1 Intérêt et limites des biomarqueurs cardio

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Intérêt et limites des biomarqueurs cardio-vasculaires
English title: Usefulness and limits of cardiovascular biomarkers
Ray Patrick MD, PhD.
Service d’accueil des urgences, Groupe Hospitalier Pitié Salpêtrière, AP-HP, UPMC- Paris 6,
47-83 bd de l’Hôpital, 75013 Paris, [email protected]
Résumé.
L’utilisation des biomarqueurs a considérablement modifié la réflexion diagnostique des
pathologies
cardiovasculaires,
respiratoires
en
médecine
d’urgence.
Les
progrès
technologiques obtenus par les industriels et l’attirance manifeste des cliniciens pour de
nouveaux jouets diagnostiques toujours plus performants, ne doivent pas occulter
l’importance d’une évaluation précise et scientifique. De nouvelles stratégies incluant
l’utilisation de ces biomarqueurs sont maintenant disponibles et devraient permettre de définir
la meilleure place des biomarqueurs. Cette revue générale a pour objectif d’aborder l’intérêt
des biomarqueurs en médecine d’urgence, en insistant sur leur place potentielles en pratique,
mais aussi sur leurs limites et les incertitudes qui les entourent à l’heure actuelle.
1
Introduction.
L’avènement des biomarqueurs en médecine d’urgence est venu de la pathologie cardiovasculaire. La sécurisation de la prise en charge diagnostique par des procédures incluant la
troponine (cTn) pour le syndrome coronarien aigu (SCA) (1, 2), et les D-dimères (D-D) pour
la maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) (3-5) (tableau 1) (6), a contribué à faire la
publicité de stratégies combinant données cliniques, biologiques et iconographiques.
L’amélioration du diagnostic d’insuffisance cardiaque aiguë (ICA) par le dosage du B-type
natriuretic peptid (BNP), puis du NT-proBNP (fraction N terminale du BNP) a largement
contribué à la diffusion des biomarqueurs dans les services d’urgence et en cardiologie (7, 8).
A ce jour, la plupart des sociétés savantes ont intégré l’utilisation de ces outils dans les
recommandations de bonne pratique clinique (9).
L’espoir porté par des nouveaux biomarqueurs (MR-proANP, troponine de haute sensibilité I
et/ou T, copeptine) est à l’origine d’une croissance exponentielle des études évaluant de
nouveaux outils. L’objet de cette revue de proposer un état des lieux des biomarqueurs
d’urgence et en médecine ambulatoire, en insistant sur les qualités de certains biomarqueurs en
pratique, mais aussi les limites des autres et en particulier pour ceux qui n’ont pas fait l’objet
d’études d’impact. Il est aussi important de rappeler que le service rendu par la biologie est
maximal lorsqu’il existe un contact clinicien et biologiste et qu’il est regrettable que moins
d’un tiers des cliniciens connaissent réellement les tests utilisés dans les laboratoires avec
lesquels ils travaillent pour la mesure des biomarqueurs demandés (cTn I ou T, méthode de
mesure des D-D, BNP ou NT-proBNP) (10).
QUELQUES REGLES POUR MIEUX COMPRENDRE LES BIOMARQUEURS.
2
Le plus souvent un biomarqueur est utilisé pour son intérêt diagnostique, car sa présence dans
le sang signe une maladie (insuffisance cardiaque et BNP ou cTn et infarctus du myocarde,
IDM) (10). Souvent, le biomarqueur présente aussi un caractère pronostique intriqué
(insuffisance cardiaque et élévation du BNP/NT-proBNP) avec son intérêt diagnostique
(comme le lactate qui peut être considéré comme un biomarqueur d’état de choc, sans aucune
spécificité pour le choc septique ; mais il a également été montré que plus son taux est élevé
et moins bon est le pronostic de l’état de choc septique).
