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LAURENT GOHARY
LA POLITIQUE COLONIALE DE CESAR EN
ESPAGNE
ENJEUX DES RESSOURCES NATURELLES ET
COLONISATION DANS LA GUERRE CIVILE. 49-44
AVANT J.C.
Mémoire présenté
à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en Histoire
pour l’obtention du grade de maître ès Arts (M.A.)
Département d’Histoire
FACULTÉ DES LETTRES
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
2005
© Laurent Gohary, 2005
Résumé
La République romaine au Ier siècle av. J.-C. fut secouée par de nombreux
conflits. La seconde guerre civile, de 49 à 44 av. J.-C., opposa César à Pompée puis à ses
fils. Au-delà d’un conflit entre deux ambitions politiques, des considérations
économiques et sociales entraient en jeu. L’Espagne, de ces points de vue, constitue un
exemple illustrant clairement ces enjeux. César, afin de contrebalancer l’importance de la
clientèle pompéienne dans les provinces ibériques, planifia l’implantation de colonies.
Elles ne furent pas toutes établies de son vivant. Néanmoins, certains éléments méritent
une étude comparative en fonction du contexte. La présence d’importantes zones
minières fut, on le pense, liée à l’âpreté des luttes dans ces provinces de Citerior et
d’Ulterior. Cette étude est fondée sur les sources littéraires classiques, des textes
épigraphiques, dont la loi d’Urso, et sur des études archéologiques.
3
Résumé _______________________________________________________________ 2
INTRODUCTION _________________________________________________4
CHAPITRE I ____________________________________________________21
GUERRE CIVILE ET CONTRÔLE DE L’ESPAGNE _____________________21
A. Les débuts de la guerre civile en Espagne._______________________________ 22
1. Enjeux stratégiques pour Pompée et pour César : contrôler l’Espagne ?__ 22
2. Stratégie de César en attaquant l’Espagne. ____________________________ 31
B. Q. Cassius Longinus et la gestion des ressources naturelles en Espagne. ______ 38
1. Les richesses minières de la péninsule Ibérique au Ier siècle av. J.-C.. ______ 38
2. Les exigences de César._____________________________________________ 46
C. La colonisation césarienne en Espagne _________________________________ 51
1. une difficulté de datation.___________________________________________ 51
2. Que sait-on des colonies césariennes ? ________________________________ 55
CHAPITRE II____________________________________________________67
L’EXEMPLE DE LA LEX COLONIAE GENETIUAE _____________________67
ET SA PLACE DANS LA LÉGISLATION AGRAIRE DE CÉSAR. __________67
A. La Lex Coloniae Genetiuae ___________________________________________ 68
1. Le matériau épigraphique.__________________________________________ 68
2. Qui fut le fondateur de la colonie d’Urso ?_____________________________ 72
B. La Lex Coloniae Genetiuae ; un acte fondateur. __________________________ 85
C. La place de la Lex Coloniae Genetiuae dans la législation agraire de César. __ 91
CONCLUSION _________________________________________________105
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE ___________________________________110
Bibliographie_______________________________________________________ 114
4
INTRODUCTION
«Qu’est-ce que tout ceci, je te le demande ? Où en est-on ? Car je suis dans
les ténèbres. Nous tenons, dites-vous Cingulum ; nous avons perdu
Ancône ; Labienus a quitté César. Est-ce d’un général du peuple romain
que nous parlons ou d’un Hannibal ? Oh l’insensé, le malheureux, qui n’a
jamais entr’aperçu fut-ce l’ombre de la moralité ! Et, à l’entendre, c’est
son honneur qui l’engage à faire tout ce qu’il a fait ; mais où trouver
l’honneur, sinon dans la vertu ? Est-ce donc vertu que de garder une armée
en dépit d’une décision de la République ? De saisir des colonies pour se
frayer plus facile accès vers sa patrie ? De machiner abolitions de
créances, rappels d’exilés, mille autres crimes, tout pour la tyrannie,
divinité suprême… » 1
Dans cette lettre à son ami Atticus datée du 20 janvier 49, Cicéron ne décrivait pas
son seul état d’esprit face au « crime » de César, pénétrant illégalement à la tête de ses
armées sur le territoire italien, mais celui de toute une classe dirigeante, les oligarques,
dans laquelle, lui, l’homo nouus, s’était fondu. Quel fut le « crime » de César ? Ne
s’agissait-il comme le pensait Carcopino 2 que d’une question d’ambition ?
On admet, d’ordinaire, cette notion de « crise » du premier siècle qui vit la seconde
guerre civile de 49 à 44 opposant César au camp pompéien modifier l’organisation d’un
Empire. Rome dominait alors de nombreux territoires. Les vétérans attendaient d’être
1
2
Cicéron, Ad Att., VII, 11.
Carcopino, 1965. p. 254-255.
6
libérés de leur service avec des lots de terres à exploiter, la plèbe démunie et entassée à
Rome espérait une législation agraire, les optimates 3 souhaitaient diminuer l’influence
des ambitieux, et, ceux-ci, ne songeaient qu’à être les « premiers ». Ne serait-il pas
réducteur de songer que seule l’ambition de deux hommes vit naître cette guerre civile,
une refonte des institutions, une extension de la romanité ?
L’Espagne fut, sans nul doute, l’un des théâtres les plus sanglants de ces années. Cet
exemple est-il représentatif d’une réorganisation cohérente en fonction des enjeux
politiques, économiques et sociaux de l’Empire de Rome ?
Jusqu’au milieu du IIIe siècle, Rome se consacra à la conquête de l’Italie du sud
du Pô, soumettant les cités et les peuples italiens, les cités hellénisées du sud de la
péninsule, pour imposer jusqu’au moment des guerres puniques un réseau complexe de
dépendance aux vaincus ou aux alliés (socii). Ce processus de romanisation s’accomplit
par différents procédés, notamment par la colonisation, processus qui consistait en
l’installation d’une communauté d’individus, citoyens romains, ou latins, sur le territoire
confisqué à une cité soumise 4. Il se trouvait deux types de colonies : celles de droit latin
et celles de droit romain. Elles étaient définies par le statut juridique que la charte de
fondation, initiant l’existence politique de toute colonie, accordait aux colons. Les
colonies latines disposaient d’une constitution particulière ; les citoyens de ces cités
indépendantes n’étaient pas de droit romain mais de droit latin. Ces cités, sujettes de
Rome, étaient souvent liées à certaines puissantes familles romaines qui les patronnaient,
leur donnant constitution et conservant, à titre privé, un pouvoir d’intervention dans la vie
publique de ces cités. Les citoyens romains qui étaient envoyés dans ces cités renonçaient
3
Suivant la définition de Lily Ross-Taylor (1977. p. 35-74), il s’agit d’un parti politique qui défend le
renforcement de l’autorité du Sénat au dépend de la plèbe et des démagogues. On ajouterait toutefois qu’il
serait réducteur de voir ce parti comme la réunion des patriciens défendant leurs intérêts mais plutôt une
catégorie de la nobilitas conservatrice et défendant d’importants privilèges économiques et sociaux ce qui
s’illustre par le fait que les membres de ce que l’on peut appeler un parti ont en commun la fortune. Des
patriciens fortunés comme les Cornelii ou les Valerii, ou encore des plébéiens comme les Domitii
Ahenobarbii ou les Metelli constituent les membres de cette faction. Les populares sont les opposants de
ces optimates. Ils sont constitués souvent de patriciens ruinés, comme César, Catilina, Clodius ou encore de
plébéiens comme Livius Drusus, Servilius Rullus ayant en commun de voir leur début de carrière marquée
par un manque de fortune et de se servir de moyens dits démagogiques par les conservateurs pour servir
leurs carrières.
4
Appien décrit la fonction des colonies romaines ainsi : « Alors que les Romains soumirent les peuples
d’Italie progressivement, il était dans leur habitude de confisquer une portion de leurs terres et d’y établir
des villes ou d’enrôler des colons à titre privé dans les villes de ces territoires. Ils les édifièrent en tant que
fortifications » (Appien, G. C., I, 7).
7
à leur citoyenneté romaine. Les colonies romaines, en revanche, étaient constituées de
citoyens de plein droit romain 5. A partir de la guerre sociale, on ne trouve plus de
fondations autres 6.
Au fur et à mesure de l’avancée romaine, qualifiée d’impérialisme romain, à travers
l’espace méditerranéen, les territoires obtinrent différents statuts amorçant ainsi un
processus de romanisation. La notion d’impérialisme romain est discutée dans
l’historiographie moderne 7. Peut-on parler ou non d’impérialisme concernant la politique
extérieure romaine ? Il est en tout cas un fait indiscutable ; Rome a étendu sa domination
sur l’espace méditerranéen à partir du IIIème siècle, les premières implantations
romaines, de droit latin, précisons-le, furent établies en Espagne 8 ; il s’agissait par
ailleurs de la première colonisation massive en dehors de l’Italie 9.
Les Romains conquirent l’Espagne après la seconde guerre punique en 206 av. J.C., une partie de l’Africa à partir de la chute de Carthage en 146, puis de la Grèce, entre
198, date de la victoire de Flaminius sur les Macédoniens, et 146, date de la prise et
destruction de Corinthe. Le legs du roi Attale III de Pergame en 133 marque,
traditionnellement, le début de l’extension de Rome vers l’Asie ; en 64, après les
campagnes de Pompée et les campagnes de César contre Pharnace, roi du Pont en 47,
On dispose de plusieurs définitions des coloniae et ce dès l’antiquité. Selon l’arpenteur Hygin l’Arpenteur
(140, 16-20 Thulin=176, 1-6 Lachmann), le terme colonia signifie en une mise en communauté de coloni,
c'est-à-dire de cultivateurs. On peut donc légitimement supposer que le sens pris par le terme de colonia est
celui d’une communauté de cultivateurs établie à des fins d’exploitation d’un territoire. Avec l’expansion
territoriale de Rome et l’accroissement de la population proprement romaine, apparaissait la nécessité
d’exploiter les richesses des territoires conquis. Les productions agricoles, minières et autres permettaient
de nourrir la Ville et son expansion sur l’Œkoumène. Le terme de colonus viendrait du fait que les colons
exploitent et habitent les terres. Ce qui nous renvoie au verbe colere qui signifie à la fois habiter et
exploiter. On dispose d’une autre définition donnée par l’arpenteur Siculus Flaccus (99, 9-12 Th=135, 2023 La) : les colons étaient envoyés dans les municipes (villes soumises à Rome et ayant un statut plus ou
moins autonome selon les cas) afin de contrôler les anciens peuples locaux, les colonies servaient d’avant
postes défensifs ; donc un rôle militaire leur était aussi associé. On peut supposer qu’il s’agit en réalité
d’une combinaison de ces deux notions donc d’un rôle à la fois défensif et à des fins d’exploitation. Il
s’agissait, comme le considérait Aulu Gelle (N.A., XVI, 13, 9) de reproductions de Rome du point de vue
du statut légal ayant les mêmes institutions, des magistrats ayant des rôles comparables à ceux de l’Urbs.
Bien que ces auteurs écrivent entre le Ier et le IIème siècle de notre ère, le statut de colonia semble avoir
constitué une sorte d’étape dans le processus de romanisation d’un territoire. (Salmon, 1969, p. 13-19 ;
David, p. 153-176)
6
« Vingt-trois ans après, ce fut Eporédia, chez les Bagiennes, l'année où Marius consul pour la sixième fois
eut comme collègue Valérius Flaccus. Il ne me serait pas facile de citer des colonies établies après cette
date, si ce n'est des colonies militaires. » Velleius Paterculus, I, 15, 5
7
Hermon, 1982, p. 437-448; 1989a); Hermon, 1989b ; Hermon, 1994 ; Lintott, 1981, p. 53-67 ;
Richardson, 1986); Richardson, 1991; Harris, 1979.
8
On trouvera un rappel des discussions concernant la nature et l’ampleur de l’impérialisme romain à
travers l’étude de l’exemple espagnol dans : Garcia Moreno, 1987 p. 211-243.
9
L’établissement des Romains à Tarraco date de 217 av. J.-C. (Alföldy, 1981, p. 1-12 ; Martinez Gazquez,
1983, p. 73-86. L’établissement d’Italica en 206 est considéré comme la première fondation romaine de
droit latin dans la péninsule (Pena, 1983, p. 247-258).
5
8
l’Asie entre sous la domination romaine. Et le modèle italien fut progressivement étendu
aux provinces 10. La colonisation avait un aspect, signalons le, fondamentalement lié 11 au
développement de ce que l’on peut appeler l’impérialisme. Le modèle italien 12 de
colonisation fut mis au service de la politique d’appropriation des territoires et des
ressources naturelles à travers l’Empire. Le phénomène de colonisation romaine se
modifia à partir de la fin du IIe siècle av. J.-C. ; les fondations se firent plus fréquentes, et,
pour des raisons économiques, parfois, hors d’Italie, comme ce fut le cas, nous le
pensons, pour l’Espagne. La première fondation romaine, avortée, hors d’Italie fut celle
de la colonie de Junonia en 122 fondée par Caius Gracchus sur le territoire de Carthage13;
puis eut lieu en 118 la fondation de Narbo Martius en Gaule Transalpine 14. Parmi les
programmes des populares, les colonies de Gracchus et César qui eurent le plus de
succès, notamment celles de Corinthe, étaient destinées à fournir des terres aux pauvres,
ainsi qu’aux vétérans pour le cas de César, et à réhabiliter des régions à l’abandon.
D’autres colonies, comme celles de Sylla ou encore celles de l’époque triumvirale, furent
créées essentiellement pour distribuer des terres aux vétérans. La colonisation est
intimement liée à la question agraire15. Tiberius Gracchus en 133 16, Caius Gracchus en
122 17, L. Apuleius Saturninus, en 103-100 av. J.-C., eurent en commun de mener une
politique dite « démagogique » par les défenseurs de l’oligarchie sénatoriale, ces derniers
possédant souvent de vastes propriétés en Italie et une clientèle liée à leurs possessio 18.
10
Pour une présentation plus approfondie du phénomène de colonisation lié à l’extension du territoire
contrôlé par Rome on peut se référer à la bibliographie suivante: Kornemann, R.E. 4, 567 ; Vittinghoff,
1952. p. 65 et suivantes; Salmon, 1969, p. 7-21 ; Gargola, 1995, p. 25-50.
11
Hermon, 1982, p. 437 et suivantes.
12
David, 1997.
13
Au sujet de la tentative de fondation de la colonie sur le site de Carthage et de l’opposition à ce projet :
Berti, 1990, p.69-75.
14
Hermon, 1976, p.229-239.
15
Cette question fit son apparition avec Spurius Cassius, dès 486. Tite-Live (II, 41, 3) nous dit à ce sujet
qu’ « ainsi fut donnée la première loi agraire : jamais, depuis cette époque jusqu’à nos jours, la chose n’a
été reprise sans amener de grands désordres ». Cette question fut notamment reprise par le tribun de la
plèbe C. Flaminius en 232 puis préteur en 227, et finit par exercer la magistrature suprême en 223 et en
217. Il est connu pour avoir, entre autres proposé une loi agraire contre l’avis du Sénat. Il proposait déjà
une distribution viritane des terres de l’ager Gallicus et de l’ager Picenus (Polybe, 2.21.7-.8 ; Cicéron, Sen.
11 ; Inv. 2.52 ; Acad. 2.13). La question agraire avant l’époque des Gracques est particulièrement traitée
dans : Hermon, 1994 ; Hermon, 2001.
16
Badian, 1962, p. 197-245; Badian, 1972, p. 235-242; Nicolet, 1965, p.142-159) ; Nicolet, 1971; Hermon,
1976b, p. 179-186.
17
Hermon, 1982b, p. 258-272.
18
Il s’agissait, non pas d’une pleine possession au sens où l’on est tenté de l’entendre, mais d’une
possession juridique « qualifiant le statut de la terre publique du peuple romain lorsque celle-ci est louée,
par contrat à un adjudicataire (qui occupe une terre contre redevance) qui s’engage à verser un vectigal à la
Res Publica » (Chouquer/Favory, 2001, p. 452).
9
Ces démagogues soulevèrent fréquemment, sans grand succès jusqu’à César, la question
agraire ; il s’agissait de partager les terres entre une partie des citoyens romains les plus
pauvres en reprenant les terres de l’ager publicus, occupées, de fait et illégalement, par
les plus riches possédants. Cette question agraire, représentant un enjeu primordial autant
pour les populares que pour les optimates était devenu une raison et un moyen, pour les
démagogues, de déstabilisation de l’état. En 91 avant av. J.-C., la guerre sociale débuta,
provoquant un profond changement institutionnel dans l’organisation de l’Italie. Les socii
ayant combattu aux côtés des Romains au cours des guerres romaines aspiraient, soit à
une émancipation de l’emprise de Rome, soit à détenir le privilège juridique suprême : le
droit de cité romaine. A la fin de la première guerre civile, Sylla, en vertu de sa dictature
abolit les privilèges des tribuns, muselant ainsi ceux que l’on nommait les démagogues.
Pompée et Crassus lors de leur consulat de 70 avant av. J.-C., restaurèrent, par souci de
temporisation ou de popularité, les pouvoirs des tribuns, permettant ainsi la reprise de ces
tentatives de législations agraires. Les dernières tentatives étant celle des tribuns P.
