté que la loi n/ 3037/2002 constituait une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative au sens de l’article 28 CE. Interrogée par la Commission sur l’état d’exécution de l’arrêt constatant son manquement, la République hellénique n’a fourni aucune information concrète concernant la modification de la législation nationale en cause. En application de l’article 228 CE, le 23 mars 2007, la Commission adressa à cet Etat une lettre de mise en demeure. Les autorités grecques n’y répondirent pas et la Commission leur adressa, le 29 juin 2007, un avis motivé les invitant à prendre, dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis, les mesures nécessaires pour assurer l’exécution de l’arrêt. La Grèce n’ayant pas répondu, la Commission a introduit le présent recours devant la Cour de justice. T Droit communautaire en cause : L’article 28 CE prévoit l’interdiction des restrictions quantitatives à l’importation et des mesures d’effet équivalent. Les articles 43 et 49 CE prévoient l’interdiction des restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services. Enfin, l’article 8 paragraphe 1 de la directive 98/34/CE impose aux Etats membres de communiquer immédiatement à la Commission tout projet de règle technique ainsi que les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle est nécessaire. -118- La Commission demande à la Cour de : « - constater qu’en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour exécuter l’arrêt du 26 octobre 2006 127, la République hellénique a manqué à ses obligations lui incombant en vertu des articles 28 CE, 43 CE et 49 CE ainsi que de l’article 8 de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998 128, telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 129 (ci-après la directive 98/34) ; - condamner la République hellénique à lui payer une astreinte d’un montant de 31 798,80 euros par jour de retard dans l’exécution de l’arrêt précité, et ce à compter du jour du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire et jusqu’au jour de l’exécution du dit arrêt ; - condamner la République hellénique à lui payer une somme forfaitaire d’un montant de 9 636 euros par jour à compter du 26 octobre 2006, et ce jusqu’à la date du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire ou jusqu’au jour de l’exécution de l’arrêt Commission c. Grèce, précité, si celle-ci intervient avant cette date, et de condamner la République hellénique aux dépens. » T Décision : - Concernant l’astreinte : La Cour constate que la République hellénique ne s’est pas conformée à l’arrêt Commission c. Grèce précité et rappelle qu’elle peut infliger à cet État membre le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte.130 Elle indique ensuite qu’elle ne saurait être liée par les propositions faites par la Commission, celles-ci étant seulement constitutives d’une « base de référence utile ». 131 Les juges de Luxembourg rappellent également que “la condamnation au paiement d’une astreinte et/ou d’une somme forfaitaire vise à exercer sur un État membre défaillant une contrainte économique qui l’incite à mettre fin au manquement constaté. Les sanctions pécuniaires infligées doivent donc être arrêtées en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l’État membre en cause modifie son comportement”.132 (Point 28). Ils relèvent ensuite qu’au cours de l’audience du 29 janvier 2009, l’agent de la République hellénique a confirmé qu’aucune disposition législative mettant fin au manquement constaté n’avait à ce jour été adoptée (point 29). Ainsi, notant que le manquement allégué perdurait, les juges communautaires affirment que “la condamnation de la République hellénique au paiement d’une astreinte (...) constitue un moyen adapté d’inciter cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour assurer l’exécution de l’arrêt Commission c. Grèce” (point 30). Concernant la gravité de l’infraction, et en particulier les conséquences du défaut d’exécution de l’arrêt Commission c. Grèce, la Cour estime il y a lieu de constater que l’interdiction prévue par la législation nationale en cause, “viole les principes de libre circulation des marchandises, de libre prestation des services et de liberté d’établissement tels qu’ils résultent des articles 28 CE ainsi que 43 CE et 49 CE” (point 33). 127 CJCE, Commission c/ Grèce, du 26 octobre 2006, C-65/05, Rec. p. I-10341. 128 JO L 204, p. 37. 129 JO L 217, p. 18. 130 Article 228, paragraphe 2, troisième alinéa, CE. 131 CJCE, Commission c/ Espagne, du 25 novembre 2003, C-278/01, Rec. p. I-14141, point 41. 132 CJCE, Commission c/ France, du 12 juillet 2005, C- 304/02, point 91; CJCE, Commission c. France, 14 mars 2006, C177/04, points 59 et 60. -119- Elle souligne, comme elle l’avait fait dans l’arrêt précédant, que cette réglementation nationale a entraîné une diminution du volume des importations de jeux en provenance d’autres États membres et a abouti à une cessation de ces importations dès l’instauration de ladite interdiction.133 De plus, elle relève que cette législation empêche les opérateurs économiques d’autres États membres de fournir leurs services, voire de s’établir à cette fin en Grèce (point 34). Par ailleurs, les juges européens constatent que le gouvernement grec n’a pris aucune mesure pour suspendre l’application de cette réglementation et a ainsi exposé des opérateurs économiques à des condamnations à des peines privatives de liberté et des sanctions pécuniaires. Ils estiment donc “urgent que la République hellénique modifie cette législation” (point 35). Il est, selon les juges de Luxembourg, important de noter que le manquement constaté repose sur l’absence de notification des règles techniques prévue à l’article 8 de la directive 98/34/CE. En effet, “le respect de cette obligation spécifique constituait une condition nécessaire afin de réaliser pleinement l’objectif de cette directive tel que défini dans ses deuxième et troisième considérants visant à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur” (point 36). Ils rappellent avoir déjà admis que “les raisons impérieuses d’intérêt général invoquées par la République hellénique étaient susceptibles de justifier l’entrave à la libre circulation des marchandises constatée dans cette affaire”. Cependant, l’interdiction desdits jeux dans tous les lieux publics ou privés, à l’exception des casinos, constitue “une mesure disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi” (Point 37). Au vu de ces différents éléments, la juridiction européenne décide qu’il convient de fixer le coefficient destiné à rendre compte de la gravité du manquement à 8. La Cour s’attarde ensuite sur la question de la durée de l’infraction en réaffirmant que “celle-ci doit être évaluée en ayant égard au moment auquel la Cour apprécie les faits dans le cadre de la procédure introduite sur le fondement de l’article 228 CE, et non pas à celui où elle est saisie par la Commission” 134 (Point 39). Elle relève que le manquement de la Grèce à son obligation dure depuis plus de deux ans et décide qu’un coefficient de 1,5 est approprié pour rendre compte de la durée de l’infraction. - Concernant la somme forfaitaire : La Cour rappelle que “S’agissant de l’imposition d’une somme forfaitaire, celle-ci doit, dans chaque cas d’espèce, être décidée en fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure initiée sur le fondement de l’article 228 CE” 135 (Point 51). Elle décide que “eu égard à la persistance du manquement pendant une longue période depuis l’arrêt qui l’a initialement constaté, aux intérêts publics et privés mis en cause, à l’absence de décision de suspension d’application de la législation concernée permettant d’éviter la mise en œuvre de poursuites pénales et à l’absence d’un début d’exécution tangible de cet arrêt, la condamnation au paiement d’une somme forfaitaire s’impose” (point 53). La Cour dit pour droit (dispositif) : “1) En ne modifiant pas les articles 2, paragraphe 1, et 3 de la loi 3037/2002, établissant une interdiction, sous peine de sanctions pénales ou administratives prévues aux articles 4 et 5 de la même loi, d’installer et d’exploiter tous 133 CJCE, Commission c/ Grèce, précité, points 29, 30, 51 et 55. 134 CJCE, Commission c/ Portugal, du 10 janvier 2008, C-70/06, Rec. p. I-1, point 45. 135 CJCE, Commission c/ France, du 9 décembre 2008, C-121/07, point 62. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (novembre-décembre 2008). -120- les jeux électriques, électromécaniques et électroniques, y compris tous les jeux pour ordinateurs, dans tous les lieux publics ou privés, à l’exception des casinos, conformément aux articles 28 CE, 43 CE et 49 CE ainsi qu’à l’article 8 de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998, la République hellénique n’a pas mis en œuvre toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 26 octobre 2006, et a manqué de ce fait aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 228 CE. 2) La République hellénique est condamnée à payer à la Commission des Communautés européennes (...) une astreinte de 31 536 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission c. Grèce, précité, à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution dudit arrêt Commission c. Grèce. 3) La République hellénique est condamnée à payer à la Commission des Communautés européennes (...) une somme forfaitaire de trois millions d’euros. 4) La République hellénique est condamnée aux dépens.” jjj -121- ENVIRONNEMENT ET CONSOMMATEURS Moteurs Leroy Somer c/ Dalkia France, Ace Europe 4 juin 2009 - C-285/08 « Responsabilité du fait des produits défectueux - Directive 85/374/CEE - Champ d’application Dommage causé à une chose destinée à un usage professionnel et utilisée pour cet usage - Régime national permettant à la victime de demander réparation d’un tel dommage, dès lors qu’elle rapporte seulement la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité - Compatibilité » T Faits : Un groupe électrogène prit feu dans un hôpital, à la suite de l’échauffement de l’alternateur fabriqué par la société Moteurs Leroy Sommer. La société Dalkia chargée de la maintenance de cette installation et son assureur, Ace Europe, assurèrent la réparation des dommages matériels causés puis, étant subrogés dans les droits de l’hôpital, ils assignèrent Moteurs Leroy Somer afin d’obtenir le remboursement des sommes qu’ils avaient versées. La cour d’appel de Lyon, par un arrêt du 7 décembre 2006, constata que l’entreprise Moteurs Leroy Somer était bien tenue à une obligation de sécurité et la condamna au paiement de sommes au titre des dommages matériels. La société Moteurs Leroy Somer forma alors un pourvoi en cassation. Elle invoquait le fait que l’obligation de sécurité pesant sur le vendeur professionnel ne couvrait pas les dommages causés aux objets destinés à un usage professionnel et utilisés par la victime pour son usage professionnel. Estimant nécessaire d’interpréter la directive 85/374 pour pouvoir statuer, la Cour de cassation décida de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour de Luxembourg. T Question préjudicielle et droit communautaire en cause : La question préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 9 et 13 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. L’article 9 de la directive 85/374 prévoit : « Au sens de l’article 1er, le terme “dommage” désigne : a) le dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles ; b) le dommage causé à une chose ou la destruction d’une chose, autre que le produit défectueux lui-même, sous déduction d’une franchise de 500 [euros], à condition que cette chose : i) soit d’un type normalement destiné à l’usage ou à la consommation privés et ii) ait été utilisée par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés. Le présent article ne porte pas préjudice aux dispositions nationales relatives aux dommages immatériels ». -122- L’article 13 de cette même directive dispose : « La présente directive ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d’un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d’un régime spécial de responsabilité existant au moment de la notification de la présente directive ? ». La Cour de Justice devait répondre à la question suivante : « Les articles 9 et 13 de la directive [85/374] s’opposent-ils à l’interprétation d’un droit national ou d’une jurisprudence interne établie telle qu’elle permette à la victime de demander réparation du dommage causé à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage, dès lors que cette victime rapporte seulement la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage ? ». T Décision : Le raisonnement de la Cour de justice dans cet arrêt est relativement bref. Elle relève tout d’abord que le dommage causé à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relève pas du terme « dommage » tel qu’il est défini par la directive 85/374/CEE. En effet, l’article 9 de la directive assimile le dommage à celui, causé à une chose « destinée à l’usage ou à la consommation privée, ou utilisée par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privée ». Dès lors, les juges de Luxembourg ne peuvent que constater que la responsabilité du producteur ne saurait être engagée en vertu de cette directive pour un dommage causé à une chose destinée à un usage professionnel. Or, la Société Moteurs Leroy Somer estimait que, la directive ne soumettant pas au régime de responsabilité qu’elle instaure, les dommages causés à une chose destinée à un usage professionnel et utilisée pour cet usage, les Etats membres ne pouvaient pas prévoir pour ces dommages un régime de responsabilité reposant sur les mêmes fondements que ceux de la directive (à savoir rapporter la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité). La Cour de justice considère que la marge d’appréciation dont disposent les Etats membres pour réglementer la responsabilité du fait des produits défectueux est entièrement déterminée par cette directive. Il s’agit en effet d’une directive d’harmonisation totale pour les points qu’elle entend réglementer. Elle précise toutefois avoir déjà jugé que le régime mis en place par cette directive, n’exclut pas l’application d’autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, dès lors que ceux-ci reposent sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute.136 Les juges luxembourgeois notent également que la directive 85/374/CEE “n’a, (...) ainsi qu’il ressort de son dix-huitième considérant, pas vocation à harmoniser de manière exhaustive le domaine de la responsabilité du fait des produits défectueux au-delà desdits points” (point 25). A cet égard, ils constatent que le régime français en cause ne relève pas du champ d’application de la directive 85/374/CEE, puisque la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage ne sont pas des points réglementés par la directive. La Cour de Justice ne partage donc pas la thèse de la société Moteurs Leroy Somer. Elle affirme que “l’harmonisation opérée par la directive 85/374 ne couvrant pas la réparation des dommages causés à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage, cette directive n’empêche pas un État membre de prévoir à cet égard un régime de responsabilité correspondant à celui instauré par ladite directive”. Par ces motifs, la Cour dit pour droit : “La directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives 136 CJCE, Skov et Bilka, du 10 janvier 2006, C- 402/03, Rec. p. I -99, points 22, 23 et 47. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 8 (janvier-février 2006). -123- des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à l’interprétation d’un droit national ou à l’application d’une jurisprudence interne établie selon lesquelles la victime peut demander réparation du dommage causé à une chose destinée à l’usage professionnel et utilisée pour cet usage, dès lors que cette victime rapporte seulement la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage.” jjj -124- ESPACE DE LIBERTÉ DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE Roda Golf & Beach Resort 137 25 juin 2009 - C-14/08 « Coopération judiciaire en matière civile - Renvoi préjudiciel - Compétence de la Cour - Notion de “litige” - Règlement (CE) n/ 1348/2000 - Signification et notification des actes extrajudiciaires e dehors d’une procédure judiciaire - Acte notarié » T Faits : Afin de notifier à des destinataires domiciliés au Royaume-Uni et en Irlande la résolution unilatérale du contrat de vente de biens immobiliers qu’elle avait conclu, la société Roda Golf & Beach Resort SL (ci-après «Roda Golf»), dont le siège est à San Javier (Espagne), passa devant un notaire un acte de notification et de mise en demeure nécessitant l’intervention du greffier, autorité compétente au sens du règlement n/ 1348/2000/CE. Cependant, la transmission de ces lettres de résolution n’avait aucun lien avec une procédure judiciaire en cours et le greffier de la juridiction de renvoi refusa de transmettre l’acte au motif que sa notification n’entrait pas dans le cadre d’une procédure judiciaire et ne relevait donc pas du champ d’application du règlement n/ 1348/2000/CE. Roda Golf forma un recours contre cette décision, en faisant valoir que les actes extrajudiciaires, en application du règlement, peuvent être notifiés en dehors de toute procédure judiciaire. La juridiction de renvoi ayant des doutes sur l’interprétation du règlement n/ 1348/2000/CE relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale décida de poser deux questions préjudicielles à la Cour de justice. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : La Cour est saisie des deux questions suivantes : « 1. La notification d’actes strictement extrajudiciaires relève-t-elle du champ d’application du règlement (CE) n/ 1348/2000 du Conseil lorsqu’elle est effectuée entre personnes privées utilisant les moyens matériels et personnels des juridictions de l’Union européenne et la réglementation européenne sans engager aucune procédure judiciaire ? 2. Le champ d’application du règlement (CE) n/ 1348/2000 couvre-t-il exclusivement la coopération judiciaire entre États membres dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours [articles 61, sous c), 67, paragraphe 1 et 65 CE et sixième considérant du règlement n/ 1348/2000] ? » En substance, la juridiction de renvoi demande donc à la Cour si la signification et la notification d’actes extrajudiciaires en dehors d’une procédure judiciaire, lorsqu’elle est effectuée entre personnes privées, relèvent du champ d’application du règlement n/ 1348/2000. - Le titre IV du traité CE habilite des institutions à mettre en œuvre des politiques liées à la libre circulation des personnes. 137 Les conclusions de l’Avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 5 mars 2009, ont été résumées dans la veille bimestrielle de droit européen, n/ 24 (mars-avril 2009). -125- Plus précisément, l’article 65 dispose que : « les mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, qui doivent être prises conformément à l’article 67 et dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur, visent entre autres à : a) améliorer et simplifier : - le système de signification et de notification transfrontière des actes judiciaires et extrajudiciaires ; […]. » - Le règlement (CE) n/ 1348/2000 régit la signification et la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale. Les considérants n/ 2 et n/ 6 du règlement prévoient notamment que : «[l]e bon fonctionnement du marché intérieur exige d’améliorer et d’accélérer la transmission entre les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale» en vue de leur signification ou de leur notification. Cette exigence requiert que la transmission de ces actes soit «effectuée directement et par des moyens rapides entre les entités locales désignées par les États membres ». Toutefois il est utile de relever que le règlement (CE) n/ 1348/2000 ne définit pas les documents extrajudiciaires et ne les dote d’aucun régime spécifique pour leur signification et leur notification. Une seule disposition leur est toutefois consacrée, à savoir l’article 16 qui dispose : « Les actes extrajudiciaires peuvent être transmis aux fins de signification ou de notification dans un autre État membre conformément aux dispositions du présent règlement ». Enfin, en application de l’article 17, sous b), du règlement (CE) n/ 1348/2000, la Commission a adopté le 25 septembre 2001 une décision établissant un manuel d’entités requises et un répertoire des actes susceptibles d’être notifiés ou signifiés, dont l’annexe II contient le répertoire d’actes. Ce répertoire, purement indicatif et non exhaustif, précise néanmoins s’agissant de l’Espagne : « [q]uant aux actes extrajudiciaires, susceptibles d’être signifiés, il s’agit des documents non judiciaires émanant d’une autorité publique compétente pour procéder à des significations en vertu de la loi espagnole ». T Décision : - Sur les deux exceptions d’incompétence soulevées par la Commission : - Celle-ci soutient que la décision que le juge de renvoi est amené à rendre est une décision définitive susceptible de faire l’objet d’un appel selon le droit espagnol. Ainsi, le renvoi préjudiciel serait irrecevable car selon l’article 68 CE “seules les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours peuvent interroger la Cour à titre préjudiciel dans le cadre du titre IV de la troisième partie du traité CE” (point 24). En l’espèce, les questions posées portent sur l’interprétation du règlement (CE) n/ 1348/2000 adopté sur la base de dispositions figurant au titre IV de la troisième partie du traité CE. L’article 68 CE doit donc être applicable. Ainsi, seule une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne peut poser une question préjudicielle en interprétation à la Cour de justice. Or, en droit espagnol, une décision telle que celle au principal agite la jurisprudence et déchaîne la doctrine, et la question de savoir si cette décision est susceptible de recours ou non en droit espagnol reste en suspend. La Cour de justice rappelle qu’il ne lui appartient pas de trancher cette controverse mais mentionne le fait que le juge de renvoi lui a précisé dans sa demande que la décision qu’il rendra “interviendra en dernière instance” (point 29). La première exception d’incompétence doit dès lors être écartée. - La Commission soulève une seconde exception d’incompétence en soutenant que la juridiction de renvoi est saisie non pas d’un litige, mais d’un “dossier non judiciaire” (point 31). Agissant en -126- qualité d’autorité administrative, le juge n’exerce pas, selon la Commission, de fonctions juridictionnelles ce qui le prive de son pouvoir d’interroger la Cour de justice. Pour les juges de Luxembourg, il ressort du dossier que “les questions préjudicielles ont été posées à l’occasion d’un recours en rétractation formé à l’encontre du refus d’un greffier de faire notifier l’acte en cause” où seule la partie à la procédure est requérante (point 32). Ils précisent que la saisine de la Cour, en vertu de l’article 234 CE, n’est pas subordonnée au caractère contradictoire de la procédure au cours de laquelle le juge national formule une question préjudicielle 138 . De plus, les juridictions nationales ne peuvent saisir la Cour de justice, en vertu de l’article 234 CE, que “si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel” 139 (point 34). Ainsi, une juridiction de renvoi ne peut exercer une fonction juridictionnelle lorsqu’elle fait acte d’autorité administrative sans qu’elle soit en même temps appelée à trancher un litige. Cependant, les juges luxembourgeois considèrent que “si le greffier saisi d’une demande de signification ou de notification d’actes judiciaires ou extrajudiciaires en application du règlement n/ 1348/2000 peut être considéré comme faisant acte d’autorité administrative sans qu’il soit en même temps appelé à trancher le litige”, le juge statuant sur le recours formé à l’encontre du refus du greffier n’est pas considéré comme exerçant un tel acte (point 37). L’objet d’un tel recours est en effet l’annulation du refus lésant le droit du demandeur de faire signifier son acte par les voies du règlement. Par conséquent, ils estiment que le juge de renvoi qui a posé les questions préjudicielles est saisi d’un litige et qu’il exerce donc bien une fonction juridictionnelle lui permettant de saisir la Cour conformément à la procédure de l’article 234 CE. La seconde exception d’incompétence soulevée par la Commission doit donc également être écartée. - Sur le fond : La Cour de justice rappelle “qu’il convient d’examiner ensemble [...] si la signification et la notification d’actes extrajudiciaires en dehors d’une procédure judiciaire, lorsqu’elle est effectuée entre personnes privées, relèvent du champ d’application dudit règlement” (point 43). A titre liminaire, les juges de Luxembourg précisent qu’il convient de déterminer le régime de notion d’ « acte extrajudiciaire », à savoir s’il s’agit d’une notion de droit communautaire ou si au contraire elle relève du droit national. Les gouvernements de sept Etats membres font valoir que cette notion doit être déterminée en fonction du droit national de chaque Etat membre. Ils basent leurs observations sur l’article 17 sous b) du règlement n/ 1348/2000/CE qui prévoit l’établissement d’un répertoire des actes susceptibles d’être signifiés ou notifiés et précisent que le contenu de ces actes varie selon les Etats membres. La Cour rappelle l’objet de ce règlement qui vise à “améliorer et accélérer la transmission entre les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale aux fins de signification ou de notification”, tout en précisant que la notion d’« acte extrajudiciaire » ne bénéficie pas d’une définition précise (point 46). L’article 17 sous b) confie à la Commission le soin de procéder, avec le concours des Etats membres, à l’établissement d’un répertoire mentionnant les actes susceptibles d’être signifiés ou notifiés. Cependant, en l’absence de ce répertoire, la notion d’ « acte extrajudiciaire » au sens du règlement (CE) n/1348/2000 “doit être considéré comme une notion de droit communautaire” (point 47). Pour opérer cette qualification, la Cour se réfère à l’objectif du traité d’Amsterdam de créer un espace de liberté, de sécurité et de justice qui a permis à la Communauté de prendre des mesures en matière de coopération judiciaire en matière civile. De plus, le choix d’édicter un 138 CJCE, Corsica Ferries, du 17 mai 1994, C-18/93, point 12. 