Poèmes par Robert Desnos et Antonin Artaud

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“L’Insurrection Poétique”
Poèmes
par
Robert Desnos et Antonin Artaud
« Demain »
Âgé de cent mille ans, j’aurais encor la force
De t’attendre, ô demain pressenti par l’espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir : Le matin est neuf, neuf est le soir.
Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l’oreille
À maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.
Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c’est pour guetter l’aurore
Qui prouvera qu’enfin nous vivons au présent.
Robert Desnos
« Ce cœur qui haïssait la guerre… »
Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu’il bat pour le combat et la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour
et de la nuit,
Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine.
Et qu’il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent,
Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne,
Comme le son d’une cloche appelant à l’émeute et au combat.
Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos.
Mais non, c’est le bruit d’autres cœurs, de millions d’autres cœurs battant comme le mien à
travers la France.
Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs,
Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d’ordre :
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l’ombre à la besogne que l’aube proche leur
imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et
des marées,
du jour et de la nuit.
Robert Desnos, 1943 (paru dans L’Honneur des poètes)
La Voix
Une voix, une voix qui vient de si loin
Qu'elle ne fait plus tinter les oreilles,
Une voix, comme un tambour, voilée
Parvient pourtant, distinctement, jusqu'à nous.
Bien qu'elle semble sortir d'un tombeau
Elle ne parle que d'été et de printemps.
Elle emplit le corps de joie,
Elle allume aux lèvres le sourire.
Je l'écoute. Ce n'est qu'une voix humaine
Qui traverse les fracas de la vie et des batailles,
L'écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages.
Et vous ? Ne l'entendez-vous pas ?
Elle dit "La peine sera de courte durée"
Elle dit "La belle saison est proche."
Ne l'entendez-vous pas ?
Robert Desnos - Contrée (1936-1940)
Prière
Ah donne-nous des crânes de braises
Des crânes brûlés aux foudres du ciel
Des crânes lucides, des crânes réels
Et traversés de ta présence
Fais-nous naître aux cieux du dedans
Criblés de gouffres en averses
Et qu’un vertige nous traverse
Avec un ongle incandescent
Rassasie-nous nous avons faim
De commotions inter-sidérales
Ah verse-nous des laves astrales
A la place de notre sang
Détache-nous, Divise-nous
Avec tes mains de braises coupantes
Ouvre-nous ces voûtes brûlantes
Où l’on meurt plus loin que la mort
Fais vaciller notre cerveau
Au sein de sa propre science
Et ravis-nous l’intelligence
Aux griffes d’un typhon nouveau
Antonin Artaud
Révolte contre la poésie
Nous n’avons jamais écrit qu’avec la mise en incarnation de l’âme, mais elle était déjà faite,
et pas par nous-mêmes, quand nous sommes entrés dans la poésie.
Le poète qui écrit s’adresse au Verbe et le Verbe a ses lois. Il est dans l’inconscient du poète
de croire automatiquement à ces lois. Il se croit libre et il ne l’est pas.
Il y a quelque chose derrière sa tête, autour de ses oreilles de sa pensée. Quelque chose est en
germe dans sa nuque, où il était déjà quand il a commencé. Il est le fils de ses oeuvres, peutêtre, mais ses oeuvres ne sont pas de lui, car ce qui était de lui-même dans sa poésie, ce n’est
pas lui qui l’y avait mis, mais cet inconscient producteur de la vie qui l’avait désigné pour être
son poète et qu’il n’avait pas désigné lui. Et qui ne fut jamais bien disposé pour lui.
Je ne veux pas être le poète de mon poète, de ce moi qui a voulu me choisir poète, mais le
poète créateur, en rébellion contre le moi et le soi. Et je me souviens de la rébellion antique
contre les formes qui venaient sur moi.
C’est par révolte contre le moi et le soi que je me suis débarrassé de toutes les mauvaises
incarnations du Verbe qui ne furent jamais pour l’homme qu’un compromis de lâcheté et
d’illusion et je ne sais quelle fornication abjecte entre la lâcheté et l’illusion. Je ne veux pas
d’un verbe venu de je ne sais quelle libido astrale et qui fut toute consciente aux formations de
mon désir en moi.
Il y a dans les formes du Verbe humain je ne sais quelle opération de rapace, quelle
autodévoration de rapace où le poète, se bornant à l’objet, se voit mangé par cet objet.
Un crime pèse sur le Verbe fait chair, mais le crime est de l’avoir admis. La libido est une
pensée d’animaux et ce sont ces animaux qui, un jour, se sont mués en hommes.