Servilius Rullus sous le consulat de Cicéron en 63 19 et L. Flavius en 60 20. Les
programmes agraires des « démagogues » ne purent aboutir avant le consulat de César en
59.
Quelle fut la raison de ce changement ? Y eut-il une mutation des pratiques
politiques ? Une innovation du point de vue du programme et de son application ?
Sans doute peut-on le penser. César mena son consulat « comme le plus audacieux des
tribuns » nous dit Plutarque 21 ; il gouverna, non pas, comme l’usage constitutionnel
romain l’imposait, par l’entremise du Sénat, mais en présentant ses projets directement
devant l’assemblée de la Plèbe sans ratification par le Sénat. 22 Il s’agissait alors de lotir
Cic., Att., 16, 1. (Lettre XLIII) ; Cic., De Leg. Agr. Cicéron présente les discussions au sujet des réformes
proposées par Rullus, auxquelles il s’était opposé, suivant en cela le Sénat. On peut y constater la vive
opposition des Patres (sénateurs) défendant les intérêts de l’oligarchie conservatrice. La proposition
agraire de Rullus consistait en l’élection pour cinq ans d’une commission de decemviri avec Imperium pour
fonder des colonies et assigner des terres publiques en Italie et dans les provinces en utilisant les butins et
les fonds publics pour racheter les terres (Cic., Leg., Agr., I, 2-3 ; Att., 2, 1, 3 ; Pline, H.N., 7, 117 ; 8, 210 ;
Plut., Cic., 12, 2-5 ; Dion Cassius, 37, 25, 4).
20
Cette proposition prévoyait plus précisément le lotissement des vétérans de Pompée. Elle prévoyait
également la distribution du territoire d’Arretium et de Volaterrae resté en possession des anciens
propriétaires malgré les confiscations syllaniennes, et de terres à acquérir à l’amiable avec le vectigal des
provinces orientales sur cinq ans, à « tous les citoyens » (Cic., Att., I, 18, 4-5 ; I, 19, 4 ; II, 1, 6-8 ; Dion,
XXXVII, 50). Cicéron la fit d’abord amender au Sénat puis elle fut retirée.
21
Plut., Caes., 14, 2.
22
Dion Cassius, XXXVIII, 4.
19
10
les vétérans de Pompée 23 revenus d’Asie et en même temps, et c’est là la nouveauté, cette
classe sociale des proletarii concernés par les propositions agraires précédentes.
C’est à partir de 49 qu’il put et dut, comme nous l’apercevrons dans cette étude,
reprendre ce programme agraire, en lotissant ses vétérans en même temps que des
proletarii, plèbe urbaine dépendante de distributions frumentaires qu’il escomptait
diminuer 24. La fondation de colonies pour lotir des vétérans n’était pas une nouveauté.
Peu avant le début du Ier siècle avant av. J.-C., Marius réforma l’armée. Il organisa une
nouvelle forme de recrutement issue du volontariat et plus guère en fonction du census,
en fonction de la fortune 25. Dès lors les soldats engagés attendaient de leurs généraux non
seulement des récompenses en butin mais également des lotissements. Marius, après ses
campagnes, fut des premiers à lotir des vétérans de ce nouveau système social de
recrutement 26. Sylla en fit de même en Italie, puis Pompée, grâce au soutien de César. La
plus importante vague de lotissement de vétérans fut le fait de ce dernier entre 49 et 44,
avant les assignations d’Auguste. La colonisation que le dictateur envisagea ne fut pas
achevée avant son assassinat aux Ides de mars 44 mais par les triumviri rei publicae
constituendi en place à partir du 11 novembre 43 : Octave, neveu et héritier de César,
Antoine, l’ancien lieutenant de César et Lépide, son second maître de cavalerie. La
colonisation césarienne concernait l’Italie et les provinces. On peut constater, dès à
présent, une donnée intéressante ; il y eut plus de colonies fondées dans la péninsule
ibérique que dans les autres régions de l’Empire 27. Ces provinces espagnoles, Ulterior et
Citerior semblent fortement concernées par la colonisation. Quelles en furent les
23
La première loi agraire que proposa César, outre le lotissement des vétérans, consistait à partager les
terres de l’ager publicus excepté la Campanie et à les distribuer en priorité aux vétérans de Pompée,
comme prévu, en fondant des colonies en Italie. La seconde loi agraire de son consulat promulguée
quelques mois plus tard intégrait le territoire campanien aux redistributions (Suétone., Diu. Iul., XX, 3 et
5).
24
Suétone, 41, 1.
25
Nicolet, 1976. p.72-84 ; 173-199.
26
Au sujet de Saturninus, voir : Hermon, 1976.
27
Des colonies furent fondées en Italie, en Illyrie (Byllis, Epidaure), en Grande Grèce (Corinthe, Cnossos
Dyme, Pella), en Asie (Amisus, Apamea Myleia, Cyzique, Heraclea Pontica, Lampascus, Parium, Synope),
en Afrique (Carpis, Concordia Iulia Carthago, Iulia Clupea, Iulia Curubis, Hadrumetum, Hippo
Diarrhytus, Neapolis, Thapsus, Thysdrus, Utica), en Espagne (Claritas Iulia Ucubi, Corduba, Hasta Regia,
Iulia Genetiua Urbanorum, Iulia Romula Hispalis, Iulia Victrix Carthago Noua, Iulia Victrix Triumphalis
Tarraco, Metellinum, Munda, Nabrissa, Norba Caesariana, Pax Iulia, Praesidium Iulium Scallabis, Virtus
Iulia Itucci) en Gaule (Arelate, Iulia Baeterrae Septimanorum, Iulia Equestris Noviodunum, Narbo
Martius, Valentia). Les colonies que nous venons d’énumérer ne sont que celles qui sont le plus
communément admises comme césariennes. Il est particulièrement délicat, dans certains cas, de définir
quelles sont celles que l’on puisse attribuer à César ou aux triumviri qui reprennent son programme agraire
après sa mort en 44. On peut se fier généralement au travail de P. A. Brunt (1971. p. 255-259). Concernant
l’Italie, elles sont clairement énumérées et leurs fondations analysées par Keppie (1983).
11
raisons ? S’agit-il d’enjeux stratégiques et économiques ? Quelle fut l’implication de
César dans cette œuvre d’envergure ?
L’Espagne représentait un enjeu de taille depuis la première fondation coloniale
de Corduba en 206 avant av. J.-C. par Scipion qui lotit ses vétérans dans une colonie de
droit latin. Les Carthaginois, depuis la première guerre punique avaient compris l’enjeu
que pouvait représenter le contrôle des ressources minières espagnoles, les plus
importantes en Méditerranée. Hannibal, à la veille de la seconde guerre punique, avait pu
grâce à l’exploitation de ces ressources naturelles s’allouer les services des fameux
mercenaires celtibères et gaulois. Par la suite, la campagne de M. Porcius Cato 28 en 197
avant av. J.-C., entraîna une nouvelle organisation juridique de l’exploitation minière
ainsi qu’une nouvelle administration provinciale. L’Espagne fut alors réorganisée en
deux provinces distinctes : Hispania Ulterior (sud de la péninsule correspondant à
l'actuelle Andalousie) et Hispania Citerior (côte maritime orientale). Il demeurait
toutefois des risques de soulèvements des populations indigènes ; par ailleurs, on a peutêtre mésestimé la question de l’appropriation des ressources naturelles par les Romains
dans les causes de soulèvements des cités et des tribus, lesquels se prolongèrent jusqu’à
Auguste. Le père des Gracques, Tiberius Sempronius Gracchus, tenta de la pacifier par
une campagne victorieuse en 179 avant av. J.-C., ce qui lui permit de se constituer une
vaste clientèle en Espagne. En 154, les soulèvements indigènes reprirent, et Numance
résista aux Romains pendant neuf ans pour tomber face à Scipion Emilien, en 133. Les
Romains occupaient alors près des deux tiers de la péninsule, le nord et le nord ouest
demeurant difficiles à conquérir. Les mines, initialement du moins, furent propriété de
l’Etat, ce que l’on nomme ager publicus ; elles furent, au départ, affermées par des
sociétés de publicains, hommes d’affaires constitués essentiellement de membres de
l’ordre équestre. Ceux-ci s’installèrent rapidement dans les colonies latines et les
municipes du sud et de l’est de la péninsule ibérique, gérant leurs affaires fructueuses par
l’entremise d’affranchis. A partir de ce moment, les Espagnes connurent une relative
période de paix jusqu’au moment des guerres civiles du Ier siècle av. J.-C. et l’arrivée de
Sertorius en 80 avant av. J.-C.. Il était un partisan de Marius, contre le parti de Sylla et fut
combattu par le jeune et prometteur Pompée, jusqu’à l’assassinat du « séditieux » en 72
par un de ses propres lieutenants. Quant à Pompée, ces campagnes lui permirent de se
Tite-Live, 34, 46, 2-3, Plut., Cat. Mai., 11, 3. On pourra trouver une étude complète à ce sujet dans :
Martinez, 1974.
28
12
constituer une importante clientèle locale 29 autant parmi les notables espagnols et les
tribus locales que parmi les chevaliers romains et les autres élites municipales romaines
installées en Espagne. La propréture de César se fit en Espagne Ultérieure, ce qui lui
permit de créer également des liens parmi ces élites, sans toutefois pouvoir rivaliser avec
l’importance de Pompée, lequel s’en était constitué un véritable fief. Les provinces
espagnoles pouvaient dès lors représenter un terrain de rivalité entre les deux futurs
protagonistes de la seconde guerre civile.
Le cadre chronologique de notre étude se situe pendant ce moment crucial de
l’histoire de la République romaine tardive, entre 49 et 44 avant av. J.-C.. Nous
limiterons notre étude à l’étude de la colonisation de la péninsule ibérique durant la
guerre civile en Espagne et la dictature de César.
Notre étude sera fondée sur la convergence de deux champs de recherches :
l’approche par les sources écrites, tant littéraires qu’épigraphiques, et les études
archéologiques concernant les ressources naturelles.
En premier lieu, concernant l’histoire politique et institutionnelle de la colonisation en
général, l’ouvrage récent de D. Gargola 30 nous permet de comprendre l’aspect juridique
et légal de la fondation d’une colonie depuis l’étape du vote d’une loi coloniale jusqu’à
l’établissement matériel. L’étude un peu plus ancienne de E. T. Salmon 31 demeure utile
pour appréhender la place de la colonisation césarienne dans l’histoire de la Rome
républicaine. Les processus de fondation sont étudiés de manière plus factuelle et moins
thématique que dans l’étude récente de Gargola, mais on y trouve un cadre chronologique
général de la colonisation républicaine. P. A. Brunt, dans son étude incontournable pour
toute question ayant trait à la démographie 32, dresse d’importantes analyses concernant
les citoyens envoyés dans les colonies depuis les guerres puniques jusqu’à l’époque
29
Il est important de nuancer ce point. On dispose de quelques éléments qui permettent de supposer que les
liens des Pompeii avec l’Espagne ne débutèrent pas avec Cnaeus Pompée, l’adversaire de césar à Pharsale,
mais bien avant. Le père, Pompée, Strabon, au cours de la guerre sociale, fit appel à des mercenaires
espagnols, les libienses, originaires de la cité de Libia. Ils nous sont connus par la liste des cavaliers de la
Turma salluitana. Ils furent présents au siège d’Asculum. En récompense de leur services, Strabon leur fit
accorder la pleine citoyenneté romaine. Ce qui peut sans doute expliquer le soutien, deuotio ibérique, qu’ils
offrirent à son fils durant la guerre contre Sertorius (=Roddaz, 1988, p. 323-324)
30
Gargola, 1995.
31
Salmon 1969.
32
Brunt, 1971.
13
augustéenne. Il propose des estimations concernant les effectifs des troupes engagées
sous les aigles pompéiennes et césariennes. On trouve également des estimations
démographiques dans l’étude de A. J. N. Wilson 33 concernant les populations italiennes
et romaines dans les colonies et les municipes.
Afin de comprendre les circonstances de la création des premières clientèles
pompéiennes, on doit remonter à la première guerre civile 34. L’épisode du contrôle des
provinces ibériques par Q. Sertorius, partisan de Marius qui lui survécut et tint tête à
l’oligarchie sénatoriale restaurée par Sylla, est incontournable pour comprendre le
contexte des années 70 à 44 en Espagne. Cet aspect est étudié essentiellement par A.
Schulten, à qui l’on doit, par ailleurs, une biographie de Sertorius 35. Signalons également
pour appréhender l’aspect évènementiel de l’épisode sertorien l’étude de P. O. Spann 36.
La question de la colonisation romaine césarienne en Espagne a été étudiée par Garcia y
Bellido 37. Une étude exhaustive des fondations romaines fut réalisée à partir d’une
analyse littéraire et épigraphique mais négligeant, forcément les récents résultats
archéologiques. J. M.Blasquez 38 envisageait, quant à lui, une ouverture vers l’étude de la
romanisation à travers la question des municipes et des colonies fondées par César et
Auguste. Il considérait déjà qu’à la fin de la République les provinces ibériques étaient
plus romanisées que d’autres provinces comme l’Afrique en raison de la présence des
zones minières qui nécessitaient des travaux d’aménagement et le maintien d’importantes
troupes. Néanmoins les travaux de C. Domergue, que nous exposerons plus loin, en la
matière complètent considérablement, grâce à l’évolution des techniques de fouilles, les
résultats que l’on peut tirer à partir de la même hypothèse : la nécessité pour Rome
d’implanter des éléments institutionnels de contrôles (praesidia, municipia et coloniae)
pour faciliter et sécuriser l’exploitation économique. M. A. Marin Diaz 39 a tenté d’établir
une périodisation suivant l’évolution de la politique de colonisation du monde romain
pendant la période précédant l’arrivée de César. L’importance de l’enjeu économique de
la péninsule ibérique apparut bien avant le Ier siècle. G. Garcia Chic 40 avait démontré que
33
Wilson, 1966.
Badian, 1978 ; Deniaux, 1990.
35
Schulten, 1949.
36
Spann, 1987.
37
Garcia y Bellido, 1959.
38
Blázquez, 1962, p. 5 – 26.
39
Marin Diaz, 1988; 1991, p. 133-152.
40
Chic García, 1978a, p. 233-242. On peut voir également García, 1984, p. 201-227. Au sujet de
l’importance économique des provinces ibériques, on pourra se référer à Chic García, 1985, p. 277-299.
34
14
l’implantation carthaginoise, après la perte d’influence en Sicile et en Sardaigne après la
première guerre punique, dans la vallée de l’Ebre était motivée par une volonté de faire
renaître la puissance économique et militaire de la cité punique, les richesses minières n’y
étant évidemment guère étrangères. N. Dupré 41 allait également dans ce sens en analysant
la politique des Scipions vis-à-vis des tribus installées dans la vallée de l’Ebre. Il
s’agissait dès lors des prémices d’un réseau clientélaire entre une gens et des
communautés indigènes. Les zones minières représentaient sans doute l’une des raisons
du contrôle de la région par les Romains. Les études de C. Domergue, plutôt d’ordre
archéologique, traitant des différents aspects des exploitations minières de la péninsule 42
pourront nous renseigner sur la question de ces ressources naturelles. Nous avons des
raisons de penser que l’enjeu des ressources constituait une motivation à mieux contrôler
la péninsule, soit au moyen de la colonisation sur une longue période, soit en la
considérant comme un enjeu stratégique sur une courte période de crise, ce qui est le cas
pour la période qui nous intéresse.
Concernant le dernier aspect environnemental, nous nous fonderons sur les travaux qui
permettent de retracer la transformation du paysage à la fois en fonction des installations
coloniales et des ressources naturelles.
Dans l’article de C. Domergue et de G. Hérail 43, on constate l’intérêt pour notre domaine
de coordonner des nouveaux modes d’études techniques archéologiques avec les études
classiques des sources. Il y est question de l’utilisation de la photographie aérienne
oblique en archéologie et géomorphologie minières ; il y est question des mines d'or
romaines du nord-ouest de l'Espagne. Bien que ce ne soit qu’à l’époque augustéenne que
Bien que l’étude se situe peu après notre période, les structures administratives et économiques qui se
mirent véritablement en place à partir d’Auguste trouvent leur origine dès l’époque césarienne. Il y est
question de l’augmentation de la masse monétaire par Auguste. Ce dernier encouragea les investissements
ainsi l’organisation de l’appareil économique de la province de Bétique, l’étude de la monétarisation étant,
à ce titre, révélateur. Ainsi, ce fut à partir de cette période que les monnaies indigènes disparurent pour
céder la place à une monétarisation unique interprovinciale.
41
Dupré, 1981, p.121-152.
42
Domergue, 1972, p. 499-548. Un cas illustre bien également l’importance de la région sous les julioclaudiens ; il s’agit de l’étude de quatorze lingots pourvus d'estampilles représentant douze ou treize
poinçons différents. La plus importante de ces inscriptions est au nom d'un L. Valerius a commentariis, qui
pourrait avoir été un affranchi de Messaline, épouse de Claude. Il est infiniment probable que ces lingots
proviennent des mines d'étain de Lusitanie ou d'Espagne citérieure. (Domergue et alii, 1975, p. 61-94).