139 CJCE, Borker, du 18 juin 1980, aff. 138/80, point 4 ; CJCE, Salzmann, du 14 juin 2001, C-178/99, point 14. -127- règlement et non une directive démontre bien la volonté de la Communauté d’agir directement et de façon uniforme dans ce domaine. Sur le champ d’application du règlement n/ 1348/2000/CE, certains gouvernements soutiennent que pour être considéré comme un acte extrajudiciaire, un document doit avoir un lien concret avec une procédure judiciaire en cours ou avec l’introduction d’une telle procédure (point 51). Selon les juges communautaires, ce règlement ayant pour base juridique l’article 61 sous c) CE, a pour but d’ “améliorer et de simplifier le système de signification et de notification transfrontalière des actes judiciaires et extrajudiciaires dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur” (point 53). Ce souci de bon fonctionnement du marché intérieur se retrouve également dans les considérants du règlement ainsi que dans les dispositions de l’article 65 CE. Ainsi, “compte tenu de cette finalité, la coopération judiciaire visée par cet article et ce règlement ne saurait être circonscrite aux seules procédures judiciaires”. Cette coopération doit donc être étendue au delà de telles procédures afin d’assurer un bon fonctionnement du marché intérieur (point 56). La Cour précise que l’acte en cause a été établi par un notaire en vue de la transmission au greffier de la juridiction de renvoi aux fins de sa notification. Or, un acte notarié constitue, selon l’article 16 du règlement, un acte extrajudiciaire. Sur les préoccupations développées par certains gouvernements du fait “qu’une conception large de la notion d’acte extrajudiciaire imposerait une charge excessive eu égard aux ressource des juridictions nationales”, les juges du plateau de Kirchberg répondent que les obligations en matière de signification et de notification découlant du règlement n/ 1348/2000 n’incombent pas nécessairement aux juridictions nationales. En effet, en vertu du texte communautaire, des « officiers ministériels, des autorités, ou d’autres personnes » pourraient exercer ces missions. De plus, ils précisent qu’il existe d’autres voies de notification et de signification que celles passant par l’intermédiaire des entités d’origine et des entités requises. En effet, l’article 14 du règlement “autorise les Etats membres à prévoir la faculté de procéder directement par la poste à la signification ou à la notification aux personnes résidant dans un autre État membre”. De même l’article 15 de ce règlement ne s’oppose pas “à la signification ou à la notification directe par les soins des officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétentes de l’État membre requis”. Force est de constater que ces deux dispositions s’appliquent également aux actes extrajudiciaires. Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “La signification et la notification, en dehors d’une procédure judiciaire, d’un acte notarié tel que celui en cause au principal relèvent du champ d’application du règlement (CE) n/ 1348/2000 du Conseil, du 29 mai 2002, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale”. jjj Renate Ilsinger c/ Martin Dreschers 14 mai 2009 - C-180/06 « Compétence judiciaire en matière civile - Règlement (CE) n/ 44/2001 - Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs - Droit pour le consommateur destinataire d’une publicité trompeuse de revendiquer en justice le prix apparemment gagné - Qualification - Action de nature contractuelle visée à l’article 15, paragraphe 1, sous c), dudit règlement - Conditions » T Faits : Une ressortissante autrichienne reçut un courrier d’une société de vente par correspondance de droit allemand établie à Aachen (Allemagne), lui laissant croire qu’elle avait gagné un prix de 20 000 euros. Afin d’obtenir le paiement de ce gain, elle retourna un coupon réponse et dans -128- le même temps passa une commande à titre d’essai. N’ayant toujours pas reçu après quatre mois, le paiement de cette somme, elle saisit la juridiction située dans le ressort de son domicile. La société défenderesse souleva une exception d’incompétence de la juridiction en question, faisant valoir notamment que les articles 15 et 16 du règlement n/ 44/2001/CE n’étaient pas applicables, car ceux-ci présupposaient l’existence d’un contrat conclu à titre onéreux, lequel ferait défaut en l’espèce. La société soutenait en outre que la participation au jeu n’était pas subordonnée à la passation d’une commande ; elle estimait d’ailleurs que la requérante n’en n’avait passée aucune et que celle-ci ne pouvait donc bénéficier de la protection due aux consommateurs. La juridiction saisie en appel, décida de surseoir à statuer et posa deux questions préjudicielles à la Cour de Luxembourg. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : Les questions préjudicielles traitées ensemble portent sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, sous c) du règlement (CE) n/ 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Précisément, à la Cour est posée la question de savoir si les règles de compétences du règlement Bruxelles I doivent être interprétées en ce sens que l’action par laquelle un consommateur cherche à faire condamner une société de vente par correspondance à la remise d’un prix apparemment gagné par lui, sans que l’attribution de ce prix dépende d’une commande de produits offerts à la vente par cette société, est de nature contractuelle au sens de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement, le cas échéant à la condition que le consommateur ait néanmoins passé une telle commande. L’article 15 du règlement dispose que : « En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5, point 5 : a) lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels ; b) lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets ; c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. ». T Décision : La Cour affirme que ses interprétations jurisprudentielles de la Convention de Bruxelles, remplacée par le règlement Bruxelles I, valent également pour ce dernier. Il en résulte que l’article 15 du règlement (tout comme l’ancien article 13 de la Convention) vise à protéger la partie faible. A cet égard, elle rappelle avoir déjà jugé que cet article s’appliquait à l’action par laquelle le consommateur, contacté à son domicile par courrier d’un vendeur professionnel afin de susciter une commande, revendique en justice la remise d’un prix gagné en apparence.140 Dans cet arrêt Gabriel, elle a notamment constaté l’existence d’un contrat conclu par le consommateur, du fait de l’accord de volonté des deux parties, accord symbolisé par l’offre faite par l’entreprise de vente par correspondance et son acceptation par le consommateur lors de sa commande. En outre, la Cour dans ce même arrêt, a estimé que la promesse de gain était « indissociablement liée » à la commande de marchandises et partant à la conclusion d’un contrat à titre onéreux. Par conséquent, l’action visant à faire condamner le vendeur à la remise d’un prix gagné en apparence, devait pouvoir être intentée devant la même juridiction que celle 140 CJCE, Gabriel, du 11 juillet 2002, C-96/00, Rec. p. I-6367, points 53, 55, 59 et 60. -129- compétente pour connaître du contrat conclu par le consommateur, et ce, afin d’éviter la multiplication des juridictions compétentes. Par ailleurs, la Cour fait référence à son arrêt Engler de 2005,141 dans lequel au contraire, elle a exclu l’application de l’article 13 de la Convention de Bruxelles. Dans cette hypothèse, le consommateur avait revendiqué le gain promis, mais son attribution n’était pas subordonnée à la condition que celui-ci commande des marchandises, et en l’espèce aucune commande n’avait été effectuée. Les juges communautaires expliquent cette solution par le fait que l’envoi d’un courrier contenant la proposition n’avait pas été suivi par la conclusion d’un contrat entre le consommateur et la société et ce, alors même que l’article 13 de la Convention exigeait pour son application la conclusion d’un contrat par le consommateur. Néanmoins, la Cour relève que contrairement à l’article 13 de la Convention de Bruxelles, l’article 15 du règlement est rédigé en des termes généraux plus larges. Ainsi ce dernier doit être lu comme visant “l’ensemble des contrats, quel que soit leur objet, dès lors qu’ils ont été conclus par un consommateur avec un professionnel et entrent dans le cadre des activités commerciales ou professionnelles de ce dernier” (point 50). Par conséquent, l’article 15 du règlement n’est pas limité aux seuls cas de figure dans lesquels les parties ont contracté des engagements synallagmatiques. Mais cet article exige toutefois que l’action juridictionnelle en cause se rattache nécessairement à l’existence d’un contrat entre le consommateur et le professionnel. Les juges de Luxembourg estiment alors que l’existence d’un tel contrat ne saurait être réalisée que, dans l’hypothèse où la société de vente par correspondance aurait exprimé clairement sa volonté d’être liée par un engagement, et en cas d’acceptation de celui-ci par l’autre partie, en se déclarant inconditionnellement disposée à payer le prix en cause aux consommateurs qui en feraient la demande. Or, ils considèrent que le procédé commercial en cause dans le litige ne peut être regardé comme revêtant une nature contractuelle. Il pourrait tout au plus, selon eux, être qualifié de précontractuel ou de quasi contractuel et relèverait donc de l’article 5, point 1, du règlement. La Cour affirme donc qu’il “convient de considérer que, en l’état actuel du libellé de l’article 15 du règlement n/ 44/2001, le paragraphe 1, sous c, de cet article ne saurait trouver à s’appliquer à une action juridictionnelle telle que celle en cause au principal, dès lors que le professionnel ne s’est pas contractuellement engagé à payer le prix promis au consommateur qui en revendique le versement. Dans ce cas de figure, cette même disposition n’est applicable à une telle action juridictionnelle qu’à la condition que la promesse fallacieuse de gain ait été suivie de la conclusion d’un contrat par le consommateur avec la société de vente par correspondance, se matérialisant par une commande passée à cette dernière” (point 59). En somme, dans l’hypothèse en cause, les règles de compétence énoncées par l’article 15 du règlement n/ 44/2001/CE, paragraphe 1, sous c), ne trouveront à s’appliquer que dans deux hypothèses : - Si le vendeur professionnel s’est juridiquement engagé à payer ce prix au consommateur ; - Ou si cette condition n’est pas satisfaite, si le consommateur a effectivement passé une commande à ce vendeur professionnel. jjj 141 CJCE, Engler, du 20 janvier 2005, C-27/02, Rec. p. I-481. -130- Falco Privatstiftung et Thomas Rabitsch c/ Gisela Weller-Lindhorst 142 23 avril 2009 - C-533/07 «Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale Règlement (CE) n/ 44/2001 - Compétences spéciales - Article 5, point 1, sous a) et b), second tiret Notion de “fourniture de services” - Concession de droits de propriété intellectuelle » T Faits : Le litige porte sur le versement d’une redevance sur la base du montant des ventes réalisées, de l’enregistrement vidéo d’un concert. En première instance, la juridiction saisie s’était déclarée compétente en vertu de l’article 5, point 3 du règlement n/ 44/2001/CE, relatif à la compétence en matière délictuelle ou quasi-délictuelle. En appel, la juridiction autrichienne estima pour sa part, qu’un tel article n’était pas applicable aux droits de nature contractuelle, pas plus que ne l’était l’article 5, point 1, sous b), second tiret du règlement régissant la compétence en matière de fourniture de services. La juridiction suprême autrichienne, saisie d’un pourvoi en « revision «, s’interrogea sur la notion de « fourniture de services », et observa que celle-ci n’était pas définie par le règlement n/ 44/2001. L’enjeu dans cette affaire était de savoir si un contrat par lequel le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle habilitait son cocontractant à exploiter ce droit, pouvait être qualifié de « contrat de fourniture de services ». La juridiction de renvoi décida alors de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice trois questions préjudicielles. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : Par la première question préjudicielle, il était demandé à la Cour de répondre à la question de savoir si le contrat par lequel le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle habilitait son cocontractant à exploiter ce droit était ou non un contrat portant sur la fourniture de services, au sens de l’article 5, point 1, sous b), du règlement n/ 44/2001/CE. En cas de réponse affirmative à la première question, la juridiction de renvoi demandait quel était le lieu de la fourniture d’un tel service. Enfin, en cas de réponse négative à la première question, la juridiction de renvoi souhaitait savoir s’il fallait continuer à se référer aux principes issus de la jurisprudence de la Cour, sur l’article 5, point 1 de la Convention de Bruxelles en ce qui concerne la détermination de la compétence quant au paiement de la redevance de licence. L’article 5 du règlement n/44/2001 dispose : « Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : 1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est : - pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, - pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ; c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas ; […] 142 Les conclusions de l’Avocat général sont résumées dans la veille-bimestrielle n/ 23, janvier-février 2009, p. 139. -131- 3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ; […]» T Décision : - Sur la première question préjudicielle : La Cour relève tout d’abord que le libellé de l’article 5, point 1, sous b), second tiret du règlement n/ 44/2001/CE, ne permet pas en lui-même de répondre à la question posée. En effet, cette disposition ne donne pas de définition de la notion de « contrat de fourniture de services ». La Cour de Luxembourg estime alors nécessaire de se tourner vers la “genèse, les objectifs et le système du règlement” pour interpréter cette disposition. A cet égard, visant les deuxième et onzième considérants de celui-ci, elle rappelle qu’il tend à une unification des règles de conflit de juridiction en matière civile et commerciale, un tel système présentant un degré de prévisibilité très élevé. Elle estime que ce règlement poursuit ainsi un objectif de sécurité juridique, permettant de renforcer la protection des personnes établies au sein de la Communauté européenne. Les juges communautaires poursuivent en précisant que le règlement instaure, à côté de la compétence de principe du for du domicile du défendeur (article 2 du règlement), une règle de compétence spéciale en matière contractuelle à l’article 5, motivée par la nécessité d’un lien étroit entre le contrat et le tribunal appelé à en connaître. Ils rappellent qu’en vertu de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est le lieu d’un Etat membre, où en vertu du contrat, les services ont été ou auraient du être fournis. De plus, la notion de « services » implique également que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d’une rémunération. Or, la Cour de justice constate que le contrat par lequel le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle concède à son cocontractant le droit de l’exploiter en contrepartie du versement d’une rémunération, n’implique pas une telle activité. En effet, le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle n’accomplit aucune prestation, il s’engage uniquement à laisser son cocontractant exploiter librement le droit. La Cour confirme cette interprétation en estimant qu’elle ne saurait être remise en question par l’interprétation large qui est faite de la notion de « services » de l’article 50 du Traité CE. En effet, dans le cadre de l’article 50 CE une interprétation large est justifiée par le souci d’inclure le plus grand nombre d’activités économiques ne rentrant pas dans le champ de la libre circulation des marchandises, des capitaux ou des personnes, afin que ces activités n’échappent pas à l’application du Traité. Or, dans le cadre du règlement Bruxelles I, une telle interprétation ne se justifie pas. La Cour énonce en effet que “le système et l’économie des règles de compétences énoncées [par ce règlement] requièrent, au contraire d’interpréter restrictivement les règles de compétences spéciales, dont celle qui figure, en matière contractuelle, à l’article 5, point 1, du règlement” (point 37). Elle écarte également la possibilité d’interpréter la notion de « fourniture de services » à la lumière de la définition large qui est donnée des « services » dans les directives communautaires en matière de TVA. Elargir le champ d’application de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement 44/2001/CE, reviendrait en réalité à contourner l’intention du législateur communautaire. Par conséquent, la Cour répond à la première question préjudicielle, en affirmant “que l’article 5, point 1, sous b), second tiret du règlement n/ 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’un contrat, par lequel le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle concède à son cocontractant le droit de l’exploiter en contrepartie du versement d’une rémunération, n’est pas un contrat de fourniture de services, au sens de cette disposition” (point 44). Ayant répondu par la négative à la première question préjudicielle, il ne lui est désormais plus nécessaire d’examiner la deuxième question préjudicielle. -132- - Sur la troisième question préjudicielle : Il s’agit ici de savoir si, pour déterminer, en application de l’article 5, point 1, sous a) du règlement, la juridiction compétente pour connaître d’une demande de paiement de la rémunération due en vertu d’un contrat par lequel le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle concède à son cocontractant le droit de l’exploiter, il était nécessaire de continuer à se référer aux principes issus de la jurisprudence de la Cour portant sur l’article 5, point 1, de la Convention de Bruxelles. La Cour souligne en premier lieu que les termes du règlement n/ 44/2001/CE et de la Convention de Bruxelles, s’agissant de l’article 5, point 1, sous a) sont rigoureusement identiques. Elle rappelle en effet que le législateur a entendu assurer une véritable continuité entre ces deux textes. Or, en l’absence de motif imposant une interprétation différente, elle note que “l’exigence de cohérence implique que [cet article] se voie reconnaître une portée identique à celle de la disposition correspondant de la convention de Bruxelles” (point 51) et ce afin d’assurer une interprétation uniforme de ces deux textes. Cette continuité dans l’interprétation est ainsi conforme aux exigences de sécurité juridique. La Cour affirme donc que l’article 5, point 1, sous a), du règlement Bruxelles I doit se voir reconnaître une portée identique à celle de l’article 5, point 1, de la Convention de Bruxelles. Par ces motifs la Cour dit pour droit (point 2 du dispositif) : “Afin de déterminer, en application de l’article 5, point 1, sous a), du règlement n/ 44/2001, la juridiction compétente pour connaître d’une demande de paiement de la rémunération due en vertu d’un contrat par lequel le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle concède à son cocontractant le droit de l’exploiter, il convient de continuer à se référer aux principes issus de la jurisprudence de la Cour portant sur l’article 5, point 1, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la convention du 26 mai 1989 relative à l’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise.” jjj A 143 2 avril 2009 - C-523/07 « Coopération judiciaire en matière civile - Compétence, reconnaissance et exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale - Règlement (CE) n/ 2201/2003 - Champ d’application matériel - Notion de “matières civiles” - Décision relative à la prise en charge et au placement d’enfants en dehors du foyer familial - Résidence habituelle de l’enfant - Mesures conservatoires - Compétence » T Faits : La requérante, A, est la mère de C, D et E qui habitaient en Finlande avec le beau-père des enfants. En raison d’actes de violence commis par ce dernier, les enfants firent l’objet d’une mesure de prise en charge qui fut ensuite suspendue. En 2001, la famille déménagea en Suède mais revint en Finlande quatre années plus tard dans l’intention d’y séjourner durant les vacances. Mais après plusieurs mois passés dans des logements précaires (campings, accueil auprès de membres de la famille) sans que les enfants soient scolarisés, la famille déposa une demande de logement auprès des services sociaux de la commune finlandaise d’Y. 143 Les conclusions de l’Avocat général Mme Juliane kokott, présentées le 29 janvier 2009, sont résumées dans la veille bimestrielle Janvier-Février 2009, pp.137-139. -133- Par décision du 16 novembre 2005, la Commission de garantie des droits sociaux fondamentaux décida d’une prise en charge urgente des enfants qui furent placés dans une famille d’accueil en vertu de l’article 18 de la loi finlandaise sur la protection des enfants au motif qu’ils auraient été abandonnés. Les parents demandèrent l’annulation des décisions précédemment mentionnées. Cette demande fut rejetée et un placement des enfants en foyer d’accueil fut ordonné. Les parents saisirent le tribunal administratif d’un recours qui fut également rejeté. La Cour administrative suprême estima que l’interprétation du règlement (CE) n/ 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n/ 1347/2000 144 (ci-après le « règlement ») était nécessaire pour trancher le litige. T Droit communautaire en cause et questions préjudicielles : La juridiction de renvoi pose à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes : « 1) a) Le règlement […] est-il applicable à l’exécution, dans tous ses éléments, d’une décision comme celle prise en l’espèce, qui ordonne la prise en charge immédiate et le placement d’un enfant en dehors de son foyer d’origine, lorsque cette décision prend la forme d’une décision unique adoptée dans le cadre des règles de droit public relatives à la protection de l’enfance ? b) À défaut, le règlement n’est-il applicable, eu égard à son article 1er, paragraphe 2, sous d), qu’à la partie de la décision relative au placement en dehors du foyer d’origine ? 2) De quelle manière convient-il d’interpréter, en droit communautaire, la notion de “résidence habituelle” visée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement ainsi qu’à l’article 13, paragraphe 1, qui y est lié, en particulier au regard d’une situation dans laquelle l’enfant a une résidence permanente dans un État membre mais séjourne dans un autre État membre où il mène une vie sans habitation fixe ? 3) a) Si l’on considère que la résidence habituelle de l’enfant ne se trouve pas dans cet autre État membre, à quelles conditions une mesure conservatoire urgente (une mesure de prise en charge) peut-elle néanmoins être adoptée, sur le fondement de l’article 20, paragraphe 1, du règlement, dans ledit État membre ? b) La mesure conservatoire visée à l’article 20, paragraphe 1, du règlement est-elle uniquement une mesure pouvant être mise en œuvre conformément au droit national et les dispositions du droit national relatives à ladite mesure sont-elles contraignantes lors de l’application de l’article concerné ? c) [À la suite de] la mise en œuvre de la mesure conservatoire, l’affaire doit-elle être déférée d’office à la juridiction de l’État membre compétent ? 4) Si la juridiction de l’État membre n’a aucune compétence, doit-elle conclure à l’irrecevabilité de l’affaire ou la déférer à la juridiction d’un autre État membre? » T Décision : - Sur la première question relative à l’applicabilité de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement à une décision unique qui ordonne la prise en charge immédiate ainsi que le placement d’un enfant en dehors de son foyer d’origine : La Cour de Luxembourg considère que par sa question, la juridiction de renvoi cherche également à savoir si une telle décision ordonnant la prise en charge et le placement de l’enfant relève de la notion de « matières civiles » au sens de l’article 1er, paragraphe 1 de ce règlement, lorsqu’elle a été adoptée dans le cadre des règles de droit public relatives à la protection de l’enfance. 144 JO L 338, p. 1 -134- Elle constate que cette question a été précédemment posée par la même juridiction de renvoi, qu’elle se fonde sur la même motivation et est rédigée exactement dans les mêmes termes que celle ayant donné lieu à l’arrêt du 27 novembre 2007.145 Par conséquent, elle affirme qu’une réponse identique doit être donnée. Elle dit pour droit que “l’article 1er, paragraphe 1, du règlement doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « matières civiles », au sens de cette disposition, une décision qui ordonne la prise en charge immédiate et le placement d’un enfant en dehors de son foyer d’origine, lorsque cette décision a été adoptée dans le cadre des règles de droit public relatives à la protection de l’enfance” (point 29). - Sur la seconde question relative à l’interprétation de la notion de « résidence habituelle » : La juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation qu’il convient de donner à la notion de « résidence habituelle » au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement. Précisément, il s’agit de savoir ce qu’il en est dans une situation dans laquelle l’enfant dispose d’une résidence permanente dans un État membre mais séjourne dans un autre État membre où il mène une vie de personne sans résidence fixe. Tout d’abord, les juges de Luxembourg indiquent que l’article 8, paragraphe 1, du règlement ne définit pas le contenu de la notion de « résidence habituelle ». Ils notent ensuite qu’aux “termes de l’article 13, paragraphe 1 du règlement, lorsque la résidence habituelle de l’enfant ne peut être établie, les juridictions de l’Etat membre dans lequel l’enfant est présent sont compétentes” (point 32) et en déduisent que “la seule présence physique de l’enfant dans un Etat membre, en tant que règle de compétence subsidiaire par rapport à celle énoncée à l’article 8 du règlement, ne peut pas suffire à établir la résidence habituelle de l’enfant” (Point 33). Puis, les juges européens indiquent que la détermination de la « résidence habituelle » doit notamment être effectuée en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et, en particulier du critère de proximité ainsi que des circonstances particulières à l’espèce. Pour la Cour, la notion “doit être interprétée en ce sens que cette résidence correspond au lieu qui traduit une certaine intégration de l’enfant dans un environnement social et familial. À cette fin, doivent notamment être pris en considération la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire d’un État membre et du déménagement de la famille dans cet État, la nationalité de l’enfant, le lieu et les conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux entretenus par l’enfant dans ledit État. Il appartient à la juridiction nationale d’établir la résidence habituelle de l’enfant en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait particulières à chaque cas d’espèce”. (Point 44). - Sur la troisième question relative à l’adoption d’une mesure de prise en charge : Par cette question, la juridiction de renvoi demande à quelles conditions est soumise l’adoption d’une mesure conservatoire, telle que la prise en charge d’enfants. Elle s’interroge également sur le point de savoir si une telle mesure peut être appliquée conformément au droit national et si les règles de ce droit relatives à cette mesure sont contraignantes. Enfin, elle demande si, après la mise en œuvre de ladite mesure conservatoire, l’affaire doit être déférée à la juridiction compétente d’un autre État membre. La Cour relève tout d’abord que les dispositions de l’article 20, paragraphe 1 du règlement, n’empêchent pas, en cas d’urgence, que les juridictions d’un Etat membre prennent des mesures 145 CJCE, C. du 27 novembre 2007, C-435/06, rec. p. I-10141. