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Intérêt et limites des biomarqueurs cardio-vasculaires
English title: Usefulness and limits of cardiovascular biomarkers
Ray Patrick MD, PhD.
Service d’accueil des urgences, Groupe Hospitalier Pitié Salpêtrière, AP-HP, UPMC- Paris 6,
47-83 bd de l’Hôpital, 75013 Paris, [email protected]
Résumé.
L’utilisation des biomarqueurs a considérablement modifié la réflexion diagnostique des
pathologies cardiovasculaires, respiratoires en médecine d’urgence. Les progrès
technologiques obtenus par les industriels et l’attirance manifeste des cliniciens pour de
nouveaux jouets diagnostiques toujours plus performants, ne doivent pas occulter
l’importance d’une évaluation précise et scientifique. De nouvelles stratégies incluant
l’utilisation de ces biomarqueurs sont maintenant disponibles et devraient permettre de définir
la meilleure place des biomarqueurs. Cette revue générale a pour objectif d’aborder l’intérêt
des biomarqueurs en médecine d’urgence, en insistant sur leur place potentielles en pratique,
mais aussi sur leurs limites et les incertitudes qui les entourent à l’heure actuelle.
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Introduction.
L’avènement des biomarqueurs en médecine d’urgence est venu de la pathologie cardio-
vasculaire. La sécurisation de la prise en charge diagnostique par des procédures incluant la
troponine (cTn) pour le syndrome coronarien aigu (SCA) (1, 2), et les D-dimères (D-D) pour
la maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) (3-5) (tableau 1) (6), a contribué à faire la
publicité de stratégies combinant données cliniques, biologiques et iconographiques.
L’amélioration du diagnostic d’insuffisance cardiaque aiguë (ICA) par le dosage du B-type
natriuretic peptid (BNP), puis du NT-proBNP (fraction N terminale du BNP) a largement
contribué à la diffusion des biomarqueurs dans les services d’urgence et en cardiologie (7, 8).
A ce jour, la plupart des sociétés savantes ont intégré l’utilisation de ces outils dans les
recommandations de bonne pratique clinique (9).
L’espoir porté par des nouveaux biomarqueurs (MR-proANP, troponine de haute sensibilité I
et/ou T, copeptine) est à l’origine d’une croissance exponentielle des études évaluant de
nouveaux outils. L’objet de cette revue de proposer un état des lieux des biomarqueurs
d’urgence et en médecine ambulatoire, en insistant sur les qualités de certains biomarqueurs en
pratique, mais aussi les limites des autres et en particulier pour ceux qui n’ont pas fait l’objet
d’études d’impact. Il est aussi important de rappeler que le service rendu par la biologie est
maximal lorsqu’il existe un contact clinicien et biologiste et qu’il est regrettable que moins
d’un tiers des cliniciens connaissent réellement les tests utilisés dans les laboratoires avec
lesquels ils travaillent pour la mesure des biomarqueurs demandés (cTn I ou T, méthode de
mesure des D-D, BNP ou NT-proBNP) (10).
QUELQUES REGLES POUR MIEUX COMPRENDRE LES BIOMARQUEURS.
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Le plus souvent un biomarqueur est utilisé pour son intérêt diagnostique, car sa présence dans
le sang signe une maladie (insuffisance cardiaque et BNP ou cTn et infarctus du myocarde,
IDM) (10). Souvent, le biomarqueur présente aussi un caractère pronostique intriqué
(insuffisance cardiaque et élévation du BNP/NT-proBNP) avec son intérêt diagnostique
(comme le lactate qui peut être considéré comme un biomarqueur d’état de choc, sans aucune
spécificité pour le choc septique ; mais il a également été montré que plus son taux est élevé
et moins bon est le pronostic de l’état de choc septique).