Dans un autre article (Domergue et alii, 1974 p.119-137), Domergue a analysé des lingots de type
républicain portant tous la même marque. Ils furent trouvés en Italie centrale, aux Baléares, en Corse et
près de la côte varoise, ils datent du milieu du Ier s. av. J.C. et proviennent des mines d'Espagne, tout en
ayant pu être chargés ailleurs. On peut surtout se référer à sa thèse (1988)
43
Domergue C., Hérail G., « L'utilisation de la photographie aérienne oblique en archéologie et
géomorphologie minières. Les mines d'or romaines du nord-ouest de l'Espagne », Prospections aériennes,
Paris, 1983, p. 89-103.
15
cette région entre dans les territoires contrôlés par Rome, on peut signaler cette étude qui
propose une méthode d’approche pour approfondir notre champ de recherche dans une
perspective, si l’on peut dire, plus large.
L'exploitation des gisements aurifères du Nord-Ouest de la Lusitanie a commencé au plus
tard dans le courant du Ier s. et l'usage traditionnel du sol a permis ensuite une
conservation exceptionnelle des structures minières : réseau hydraulique, excavations
résultant de l'extraction du minerai, zones d'évacuation et d'accumulation des déblais.
Dans la zone d'El Cabaco, l’étude du site de Fuente de la Mora se révèle éclaire sur le
rôle de ces mines dans la restucturation territoriale du secteur et dans l'exploitation de ses
ressources. L’étude de M. Ruiz del Árbol et de F. J. Sánchez-Palencia 44 est également
conduite à partir de photographies aériennes, de relevés topographiques et des données de
plusieurs sondages. Par ailleurs, le lien entre les exploitations minières et l’organisation
des réseaux hydriques a été également analysé par C. Domergue 45 concernant les mines
de Lusitanie.
Comme on peut le constater, la question des ressources minières, à travers les
études techniques, peut sans doute être liée à une volonté d’occupation de territoire, au
moyen, par exemple, de la colonisation.
La colonisation césarienne en Espagne, de 49 à 44 avant av. J.-C., s’est-elle
déroulée en fonction d’enjeux environnementaux ? La gestion des ressources naturelles,
comme les richesses minières, a-t-elle motivé l’implantation de colonies dans des zones
d’importance stratégique majeure ?
La problématique qui guidera notre étude consiste à déterminer quelles sont les
données environnementales à laquelle est liée, si cela est toutefois le cas, la colonisation
romaine en Espagne. Comme nous l’avons déjà constaté, le nombre de colonies fondées
sur l’initiative de César est remarquablement important dans la péninsule ibérique.
Quelles peuvent être les raisons d’une telle organisation ? En quoi consiste la
colonisation d’un point de vue juridique et géostratégique ?
Pendant la guerre civile, ces zones représentaient également un enjeu de contrôle
pour les factions protagonistes comme nous tâcherons de le montrer. Quels sont les
44
45
Ruiz del Árbol, 1999, p. 213-221.
Domergue, 1986b. p. 109-119.
16
éléments environnementaux et politiques qui motivèrent l’implantation de colonies
romaines par César à l’époque de la seconde guerre civile de 49 à 44 avant av. J.-C. ? En
quoi consiste précisément d’un point de vue politique, économique et social la
colonisation d’un site à l’époque césarienne ?
On a pu remarquer précédemment, de par ce que l’on sait de la colonisation
césarienne, que le nombre de colonies fondées par César en Espagne est nettement plus
important que celui des colonies fondées dans le reste de l’espace méditerranéen. On peut
émettre l’hypothèse suivante : la gestion des richesses minières serait à l’origine de
l’implantation de ce grand nombre de colonies. Elles sont situées dans des zones
d’importance stratégique. On remarque que plusieurs colonies césariennes comme Iulia
Victrix Triumphalis Tarraco, Iulia Victrix Carthago Noua, et plus spécifiquement Iulia
Romula Hispalis sont situées d’une part au carrefour de plusieurs réseaux routiers 46 et
d’autre part dans des zones portuaires. Dans le contexte de la seconde guerre civile, le
contrôle des ressources naturelles espagnoles pouvait sans doute s’avérer un enjeu
d’importance.
Il serait fort peu original de préciser que la plupart des sources littéraires que nous
étudions en histoire ancienne sont peu fiables de par la partialité de leurs auteurs ainsi
que de par les liens de ceux-ci avec le pouvoir. Certaines informations, étant donné les
enjeux politiques au moment de leur rédaction, ont pu disparaître. Néanmoins une rigueur
d’analyse des textes comparés à des données vérifiables sur le terrain comme
l’archéologie et les données environnementales par l’étude des cartes peuvent nous
renseigner sur les conditions environnementales 47.
Tâchons donc de présenter, en premier lieu, les sources littéraires classiques 48. En
ce qui concerne les sources contemporaines des évènements entre 49 et 44 avant av. J.-C.,
nous disposons en tout premier lieu des écrits de César (100-44 avant av. J.-C.) lui-même.
On y trouvera des indices des enjeux géostratégiques qui déterminent la colonisation. Les
trois livres du Bellum Ciuile ou Commentarii de bello ciuili semblent écrit par César lui46
Sillières, 1990.
Elles sont prise en compte dans l’atlas Barrington de R. Talbert dont nous avons extrait plusieurs cartes
de ce mémoire.
48
Les textes littéraires et leurs traductions sont extraits des éditions que nous signalons en fin de mémoire.
Nous préciserons par l’abréviation [trad. pers.] lorsque nous proposerons des traductions personnelles
adaptées en fonction du contexte historique permettant ainsi de mieux éclairer le propos.
47
17
même. 49 On consultera également le Bellum Alexandrinum qui porte sur les évènements
en Espagne durant la campagne en Orient ainsi que le Bellum Hispaniense dont les
auteurs ne sont pas clairement déterminés.
Parmi les autres sources contemporaines qui nous renseignent sur le contexte le
corpus cicéronien est incontournable. Ciceron (106-43 avant av. J.-C.), orateur
d’exception, a mis par écrit la plupart de ses discours, ce qui représente une source
d’information non négligeable sur les problèmes juridiques et politiques de la fin de la
République. Les discours Contre la loi agraire (De Lege agraria), où il s’opposa au
projet agraire de P. Servilius Rullus pour distribuer des terres aux proletarii, plèbe
urbaine de Rome, témoigne du contexte de la législation agraire à la fin de la République
ainsi que sur les modalités juridiques et pratiques d’une fondation coloniale. Nous
utiliserons également de façon plus ponctuelle d’autres discours qui peuvent nous
renseigner soit sur la situation en Espagne soit sur la question de la colonisation
césarienne comme les Philippiques. Une autre source cicéronienne est essentielle pour la
période ; il s’agit de la Correspondance (Ad Familiares, écrites à ses amis, et Ad Atticum,
à son ami le plus proche). Dans ses correspondances on trouvera de nombreuses
informations précises sur certaines situations en Espagne notamment pendant la guerre
civile. Cette source, plus que les autres, est à utiliser avec grande précaution, d’une part
car il s’agit d’une source évidemment partiale et d’autre part car les renseignements sur
lesquels se fonde parfois l’auteur sont erronés étant donné les difficultés de
communications aggravées par la guerre civile. On peut également penser qu’avant la
Il y relate les deux premières années (49-48 av. J.-C.) de la guerre civile. Le Livre I relate les évènements
qui se déroulent entre l’ordre donné par le Sénat à César de licencier ses armées, et la capitulation des
lieutenants de Pompée en Espagne après Ilerda. Le Livre II concerne la suite des évènements de l’année 49,
de la fin du siège de Marseille jusqu’au récit de la campagne désastreuse de Curion, lieutenant de César, en
Afrique. Le Livre III retrace les évènements de l’année 48, des premières escarmouches entre César et
Pompée en Epire jusqu’à la fuite de ce dernier à Alexandrie et l’aperçu de la situation politique en Egypte
qui aboutit à la guerre d’Alexandrie. Les trois commentaires qui suivent ceux de la guerre civile ne sont pas
considérés comme étant écrit par César lui-même, mais par un de ses lieutenants. Il s’agit de la seule
certitude que l’on ait concernant l’auteur des commentaires qui pourrait en outre être Hirtius, Asinus
Pollion ou un autre membre de l’état major. Dans le Bellum Alexandrinum, l’auteur retrace les évènements
relatifs à la guerre d’Egypte tout en évoquant également la dégradation espagnole, les provinces ibériques
étant confiées à Q. Cassius Longinus. Le Bellum Africum est un bref journal des quatre mois de guerre en
Afrique. On y trouve peu d’élements nous renseignant sur l’Espagne. Le dernier livre des commentaires
pseudo-césariens est le Bellum Hispaniense qui entre pleinement dans le sujet qui nous intéresse. Il y est
décrit la dernière campagne de César contre les fils de Pompée, Cneus et Sextus qui sont défaits à Munda le
17 mars 45 av. J.-C.. La qualité du latin utilisé laisse entendre qu’il pourrait s’agir d’une mauvaise
retranscription des manuscrits qui nous soient parvenus, ou encore que l’auteur de ce livre ne soit un soldat
ou un sous-officier. C’est dans ce dernier livre que l’on trouve des évocations du peuple d’Urso et de son
attitude vis-à-vis du vainqueur de Munda, ce qui nous préoccupera directement un peu plus loin.
49
18
publication de ces correspondances 50, une certaine censure fut appliquée à ces
correspondances.
On
trouvera
donc
difficilement
certains
éléments
pouvant
compromettre d’une façon ou d’une autre l’image augustéenne.
On dispose également de sources plus tardives sur lesquelles nous nous fonderons
concernant la partie environnementale de notre étude.
Le géographe et historien grec Strabon (64 av. J.-C.- 24 ap. J.-C.) acheva d’écrire sa
Géographie sans doute en 7 av. J.-C. ; cette longue et précieuse étude est destinée avant
tout aux hommes politiques comme il le précise lui-même. Sa Géographie s’appuie sur
les travaux d’Erathostène de Cyrène (vers 285 – vers 194 av. J.-C.) dont seules des
citations nous sont parvenues. Le Livre III de la géographie de Strabon nous intéressera
puisqu’il porte sur les provinces ibériques à travers la morphologie des territoires et les
colonies qui s’y trouvent.
On sait peu de choses sur Pomponius Mela sinon qu’il fut l’auteur, vers l’an 43
ap. J.-C., sous le règne de Claude, du plus ancien ouvrage latin de géographie qui nous
soit parvenu. Le De chorographia nommé également De situ orbis sera pour notre étude
une source précieuse à travers les descriptions très détaillées des pays, principalement de
l’Espagne, d’autant plus fiable que notre auteur en est lui-même originaire.
Pline l’ancien (23-79 de notre ère), dans sa Naturalis Historia, nous apporte des
informations précieuses et multiples, ce qui reflète l’intérêt exceptionnel de l’auteur pour
toute forme de connaissance, sur certains éléments de notre étude. Plus précisément, les
Livres III à VI traitent de la géographie et de l’ethnographie de l’Europe et les livres
XXXIII à XXXVII des métaux et des pierres ; ces deux domaines nous apporteront des
renseignements utiles sur ce que l’on savait, à cette période, des traitements de métaux.
Nous disposons également de sources historiques tardives qui nous permettront de
relever les données politiques et géopolitiques de la colonisation césarienne.
Le Divius Iulius de Suétone (né vers 70 de notre ère), première des Vies des Douze
Césars, retrace la vie du « divin » ancêtre des Julio-Claudiens. Suétone a non seulement
puisé dans les écrits de ses prédécesseurs tel que Nicolas de Damas et Asinius Pollion,
mais aussi dans les documents officiels, auxquels il avait accès de par sa charge de
secrétaire ab epistulis confiée par Hadrien, tels que les acta senatus.
Sous le règne d’Auguste concernant les Ad Familiares, avant le milieu du Ier siècle av. J.-C. pour les
lettres à Atticus.
50
19
La Vie de César par le Grec Plutarque est plus une vision morale qu’un récit
historique, intention qu’il expose dans l’introduction aux Vies d’Alexandre et de César. Il
s’inspire des auteurs contemporains ou relativement contemporains des faits qu’il cite
dans son récit tels Oppius, César, Tite-Live, Strabon, Tanusius, et surtout Asinius Pollion.
Il semble donc s’être inspiré essentiellement d’auteurs latins mis à part Strabon qu’il ne
cite qu’une fois.
Le récit d’Appien sur Les Guerres civiles à Rome laisse l’impression d’être
constitué d’une juxtaposition de plusieurs sources, disparues aujourd’hui, dont ce Grec
d’Alexandrie devait disposer telles que les précieux écrits d’Asinius Pollion. On peut
supposer qu’il s’est également inspiré des auteurs précédemment cités, tels que César sur
lequel il se fonde sans doute dans son récit sur la Gaule, ou encore Oppius ou Tite-Live.
Dion Cassius (vers 150 - 235 ap. J.-C.) est un consulaire, proche du pouvoir
impérial. Il écrit bien plus tard que les auteurs précédemment cités une histoire en grec :
l’Histoire Romaine dont on consultera les livres 36 à 41 pour la période qui nous
intéresse.
Nous nous fonderons également sur certaines études numismatiques sur lesquelles
furent établies des analyses critiques des frappes monétaires de la période 49-42 av. J.C. 51.
Une autre source remarquablement précieuse pour le contexte espagnol est la loi d’Urso
ou Lex Coloniae Genetiuae. Le texte fut édité à plusieurs reprises 52. Le texte qui nous est
parvenu est incomplet et gravé tardivement, à l’époque flavienne. Une critique plus
approfondie de cette source fera l’objet d’un exposé dans la seconde partie de ce
mémoire. Il nous permettra d’apporter un état de la question concernant le premier aspect
fondamental de la colonisation : la fondation.
Notre mémoire sera organisé en deux parties.
En premier lieu, nous tâcherons d’exposer le contexte politique des campagnes de
César durant la guerre civile en prenant en compte le facteur économique, qui représente,
51
Crawford, 1969; Buttrey, 1960, p.75-95.; Burnett, 1992.; Beltran, 1949 ; Guadan, 1969 ; Hill, 1931;
Mateu y Llopis, 1949, p.211-225 ; Sydenham, 1952 , 1967, p. 133-142 ; Vives y Escudero, 1926.
52
Mommsen, 1909, p.194-264 ; D’Ors, 1953 ; Crawford, 1996.
20
semble-t-il, l’un des enjeu des stratégies pompéienne et césarienne. Nous étudierons
également ce que l’on sait des colonies fondées par César en Espagne et de la disposition
de ces colonies en fonction des enjeux environnementaux.
En second lieu, nous envisagerons un aspect plus juridique et politique ; la question de la
fondation d’Urso. Notre source principale sera la Lex Coloniae Genetiuae. On tâchera
d’y discerner les éléments qui peuvent nous permettre de dater la loi, en déterminer quels
sont les arguments qui nous permettent de l’attribuer à César, ainsi que le processus
juridique romain qui permet d’implanter une colonie dans cette période de changements
institutionnels profonds. Nous aborderons également ce que l’on sait de la législation
agraire césarienne à travers quelques cas.
CHAPITRE I
Guerre civile et contrôle de l’Espagne
22
On peut se demander, dans un premier temps, quels sont les indices qui nous
permettraient de comprendre les enjeux stratégiques des provinces espagnoles à la veille
de la seconde guerre civile. La péninsule représentait-elle un enjeu important pour
Pompée justifiant qu’il y plaçât plusieurs légions ? Quels étaient ces enjeux ?
Sans doute pourrait-on voir là une explication à la décision que prit César en se dirigeant
vers l’Espagne : récupérer à son profit des richesses espagnoles.
A. Les débuts de la guerre civile en Espagne.
Afin de mieux comprendre l’intérêt pour César d’attaquer l’Espagne en 49, il est
indispensable d’exposer ce que l’on sait de l’occupation pompéienne des deux provinces,
Ulterior et Citerior, à la veille de la guerre civile. Pour quelles raisons Pompée devait-il
protéger ces deux provinces ? Etait-il question de ressources naturelles ?
1. Enjeux stratégiques pour Pompée et pour César : contrôler l’Espagne ?
On sait peu de choses sur la situation espagnole dans les années qui précèdent notre
période, sinon que Pompée y disposait d’une large clientèle qu’il s’était constituait depuis
la guerre sertorienne 53. En effet, les élites des cités et des municipes, romaines ou
pérégrines lui étaient liées par ce que l’on nomme l’amicitia. On peut citer l’exemple
illustrissime de L. Cornelius Balbus 54.
César, quant à lui, avait exercé sa propréture en 61 55 en Hispania Ulterior. Ce fut pour lui
l’occasion de se lier une clientèle en acquérant prestige et argent 56. Ce fut, sans doute, à
53
Badian, 1958, p. 256 et suivantes.
Ce dernier reçut la citoyenneté de Pompée en 72 pour les services qu’il avait rendus durant la guerre
sertorienne. Il fut également lié à César (Cic., Pro Balbo, III, XXVIII). On sait qu’il fut l’instigateur de
l’officieux triumvirat de 60. Il fut traîné en justice en raison de son influence à Rome ; en l’attaquant, ses
ennemis s’en prenaient également à la coalition Pompée, Crassus et César. Le prétexte du procès de 56, au
cours duquel Cicéron le défendit, était lié au fait qu’il ait obtenu sa citoyenneté de manière illégale. Le
texte de ce discours nous informe sur la situation espagnole dans le contexte de la guerre contre Sertorius
ainsi que de l’organisation de l’Espagne peu avant la période qui nous intéresse.