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 17 (Novembredécembre 2007). -135- provisoires ou conservatoires relatives aux personnes, et ce, même si, en vertu du règlement, une juridiction d’un autre Etat membre est compétente pour connaître du fond (Point 46). Ensuite, elle précise qu’il résulte de cet article que l’adoption de telles mesures en matière de responsabilité parentale par les juridictions des Etats membres qui ne sont pas compétentes pour connaître du fond est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir : “- les mesures concernées doivent être urgentes ; - elles doivent être prises à l’égard des personnes ou des biens présents dans l’État membre où siège la juridiction saisie de l’affaire, et - elles doivent être de nature provisoire.” (Point 47). Puis, les juges européens indiquent que “ces mesures sont applicables aux enfants qui, ayant leur résidence habituelle dans un Etat membre, séjournent à titre temporaire ou occasionnel dans un autre Etat membre se trouvent dans une situation susceptible de nuire gravement à leur bienêtre, y compris à leur santé ou à leur développement, justifiant ainsi l’adoption immédiate de mesures de protection. La nature provisoire de telles mesures découle du fait que, en vertu de l’article 20, paragraphe 2 du règlement, celles-ci cessent d’avoir effet lorsque la juridiction de l’Etat membre est compétente pour connaître du fond a pris les mesures qu’elle estime appropriées” (Point 48). Ils notent ensuite que l’article 20, paragraphe 1 du règlement dispose que les mesures provisoires ou conservatoires que les juridictions d’un Etat membre peuvent prendre relèvent de la législation interne de l’Etat membre. Dans ce contexte, ils considèrent qu’il appartient au législateur national d’énoncer les mesures que les autorités nationales doivent adopter en vue de la préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant et de fixer les modalités procédurales de leur exécution. La Cour poursuit en affirmant qu’il faut vérifier si, à la suite de la mise en œuvre d’une mesure conservatoire, l’affaire doit être déférée d’office à la juridiction compétente d’un autre Etat membre. A cet égard, elle note qu’en vertu de l’article 15, paragraphe 1, sous b) du règlement, les juridictions d’un Etat membre compétentes peuvent, si elles estiment qu’une juridiction d’un autre Etat membre avec lequel l’enfant l’enfant a un lien particulier est mieux placée pour connaître l’affaire, lui demander d’exercer sa compétence (Point 54). Elle relève également que le règlement n’impose pas aux juridictions nationales ayant adopté des mesures conservatoires ou provisoires de déférer l’affaire à une juridiction d’un autre Etat membre après l’exécution de ces mesures (Point 56). Partant, la CJCE considère “qu’une mesure conservatoire, telle que la prise en charge d’enfants, peut être décidée par une juridiction nationale au titre de l’article 20 du règlement dès que les conditions suivantes sont remplies : - cette mesure doit être urgente ; - elle doit être prise à l’égard des personnes présentes dans l’État membre concerné, et - elle doit être de nature provisoire. La mise en œuvre de ladite mesure ainsi que le caractère contraignant de cette dernière sont fixés conformément au droit national. Après la mise en œuvre de la mesure conservatoire, la juridiction nationale n’est pas tenue de déférer l’affaire à la juridiction compétente d’un autre État membre. Toutefois, pour autant que la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant l’exige, la juridiction nationale qui a mis en œuvre des mesures provisoires ou conservatoires doit en informer, directement ou par l’intermédiaire de l’autorité centrale désignée au titre de l’article 53 du règlement, la juridiction compétente d’un autre État membre.” (Point 65). - Sur la quatrième question relative à l’incompétence de la juridiction de l’Etat membre : La question posée était de savoir si, dans le cas où la juridiction d’un État membre n’a aucune compétence, celle-ci doit se déclarer incompétente ou déférer l’affaire à la juridiction d’un autre État membre ? -136- La Cour de Luxembourg indique que, conformément à l’article 17 du règlement, “la juridiction d’un État membre saisie d’une affaire pour laquelle sa compétence n’est pas fondée aux termes du présent règlement et pour laquelle une juridiction d’un autre État membre est compétente en vertu du présent règlement se déclare d’office incompétente” (Point 67). Puis elle rappelle que l’article 15 du règlement est le seul à prévoir une demande à la juridiction d’un autre Etat membre d’exercer sa compétence. La Cour dit pour droit : “dans le cas où la juridiction d’un État membre n’a aucune compétence, elle doit se déclarer d’office incompétente, sans être tenue de déférer l’affaire à une autre juridiction. Toutefois, pour autant que la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant l’exige, la juridiction nationale qui s’est déclarée d’office incompétente doit en informer, directement ou par l’intermédiaire de l’autorité centrale désignée au titre de l’article 53 du règlement, la juridiction compétente d’un autre État membre.” (Point 71). jjj -137- FISCALITÉ Aberdeen Property Fininvest Alpha Oy 146 18 juin 2009 - C-303/07« Liberté d’établissement - Directive 90/435/CEE - Impôt sur les sociétés - Distribution de dividendes Retenue à la source opérée sur les dividendes versés à des sociétés non-résidentes autres que les sociétés au sens de ladite directive - Exonération des dividendes versés à des sociétés résidentes » T Faits : Une procédure a été introduite par la société finlandaise Alpha, au sujet du prélèvement d’une retenue à la source sur les dividendes à distribuer à sa société mère, Nordic Fund SICAV. Alpha a saisi la Keskusverolautakunta (Commission centrale des impôts) pour savoir si était tenue de prélever l’impôt à la source sur les dividendes versés à sa société mère (Nordic Fund SICAV), eu égard aux articles 43 CE et 56 CE, et compte tenu du fait qu’un dividende versé à une société anonyme finlandaise analogue à une société de type SICAV établie en Finlande ne serait pas un revenu imposable en vertu de la législation finlandaise et ne serait donc pas grevé de l’impôt à la source. Pour la Commission centrale des impôts, Alpha est effectivement tenue de prélever l’impôt sur les dividendes versés à la société mère Nordic Fund SICAV. En effet, selon la Commission, les sociétés de type SICAV ne figurant pas dans la liste de l’annexe de la directive 90/435/CEE, elles ne paient pas d’impôt sur le revenu à l’Etat membre dans lequel elles sont établies. Elles ne sont pas considérées comme des sociétés au sens de la directive, et de ce fait, le dividende qui leur est versé ne doit pas être exonéré à sa source. La société Alpha a contesté la décision de la Commission centrale des impôts devant le Korkein hallinto-oikeus qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice une question préjudicielle aux fins d’interprétation du droit communautaire. T Question préjudicielle et droit communautaire en cause : - La directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concerne le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 225, p. 6), telle que modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003. - L’article 3, paragraphe 1, sous a), premier alinéa, de la directive 90/435/CEE donne une définition de la société mère. - En vertu de l’article 5 de ladite directive, les bénéfices distribués par une filiale à sa société mère sont exonérés de retenue à la source. La question porte sur l’éventuelle opposition entre les articles 43 CE, 48 CE, 56 CE et 58 CE et la législation nationale d’un Etat membre qui exonère de la retenue à la source les dividendes distribués par une filiale résidant dans cet Etat à une société anonyme établie dans le même Etat, 146 Les conclusions de l’Avocat général Jan Mazak présentées le 18 décembre 2008 ont été résumées dans la veille bimestrielle de droit européen novembre-décembre 2008, p. 104. -138- mais qui au contraire soumet à cette retenue les dividendes similaires versés à une société mère de type SICAV établie dans un autre Etat membre, qui revêt une forme juridique inconnue dans le premier Etat membre, qui ne figure pas sur la liste des sociétés visées par la directive 90/435/CEE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents et qui est exonérée de l’impôt sur le revenu en application de la législation de l’autre Etat membre. T Décision : A titre liminaire, la Cour rappelle que si la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres, ceux-ci doivent l’exercer dans le respect du droit communautaire. Cependant, pour les distributions de dividendes entrant dans le champ d’application de la directive 90/435/CEE, son article 5 impose aux Etats membres d’exonérer de la retenue à la source les dividendes distribués par une filiale à sa société mère. Pour la juridiction de renvoi, la situation en cause ne relève pas du champ d’application de la directive 90/435/CEE dans la mesure où une société de type SICAV ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 2 paragraphe 1, sous a) et c) de cette directive (point 27). En cas de participations ne relevant pas de la directive 90/435/CEE, la Cour a jugé qu’il appartient aux Etats membres de déterminer si la double imposition des bénéfices distribués doit être évitée ou non. Cependant, les mesures adoptées ne peuvent être contraires aux libertés de circulation garanties par le traité CE.147 La juridiction de renvoi ayant posé sa question tant sur l’article relatif à la liberté d’établissement (art. 43 CE), qu’à l’article 56 CE, relatif à la libre circulation des capitaux, la Cour de Luxembourg doit, dans un premier temps, déterminer quelle liberté est en cause, puis rechercher l’existence d’une éventuelle restriction à la liberté et enfin, vérifier si des justifications peuvent être admises. Pour la Cour, le litige porte exclusivement sur l’impact de la législation nationale sur la situation d’une société résidente distribuant des dividendes à des actionnaires détenant dans celle-ci une participation leur conférant une influence certaine sur les décisions de ladite société et leur permettant d’en déterminer les activités (point 33). Or, selon une jurisprudence constante, dans ce cas ce sont les dispositions du traité CE relatives à la liberté d’établissement qui s’appliquent 148 (point 34) . Il convient donc de répondre à la question posée au regard des articles 43 CE et 48 CE Les juges communautaires rappellent que la liberté d’établissement vise à garantir pour les sociétés le bénéfice du traitement national dans l’Etat membre d’accueil, en interdisant toute discrimination fondée sur le sièges des sociétés (point 38). En l’espèce, il existe “une différence de traitement fiscal des dividendes entre sociétés mères en fonction du lieu de leur siège, ce qui est susceptible de constituer une restriction à la liberté d’établissement, en principe, interdite par les articles 43 CE et 48 CE en ce qu’elle rend moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement par des sociétés établies dans d’autres Etats membres, lesquels pourraient en conséquence renoncer à l’acquisition, à la création ou au maintien d’une filiale dans l’Etat membre qui met en oeuvre une telle différence de traitement” (point 41). Cependant, si la Cour a déjà jugé qu’un Etat membre peut prendre des mesures destinées à prévenir ou à atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition, une différence de situation entre actionnaires résidents et actionnaires non résidents peut alors exister. Toutefois elle précise qu’ “à partir du moment où un Etat membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l’impôt sur le revenu non seulement les actionnaires résidents, mais 147 CJCE, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, du 12 décembre 2006, C-374/04 et CJCE, Amurta, du 8 novembre 2007, C-379/05. 148 CJCE, Cadbury Scweppes, du 12 septembre 2006, C-196/04. -139- également les actionnaires non résidents, pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une société résidente, la situation desdits actionnaires non résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents” (point 43). Ainsi, lorsqu’un Etat membre prend des mesures destinées à préserver les sociétés mères résidentes d’une imposition en chaîne sur les bénéfices distribués par une filiale résidente, cette mesure doit également bénéficier aux sociétés mères non résidentes se trouvant dans une situation comparable. Par ailleurs, selon la Cour, on ne saurait justifier un traitement différencié par le fait qu’en droit finlandais, il n’existe aucun type de sociétés ayant une forme juridique identique à celle d’une SICAV de droit luxembourgeois. En effet, en l’absence d’harmonisation communautaire en matière de droit des sociétés, un tel régime aurait pour effet de priver la liberté d’établissement d’effet utile. De plus, l’argument avancé par le gouvernement finlandais relatif à l’absence d’imposition des revenus d’une SICAV au Luxembourg doit être écarté puisque cette non imposition “n’instaure pas une différence entre celle-ci et une société anonyme résidente justifiant un traitement différencié” relatif à l’imposition des dividendes perçus dans ces deux catégories de sociétés (point 51). En effet, en Finlande, le versement de dividendes par une société résidente à une autre société résidente n’est pas imposé. Dès lors, “l’absence d’imposition de cette catégorie de revenus au Luxembourg n’est pas de nature à justifier l’imposition de ceux-ci par l’Etat finlandais, dès lors que ce dernier a choisi de ne pas exercer sa compétence d’imposition sur de tels revenus, lorsqu’ils sont perçus par les sociétés établies en Finlande” (point 52). Par conséquent, l’existence d’un traitement différencié consacré par le droit finlandais entre les SICAV non résidentes et les sociétés anonymes résidentes “au regard de l’exonération de la retenue à la source sur les dividendes qui leur sont distribués par les sociétés résidentes constitue une restriction à la liberté d’établissement interdite, en principe, par les articles 43 CE et 48 CE”. (point 56). Cependant, si la restriction à la liberté d’établissement est en principe prohibée, une justification basée sur des raisons impérieuses d’intérêt général peut la justifier. Pour justifier une telle atteinte à une liberté garantie par le traité CE, ces raisons impérieuses d’intérêt général doivent nécessairement respecter les principes de nécessité et de proportionnalité. Ainsi, la restriction doit-elle être “propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause" et ne doit pas aller "au delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif” (point 57). Afin de justifier son régime fiscal, le gouvernement finlandais avance des arguments relatifs à la prévention de l’évasion fiscale, la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition ainsi qu’à la préservation de la cohérence du régime fiscal national. Cependant, les juges communautaires vont réfuter ces arguments point par point. La Cour admet qu’une “mesure nationale restreignant la liberté d’établissement peut être justifiée lorsqu’elle vise spécifiquement les montages purement artificiels dont le but est d’échapper à l’emprise de la législation d’un Etat membre” (point 63). Or elle considère que tel n’est pas le but spécifique du régime fiscal en cause. Dès lors, elle écarte la justification tirée de la prévention de l’évasion fiscale comme justification de la restriction à la liberté d’établissement. Sur l’argument relatif à la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition, la Cour rappelle “qu’une telle justification peut être admise dès lors, notamment, que le régime en cause vise à prévenir des comportements de nature à compromettre le droit d’un Etat membre d’exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire”.149 (point 66). Cependant, dès lors qu’un Etat membre reconnaît aux sociétés établies sur son territoire un régime fiscal avantageux, “il ne saurait invoquer la nécessité d’assurer une répartition équilibrée 149 CJCE, Rewe Zentralfinanz, du 29 mars 2007, C-347/04, point 42. -140- du pouvoir d’imposition entre les Etats membres afin de justifier l’imposition des sociétés bénéficiaires établies dans un autre Etat membre” (point 67). Enfin, sur l’argument relatif à la préservation de la cohérence du régime fiscal national, la Cour rappelle qu’une telle politique “peut justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité” 150 (point 71). Cependant, pour admettre une telle justification elle exige “un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé” qui doit être apprécié au regard de l’objectif de la réglementation en cause (point 72). Or en l’espèce, l’imposition des dividendes redistribués ne permet pas de compenser l’exonération de la retenue à la source des dividendes ; aucun lien direct n’existe donc entre l’avantage fiscal, à savoir l’exonération de la retenue à la source, et la compensation de cet avantage effectuée par “l’imposition desdits dividendes en tant que revenus des détenteurs de parts d’une société anonyme” (point 74). Elle rejette donc également l’argument basé sur la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal finlandais comme justification de la restriction. Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit : “Les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la législation d’un Etat membre qui exonère de la retenue à la source les dividendes distribués par une filiale résidente de cet Etat à une société anonyme établie dans le même État, mais qui soumet à cette retenue à la source les dividendes similaires versés à une société mère du type société d’investissement à capital variable (SICAV) résidente d’un autre État membre, qui revêt une forme juridique inconnue dans le droit du premier État et ne figurant pas sur la liste des sociétés visées à l’article 2, sous a), de la directive 90/435/CEE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, telle que modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003, et qui est exonérée de l’impôt sur le revenu en application de la législation de l’autre État membre”. jjj 150 CJCE, Bachmann, du 28 janvier 1992, C-204/90, point 28 et CJCE, Deutsche Shell, du 28 février 2008, C-293/06, point 37. -141- LIBERTÉ D’ETABLISSEMENT Apothekerkammer des Saarlandes Grande chambre 19 mai 2009 - C-171/07 et C-172/07 « Liberté d’établissement - Article 43 CE - Santé publique - Pharmacies - Dispositions réservant aux seuls pharmaciens le droit d’exploiter une pharmacie - Justification - Approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité - Indépendance professionnelle des pharmaciens » T Faits : Les demandes de questions préjudicielles concernent deux litiges portant sur une autorisation donnée le 26 juin 2006 par le Ministerium allemand (Ministère de la justice, de la santé et des affaires sociales) à la société néerlandaise, DocMorris, qui exerce une activité de vente de médicaments par correspondance, d’exploiter, en tant que succursale, une pharmacie à Sarrebruck (Allemagne). Cette décision était soumise à la condition pour la société d’engager un pharmacien chargé de diriger personnellement et sous sa propre responsabilité la pharmacie. Apothekerkammer de Saarlandes (association de pharmaciens) pour l’affaire C-171/07 ainsi que Mme Neumann-Seiwer, pour l’affaire C-172/07 ont introduit des recours devant le Verwaltungsgericht des Saarlandes pour faire annuler cette décision. Ils estimaient la décision contraire à la loi allemande sur les pharmacies. Selon eux, cette autorisation violait le principe selon lequel seul un pharmacien peut être propriétaire et exploiter une pharmacie, principe contenu dans la règle d’exclusion des non-pharmaciens. Le Ministerieum, soutenu par DocMorris considérait que sa décision était valide dans la mesure où il était tenu d’écarter l’application de la loi sur les pharmacies estimée contraire à l’article 43 CE qui garantit la liberté d’établissement. Pour le Ministerium, une telle restriction n’était pas compatible avec le droit communautaire et n’était pas nécessaire à la réalisation de l’objectif légitime de la protection de la santé publique. Le Verwaltungsgericht doutant de la compatibilité de la loi sur les pharmacies à l’article 43 CE, a décidé de poser à la Cour de justice des questions préjudicielles dans ces deux affaires. Les questions étant posées dans les mêmes termes, la Cour de Luxembourg a décidé de les joindre. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : La juridiction de renvoi demande à la Cour de justice si les articles 43 CE et 48 CE s’opposent à une réglementation nationale qui empêche des personnes n’ayant pas la qualité de pharmaciens de détenir et d’exploiter des pharmacies. T Décision : A titre liminaire, la Cour rappelle qu’il ressort de sa jurisprudence sur la directive 2005/36/CE que les Etats membres conservent la compétence de légiférer dans le cadre de l’organisation de leur système de sécurité sociale et qu’ils peuvent par conséquent prendre des dispositions relatives aux officines de pharmacie. Cependant, l’exercice de cette compétence doit respecter le droit communautaire et ne doit pas avoir pour conséquence une restriction à la liberté d’établissement. -142- Ainsi, l’article 43 CE interdit aux Etats membres “d’introduire ou de maintenir des restrictions injustifiées à l’exercice de ces libertés dans le domaine des soins de santé” 151 (point 18). Afin d’apprécier le respect de cette obligation, les Etats membres doivent “tenir compte du fait que la santé et la vie des personnes occupent une place de premier rang parmi les biens et intérêts protégés par le traité”. Pour atteindre cet objectif de protection, les Etats membres disposent d’une marge d’appréciation. Aucune disposition communautaire ne précisant les conditions d’accès aux activités du domaine de la pharmacie, la Cour décide d’examiner la conformité de la législation nationale en cause au regard des seules dispositions du traité. Les juges de Luxembourg rappellent que “l’article 43 CE s’oppose à toute mesure nationale qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants communautaires, de la liberté d’établissement garantie par le traité” (point 22).152 Ils précisent qu’une “réglementation qui subordonne l’établissement dans l’Etat membre d’accueil d’un opérateur économique d’un autre Etat membre à la délivrance d’une autorisation préalable” et qui réserve l’exercice de l’activité à certains opérateurs répondant à des exigences prédéterminées dont le respect conditionne la délivrance de l’autorisation peut constituer une restriction au sens de l’article 43 CE (point 23). Pour la Cour, une réglementation nationale qui exclut les non-pharmaciens et réserve donc de fait l’exploitation de pharmacies aux pharmaciens constitue une restriction à la liberté d’établissement puisqu’elle prive certains opérateurs de l’accès à l’officine de pharmacie. Une fois la qualification de restriction à l’article 43 CE retenue, les juges du plateau de Kirchberg s’interrogent sur l’éventuelle justification de cette restriction à une liberté fondamentale garantie par le traité. Ils rappellent qu’une restriction applicable sans discrimination tenant à la nationalité peut se justifier par une raison impérieuse d’intérêt général à condition toutefois qu’elle respecte les exigences de nécessité et de proportionnalité.153 En l’espèce, la réglementation litigieuse s’applique sans discrimination tenant à la nationalité et “la protection de la santé publique figure parmi les raisons impérieuses d’intérêt général qui peuvent justifier des restrictions aux libertés” garanties par le traité (point 27), tout comme “l’objectif visant à assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité” (point 28). Cependant, pour pouvoir être justifiée au regard des raisons impérieuses d’intérêt général, la règle de l’exclusion des non-pharmaciens doit être propre à garantir la protection de la santé publique et l’approvisionnement en médicaments. La Cour explique que “lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à l’importance de risques pour la santé des personnes”, l’Etat membre peut prendre des mesures qui réduisent un risque pour la santé publique154 (point 30). Elle précise que les médicaments doivent être distingués des autres marchandises en raison de leur caractère très particulier et de leurs effets thérapeutiques et que la consommation sans nécessité ou de manière incorrecte d’un médicament peut nuire à la santé et entraîner des dépenses inconsidérées des ressources destinées aux organismes d’assurance maladie. Il existe donc un risque sérieux sur la santé publique et pour l’équilibre financier des systèmes de sécurité sociale. Dans ces conditions, les Etats membres peuvent prendre des mesures 151 CJCE, Watts, du 16 mai 2006, C-372/04, points 92 et 146. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle mai -juin 2006. 152 CJCE, Kraus, du 31 mars 1993, C-19/92, point 32. 153 CJCE, Hartlauer, du 10 mars 2009, C-169/07, point 44. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009). 154 CJCE, Rosengren e.a, du 5 juin 2007, C-170/04, point 49. Cet arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 15 (juin, juillet, août 2007). -143- destinées à soumettre les personnes distribuant les médicaments à des exigences strictes. Les Etats membres peuvent ainsi “réserver la vente de médicaments au détail, en principe aux seuls pharmaciens, en raison des garanties que ces derniers doivent présenter et des informations qu’ils doivent être en mesure de donner aux consommateurs” (point 34). Ainsi, les Etats membres peuvent exiger que les médicaments soient distribués par des pharmaciens indépendants ; ils peuvent également prendre des mesures susceptibles d’éliminer un risque de nature à affecter le niveau de sûreté et de qualité de l’approvisionnement des médicaments à la population. La Cour distingue trois catégories d’exploitants potentiels de pharmacies, à savoir, les personnes physiques ayant la qualité de « pharmacien », les personnes actives dans le secteur des produits pharmaceutiques, et les autres personnes. Si elle retient que la personne physique ayant la qualité de « pharmacien » est un professionnel indépendant ayant reçu une formation et répondant à des règles légales ou déontologiques, elle constate en revanche que les deux autres catégories de personnes ne présentent pas les mêmes garanties. En conséquence, les juges communautaires retiennent que la marge d’appréciation reconnue aux Etats membres leur permet d’apprécier si “l’exploitation d’une pharmacie par un nonpharmacien peut représenter un risque pour la santé publique” (point 39). A cet égard, ils précisent que l’Etat membre peut notamment évaluer le risque que représenterait l’exploitation d’une officine par un grossiste de produits pharmaceutiques. En effet, celui-ci pourrait exercer des pressions sur un pharmacien salarié pour assurer notamment la promotion des médicaments qu’il produit ou l’écoulement de médicaments dont le stockage ne lui semblerait plus rentable. DocMorris et la Commission font valoir que la règle d’exclusion des non-pharmaciens “ne saurait être justifiée par l’intérêt général, car la manière dont cet objectif est poursuivi est dépourvue de cohérence” (point 41). La Cour répond qu’une législation nationale ne peut garantir la réalisation de l’objectif invoqué que si elle est animée par le souci d’atteindre l’objectif de manière cohérente et systématique. Elle précise que la réglementation nationale “n’exclut pas de manière absolue l’exploitation de pharmacies par des non-pharmaciens” (point 43). En effet, la loi allemande sur les pharmacies permet aux pharmaciens d’exploiter jusqu’à trois succursales d’une même pharmacie tout en les assujettissant à des exigences destinées à garantir la protection de la santé publique et l’approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité. Ainsi, les succursales doivent être exploitées sous la responsabilité du pharmacien et doivent se situer dans un rayon géographique déterminé afin d’assurer une présence suffisante et une surveillance effective par le pharmacien. Si ces exigences sont satisfaites, rien n’empêche que la succursale soit exploitée par un non-pharmacien. La Cour voit dans l’assortiment de conditions à l’exploitation de ces succursales une cohérence ; elle constate que la législation en cause satisfait à l’exigence de nécessité puisqu’elle est de nature à garantir la réalisation de l’objectif visant à assurer la protection de la santé publique et de l’approvisionnement en médicaments. Concernant l’exigence de proportionnalité, le juges de Luxembourg recherchent “si la restriction à la liberté d’établissement ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits objectifs” (point 52). Selon DocMorris et la Commission, les objectifs pourraient être atteints par des mesures moins restrictives comme l’obligation de présence d’un pharmacien dans l’officine. Pour les juges communautaires, la marge d’appréciation reconnue aux Etats membres ainsi que l’intérêt pour le non-pharmacien exploitant de réaliser des bénéfices et la possible subordination du pharmacien salarié à l’exploitant sont de nature à conforter la législation allemande interdisant aux non-pharmaciens de détenir une pharmacie (point 54). Ils considèrent par ailleurs que la proposition avancée par DocMorris et la Commission consistant à imposer une obligation de contracter une assurance qui n’interviendrait qu’a posteriori et qui permettrait au patient d’obtenir une réparation financière serait moins efficace que la règle retenue actuellement par la législation. -144- Selon la Cour, la législation nationale en cause satisfait donc à l’exigence de proportionnalité et à celle de nécessité. Il doit donc être admis que les restrictions à la liberté d’établissement découlant de la loi sur les pharmacies doivent être justifiées par cet objectif de protection de la santé publique et de l’approvisionnement de la population en médicaments. Cette conclusion ne peut être remise en cause par l’arrêt du 21 avril 2005 Commission c/ Grèce sanctionnant la législation grecque qui subordonnait la possibilité pour une personne morale d’ouvrir un magasin d’optique à la condition que l’autorisation de créer et d’exploiter ledit magasin soit délivrée au nom d’un opticien personne physique agréé. Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “Les articles 43 CE et 48 CE ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui empêche des personnes n’ayant pas la qualité de pharmaciens de détenir et d’exploiter des pharmacies”. jjj -145- LIBRE PRESTATION DES SERVICES X., E.H.A. Passenheim-van Schoot c/ Staatssecretaris van Financiën 11 juin 2009 - affaires jointes C-155/08 et C-157/08 « Libre prestation des services - Libre circulation des capitaux - Impôt sur la fortune - Impôt sur les revenus - Avoirs provenant de l’épargne placés dans un État membre autre que celui de la résidence Absence de déclaration - Délai de redressement - Prolongation du délai de redressement en cas d’avoirs détenus en dehors de l’État membre de résidence - Directive 77/799/CEE - Assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects - Secret bancaire » T Faits : Concernant l’affaire C-155/08 : En octobre 2000, l’inspection spéciale des impôts belge a spontanément fourni des renseignements à l’administration fiscale néerlandaise sur des comptes financiers ouverts auprès d’une banque luxembourgeoise, la Kredietbank Luxembourg (KB-Lux), au nom de personnes résidant aux Pays-Bas. En 2002, à la suite de l’examen de ces renseignements, le titulaire d’un des comptes s’est vu notifier un avis de redressement contenant des corrections relatives à l’impôt sur la fortune et l’impôt sur les revenus pour les exercices 1993-2001. Il s’est également vu infliger une amende égale à 50 % des montants faisant l’objet du redressement. Concernant l’affaire C-157/08 : En janvier 2003, après le décès de son époux, Mme Passenheim-van Schoot a communiqué à l’administration fiscale néerlandaise toutes les informations concernant des avoirs administrés par une banque établie en Allemagne et ayant appartenu à elle et à son défunt mari. Ces avoirs n’avaient jusqu’alors jamais été mentionnés dans leurs déclarations fiscales. À la demande de la requérante, l’inspecteur lui a octroyé le bénéfice du régime dit de « repentir » et aucune amende ne lui a donc été infligée. Toutefois, il lui a notifié des avis de redressement concernant les exercices 1993-1997. Les deux requérants contestèrent les décisions des autorités fiscales néerlandaises. Ils soutenaient que le délai de redressement prolongé prévu dans la législation néerlandaise pour des éléments imposables détenus à l’étranger était contraire au droit communautaire. Déboutés de leurs demandes, ils formèrent un pourvoi en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden. La Cour suprême décida de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice trois questions préjudicielles dans la première affaire et une dans la seconde, identique à la première question de la première affaire. La Cour de justice décida de joindre ces deux affaires. T Droit communautaire et question préjudicielle : Les questions préjudicielles portent sur l’interprétation des articles 49 CE et 56 CE. La Cour suprême des Pays-Bas demandait à la Cour : - dans les deux affaires : « 1) Les articles 49 CE et 56 CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un État membre, en cas de dissimulation au fisc dudit État membre de certains (revenus provenant d’) avoirs étrangers issus de l’épargne, applique une législation qui, afin de compenser l’absence de possibilité effective de contrôle de ces avoirs, prévoit un délai de redressement de douze ans alors que les (revenus provenant des) avoirs issus -146- de l’épargne conservés sur le territoire national, où il existe des possibilités effectives de contrôle, sont soumis à un délai de redressement de cinq ans ? » - dans la première affaire : « 2) Le fait que les avoirs sont conservés dans un État membre ayant instauré le secret bancaire a-t-il une incidence sur la réponse à la première question ? 3) En cas de réponse positive à la première question, les articles 49 CE et 56 CE ne s’opposent-ils pas non plus à ce que l’amende appliquée en raison de la dissimulation des revenus ou du patrimoine faisant l’objet du redressement soit fixée proportionnellement au montant du redressement pour cette période plus longue ? » T Décision : - Sur l’existence d’une restriction aux libertés de circulation : La Cour rappelle que “l’article 49 CE s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre” 155 (Point 32). Elle assimile également à des restrictions aux mouvements de capitaux, au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE, les mesures imposées par un État membre qui sont de nature à dissuader ses résidents de contracter des prêts ou de faire des investissements dans d’autres États membres.156 Puis, les juges communautaires constatent qu’il ressort de la législation nationale en cause que lorsqu’une imposition n’a pas eu lieu ou qu’elle ne l’a été, qu’à hauteur d’un montant trop faible, les autorités fiscales néerlandaises peuvent redresser l’imposition dans un délai soit de cinq ans si les avoirs en question proviennent des Pays-Bas, soit si ils proviennent de l’étranger d’un délai de douze ans. Le contribuable étant toujours en mesure de déclarer les avoirs qu’il détient à l’étranger et les revenus qu’il en tire, ils notent également que la différence de traitement en fonction de l’origine des avoirs ne disparaît pas (Point 36). En outre, ils relèvent que lorsqu’un contribuable ne déclare pas de tels avoirs nationaux, il obtient dans les cinq ans la certitude que ceux-ci ne feront plus l’objet d’une imposition, alors qu’en revanche, si la non-déclaration porte sur des avoirs provenant d’un autre Etat membre, une telle certitude n’est acquise qu’au bout de douze ans. Lorsque le redressement de l’impôt est accompagné d’une amende, la Cour de justice indique que celle-ci doit être calculée en fonction d’un montant du redressement et de la période concernée par celui-ci. A ses yeux, cela signifie donc que “le contribuable est exposé au risque de se voir infligé une amende calculée sur la base d’un redressement portant sur une période pouvant être prise en compte dans une situation où les éléments imposables faisant l’objet du redressement sont détenus ou apparus aux Pays-Bas” (Point 38). La Cour considère qu’il doit être admis que la réglementation en cause contribue à assurer l’efficacité des contrôles fiscaux et à lutter contre la fraude fiscale. Cependant, “l’application aux contribuables résidant aux Pays-Bas d’un délai de redressement prolongé pour ce qui concerne les avoirs détenus en dehors de cet État membre et les revenus qu’ils en tirent est de nature à rendre moins attrayant pour ces contribuables de transférer des avoirs vers un autre État membre afin de bénéficier des services financiers y offerts que de détenir lesdits avoirs et d’obtenir des services financiers aux Pays-Bas” (point 39). Par conséquent, elle décide “qu’une réglementation telle que celle en cause au principal constitue une restriction à la fois à la libre prestation des services et à la libre circulation des capitaux, prohibée, en principe, par les articles 49 CE et 56 CE, respectivement” (point 40). 155 CJCE, Safir, du 28 avril 1998, C-118/96, point 23 ; CJCE, Commission c/ France, du 4 mars 2004, C-334/02, point 23 et CJCE, Commission c/ Allemagne, du 11 septembre 2007, C-318/05, point 81. 156 CJCE, Commission c/ Belgique, du 26 septembre 2000, C-478/98, point 18. -147- - Sur la justification de la restriction aux libertés de circulation : La Cour réaffirme que la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux 157 et la lutte contre la fraude fiscale 158 constituent des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une restriction à l’exercice des libertés de circulation garanties par le traité CE. Elle souligne également que, s’agissant des mouvements de capitaux, l’article 58, paragraphe 1, sous b) prévoit que l’article 56 ne porte pas atteinte aux droits des Etats membres de prendre les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements. Précisant que pour “qu’une mesure restrictive soit justifiée, elle doit respecter le principe de proportionnalité, en ce sens qu’elle doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre”,159 la Cour examine si une réglementation telle que celle en cause ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs. À cet égard, les juges de Luxembourg distinguent deux cas de figure. Le premier correspond à une situation où des éléments imposables dans un État membre et situés dans un autre État membre ont été dissimulés aux autorités fiscales du premier État et que ces dernières ne disposent d’aucun indice quant à l’existence desdits éléments permettant de déclencher une enquête. Dans cette hypothèse, ce premier État membre se trouve dans l’impossibilité de s’adresser aux autorités compétentes de l’autre État membre afin d’obtenir les renseignements nécessaires pour établir correctement le montant de l’impôt. Dans ces circonstances, le fait de soumettre des éléments imposables dissimulés au fisc à un délai de redressement prolongé de douze ans ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir l’efficacité des contrôles fiscaux et lutter contre la fraude fiscale. Par ailleurs, la Cour indique que le droit communautaire ne s’oppose pas non plus à ce que, dans ce cas, l’amende infligée soit calculée proportionnellement au montant du redressement et sur cette période plus longue. Le second cas de figure correspond à une situation où les autorités fiscales d’un État membre disposent d’indices sur des éléments imposables situés dans un autre État membre qui permettent de déclencher une enquête. Dans cette hypothèse, l’application par ce premier État membre d’un délai de redressement prolongé qui ne viserait pas spécifiquement à permettre aux autorités fiscales de cet État membre de recourir utilement à des mécanismes d’assistance mutuelle entre États membres et qui se déclencherait dès que les éléments imposables concernés se situent dans un autre État membre ne saurait être justifiée . Par conséquent, la Cour dit pour droit (point 76) : “Les articles 49 CE et 56 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à l’application par un État membre, lorsque des avoirs issus de l’épargne et des revenus tirés de ces avoirs sont dissimulés aux autorités fiscales de cet État membre et que celles-ci ne disposent d’aucun indice quant à leur existence permettant de déclencher une enquête, d’un délai de redressement plus long lorsque ces avoirs sont détenus dans un autre État membre que lorsqu’ils sont détenus dans le premier État membre. La circonstance que cet autre État membre applique le secret bancaire n’est pas pertinente à cet égard.” (point 76). - Sur le calcul de l’amende : Dans l’affaire C-155/08, la juridiction de renvoi demandait à la Cour de préciser, dans l’éventualité où elle estimerait que les articles 49 CE et 56 CE ne s’opposent pas à l’application par un Etat membre, pour les avoirs détenus dans un autre Etat et les revenus en découlant, d’un 157 CJCE, A., du 8 décembre 2007, C-101/05, point 55. 158 CJCE, Elisa, du 11 octobre 2007, C-451/05, Rec. p. I-8251, point 81. Cet arrêt est résumé dans la vieille bimestrielle n/ 16. 159 CJCE, Commission c/ France, précité, point 28. -148- délai de redressement plus long que celui appliqué pour les avoirs et revenus provenant de ce même Etat membre, si ces articles doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que l’amende infligée pour cause de dissimulation des avoirs faisant l’objet du redressement soit calculée proportionnellement au montant redressé. En réponse, les juges de Luxembourg affirment que “Les articles 49 CE et 56 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que, lorsqu’un État membre applique un délai de redressement plus long dans le cas d’avoirs détenus dans un autre État membre que dans celui d’avoirs détenus dans ce premier État membre et que ces avoirs étrangers ainsi que les revenus tirés de ceux-ci étaient dissimulés aux autorités fiscales du premier État membre qui ne disposaient d’aucun indice quant à leur existence permettant de déclencher une enquête, l’amende infligée en raison de la dissimulation desdits avoirs et revenus étrangers soit calculée proportionnellement au montant du redressement et sur cette période plus longue.” (Point 86). jjj -149- POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE Omar Mohammed Othman c/ Conseil de l’Union européenne et Commission des Communautés européennes Tribunal de Première Instance 11 juin 2009 - T-318/01 « Politique étrangère et de sécurité commune - Mesures restrictives à l’encontre de personnes et d’entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban - Gel des fonds - Recours en annulation - Adaptation des conclusions - Droits fondamentaux - Droit au respect de la propriété, droit d’être entendu et droit à un contrôle juridictionnel effectif » T Faits : Le requérant, Monsieur Othman est un ressortissant jordanien résidant depuis 1992 au Royaume-Uni. Arrêté et détenu à plusieurs reprises depuis 2001 en vertu de la législation antiterroriste britannique, il est actuellement toujours emprisonné. Désigné par le Comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations-Unies comme étant associé à Oussama ben Laden, son nom fut publié sur la liste des personnes et des entités devant être soumises au gel des fonds en vertu de différentes résolutions. Dans le cadre de la mise en œuvre des résolutions des Nations-Unies par la Communauté Européenne, le Conseil de l’Union européenne adopta le règlement (CE) n/ 881/2002, lequel prévoit certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban. Le nom du requérant figure dans l’‘annexe I du règlement n/ 881/2002/CE, contenant la liste des personnes visées par le gel des fonds. Ce dernier a introduit une requête devant le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes afin de faire annuler ce règlement. T Droit communautaire en cause : Le 16 janvier 2002, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1390 (2002), qui fixe les mesures à imposer à l’égard d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés. Cette résolution prévoit, en ses paragraphes 1 et 2, le maintien des mesures, notamment le gel des fonds, imposées par le paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999) et par le paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000). Le 27 mai 2002, le Conseil a adopté, sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, le règlement (CE) n/ 881/2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement n/ 467/2001/CE (JO L 139, p. 9). L’article 1er du règlement n/ 881/2002/CE définit les notions de « fonds » et de « gel des fonds » en des termes identiques, en substance, à ceux de l’article 1er du règlement n/ 467/2001/CE. En outre, il définit ce qu’il y a lieu d’entendre par « ressources économiques ». L’annexe I du règlement n/ 881/2002/CE contient la liste des personnes, entités et groupes visés par le gel des fonds imposé par l’article 2. -150- T Décision : Le Tribunal souligne que le requérant se trouve dans une situation de fait et droit comparable à celle des requérants dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Kadi rendu le 3 septembre 2008 par la Cour de justice des communautés européennes 160. En premier lieu, il examine la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué. Il relève à cet égard que le Conseil n’a, à aucun moment, informé le requérant des éléments à charge susceptibles de justifier l’inclusion de son nom dans l’annexe I du règlement. Fondant son argumentation sur celle de l’arrêt de la Cour de Justice dans l’affaire Kadi, les juges communautaires relèvent notamment que le Conseil n’a communiqué au requérant aucun des éléments retenus à son encontre fondant les mesures restrictives lui ayant été imposées, ni ne lui a accordé le droit de prendre connaissance desdits éléments dans un délai raisonnable après l’édiction de ces mesures. Dès lors ils considèrent que le requérant n’était pas en mesure de faire connaître utilement son point de vue et que les droits de la défense n’ont donc pas été respectés. En outre, le Tribunal estime que le droit du requérant à un recours juridictionnel effectif a été violé. En effet, il relève que le requérant n’ayant pas eu connaissance de ces éléments n’a pas pu défendre ses droits dans des conditions satisfaisantes devant le juge communautaire. Il constate également que cette violation n’a pas été corrigée dans le cadre du présent recours puisque le Conseil n’a avancé aucun élément dans ce sens au cours du litige. Par conséquent, les juges de Luxembourg considèrent ne pas être en mesure de procéder au contrôle de la légalité du règlement attaqué, et énoncent que le règlement “pour autant qu’il concerne le requérant, a été adopté sans fournir aucune garantie quant à la communication des éléments retenus à charge de celui-ci ou quant à son audition à cet égard, de sorte qu’il doit être conclu que ce règlement a été arrêté selon une procédure au cours de laquelle les droits de la défense n’ont pas été respectés, ce qui a également eu pour conséquence que le principe de protection juridictionnelle effective a été enfreint.” (point 89). Ensuite, le Tribunal examine la portée, les effets et la justification éventuelle de la restriction de l’usage du droit de propriété découlant des mesures restrictives prévues dans le règlement. A cet égard, il relève que le règlement a été adopté sans qu’aucune garantie ne soit offerte au requérant pour lui permettre d’exposer sa cause aux autorités compétentes. Il précise que la restriction de ses droits de propriété est considérable, notamment eu égard à la portée générale et à la durée effective des mesures restrictives dont il fait l’objet. Dès lors, les juges luxembourgeois jugent que ces mesures restrictives constituent une restriction injustifiée du droit de propriété du requérant et admettent également les griefs tirés d’une violation du droit fondamental au respect de la propriété. Le Tribunal estime donc que le règlement attaqué, pour autant qu’il concerne le requérant, doit être annulé. En dernier lieu, le Tribunal refuse de faire droit à la demande du Conseil visant à ce que les effets du règlement attaqué soient maintenus pendant une brève période. Il souligne en effet que ses décisions annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa du statut de la Cour de Justice ou si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci. Dès lors, il estime que le Conseil “dispose (...) en tout état de cause d’un délai minimal de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours, à compter de la notification du présent arrêt, pour remédier aux violations constatées en adoptant, le cas échéant, une nouvelle mesure restrictive à l’égard du requérant” (point 99) et décide donc qu’il n’est pas nécessaire de maintenir les effets du règlement au-delà de cette période. 160 CJCE, affaires jointes C-402/05 P Kadi et C-415/05 P Al Barakaat International Foundation, du 3 septembre 2008. L’arrêt est résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Septembre-Octobre 2008, p. 103). -151- Le Tribunal déclare et arrête : “Le règlement (CE) n/ 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban et abrogeant le règlement n/ 467/2001, est annulé pour autant qu’il concerne M. Omar Mohammed Othman”. jjj -152- POLITIQUE SOCIALE David Hütter c/ Technische universität Graz 18 juin 2009 - C-88/08 « Directive 2000/78/CE - Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail - Discrimination liée à l’âge - Détermination de la rémunération des agents contractuels de l’État - Exclusion de l’expérience professionnelle acquise avant l’âge de 18 ans » T Faits : Le demandeur au principal et sa collègue ont effectué une période d’apprentissage en tant que techniciens de laboratoire auprès de la Technische universität Graz (Ci-après TUG), un organisme public relevant de la loi fédérale de 2002 relative à l’organisation des universités et à leurs études. Ils ont ensuite été recrutés pour une durée de trois mois. Plus âgée que le demandeur de 22 mois, sa collègue a obtenu un classement à un échelon plus favorable, ce qui s’est traduit par une différence de traitement mensuel de 23,20 euros. Cette différence tient au fait que la période d’apprentissage accomplie par le demandeur au cours de sa majorité n’a été que de 6,5 mois environ, contre 28,5 mois pour sa collègue. Le demandeur a introduit un recours devant le Landesgericht für Zivilrechtssachen Graz afin d’obtenir le versement d’une compensation équivalente à la différence de traitement dont il était victime. Il a obtenu gain de cause en première instance et en appel. La TUG a formé un pourvoi devant la juridiction de renvoi, l’Oberster Gerichtshof, qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de Luxembourg une question préjudicielle. T Question préjudicielle et droit communautaire en cause : La demande de décision préjudicielle portait sur l’interprétation de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000 relative à la création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail 161. L’article 2 de la directive 2000/78/CE, intitulé « Concept de discrimination », prévoit : « 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er . 