Sans reprendre toutes les étapes de validation d’un biomarqueur, nous insisterons sur
l’importance de connaitre les limites des biomarqueurs. Cela correspond aux faux positifs ou
aux élévations non spécifiques ou à l’impact de certaines pathologies ou à la limite de la
technique de mesure. Ainsi, l’insuffisance rénale aiguë ou chronique sévère augmente les taux
de NT-proBNP/BNP et cTn (11-13) (voir encadrés 1 et 2), aux faux négatifs (comme l’obésité
qui diminue d’environ 50% les taux de BNP, ou l’œdème pulmonaire « flash » avec un taux
presque normal de BNP/NT-proBNP ou certaines petites thromboses veineuses profondes
(TVP) avec des D-D négatifs). Tous les biomarqueurs ont une zone grise qui correspond à
une zone grise d’incertitude (fig. 1), même si c’est surtout pour le BNP/NT-proBNP (100-500
pg/mL pour le BNP où la 1ère cause de dyspnée reste l’ICA malgré tout) que cette zone grise a
été rapportée (14). Toutes les méthodes de dosages ne sont pas équivalentes. C’est le cas des
D-D où toutes les trousses ne sont équivalentes en terme de sensibilité et seule la technique
VIDAS D-D de bioMérieux a vraiment été validée dans des études d’impact incluant plus de
3000 patients. En dehors des D-D, peu d’évaluation scientifique de biomarqueurs ont intégré
la probabilité pré-test de la maladie dans une stratégie diagnostique « intelligente » utilisant
les biomarqueurs. Que doit faire le clinicien, si le laboratoire de biochimie rend un taux du
biomarqueur qui correspond à la valeur juste inférieure correspondant à la valeur seuil limite
du constructeur (exemple d’une valeur de D-D à 499 µg/L pour une valeur seuil où le
3
diagnostic d’EP peut être éliminée à 500 µg/L) et comment interpréter une évolution
« minime du biomarqueur sur deux prélèvements (exemple d’une 1ère valeur rendue de cTn à
0,23 µg/L (N<0,15 µg/L) et d’une deuxième valeur à 0,25 µg/L trop souvent interprétée par le
clinicien comme une « élévation »). Le clinicien peut-il réellement considéré que cette valeur
est « vraiment négative » avec confiance et faire sortir le patient en éliminant l’IDM, comptetenu du coefficient de variation du biomarqueur ? Il existe de nombreuses situations (faux
positifs) où le biomarqueurs est positif en dehors de la pathologie spécifique (voir encadré cidessous : troponinite, BNPite). Enfin, il faut que les études aient démontré que le dosage du
biomarqueur améliore le pronostic dans le cadre d’études interventionnelles ou d’impact. Les
études ont montré que l’utilisation comme première étape diagnostique de l’estimation
empirique ou par score d’EP et du dosage des D-D permettaient d’éviter de nombreuses
angiographies pulmonaires. Des travaux ont aussi montré que les patients avec SCA ST- et
cTn positive à l’admission étaient ceux qui bénéficiaient le plus d’une stratégie thérapeutique
agressive (traitement par anti gp 2b/3a et/ou angiographie coronaire précoce). Les études
concernant l’utilité du BNP ou du NT-proBNP (fig. 1) dans les dyspnées aiguës ou en
cardiologie sont d’ailleurs discordantes (11, 15). En réalité, les études d’impact manquent
pour de nombreux nouveaux biomarqueurs (MR-proANP, cTn ultra/hyper-sensible et
copeptine).
4
Figure 1 : Utilisation en pratique du NT-proBNP chez le patient dyspnéique
En pratique
Antécédents, examen physique,
RThx, GdS, ECG
Etiologies intriquées
ATCD de maladies respiratoires, sujet âgé >
70 ans
Diagnostic évident
Pneumonie, OAPc, asthme allergique …
Suspicion d’ICA
BNP
ou NT-proBNP
Zone grise
NT-proBNP <500 pg/mL
500 < NT-proBNP < 2000
NT-proBNP >2000 pg/mL
ICA très peu probable
Causes respiratoires ?