55
Nous n’insisterons pas sur sa questure en 69 sur laquelle on sait peu de choses (Ap. Isp. 42, 1 ; Plut.,
Caes., 5, 2-4 ; Suetone, Diu.Iul., 5-8 ; Dion Cassius, XXXVII, 52, 2).
54
23
cette occasion qu’il apprécia directement le potentiel économique de la province. Il ne put
évidemment guère rivaliser avec la puissance des liens que Pompée y avait tissés, mais,
alors, la rivalité entre les deux hommes n’était certainement pas déclarée, contrairement à
ce que pourraient laisser étendre nos principales sources. 57
En 55 av. notre ère, Pompée obtint le consulat 58 avec Crassus dans des conditions
particulières du point de vue institutionnel 59 ainsi que le proconsulat pour les provinces
espagnoles l’Hispania Ulterior et l’Hispania Citerior, en vertu de la Lex Trebonia 60. Il
exerça sa promagistrature in absentia. 61 Il gouverna ses provinces à la manière dont il le
fit durant son commandement de 67 contre les pirates, au moyen de legati ; il s’agissait
alors de L. Afranius, M. Petreius et M. Terentius Varro en fonction en 49.
La péninsule ibérique semblait en proie à des soulèvements indigènes 62 sur lesquels on
est hélas fort peu renseigné. Ce qui justifiait sans doute la présence de sept légions
Appien, G. C.., II, 8, 26-7 ; Plut., Caes., 12. On apprend dans ces passages qu’il régla la question des
raids des tribus de Lusitanie dans la vallée du Baetis. Il prit prétexte de ces incursions pour étendre ses
campagnes plus au nord dans les territoires des Callaeci. Bien qu’il se fît acclamer Imperator, il ne voulut
pas attendre l’autorisation du triomphe qui l’aurait empêché de se présenter au consulat pour l’année 59.
57
On peut citer essentiellement Plutarque (Vie de César, XXXI), Suétone (Diu. Iul., XXX, 3) et Velleius
Paterculus (XLVIII et XLIX). Ils mettent en avant l’ambition des deux hommes qui les aurait
indubitablement conduits vers l’affrontement de la guerre civile, les différentes autres raisons n’étant que
des prétextes.
58
Plut. Pompée, 52 ; Dion Cassius, XXXIX, 30-31.
59
La situation en 55 av. J.-C. était particulièrement troublée à Rome en raison des conflits liés aux bandes
armées (Cic., Ad Fam., 1, 8, 1-4). Un interregnum avait été exercé par M. Valerius Messala (C.I.L. I, 1, p.
201=ILS, 46). Crassus et Pompée furent élus dans ce contexte. Si l’on suit les sources, la présence de
Pompée semblait indispensable pour maintenir l’ordre à Rome (Cic. Att., 4, 8a, 1-2 ; Vell. Pat., 2, 46 ; Plut.,
Crass., 15 ; Pomp., 51, 4-52,2 ; Cat.Min., 41-42 ; Ap. G. C., 2, 17 ; Dion Cassius 39, 27-31). La situation
politique particulièrement conflictuelle semblait justifier le non respect des formes institutionnelles. Voir
pour plus de détails Ross-Taylor, 1977, p. 157-171 ; Girardet, 1992, p. 185-188.
60
C. Trebonius porta malgré des oppositions cette loi pour donner à Crassus un commandement en Syrie et
à Pompée le gouvernement pour les deux provinces espagnoles et, ce, pour une durée de 5ans ( Cic., Att., 4,
9, 1 ; Vell. Pat., 2, 46, 2 ; Plut., Pomp., 52 ; Crass., 15 ; Cat. Min., 43 ; Dion Cassius, 39, 33-36).
61
Pompée resta en Italie, malgré l’usage légal pour un proconsul de devoir siéger hors de l’Urbs. Il était
chargé du ravitaillement en blé de la Ville (Dion Cassius, 39, 39, 4). En raison de l’anarchie qui semblait
régner à Rome, il demeurait la possibilité qu’il se fasse décerner la dictature pour remédier aux troubles
(Cic., Att., 4, 18, 3). La question de la définition exacte des pouvoirs de Pompée prête à discussion.
Cependant, on pourrait résumer ainsi la situation ; face aux troubles grandissant dans la Ville, la présence
du Magnus semblait nécessaire autant aux défenseurs de l’oligarchie qu’à Pompée lui-même, qui voyait
ainsi grandir son influence. (Girardet, 1992, p.185-188 ; Roddaz, 1992, p. 189-211 ; Gelzer, 1984, p. 755 et
suivantes).
62
Dion Cassius, XXXIX, 54. Ces troubles semblaient justifier que ces provinces fussent confiées à Pompée
avec le pouvoir de lever autant d’hommes qu’il le faudrait. Q. Caecilius Metellus Nepos avait affronté alors
les Vaccaei qu’il soumit en capturant leur oppidum de Clunia. Ces soulèvements peuvent aussi expliquer la
présence d’un nombre important de légions en Espagne quelques années plus tard en 49 ; ce qui s’oppose à
ce que nous rapporte César (B.C., I, 85), pour qui la raison de la présence de six légions et de la levée d’une
septième (la légion Vernacula) était uniquement la préparation d’une guerre contre ce dernier.
56
24
pompéiennes 63 au début de la guerre civile. Mais s’agit-il de la seule raison de la
présence de telles forces ?
Au début du conflit de 49, Cicéron pensait qu’il était plus logique que Pompée se
dirigeât vers l’Espagne plutôt que vers la Grèce 64 ; il n’ignorait pas que la position de la
péninsule était relativement forte. Les Pompéiens disposaient d’un grenier à blé
suffisamment conséquent pour ravitailler sans doute les troupes assemblées en Epire ; M.
Terentius Varro était chargé de prélever d’importantes quantités de blé (cent vingt mille
boisseaux) 65 mais aussi dix huit millions de sesterces et vingt mille livres d’argent 66.
En effet, la péninsule ibérique, à travers les sources littéraires 67, était considérée comme
le pays de l’argent ; la représentation qu’en fait d’ailleurs César au cours de son triomphe
de 46 l’illustre 68.
L’intérêt de la péninsule de ce point de vue remonte bien avant cette époque.
L’exploitation des richesses minières est fréquemment évoquée, non sans quelque
exagération sans doute de la part de Polybe. 69 C’est fort probablement ce qui motiva les
premières implantations puniques vers le milieu du IIème siècle av. J.-C. L’exploitation
des mines de la Sierra Morena permit sans doute aux Carthaginois de reconstituer une
armée, essentiellement composée de mercenaires, afin d’affronter les Romains 70. On
Caes., B.C., 1, 85. Comme nous l’avons précisé en introduction, les contingents assemblés dans les deux
provinces espagnoles étaient équivalentes, au moins au début de l’année 49, à celle que Pompée avait réussi
à assembler en Epire, et nettement supérieures à celles qui se trouvaient en Italie (Dion Cassius, 41, 4).
64
Cic., Ad Att., 7, 18, 2.
65
Ces levées avaient un rôle d’importance ; dans un passage du Bellum Ciuile (III, 73, 3), César,
haranguant ses troupes évoque ceci : … quod duas Hispanias bellicosissimorum hominum peritissimis
atque exercitatissimis ducibus pacavissent..(… pacifié les deux Espagnes défendues par des peuples
belliqueux et par les chefs les plus expérimentés et les plus habiles…). L’insistance, plus loin dans le récit
sur l’importance de la province en ressources agricoles montre l’enjeu des provinces ibériques :… quod
finitimas frumentariasque provincias in potestatem redegissent; denique recordari debere, qua felicitate
inter medias hostium classes oppletis non solum portibus, sed etiam litoribus omnes incolumes essent
transportati… (…et réduit en leur pouvoir les provinces voisines, si abondantes en blé. Ils ne devaient pas
oublier non plus avec quel bonheur ils avaient passé sans nulle perte à travers les flottes ennemies,
maîtresses de tous les ports et de toutes les côtes).
66
Caes., B.C., II, 17-18. Dans ce passage, il est explicitement question de ravitailler les troupes d’Afranius
et celles de Pompée. Voir Frank, 1959, p.138-140.
67
Strabon, III, 2, 10 ; Pline, N.H., 33, 97.
68
Quinque egit triumphos : Gallici apparatus ex citro, Pontici ex acantho, Alexandrini testudine, Africi
ebore, Hispaniensis argento rasili constitit. Pecunia ex manubiis lata paulo amplius sexiens miliens
sestertium. (Il triompha cinq fois : tous les ornements du triomphe étaient en bois de citronnier pour la
Gaule, en acanthe pour le Pont, en écaille pour Alexandrie, en ivoire pour l'Afrique, en argent poli pour
l'Espagne. La vente du butin produisit un peu plus de six cents millions de sesterces). Vel., Pat., II, 56, 2.
69
Polybe, III, 13 ; I, 10 ; Diodore de Sicile, 5, 35, 2.
70
C. Domergue (Domergue, 1988, p. 179 et suivantes) considère que les mines d’argent constituaient déjà
un enjeu principal depuis la deuxième guerre punique. La monnaie d’argent était depuis l’époque
hellénistique la base de tous les échanges commerciaux, elle permit aux Carthaginois de reconstituer une
63
25
remarque par ailleurs que les opérations militaires de 215 se concentrèrent dans la région
du Baetis, dans la région de Castulo et d’Iliturgi 71. Par la suite, Scipion, le futur Africain,
en 208, porta ses efforts contre Hasdrubal dans la même région 72. L’autre zone de
concentration des opérations se trouvait vers Carthago Noua, qui est prise en 209 73. On a
même pu émettre l’hypothèse que le contrôle de ces ressources ait pu être l’une des
causes de la guerre, l’affaire de Sagonte n’étant qu’un prétexte.74 Une fois les
Carthaginois chassés de la péninsule, Scipion installa la première colonie de vétérans à
Italica en 206 75 ; il s’agissait sans doute d’alliés italiens. Ceci permettait de sécuriser la
région en assurant une présence romaine stable dont l’avantage, on peut le supposer, de
contrôler les exploitations de métaux de la région. 76 Plus d’un siècle plus tard, au cours
de la guerre contre Sertorius, les opérations de Pompée à partir de 76 se concentrent
autour des zones « vitales » pour les armées des deux camps qui devaient, faute de
ravitaillement de part et d’autre, vivre sur le pays ; ces zones se trouvent autour de
Sagonte et de Valence. 77 Si l’on compare ces zones de concentration des opérations
d’envergure à celles des campagnes césariennes de 49 puis de 46, on remarque que la
direction empruntée par César depuis Ilerda jusqu’à Gadès, puis aux environs de Munda,
est similaire aux opérations durant la seconde guerre punique. Les zones minières se
trouvant à l’est et surtout au sud, leur contrôle nécessitait donc, fort probablement, de
maintenir la région au moyen de légions ; c’est sans doute ce qu’avait compris Pompée
en plaçant autant de légions qui lui auraient été utiles à Pharsale.
A l’époque tardo-républicaine, seul le pays des Cantabres et des Asturies, soumis par
Auguste (25-19 av. J.-C.) et réputé pour ses mines d’or 78 échappe à la domination
romaine. Deux régions semblent fortement exploitées à la fin de la République : la Sierra
armée de mercenaires essentiellement au moyen de l’exploitation des richesses ibériques ; les monnaies
d’argent étaient les plus répandues et servaient à payer directement leurs services.
71
Liv., 23, 49, 5 et 24, 41, 7.
72
A Baecula, près des mines d’argent comme le précisent Polybe (10, 38) et Tite Live (27, 18).
73
Polybe, 10, 2-20 ; Liv., 26, 42-47.
74
Domergue, 1988, p. 180.
75
Voir à ce sujet Richardson, 1996, p. 36-38.
76
L’intérêt des mines d’or et d’argent est attesté par le témoignage de Judas Maccabée qui évoque « tout ce
qu’ils avaient fait dans le pays d’Espagne pour s’emparer des mines d’or et d’argent qui s’y trouvaient » (
1, 8, 3). L’implantation de colonies dès cette époque, de municipes et de praesidia était un moyen plus sûr
de sécuriser les complexes d’exploitation minière (Alvez Portal, 1977. p. 3-17).
77
Plut., Sertorius, 21. Au sujet des difficultés de ravitaillement des armées.
78
Strabon, III, 2, 8. L’auteur décrit les différents métaux présents dans les mines et pour lesquels étaient
réputées ces régions du nord-ouest de la péninsule. Dans le peu de zones minières mentionnées en Galice,
les quantités d’or semblaient équivaloir à celles exploitées dans l’ensemble de la Sierra Morena, pays des
Turdétans.
26
Morena et le Sud Est 79. On a toutefois connaissance de deux autres exploitations, l’une au
Riotinto et l’autre à Aljustrel 80
Le contrôle des mines d’argent était un atout précieux en temps de guerre, une lettre de
Pompée au Sénat en 75-74 81 évoquait justement les difficultés pour assurer le
ravitaillement et la solde des troupes (frumentum et stipendium). En cas de situation
difficile, les réquisitions ne devaient pas manquer de fournir l’essentiel pour la poursuite
de la guerre. Ce fut sans doute le cas au cours de la guerre sertorienne 82 ce qui
expliquerait cet intérêt tant pour Pompée de maintenir ces zones sous contrôle de ses
lieutenants que pour César de passer en Espagne avant d’aller combattre son adversaire
en Epire. La stratégie des Pompéiens était donc sans doute la suivante : Afranius et
Petreius, généraux expérimentés, étaient chargés de stopper ou de ralentir l’avancée de
César, alors que Varron était chargé de construire une flotte afin d’acheminer les
frumenta et stipendia vers l’Orient. 83
Pour contrôler la péninsule, Pompée avait donc disposé 6 légions, dont 5 se trouvaient en
Citérieure 84, une sixième ainsi que la légion vernaculaire se trouvait sous le
commandement de Varron. Ce nombre est relativement important si l’on compare aux
positions des autres légions du camp Pompéien au début de l’année 49 : 2 légions en
Italie 85, 5 légions en Epire 86, 2 légions en Syrie qui le rejoignirent en Epire, 3 légions en
Afrique. Si l’on compare ces chiffres à celui des sept légions se trouvant en Espagne, on
ne peut que remarquer l’importance de cette province. Si l’on suit l’hypothèse de
Domergue concernant les causes de l’intervention romaine en Espagne au début de la
79
Domergue, 198,. p.186-187. Blazquez, 1968. p. 102-123.
Domergue, 1983, p. 10-14.
81
Salluste, Hist., 2, 98. voir aussi Plut., Pompée., 20.
82
A ce sujet, on peut signaler l’étude de F. Mateu y Llopis (Mateu y Llopis, 1949, p.211-225). Les trésors
composés de monnaie d’argent, une partie ibérique, une autre romaine proviendraient d’un enfouissement
à l’époque de César voire à celle de Sertorius.
83
Caes., B.C., 1, 38, 2 ; 2, 21, 4. Varron avait exigé des habitants de Gadès la livraison de navires qui lui
auraient permis de rejoindre Pompée avec quantité d’argent par voie maritime ; ce moyen paraissait
d’autant plus sûr que César ne disposait pas alors de flotte suffisante pour empêcher, une fois embarqué,
Varron de rejoindre Pompée. Ceci expliquerait la celeritas dont fit preuve César en se dirigeant vers
Gadès. La stratégie pompéienne aurait sans doute réussi si les légions de Varron n’avaient pas trahi leur
camp.
84
Caes., B.C., I, 38; II, 18; 20, 4.
85
On sait d’autre part qu’il disposait du pouvoir de lever 130 000 hommes dans toute l’Italie (Ap. G. C., II,
34.) Il n’eut cependant le temps que de lever 3 légions.
86
Complétées, entre autres par une légion constituée de vétérans qu’il avait lotie en Crète et en Macédoine
(Brunt, 1971, p.473).
80
27
guerre Punique 87, on ne peut que supposer que l’exploitation des ressources naturelles
justifiait ce dispositif militaire à la veille de la guerre civile.
Comme on l’a évoqué précédemment, l’argent était recherché pour permettre de verser
les soldes des troupes ; c’est, par ailleurs, à partir du Ier siècle, marqué par les multiples
guerres qui ont secoué la péninsule, que les frappes de denarii ibériques se
multiplièrent 88. On peut supposer qu’au cours des deux campagnes espagnoles de César,
les centres miniers producteurs d’argent de la Sierra Morena furent les cibles des armées
en présence 89. On peut citer l’exemple du village minier de Diogenes 90 (la ville de Solana
del Pino située dans l’actuelle province de Castilla La Mancha à 300km au nord-est de
Séville), et celui de la fonderie du Cerro del Plomo 91 (ville de Jaen, 155 km au nord est
d’Urso) qui furent détruits vers le milieu du Ier siècle av. J.-C., sans doute au cours de la
seconde guerre civile. 92
La position pompéienne en Espagne nécessitait donc la présence des légions
commandées par Afranius et Petreius. Varron, en arrière garde, avait pour rôle de veiller
à la collecte des fonds pour ravitailler Pompée.