2. Aux fins du paragraphe 1 : a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ; b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que : i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires (...) » 161 JOUE L 303, p. 16. -153- L’article 3 de la directive 2000/78/CE, intitulé « Champ d’application », prévoit à son paragraphe 1: «(...) la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne : a) les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ; […] c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ; […] » Enfin, l’article 6 de la directive prévoit la possibilité de déroger à ces règles : « lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre : a) La mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection ; b) la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi ; (...) ». Précisément, la juridiction de renvoi demandait à la Cour de se prononcer sur le point de savoir : « les articles 1, 2 et 6 de la directive [2000/78] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale […] qui exclut, parmi les périodes de service pertinentes aux fins de la détermination de la date de référence pour l’avancement d’échelon, celles qui ont été accomplies avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans ? » T Décision : La Cour précise qu’il convient en premier lieu “de vérifier si une réglementation nationale telle que celle en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2000/78 et, dans l’affirmative, s’il s’agit d’une mesure discriminatoire fondée sur l’âge susceptible, le cas échéant, d’être considérée comme justifiée au regard de ladite directive” (point 32). Elle poursuit en indiquant que cette directive “tend à établir un cadre général pour assurer à toute personne l’égalité de traitement «en matière d’emploi et de travail», en lui offrant une protection efficace contre les discriminations fondées sur l’un des motifs visés à son article 1er, au nombre desquels figure l’âge” (point 33). Puis, elle relève que l’article 3 paragraphe 1, sous a) et c) de la directive s’applique “à toutes les personnes” et concerne, d’une part, “les conditions d’accès à l’emploi (…) y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle” et, d’autre part, “les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération” (point 34). Dans ces conditions, elle juge que la directive 2000/78/CE trouve à s’appliquer en l’espèce. Les juges de Luxembourg rappellent que l’article 2, paragraphe 1, de la directive définit le principe de l’égalité de traitement comme “l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur [l’]un des motifs visés à l’article 1er” de cette directive. L’article 2, paragraphe 2, sous a), précise quant à lui que, pour les besoins de l’application de son paragraphe 1, “une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de la même directive” (point 37). Ils constatent qu’en l’espèce, la réglementation nationale en cause réserve un traitement moins favorable aux personnes dont l’expérience a été acquise avant l’âge de 18 ans qu’à celles ayant obtenu une expérience de même nature et d’une -154- durée comparable après cet âge. Ces dispositions instaurent selon eux “une différence de traitement directement fondée sur le critère de l’âge au sens de l’article 2, paragraphes 1 et 2, sous a), de la directive 2000/78”. (point 38). Toutefois, la Cour indique qu’il ressort de l’article 6 paragraphe 1er de la directive en cause que de telles différences de traitement fondées sur l’âge “ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires” (point 39). La juridiction européenne s’attarde donc ensuite sur le caractère légitime de l’objectif de la réglementation en cause au principal. A cet égard, elle rappelle que les objectifs susceptibles d’être considérés comme tels sont des objectifs relevant de la politique sociale, comme ceux liés à la politique de l’emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle 162. Elle note que les objectifs mentionnés par la juridiction de renvoi relèvent de cette catégorie mais qu’il faut cependant vérifier si les moyens mis en œuvre pour parvenir à leurs réalisations sont “appropriés et nécessaires” (point 44). Rappelant que “les États membres disposent incontestablement d’une large marge d’appréciation dans le choix des mesures susceptibles de réaliser leurs objectifs en matière de politique sociale et d’emploi”,163 la Cour estime cependant que les objectifs mentionnés par la juridiction de renvoi peuvent paraître antinomiques. En effet, l’un de ces objectifs serait d’inciter les élèves à suivre un enseignement secondaire de type général plutôt que de type professionnel. Un autre objectif serait de favoriser l’embauche des personnes ayant suivi un enseignement professionnel plutôt que celle des personnes issues de l’enseignement général. Concernant l’objectif de ne pas défavoriser l’enseignement secondaire général par rapport à l’enseignement professionnel, la Cour note que le critère de l’âge auquel l’expérience antérieure a été acquise s’applique quel que soit le type d’enseignement suivi. Elle souligne ainsi que “ce critère peut donc conduire à une différence de traitement entre deux personnes issues de l’enseignement professionnel ou entre deux personnes issues de l’enseignement général selon le seul critère de l’âge auquel elles ont acquis leur expérience professionnelle. Dans ces conditions, le critère de l’âge auquel l’expérience professionnelle a été acquise n’apparaît pas approprié à la réalisation de l’objectif visant à ne pas défavoriser l’enseignement général par rapport à l’enseignement professionnel. À cet égard, il y a lieu de relever qu’un critère reposant directement sur le type d’études suivies sans faire appel à l’âge des personnes apparaîtrait, au regard de la directive 2000/78, mieux adapté à la réalisation de l’objectif visant à ne pas défavoriser l’enseignement général.” (Point 48). Concernant l’objectif tendant à favoriser l’insertion sur le marché de l’emploi des jeunes ayant suivi un enseignement professionnel, les juges de Luxembourg constatent que l’exclusion de la prise en compte de l’expérience acquise avant 18 ans s’applique indistinctement à tous les agents, quelque soit l’âge auquel ils sont recrutés. Or, ils estiment que dans la mesure où elle ne prend pas en compte l’âge des personnes au moment du recrutement, la règle en cause n’est pas appropriée pour favoriser l’entrée sur le marché du travail des jeunes. Par conséquent, ils jugent que cette disposition ne saurait être considérée comme appropriée au sens de l’article 6 paragraphe 1er de la directive 2000/78/CE. 162 CJCE, Age Concern England, du 5 mars 2009, C-388/07, point 46. 163CJCE, Mangold, du 22 novembre 2005, C-144/04, point 63. -155- Ainsi, la Cour dit pour droit (dispositif) : “il convient de répondre à la juridiction de renvoi que les articles 1, 2 et 6 de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui, aux fins de ne pas défavoriser l’enseignement général par rapport à l’enseignement professionnel et de promouvoir l’insertion des jeunes apprentis sur le marché de l’emploi, exclut la prise en compte des périodes d’emploi accomplies avant l’âge de 18 ans aux fins de la détermination de l’échelon auquel sont placés les agents contractuels de la fonction publique d’un État membre”. jjj -156- PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG c/ Franz Hauswirth GmbH 11 juin 2009 - C-529/07 « Marque communautaire tridimensionnelle - Règlement (CE) nº 40/94 - Article 51, paragraphe 1, sous b) - Critères pertinents aux fins de l’appréciation de la “mauvaise foi”du demandeur lors du dépôt de la demande de marque communautaire » T Faits : Le litige opposait deux sociétés fabriquant des lapins en chocolat : la première, la société Lindt & Sprüngli, produisait depuis plus de 50 ans des lapins en chocolat et les commercialisait en Autriche depuis 1994. En 2000, elle était devenue titulaire de la marque, représentant un lapin doré en chocolat, en position assise, portant un ruban rouge, un grelot et l’inscription en brun « Lindt GOLDHASE ». La seconde société, l’entreprise Franz Hauswirth mettait également depuis 1962 des lapins en chocolat sur le marché autrichien. L’entreprise Lindt & Sprüngli introduisit une action en contrefaçon à l’encontre de cette dernière société, afin qu’elle cesse de produire ou de commercialiser sur le territoire de l’Union européenne des lapins en chocolat qui seraient similaires au point d’être confondus avec le sien protégé par la marque communautaire. La société Franz Hauswirth forma une demande reconventionnelle en déclaration de nullité de la marque. Elle estimait en effet qu’au regard de l’article 51, paragraphe 1, sous b) du règlement n/ 40/94, le lapin en chocolat ne pouvait être protégé en tant que marque, la société Lindt & Sprüngli ayant été de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque. La juridiction autrichienne saisie du litige estimait qu’un “risque de confusion existait bien entre les deux lapins, notamment du fait que celui commercialisé par Franz Hauswirth était de forme et de couleur similaires à celui protégé par la marque tridimensionnelle de Lindt” (point 15). Elle estima toutefois nécessaire afin de rendre sa décision, de savoir si la société Lindt & Sprüngli était de bonne ou de mauvaise foi au moment de l’enregistrement de la marque, et décida de surseoir à statuer en posant à la Cour de justice trois questions préjudicielles. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : N Le règlement (CE) n/ 40/94 a été abrogé par le règlement (CE) n/ 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), entré en vigueur le 13 avril 2009. Néanmoins, compte tenu de la date des faits, le présent litige demeure régi, par l’ancien texte. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n/ 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire. -157- Cet article dispose : « La nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l’Office [de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon : […] b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.» Plus précisément la Cour de Luxembourg devait répondre aux questions suivantes : « 1) L’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement n/ 40/94 […] doit-il être interprété en ce sens que le demandeur d’une marque communautaire doit être considéré comme agissant de mauvaise foi lorsqu’il sait au moment de l’enregistrement qu’un concurrent dans (au moins) un État membre utilise une marque identique ou similaire prêtant à confusion pour des produits ou services identiques ou similaires et qu’il fait enregistrer la marque pour pouvoir empêcher le concurrent de continuer à l’utiliser ? 2) En cas de réponse négative à la première question : Le demandeur de la marque doit-il être considéré comme étant de mauvaise foi lorsqu’il fait enregistrer la marque pour empêcher un concurrent de continuer à l’utiliser alors qu’il sait ou doit savoir au moment de l’enregistrement que le concurrent a obtenu un “droit acquis” (« wertvollen Besitzstand ») par l’utilisation d’une marque identique ou similaire pour des produits ou services identiques ou similaires prêtant à confusion ? 3) En cas de réponse positive à la première ou à la deuxième question : Faut-il exclure la mauvaise foi lorsque le demandeur a déjà acquis une notoriété dans le commerce pour sa marque et ainsi une protection au titre du droit de la concurrence ? » T Décision : Pour la première fois, la juridiction communautaire est amenée à se pencher sur les critères pertinents permettant d’établir la mauvaise foi du demandeur lors du dépôt de la demande d’enregistrement d’un signe. Elle examine les trois questions préjudicielles ensemble et commence par rappeler qu’en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement n/ 40/94, la mauvaise foi constitue l’une des causes de nullité absolue de la marque communautaire, pouvant être invoquée soit devant l’OHMI, soit lors d’une demande reconventionnelle présentée à l’occasion d’une action en contrefaçon. Elle précise également que la mauvaise foi doit être appréciée au moment du dépôt de la demande d’enregistrement. La juridiction luxembourgeoise examine ensuite les critères de la mauvaise foi. Elle considère que l’existence de la mauvaise foi doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Selon elle, la connaissance par le demandeur, qu’un tiers utilise dans au moins un Etat membre, depuis longtemps un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire au sien, n’est pas en soi suffisante pour établir sa mauvaise foi. Les juges communautaires estiment en effet que l’intention du demandeur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement doit être prise en considération. A cet égard, ils relèvent que l’intention d’empêcher un tiers de commercialiser un produit peut, caractériser la mauvaise foi du demandeur ; c’est notamment le cas “lorsqu’il s’avère, ultérieurement, que le demandeur a fait enregistrer en tant que marque communautaire un signe sans intention de l’utiliser, uniquement en vue d’empêcher l’entrée d’un tiers sur le marché” (point 44). La Cour souligne en outre que le fait qu’un tiers utilise depuis longtemps un signe pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec la marque demandée et que ce signe jouit d’un certain degré de protection juridique est l’un des facteurs pertinents pour apprécier l’existence de la mauvaise foi du demandeur. En effet, elle considère que le demandeur pourrait vouloir bénéficier des droits conférés par la marque communautaire dans le seul but de concurrencer -158- déloyalement un concurrent utilisant un signe, qui en raison de ses mérites propres, a déjà obtenu un certain degré de protection juridique. Toutefois, elle n’exclut pas le fait que le demandeur poursuive un objectif légitime en faisant enregistrer son signe, notamment pour empêcher son utilisation, quand il sait qu’un tiers, qui est un acteur récent sur le marché, tente de profiter du signe en copiant sa présentation. La Cour indique que la nature de la marque demandée, peut également être un élément à prendre en considération pour apprécier la mauvaise foi du demandeur, elle relève à cet égard que “la mauvaise foi du demandeur pourrait être établie plus facilement lorsque la liberté de choix des concurrents quant à la forme et la présentation d’un produit est restreinte en raison de considérations d’ordre technique ou commercial, de sorte que le titulaire de la marque est en mesure d’empêcher ses concurrents non seulement d’utiliser un signe identique ou similaire, mais également de commercialiser des produits comparables” (point 50). Enfin, elle estime que le degré de notoriété dont jouit un signe au moment du dépôt de la demande d’enregistrement est un autre élément susceptible d’être pris en considération dans l’appréciation de la mauvaise foi. En effet, elle rappelle qu’un “tel degré de notoriété pourrait précisément justifier l’intérêt du demandeur à assurer une protection juridique plus étendue de son signe” (point 52). La Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “Aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n/ 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, la juridiction nationale est tenue de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, et notamment : - le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé ; - l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe, ainsi que - le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé.” jjj -159- RAPPROCHEMENT DES LÉGISLATIONS L’Oréal SA e.a 18 juin 2009 - C-487/07 « Directive 89/104/CEE - Marques - Article 5, paragraphes 1 et 2 - Usage dans une publicité comparative - Droit de faire interdire cet usage - Profit indûment tiré de la renommée - Atteinte aux fonctions de la marque - Directive 84/450/CEE - Publicité comparative - Article 3 bis, paragraphe 1, sous g) et h) - Conditions de licéité de la publicité comparative - Profit indûment tiré de la notoriété attachée à une marque - Présentation d’un bien comme une imitation ou une reproduction » T Faits : Le litige opposait au Royaume-Uni le groupe L’Oréal ainsi que les sociétés Lancôme et Garnier, notamment titulaires des marques de parfums Trésor, Miracle, Anaïs-Anaîs et Noa, aux sociétés Bellure, Malaika et Starion, commercialisant des imitations de ces parfums. L’Oréal et les autres société concernées introduisirent devant la High Court of Justice une action en contrefaçon à l’encontre de ces dernières sociétés, puis un appel fut interjeté devant la Court of Appeal. Le problème était celui de l’usage de listes comparatives par les sociétés défenderesses qu’elles communiquaient aux détaillants en indiquant notamment la marque verbale du parfum fin dont le parfum commercialisé était l’imitation. Les sociétés requérantes estimaient en effet que l’usage de telles listes constituait une violation des droits qu’elles tiraient de leurs marques verbales « Trésor », « Miracle » « Anaïs-Anaïs » et « Noa », violation prohibée par l’article 10, paragraphe 1, de la loi nationale sur les marques, transposition de la directive 89/104/CEE. La juridiction de renvoi s’interrogeait sur le point de savoir si l’usage de la marque d’un concurrent dans le cadre de telles listes, était susceptible d’être interdit en application de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104/CEE sur les marques. Elle décida alors de surseoir à statuer et de poser à la Cour de Justice cinq questions préjudicielles. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : De manière synthétique, les quatre premières questions préjudicielles portaient sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104/CEE et sur l’interprétation de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse. Plus précisément, la juridiction de renvoi interrogeait la Cour de Justice sur l’usage par les défenderesses, dans des listes comparatives, des marques verbales dont étaient titulaires les sociétés demanderesses. La cinquième question était relative à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104/CEE, se rapportant à l’utilisation d’emballages et de flacons similaires à ceux des parfums fins commercialisés par les demandeurs et protégés par des marques verbales et figuratives. L’article 5 de la directive 89/104/CEE, dispose : «1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tous tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires : -160- a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ; b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque. 2. Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice. » L’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/460/CEE prévoit : « Pour autant que la comparaison est concernée, la publicité comparative est licite dès lors que les conditions suivantes sont satisfaites : a) elle n’est pas trompeuse au sens de l’article 2 point 2, de l’article 3 et de l’article 7 paragraphe 1 ; […] d) elle n’engendre pas de confusion sur le marché entre l’annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l’annonceur et ceux d’un concurrent ; e) elle n’entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situation d’un concurrent ; […] g) elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou de l’appellation d’origine de produits concurrents ; h) elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un service portant une marque ou un nom commercial protégés. » T Décision : La Cour de Justice examine en premier lieu la cinquième question préjudicielle. Elle considère en effet que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104/CEE étant également susceptible de s’appliquer à l’usage des marques dans les listes comparatives, il convient d’abord de répondre à cette question avant de pouvoir aborder les quatre autres. - Sur la cinquième question préjudicielle : Il s’agissait de savoir si l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104/CEE devait être interprété en ce sens qu’un tiers faisant usage d’un signe similaire à une marque renommée pouvait être réputé tirer indûment profit de la marque, lorsque cet usage lui procurait un avantage pour la commercialisation de ses produits ou de ses services, sans toutefois entraîner, pour le public, un risque de confusion ou causer ou risquer de causer un préjudice à la marque ou au titulaire de celle-ci. Tout d’abord, la Cour de Luxembourg rappelle que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104/CEE offre une protection plus étendue que celle prévue par le paragraphe 1er de ce même article. Cette protection est conditionnée à l’existence d’un usage sans juste motif d’un signe identique ou similaire à une marque enregistrée. Les juges de Luxembourg précisent également que les atteintes visées à l’article 5, paragraphe 2, de la directive, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque et le signe. Pour qu’il y ait une « atteinte », le public doit effectuer un rapprochement entre le signe et la marque, sans toutefois les confondre. La Cour se montre en effet très claire sur ce point en considérant qu’il “n’est (...) pas exigé que le -161- degré de similitude entre la marque renommée et le signe utilisé par le tiers soit tel qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion. Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque” (point 36). Toutefois, la juridiction communautaire estime que si l’existence d’un tel lien est une condition nécessaire, elle n’est pas en soi suffisante pour conclure à l’existence d’atteintes contre lesquelles l’article 5, paragraphe 2 de la directive assure une protection. Elle clarifie ce point en indiquant que les atteintes peuvent être de trois sortes : il peut s’agir d’un préjudice porté au caractère distinctif de la marque, d’un préjudice porté à la renommée de cette marque, ou enfin d’un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque. Il est particulièrement important de noter que la Cour relève qu’un seul de ces trois types d’atteintes suffit pour que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104/CEE soit applicable. Enfin, la Cour précise qu’afin de déterminer si l’usage d’un signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, il est nécessaire d’avoir recours à “une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce”. En l’espèce, elle fait état de plusieurs éléments. Elle relève notamment que les sociétés Malaika et Starion utilisent des emballages et flacons similaires aux marques enregistrées par les sociétés demanderesses, et ce, dans le but de commercialiser des parfums qui constituent des imitations « bas de gamme » des parfums de luxe. La Cour estime en particulier que la juridiction de renvoi, dans son appréciation devra tenir compte du fait que “l’usage des emballages et des flacons similaires à ceux des parfums imités a pour but de profiter, à des fins publicitaires, du caractère distinctif et de la renommée des marques sous lesquelles ces parfums sont commercialisés” (point 48). Sur ce point, la Cour dit pour droit (point 50) : “l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens que l’existence d’un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, au sens de cette disposition, ne présuppose ni l’existence d’un risque de confusion, ni celle d’un risque de préjudice porté à ces caractère distinctif ou renommée ou, plus généralement, au titulaire de celle-ci. Le profit résultant de l’usage par un tiers d’un signe similaire à une marque renommée est tiré indûment par ce tiers desdits caractère distinctif ou renommée lorsque celui-ci tente par cet usage de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière, et d’exploiter, sans compensation financière, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l’image de celle-ci” - Sur les première et deuxième questions : La Cour examine ces deux questions ensemble, l’enjeu étant de déterminer si le titulaire d’une marque peut faire interdire l’usage par un tiers, dans une publicité comparative, d’un signe identique à cette marque pour des produits ou des services identiques, lorsque cet usage n’est pas susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque. Les juges communautaires soulignent en premier lieu qu’en l’espèce, les listes comparatives dont il est question, sont susceptibles d’être qualifiées de « publicité comparative » au sens de l’article 2, point 1, de la directive 84/450/CEE. En outre, ils rappellent avoir déjà eu l’occasion de juger 164 que l’utilisation par un annonceur, dans une publicité comparative, d’un signe identique ou similaire à la marque d’un concurrent aux fins d’identifier les produits ou les services offerts par ce dernier est un usage susceptible d’être interdit. 