ICA toujours possible
Doppler-echocardiographie
ICA très probable
Bolus IV de dérivés nitrés, diurétiquess,
VNI, Doppler-EC
Autres investigations
TDM thoracique sans puis avec
injection pour éliminer une EP…
5
APPORT DES PEPTIDES NATRIURETIQUES DE TYPE B
La physiologie des facteurs natriurétiques peptides est résumée dans les figures 2 et 3. Il
existe quatre facteurs natriurétiques peptides (A, B, C, D ou urodilatin) qui ont tous un rôle
plus ou moins important dans l'homéostasie du sodium et la régulation de la volémie. Le rôle
du BNP est de contrebalancer l'activation du système rénine–angiotensine–aldostérone
lorsqu'il existe une mise en tension de la paroi (stress pariétal ou étirement des myocytes) du
ventricule gauche (VG) et l’activation des hormones (endothéline) et cytokines provasoconstrictrices (fig. 2). Le BNP permet une relaxation vasculaire systémique et artérielle
pulmonaire, diminue le taux d'angiotensine, d'aldostérone et d'endothéline-1, augmente la
filtration glomérulaire et l'excrétion rénale du sodium et diminuerait la prolifération des
muscles lisses vasculaires. Il a donc une action natriurétique, diurétique et vasodilatatrice.
Dans les conditions normales et pathologiques, la sécrétion du BNP est presque totalement
d'origine VG. La demi-vie du BNP est d'environ 20 minutes. À l'inverse du BNP, le NTproBNP n'a aucune activité physiologique et est un peptide de 76 acides aminés, résultant du
clivage du proBNP en BNP et NT-proBNP au niveau sanguin (fig. 3) Le NT-proBNP est
secrété en même temps que le BNP lors de l'activation du système rénine–angiotensine–
aldostérone. Dans le sang, ses concentrations sanguines sont cinq à dix fois plus importantes
que le BNP. Le NT-proBNP a une demi-vie plus longue (90 minutes). Le BNP et le NTproBNP s'élèvent avec l'âge, probablement secondairement à l'hypertrophie ventriculaire
gauche physiologique des sujets âgés. En dehors de l'âge avancé (> 75 ans), ni le poids, ni le
sexe, ni une insuffisance rénale modérée (clairance de la créatinine ≥ 50 ml/min) ne
modifieraient vraiment les valeurs seuils de BNP et de NT-proBNP.
6
Fig. 2. Rôle physiologique des facteurs natriurétiques peptides A et B.
7
Fig. 3. Synthèse du B-type natriuretic peptide (BNP).
En réalité, une fraction non nulle du proBNP non modifiée se retrouve aussi directement dans
le sang et fausserait légèrement les taux données les valeurs rendues de BNP et de NTproBNP par les fabricants.
Schématiquement, de nombreuses études multicentriques ont démontré que le BNP et le NTproBNP étaient des marqueurs diagnostiques très fiables d’ICA en urgence, avec des qualités
pour les deux tests diagnostiques identiques (16, 17), même chez les personnes âgées. Leur
mesure est également réalisée dans les ambulances du SAMU/SMUR, ce qui permet un
diagnostic adéquat et un traitement adapté précoces, gage de moindres complications. Il existe
ainsi des méthodes de dosage (biologie délocalisée et « mini-laboratoires ») permettant de
doser chez un même patient et de façon rapide, le NT-proBNP (et la cTn). Le rendu rapide (10
minutes en moyenne) permet une évaluation diagnostique, une prise en charge optimale et une
orientation rapide du patient.
Une élévation de la cTn (avec nécrose myocardique par déséquilibre consommation et apport
en oxygène au niveau myocardique, en dehors d’un vrai IDM) lors d’une ICA est également
un facteur pronostique défavorable surajouté (œdème pulmonaire ischémique).