D’autre part, il était fréquent, dans l’usage romain, que l’on place des colonies dans des
zones à sécuriser. Scipion le fit pour Italica, comme nous l’avons mentionné. Pour cette
période, cependant, avant l’arrivée de César, on ne trouve, à priori, pas d’indications dans
les sources d’éventuelles fondations coloniales pompéiennes mis à part Pompaelo 93. On
peut, toutefois, émettre une simple hypothèse d’ordre historiographique. La plupart des
auteurs qui nous renseignent au sujet de la colonisation des années 60-40 av. J.-C.
écrivent au moins à l’époque augustéenne (Tite-Live, Velleius Paterculus, Strabon…).
Auguste, se plaçant en successeur de César, revendiquait l’organisation des provinces
87
Domergue, 1988, p. 181 et suivantes.
On dispose de plusieurs deniers d’argent datant du premier siècle, notamment deux deniers frappés par L.
Fabius Hispaniensis et C. Tarquitius, en 80-81 av. J.-C. (No 748-749 dans E. Sydenham, 1952), ceux de Q.
Metellus Pius Imperator en 78 (No 750 ).
89
Domergue, 1988, p. 188 et suivantes.
90
Domergue, 1967, p. 29-50.
91
Domergue, 1971, p. 340-343.
92
C. Domergue (Domergue, 1988. p. 188) se fonde sur la datation de trésors monétaires enfouis au cours de
cette période ; les monnaies les plus récentes des trésors de El Centinillo et de Mentesa dateraient de 46/45
(Crawford, 1969. No 385). Domergue tient également compte du trésor de Pozoblanco dont
l’enfouissement pourrait dater de 45 av. J.-C. (Guadan, 1969, p. 96) précisément au moment des
affrontements entre César et les fils de Pompée.
93
Strabon III, 4, 10 ; voir à ce sujet : M. A. Mezquiriz de Catalan, Pompaelo II, Principe de Viana, 1978.
Cette colonie située à l’écart des zones tenues par Sertorius près des cols qui mènent à l’Aquitaine aurait
donc été fondée par Pompée. Elle mêlait un établissement romain à une cité indigène.
88
28
ainsi que le lotissement de nombreux vétérans. On peut citer un extrait du troisième
passage de la première table des Res Gestae Diui Augusti :
[…] Millia civium Roma[no]rum [sub] sacramento meo fuerunt
circiter [quingen]ta. Ex quibus dedu[xi in coloni]as aut remisi in municipia
sua stipen[dis emeri]tis millia aliquant[o plura qu]am trecenta et iis omnibus
agros a[dsignavi] aut pecuniam pro p[raemis mil]itiae dedi.[…].94
Cette question, de par l’ordre dans lequel elle est évoquée, paraît fondamentale pour son
auteur. Elle apparaît juste après le passage évoquant sa vengeance sur « ceux qui ont tué
son père » adoptif, César. On peut ainsi associer cette évocation à une reprise d’un
héritage politique consistant, par l’aspect qui nous intéresse ici, à lotir les vétérans. Il est
envisageable qu’Auguste ait éliminé les évocations concernant d’éventuelles tentatives de
fondations pompéiennes au moment des fondations de ses propres colonies. Il est
toutefois probable que l’Espagne ait été concernée par les lotissements de vétérans
pompéiens. On sait que, depuis la loi qu’avait fait voter César lors de son consulat de
59 95, les vétérans de Pompée devaient recevoir des lots de terres comme récompense de
leurs services.
Y avait-il des colonies de vétérans pompéiens en Espagne fondées durant la période 5949 ? A. Garcia Gallo avait étudié la question de la colonisation de Valentia 96 ; une
colonie de vétérans pompéiens aurait été installée dans la même cité qui accueillit
auparavant des soldats de Sertorius. C’est l’un des seuls exemples qui nous permettent de
considérer l’éventualité qu’il y eût des colonies pompéiennes en Espagne. 97
Un autre élément pourrait nous renseigner au sujet de la présence de vétérans pompéiens
en Espagne : la question de la Legio Vernacula 98 évoquée essentiellement par César dans
94
« … Sous mes ordres, liés par le serment militaire, se sont trouvés cinquante mille citoyens romains. Sur
ce nombre, j’en ai installé dans des colonies ou renvoyé dans leurs municipes à la fin de leur temps de
service un peu plus de trente mille. A tous, j’ai attribué des terres ou j’ai donné une somme d’argent en
récompense des services accomplis… » Res Gestae Diui Augusti I, 3. [trad. pers.]
95
Dion Cassius, 38, 1-7.
96
Garcia-Gallo, 1978. P. 349-364.
97
On peut aussi envisager, non sans quelques réserves, le cas de la colonie Gemella Acci. J.M. Santero
(Santero ,1972. p. 203-222) avait émis l’hypothèse que cette colonie, originellement destinée à des
vétérans pompéiens, aurait été fondée par César en 45 et non par Auguste. Elle aurait accueilli des vétérans
de la legio prima vernacula et de la legio secunda.
98
Cf. B.C., 1, 37-55 et 59-87. Le point intéressant dans le cas de cette légion est celui de la constitution de
ses effectifs. S’agissait-il de Romains, de Latins ou de pérégrins tributaires de Rome ? Selon Mommsen
(Mommsen, 1907. p. 13 et suivantes) l’expression concernait sans doute des troupes recrutées parmi les
29
le Bellum Ciuile 99. Comme nous l’avons évoqué, en cas de besoin, il était possible que
des vétérans déjà lotis fussent levés à nouveau pour servir. On dispose d’un autre
exemple contemporain avec lequel on pourrait faire un rapprochement au sujet des
légions que Pompée assemblait en Epire :
… unam ex Cilicia veteranam, quam factam ex duabus gemellam appellabat ;
unam ex Creta et Macedonia ex veteranis militibus, qui dimissi a superioribus
imperatoribus in his provinciis consederant. 100
Les vétérans une fois lotis pouvaient donc être levés à nouveau par les généraux dont ils
constituaient une clientèle et éventuellement une armée privée que l’on pouvait recruter
au besoin 101. Cette légion Vernacula, probablement levée par Varron au début de l’année
49, quitta le camp pompéien pour celui de César, qui la récompensa en lui permettant de
retrouver sa liberté ; le passage qui nous renseigne à ce sujet se trouve à la fin du premier
livre du Bellum Ciuile 102. Après la capitulation des lieutenants de Pompée, Afranius et de
Petreius, aux lendemains d’Ilerda, César offre aux troupes des vaincus d’être libérés de
leurs obligations :
populations indigènes qui auraient pu recevoir en récompense de leurs services le droit de cité. Ce qui nous
permet donc de nous poser la question de l’octroi d’un privilège particulièrement important. Si l’on
considère les remous provoqués par le procès de Balbus concernant son octroi de la citoyenneté par
Pompée (cf. Cicéron, Pro Balbo), la chose ne paraissait guère aisée en 56-54 malgré la loi qui permettait à
Pompée d’octroyer la citoyenneté dans le contexte de la guerre contre Sertorius. On peut supposer qu’étant
donné la situation politique de la guerre civile dans les provinces espagnoles, des promesses d’octroi de
droit de cité on pu être faites et tenues en cas de victoire, du camp pompéien dans le cas de la légion
Vernacula sous le commandement de Varron. Selon Smith (Smith R.E., Service in the post-Marian Army,
Manchester, 1958 p. 110-129), il pourrait s’agir d’un recrutement parmi les fils de légionnaires et de
femmes indigènes ces dernières ne possédant pas la citoyenneté, à l’époque du moins. A. T. Fear (Fear,
1991, p. 809-821) considère cet argument infondé. En effet, l’existence d’une légion composée d’indigènes
probablement, voire d’individus de condition servile, lui paraît inconcevable. J.M. Roldan (Roldan, 1974a,
p.209-211 ; Roldan, 1974b, p. 457-471) envisage qu’il puisse s’agir d’une légion unique de citoyen romains
d’Espagne, laquelle ne porterait pas de numéro contrairement à la légion V Alaudae, certes plus tardive
mais qui porte un numéro et n’est pas appelée Vernacula. Ce cas, exceptionnel pour l’époque, peut nous
donner des indices concernant les statuts juridiques des différentes populations déjà installées et sur leurs
rapports entre elles, ainsi que sur une estimation du nombre de citoyens romains installé dans les provinces
espagnoles (cf. Wilson, 1966. pp 182 et suivantes et surtout Brunt, 1971, p. 248 et suivantes).
99
Caes., B.C., II, 20, 4.
100
« … une [venait] de Cilicie, constituée de vétérans, et qu’on appelait Gemella, parce que formée à partir
(des restes) de deux légions ; l’une de Crète et l’autre de Macédoine, constituées de vétérans que les
généraux précédents avaient licenciés et établis dans les provinces… » (Caes., B.C., III, 4) [trad. pers.]
101
Roldan , 1972, p. 79-123 ; Smith, 1958, p. 54 et suivantes ; P. Le Roux, 1989, p. 47-52.
102
Caes., B.C., I, 84-87.
30
Id vero militibus fuit pergratum et iucundum, ut ex ipsa significatione
cognosci potuit, ut, qui aliquid iusti incommodi exspectauissent, ultro
praemium missionis ferrent. Nam cum de loco et tempore eius rei
controuersia inferretur, et uoce et manibus uniuersi ex uallo, ubi
constiterant, significare coeperunt, ut statim dimitterentur, neque omni
interposita fide firmum esse posse, si in aliud tempus differretur. Paucis
cum esset in utramque partem uerbis disputatum, res huc deducitur, ut ei,
qui habeant domicilium aut possessionem in Hispania, statim, reliqui ad
Varum flumen dimittantur ; ne quid eis noceatur, neu quis invitus
sacramentum dicere cogatur, a Caesare cauetur. 103
Ce passage n’indique pas précisément quelle était l’origine des soldats qui furent
démobilisés. S’ils disposaient de « domiciles » ou de « propriétés » en Espagne, peut-être
s’agissait-il, effectivement, de vétérans pompéiens installés au cours des années 55-49 av.
J.-C.. Il aurait pu s’agir des vétérans démobilisés après les campagnes asiatiques
qui reçurent des lotissements suite aux mesures césariennes de 59. L’utilisation du
domicilium aut possessionem impliquerait que les soldats recrutés par les Pompéiens
soient liés d’une certaine façon à la province. Rien ne semble véritablement indiquer qu’il
s’agisse de vétérans déjà installés par Pompée via ses légats dans les années 55-49 av. J.C.. Bien que l’hypothèse soit séduisante, on ne dispose guère d’éléments déterminants
concernant des déductions coloniales entreprises par Pompée.
On sait toutefois qu’il était possible, en cas de tumultus, de lever des troupes de toute
urgence ; ce fut sans doute le cas durant les préparatifs de 49 avant l’arrivée de César. On
peut citer, en outre, l’exemple présent dans la Lex Coloniae Genetiuae, charte de
fondation d’Urso dont nous étudierons quelques passages dans le second chapitre, qui
précise que les duumviri en charge dans la colonie ont le droit de lever des colons établis
sur le site 104, les colons étant composés de vétérans. Peu après Ilerda, Q. Cassius
103
« Ce discours fut très agréable aux soldats, comme il parut à la joie qu'ils témoignèrent: ils s'attendaient
à quelque juste châtiment, et, ils recevaient leur congé comme une sorte de récompense. Aussi, comme on
agitait la question du lieu et de l'époque du licenciement, tous, du rempart où ils étaient alors, demandèrent
de la voix et du geste qu'il se fît sur-le-champ; si on le différait, aucun serment n'en assurerait l'exécution.
Après quelques paroles échangées sur ce sujet, on convient que ceux qui ont leur domicile ou des propriétés
en Espagne seront licenciés à l'instant, les autres sur les bords du Var. Il est stipulé qu'il ne leur sera fait
aucun tort, et que nul ne sera forcé de prêter le serment militaire à César. » (Caes., B.C., I, 86).
104
Les duumviri, magistrats suprêmes dans les colonies comparables aux consuls de Rome (Curchin, 1990,
p. 6 et suivantes), disposent du pouvoir de lever des troupes comme il est stipulé dans le chapitre 103 de la
31
Longinus fut nommé propréteur. Il dut lever une légion facta ex colonis in his
regionibus 105. Qui donc pouvaient être ces colons présents en Espagne ? S’agissait-il de
colons installés par César au cours de son premier passage en 49. C’est fort peu probable
parce que si une première tentative de colonisation fut entreprise alors, elle ne put, de
toute évidence, être achevé en 48, surtout étant donné le contexte politique durant le
gouvernement de Q. Cassius Longinus. On a, à maintes reprises, avancé l’hypothèse qu’il
ait pu s’agir de pérégrins 106.
La question des richesses minières espagnoles qui motivaient à la fois la mobilisation
d’importantes forces pompéiennes et l’intervention de César méritent un développement
plus approfondie sur lequel nous reviendrons par la suite.
2. Stratégie de César en attaquant l’Espagne.
Quelles étaient les intentions de César en se dirigeant vers la péninsule ibérique ?
César revenait de Rome en passant par Marseille dont il avait confié le siège à ses
lieutenants D. Brutus et C. Trebonius 107. On sait que César devait faire face à une
situation délicate ; le manque d’argent pour payer ses troupes 108. Pompée était dans le
Lex Coloniae Genetiuae : … uti tribuno militum populi Romani in exercitu populi Romani est…(…avec les
même pouvoirs qu’un tribun militaire dans l’armée du peuple romain…). Au chapitre 62, on trouve la
mention précisant ceci : [...] Quos quisque eo | rum ita scribas lictores accensos uiatorem | tibicinem
haruspicem praeconem habebit, inuitum | militem facito neue fieri iubeto neue eum | cogito neue ius
iurandum adigito neue a- | digi iubeto neue sacramento rogato neue | rogari iubeto, nisi tumultus Italici
Gallici- | ue causa. Eisque merces in eos sing(ulos), qui Iiui- | ris apparebunt, tanta esto [...]| <itque> iis
s(ine) f(raude) s(ua) kapere liceto. | uacat (« […] Parmi ce nombre ils pourront employer ceux qui seront
colons dans la colonie. […] Ceux que chacun d’eux aura comme greffier, licteurs, appariteurs, messager
officiel, joueur de flûte, haruspice, héraut, qu’on ne le fasse pas soldat contre son gré ou qu’on n’ordonne
pas qu’il le soit ou qu’on ne l’y contraigne pas, ou qu’on ne le contraigne pas à prêter le serment militaire,
ou qu’on n’ordonne pas de l’y contraindre, ou qu’on ne lui demande pas le serment, ou qu’on n’ordonne
pas qu’il lui soit demandé, sauf en cas de soulèvement soudain italien ou gaulois. Et pour chacun de ceux
qui seront au service des duumvirs, que leur salaire soit de tant: [...] et, ce, sans qu’ils ne soient accusés de
fraude ) [trad. pers. d’après l’édition du texte dans Crawford, 1996].
105
Pseudo Caes., Bell. Hisp., 7, 4.
106
Comme l’ont démontré R. E. Smith (Cf. supra), E. Gabba (Gabba, 1970,p. 133-135) ou J.M.Roldan
(Roldan, 1974, p.457-471 ; Roldan, 1972.p.79-123).
107
Caes., B.C., I, 36, 4.
108
Dion Cassius, XLI, 17, au sujet du tribun Metellus qui s’opposait à la confiscation du trésor public du
temple de Saturne par César. Peu avant, Dion Cassius nous rapporte ceci au sujet de Pompée : « Il fit
décréter aussi qu'il emporterait le trésor public et toutes les offrandes déposées dans les temples, espérant
s'en servir pour lever des troupes considérables. » (XLI, 6). Pourtant Pompée d’eut pas le temps de prélever
ces fonds avant de quitter l’Italie.
32
même cas. L’auteur du Bellum Ciuile, principale source concernant cet épisode de la
guerre civile, laisse entendre que les provinces espagnoles, et surtout l’Ulterior, étaient
favorables au camp césarien. On dispose de peu de données dans les autres sources
littéraires concernant les penchants politiques de la province pour un camp ou pour un
autre, du moins au début de l’année 49. Comme on a pu le voir précédemment, Pompée y
avait fortifié ses positions. S’agissait-il véritablement pour César, selon les propos que lui
attribue Suétone 109 de « vaincre une armée sans général pour vaincre un général sans
armée » ? Plusieurs éléments pourraient nous laisser penser que d’autres données entrent
en compte. En effet, César semblait, depuis son passage à Rome, manquer de moyens
financiers. Comment donc payer des troupes, et financer une campagne, qui plus est
menée contre les élites de la Ville ? A Rome, César pouvait s’appuyer sur une moitié du
Sénat, et une partie des publicains qui étaient traditionnellement proches de la ligne de
conduite des populares. Toutefois ces sommes contrebalançaient-elles celles qu’avait
rassemblées Pompée avant de partir en Épire puis en faisant appel à ses
clientèles étrangères ?
César devait trouver d’autres richesses en numéraires ; la péninsule ibérique était sans
doute l’un des lieux les plus prometteurs de ce point de vue.
109
Diu.Iul. XXXIV, 3.