164 CJCE, O2 Holdings et O2 (UK), du 12 juin 2008, C-533/06, Rec. p. I-4231, point 36 et 37. -162- A cet égard, la Cour relève que les sociétés défenderesses ont utilisé dans les listes comparatives de parfum, non seulement les signes similaires aux marques, mais également les marques verbales « Trésor », « Miracle » « Anaïs-Anaïs » et « Noa ». Elle estime qu’un tel usage entre dans le champ d’application de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104/CEE, et non dans celui de son article 5, paragraphe 1, sous b). Elle estime par ailleurs que le titulaire de la marque ne pourrait s’opposer à l’usage d’un signe identique à sa marque, si cet usage ne portait préjudice à aucune des fonctions de celle-ci. La Cour a déjà eu l’occasion de préciser165 que certains usages à des fins purement descriptives sont exclus du champ d’application de l’article 5, paragraphe 1 puisqu’ils ne portent atteinte à aucun des intérêts que cette disposition vise à protéger. Toutefois, dans l’affaire en cause, l’usage par les sociétés défenderesses des marques verbales dans les listes comparatives dont sont titulaires les sociétés demanderesses, poursuivait non pas un but purement descriptif mais un but publicitaire. Les juges de Luxembourg estiment donc que la juridiction de renvoi devra apprécier, si l’usage qui est fait des marques est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de celles-ci, telles que notamment les fonctions de communication, d’investissement ou de publicité. En outre, dès lors que la juridiction de renvoi aura constaté que les marques en question jouissent d’une renommée, leur usage dans les listes comparatives est susceptible d’être interdit en vertu de l’article 5, paragraphe 2 de la directive 89/104/CEE, disposition qui est applicable même en l’absence d’un risque de préjudice pour la marque ou son titulaire, dès lors que le tiers tire indûment profit de l’usage de cette dernière. Sur ce point, la Cour dit pour droit (point 65) : “L’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque enregistrée est habilité à faire interdire l’usage par un tiers, dans une publicité comparative qui ne satisfait pas à toutes les conditions de licéité énoncées à l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450, d’un signe identique à cette marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, même lorsque cet usage n’est pas susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est d’indiquer la provenance des produits ou services, à condition que ledit usage porte atteinte ou soit susceptible de porter atteinte à l’une des autres fonctions de la marque”. - Sur les troisième et quatrième questions : En substance, il s’agissait de savoir “si l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450 devait être interprété en ce sens que, lorsqu’un annonceur indique, à l’aide d’une liste comparative et sans provoquer de confusion ni de tromperie, que son produit contient une caractéristique essentielle similaire à celle d’un produit commercialisé sous une marque notoirement connue, dont le produit de l’annonceur constitue une imitation, cet annonceur tire indûment profit de la notoriété de ladite marque, au sens de cet article 3 bis, paragraphe 1, sous g), ou présente « un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction » au sens dudit article 3 bis, paragraphe 1, sous h)” (point 66). Les juges communautaires rappellent que cet article énumère les conditions cumulatives auxquelles une publicité comparative doit satisfaire afin de pouvoir être qualifiée de « licite ». Ils s’intéressent plus spécifiquement à l’utilisation de la marque d’un concurrent dans une publicité comparative et rappellent à cet égard que l’article 3 bis, paragraphe 1er, de la directive 84/450/CEE soumet une telle utilisation à quatre conditions spécifiques, énoncées aux d), e), g) 165 CJCE, Hölterhoff, du 14 mai 2002, C-2/00, Rec. p. I-4187, point 16. -163- et h) de cet article. Par conséquent, l’utilisation de la marque ne doit engendrer ni risque de confusion, ni discrédit ou dénigrement de la marque. Elle ne doit pas tirer indûment profit de la notoriété attachée à celle-ci, ni présenter un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction du produit ou du service portant la marque. En outre, le point h) de l’article 3 bis paragraphe 1er de la directive 84/450/CEE consiste à interdire à l’annonceur de faire apparaître, dans la publicité comparative, le fait que le produit ou le service qu’il commercialise constitue une imitation ou une reproduction du produit ou du service de marque. Or, la Cour de justice relève que les listes comparatives dont il est question “ont pour but et pour effet d’indiquer au public concerné le parfum original dont les parfums commercialisés par Malaika et Starion sont censés constituer une imitation” (point 76). Ces listes attestent donc du fait que ces parfums constituent des imitations des parfums commercialisés par L’Oréal et les autres sociétés demanderesses. Enfin, s’agissant de la notion de « profit indûment tiré » de la notoriété du concurrent, la Cour considère que dès lors qu’une publicité comparative présente les produits de l’annonceur comme une imitation, celle-ci sera qualifiée par la directive 84/450/CEE de « publicité contraire à une concurrence loyale » et donc illicite. Le profit réalisé par l’annonceur grâce à une telle publicité doit, par conséquent, être considéré comme indûment tiré de la notoriété attachée à cette marque. Sur les troisième et quatrième questions préjudicielles, la Cour dit pour droit (point 80) : “L’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450 doit être interprété en ce sens qu’un annonceur qui mentionne de manière explicite ou implicite, dans une publicité comparative, que le produit qu’il commercialise constitue une imitation d’un produit portant une marque notoirement connue présente « un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction », au sens de cet article 3 bis, paragraphe 1, sous h). Le profit réalisé par l’annonceur grâce à une telle publicité comparative illicite doit être considéré comme « indûment tiré » de la notoriété attachée à cette marque, au sens dudit article 3 bis, paragraphe 1, sous g)”. jjj Generics (UK) Ltd 18 juin 2009 - C-527/07« Demande de la décision préjudicielle - Directive 2001/83/CE - Médicaments à usage humain Autorisation de mise sur le marché - Motifs de refus, Médicaments génériques, Notion de médicament de référence » T Faits : La société Generics UK Ltd souhaitait obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour un médicament générique de la galantamine conformément à la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Cette demande s’effectue dans le cadre d’une procédure décentralisée conformément à l’article 28 de la directive, et le Royaume-Uni est désigné comme l’Etat membre de référence. Des demandes simultanées ont également été introduites dans 17 autres Etats membres. Generics fondait également sa demande sur l’article 10 qui offre un régime dérogatoire pour les demandes d’AMM concernant un médicament générique. Ce régime s’appuie sur la notion de « médicament de référence » et dispense le demandeur d’AMM de fournir les résultats des essais précliniques et cliniques s’il peut démontrer que le médicament est un générique d’un médicament de référence. -164- En l’espèce, Generics prenait le Nivalin comme médicament de référence. Ce médicament avait été autorisé en Autriche en 1963. Par ailleurs, Generics faisait également référence à l’AMM obtenue au Royaume-Uni en 2000 par Shire Pharmaceuticals Ltd pour le Reminyl, un autre générique du Nivalin. La demande d’AMM présentée par Generics fut cependant rejetée par la Licensing Authority au motif que le Nivalin ne pouvait être utilisé comme médicament de référence car le dossier de ce médicament n’avait pas été mis à jour pour satisfaire aux exigences de la réglementation communautaire devenue applicable depuis l’adhésion de l’Autriche à l’Union européenne. De plus, la référence au Reminyl ne pouvait être retenue puisque la période de protection de dix ans visée par la directive 2001/83/CE n’avait pas encore expiré. Generics introduisit un recours devant la High Court of Justice. Celle-ci décida d’interroger la Cour de justice des communautés européennes. T Question préjudicielle et droit communautaire en cause : La question posée est relative à la notion de « médicament de référence » telle que retenue à l’article 10 de la directive 2001/83/CE, notion qui est la base du régime dérogatoire de demande d’AMM d’un médicament générique. La Cour doit statuer sur le fait de savoir si le Nivalin, médicament autorisé en Autriche, peut être considéré comme un « médicament de référence » au sens de l’article 10 de la directive 2001/83/CE alors que sa mise sur le marché n’a pas été autorisée conformément à la directive 2001/83/CE. A titre subsidiaire, la juridiction de renvoi demande à la Cour de lui préciser les indications utiles afin de déterminer s’il y a une violation du droit communautaire suffisamment caractérisée du fait d’un rejet à tort de la demande d’AMM. T Décision : La Cour rappelle à titre liminaire que “l’obligation pour les demandeurs d’une AMM d’un médicament de joindre à la demande le résultat des essais visés à l’article 8 paragraphe 3 sous i) de la directive 2001/83/CE a pour but de fournir la preuve de la sécurité et de l’efficacité d’un médicament”. Le régime dérogatoire institué par l’article 10 de la directive “dispensant les demandeurs d’une AMM pour un médicament générique d’un médicament de référence déjà autorisé conformément à cette directive de fournir les résultats des essais” a pour but d’éviter la répétition d’essais sur l’homme ou les animaux. Cependant, comme le rappelle la directive “toute réglementation en matière de production et de distribution de médicaments doit avoir pour objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique”. Ainsi, l’interprétation de la notion de « médicament de référence » ne doit pas avoir pour effet d’assouplir les normes de sécurité dans la mise en œuvre de la procédure dérogatoire instituée à l’article 10 de la directive 2001/83/CE (point 24). Afin que l’AMM soit délivrée au médicament générique sur la base de la procédure dérogatoire, tous les renseignements et documents relatifs au médicament de référence doivent rester à la disposition de l’autorité compétente. Dans le cas contraire, “le respect des normes de sécurité auxquelles doivent satisfaire les médicaments se trouverait [...] fortement compromis”. L’obligation pour le demandeur d’une AMM de fournir les résultats des essais, remplacée par celle de démontrer que le médicament en cause est de nature analogue au médicament de référence bénéficiant déjà de l’autorisation, doit alors être applicable lorsque l’autorité compétente ne dispose pas de tous les documents et renseignements relatifs au médicament de référence (point 27). Generics fait valoir qu’un médicament mis sur le marché d’un Etat membre depuis plusieurs années conformément à une autorisation délivrée sur le fondement des seules dispositions nationales de cet Etat membre, applicables avant la transposition de la législation communautaire dans cet Etat, doit être considéré comme un médicament de référence (point 28). Une telle -165- interprétation lui permettrait ainsi de ne pas avoir à fournir les résultats des essais, mais, conformément à la procédure dérogatoire instaurée par l’article 10 de la directive 2001/83/CE, d’avoir seulement à prouver la nature analogue du médicament générique au médicament de référence. Pour la Cour cette interprétation n’est pas fondée car il ressort de la directive 2001/83/CE que “seuls peuvent être considérés comme des médicaments de référence ceux bénéficiant d’une AMM délivrée conformément à cette directive” (point 30). Autrement dit, le médicament de référence doit avoir été autorisé sur le fondement du droit communautaire en vigueur à l’époque de la demande d’AMM pour le médicament de référence pour pouvoir être utilisé dans le cadre de la procédure dérogatoire de l’article 10 de la directive 2001/83/CE. De plus, pour les médicaments pour lesquels l’AMM a été demandée avant l’entrée en vigueur de ladite directive, le demandeur doit rapporter la preuve “que le médicament de référence a été autorisé sur le fondement du droit communautaire en vigueur à l’époque de la demande d’AMM pour le médicament de référence” afin de bénéficier de la procédure abrégée (point 30). Les juges communautaires retiennent également que “toute autre interprétation de la directive irait à l’encontre non seulement des exigences de sécurité et d’efficacité des médicaments, et partant, de l’objectif de sauvegarde de la santé publique, mais également de la finalité [...] de la directive 2001/83/CE qui est de procéder au rapprochement des législations nationales” (point 31). Ainsi, considérer comme un médicament de référence un médicament ayant fait l’objet d’une autorisation délivrée sur la base de dispositions exclusivement nationales, applicables avant la transposition des directives en cause “reviendrait en réalité à autoriser une dérogation à la règle, prévue notamment à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83, selon laquelle un médicament qui n’a pas été autorisé conformément au droit communautaire ne peut pas être mis sur le marché d’un État membre” (point 32). Aussi, “pour qu’un médicament puisse être considéré comme un médicament de référence, il doit, préalablement à sa mise sur le marché, avoir été autorisé conformément au droit communautaire” (point 33). En l’espèce, le Nivalin, médicament de référence pour Generics, n’a jamais fait l’objet d’une demande d’AMM en bonne et due forme conformément à l’article 8 de la directive 2001/83/CE qui précise que des documents et des renseignements doivent être joints à la demande. De plus, aucune demande d’AMM n’a été présentée pour ce produit, conformément à la législation communautaire applicable après l’entrée en vigueur de la directive 2001/83/CE. Dès lors, la Cour constate que “la mise sur le marché autrichien du Nivalin n’a été autorisée qu’en application de la législation en vigueur en Autriche à la date de l’octroi de l’autorisation, à savoir en 1963, cette autorisation n’ayant jamais été mise à jour conformément au droit communautaire à la suite de l’adhésion de l’Autriche à l’EEE, puis à l’Union” (point 36). Par ces motifs, la Cour de justice dit pour droit (dispositif) : “Un médicament, tel que le Nivalin en cause au principal, ne relevant pas du règlement (CE) n/ 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments, et dont la mise sur le marché d’un État membre n’a pas été autorisée conformément au droit communautaire applicable, ne peut pas être considéré comme un médicament de référence au sens de l’article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire -166- relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004”. Compte tenu de cette réponse, les juges de Luxembourg n’estiment pas nécessaire de se prononcer sur la question posée à titre subsidiaire. jjj College van burgemeester en wethouders van Rottredam c/ M.E.E. Rijkeboer 7 mai 2009 - C-553/07« Protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel Directive 95/46/CE - Protection de la vie privée - Effacement des données - Droit d’accès aux données et à l’information sur les destinataires des données - Délai d’exercice du droit d’accès » T Faits : Le litige en cause opposait M. Rijkeboer au Collège des bourgmestres et échevins 166 de Rotterdam. Le requérant contestait le refus partiel du Collège de lui donner accès aux informations sur la communication à des tiers de ses données personnelles au cours des deux années précédant sa demande. En effet, par deux décisions rendues en 2005, le Collège ne lui avait transmis que l’information relative à la période d’un an précédant sa demande, et ce en application de l’article 103, paragraphe 1 de la loi nationale transposant la directive 95/46/CE, 167 les données demandées par le requérant antérieurement à l’année de sa demande ayant été effacées. Le requérant contesta ces décisions. La juridiction de première instance lui donna raison. Le Collège interjeta appel devant le Raad van State. Après avoir relevé que l’article 12 de la directive relative au droit d’accès aux données ne fixe aucun délai dans lequel ce droit doit pouvoir être exercé, la juridiction d’appel indiqua avoir des doutes sur le point de savoir si cet article interdit au législateur de limiter dans le temps le droit de la personne concernée à être informée des destinataires auxquels ses données de caractère personnel ont été communiquées. Dans ces conditions, le Raad van State décida de surseoir a statuer et de poser à la Cour de justice une question préjudicielle. T Question préjudicielle et droit communautaire applicable : La demande préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 12, sous a), de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, en date du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. L’article 12 dispose 168 : « Les États membres garantissent à toute personne concernée le droit d’obtenir du responsable du traitement : 166 Exécutif communal. 167 JO L 281, p.31. 168 Article 12 « Droit d’accès », sous a), directive 94/46/CE. -167- a) sans contrainte, à des intervalles raisonnables et sans délais ou frais excessifs : - la confirmation que des données la concernant sont ou ne sont pas traitées, ainsi que des informations portant au moins sur les finalités du traitement, les catégories de données sur lesquelles il porte et les destinataires ou les catégories de destinataires auxquels les données sont communiquées, - la communication, sous une forme intelligible, des données faisant l’objet des traitements, ainsi que de toute information disponible sur l’origine des données, - la connaissance de la logique qui sous-tend tout traitement automatisé des données la concernant, au moins dans le cas des décisions automatisées visées à l’article 15, paragraphe 1; (...) » La Cour de justice fait également référence à l’article 6 de la directive qui énonce les principes relatifs à la qualité de « données » et aux modalités de leur conservation. Le paragraphe 1, sous e), dispose que : « les États membres prévoient que les données à caractère personnel doivent être “conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement. Les États membres prévoient des garanties appropriées pour les données à caractère personnel qui sont conservées au-delà de cette période, à des fins historiques, statistiques ou scientifiques” ». La question préjudicielle posée à la Cour de justice par la juridiction de renvoi est la suivante : « La limitation, prévue par la loi, de la communication des données à l’année précédant la demande concernée est-elle compatible avec l’article 12, [...] sous a), de la [directive], lue ou non en liaison avec l’article 6, paragraphe 1, sous e), de cette directive et avec le principe de proportionnalité ? » T Décision : La Cour indique qu’en substance, la juridiction de renvoi cherche “à déterminer si, selon la directive, en particulier son article 12, sous a), le droit d’accès d’une personne à l’information sur les destinataires ou les catégories de destinataires de données à caractère personnel la concernant ainsi que sur le contenu des données communiquées peut être limité à la période d’un an précédant sa demande d’accès” (point 31). Elle explique que “pour apprécier la portée du droit d’accès que la directive doit rendre possible, il convient, d’abord, de déterminer les données auxquelles se rapporte le droit d’accès et de se référer, ensuite, à la finalité de l’article 12, sous a), de la directive examinée à la lumière des objectifs de cette dernière” (point 40). En l’espèce, les juges de Luxembourg relèvent que deux catégories de données sont concernées : d’une part, des données à caractère privé détenues par la commune sur une personne - celles-ci “constituent des « données à caractère personnel » au sens de l’article 2, sous a) de la directive puisqu’il s’agit d’informations concernant une personne physique ou identifiable” 169 (Point 42) et d’autre part, de “l’information sur les destinataires ou les catégories de destinataires auxquels ces données de base sont communiquées ainsi que sur le contenu de ces dernières” (point 43). La Cour note à cet égard que, conformément à la législation nationale en cause, l’information en question n’est conservée qu’un an. Elle estime que “La limitation dans le temps du droit d’accès à l’information sur le ou les destinataires des données à caractère personnel ainsi que sur le 169 CJCE, Österreischischer Rundfunk e.a., du 20 mai 2003, C-465/00 et C-139/01et CJCE, Lindqvist, du 6 novembre 2003, C-101/01, Rec. p. I-12971. -168- contenu des données transmises, qui est visée dans l’affaire au principal, concerne ainsi cette seconde catégorie de données” (point 44). Rappelant l’importance de la protection de la vie privée,170 les juges communautaires rappellent que “les principes de cette protection doivent trouver leur expression, d’une part, dans les obligations mises à la charge de ceux qui traitent des données, ces obligations concernant notamment, la qualité des données - objet de l’article 6 de la directive - et d’autre part, dans les droits conférés aux personnes dont les données font l’objet d’un traitement d’être informées sur celui-ci, de pouvoir accéder à ces données, de pouvoir demander leur rectification, voire de s’opposer à leur traitement dans certaines circonstances” (point 48). Ils affirment ensuite que “Ce droit au respect de la vie privée implique que la personne concernée puisse s’assurer que ses données à caractère personnel sont traitées de manière exacte et licite, c’est-à-dire, en particulier, que les données de base la concernant sont exactes et qu’elles sont adressées à des destinataires autorisés”. (point 49). Puis, la Cour précise que le droit d’accès prévu par l’article 12, sous a), est nécessaire pour permettre à la personne concernée d’exercer les droits résultant de la directive et notamment son droit d’opposition, ou encore le droit au recours en cas de dommage. Concernant le droit d’accès à l’information sur les destinataires et au contenu des données, elle note que la directive ne précise pas si ce droit concerne le passé. Cependant, elle estime que pour assurer l’effet utile de ces dispositions, le droit d’accès doit nécessairement concerner le passé. En effet, à défaut, “la personne intéressée ne serait pas en mesure d’exercer de manière efficace son droit de faire rectifier, effacer ou verrouiller les données présumées illicites ou incorrectes ainsi que d’introduire un recours juridictionnel et d’obtenir réparation du préjudice subi” ( point 54). Ensuite, les juges de Luxembourg s’interrogent sur l’étendue de ce droit dans le passé. La Cour rappelle avoir déjà jugé que les dispositions de la directive sont générales et qu’elles sont caractérisées par une certaine souplesse, offrant ainsi une marge de manœuvre aux Etats en vue de leur transposition, marge de manœuvre qui n’est toutefois pas illimitée. Elle indique que l’établissement d’un délai relatif au droit d’accès à l’information sur les destinataires ou les catégories de destinataires et le contenu des données communiquées doit permettre à la personne concernée d’exercer les droits prévus par la directive. Elle relève également que la durée de conservation des données de base peut constituer un paramètre utile qui n’est cependant pas déterminant car, en fonction des finalités pour lesquelles les données sont collectées ou ultérieurement traitées, cette durée peut être différente. Sur ce point, la Cour précise que “si, par exemple, les destinataires de telles données sont nombreux ou la fréquence de communications à un nombre plus restreints de destinataires est élevée, l’obligation de conserver aussi longtemps l’information sur les destinataires ou les catégories de destinataires ainsi que sur le contenu des données communiquées pourrait représenter une charge excessive pour le responsable du traitement” (point 59). Or, pour les juges européens, “la directive n’exige pas des Etats-membres qu’ils imposent de telles charges au responsable du traitement” (point 60). Ils relèvent que “l’article 12, sous C), de la directive prévoit expressément une réserve à l’obligation de ce dernier de notifier aux tiers auxquels les données ont été communiquées les rectifications, effacements ou verrouillages, a savoir lorsque cela s’avère impossible ou suppose un effort disproportionné” (point 61). La Cour évoque enfin le caractère disproportionné que certaines mesures pourraient revêtir en relevant que “S’agissant de l’obligation d’informer la personne concernée, le quatrième considérant de la directive énonce que le nombre des personnes concernées ainsi que 170 Deuxième et dixième considérants de la directive 95/46/CE, arrêts précités sous note précédante. -169- l’ancienneté des données peuvent être prises en compte. Par ailleurs, selon l’article 17 de la directive relative à la sécurité des traitements, les Etats membres prévoient que le responsable du traitement doit mettre en œuvre des mesures techniques et d’organisation destinées à assurer un niveau de sécurité approprié au regard des risques présentés par le traitement et de la nature des données à protéger” (point 62). La Cour dit pour droit (dispositif) : “L’article 12, sous a), de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, impose aux États membres de prévoir un droit d’accès à l’information sur les destinataires ou les catégories de destinataires des données ainsi qu’au contenu de l’information communiquée non seulement pour le présent, mais aussi pour le passé. Il appartient aux États membres de fixer un délai de conservation de cette information ainsi qu’un accès corrélatif à celle-ci qui constituent un juste équilibre entre, d’une part, l’intérêt de la personne concernée à protéger sa vie privée, notamment au moyen des voies d’intervention et de recours prévus par la directive 95/46, et, d’autre part, la charge que l’obligation de conserver cette information représente pour le responsable du traitement. Une réglementation limitant la conservation de l’information sur les destinataires ou les catégories de destinataires des données et le contenu des données transmises à une durée d’un an et limitant corrélativement l’accès à cette information, alors que les données de base sont conservées beaucoup plus longtemps, ne saurait constituer un juste équilibre des intérêt et obligation en cause, à moins qu’il ne soit démontré qu’une conservation plus longue de cette information constituerait une charge excessive pour le responsable du traitement. Il appartient à la juridiction nationale d’effectuer les vérifications nécessaires”. jjj -170- AFFAIRES COMMUNAUTAIRES A SUIVRE : CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAUX -171- ESPACE DE LIBERTÉ, SÉCURITÉ ET JUSTICE María Julia Zurita García c/ Delegación del Gobierno en Murcia et Aurelio Choque Cabrera c/ Delegación del Gobierno en Murcia Conclusions de l’avocat général Mme Julia Kokott présentées le 19 mai 2009 - C-261/08 et C-348-08 « Acquis Schengen - Règlement (CE) n/ 562/2006 - Code frontières Schengen - Convention d’application de l’accord de Schengen -Droit de séjour - Expulsion - Remplacement par une amende » T Faits : Julia Zurita Garcia et Aurelio Choque Cabrera sont deux ressortissants boliviens qui séjournaient de manière irrégulière en Espagne. A la suite à ce constat d’irrégularité, le représentant du gouvernement dans la région de Murcie a prononcé, le 15 novembre 2006, l’expulsion du territoire espagnol de Madame Garcia ainsi qu’une interdiction d’entrée dans l’espace Schengen pour une durée de 5 ans. La même décision a été adoptée à l’encontre de Monsieur Cabrera le 30 juillet 2007. Les recours introduits contre ces deux décisions ont été rejetés en première instance. Les intéressés ont interjeté appel. Les procédures sont pendantes devant le Tribunal superior de justicia de Murcie. L’article 53 de la loi organique espagnole prévoit que les séjours irréguliers de personnes ressortissant d’un pays tiers seront sanctionnés d’une amende. Selon l’article 57 de la même loi, lorsque le comportement en cause peut-être qualifié de très grave, cette amende peut être remplacée par le prononcé d’une expulsion. La juridiction de renvoi demande à la Cour si de telles dispositions sont conformes au droit communautaire. T Droit communautaire et question préjudicielle : Le droit applicable est énoncé à l’article 62, point 1 et point 2, sous a) du Traité instituant la Communauté européenne, ainsi que par le règlement (CE) n/ 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, (« Code des frontières Schengen ») et en particulier les articles 5, 11 et 13. Pour les deux procédures en cours, la juridiction nationale pose à la Cour de justice la question suivante : « Les dispositions du traité instituant la Communauté européenne, en particulier son article 62, point 1 et point 2, sous a), et celles du règlement (CE) n/ 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), en particulier ses articles 5, 11 et 13, doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation comme la réglementation nationale, avec la jurisprudence qui l’interprète, en vertu de laquelle l’expulsion de tout “ressortissant d’un pays tiers” non muni d’un titre autorisant l’entrée et le séjour sur le territoire de l’Union européenne peut être remplacée par l’imposition d’une amende ? » -172- T Conclusions de l’avocat général : Selon l’avocat général, il convient de répondre à la question posée de manière suivante : “1) L’article 6 ter, paragraphe 3, de la convention d’application de l’accord de Schengen et la disposition identique de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) n/ 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes n’oblige pas d’expulser des ressortissants de pays tiers en raison de la présomption de l’absence de réunion des conditions de séjour prévue à l’article 6 ter, paragraphe 1, de la convention d’application de l’accord de Schengen et/ou de l’article 11, paragraphe 1, du règlement. 