Comme cela est également suggéré pour la cTn, la majorité des études et des méta-analyses
(mais pas toutes) ont montré qu’une élévation du BNP/NT-proBNP était un facteur de
mauvais pronostic d’EP. Pour autant, aucune étude d’impact n’a démontré l’intérêt de doser
systématiquement le BNP/NT-proBNP ou la cTn pour toutes les EP diagnostiquées et aucune
étude d’impact n’a démontré qu’il fallait instituer une thérapeutique ou une surveillance
particulière sir le BNP/NT-proBNP ou la cTn étaient élevés.
8
Récemment, l’évolution des techniques a permis de doser la région intermédiaire de l’A-type
natriuretic peptid, ANP (mid-regional pro-ANP), MR-proANP qui est sécrété essentiellement
par les oreillettes. Le MR-proANP semble être aussi un biomarqueur de l’ICA avec des
qualités diagnostiques et pronostiques identiques au BNP et NT-proBNP. Cependant, les
valeurs seuil ne sont pas clairement définies chez le sujet âgé (18).
Il existe de nombreuses situations où un taux de BNP/NT-proBNP (et de MR-proANP)
s’élèvent en dehors de toute ICA (Encadré 1).
Cinq études d’impact ont évalué le BNP/NT-proBNP chez des patients dyspnéiques. Malgré
une première étude suisse extrêmement encourageante (8), d’autres résultats ont été négatifs
et la méta-analyse que nous avons publiée n’a pas démontré qu’il y avait un intérêt à doser le
BNP/NT-proBNP chez tous les patients dyspnéiques aux urgences (15).
En ambulatoire (recommandations HAS 2010), l’intérêt du dosage du taux de BNP ou NTproBNP pourrait être double : préciser (comme aux urgences) la cause de la dyspnée d’un
patient (n’ayant aucun critère de gravité clinique évidemment ou d’hospitalisation immédiate)
ou surveiller l’évolution d’un insuffisant cardiaque chronique afin d’adapter au mieux la
prescription médicamenteuse (comme les cardiologues le font même si cela est discuté). Deux
précisions sont néanmoins indispensables : seule une variation de plus de 50% par rapport à
une autre valeur doit être considérée comme significative. Dans tous les cas, compte tenu des
différences physiologiques et analytiques entre le BNP et le NT-proBNP, il est important de
toujours prescrire, pour le suivi d’un patient donné, le même peptide dosé par le même
analyseur.
Encadré 1 : Pathologies potentielles responsables d’une élévation du BNP, en dehors de
l’insuffisance cardiaque gauche. (liste non exhaustive)
9
Embolie pulmonaire, hypertension artérielle pulmonaire, insuffisance
cardiaque
droite,
décompensation
de
bronchopneumonie
chronique
obstructive, pneumonie grave
Fibrillation cardiaque, syndrome coronarien aigu, crise hypertensive sévère,
hypertrophie ventriculaire gauche ou droite, tamponnade cardiaque
Sepsis sévère, choc septique, myocardite
Cirrhose avec décompensation oedémato-ascitique
Insuffisance rénale aiguë ou chronique sévère
Accident vasculaire cérébrale ou hémorragie méningée
Anémie
Hyperthyroidïe, syndrome de Cushing
Chimiothérapie cardiotoxique, corticothérapie à fortes doses
Cardiopathie dilatée (élévation chronique ?)
BIOMARQUEURS ET ISCHEMIE MYOCARDIQUE
Le diagnostic d’infarctus du myocarde (IDM) repose en partie sur les signes cliniques (type
de douleur thoracique, DT) et électrocardiographiques. Mais, le manque de performance de
ces éléments rend leur utilisation isolée peu opérationnelle (19, 20). Ainsi, la surélévation du
10
segment ST n’est retrouvée que dans un peu plus de la moitié des patients. La conséquence de
ce manque de sensibilité est la place prépondérante laissée au dosage de biomarqueurs.