33
La seconde guerre civile : 49-44 av. J.-C. [carte extraite de L. Canfora, Jules César,
Paris, 2001. p. 165]
En premier lieu, César envoya en Espagne C. Fabius, son légat, depuis Narbo
pour occuper le passage des Pyrénées, afin sans doute d’éviter les embuscades. Pendant
ce temps M. Petreius, qui avait eu le temps de recruter des troupes parmi les Lusitaniens,
était remonté d’Ulterior pour rejoindre Afranius et affronter César. Varron restait dans le
sud afin de sécuriser, comme on l’a vu, les levées de numéraires, de métaux précieux et
de blé.
Afranius et Petreius avaient pour objectif de tenir la ville d’Ilerda, qui constituait un point
stratégique au croisement des réseaux de communications ; ce point permettait de
contrôler, à la fois, les voies vers la vallée de l’Èbre 110 et aussi le passage des
Pyrénées 111. Après un affrontement entre Fabius et les Pompéiens près de la rivière
Sicoris sur laquelle les Césariens tentaient d’établir un pont, une rumeur commençait à
circuler dans les deux camps ; Pompée marchait, traversant l’Afrique du nord, pour
rejoindre l’Espagne 112.
110
Sillières, 1990, p. 110 et suivantes.
Caes., B.C., I, 61, 3.
112
Caes., B.C., I, 39 ; 41,6.
111
34
Les premières escarmouches contre les Pompéiens se soldèrent par un avantage pour ces
derniers comme ils purent l’annoncer dans leurs correspondances avec leurs relations à
Rome 113. A ce moment, pour le moins en Hispania Citerior, les réseaux clientélaires
pompéiens demeuraient forts, l’avantage était contre César. Pendant ce temps, selon
César, notre principale source contemporaine des évènements, Varron imposait
lourdement les cités d’Ulterior, et plus durement encore celles qu’il jugeait favorable à
César 114. Il fit également prêter solennellement serment de fidélité à Pompée par toute la
province 115 ce qui constituait une innovation d’un point de vue des pratiques. On ne peut
que penser au serment qu’Octave se fit prêter par l’Italie. 116
Toujours est-il que la victoire de César à Ilerda, le 26 juin 49 117 provoqua une tentative
de repli d’Afranius et de Petreius vers Octogesa. 118 César bloqua le mouvement pour les
empêcher de se replier au sud de l’Èbre 119 ; ils revinrent ainsi dans leur camp d’Ilerda120.
César ne disposait pas de suffisamment de troupes pour poursuivre les combats contre les
Pompéiens ; il disposait de deux légions contre sept. 121 Il avait donc tout intérêt à
provoquer une capitulation pour faire cesser les combats comme il le fît en provoquant
des défections dans le camp pompéien 122, contrairement à ce que l’on peut lire dans ce
passage du Bellum Ciuile qui justifie bien autrement la prudence de l’Imperator :
Caesar in eam spem uenerat, se sine pugna et sine uulnere suorum rem
conficere posse, quod re frumentaria aduersarios interclusisset. Cur etiam
secundo proelio aliquos ex suis amitteret? cur uulnerari pateretur optime
de se meritos milites? cur denique fortunam periclitaretur ?... 123
Cic., Ad Fam., sur la période d’avril à juin 49.
Thouvenot, 1940, p. 140-142 ; Frank, 1959, p. 138-143 ; Brunt, 1971. p. 230 et suivantes.
115
Caes., B.C., I, 39, 3.
116
Res Gestae Diui Augusti, V, 25. L’expression employée est iurare in uerba pour désigner le serment
117
Caes., B.C., I, 43-47.
118
Caes., B.C., I, 63, 3.
119
Caes., B.C., I, 68-77.
120
Caes., B.C., I, 78.
121
Voir Brunt, 1971. p. 474-475.
122
Caes., B.C., I, 84 ; Liv., Per. 110 ; Plut., Caes., 36, 2 ; Luc., IV, 337-340.
123
« César se flattait de pouvoir terminer l'affaire sans combat et sans exposer ses troupes, en coupant les
vivres à l'ennemi. Pourquoi acheter même une victoire au prix du sang de quelques-uns des siens? Pourquoi
exposer aux blessures des soldats qui avaient si bien mérité de lui? Pourquoi enfin tenter la fortune, alors
que le devoir d'un général est de vaincre par la prudence aussi bien que par l'épée ? ... » Caes., B.C., I, 72,
1-2.
113
114
35
César avait sans doute compris la stratégie de Varron qui voulait éviter une bataille en
rase campagne 124. Ce dernier décida de rétrograder sur Gadès et de s’y installer avec ses
deux légions. Il avait visiblement tout intérêt à achever de rassembler les ravitaillements
en blé et en argent, sans doute attendus par Pompée :
Cognitis eis rebus, quae sunt gestae in citeriore Hispania, bellum parabat.
Ratio autem haec erat belli, ut se cum II legionibus Gades conferret, naves
frumentumque omne ibi contineret; prouinciam enim omnem Caesaris
rebus favere cognouerat. In insula frumento nauibusque comparatis bellum
duci non difficile existimabat. Caesar, etsi multis necessariisque rebus in
Italiam reuocabatur, tamen constituerat nullam partem belli in Hispaniis
relinquere, quod magna esse Pompei beneficia et magnas clientelas in
citeriore prouincia sciebat. 125
Cependant, contrairement à ce qu’affirme l’auteur, Varron avait tout intérêt autant
à faire parvenir les ravitaillements rapidement par mer à Pompée, qu’à retenir César en
Espagne.
Après la capitulation des lieutenants de Pompée, César décida de démobiliser une
partie de leurs troupes 126. Sans doute peut-on supposer qu’une partie de ces troupes fut
assignée dans les colonies césariennes fondées en Narbonnaise. 127 En effet, on peut
penser que César n’avait aucun intérêt à laisser ces soldats livrés à eux-même sur un
territoire qu’il cherchait à gagner à sa cause. En leur accordant des terres, sans doute
moins importantes que celles de ses propres vétérans, il s’assurait ainsi de la pacification
de la zone. Il pouvait comme nous l’avons évoqué précédemment soit de troupes
pompéiennes déjà établies en Espagne soit de troupes qui restaient à lotir. Il semble peu
probable que ces troupes à lotir dans le Var aient été recrutées dans les provinces
124
Harmand, 1970, p. 180 et suivantes.
« Ayant appris ce qui s'était passé en Espagne citérieure, il se prépara à la guerre. Son plan était de
s'enfermer dans Gadès avec ses deux légions, ses vaisseaux et tous ses vivres, parce qu'il avait reconnu que
la province entière était dans les intérêts de César. Il comptait que dans cette île il lui serait aisé, avec ses
vaisseaux et ses provisions, de traîner la guerre en longueur. » Caes., B.C., II, 18.
126
Cf. supra : La réception du discours rapportée par César dans le Bellum Ciuile (Caes., B.C., I, 86), peu
après la capitulation des Pompéiens.
127
Benoît, XXXII, p.287-303. Au sujet de la fondation de la colonie d'Arles en 46, sur l'ordre de César, et
qui intensifia la romanisation de la province. Il arrivait vraisemblablement que plusieurs années se passent
entre le moment de l’installation des vétérans sur un territoire et la fondation juridique de la colonie.
125
36
espagnoles, sinon il n’y aurait aucune raison de les déplacer. En revanche, il aurait
également pu s’agir de vétérans pompéiens qui attendaient d’être lotis, tout comme les
vétérans césariens qui se mutinèrent à Plaisance 128 ou encore ceux de la Xème légion. 129
César, à la tête de deux légions et de 600 cavaliers se lança vers Cordoue ; il y
convoqua les magistrats et les notables de toutes les cités. L’assemblée des citoyens
romains de la région, le conuentus, ferma ses portes aux émissaires de Varron, retint deux
cohortes des milices que la province entretenait pour la police, laquelle était de
passage 130, et se prépara à résister aux pompéiens. Le mouvement gagna bientôt le Sud :
la ville forte de Carmo expulsa les trois cohortes qui occupaient sa citadelle 131. Varron
craignant d’être coupé de ses bases, se hâta alors par la rive droite du Baetis vers Gadès ;
mais les notables s’entendirent avec les tribuns commandant les six cohortes et forcèrent
Gallonius à évacuer la ville. C’est alors que se déroule l’épisode de la trahison de la
Legio Vernacula, qui, sous les yeux mêmes de Varron, quitta son camp pour entrer dans
la ville d’Hispalis.
La flotte de dix galères 132 que faisait construire Varron se trouvait par ailleurs à Hispalis.
Dont la situation géostratégique, la rendait sûre comme nous le verrons par la suite durant
le gouvernement de Q. Cassius Longinus.
Au fur et à mesure la province devenait de plus en plus favorable à César. Varron se
trouva alors rejeté sur Italica mais elle lui ferma également ses portes. A la tête de sa
dernière légion, il ne lui restait plus d’autre choix que de se rendre, ce qu’il fit. Il remit à
César l’état de sa caisse, de ses approvisionnements et de sa flotte 133
Pendant la guerre d’Alexandrie, Antoine, en tant que Magister Equitum du dictateur, était chargé de
garder Rome et l’Italie. Il dut alors faire face aux nombreux problèmes sociaux et économiques romains qui
s’étaient accumulés depuis, notamment la question des vétérans qui attendaient en Campanie et qui
réclamaient leur dû. (Dion Cassius, XLI, 26-35).
129
La mutinerie était conduite par les vétérans de cette légion pourtant particulièrement attachée à leur
imperator. Ils marchèrent sur Rome et campèrent sur le Champ de Mars. César, rentré depuis peu, les
rencontra et leur tint un discours, reconstitué par Appien (App., G. C., II, 93 ; Plut., Caes., 56), qui les
apaisa par un habile stratagème rhétorique, et leur fit de nouvelles promesses qu’il tiendrait après les
« honneurs des triomphes ». Cet épisode nous montre combien il devenait pressant pour César de trouver
une solution à la question du lotissement.
130
Caes., B.C., II, 19.
131
Caes., B.C., II, 19, 4.
132
Caes., B.C., II, 18.
133
Caes., B.C., II, 20.
128
37
Les provinces espagnoles étaient alors soumises, en théorie du moins, à César. Il
acheva de les pacifier, si l’on en croit le Bellum Ciuile, en remettant une partie des
contributions et les amendes dont Varron l’avait frappée. Il semblait donc que César fut
pressé de mettre fin à la campagne. Il avait tout intérêt à s’emparer rapidement des
richesses de la péninsule avant qu’elles prennent la mer. On peut penser que s’il se
dirigea vers l’Espagne plutôt que vers l’Orient, c’était afin de s’assurer du contrôle d’une
province dont les richesses, minières entre autres, étaient fort bien connues.
B. Q. Cassius Longinus et la gestion des ressources naturelles en
Espagne.
Une fois les Pompéiens vaincus, comment César prévoyait-il de contrôler la
province ? Semblait-il logique de profiter des ressources naturelles de la péninsule ?
Quelles étaient ces richesses minières ? Cassius Longinus, qui s’est vu confier la charge
de propréteur en Ulterior, était-il chargé d’exploiter ces ressources pour le compte de
César ?
1. Les richesses minières de la péninsule Ibérique au Ier siècle av. J.-C..
La principale production métallifère qui intéressait les belligérants en temps de
guerre était essentiellement l’argent. Ce métal permettait depuis l’époque hellénistique de
payer les soldes des troupes. Nous nous intéresserons donc, dans le cadre de cette étude, à
l’extraction de ce métal qui joue un rôle économique de taille dans le contexte de la crise
de la guerre civile.
En faisant converger deux types de données, littéraires 134 et archéologiques, Cl.
Domergue 135 est parvenu à établir une liste des sites miniers et métallurgiques dont on
peut être sûr. Ces exploitations sont concentrées essentiellement dans la Sierra Morena et
le Sud-Est. Leur nombre dans ces deux régions est respectivement de trente huit et de
sept. Il est nécessaire de préciser que les fonderies étaient situées le plus souvent dans le
voisinage immédiat des mines exploitées. Des villages miniers complétaient le plus
souvent les complexes d’exploitation 136.
Concernant les sources littéraires, Strabon 137 précise que l’activité minière s’étendait à ce
que Domergue nomme le « croissant métallifère » de la péninsule, partant du sud-est,
134
Essentiellement Diodore de Sicile (vers 60-30 av. J.-C.), Posidonius (135-50 av. J.-C.) dont on a
quelques informations à travers les écrits de Strabon, Asclépiade de Myrlea (Ier siècle av. J.-C. ; il travailla
en Espagne) et surtout Strabon (63 av. J.-C. - 30 ap. J.-C.), permettent d’esquisser la géographie minière de
la péninsule ibérique à l’époque qui nous intéresse et au début de l’Empire.
135
Au sujet de la géographie minière de l’Espagne à l’époque républicaine ; Domergue, 1988. p. 189-196.
136
On peut trouver un exemple d’organisation d’un village minier dans : Domergue, 1967. p. 29-50.
137
Strabon, III, 2, 10 ; III, 4, 6.
39
vers le nord-ouest, en passant par la pointe Sud-Ouest. En effet, Strabon nous décrit des
mines d’argent de Carthago Noua, des mines d’or et de cuivre de la Sierra Morena, des
richesses métallifères que renferment les montagnes entre le Baetis et l’Anas, de l’or des
fleuves lusitaniens, de l’étain du nord-ouest où l’on trouve aussi de l’électrum, de l’argent
et même du plomb. Il faut toutefois distinguer les régions méridionales, la Turdétanie, du
reste de la péninsule. Sur la Turdétanie et le Sud-est en effet, les informations sont
relativement précises : Strabon situait assez précisément les mines d’argent de Carthago
Noua 138, ainsi qu’au Nord du Baetis, celles de la Sierra Morena. 139 Certaines localisations
sont plus précises comme celles concernant les mines d’argent près d’Ilipa, de Sisapo et
de Castulo, au voisinage de laquelle se trouvent aussi des mines de plomb 140, tandis qu’à
Cotinae on trouve des complexes d’extraction de cuivre et d’or 141. Les techniques
d’extraction de l’or sont également et précisément décrites par le géographe. 142 Ces
descriptions sont précises dans le territoire environnant le Baetis, au-delà, les
informations deviennent plus vagues ; ce qui peut s’expliquer par le fait que la Sierra
Morena était bien connue comparée aux régions plus centrales de la péninsule et hors de
contrôle romain jusqu’à Auguste.
Les résultats archéologiques 143 nous apprennent que la plupart des districts miniers
exploités au milieu du Ier siècle sont des gisements de plomb et d’argent. Le plus souvent
ce minerai se présente sous la forme d’une galène 144 argentifère qui contient à la fois de
l’argent et du plomb. Dans les mines du Sud-Ouest, en revanche, les conditions de
gisement de l’argent sont particulières 145 et nécessitaient sans doute plus de plomb qu’en
renfermaient les gisements. Le nombre de gîtes de galène argentifère exploités à l’époque
qui nous intéresse suggère qu’ils produisirent d’importantes quantités d’argent et de
plomb. On peut en dénombrer vingt huit dans la Sierra Morena parmi la liste donnée par
Domergue 146 et six dans le Sud-Est. L’essentiel des mines et fonderies d’argent et de
plomb se situe donc au cœur de la Sierra Morena, au nord de la colonie césarienne
Ibid., III, 2, 10
Ibid., III, 2, 3
140
Ibid.,III, 2, 10-11
141
Ibid., III, 2, 3
142
Ibid., III, 2, 8.
143
Blazquez, 1978. p. 18-21 ; p. 72-76 ; Domergue, 1988. p. 180 et suivantes
144
La galène est constituée de sulfure naturel de plomb décrit d’ailleurs par Pline l’Ancien (Livre XXXIV,
49) comme étant du « plomb noir » dont est extrait l’argent contrairement au plomb blanc qui est,
cependant fort utile pour le soudage.
145
Domergue, 1988. p. 54-58.
146
Domergue, 1988. p. 190-191.
138
139
40
d’Hispalis et du long du Baetis, l’actuel Guadalquivir. Dans le sud-est, les mines les plus
importantes sont sans conteste celles de Carthago Noua, dont le site accueillit d’ailleurs
également une colonie césarienne 147. Polybe qui les avait sans doute visitées vers 151 av.
J.-C., donne quelques indications chiffrées : une zone minière de plus de 70 km de tour,
une masse de 40 000 travailleurs et un revenu journalier de 25000 drachmes pour l’état
romain. 148
Il reste cependant difficile d’estimer ce que fut la production réelle des importants sites
de la Sierra Morena et du Sud-Est. La richesse même du minerai qui pouvait dépasser les
5 kg d’argent par tonne de plomb 149 justifiait non seulement d’importants travaux
d’aménagement des complexes miniers mais également leur contrôle dans une situation
économique de crise, comme ce fut le cas pour la période de 49 à 45. Rappelons que les
fluctuations monétaires furent perturbées par les levées importantes des camps
antagonistes. 150 On a pu en apprécier deux exemples auparavant : les levées en
numéraires, et, insistons sur ce point, en métal argent par Varron ainsi que les
« exactions » organisées par Cassius et fort probablement décidées par César dont la
véracité du récit peut être mis en doute étant donné ces informations.
