26.02.2010 UE.2.6.S2 La dépression Rappels Le signe clinique essentiel de la dépression est l’effondrement de l’humeur = humeur dépressive= humeur morale. Humeur= « disposition affective de base qui donne à chacun de nos états d’âme une tonalité agréable ou désagréable, oscillant entre les pôles extrême du plaisir et de la douleur ». L’un des aspects de la douleur morale est la « tristesse de l’humeur ». Il s’agit d’une tristesse pathologique, qui est à distinguer de la tristesse « normale ». La tristesse normale : Est en lien avec in objet déterminé Elle laisse la place à d’autres affects$ Elle ne s’accompagne pas d’autres symptômes La tristesse pathologique : - Fait « tâche d’huile », elle envahit tte la vie du sujet, il n’y a plus de place pour un autre affect. Elle s’accompagne d’autres symptômes, touchant, notamment le fonctionnement intellectuel et le corps « l’objet » en jeu ici, c’est le fait même de vivre La tristesse pathologique peut se lire sur le visage… (Comme tte douleur intense). Avec ce classique dessin des sourcils et des plis du front : le fameux « oméga mélancolique ». La dépression est donc plus que l’effondrement de l’humeur. Elle a un retentissement : - Intellectuel Somatique Relationnel La douleur morale, telle qu’elle est vécue par le déprimé, altère son jugement. Il n’a pas l’impression d’être malade…mais coupable. La douleur physique, en médecine G, renvois plus clairement à la maladie. 1 26.02.2010 UE.2.6.S2 Notions épidémiologiques - - Prévalence : 10% de la population G 1 patient/10 chez le généraliste 1/3 seulement des dépressifs serait traité Et parmi les patients traités, la moitié seulement le sont correctement : Prescription inappropriée des antidépresseurs : posologie insuffisante durée insuffisante du ttt Prescription de « fortifiant », « magnésium »… Prescription isolé d’hypnotique pour un trouble du sommeil en fait symptomatique d’une dépression. Projection OMS pour 2010 : deuxième cause d’invalidité dans le monde après les maladies cardio-vasculaires Sémiologie G des états dépressifs La douleur morale La douleur morale est le prisme à travers lequel le déprimé va désormais appréhender ses rapports à lui même et au monde. Un prisme dont les facettes ne sont qu’impasse, impuissance, ratage… La douleur morale, incommunicable en tant que telle s’accompagne d’idéations morbides - Ces idéations concernent les diverses pertes que subit le dépressif Ces idéations peuvent parfois être délirantes, dans la mélancolie délirante Le vécu des pertes : - - Perte d’élan vitale = perte de l’envie de vivre pouvant aller jusqu’aux idées suicidaires Perte d’intérêt Perte de plaisir (anhédonie) Perte d’espoir (pessimisme) Perte d’estime de soi (auto-dévalorisation), indignité (à vivre) Perte de la capacité à éprouver des sentiments : indifférence affective, voire anesthésie affective Conscience douloureuse +++ et culpabilité Remarque : parfois la culpabilité est remplacée par un auto-apitoiement Les thèmes délirants - Ruine : morale, financière et corporelle Indignité Auto-accusation et culpabilité délirante : le déprimé revisite son passé pour en utiliser contre lui-même les failles Incurabilité (svt idées suicidaires associées) Damnation 2 26.02.2010 UE.2.6.S2 - Le syndrome de COTARD associe Négation, notamment celle des organes Enormité Damnation immortalité Le ralentissement psychomoteur (inhibition psychomotrice) Dans une certaines mesure, il « protège » le dépressif… Ralentissement moteur - traduction « visible » de la perte d’élan vital, de la perte d’énergie traduit aussi la perte de la volonté (aboulie) concerne : gestes, mimique, parole Ralentissement psychique - bradypsychie difficulté de compréhension, latence des réponses troubles attentionnels (incapacité à se concentrer sur une tâche) troubles de la mémoire (subjectifs) appauvrissement de la pensée : « monoïdéisme » L’anxiété « Sentiment d’attente pénible d’un danger imminent et imprécis » - Traduction comportementale : agitation : maque le ralentissement : déambulation. Risque de passage à l’acte (raptus). Inhibition (« paralysie » par l’anxiété) Traduction somatique : boule à l’estomac, gorge serrée, difficulté à avaler, palpitation, chaud-froid, diarrhée, tremblement Les troubles de caractère - Le sujet change de caractère (rapporté par l’entourage) Irritabilité, impulsivité Accroit le risque de passage à l’acte Les symptômes somatiques - Anesthésie (fatigue dépressive) ! surtout difficulté au démarrage matinal Trouble du sommeil