DOSSIER PÉDAGOGIQUE
NOVECENTO PIANISTE
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CATHERINE TABARD
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Il y avait cette lumière que nous imaginions et que Lionel et Marie-Christine Meunier ont dessinée : une
lampe à abat-jour diffusant une clarté tamisée, une « pendouille » qui se balance au-dessus de nos
têtes, évoquant le tangage tantôt calme tantôt tempétueux d’un navire.
Il y avait un jeu expressif, corporel, burlesque, s’apaisant peu à peu pour laisser place à l’émotion
simple d’un homme seul. Et il y avait Novecento, ce pianiste de génie, personnage énigmatique, qui
n’a jamais fini de nous questionner, de nous agiter, de nous fasciner. Encore aujourd’hui, il y a tout ça.
Encore aujourd’hui je n’ai pas fini de m’interroger sur le but et la portée de ce projet qui nous a trans-
formés. Et revenant à cette lettre que j’écrivais en 2009 à un programmateur luxembourgeois (dont je
retranscris ci-dessous l’essentiel), à l’époque où l’idée d’ « identité nationale » faisait déjà fureur en
France, je me rappelle aussi que ce spectacle, pour moi, n’est pas seulement poétique, mais égale-
ment politique. Même si en définitive, il appartient toujours au public, et seulement au public, d’y voir
ce qu’il veut y voir…
« Novecento n’a pas d’identité nationale. C’est un apatride, un sans-papier, né au beau milieu de la mer,
qui ignore les distinctions de genres, de classes et d’origines, qu’elles soient humaines ou musicales.
Non qu’il soit « tolérant ». L’homme tolérant, surtout « en matière d’étrangers », est bâti d’une identité bien
définie, qui accepte la différence mais avec condescendance ou compassion. Celle-ci ne le bouleverse
pas, ne le fera jamais plier. Il est et restera toujours identique à lui-même, fier et sûr de ses valeurs, na-
tionales ou autres.
Au contraire, Novecento n’est pas taillé dans la pierre. Il est le musicien de l’océan, traversé de vents
et de courants qui bouleversent tout mais qui s’échappent aussitôt. Il est le pianiste d’une musique
bâ¬tarde, mélange des rythmes populaires qui résonnent dans les cales du paquebot et des échos des
bals de la salle des premières classes. Il n’a pas les pieds ancrés au sol. Il flotte, et ses seuls repères
tiennent sur les quatre-vingt-huit touches d’un clavier de piano. A partir de là, tout est possible. L’horizon
est infini.
Candeur ? Peut-être. Peur de descendre à terre ? Sans doute. Novecento ne quittera jamais le paquebot.
Le narrateur le dit : « J’avais bien envie qu’un jour ou l’autre il descende, et qu’il joue pour les gens de la
terre, et qu’il se marie avec une femme sympathique, et qu’il ait des enfants, bref toutes les choses de la
vie… » Une terre, une femme, des gosses. Une vie. Un territoire qui se précise et se referme. Un enclos
de normalité. Et le paradoxe tient dans le choix qui lui reste à faire : sur terre, les possibilités s’offrent à
perte de vue, infinies. Mais il faudra choisir, arrêter son choix. S’arrêter, finalement. Novecento inverse
le processus et préfère le nomadisme de son clavier. Tandis que ses doigts courent sur les touches du
piano, limitées en nombre, l’harmonie des rythmes et des sons dégage l’horizon infini de ses rêves, et
évoque la cohue bigarrée qu’emporte le navire.
Dossier pédagogique
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- Note d’intention
(suite)
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