Le verbe produit par les hommes est l’idée d’un inverti enfoui par les réflexes animaux des
choses et qui, par le martyre du temps et des choses, a oublié qu’on l’avait inventé.
L’inverti est celui qui mange son soi et veut que son soi le nourrisse, cherche dans son soi sa
mère et veut la posséder pour lui. Le crime primitif de l’inceste est l’ennemi de la poésie et
tueur de son immaculée poésie.
Je ne veux pas manger mon poème, mais je veux donner mon coeur à mon poème et qu’est-ce
que c’est que mon coeur et mon poème. Mon coeur est ce qui n’est pas moi. Donner son soi à
son poème, c’est risquer aussi d’être violé par lui. Et si je suis Vierge pour mon poème, il doit
rester vierge pour moi.
Je suis ce poète oublié, qui s’est vu tomber dans la matière un jour, et la matière ne me
mangera pas, moi.
Je ne veux pas de ces réflexes vieillis, conséquence d’un antique inceste venu de l’ignorance
animale de la loi Vierge de la vie. Le moi et le soi sont ces états catastrophiques de l’être où le
vivant se laisse emprisonner par les formes qu’il perçoit en lui. Aimer son moi, c’est aimer un
mort et la loi du Vierge est l’infini. Le producteur inconscient de nous-même est celui d’un
antique copulateur qui s’est livré aux plus basses magies et qui a tiré une magie de l’infâme
qu’il y a à se ramener soi-même sur soi-même sans fin jusqu’à faire sortir un verbe du
cadavre. La libido est la définition de ce désir de cadavre et l’homme en chute est un criminel
inverti.
Je suis ce primitif mécontent de l’horreur inexpiable des choses. Je ne veux pas me reproduire
dans les choses, mais je veux que les choses se produisent par moi. Je ne veux pas d’une idée
du moi dans mon poème et je ne veux pas m’y revoir, moi.
Mon coeur est cette Rose éternelle venue de la force magique de l’initiale Croix. Celui qui
s’est mis en croix en Lui-Même et pour Lui-Même n’est jamais revenu sur lui-même. Jamais,
car ce lui-même par lequel il s’est sacrifié Lui-Même, celui-là aussi il l’a donné à la Vie après
avoir forcé en lui-même à devenir sa propre vie.
Je ne veux être que ce poète à jamais qui s’est sacrifié dans la Kabbale du soi à la conception
immaculée des choses.
Antonin Artaud
Le navire mystique
Il se sera perdu le navire archaïque
Aux mers où baigneront mes rêves éperdus,
Et ses immenses mâts se seront confondus
Dans les brouillards d'un ciel de Bible et de Cantiques.
Et ce ne sera pas la Grecque bucolique
Qui doucement jouera parmi les arbres nus ;
Et le Navire Saint n'aura jamais vendu
La très rare denrée aux pays exotiques.
Il ne sait pas les feux des havres de la terre,
Il ne connaît que Dieu, et sans fin, solitaire
Il sépare les flots glorieux de l'Infini.
Le bout de son beaupré plonge dans le mystère ;
Aux pointes de ses mâts tremble toutes les nuits
L'Argent mystique et pur de l'étoile polaire.
Antonin Artaud
« J’ai tant rêvé de toi »
J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec
ton fantôme qu'il ne me reste plus peut-être, et pourtant,
qu'a être fantôme parmi les fantômes et plus ombre
cent fois que l'ombre qui se promène et se promènera allègrement
sur le cadran solaire de ta vie.
J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant
Et de baiser sur cette bouche la naissance
De la voix qui m'est chère?
J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués
En étreignant ton ombre
A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
Au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante
Et me gouverne depuis des jours et des années,
Je deviendrais une ombre sans doute.
O balances sentimentales.
Robert Desnos « Corps et Biens »
« Un jour après un jour… »
Un jour après un jour,
Une vague après une vague,
Où vas-tu? Où allez-vous?
Terre meurtrie par tant d'hommes errants!
Terre enrichie par les cadavres de tant d'hommes.
Mais la terre c'est nous,
Nous ne sommes pas sur elle
Mais en elle depuis toujours
Robert Desnos « Destinée arbitraire »
« Jamais d’autre que toi »
Jamais d'autre que toi en dépit des étoiles et des solitudes
En dépit des mutilations d'arbre à la tombée de la nuit
Jamais d'autre que toi ne poursuivra son chemin qui est le mien
Plus tu t'éloignes et plus ton ombre s'agrandit
Jamais d'autre que toi ne saluera la mer à l'aube quand fatigué d'errer moi sorti des forêts
ténébreuses et des buissons d'orties je marcherai vers l'écume
Jamais d'autre que toi ne posera sa main sur mon front et mes yeux
Jamais d'autre que toi et je nie le mensonge et l'infidélité
Ce navire à l'ancre tu peux couper sa corde
Jamais d'autre que toi
L'aigle prisonnier dans une cage ronge lentement les barreaux de cuivre vert-de-grisés
Quelle évasion !