Sans reprendre toutes les étapes de validation d’un biomarqueur, nous insisterons sur
l’importance de connaitre les limites des biomarqueurs. Cela correspond aux faux positifs ou
aux élévations non spécifiques ou à l’impact de certaines pathologies ou à la limite de la
technique de mesure. Ainsi, l’insuffisance rénale aiguë ou chronique sévère augmente les taux
de NT-proBNP/BNP et cTn (11-13) (voir encadrés 1 et 2), aux faux négatifs (comme l’obésité
qui diminue d’environ 50% les taux de BNP, ou l’œdème pulmonaire « flash » avec un taux
presque normal de BNP/NT-proBNP ou certaines petites thromboses veineuses profondes
(TVP) avec des D-D négatifs). Tous les biomarqueurs ont une zone grise qui correspond à
une zone grise d’incertitude (fig. 1), même si c’est surtout pour le BNP/NT-proBNP (100-500
pg/mL pour le BNP où la 1ère cause de dyspnée reste l’ICA malgré tout) que cette zone grise a
été rapportée (14). Toutes les méthodes de dosages ne sont pas équivalentes. C’est le cas des
D-D où toutes les trousses ne sont équivalentes en terme de sensibilité et seule la technique
VIDAS D-D de bioMérieux a vraiment été validée dans des études d’impact incluant plus de
3000 patients. En dehors des D-D, peu d’évaluation scientifique de biomarqueurs ont intégré
la probabilité pré-test de la maladie dans une stratégie diagnostique « intelligente » utilisant
les biomarqueurs. Que doit faire le clinicien, si le laboratoire de biochimie rend un taux du
biomarqueur qui correspond à la valeur juste inférieure correspondant à la valeur seuil limite
du constructeur (exemple d’une valeur de D-D à 499 µg/L pour une valeur seuil où le
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diagnostic d’EP peut être éliminée à 500 µg/L) et comment interpréter une évolution
« minime du biomarqueur sur deux prélèvements (exemple d’une 1ère valeur rendue de cTn à
0,23 µg/L (N<0,15 µg/L) et d’une deuxième valeur à 0,25 µg/L trop souvent interprétée par le
clinicien comme une « élévation »). Le clinicien peut-il réellement considéré que cette valeur
est « vraiment négative » avec confiance et faire sortir le patient en éliminant l’IDM, compte-
tenu du coefficient de variation du biomarqueur ? Il existe de nombreuses situations (faux
positifs) où le biomarqueurs est positif en dehors de la pathologie spécifique (voir encadré ci-
dessous : troponinite, BNPite). Enfin, il faut que les études aient démontré que le dosage du
biomarqueur améliore le pronostic dans le cadre d’études interventionnelles ou d’impact. Les
études ont montré que l’utilisation comme première étape diagnostique de l’estimation
empirique ou par score d’EP et du dosage des D-D permettaient d’éviter de nombreuses
angiographies pulmonaires. Des travaux ont aussi montré que les patients avec SCA ST- et
cTn positive à l’admission étaient ceux qui bénéficiaient le plus d’une stratégie thérapeutique
agressive (traitement par anti gp 2b/3a et/ou angiographie coronaire précoce). Les études
concernant l’utilité du BNP ou du NT-proBNP (fig. 1) dans les dyspnées aiguës ou en
cardiologie sont d’ailleurs discordantes (11, 15). En réalité, les études d’impact manquent
pour de nombreux nouveaux biomarqueurs (MR-proANP, cTn ultra/hyper-sensible et
copeptine).
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Figure 1 : Utilisation en pratique du NT-proBNP chez le patient dyspnéique
Antécédents, examen physique,
RThx, GdS, ECG
Etiologies intriquées
ATCD de maladies respiratoires, sujet âgé >
70 ans
Suspicion d’ICA
Diagnostic évident
Pneumonie, OAPc, asthme allergique …
BNP
ou NT-proBNP
ICA toujours possible
Doppler-echocardiographie
ICA très peu probable
Causes respiratoires ?
ICA très probable
Bolus IV de dérivés nitrés, diurétiquess,
VNI, Doppler-EC
Autres investigations
TDM thoracique sans puis avec
injection pour éliminer une EP…
500 < NT-proBNP < 2000NT-proBNP <500 pg/mL NT-proBNP >2000 pg/mL
En pratique
Zone grise
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