Idéalement, le biomarqueur cardiaque idéal devrait s’élever très précocément dans le sang
après la nécrose ou même l’ischémie, ensuite diminuer rapidement après l’épisode ischémique
et être cardio-sélectif. A l’heure actuelle, aucun des nouveaux biomarqueurs cardiaques et
même de la cTn ne remplit ce cahier des charges.
Les marqueurs de nécrose myocardique, tels que les isoformes cardiaques de la troponine
(cTnI ou T) sont considérés comme le Gold standard pour la détection de l’IDM (la fraction
MB de la créatine kinase qui n’est pas plus sensible et beaucoup moins spécifique, la
myoglobine extrêmement précoce, mais pas assez spécifique et a fortiori les LDH ou ALAT
sont abandonnées en France) et leur usage est hautement recommandé par les sociétés
savantes [40,41]. En particulier, la cTnI ou T (valeurs diagnostiques quasi identiques) possède
une excellente spécificité (de 100% pour le diagnostic de nécrose myocardique), mais avec
une sensibilité plus faible pour le diagnostic d’IDM (moins de 70% 6 heures après la DT dans
les études (21-23)). D’où la nécessité fréquente aux urgences d’un dosage répété de cTn sur
une période de 4-6 heures (jusqu’à 12h pour certaines recommandations) pour exclure un
IDM (si le 1er dosage de cTn est négatif et trop précoce par rapport à la DT). Une mesure de
cTn (si le délai est correct) n’élimine pas un SCA, mais seulement un IDM. D’ailleurs,
l’élévation de cTn fait partie des scores pronostiques de SCA (comme par exemple le GRACE
ou TIMI score).
Même si la cTn est cardio-sélective, elle n’est pas spécifique d’une nécrose myocardique par
thrombose coronaire car de nombreuses causes d’élévation de la cTn existent (voir encadré 2
ci-dessous). Néanmoins et grossièrement, plus le taux de cTn est élevée et plus il ya de chance
que l’élévation soit due à une thrombose coronaire (et non pas due aux autres causes :
11
déséquilibre entre consommation et apport en oxygène au niveau du myocarde ou microthrombose ou spasme coronaires ou dommage inflammatoire direct).
Une élévation du BNP ou NT-proBNP en dehors d’une ICA vraie est également un facteur
pronostique défavorable à long terme (de même quand la CRP ultrasensible est augmentée).
Il faut noter qu’en pré-hospitalier, il est rare que le dosage de cTn aide à la prise en charge
d’un patient avec une DT car souvent le délai entre le début de la DT et la consultation du
patient est trop court pour espérer une élévation sanguine de la cTn et de plus la prévalence
des SCA avec sus-décalage de ST est importante. Il existe aussi des méthodes de biologie
délocalisée pour le dosage de la cTn avec un rendu rapide (moins de 15 minutes) permettant
une évaluation diagnostique, une prise en charge optimale et une orientation rapide du patient.
Cependant, même si les études interventionnelles réalisées démontrent un temps gagné
considérable, leur impact clinique dans les SCA non ST+ est pour l’instant plutôt décevant.
12
Cinétique de la cTn par rapport aux autres
biomarqueurs cardiaques lors d’un IDM
Biomarqueur
cardiaque idéal
cTn I/T
CK-MB
Myoglobine
Valeur
limite
DT 4h 8h 12
h
16
h
20
h
24
h
30
h
3j 4j 5j 6j 7j 8j
Des nouvelles approches ou biomarqueurs ont été envisagées pour pallier au manque de
sensibilité de la cTn: le développement de techniques de dosage plus performant de cTnT
(cTn hypersensible, ultrasensible, nanosensible suivant les industriels), et l’utilisation de
marqueurs indépendants de la nécrose myocardiques (C-terminal proVasopressine, ou
copeptine, hormone du stress en association avec la cTn conventionnelle) ou le
développement de nouveau biomarqueur.