C'est le dimanche marqué par le chant des rossignols dans les bois d'un vert tendre l'ennui des
petites filles en présence d'une cage où s'agite un serin, tandis
que dans la rue solitaire le soleil lentement déplace sa ligne mince sur le trottoir chaud
Nous passerons d'autres lignes
Jamais jamais d'autre que toi
Et moi seul seul seul comme le lierre fané des jardins de banlieue seul comme le verre
Et toi jamais d'autre que toi.
Robert Desnos « Corps et Biens »
« Révolution »
« Révolution, tendresse, passion, je méprise ceux dont vous ne bouleversez pas la vie; ceux que
vous n'êtes pas capable de perdre et de sauver. »
Robert Desnos « Nouvelles Hébrides et Autres textes »
« Qui suis-je ? »
Qui suis-je ?
D’où je viens ?
Je suis Antonin Artaud
et que je le dise
comme je sais le dire
immédiatement
vous verrez mon corps actuel
voler en éclats
et se ramasser
sous dix mille aspects
notoires
un corps neuf
où vous ne pourrez
plus jamais
m’oublier.
Antonin Artaud
"Toute l'écriture est de la cochonnerie"
Toute l'écriture est de la cochonnerie.
Les gens qui sortent du vague pour essayer de préciser quoi que ce soit de ce
qui se passe dans leur pensée, sont des cochons.
Toute la gent littéraire est cochonne, et spécialement celle de ce temps-ci.
Tous ceux qui ont des points de repère dans l'esprit, je veux dire d'un certain
côté de la tête, sur des emplacements bien localisés de leur cerveau, tous ceux
qui sont maîtres de leur langue, tous ceux pour qui les mots ont un sens, tous
ceux pour qui il existe des altitudes dans l'âme, et des courants dans la
pensée, ceux qui sont esprit de l'époque, et qui ont nommé ces courants de
pensée, je pense à leurs besognes précises, et à ce grincement d'automate que
rend à tous vents leur esprit,
- sont des cochons.
Ceux pour qui certaines mots ont un sens, et certaines manières d'être, ceux qui
font si bien des façons, ceux pour qui les sentiments ont des classes et qui
discutent sur un degré quelconque de leurs hilarantes classifications, ceux qui
croient encore à des "termes", ceux qui remuent des idéologies ayant pris rang
dans l'époque, ceux dont les femmes parlent si bien et ces femmes aussi qui
parlent si bien et qui parlent des courants de l'époque, ceux qui croient encore
à une orientation de l'esprit, ceux qui suivent des voies, qui agitent des noms,
qui font crier les pages des livres,
- ceux-là sont les pires cochons.
Vous êtes bien gratuit, jeune homme !
Non, je pense à des critiques barbus.
Et je vous l'ai dit : pas d'oeuvres, pas de langue, pas de parole, pas d'esprit,
rien.
Rien, sinon un beau Pèse-Nerfs.
Une sorte de station incompréhensible et toute droite au milieu de tout dans
l'esprit.
Et n'espérez pas que je vous nomme ce tout, en combien de parties il se divise,
que je vous dise son poids, que je marche, que je me mette à discuter sur ce
tout, et que, disuctant, je me perde et que je me mette ainsi sans le savoir à
PENSER, - et qu'il s'éclaire, qu'il vive, qu'il se pare d'une multitude de mots,
tous bien frottés de sens, tous divers, et capables de bien mettre au jour
toutes les attitudes, toutes le nuances d'une très sensible et pénétrante
pensée.
Ah ces états qu'on ne nomme jamais, ces situations éminentes d'âme, ah ces
intervalles d'esprit, ah ces minuscules ratées qui sont le pain quotidien de mes
heures, ah ce peuple fourmillant de données, - ce sont toujours les même mots
qui me servent et vraiment je n'ai pas l'air de beaucoup bouger dans ma pensée,
mais j'y bouge plus que vous en réalité, barbes d'ânes, cochons pertinents,
maîtres du faux verbe, trousseurs de portraits, feuilletonistes, rez-dechaussée, herbagistes, entomologistes, plaie de ma langue.
