«Qu’est-ce que tout ceci, je te le demande ? Où en est-on ? Car je suis dans
les ténèbres. Nous tenons, dites-vous Cingulum ; nous avons perdu
Ancône ; Labienus a quitté César. Est-ce d’un général du peuple romain
que nous parlons ou d’un Hannibal ? Oh l’insensé, le malheureux, qui n’a
jamais entr’aperçu fut-ce l’ombre de la moralité ! Et, à l’entendre, c’est
son honneur qui l’engage à faire tout ce qu’il a fait ; mais où trouver
l’honneur, sinon dans la vertu ? Est-ce donc vertu que de garder une armée
en dépit d’une décision de la République ? De saisir des colonies pour se
frayer plus facile accès vers sa patrie ? De machiner abolitions de
créances, rappels d’exilés, mille autres crimes, tout pour la tyrannie,
divinité suprême… »1
Dans cette lettre à son ami Atticus datée du 20 janvier 49, Cicéron ne décrivait pas
son seul état d’esprit face au « crime » de César, pénétrant illégalement à la tête de ses
armées sur le territoire italien, mais celui de toute une classe dirigeante, les oligarques,
dans laquelle, lui, l’homo nouus, s’était fondu. Quel fut le « crime » de César ? Ne
s’agissait-il comme le pensait Carcopino2 que d’une question d’ambition ?
On admet, d’ordinaire, cette notion de « crise » du premier siècle qui vit la seconde
guerre civile de 49 à 44 opposant César au camp pompéien modifier l’organisation d’un
Empire. Rome dominait alors de nombreux territoires. Les vétérans attendaient d’être
1 Cicéron, Ad Att., VII, 11.
2 Carcopino, 1965. p. 254-255.