Certains types de données archéologiques nous renseignent également au sujet des
exploitations métallifères ; il s’agit des échantillonnages de lingots, des saumons, qui
furent retrouvés dans des épaves romaines. 151 Domergue a publié plusieurs études au
sujet des ces éléments qui éclairent considérablement la question du commerce et du
transport des métaux depuis la péninsule jusqu'aux centres d’échanges de la
Méditerranée. 152
147
On pense que la fondation de Carthago Noua, comme nous le verrons un peu plus loin, fut décidée par
César et entamée par Lépide soit au cours de sa promagistrature de 48-47av J.-C. en Hispania Citerior, soit
en 43. Elle ne fut sans doute pas achevée avant 44-42 av. J.-C.. On peut voir à ce sujet : Garcia y Bellido,
1959. p. 470-472.
148
Strabon, 3, 2, 10. Voir à ce sujet : Walbank, 1979. p. 296. Blaquez, 1978. p. 23-24. Dans cette dernière
étude, on trouvera un tableau établi d’après les données trouvées dans Tite-Live. Ce tableau fait état des
quantités de métaux extraits dans la péninsule (or, argent et deniers transformés à partir des métaux
extraits) entre 206, date de la fondation d’Italica, et 168 av. J.-C..
149
Domergue, 1988, p. 71-74.
150
Frank, 1959, p. 37-49.
151
Plusieurs résultats concernant les lingots retrouvés dans les épaves du premier siècle av. J.-C. et du
premier siècle de notre ère. On peut citer par exemple : Veny/Cerda, 1972. p. 299-310 ; Veny, 1979. p.
465-479 ; Domergue/Guerrero Ayuso, 1986. p. 31-80.
152
Domergue, 1994, p. 82-88 ; Domergue, 1998. p. 201-215.
41
Carte des zones de productions minières de Bétique à la fin du Ier siècle av. J.C..,[carte extraite de l’article de Cl. Domergue « External Commerce based on the Metal Trade » p.
205 dans Fear, 1996.]
Les métaux provenant des zones minières au nord du Baetis étaient acheminés par voie
fluviale vers Hispalis (Strabon, III, 3, 4). Les zones exploitées dans cette région étaient
les suivantes : 1, Linares-La Carolina (plomb/argent) ; 2, Andujar-Montoro (cuivre) ; 3,
Alcuda (plomb/argent) ; 4, Pedro-ches (cuivre, plomb/argent) ; 5, Corduba (cuivre) ; 6,
Posadas (plomb/argent) ; 7, La Serena (plomb/argent) ; 8, Azuaga-Fuenteovejuna
(plomb/argent, cuivre) ; 9, Hispalis (plomb/argent, cuivre, fer) ; 10, Aznalcollar (cuivre).
42
Sur cette carte des zones minières de la Sierra Morena Orientale en exploitation au Ier
siècle av. J.-C., au nord-est d’Hispalis 153, on remarque que les municipes romains se
trouvent à proximité des principales zones minières. Les municipes représentés sur cette
carte sont les suivants : 1, Escoriales ; 2, Huerta del Gato ; 3, Salas de Galiarda ; 4, Cerro
del Plomo ; 5, Virgen de la Encina ; 6, Guarroman ; 7, Cerro de las Mancebas ; 8, La
Cruz ; 9, Arrayanes ; 10, Palazuelos ; 11, San Julian ; 12, Fuente Spys ; 13, La Laguna.
Bien que les municipes ne concernent pas directement notre problématique, on peut
remarquer que leur proximité avec les zones minières souligne bien l’intérêt que
représentaient les complexes miniers dans l’installation d’infrastructures romaines. Plus
précisément, on constate sur ce schéma que les fonderies se trouvent pour la plupart à
proximité immédiate de ces mêmes municipes, alors que les puits se trouvent à distance
plus importante. On peut donc supposer que le schéma de transfert des ressources en
lingots était le suivant : les galènes étaient transformées dans les fonderies implantées au
cœur des complexes miniers ayant pour centre les municipes, puis étaient fondus sous
forme de lingots après qu’on en eut extrait les masses métallifères. Une fois les lingots
fondus, ils étaient acheminés vers le centre urbain le plus proche, à l’époque tardo153
Almudena Orejas, 1999. dossier I sur les mines de la Sierra Morena Orientale.
43
républicaine il s’agissait sans doute de colonies dont les zones environnantes étaient
fortement sécurisées. Hispalis offrait de ce point de vue un centre tout à fait privilégié, ce
qui est attesté pour l’époque impériale. 154 En effet, Strabon nous dit à ce sujet que cette
cité était un grand centre de commerce qui avait reçu, sans doute à l’époque augustéenne,
une nouvelle colonie de vétérans 155, une première étant probablement fondée à l’époque
césarienne au plus tôt. Une fois les lingots acheminés à Hispalis, ils étaient chargés sur
des embarcations confiées à des mercatores qui naviguaient par voie fluviale, sur des
navires (navicularius) de moyen tonnage. Ceux-ci déchargaient leurs cargaisons sur des
navires de haute mer stationnés à l’intérieur du Lacus Ligustinus 156.
Ces métaux sous forme de lingots étaient ensuite acheminés vers Rome ou d’autres
centres d’échanges commerciaux comme Massilia 157. Strabon, dans sa description des
richesses minières, évoque également l’or en roche et l’or alluvial de Turdétanie 158.
Cependant, mis à part la région du Rio Tinto, où l’on a découvert des gisements dont les
niveaux supérieurs seraient riches en métaux nobles (or et argent) 159, on n’a pas, pour
l’instant, de preuves qu’à la fin de la République, le sud de la péninsule ait produit
beaucoup d’or. En revanche, dans le Nord-Ouest, il semble que l’existence de gisements
aurifères soit prouvée 160 au début de l’Empire, ce qui justifiait sans doute la guerre
d’Auguste contre les Cantabres. En revanche, il semble peu probable que tous les gîtes
métallifères du Sud-Ouest de la péninsule aient été exploités à la fin de la République,
bien que dans la région du Rio Tinto, l’exploitation de métaux nobles et donc de cuivre,
soit attestée depuis la fin du IIème siècle av. J.-C. 161
Parmi les principaux témoignages sur les métaux extraits et transformés en Espagne à
l’époque républicaine, qu’ils soient d’ordre historique, archéologique ou épigraphique,
154
Fear, 1996, p. 67-68.
Strabon, III, 2, 1.
156
La question du Lacus Ligustinus est particulièrement éclairante du point de vue environnemental.
Strabon indiquait dans son inventaire géographique que la cité d’Hispalis se trouvait à forte proximité
d’une zone portuaire. Il précise (III, 2, 3) que la rivière du Baetis est « navigable pour des navires
marchands de taille considérable, sur une distance de pas moins de cinq cents stades ; pour les cités plus au
nord comme Ilipa, de plus petits navires marchands » peuvent s’y rendre. Actuellement, ce territoire au sud
de Séville est comblé. Ce n’est que depuis une trentaine d’année avec les premières études
géoarchéologiques de l’estuaire que l’on a perçu l’ampleur de la zone comblée de ce que l’on appelle las
marismas du bas guadalquivir. Citons les principales études archéologiques : Arteaga. Schultz, Roos ,
1995. p. 99-135; Arteaga, Hoffmann, Schubart, Schultz, 1988, p. 107-126 ; Menanteau, 1978. p. 35-72 ;
Vanney et Menanteau, 1985 (cartes de l’estuaire établies d’après les études géoarchéologiques).
157
Domergue, 1998. p. 208.
158
Strabon, III, 2, 8.
159
Domergue, 1988. p. 33.
160
Ibid., p.194.
161
Jones, 1980, p. 156-157.
155
44
nous constatons que le plus grand nombre concerne les mines de plomb-argent. Le plomb
est un sous-produit extrait du traitement du minerai argentifère, la galène 162, et c’est de
toute évidence, d’autant plus dans le contexte tardo-républicain, l’argent, et
éventuellement l’or, qu’en priorité les Romains ont recherché dans ces mines. Il apparaît
donc que les mines d’Espagne à la fin de la République, ce sont pour l’essentiel, les
mines d’argent.
Au début de la période augustéenne, la domination romaine s’étendait à toute la
péninsule ibérique. Pourtant seules deux régions sont essentiellement exploitées à la fin
de la République : le Sud-Est et la Sierra Morena, au nord est d’Hispalis. Deux gisements
importants commencent à être traités vers le milieu du Ier siècle av. J.-C. Deux régions,
comme nous l’avons vu, sont largement exploitées à la fin de la république : l’une au
Riotinto, dans la vallée du bas Baetis, et l’autre à Aljustrel. 163
On peut expliquer le fait que peu de nouveaux gisements aient été exploités par le fait que
les soulèvements lusitaniens entre 109 et 99 av. J.-C. puis la guerre sertorienne ait troublé
la paix dans la péninsule. L’installation de nouvelles industries minières capables
d’exploiter les richesses des sols nécessitait d’importants travaux d’aménagements ; le
maintien de la sécurité dans les zones d’exploitations était donc indispensable. Ainsi
peut-on expliquer une relative stagnation entre le IIème et le milieu du Ier siècle av. J.-C.164
en raison des affrontements successifs au cours des années 49 à 45 entre autres. Ce n’est
qu’au début de l’Empire et la Pax Romana que l’industrie minière va connaître une
extraordinaire mise en valeur. En effet, en temps de guerre, les protagonistes cherchaient
à prendre contrôle des complexes miniers, le pillage accompagnait souvent l’arrivée des
troupes. Les exploitations de ces sites étaient fort probablement ralenties voire stoppées
jusqu’à la pacification de la zone. La seconde guerre civile, de 49 à 45 av. J.-C., constitue
une importante période de troubles dans le développement de l’exploitation minière de la
péninsule. Les provinces de Citérieure et d’Ultérieure sont peu touchées par les révoltes
indigènes mais constituent des enjeux au moment de la guerre sertorienne et de la guerre
civile.
Il semble donc qu’au cours de la période qui nous intéresse, la possession des centres
miniers producteurs d’argent et de plomb de la Sierra Morena ait fait l’objet d’âpres luttes
162
Domergue, 1988, p. 190 et suivantes.
Domergue, 1983.
164
Domergue, 1988. p. 187-196.
163
45
entre les deux partis. Selon Domergue 165, la destruction du village minier de Diogenes et
de la fonderie du Cerro del Plomo à El Centinillo vers le milieu du Ier siècle av. J.-C. 166
serait liée aux affrontements des années 49-45. On peut tenir compte de quelques trésors
monétaires enfouis au cours de cette période près des districts miniers 167 ; cet élément
important permet d’illustrer concrètement l’enjeu représenté par le contrôle des mines
tant pour les Césariens que pour les Pompéiens. Il semble par ailleurs que ces luttes,
durant la crise de la guerre civile, aient désolé la partie orientale de la Sierra Morena et
mis fin à une importante période d’exploitation à Diogenes, au Centenillo et peut-être
même à La Loba.
En temps de paix, l’exploitation des zones minières était confiée à des sociétés de
publicains 168. Les métaux étant considérés comme des produits du sol, au même titre que
les pierres de constructions, le marbre, l’argile, le sable, le sel ou encore les récoltes 169.
Lorsque Rome s’empare en 209 av. J.-C. de Carthago Noua 170 le territoire entre dans
l’ager publicus, ce que confirme une liste d’agri publici dressée par Cicéron en 63, où
sont mentionnés les agri propter Carthaginem Nouam 171. Par ailleurs, on sait par Polybe
qu’au milieu du IIème siècle av. J.-C., les mines de Carthago Noua sont la propriété de
l’Etat romain 172. Le sol et les mines qu’il renferme ont donc la même condition juridique
d’exploitation, du point de vue du droit romain ils sont une seule et même chose. Notons
cependant qu’en cas de distribution d’un territoire, un sol contenant des mines n’en fera
évidemment pas partie.
165
Domergue, 1988. p. 188.
Domergue, 1967. p. 29-50 ; Domergue, 1971. p. 340-343.
167
Selon C. Domergue (Domergue, 1988. p. 188), cinq trésors monétaires peuvent être mis en relation avec
la guerre pompéienne. Trois d’entre eux furent trouvés en Espagne et sont datable au plus tard de 46-45 av.
J.-C.: El Centenillo (Crawford, 1969. No 385) ; Mentesa (ibid No 386) ; Pozoblanco (de Guadan, 1969. p.
96). Les deux autres furent trouvés au Portugal : Rua et Sendinho da Senora (Crawford, 1969. No 372 et
388). Il est important de noter que ces trésors furent cachés dans les zones minières : au Centenillo
(Crawford No 385), près de la mine de los Almadenes del Chaparro Barrenado et à Pozoblanco (de
Guadan, 1969. p. 96.).
168
Domergue, 1988. p. 229-240.
169
Girard, 1911. p. 249.
170
Tite-Live, 26, 42-47.
171
Cicéron, De Leg. Agr., 1, 5 ; 2, 51.
172
Strabon, III, 2, 10 : Elles rapportent au peuple romain 25 000 drachmes par jour.
166
46
2. Les exigences de César.
Quelle était la mission de Q. Cassius Longinus lorsqu’il se vit confier le
gouvernement des Espagnes ?
Il avait la charge de préteur ou de propréteur en Espagne Ultérieure 173. Dans les sources
littéraires 174 ainsi que dans les études plus évènementielles 175, ce légat de César est
fréquemment évoqué en tant que responsable du soulèvement de la province par ses
rapines. Toutefois, ne peut-on pas nuancer cette vision en fonction des enjeux
environnementaux et économiques que représentait la province ?
Q. Cassius Longinus avait sans doute reçu certaines consignes de la part de César 176.
On sait qu’il eut pour mission de construire une flotte à Hispalis et de lever des troupes. Il
put se voir également confier la charge d’établir des colons, en vertu d’une loi similaire à
celle d’Urso. 177 Etant donné qu’il devait sans doute assembler des sommes importantes
pour César, il dut dans un premier temps prendre le contrôle des zones minières puis
veiller à l’exploitation des mines du Rio Tinto et des zones environnantes. Les revenus de
la province semblaient assez importants.178 On n’omettra pas de préciser que César devait
financer ses guerres. Les seules autres zones minières exploitées à l’époque sont situées
en Orient, notamment en Grèce 179, précisément là où se trouve Pompée jusqu’à Pharsale.
Q. Cassius Longinus a provoqué des soulèvements dans la province d’Ultérieure
pendant l’absence de César. A lire les sources, principalement le Bellum Alexandrinum,
Cassius a commis diverses exactions qui ont provoqué la colère des gouvernés et leur
Mentionné en tant que propréteur dans : Caes., B.C., II, 21, 3 ; Bell. Alex., 48, 2 ; et en tant que préteur
dans : Tite-Live, Per., 111 ; Ap., Guerre Civile, II, 43 ; Dion Cassius, XLI, 24, 2.
174
Bell. Alex., 48-64 ; Bell. Hisp., 42, 4-5 ; Tite-Live, Per., 111 ; Val. Max., 9, 4, 2 ; Dion Cassius, 42, 1516 ; 43, 29, 1.
175
Selon Carcopino (Carcopino, 1968, p.355), Q. Cassius Longinus serait le frère du futur assassin de
César. Selon Gruen, (Gruen, 1974, p.182). Il avait déjà une bonne connaissance de l’Espagne, ayant servi
en tant que questeur sous le commandement exceptionnel de Pompée (Cic., ad Att., 6, 6, 4 ; voir aussi
Brougton, M.R.R., vol. III, p.52). Il avait, dès cette première magistrature connue en Espagne, été poursuivi
pour extorsions (cf. Cic., ad Fam., 15, 14, 4, lettre datée d’Octobre 51). Voir aussi Thouvenot, 1940, p.
142-150 ; Fear, 1996. p. 52-60 ; Richardson, 1996, p. 111-116.
176
Cf Pseudo-Caes., Bell. Alex., IV, 48-64.
177
On pourrait la rapprocher de la Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia de limitibus. Hinrichs
(Hinrichs, 1969, p.521) avait démontré qu’on pouvait la dater de 49 av J.C. Il la lie aux distributions de
terres entreprises par César à partir du début de la deuxième guerre civile.
178
Comme nous l’avons vu, Varron a pu être capable d’assembler d’une part d’énormes quantités de blé et
suffisamment de numéraire pour armer 2 légions (en plus de celles d’Afranius et de Petreius, qui venaient
d’être défaites à Ilerda) et 30 cohortes.
179
Justin, Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée, VIII, 12. (trad. : M.P. Arnaud-Lindet).
173
47
ralliement massif aux fils de Pompée. Qu’est-ce qui a bien pu provoquer ce mouvement
dans une province traditionnellement. 180 proche de César ? Dans le texte du Bellum
Alexandrinum, Cassius est présenté comme le responsable du soulèvement de la
province et de son ralliement aux ennemis de César. Ce procédé n’est pas nouveau dans
la rhétorique habituelle du corpus césarien : reporter la responsabilité d’un mauvais pas à
un subordonné, plus ou moins coupable. On a l’exemple évident de Curion au cours de la
guerre d’Afrique avant l’arrivée de César. 181 Q. Cassius Longinus a pu suivre les
instructions, probablement fort exigeantes, au vu de la richesse de la province et du
contexte de la guerre civile, et provoquer, ce faisant, des mécontentements.