2) L’article 23, paragraphe 3, de la convention d’application de l’accord de Schengen ne s’oppose pas à des règles de droit interne telle qu’en l’espèce selon lesquelles l’expulsion d’un ressortissant d’un pays tiers qui séjourne sur le territoire de l’Union européenne sans document l’autorisant à entrer et/ou à séjourner peut être remplacée par l’imposition d’une amende.” jjj -173- LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES Nicolas Bressol e. a. et Céline Chaverot e. a. c/ le Gouvernement de la Communauté française Conclusions de l’Avocat général Mme Eleanor Sharpston, présentées le 25 juin 2009 - C-73/08 « Enseignement supérieur - Santé publique - Numerus clausus - Condition de résidence - Égalité de traitement - Principe de non discrimination - Justifications » T Faits : Le litige se plaçait dans le contexte du nombre grandissant d’étudiants français s’inscrivant dans les universités francophones belges afin d’y poursuivre des études de vétérinaires ou de kinésithérapeutes. En France, l’admission aux écoles vétérinaires se fait par concours ouvert aux seuls étudiants ayant suivi deux années de cours préparatoires, tandis que pour les étudiants souhaitant s’inscrire en kinésithérapie, un numerus clausus est instauré. Dès lors, un très grand nombre d’étudiants français ont fait le choix de venir étudier en Belgique, où l’accès à ces filières est rendu moins difficile. Face à une telle situation, où le nombre d’étudiants étrangers étaient devenus supérieurs au nombre d’étudiants belges dans ces cursus, le Parlement de la Communauté française en Belgique adopta, le 16 juin 2006, un décret ayant pour objet d’établir un numerus clausus pour l’inscription de non résidents dans ces filières universitaires. Il était prévu qu’une université ou une haute école ne pouvait admettre qu’un nombre limité d’étudiants non résidents, nombre fixé pour chaque cursus dans chaque établissement, pour l’année académique 2006/2007, à 30 % du nombre total des étudiants inscrits pour la première fois dans l’établissement pour les cursus concernés. Ce décret définissait en outre les « résidents », échappant au numerus clausus, par une double condition : ils devaient avoir à la fois leur résidence principale en Belgique et avoir le droit d’y séjourner de manière permanente. Enfin, les candidats non résidents ne pouvaient demander leur inscription que pendant les trois jours ouvrables précédant le 2 septembre ; si leur nombre dépassait le numerus clausus fixé, le tri s’effectuait par tirage au sort. La Cour constitutionnelle de Belgique fut saisie par de nombreux requérants d’un recours en annulation de ce décret. Ils contestaient en effet la différence de traitement prévue par le décret entre résidents et non résidents en ce qui concerne l’accès aux cursus en question. S’interrogeant sur la compatibilité de ce décret avec les dispositions du Traité CE relatives à la libre circulation des personnes, la juridiction constitutionnelle décida alors de surseoir à statuer et d’interroger la Cour de Luxembourg. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : Les questions préjudicielles portent sur l’article 12, alinéa premier, CE et l’article 18, paragraphe 1, CE, pris en combinaison avec l’article 149, paragraphe 1, l’article 149, paragraphe 2, deuxième tiret et l’article 150, paragraphe 2, troisième tiret, CE. -174- L’article 12, premier alinéa, CE dispose : « Dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité. » L’article 18, paragraphe 1, CE dispose : « Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application ». L’article 149, paragraphe 1 et paragraphe 2, deuxième tiret, CE énonce : « 1. La Communauté contribue au développement d’une éducation de qualité en encourageant la coopération entre États membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leur action tout en respectant pleinement la responsabilité des États membres pour le contenu de l’enseignement et l’organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique. 2. L’action de la Communauté vise : [...] - à favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants, y compris en encourageant la reconnaissance académique des diplômes et des périodes d’études ». L’article 150, paragraphe 2, troisième tiret, CE dispose : « L’action de la Communauté vise : [...] - à faciliter l’accès à la formation professionnelle et à favoriser la mobilité des formateurs et des personnes en formation, et notamment des jeunes ». La Cour constitutionnelle de Belgique demande à la Cour de justice de répondre aux questions préjudicielles suivantes : « 1. Les articles 12, premier alinéa, et 18, paragraphe l, [CE], lus en combinaison avec l’article 149, paragraphes 1 et 2, deuxième tiret, et avec l’article 150, paragraphe 2, troisième tiret, [CE] doivent-ils être interprétés en ce sens que ces dispositions s’opposent à ce qu’une communauté autonome d’un État membre compétente pour l’enseignement supérieur, qui est confrontée à un afflux d’étudiants d’un État membre voisin dans plusieurs formations à caractère médical financées principalement par des deniers publics, à la suite d’une politique restrictive menée dans cet État voisin, prenne des mesures telles que celles inscrites dans le [Décret du 16 juin 2006], lorsque cette Communauté invoque des raisons valables pour affirmer que cette situation risque de peser excessivement sur les finances publiques et d’hypothéquer la qualité de l’enseignement dispensé ? 2. En va-t-il autrement, pour répondre à la question mentionnée sub 1, si cette Communauté démontre que cette situation a pour effet que trop peu d’étudiants résidant dans cette Communauté obtiennent leur diplôme pour qu’il y ait durablement en suffisance du personnel médical qualifié afin de garantir la qualité du régime de santé publique au sein de cette Communauté ? 3. En va-t-il autrement, pour répondre à la question mentionnée sub 1, si cette Communauté, compte tenu de l’article 149, premier alinéa, in fine, [CE] et de l’article 13.2, c), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui contient une obligation de standstill, opte pour le maintien d’un accès large et démocratique à un enseignement supérieur de qualité pour la population de cette Communauté ? ». -175- T Conclusions : L’Avocat général propose de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante : - Concernant la première et la deuxième questions : “Les articles 12, premier alinéa, CE et 18, paragraphe l, CE, lus en combinaison avec l’article 149, paragraphes 1 et 2, deuxième tiret, CE et avec l’article 150, paragraphe 2, troisième tiret, CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des mesures comme celles contenues dans le Décret régulant le nombre d’étudiants dans certains cursus de premier cycle de l’enseignement supérieur, adopté par la Communauté française de Belgique”. - Concernant la troisième question : “La réponse aux deux premières questions n’est pas affectée par la prise en compte de l’article 149, premier alinéa, in fine, CE et de l’article 13.2, c), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels”. -176- POLITIQUE SOCIALE C.Meerts c. Proost NV Conclusions de l’Avocat général Mme Juliane Kokott présentées le 14 mai 2009 - C-116/08 « Congé parental - Résiliation des relations de travail par l’employeur - Indemnité compensatoire de préavis - Congé parental - Directive 96/34/CE » T Faits : Mme Meerts, employée depuis 1992 de la société Proost, réduisit de moitié son temps de travail au titre d’un congé parental entre le 18 novembre 2002 et le 17 mai 2003. Le 8 mai 2003, soit neuf jours avant la fin de son congé parental, elle fit l’objet d’un licenciement sans préavis pour motifs économiques. Le litige l’opposait à son ancien employeur, en raison du calcul du montant de l’indemnité compensatoire. Elle avait en effet perçu une indemnité compensatoire calculée sur la rémunération à taux partiel qui lui était versée durant son congé parental. Or Mme Meerts estimait que cette indemnité aurait du être calculée sur la rémunération à taux plein qu’elle percevait avant de prendre son congé parental, rémunération qu’elle aurait dû percevoir au terme de celui-ci. Après avoir vu sa demande d’indemnité compensatoire de préavis plus élevée rejetée par l’Arbeidsrechtbank (tribunal du travail) puis, en appel par l’Arbeidshof (cour du travail) d’Antwerpenk, elle se pourvut en cassation. La Cour de cassation belge décida alors de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la Cour de justice. T Question préjudicielle et droit communautaire en cause : La question préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 2 de la directive 96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, la CEEP et la CES. La clause 2 de l’accord-cadre sur le congé parental dispose en ses points 1, 4, 5, 6 et 7 : « 1. En vertu du présent accord, sous réserve de la clause 2.2, un droit individuel à un congé parental est accordé aux travailleurs, hommes et femmes, en raison de la naissance ou de l’adoption d’un enfant, pour pouvoir s’occuper de cet enfant pendant au moins trois mois jusqu’à un âge déterminé pouvant aller jusqu’à huit ans, à définir par les États membres et/ou les partenaires sociaux. » [...] 4. Afin d’assurer que les travailleurs puissent exercer leur droit au congé parental, les États membres et/ou les partenaires sociaux prennent les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs contre le licenciement en raison de la demande ou de la prise de congé parental, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales. 5. A l’issue du congé parental, le travailleur a le droit de retrouver son poste de travail ou, en cas d’impossibilité, un travail équivalent ou similaire conforme à son contrat ou à sa relation de travail. 6. Les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus dans leur état jusqu’à la fin du congé parental. À l’issue du congé parental, ces droits, y compris les changements provenant de la législation, de conventions collectives ou de la pratique nationale, s’appliquent. -177- 7. Les États membres et/ou les partenaires sociaux définissent le régime du contrat ou de la relation de travail pour la période du congé parental » La Cour de Justice devra répondre à la question suivante : « Les dispositions des points 4, 5, 6 et 7, de la clause 2 de l’accord cadre sur le congé parental conclu par les organisations interprofessionnelles à vocation générale UNICE, CEEP et CES et figurant dans l’annexe de la directive 96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES, doivent-elles être interprétées en ce sens que, en cas de résiliation unilatérale du contrat de travail par l’employeur pendant le régime de réduction des prestations de travail, sans motif grave ou sans respect du délai légal de préavis, l’indemnité de licenciement due au travailleur doit être déterminée sur la base de la rémunération de base en la calculant comme si le travailleur n’avait pas réduit ses prestations de travail pour bénéficier du congé parental sous cette forme au sens du point 3, sous a), de la clause 1 de l’accord cadre ? » T Conclusions : L’Avocat général propose de répondre à la question préjudicielle de la manière suivante : “Le point 6 de la clause 2 de l’accord cadre sur le congé parental annexé à la directive 96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, doit être interprété en ce sens que, en cas de résiliation unilatérale du contrat de travail par l’employeur sans motif grave ou sans respect du délai légal de préavis, à un moment où le travailleur bénéficie d’un régime de réduction du temps de travail, l’indemnité de licenciement due au travailleur se détermine sur la base de la rémunération de base en la calculant comme si le travailleur n’avait pas réduit le volume de ses prestations de travail au titre d’un congé parental”. (point 63). jjj -178- TRANSPORT Bogiatzi Conclusions de l’Avocat général Jan Mazak, présentées le 25 juin 2009 - C-301/08 « Règlement n/ 2027/97 - Article 29 de la convention de Varsovie - Responsabilité d’un transporteur aérien de la Communauté pour un préjudice subi par un passager à la suite d’un accident - Délai pour l’introduction d”une action en indemnisation du préjudice subi - Convention internationale conclue par les Etats membre - Compétence de la Cour de justice pour l’interpréter, en vertu de l’article 234 CE, l’article 29 de la convention de Varsovie - Incidence d’un règlement communautaire sur une convention internationale - Article 307 CE » T Faits : Le 21 décembre 1998, alors qu’elle s’apprêtait à embarquer dans un avion de la compagnie Luxair, Mme Bogiatzi fut victime d’une chute sur le tarmac de l’aéroport de Luxembourg. Le 22 décembre 2003 elle assigna la compagnie Luxair et Deutscher Luftpool, assureur de Luxair, devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg afin d’obtenir réparation, par condamnation solidaire, de son préjudice subi. Elle fondait sa demande sur le règlement n/ 2027/97/CE, ainsi que sur la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929. Le tribunal rejeta sa demande au motif qu’elle avait été introduite cinq ans après l’accident, et donc après l’expiration du délai de deux ans prévu à l’article 29 de la Convention de Varsovie pour intenter une action en responsabilité. Le tribunal jugea également que ce délai était un délai préfix, non susceptible de suspension ou d’interruption. La cour d’appel de Luxembourg confirma le jugement du tribunal de Luxembourg et Mme Bogiatzi forma un pourvoi devant la Cour de cassation en soulevant un certains nombre de moyens tirés notamment de la violation du règlement n/ 2027/97/CE. La requérante conteste en effet l’application à une situation régie par ledit règlement du délai de recours de deux ans en vertu de la Convention de Varsovie. C’est dans ce cadre que la Cour de cassation a décidé de poser à la Cour de justice trois questions préjudicielles. T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : - L’article 29 de la Convention de Varsovie dispose que : « 1. L’action en responsabilité doit être intentée, sous peine de déchéance, dans le délai de deux ans à compter de l’arrivée à destination ou du jour où l’aéronef aurait dû arriver, ou de l’arrêt du transport. 2. Le mode de calcul du délai est déterminé par la loi du tribunal saisi ». - La convention de Montréal du 28 mai 1999 visant à moderniser la convention de Varsovie, à laquelle aussi bien la Communauté que les 27 Etats membres sont parties dispose à son article 35 que le délai de recours est identique à celui de l’article 29 de la convention de Varsovie. - Le règlement n/ 2027/97/CE relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident dispose dans son article 2 que : « Les notions contenues dans le présent règlement qui ne sont pas définies au paragraphe 1 sont équivalentes à celles utilisées dans la convention de Varsovie.» -179- Son article 5 dispose que : «1. Avec toute diligence nécessaire et, en tout état de cause, au plus tard quinze jours après que la personne physique ayant droit à indemnisation a été identifiée, le transporteur aérien de la Communauté verse à cette personne une avance lui permettant de faire face à ses besoins immédiats, en proportion du préjudice matériel subi. […] 3. Le versement d’une avance ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité et l’avance peut être déduite de toute somme payée ultérieurement en fonction de la responsabilité du transporteur aérien de la Communauté; elle n’est pas remboursable, sauf dans les cas visés à l’article 3 paragraphe 3 ou lorsqu’il est prouvé par la suite que la faute de la personne à laquelle l’avance a été versée constitue le fait générateur du dommage ou y a concouru ou que cette personne n’avait pas droit à indemnisation. » La juridiction de renvoi pose les questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice : « 1. La Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international signée à Varsovie le 12 octobre 1929, telle que modifiée à La Haye le 28 septembre 1955, à laquelle se réfère le règlement (CE) n/ 2027/97, fait-elle partie des normes de l’ordre juridique communautaire que la Cour de justice a compétence d’interpréter au titre de l’article 234 CE ? 2. Est-ce que le règlement (CE) n/ 2027/97 du Conseil, du 9 octobre 1997, relatif à la responsabilité du transporteur aérien en cas d’accident, dans sa version applicable à l’époque de l’accident, à savoir le 21 décembre 1998, doit être interprété en ce sens que, pour les questions non expressément réglées, les dispositions de la Convention de Varsovie, en l’occurrence l’article 29, continuent à s’appliquer à un vol entre États membres de la Communauté ? 3. En cas de réponse affirmative à la première et à la deuxième question, l’article 29 de la Convention de Varsovie, en relation avec le règlement (CE) n/ 2027/97, est-il à interpréter en ce sens que le délai de deux ans y prévu peut être suspendu ou interrompu ou que le transporteur ou son assureur peuvent y renoncer, par un acte considéré par le juge national comme valant reconnaissance de responsabilité ? » T Conclusions : L’Avocat général Jan Mazak propose de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante : “L’article 29 de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929, ne fait pas partie des normes de droit communautaire que la Cour a la compétence d’interpréter au titre de l’article 234 CE. Le règlement n/ 2027/97 relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident ne doit pas, en ce qui concerne les délais dans lesquels doivent être formés les recours en indemnisation en cas de préjudice subi dans le cadre d’un vol entre États membres régi par ce règlement, être interprété en ce sens qu’il empêcherait le juge national de faire application du délai prévu à l’article 29 de la convention de Varsovie, étant entendu que ce délai doit être conforme aux principes de droit communautaire d’effectivité et d’équivalence.” jjj -180- AUTRE DOMAINE 171 Intercontainer Interfrigo SC (ICF) Conclusions de l’Avocat général Yves Bot, présentées le 19 mai 2009 - C-133/08 « Convention de Rome du 19 juin 1980 - Loi applicable aux obligations contractuelles à défaut de choix par les parties - Contrat de transport de marchandises - Critère de rattachement » T Faits : Intercontainer Interfrigo (ICF) est une société Belge. Dans le cadre d’un projet de liaison ferroviaire portant sur le transport de marchandises entre Amsterdam et Francfort, elle mit des wagons à la disposition de Balkenende, pour le compte de MIC, deux sociétés néerlandaises. Afin d’assurer le transport, ICF acheta les locomotives et les services nécessaires. MIC loua à des tiers les capacités de chargement ; elle devait veiller à la partie opérationnelle du transport. Aucun contrat écrit ne fut conclu entre les parties. Seul un projet de contrat fut envoyé par ICF désignant le droit belge comme loi applicable, mais celui-ci ne fut pas signé par les parties. Les accords furent exécutés entre le 20 octobre et le 13 novembre 1998 et entre le 16 novembre et le 21 décembre 1998. La société ICF envoya deux factures à ses cocontractants correspondant aux deux périodes d’exécution mais n’ayant pas été réglée de sa première facture, elle somma MIC de s’ acquitter de son montant. En vain. ICF forma un recours devant le Rechtbank te Haarlem, juridiction néerlandaise, afin d’enjoindre MIC et Balkenende de payer la facture tout en soutenant que la loi belge était applicable. Cependant, la juridiction néerlandaise conclut que le droit néerlandais était applicable au contrat. Les créances d’ICF étant prescrites selon ce droit, elle déclara le recours irrecevable. ICF interjeta appel mais la cour d’appel confirma le jugement du Rechtbank te Haarlem et rejeta la thèse d’ICF selon laquelle les parties avaient choisi le droit belge comme loi applicable. Pour la cour d’appel, bien que le contrat ait été envoyé à MIC et Balkenende, celui-ci n’avait pas été signé. En défense, ICF invoqua la Convention de Rome de 1980 et notamment l’application de son article 4 paragraphe 2. Pour la juridiction d’appel, le contrat devait être considéré comme concernant le transport de marchandises, au sens de la convention. De plus, ce dernier était plus étroitement lié aux Pays-Bas qu’à la Belgique de sorte que la présomption de l’article 4 paragraphe 2 de la convention ne pouvait s’appliquer. ICF forma alors un pourvoi devant le Hoge Raad der Nederlanden, qui, éprouvant des doutes quant à l’interprétation de l’article 4 de la Convention de Rome, décida de poser à la Cour de justice cinq questions préjudicielles. 171 La Cour de justice n’a pas indiqué à quel domaine appartient cette affaire. -181- T Questions préjudicielles et droit communautaire en cause : L’article 4 de la convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelles dispose : « 1. Dans la mesure où la loi applicable au contrat n’a pas été choisie conformément aux dispositions de l’article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. Toutefois, si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lien plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette partie du contrat de la loi de cet autre pays. 2. Sous réserve du paragraphe 5, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s’il s’agit d’une société, association ou personne morale, son administration centrale. Toutefois, si le contrat est conclu dans l’exercice de l’activité professionnelle de cette partie, ce pays est celui où est situé son principal établissement ou, si, selon le contrat, la prestation doit être fournie par un établissement autre que l’établissement principal, celui où est situé cet autre établissement. [...] 4. Le contrat de transport de marchandises n’est pas soumis à la présomption du paragraphe 2. Dans ce contrat, si le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal au moment de la conclusion du contrat est aussi celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l’établissement principal de l’expéditeur, il est présumé que le contrat a les liens les plus étroits avec ce pays. Pour l’application du présent paragraphe, sont considérés comme contrats de transport de marchandises les contrats d’affrètement pour un seul voyage ou d’autres contrats lorsqu’ils ont principalement pour objet de réaliser un transport de marchandises ». La juridiction de renvoi pose les cinq questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice : « 1) L’article 4, paragraphe 4, de la convention de Rome doit-il être interprété en ce sens que cette disposition concerne uniquement l’affrètement pour un voyage et que d’autres types d’affrètement ne relèvent pas du champ d’application de [ladite] disposition ? 2) S’il est répondu par l’affirmative à la [première] question […], l’article 4, paragraphe 4, de la convention de Rome doit-il être interprété en ce sens que dans la mesure où d’autres types d’affrètement concernent aussi le transport de marchandises, le contrat en cause relatif à ce transport tombe dans le champ d’application de cette disposition et que le droit applicable est pour le reste déterminé par l’article 4, paragraphe 2, de la convention de Rome ? 3) S’il est répondu par l’affirmative à la [deuxième] question […], auquel des deux systèmes juridiques indiqués faut-il se référer pour apprécier l’exception de prescription soulevée à l’égard de la demande fondée sur le contrat ? 4) Si la partie principale du contrat concerne le transport de marchandises, faut-il écarter la ventilation visée [à] la [deuxième] question […] et le droit applicable à toutes les parties du contrat doit-il être déterminé au moyen de l’article 4, paragraphe 4, de la convention de Rome ? 