Insomnie : endormissement : réveil nocturnes-réveil précoce +++ Hypersomnie (« refuge », …) De toute façon : sommeil non récupérateur 3 26.02.2010 UE.2.6.S2 - - - Troubles de l’appétit (avec amaigrissement consécutif) Anorexie proprement dite (perte élan vital, perte plaisir) Angoisse (gorge et estomac « noués ») Equivalent suicidaire Délirant : empoisonnement, punition, syndrome de COTARD Plaintes somatiques diverses Surtt douloureuses : céphalées, mal au dos (« plein le dos » ?) Troubles digestifs Neuromusculaires Troubles sexuels Importance de l’examen clinique : un délire hypochondriaque peut coexister avec une occlusion ! Le retentissement social - - Perturbation relationnelles Evitement des relations sociales Ou dépendance à autrui Risque de rejet par le milieu Perturbation des activités professionnelles La question du suicide : idées et passage à l’acte Risque majeur à tous les stades : début de la dépression (suicide inaugural) - durant l’épisode – après l’instauration du ttt (« levée de l’inhibition » par les antidépresseurs) – en fin d’épisode (« queue de mélancolie »). Idées suicidaires chez 80% des déprimés. Passage à l’acte Réfléchi, élaboré Ou impulsif (raptus) Equivalence suicidaires - Refus d’alimentation Refus/arrêt d’un ttt Abus d’alcool (impulsivement = dyspsomanie), drogues Prise de risque en voiture Relations sexuelles non protégées Conduites délictueuses (kleptomanie, exhibition, hétéroagressivité) ; par recherche inconsciente de la punition 4 26.02.2010 UE.2.6.S2 Distinctions arbitraire selon le type de dépression : mélancolique ou réactionnelle - - Dépression mélancolique Mort = seule solution Parfois le sujet est « déjà mort » Parfois « peine de mort » méritée Parfois « suicide altruiste » Moyens « efficaces »… Dépression réactionnelle Désir de mort G moins fort « TS » : pouvant être considérée comme une dde d’aide Les patients en parlent avant…mais ça n’enlève pas le risque de passage à l’acte Moyens classiquement « moins efficaces », … Evaluation du risque Difficile, d’autant que la dissimilation des intentions peut tromper. Ce métier des parents qui ont l’air résigné et qui sourient…ou qui disent : « je ne le ferai pas à cause de mes enfants », « je suis croyant, docteur… ». Facteurs de risque : - Intensité de l’état dépressif : pas forcément Degré d’anxiété +++ Troubles caractériels +++ Sexe masculin Isolement Facteurs d’environnement (« perte d’objet ») Comorbidité : schizophrénie, alcoolisme On décrit un syndrome pré-suicidaire : - Idées suicidaires de plus en plus obsédantes Désinvestissement de la réalité Repli sur soi même Inhibition de l’hémoagressivité Et parfois le sujet donne l’impression d’aller mieux, il se sent apaisé (bien sur, puisqu’il a trouvé la « solution ») Et une TS est un indicateur de risque suicidaire (10% des sujets ayant fait une TS vont mourir de suicide). Donc : bien interroger un dépressif sur ses ATC de TS. Et…on observe parfois une période d’euphorie après une TS : risque de récidive +++. 5 26.02.2010 UE.2.6.S2 La prévention Penser que dépression = risque suicidaire Travailler sur les idées reçues : - « ceux qui prennent des mdts ne veulent pas mourir » « ce qui en parlent ne le font pas » « s’ils n’en parlent pas, ils le feront » « il ne faut pas en parler, pas poser la question, ça risque de donner des idées »+++ « pour se suicider il faut être courageux » « les personnes qui pensent au suicide souffrent svt d’une maladie mentale » Formes cliniques symptomatiques Remarque : le critère de durée OMS : durée minimale de deux semaines des symptômes pour porter le diagnostic de dépression. Formes anxieuses - Mélancolie anxieuse : On parle aussi de mélancolie agitée Tableau d’agitation anxieuse Idées suicidaires +/- constantes Risque de raptus Ne pas laisser abuser l’aspect parfois théâtral Formes délirantes = mélancolie délirante Délire centrifuge (divergent) et extensif : c’est du sujet que vient le mal. Thèmes : - Congruents : culpabilité auto-accusation, indignité, incurabilité, ruine, hypochondriaque, syndrome de COTARD Non congruents : persécution, préjudice, possession, empoisonnement… Le mélancolique en reconnait le bien-fondé « puisque » ces précautions sont la conséquence de ses « crimes ». Mécanismes - Interprétations Intuition Imagination Illusions Hallucinations : acoustico-verbales (voies accusatrices, qui prononce le « verdict », ou pousse au suicide…), psychiques, cénesthésiques, olfactives, … + Onirisme nocturne terrifiant (cauchemar : exécution, cercueil…) 