La heart-Fatty Acid Binding Protein (h-FABP) est une protéine de bas poids moléculaire
localisée dans les myocytes cardiaques et relarguée dans la circulation 30 minutes après le
début d’une nécrose myocardique. On la trouve également dans d’autres tissus et elle s’élève
dans l’insuffisance cardiaque congestive et l’insuffisance rénale. Le pic de concentration est
entre la 6ème et la 8ème heure et son taux revient à la normale dans les 24h à 36 heures. Des
études récentes n’ont pas montré que ce marqueur soit intéressant dans une population tout
venant de patients se présentant en structure d’urgence pour une DT (24, 25).
13
Nous avons dosé la cTn hypersensible chez 317 patients suspects de SCA aux urgences vus
dans les 6 heures après la douleur thoracique; 258 (81%) avaient une probabilité pré-test de
SCA basse ou intermédiaire et l’IDM a été confirmé chez 45 patients (14%). L’étude a montré
que dans le groupe de patients avec une probabilité pré-test basse ou intermédiaire, un taux de
cTn hs ≥ 0,014 µg/l identifiait un IDM avec une meilleur sensibilité que la cTn
conventionnelle (91%, Intervalle de Confiance à 95% [79-100] vs. 77% [60-95], p=0.001),
même si la valeur prédictive négative n’était pas différente (99% [98-100] vs. 98% [96-100]).
Même si les premières études sont très séduisantes, aucune étude d’impact n’a pour l’instant
été publiée avec ces nouveaux biomarqueur cardiaques (ou leur combinaison) (Freund Crit
Care 2011 in press).
Plusieurs travaux avec la copeptine montrent qu’en association avec le dosage de la cTn
conventionnelle, la combinaison des deux biomarqueurs permet d’éliminer avec une
sensibilité quasi-parfaite l’IDM chez des patients vus aux urgences pour DT. Ainsi,
Reischling a évalué l’intérêt du dosage de la copeptine en association avec la cTn
conventionnelle pour le diagnostic précoce d’IDM, avec des sensibilités proches de 100%
(23).
Selon les recommandations HAS 2010, il n’est pas logique de doser la cTn en ambulatoire (ni
d’ailleurs la cTn ultra/hyper-sensible ou la copeptine). Pour un patient avec une DT, ayant une
suspicion d’ID, le médecin doit contacter le 15 et discuter avec le médecin régulateur du
SAMU, avant évaluation par le SMUR et transfert éventuel aux urgences, en cardiologie.
Seule exception, un patient qui consulterait pour une DT ayant apparu 2-3 jours auparavant,
asymptomatique et sans modification ECG au moment de la consultation.
Il faut noter que la copeptine et la cTn sont moins spécifiques de l’IDM par thrombose
coronaire que la cTn conventionnelle. Les cliniciens vont devoir apprendre à utiliser ces
nouveaux outils diagnostiques et à gérer les faux positifs (pour la copeptine, accident
14
vasculaire cérébrale, embolie pulmonaire, choc septique et autre situation de
stress
physiologique notamment) plus fréquents !! Néanmoins, laz spécificité éffondrée de ces
nouveaux biomarqueurs n’enlèvent rien à leur utilité. En effet, l’intérêt de ces nouveaux
biomarqueurs est de pouvoir éliminer précocement (et avec sécurité) l’IDM chez des patients
avec SCA non ST+ et non pas d’en faire un diagnostic précoce (car il n’est pas prouvé que
gagner quelques minutes voire même traiter une heure plus tôt un IDM avec SCA non ST+
améliore le pronostic).