5) L’exception visée à [l’article 4, paragraphe 5, seconde phrase], de la convention de Rome doit-elle être interprétée en ce sens que les présomptions [de l’article 4, paragraphes 2 à 4,] doivent uniquement être écartées s’il ressort de l’ensemble des circonstances que les critères de rattachement qui y sont visés n’ont pas de véritable valeur de rattachement ou bien faut-il les écarter aussi s’il ressort de ces circonstances que l’on est en présence d’un rattachement plus important avec un autre pays ? » T Conclusions : L’Avocat général Yves Bot propose de répondre aux questions préjudicielles de la manière suivante : “Un contrat ayant pour objet la mise à disposition d’un moyen de transport aux fins de l’acheminement de marchandises pour un voyage déterminé ne relève pas de l’article 4, paragraphe 4, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (convention de Rome), lorsque l’établissement de -182- l’entreprise chargée de la mise à disposition de ce transport est situé dans un pays autre que celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l’établissement principal du cocontractant. La loi applicable à un tel contrat, conformément à l’article 4, paragraphe 1, première phrase, de la convention de Rome, est celle du pays avec lequel ce contrat présente les liens les plus étroits. Ces liens peuvent être déduits, par exemple, du fait que, dans un contrat tel que celui en cause dans l’affaire au principal, les cocontractants sont établis aux Pays-Bas et le lieu de chargement est situé dans ce même pays. L’article 4, paragraphe 1, seconde phrase, de la convention de Rome doit être interprété en ce sens qu’une partie d’un contrat peut se voir appliquer la loi d’un autre pays si cette partie se détache de manière autonome de l’ensemble du contrat. Ne répond pas à cette exigence un contrat tel que celui en cause, dont l’objet est une prestation unique qui est la mise à disposition d’un moyen de transport pour l’acheminement de marchandises pour un voyage déterminé”. jjj -183- DÉCISIONS D’AUTRES HAUTES INSTANCES JURIDICTIONNELLES FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES 172 172 - Source de la jurisprudence étrangère : Bulletin Reflets n/ 2, 2008, disponible sur le site : http://curia.europa.eu/fr/coopju/apercu_reflets/lang/index.htm, sous la rubrique « Le Droit de l’Union en Europe », Jurisprudence nationale et internationale. -184- ALLEMAGNE - BUNDESSOZIALGERICHT Cour fédérale du contentieux social 28 juillet 2008 « Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives - Mesures d’effets équivalents - Vente transfrontalière de médicaments par correspondance - “Remise de fabricant” limitée aux médicaments soumis à la réglementation allemande sur les prix des médicaments - Exclusion d’une pharmacie établie dans un autre Etat membre du remboursement de ladite remise - Admissibilité » T Faits : Le législateur allemand a imposé aux fabricants de médicaments d’accorder une remise sur les prix des médicaments délivrés aux personnes affiliées à la sécurité sociale obligatoire. Cette remise n’est pas accordée directement par les producteurs aux « caisses-maladie ». Elle est effectuée par l’intermédiaire des pharmacies : les « caisses-maladie » opèrent une réduction correspondant au montant de la dite remise sur les factures que leur adressent les pharmacies ayant délivré les médicaments aux assurés. Les pharmacies peuvent ensuite en demander le remboursement aux fabricants. En l’espèce, la requérante, une pharmacie établie aux Pays-Bas, demandait à la Cour fédérale le remboursement de la remise faite à une filiale allemande d’une entreprise pharmaceutique française. T Décision : La Cour fédérale du contentieux social décide qu’une pharmacie établie aux Pays-Bas et vendant des médicaments par correspondance n’a pas le droit au remboursement de la « remise de fabricants » de médicaments. Selon le Bundessozialgericht, l’obligation d’octroyer cette remise ne s’applique qu’aux seuls médicaments soumis à la réglementation allemande des prix. Or, les médicaments importés et ceux vendus par correspondance ne sont pas concernés par cette réglementation. La Cour fédérale souligne que, n’étant pas liée par la législation allemande, la requérante se trouve dans une position concurrentielle plus favorable que les entreprises allemandes, et qu’elle ne saurait dès lors se plaindre des inconvénients liés à cette situation. La Haute juridiction affirme que la limitation de la « remise de fabricant » aux hypothèses purement nationales n’est pas contraire au droit communautaire, et notamment à l’article 28 CE. Elle indique également que la requérante n’est pas discriminée par rapport aux pharmacies allemandes. Sur ce point, le Bundessozialgericht fait référence à la jurisprudence de la Cour de Justice, et notamment à l’arrêt du 11 décembre 2003 (C-322/01, Doc Morris NV, Rec. I, p. 14887) et affirme que ce système n’est pas susceptible de discriminer les pharmacies établies dans un autre Etat membre. Le Bundessozialgericht se réfère également à la jurisprudence communautaire pour souligner que la « remise de fabricant » est légale en ce qu’elle ne porte pas atteinte à la compétence des Etats membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale 173. 173 Au terme d’une jurisprudence constante, le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des Etats membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale. Voir notamment CJCE, Smith et Peerbooms, du 12 juillet 2001, C-157/99, Rec. p. I-5473 ; CJCE, Duphar e.a., du 7 février 1984, 238/82, Rec. p. 523, point 16 ; CJCE, Sodemare e.a., du 17 juin 1997, C-70/95, -185- La Cour fédérale estime enfin que la remise était un « blocage de prix » admis par l’article 4 de la directive 89/105/CEE relative à la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champs d’application des systèmes d’assurance-maladie. jjj Rec. p. I-3395, point 27, et CJCE, Kohll, du 28 avril 1998, C-158/96, Rec. p. I-1931, point 17. -186- - BELGIQUE - COUR DE CASSATION BELGE Cour de cassation de Belgique deuxième chambre 10 juin 2009 - arrêt n/ P.09.0547.F T Faits : Le pourvoi est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 février 2009 par la Cour d’assises de la province de Luxembourg et l’ensemble des arrêts rendus par cette juridiction au cours des débats relatifs à l’accusation portée contre le demandeur. Celui-ci a été reconnu coupable d’un meurtre. Étaient notamment en cause les articles 342 et 348 du code d’instruction criminelle belge. - L’article 342 prévoit que : « les questions étant posées et remises aux jurés, ils se rendront dans leur chambre pour y délibérer. Leur chef sera le premier jure sorti par le sort, ou celui qui sera désigné par eux et du consentement de ce dernier. Avant de commencer la délibération, le chef des jurés leur fera lecture de l’instruction suivante, qui sera, en outre, affichée en gros caractères dans le lieu le plus apparent de leur chambre ; La loi ne demande pas compte aux jurés des moyens par lesquels ils se sont convaincus; elle ne leur prescrit point de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement, et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur dit point : “ Vous tiendrez pour vrai tout fait attesté par tel ou tel nombre de témoins” ; elle ne leur dit pas non plus : “Vous ne regarderez pas comme suffisamment établie toute preuve, qui ne sera pas formée de tel procès-verbal, de telles pièces, de tant de témoins ou de tant d’indices” ; elle ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : “Avez-vous une intime conviction ...”. » - L’article 348 dispose quant à lui que : « Les jurés rentreront ensuite dans l’auditoire et reprendront leur place. Le président leur demandera quel est le résultat de leur délibération. Le chef du jury se lèvera et, la main placée sur son coeur, il dira : “En honneur et conscience, la déclaration du jury est : Oui, l’accusé, etc.; Non l’accusé, etc..” » T Décision : - Concernant la partie du pourvoi dirigée contre l’arrêt de condamnation du 19 février 2009 et sur le moyen tiré de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : La Cour de cassation rappelle tout d’abord qu’au terme de l’arrêt Taxquet c. Belgique rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 13 janvier 2009,174 le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 § 1 de la Convention implique, en ce qui concerne la cour 174 CEDH, Taxquet c. Royaume de Belgique, du 13 janvier 2009, req. n/ 926/05, résume dans la veille bimestrielle n/ 23 (janvierfévrier 2009). -187- d’assises, que la décision rendue sur l’accusation mette en avant les considérations ayant convaincu le jury de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé et qu’elle indique les raisons concrètes pour lesquelles ils ont répondu positivement ou négativement à chacune des questions. La haute juridiction indique ensuite que “en raison de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à cet arrêt et de la primauté, sur le droit interne, de la règle de droit international issue d’un traité ratifié par la Belgique, ( elle) est contrainte de rejeter l’application des articles 342 et 348 du code d’instruction criminelle en tant qu’ils consacrent la règle, aujourd’hui condamnée par la Cour européenne, suivant laquelle la déclaration du jury n’est pas motivée”. Puis elle relève qu’il ressort des pièces lui ayant été communiquées que le demandeur a donné au cours de l’instruction préparatoire des explications infirmées par un témoin. Il a également demandé que le verdict soit motivé pour qu’en cas de condamnation, il puisse comprendre les raisons ayant conduit le jury à décider de sa culpabilité et que la Cour de cassation soit en mesure de contrôler la légalité de cette décision. Ensuite, la Haute Cour note que l’arrêt du 19 février 2009 le condamnait à une peine de réclusion de dix-huit ans et ce, sur la base d’un verdict formulé par réponses uniquement affirmatives et négatives aux questions posées dans les termes de la loi. Sur ce point, l’arrêt énonce qu’il n’y a pas lieu de motiver autrement la déclaration de culpabilité, la précision de ces questions permettant de compenser le caractère laconique de la sentence. Mais, selon elle, “la seule affirmation que le demandeur est coupable de meurtre et qu’il n’ y a pas lieu de l’en excuser ne révèle pas les raisons concrètes pour lesquelles la qualification contestée par le demandeur a été jugée établie, et ne permet pas à la Cour de vérifier notamment si la condamnation est fondée dans une mesure déterminante sur le témoignage anonyme recueilli à la charge de l’accusé ou si elle prend appui sur d’autres modes de preuve qui le corroborent conformément à l’article 341, alinéa 3 du code d’instruction criminelle”. Enfin, la Cour suprême souligne que, bien que conforme à la loi belge qui ne demande pas aux jurés les moyens par lesquels ils sont convaincus, l’arrêt attaqué est néanmoins contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable qui implique une motivation du verdict. Partant, la Cour de cassation décide de casser l’arrêt de la cour d’assises du 19 février 2009. jjj -188- SUPREME COURT - ETATS-UNIS 12 juin 2008 - req. n/ 553 U.S (2008) «Constitution - Droits fondamentaux - Droit de saisir les juridictions fédérales d’un mandat d’habeas corpus - Champ d’application territorial - Application aux détenus du camp de Guantánamo et aux citoyens américains incarcérés en Irak - Inclusion » T Faits : La Supreme Court des Etats-Unis a rendu le 12 juin 2008 deux arrêts ayant trait à l’application extra-territoriale de la Constitution des Etats-Unis. Dans la première affaire, il était question de deux ressortissants étrangers détenus à Guantánamo, et contestant, par voie d’habeas corpus, la légalité de leur incarcération devant la Court of Appeals for the District of Columbia. Cette dernière avait décliné sa compétence, en estimant que la baie de Guantánamo se trouvait hors de la juridiction des Etat-Unis. Dans la seconde affaire, deux citoyens américains, détenus par la force multinationale dans une prison américaine en Irak, contestaient également la légalité de leur détention par le biais de l’habeas corpus. T Décision : Il faut d’abord rappeler que le Military Commission Act, adopté en 2006 par le Congrès américain, prévoit que les actions intentées par les étrangers considérés comme « ennemis combattants » ne peuvent bénéficier de la protection de l’habeas corpus. Dans le premier arrêt, la Supreme Court affirme que les requérants jouissent de la garantie constitutionnelle offerte par l’habeas corpus. En effet leur désignation d’ « ennemis combattants » ne saurait suffire, à les priver de leurs droits procéduraux. En outre, elle constate que le retrait du droit d’habeas corpus viole la « clause de suspension »(clause inscrite dans la Constitution américaine selon laquelle l’habeas corpus ne peut être suspendu qu’en cas de rébellion, d’invasion, ou lorsque la sécurité publique l’exige). Elle rejette ainsi l’argumentation du gouvernement qui soutenait que la « clause de suspension » ne s’appliquait pas en raison de l’absence de souveraineté exercée sur la baie de Guantánamo, et estime que les Etats-Unis exercent de facto un pouvoir souverain sur ce territoire. Dans le second arrêt, la Supreme Court estime que le droit d’habeas corpus s’étend aux citoyens américains, détenus à l’étranger par des forces américaines disposant d’une chaîne de commandement américaine. Elle considère en effet qu’un demandeur détenu par les Etats-Unis sous l’autorité d’une force internationale, peut également bénéficier du droit d’habeas corpus, et qu’il importe peu à cet égard que la force internationale ne soit pas soumise aux règles d’habeas corpus, telles qu’elles s’appliquent aux entités américaines. jjj -189- - République Tchèque - Ústavní soud Cour constitutionnelle de la République Tchèque 26 novembre 2008 « Traité de Lisbonne - Contrôle de constitutionnalité avant la ratification - Conformité des dispositions attaquées avec l’ordre constitutionnel tchèque » T Faits : La Cour constitutionnelle tchèque a été saisie par le Sénat de certaines dispositions du traité de Lisbonne. Relayant le point de vue du Président Vaclav Klaus, la Haute assemblée estimait que le texte apportait des modifications essentielles aux éléments substantiels de l’Etat. Elle considérait notamment qu’il était contraire à l’ordre constitutionnel tchèque en ce qu’il portait atteinte à la souveraineté et à l’indépendance du pays. T Décision : La Cour suprême se prononce favorablement s’agissant de la conformité des dispositions du traité de Lisbonne attaquées à l’égard de l’ordre constitutionnel tchèque. Elle ouvre ainsi la voie vers sa ratification. Rappelant sa propre jurisprudence et se référant aux arrêts « Solange II » et « Solange III » 175 du Bundesverfassungsgericht, l’Ústavní soud accepte, en principe, les règles de fonctionnement du cadre institutionnel de l’Union européenne relatives au contrôle de l’exercice des compétences transférées. Mais, ayant relevé que cette conclusion pourrait, dans l’hypothèse où le dit cadre ne fonctionnerait pas, subir une modification future, la Cour suprême suppose que cela ne pourrait être le cas qu’à titre très exceptionnel, et cite le cas d’un abandon de l’identité des valeurs ou d’un abus des compétences transférées. Premièrement, la Cour constitutionnelle se prononce sur la question de savoir si les dispositions de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoyant les catégories de compétences de l’Union, portent atteinte à la souveraineté de l’Etat. Sur ce point, elle souligne que chaque Etat souverain peut s’autolimiter dans ses compétences au profit d’un sujet de droit international et que la « compétence de la compétence » appartient toujours aux Etats membres. En mentionnant de nouveau son acceptation du cadre institutionnel de l’Union européenne et la jurisprudence du Bundesverfassungsgericht, la Cour conclut que le traité de Lisbonne élargit le cadre actuel dans lequel l’institution dominante est la Cour de justice par l’intégration des parlements nationaux dans le contrôle du respect du partage des compétences entre l’Union et les Etats membres. 175 Wüünsche (Solange 2), 22 octobre 1986, voir RTDE, 1987, Constantinesco (V.), p. 537 et Maastricht (Solange 3), 7 juin 1993, voir RTDH 2001, p. 1186, Callewaert (J.), p. 1186. Par ces décisions, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a vérifié si le niveau de protection communautaire des droits fondamentaux était équivalent à celui exigé par la Loi fondamentale du pays. -190- Deuxièmement, la Cour constitutionnelle examine l’article 352 du traité relatif au fonctionnement de l’Union européenne. Selon elle, le transfert de la « la compétence de la compétence » constitutionnelle vers une organisation internationale est inacceptable. Mais, en l’espèce, elle note que le traité de Lisbonne n’accorde pas à l’Union le pouvoir de créer de nouvelles compétences. Troisièmement, concernant l’article 48, paragraphes 6 et 7, du traité sur l’UE relatif aux procédures de révision simplifiées, l’Ústavní soud constate que le Conseil européen statue à l’unanimité pour adopter une décision modifiant les dispositions de la troisième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Au sujet des « clauses passerelles »,176 elle relève que le passage au vote à la majorité qualifiée n’étend pas les compétences de l’Union mais concerne uniquement les modalités de vote, et que les décisions adoptées conformément aux dites dispositions sont soumises au contrôle judiciaire de la Cour de Justice. Quatrièmement, concernant l’article 216 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatif aux accords internationaux conclus par l’Union avec les Etats tiers ou organisations internationales, la Cour constitutionnelle tchèque note que cette disposition n’est pas une norme de compétence et ne modifie pas essentiellement la situation déjà existante. Cinquièmement, l’Ústavní soud souligne que la Charte des droits fondamentaux ne met pas en cause le standard national de protection des droits fondamentaux, son contenu étant pleinement comparable à celui de la Charte des droits et des libertés fondamentaux tchèque. Sixièmement, la Cour constitutionnelle affirme que les valeurs de l’Union consacrées par l’article 2 du traité sur l’Union européenne sont conformes aux principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel tchèque. L’Ústavní soud conclut que le traité de Lisbonne ne modifie aucunement le système fondamental actuel de l’intégration européenne, l’Union restant, même après l’entrée en vigueur de ce texte, une organisation sui generis. N La Cour a limité son contrôle de constitutionnalité aux seules dispositions du traité de Lisbonne dont la conformité étaient explicitement contestées. Un nouveau recours dirigé contre ce traité n’est donc pas exclu, l’exceptio rei iudicatae par rapport aux dispositions en cause devant être interprétée de manière stricte. 176 Les clauses passerelles sont une procédure de révision simplifiée. Elles permettent, dans des hypothèses strictement définies, de modifier les traités sans qu’il soit nécessaire de procéder à une ratification parlementaire. -191- DOCTRINE -192- COMMENTAIRES D’ARRÊTS -193- CONCERNANT LES DROITS DE L’HOMME ET LES DROITS FONDAMENTAUX T Alexandre Boiché, “Enlèvement international d’enfants : exigence de célérité conforme à la Convention européenne des droits de l’homme” (Commentaire de l’arrêt CEDH Carlson c. Suisse du 6 novembre 2008, req n/49492/06),177 in : Actualité juridique Famille, n/ 5, mai 2009, p. 225. T Charlotte Butruille-Cardew, “Droit de la famille, droit international et autorité parentale” (Commentaire de l’arrêt de la CEDH Adam c/ Allemagne du 4 décembre 2008, req. n/44036/02), in : Gazette du Palais, n/ 161 à 162, 10-11 juin, p. 22. T François Desprez, “Droit à un procès équitable et défaut de motivation d’un arrêt d’assises”, (Commentaire de l’arrêt CEDH Taxquet c. Belgique du 13 janvier 2009, req. n/ 926/05),178 in : Gazette du Palais des 13 et 14 mai 2009, n/ 133 et 134, p.11. T Natalie Fricero, “Procédure devant la Cour européenne, Reprise de la procédure par les héritiers de la victime” (Commentaire de l’arrêt CEDH Léger c/ France du 30 mars 2009, req n/ 19324/02), 179 in : Revue Jurisclasseur Procédures, n/ 6, juin 2009, comm 153. T Nicolas Hervieu, “La Cour européenne des droits de l’homme, alchimiste de la liberté syndicale” (Commentaire de l’arrêt CEDH Demir et Baykara c/ Turquie du 12 novembre 2008, req n/ 34503/97),180 in : Revue de droit du travail, n/ 5, mai 2009, p. 288. T Agathe Lepage, “Violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme”, (Commentaire de l’arrêt CEDH Orban et a. c. France,181 du 15 janvier 2009, req. n/ 20985/05), in : Revue Communication Commerce électronique n/ 5, mai 2009, comm. 49. T Albert Maron et Marion Haas, “En mariage trompe qui peut ; en expulsion vicie qui trompe”, (Commentaire des arrêts Cour de Cassation du 11 mars 2009 et CEDH Conka c. Belgique, du 5 février 2002 req. n/ 51564/99 ), in : Revue Droit Pénal, mai 2009, n/ 5, p. 38. T Jean-Pierre Marguénaud et Damien Roets : in : Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, n/ 1, janvier-mars 2009, chroniques : - “Droits de l’homme, Article 3 - Interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, Du suicide dans les prisons de France” (Commentaire de l’arrêt CEDH Renolde c/ France du 16 octobre 2008, req. n/ 5608/05),182 p. 173. 177 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (Novembre-Décembre 2008), p.40 178 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-février 2009), p. 86 179 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p.41 180 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (Novembre-Décembre 2008), p. 38 181 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-février 2009), p. 83 182 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 21 (Septembre-Octobre 2008), p. 32 -194- - “Droits de l’homme, Article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté, Tempête sur le Parquet” (Commentaire de l’arrêt CEDH Medvedyev c/ France du 10 juillet 2008 , req. n/ 3394/03),183 p. 176. - “Droits de l’homme, Article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté, L’adaptation des garanties procédurales européennes aux exigences de la répression des délits contre l’environnement” (Commentaire de l’arrêt CEDH Mangouras c/ Espagne du 8 janvier 2009),184 p. 180. - “Droits de l’homme, Article 8 - Droit au respect de la vie privée, De la conservation des empreintes digitales, échantillons cellulaires et profils ADN des personnes innocentées” (Commentaire de l’arrêt CEDH S. Marper c/ Royaume-Uni du 4 décembre 2008, req. n/ 30562/04),185 p. 182. - “Droits de l’homme, Article 7 - Légalité des délits et des peines et non rétroactivité de la norme pénale, La légalité criminelle internationale au sens de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme (opus 1): Les fantômes de Mazie Bati” (Commentaire de l’arrêt CEDH Kononov c/ Lettonie du 24 juillet 2008, req. n/ 36376/04),186 p. 185. - “Droits de l’homme, Article 7 - Légalité des délits et des peines et non rétroactivité de la norme pénale, La légalité criminelle internationale au sens de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme (opus 2) : (Mauvais) souvenirs de la révolution hongroise de 1956” (Commentaire de l’arrêt CEDH Korbely c/ Hongrie du 19 septembre 2008, req. n/ 9174/02),187 p. 193. T Jean François Renucci, “Les peines perpétuelles et la Convention EDH : une question de principe non tranchée par la grande chambre” (Commentaire de l’arrêt CEDH Léger c/ France du 30 mars 2009, req. n/ 193224/02),188 in : Le Dalloz, n/ 21, 4 juin 2009, p. 1453. T Jean François Renucci, “La CEDH consacre le principe de la compétence universelle” (Commentaire de l’arrêt CEDH Ould Dah c/ France du 17 mars 2009, req. n/ 13113/03),189 in : Le Dalloz, n/ 23, 18 juin 2009, p. 1573. T Jacques-Henri Robert, “Publicité en faveur du tabac, Sportifs contrôlés positifs à l’argent de la nicotine” (Commentaire de l’arrêt CEDH Société de conception de presse et d’édition et Ponson c/ France du 5 mars 2009, req. n/ 26935/05),190 in : JCP, Droit pénal, n/ 6, juin 2009, p. 29. T Julien Simon-Delcros, “Cour d’assises, levez-vous !”,( Commentaire de l’arrêt CEDH Taxquet c. Belgique du 13 janvier 2009, req. n/926/05 ),191 in : Gazette du Palais, 13 et 14 mai 2009, n/ 133 et 134, p. 3. 183 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 20 (Juin-Juillet-Août 2008), p. 41 184 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-Février 2009), p. 91 185 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 22 (Novembre-Décembre 2008), p.25 186 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 20 (Juin-Juillet-Août 2008), p. 26 187 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 21 (Septembre-Octobre 2008), p. 52 188 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 54 189 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 24 (Mars-Avril 2009), p. 66 190 Arrêt résumé dans cette vielle 191 Arrêt résumé dans la veille bimestrielle n/ 23 (Janvier-Février 2009), p. 86 -195- CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE T Elsa Bernard, “Recours en annulation, Notion de lien individuel” (Commentaire de l’arrêt CJCE, M. Sahletedt et a. c/ Commission du 23 avril 2009, aff. C-362/06 P), in : Revue Europe, n/ 6, juin 2009, p. 14. T Emmanuelle Broussy, Francis Donnat, Christian Lambert, in : AJDA, n/ 18, 18 mai 2009, p 980 : - “Réfugiés, menace individuelle et conflit armé” (Commentaire de l’arrêt CJCE, M et Mme Elgafaji du 17 février 2009, aff. C-465/07),192 p. 980. - “Egalité de traitement en matière d’emploi et de travail” (Commentaire de l’arrêt CJCE, The Incorporated trustees of the National Council on Ageing (Age Concern England) c/ Secretary of State for Business, Enterprise and Regulatory Reform du 5 mars 2009, aff. C388/07), p. 981. - “Egalité homme/femme” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Commission c/ Grèce du 26 mars 2009, aff. C-559/07),193 p. 982. “Santé publique et liberté d’établissement” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Hartlauer du 10 mars 2009, aff. C-169/07),194 p. 982. “Publicité pour les médicaments et Internet” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Damgaard du 2 avril 2009, aff. 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T Laurence Idot, in : Revue Europe, n/ 6, juin 2009 : - “Notion d’aide et économie du système - Dès lors que la solution retenue par un Etat est la seule compatible avec le droit communautaire, il ne peut y avoir intervention de l’Etat et par conséquent aide au sens de l’article 87 CE” (Commentaire de l’arrêt CJCE, Bouygues SA du 2 avril 2009, aff. C-431/07 P), comm 241 - “Abus de position dominante, prix prédateurs et récupération des pertes” (Commentaire de l’arrêt CJCE, France Telecom SA du 2 avril 2009, aff. C-202/07 P),200 comm 242. - “Calcul des amendes et entente verticale” (Commentaire des arrêts TPICE Itochu, Nintendo, CD-Contact du 30 avril 2009, aff.T-12/03, T-13/03, T-18/03), comm 243. - “Durée de l’exclusivité dans les contrats dits de station service” (Commentaire de l’arrêt CJCE Pedro IV Servicios SL du 2 avril 2009, aff. 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