L’occupation de la zone dite “libre”
Le 11 novembre 1942, les troupes d’occupation nazies envahissent la partie méri-
dionale de la France, restée jusque-là “zone libre”. Dès lors, l’insécurité grandit
encore pour les antifascistes allemands, et en particulier pour ceux qui dépendent
des GTE, où ils sont fichés sous leur véritable identité.
C’est ainsi qu’un certain nombre d’entre eux seront pris ou s’évaderont et, si l’on
compare les effectifs du camp de Chanac entre le 17 juillet 1941 et le 15 décem-
bre 1942, le constat montre une diminution sensible des personnes présentes : les
Allemands passent de 64 à 42, les Sarrois de 35 à 28, les apatrides de 20 à 14, les
Autrichiens de 18 à 12. Par contre, les Espagnols, que l’on intègre depuis peu dans
les GTE, sont passés de 5 à 67.
Pendant les mois qui suivent, la région du Collet-de-Dèze, avec Pénens comme
pôle d’attraction, sert de refuge à plusieurs exilés allemands, soit en situation régu-
lière – détachés du 321eGTE en tant que bûcherons –, soit en situation irrégulière
– s’ils ont déserté leur groupe, qu’il s’agisse du 321eou du 805e. Certains sont
orientés vers le secteur huguenot, par la filière des pasteurs résistants avec, pour le
départ, les pasteurs Joseph Bourdon à Mende et Franck Salles à Alès, et, pour l’ar-
rivée, le pasteur Marc Donadille, à Saint-Privat-de-Vallongue. Ce dernier intèg-
rera le communiste allemand Richard Hilgert, venu de Rochebelle, dans la cho-
rale du temple, pour les fêtes de Pâques de 1943 et aux côtés du secrétaire de la
cellule locale du parti communiste…
Par ailleurs, à la suite de l’occupation de la zone Sud, en janvier 1943, une direc-
tion du Travail allemand – le TA – pour le Sud se constitue à Lyon, avec une
antenne à Marseille ; cette direction lyonnaise du TA dispose d’agents de liaison
susceptibles de toucher les antifascistes dans les diverses régions.
Pendant ce temps, en Lozère, l’hiver 1943 sera marqué par des arrestations de Juifs
ou d’antifascistes allemands. Heureusement, ces arrestations seront parfois contra-
riées par l’intervention de résistants français qui ont encore sur le cœur de n’avoir rien
pu faire contre les rafles et déportations de Juifs au mois d’août précédent.
À l’approche de la mi-mars 1943, les résistants de l’organisation Combat(3) sont
informés par le NAP, le Noyautage des administrations publiques, que cinq antifas-
cistes allemands travaillant à l’aciérie de Saint-Chély-d’Apcher, Otto Kühne – un
ancien député communiste de Reichstag – en tête, doivent être arrêtés le lende-
main. Un asile leur est procuré à Bonnecombe, à 25 kilomètres de Marvejols, dans
une baraque de bûcherons, à 1 300 m d’altitude. Un autre Allemand du 321eGTE
rejoint rapidement le groupe, qui constitue alors le premier maquis de la zone
Gard-Lozère.
Dossier I Soldats de France I
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