6 26.02.2010 UE.2.6.S2 Organisation : pauvre Vécu : +++ (avec risque suicidaire) Dépression stuporeuse - Ralentissement psychomoteur à son maximum Ni mvt, ni mimique (ou douleur : « oméga mélancolique ») Mutisme Refus alimentaire et hydrique Vécu délirant possible… mais non verbalisable par cette « statue » Risque de raptus +++ (suicidaire surtout) Dépression masquées Absence apparente de plainte dépressive, mais… - Plainte somatique Douleurs persistantes, variables (céphalées, douleur cervicales, rachidiennes, précordiales…), symptômes digestifs… Les examens complémentaires sont normaux Les antalgiques ne marchent pas, aggravent la crainte d’une maladie grave iatrogénisation Voir si variation nycthémérales : maximum matinal ++ Anamnèse +++ (ATC, facteur déclenchant…) Penser dépression si trouble sommeil associé - Troubles isolés du comportement alimentaire Difficultés sexuelles Alcoolisme, toxicophilie - Un autre masque possible : la mélancolie souriante o Sourie plaqué, superficiel o Discours « ca va… je ne sais pas… » o L’entourage signale un changement de comportement o Rechercher les signes somatique (insomnie ++) Dépression hostile - Irritabilité, agressivité Moyen de défense pour évacuer sur autrui la souffrance Retard au diagnostic Pénalisation socio familiale 7 26.02.2010 UE.2.6.S2 Dépressions saisonnières - SAD « Saesonnal Affective Disorder » Triade : hypersomnie + hyperphagie + prise de poids Ttt : photothérapie Formes clinique en fonction du terrain Chez le sujet âgé - Pathologie fréquente et grave Risque suicidaire : x13 pour un homme de 85ans/20ans et ratio TS/suicide proche de 1 (contre 7/1 plus jeune) Cliniquement : Dépression masquées +++ Dépressions avec troubles cognitifs prévalents « dépressions pseudo-démentielles » Formes délirantes à thème persécutif (« troubles délirants tardifs ») Dépression et grossesse En cours de grossesse : rare Post partum blues - Très fréquent, contemporain de la montée laiteuse (3-5ème jour) Ne dure que qqs jours, surtout si milieu rassurant Labilité émotionnelle (jubilation aux larmes, asthénie, irritabilité…. Dépression du post partum - De type mélancolique : délire centré sur le bébé (bébé substitué, voir déni de la naissance) Dépression trainante du post-partum : tableau dépressif masqué derrière des difficultés à élever le bébé Relation mère-enfant pauvre, défectueuse Possibilité de diagnostic devant pbs du bb : mauvaise courbe de poids, pleurs prolongés… Dépression et pathologie psychiatrique Schizophrénie - - Dépression « atypique » comme mode d’entrée dans la maladie, chez un sujet jeune « Atypique » bizarres… Encore plus suspect si idées délirantes Dépression post-psychotique, après une poussée délirante. Comme si le sujet ressentait un vide insupportable (« perte d’objet »). Effet dépressogène des neuroleptiques classiques. 8 26.02.2010 UE.2.6.S2 Paranoïa - Phases dépressives de forme parfois mélancolique Risque suicidaire … mais moment favorable pour la prise en charge Névroses - - Obsessionnelle : l’obsessionnel lutte, il met en place des mécanismes de défense +/- solides… Mais parfois ca casse… possibilité d’accès mélancolique Etudes sur les « TOC » : la moitié des patients font une dépression au cours de leur maladie Hystérique : possibilité d’accès mélancolique Le théâtralisme ne doit pas tromper. Troubles de la personnalité - Psychopathes : l’instabilité de l’humeur fait partie intégrante du « déséquilibre psychique » Possibilité d’accès dépressif brutal, avec passage à l’acte Etat limites (« personnalité émotionnellement labile » : dépression d’abandon Pathologie alcoolique - - Dépression au cours de l’alcoolisme Probablement ½ des alcooliques chroniques Diagnostic difficile (car minimisation alcoolisme) Risque suicidaire Mais moment privilégié de prise en charge Dépression de sevrage Dans les 1ères semaines : risque de rechute Plus tardivement : probablement lié à la perte d’objet, (difficulté de réaménagement psychologique) Toxicomanies Appartenance culturel et dépression Certains symptômes sont universels : humeurs dépressive, symptômes symptomatiques… D’autres sont dépendants du milieu culturel, notamment les thèmes délirants : - Culpabilité dans les civilisations judéo-chrétiennes et japonaises Persécution et possessions dans les cultures arabes et africaines Nosographie des états dépressifs Il existe plus d’une dizaine de classifications des dépressions… CIM 10 : « une classification des troubles de l’humeur ne pourra être acceptées de façon