Je vous l'ai dit, que je n'ai plus ma langue, ce n'est pas une raison pour que
vous persistiez, pour que vous vous obstiniez dans la langue.
Allons, je serai compris dans dix ans par les gens qui feront aujourd'hui ce que
vous faites. Alors on connaîtra mes geysers, on verra mes glaces, on aura appris
à dénaturer mes poisons, on décèlera mes jeux d'âmes.
Alors tous mes cheveux seront coulés dans la chaux, toutes mes veines mentales,
alors on percevra mon bestiaire, et ma mystique sera devenue un chapeau. Alors
on verra fumer les jointures des pierres, et d'arborescents bouquets d'yeux
mentaux se cristalliseront en glossaires, alors on vera choir des aérolithes de
pierre, alors on verra des cordes, alors on comprendra la géométrie sans
espaces, et on apprendra ce que c'est que la configuration de l'esprit, et on
comprendra comment j'ai perdu l'esprit.
Alors on comprendra pourquoi mon esprit n'est pas là, alors on verra toutes les
langues tarir, tous les esprits se dessécher, toutes les langues se racornir,
les figures humaines s'aplatiront, se dégonfleront, comme aspirées par des
ventouses desséchantes, et cette lubrifiante membrane continuera à flotter dans
l'air, cette membrane à deux épaisseurs, à multiples degrés, à un infini de
lézardes, cette mélancolique et vitreuse membrane, mais si sensible, si
pertinente elle aussi, si capable de se multiplier, de se dédoubler, de se
retourner avec son miroitement de lézardes, de sens, de stupéfiants,
d'irrigations pénétrantes et vireuses,
alors tout ceci sera trouvé bien,
et je n'aurai plus besoin de parler.
Antonin Artaud
« La vie est de brûler des questions »
Là où d’autres proposent des œuvres je ne prétends pas autre chose que montrer mon esprit.
La vie est de brûler des questions.
Je ne conçois pas d’œuvre détachée comme détachée de la vie.
Je n’aime pas la création détachée. Je ne conçois pas non plus l’esprit comme détaché de luimême. Chacune de mes œuvres, chacun des plans de moi-même, chacune des floraisons
glacières de mon âme intérieure bave sur moi.
Je me retrouve autant dans une lettre écrite pour expliquer le rétrécissement intime de mon
être et le châtrage insensé de ma vie, que dans un essai extérieur à moi-même, et qui
m’apparaît comme une grossesse indifférente de mon esprit.
Je souffre que l’Esprit ne soit pas dans la vie et que la vie ne soit pas l’Esprit, je souffre de
l’Esprit-organe, de l’Esprit-traduction, ou de l’Esprit intimidation-des-choses pour les faire
entrer dans l’Esprit.
Ce livre je le mets en suspension dans la vie, je veux qu’il soit mordu par les choses
extérieures, et d’abord par tous les soubresauts en cisaille, toutes les cillations de mon moi à
venir.
Toutes ces pages traînent comme des glaçons dans l’esprit. Qu’on excuse ma liberté absolue.
Je me refuse à faire de différence entre aucune des minutes de moi-même. Je ne reconnais pas
dans l’esprit de plan.
Il faut en finir avec l’Esprit comme avec la littérature. Je dis que l’Esprit et la vie
communiquent à tous les degrés. Je voudrais faire un Livre qui dérange les hommes, qui soit
comme une porte ouverte et qui les mène où ils n’auraient jamais consenti à aller, une porte
simplement abouchée avec la réalité.
Et ceci n’est pas plus une préface à un livre, que les poèmes par exemple qui le jalonnent ou
le dénombrement de toutes les rages du mal-être.
Ceci n’est qu’un glaçon aussi mal avalé.
Antonin Artaud, L’Ombilic des limbes
« Je ne crois plus aux poèmes »
Je ne crois plus aux mots des poèmes,
car ils ne soulèvent rien
et ne font rien.
Autrefois il y avait des poèmes qui envoyaient un guerrier se faire trouer la gueule,
mais la gueule trouée
le guerrier était mort,
et que lui restait-il de sa gloire à lui ?
Je veux dire de son transport ?
Rien.
Il était mort,
cela servait à éduquer dans les classes les cons et les fils de cons qui viendraient après lui et
sont allés à de nouvelles guerres
atomiquement réglementées,
je crois qu’il y a un état où le guerrier
la gueule trouée
et mort, reste là
il continue à se battre
et à avancer,
il n’est pas mort,
il avance pour l’éternité.
Mais qui en voudrait
sauf moi ?
Et moi, qu’il vienne celui qui me trouera la gueule
je l’attends.
Antonin Artaud
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