Encadré 2 : Causes d'élévation de la cTn hors thrombose coronaire (liste non exhaustive)
- SIRS, sepsis, choc septique
- hypotension, hypovolémie, chute de la personne âgée
- tachycardie supraventriculaire, fibrillation auriculaire
- hypertrophie ventriculaire gauche
- angor de Prinzmetal
- accident vasculaire cérébral et hémorragie méningée/intracrânienne
- contusion cardiaque (massage), traumatisme
- cardioversion
- désordres infiltratifs (amyloïdose)
- myopéricardite aiguë
- syndrome de Takostubo/cardiomyopathie de stress
- hypertension artérielle sévère
- décompensation cardiaque aiguë
- embolie pulmonaire, hypertension artérielle pulmonaire (dont exacerbation BPCO)
- Au cours de l'insuffisance rénale chronique
15
- Coup de chaleur BIOMARQUEURS ET MALADIE THROMBO-EMBOLIQUE VEINEUSE
Depuis maintenant dix ans, le dosage des D-D est largement diffusé en France dans la
stratégie diagnostique de l’embolie pulmonaire (EP). Il est bon de rappeler que toutes les
méthodes ne sont équivalentes et que seules les méthodes très sensibles (type VIDAS D-D,
bioMérieux®) permettent d’éliminer l’EP avec fiabilité [4,5]. Les recommandations suggèrent
d’utiliser le dosage des D-D lorsque la probabilité clinique est faible ou intermédiaire, et
lorsque le taux est inférieur à 500 µg/L de pouvoir éliminer le diagnostic de TVP ou d’EP.
Un dosage en ambulatoire se conçoit donc devant une jambe douloureuse (augmentée de
volume et/ou œdémateuse) suspecte de TVP. Le dosage de D-D devant une dyspnée (sans
aucun signe de gravité ni urgence à une consultation hospitalière) pour une suspicion d’EP
nous parait déjà plus discutable (risque d’aggravation de la maladie, comment transporter la
patiente au laboratoire : debout, en marchant ?).
Enfin, il est important de rappeler toutes les situations d’élévation non spécifique des D-D :
grossesse, âge supérieur à 70 ans, fièvre ou syndrome ou maladie inflammatoire, cancer,
période post-opératoire, traumatisme, hématôme, pathologie thrombotique artérielle aiguë, et
de leur perte d’intérêt chez des patients âgés alités. C’est pourquoi, il existe une discussion
actuelle sur l’intérêt de doser les D-D chez les patients âgés de plus de 75 ans (spécificité
proche de 10%) qui cumulent souvent plusieurs causes d’élévation citées ci-dessus.
Cependant, une analyse post-hoc de plusieurs études prospectives suggère, sur plus de 3000
patients inclus, que la valeur seuil pour des patients de plus de 70 ans seraient l’âge multiplié
par 10 (soit pour une patiente de 86 ans, 860 ) (26).
16
CONCLUSION
De nombreux biomarqueurs font partie de l’arsenal diagnostique quotidien en urgence (BNP
et NT-proBNP, D-D ou cTn). Le clinicien doit connaître les limites des biomarqueurs pour en
améliorer la prescription et la bonne interprétation. Il est ainsi utile d’insister sur la nécessité
de réfléchir à une prescription raisonnée et raisonnable des biomarqueurs, en exercice
ambulatoire. Enfin, seuls les biomarqueurs soumis aux études d’impact et comparées aux
meilleures pratiques en vigueur, et montrant un gain pour le patient et la collectivité, sont
promis à une utilisation au lit du patient.
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RÉFÉRENCES
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19
Tableau 1 : Qualités diagnostiques définissant un biomarqueur utilisable en pratique
clinique quotidienne (adapté de Ray (6))
Pertinence
Ratio de
Ratio de
Aire sous la
diagnostique
Vraisemblance +
Vraisemblance -
courbe ROC
>0.90
> 10
< 0.1
>0.90
Bonne valeur Diagnostique
0.8-0.90
5-10
0.1-0.2
0.8-0.90
Moyenne ou faible valeur
0.50-0.8
1-5
0.2-1
0.50-0.8
0.50
1
1
0.50
Excellente valeur diagnostique
diagnostique
Aucune valeur diagnostique
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