universelles que lorsque les relations entre les facteurs étiologiques, les symptômes, les processus biochimiques sous-jacents, la réponse.. » 9 26.02.2010 UE.2.6.S2 Proposition du jour… une classification étiologique Dépression primaires Endogènes Exogènes = psychogènes = réactionnelles Dépressions secondaires A la pathologie somatique A la pathologie psychiatrique A la iatrogénie Dépression primaires - « primaires » parce que le pb de santé = la dépression La classique distinction « endogène » versus « psychogène » Elle est due à Kraepelin La CIM 10 remet cette distinction en cause : « certains concepts classiques comme ceux de dépression névrotique ou de dépression endogènes ont été éliminés » On peut en effet les opposer schématiquement (comme on oppose schématiquement psychose et névrose) La dépression endogène Elle est « psychotique » : sa cause se trouve dans une prédisposition interne au sujet (= « endo… »), il n’y a pas de facteurs externe repérable C’est la forme la plus grave La dépression psychogène Elle est « névrotique » : face à un facteur de stress, les capacités d’adaptation sont dépassées Elle est moins grave Sauf que : - Une dépression psychogène peut être grave, suicidaire Que le facteur réactionnel n’est pas toujours repéré Que même dans les dépressions endogènes on sait que les facteurs de stress ont aussi leur importance Et puis : chez les sujets qui font des dépressions psychogènes à répétition (dépression récurrente de la CIM10), ces dépressions ont progressivement un caractère de plus en plus « endogène ». 10 26.02.2010 UE.2.6.S2 Pour reprendre, de façon plus classique… La dépression endogène : - Elle correspond à la cirse de mélancolie de la psychose maniaco-dépressive (trouble bipolaire) Rappel sémiologiques Max de signes le matin : réveil précoce Douleur morale majeur, résistance aux sollicitations extérieures Dépression primaire : - Idées délirantes Inhibition et ralentissement majeurs Anxiété : surtout vespérale Asthénie : dès le matin, non amélioré par le repos Troubles somatiques possibles Absence d’idées délirantes MAIS : risque suicidaire Même si la signification de l’acte est différente Les différentes formes - Dépression réactionnelle Dépression névrotique Dépression d’épuisement : surmenage Dépressions de déracinement Dépression psychogène : - Rappels sémiologiques Description en négatif de la mélancolie Max vespéral Douleur morale moins profonde - le névrosé dde qu’on le plaigne, parfois position de victime Réactivité au milieu extérieur +++ Loueur d’espoir +++ 11 26.02.2010 UE.2.6.S2 Dépressions secondaires A la pathologie somatique L’épisode dépressif peut révéler la pathologie somatique sous jacente ++. Parfois note confusionnelle - Pathologie neurologique Maladie de Parkinson 1/3 de formes inaugurales Démences Sclérose en plaques Tumeurs cérébrales Epilepsie : plus de 50% AVC : 25 à 80%, surtout de l’hémisphère mineur. - Pathologie endocriniennes Pathologie surrénalienne Pathologie thyroïdienne Pathologie de parathyroïdes Diabète : de 10 à 25% - Pathologie infectieuse : surtout graves, prolongées, avec pronostic vital compromis : tuberculose, SIDA, hépatites virales…. Association tp méconnue. Dépression et maladies chroniques Dépression et cancer : surtout si douleur associée - A la pathologie psychiatrique - Psychose Névroses Troubles de la personnalité Addiction A la iatrogénie - Neuroleptiques Anti-hypertenseurs, notamment centraux β-bloquants Corticoïdes Immunosuppresseurs, …. 12 26.02.2010 UE.2.6.S2 Diagnostic différentiel Normalité : tristesse « normale » Pathologie psychiatrique - Troubles anxieux Devant un ralentissent, voire une stupeur : syndrome confusionnel, schizophrénie déficitaire, état second hystérique… Devant un ralentissement psychique : démence Pathologie somatique - Recherche une dépression devant une pathologie somatique Recherche une maladie somatique devant une dépression Aspects évolutifs D’un épisode - Non traité : le destin d’une dépression est de guérir… en 4 à 12 mois (durée spontanée d’un accès mélancolique) Traité : 3 à 9 semaines dans 70% des cas A long terme : - - Dépression récurrente La maladie dépressive est de plus en plus considérée comme une maladie à rechutes. 50% des sujets ayant eu un épisode aigu connaitront une récurrence Trouble bipolaire : cours spécifique La question des intervalles libres - Bcp de patients présenteraient des troubles persistants 20 à 30% selon les études Axes de recherche : neuro-toxicité des épisodes dépressifs. 13