Un passage du Bellum Alexandrinum pourrait nous éclairer un peu plus sur les
mécontentements provoqués par Cassius :
Equitum autem Romanorum dilectum instituit ; quos ex omnibus conuentibus
coloniisque conscriptos transmarina militia perterritos ad sacramenti
redemptionem uocabat Magnum hoc fuit uectigal, maius tamen creabat
odium… 182
Qui pouvaient être les chevaliers 183 concernés par ces levées ? Il pouvait s’agir, fort
probablement, de membres de l’ordre équestre chargés de l’affermage des mines,
particulièrement fructueux, donc de publicains. Cassius leur permit ainsi d’acheter une
exemption de service à prix d’or. On ne peut savoir si Cassius agissait suivant les
instructions de César, cependant si l’on suit l’habituelle rhétorique césarienne, Cassius
semble par trop coupable pour l’être vraiment. Ce dernier devait donc en théorie préparer
une campagne contre le roi Juba de Numidie. Il échappa de justesse à une tentative
180
A en croire les sources plus tardives et donc particulièrement soumises à l’idéologie augustéenne (cf
Velleius Paterculus, Suétone, Appien, Plutarque, Dion Cassius).
181
César, B.C., II, 23-44. Selon M. Rambaud (L’Art de la Déformation historique dans les Commentaires
de César, Lyon, 1966), L’auteur du Bellum Gallicum a tendance, dans ses récits à rejeter la responsabilité,
d’une défaite ou d’un soulèvement sur un de ses subordonnés, ce qui contribue à la propagande césarienne.
Toutefois la plupart des chercheurs s’accordent à considérer que Q. Cassius Longinus tient une
responsabilité non négligeable dans le soulèvement de l’Ultérieure (voir Gelzer, 1985, p. 218) ou du moins
qu’il contribua à précipiter la province exsangue dans le camp pompéien (Harmand, 1970, p. 196 ;
Tovar/Blazquez, 1982, p. 135-136 ; Curchin, 1991, p. 49).
182
« D’autre part, il avait fait une levée parmi les chevaliers romains qui, ainsi recensés dans tous leurs
établissements et toutes leurs colonies et redoutant par-dessus tout de servir outre mer, sont invités à se
racheter du service. Cela représentait un impôt d’importance mais fut cause d’une haine accrue » (PseudoCaes., Bell. Alex., LVI, 4). [trad. pers.]
183
Etant donné le contexte, on peut traduire ici le terme eques par son second sens, à savoir un membre de
l’ordre équestre.
48
d’assassina à Corduba. La province se gagnait à la cause pompéienne au fur et à mesure
que les relations entre le propréteur et ses gouvernés se dégradaient et que les levées en
hommes et en richesse augmentaient. Quel meilleure raison de se soulever contre le camp
césarien, malgré l’annonce de la victoire de Pharsale ?
Lépide, alors propréteur de Citérieure, dut intervenir ainsi que le roi Bogud de
Maurétanie. L’arrivée de Lépide permit, un temps, de rétablir l’ordre à l’intérieur de la
province. Une ambassade des provinciaux avertit César qui fit remplacer Cassius par C.
Trebonius en tant que proconsul. 184 Cassius s’embarqua à Malaca à la fin de l’automne
de 48 et périt dans un naufrage accompagné du fruit de ses rapines. Malgré le
remplacement de l’impopulaire Cassius, C. Trebonius ne réussit pas à juguler les
soulèvements naissants ; il demeura tant bien que mal jusqu’en 46, date à laquelle les
Pompéiens avaient retrouvé provisoirement le contrôle d’une partie de la péninsule. Les
Pompéiens, quant à eux, profitèrent du vent de révolte pour regagner ce fief. Le jeune
Cnaeus Pompée arriva en Espagne au début de 46, après avoir été retenu aux Baléares. Il
fut rejoint par son jeune frère Sextus, Attius Varus ainsi que par le fidèle et redoutable T.
Labienus. Les populations indigènes et romano-latines, pressurées par les gouverneurs
césariens, furent rapidement gagnées à la cause pompéienne. On ne peut qu’être frappé
de la fidélité des Espagnols à la famille de Pompée. Pourtant l’auteur du Bellum
Hispaniense présente la chose ainsi :
Pompeius in fidem uniuscuiusque ciuitatis confugere coepit. Ita partim precibus
partim ui bene magna comparata manu prouinciam uastare. Quibus in rebus non
nullae ciuitates sua sponte auxilia mittebant, item non nullae portas contra
cludebant. Ex quibus si qua oppida ui ceperat, cum aliquis ex ea ciuitate optime de
Cn. Pompeio meritus ciuis esset, propter pecuniae magnitudinem alia qua ei
inferebatur causa, ut eo de medio sublato ex eius pecunia latronum largitio fieret.
Ita pacis commoda hoste +hortato+ maiores augebantur copiae. +Hoc crebris
nuntiis
in
Italiam
depostulabant.
missis
ciuitates
contrariae
Pompeio+
auxilia
sibi
185
Bell. Alex., 64, 2.
« … Pompée tâcha d'attirer les villes à son parti, pour être plus en état de résister. Il eut ainsi, moitié par
les prières, moitié par la force, une armée assez considérable avec laquelle il se mit à ravager la province.
Dans ces circonstances, quelques villes le secondaient volontiers ; d'autres lui fermaient leurs portes. Si,
dans les places qu'il prenait par force, il se trouvait quelque citoyen qui fût riche, alors même qu'il eût rendu
184
185
49
On ne peut pas donner foi, aussi simplement, à la description de l’attitude pompéienne
par l’auteur du récit. Comment expliquer la fidélité des cités espagnoles bien après la
défaite des Pompéiens à Munda autrement qu’en considérant la fides iberica ou
deuotio 186 ? Les Pompéiens, Cn. Pompée et une partie de ses lieutenants, dont
Labienus, 187 furent défaits à Munda le 17 mars 45 188. Pourtant Sextus Pompée conserva
une certaine influence et put trouver refuge dans le nord de la péninsule. Il fit alors appel
aux clientèles de son père 189. Les frappes de monnaies d’argent et leur circulation
permettaient de rappeler la présence de la gens 190 et son importance politique. On peut le
remarquer sur cette monnaie frappée vers 46-45 191 et retrouvée vers Cordoue.
Sur l’envers de cette monnaie on peut distinguer les deux visages de Janus, couronné de
lauriers, et sur le revers on trouve l’inscription CN(aeus) MAG(nus). Il s’agit fort
probablement d’une frappe des fils de Pompée évoquant leur père défunt.
La clientèle pompéienne est donc fort importante et, sans doute, l’une des raisons du
ralliement massif des Espagnols aux fils de Pompée. En outre, on n’a pu que constater
l’importance économique de la province du point de vue des richesses minières. César, à
service à Cn. Pompée, on imaginait un prétexte pour le perdre, et lui enlever son bien, qu'on donnait à des
brigands. En gagnant ainsi à peu de frais ses ennemis, il augmentait son armée. Aussi les villes qui lui
étaient contraires ne cessaient d'envoyer des messages en Italie pour demander du secours. » Bell. Hisp. 1,
2-5.
186
Adrados F. R., « Fides Iberica », Emerita, 14, 1946, p.128-209 (=Adrados, 1946), cit. Roddaz, 1988. p.
318 et suivantes.
187
Il est sans doute responsable de la difficulté qu’éprouva à César à vaincre ses adversaires. Il trouva la
mort au cours des massacres perpétrés par les soldats de César. Bell.Hisp. 31.9; Vell. Pat. 2.54.4. App. G.
C., 2.105; Oros. 6.16.8.
188
Bell. Hisp., 31, 8 ; Dion Cassius, XLIII, 35, 4-38, 4.
189
Surtherland, 1987, p. 174.
190
Roddaz, 1988, p. 325.
191
Sydenham, 471 n°1.
50
partir de sa campagne de 49 aurait-il négligé d’exploiter les ressources de cette précieuse
conquête ?
Ainsi peut-on trouver deux raisons au soulèvement des provinces ibériques : d’une part
l’exploitation économique de la province d’une façon excessive mécontenta aussi bien les
indigènes que les Latins et les Romains, et, d’autre part, l’importance de la clientèle que
les Pompeii s’y étaient constitué en deux ou trois générations permit d’organiser les
mécontents. A cela, César devait trouver une solution : la colonisation.
Comme nous avons pu le constater, dans le contexte de la guerre civile, étant donné
les nécessitées d’approvisionnement et les besoins monétaires, l’Espagne représentait un
enjeu non négligeable pour les différents camps en présence : les Pompéiens puis les
Césariens. Une fois la zone pacifiée, il semble que César ait décidé d’installer des
colonies en Espagne afin de gagner à sa cause les clientèles pompéiennes. Par ailleurs,
comme nous l’avons vu en introduction, les colonies établies dans ces deux provinces
étaient nettement plus nombreuses que dans d’autres provinces. Peut-on voir un lien entre
cette colonisation massive et l’importance des ressources naturelles, en particulier les
exploitations minières, pour l’Etat Romain?
C. La colonisation césarienne en Espagne
En quoi la colonisation césarienne en Espagne était un moyen de contrôle local à
la fois des richesses minières et des populations ? L’œuvre de pacification envisagée par
César ne put être achevée. Elle fut cependant reprise par Auguste, qui, comme nous
l’avons évoqué, revendiquait le fait d’avoir loti un nombre important de vétérans.
1. une difficulté de datation.
Si l’on souhaite établir clairement quelles furent les colonies établies du vivant de
César, on se trouve face à une difficulté majeure en analysant les sources ; on trouve très
peu de traces évoquant les colonisations césariennes.
Le contexte politique de la guerre civile avait, fort probablement, rendu difficile la
colonisation de la péninsule. Les clientèles jouèrent un rôle non négligeable dans les
conflits qui secouèrent les provinces ibériques entre 49 et 44. Le conflit eut des
répercussions d’ordre politique économique et social dans le processus de prise de
contrôle par César et ses lieutenants. Deux zones étaient déjà fortement romanisées : la
région du Nord-ouest (Emporiae, Tarraco), et la province d’Ulterior. 192
Comme nous l’avons rapidement évoqué, il est difficile de préciser quelles sont les
colonies établies par César lui-même. Si l’on se place dans une optique plus large, on
peut toutefois définir ce que l’on entend par colonisation césarienne ; il ne s’agit pas
seulement des colonies établies du vivant de césar, entre 49 et 44 av. J.-C., mais des
colonies qu’il dut planifier et qui furent déduites par les triumviri dans les années qui
suivirent sa mort. 193 On s’accorde à partir de ce passage de Suétone :
192
Essentiellement la vallée de l’Ebre et celle du Guadalquivir : Roddaz, 1986, p. 317-338.
On dispose de nombreuses évocations dans les Gromatici Veteres, notamment ou encore sur certaines
inscriptions qui évoquent des colonia Iulia. On pourrait supposer à priori qu’il s’agisse de colonie fondées
par Caius Iulius Caesar. Cependant, comme l’indique Salmon (Salmon, 1969, p.134), Certaines colonies
fondées par Octave avant 27 av. J.-C. porte également le nom de colonia Iulia, ce qui rends difficile de
distinguer les colonies césariennes des colonies « octaviennes ». On peut toutefois considérer que ces
dernières on pu être également planifiées par César. Pourquoi limiter les dernières réalisations césariennes
aux assignations triumvirales ? Brunt, 1971, p. 255-259.
193
52
Octoginta autem ciuium milibus in transmarinas colonias distributis, ut
exhaustae quoque urbis frequentia suppeteret, sanxit, ne quis ciuis maior
annis uiginti minorue LX, qui sacramento non teneretur, plus triennio
continuo Italia abesset… 194
Parmi ces 80 000 citoyens, Brunt relevait 25 000 vétérans issus de ses 10 légions à
lotir. 195 Plusieurs colonies furent fondées à travers les différentes provinces comme nous
l’avons évoqué en introduction ; il est intéressant de noter, et insistons sur ce point, que
l’Espagne semble avoir reçu plus de colonies que les autres provinces. Quelle peut en être
la raison ? Les enjeux des richesses minières sont-ils liés à une telle organisation ?
Quatre légions étaient présentes en Espagne dans les années 49 à 44. Il s’agit des légions
V, VI et X évoquées dans les sources littéraires 196 et de la trentième légion 197. Les
vétérans lotis dans les provinces d’Ulterior et de Citerior appartenaient sans doute,
comme le pense Brunt, à ces légions 198. Les vétérans étaient fort probablement lotis par
tribus et par légion tels qu’ils avaient servis 199. Il semblerait d’autre part que les futurs
magistrats, les duumuiri, une fois la colonie déduite, aient été leurs anciens officiers et
sous officiers. La fondation d’une colonie étant similaire à l’établissement d’un camp
militaire par de multiples aspects, le maintien de la hiérarchie et de la cohésion de la
légion permettait d’assurer un schéma comparable dans la colonie. A l’époque
césarienne, les vétérans installés sur un site appartenaient le plus souvent à une même
légion 200 dans laquelle ils avaient accompli leur service. Nous disposons d’une
inscription qui nous renseigne sur l’un des premiers duumuir de la colonie d’Urso :
C.VETTIVS C. F. SERG.
194
« Quatre-vingt mille citoyens furent répartis dans les colonies d'outre-mer. Pour que la population de
Rome n'en fût point épuisée, César défendit par une loi qu'aucun citoyen au-dessus de vingt ans et audessous de soixante, à moins qu'il ne fût sous les drapeaux, restât plus de trois ans de suite absent de
l'Italie… » Suétone, Diu. Iul., 42, 1.
195
Brunt, 1971.p. 474 et suivantes au sujet des légions césariennes.
196
Pseudo-Caes., Bell. Hisp., 12 ; 23 ; 30.
197
Cf. chapitre II de notre étude au sujet de l’inscription concernant C. Vettius, ancien centurion de cette
trentième légion et duumvir de la colonie d’Urso (CIL II 5442=ILS 2233).
198
Brunt 1971, p.255. Brunt considère cette hypothèse au sujet des trois premières légions que nous avons
nommées. Au sujet de la trentième légion, l’inscription mentionnée plus haut, certifiant la présence de
vétérans de cette légion, ainsi qu’un passage du Bellum Alexandrinum (53, 5) permet de confirmer ce point.
199
Keppie, 1983. p. 96 et suivantes
200
« Les guerres ont été à l’origine de la distribution des terres. En effet, on a assigné le territoire pris à
l’ennemi au soldat victorieux et au vétéran, après en avoir chassé l’ennemi, et on l’a donné de manière
égale dans le cadre du manipule » Siculus Flaccus (La. 155, 3-6=Th. 119, 7-10).
53
CENTURIO LEGIONIS XXX
IIVIR ITERUM. 201
Cette inscription, retrouvée à Osuna, serait, selon Curchin 202, évidemment, postérieure de
quelques années à la création de la trentième légion par César en 49 ou 48. 203
On dispose toutefois d’un élément intéressant concernant un lien avec Urso ; dans un
passage du Bellum Alexandrinum cette légion est évoquée :
… nam legionem XXX et XXI paucis mensibus in Italia scriptas Caesar
attribuerat Longino, quinta legio nuper ibi erat confecta. 204
On retrouve plusieurs allusions à cette légion qui, créée par César lui-même, semble
s’être montrée loyale à Cassius Longinus pendant la révolte espagnole de 48-47.
Il semblerait donc qu’afin de récompenser cette légion, César, Antoine ou Octavien ait
assigné aux vétérans de la trentième légion une partie du territoire confisqué à la cité
d’Urso, qui était restée fidèle aux Pompéiens malgré la défaite de Munda. 205
Vettius serait donc fort probablement l’un des premiers duumviri de la colonie d’Urso, ce
qui est tout à fait envisageable.
Les vétérans de cinq légions ont pu être démobilisés dès 49 en Espagne ; rien
n’indique toutefois que tous les vétérans des légions furent lotis dans ces deux provinces
mêmes 206. On sait cependant d’après un passage du Bellum Ciuile 207 que 6000 colons se
rendaient vers la péninsule que les troupes pompéiennes harcelaient au passage. 208 On
peut donc se demander dans quelle direction se rendaient ses colons ? S’agissait-il
CIL II 5442=ILS 2233
Curchin, 1990, p. 166
203
B. Alex., 53, 5.
204
« …À l'égard de la trentième et de la vingt unième légions, elles avaient été levées depuis peu de mois
en Italie par César, qui les avait données à Cassius; la cinquième avait été récemment formée sur les
lieux. » B. Alex., 53, 5. Ce qui laisse entendre que les premiers colons d’Urso faisaient donc fort
probablement partie de tribu Sergia.
205
La résistance d’Urso après la défaite et la fuite de Pompée nous permet nous poser la question de la
raison d’une telle résistance telle qu’elle est évoquée dans le texte même du Commentarius de bello
Hispaniensi. Nous reviendrons sur ce point au chapitre 3 de notre étude. Il semblerait qu’il y ait bien un
lien entre l’attitude de la cité d’Urso évoquée dans le récit même de César et la question de la colonisation
du site après confiscation d’une partie de son territoire.
206
Par ailleurs, une partie de ces troupes a probablement été réincorporée après la capitulation des
pompéiens : Caes., B.C., I, 83 ; 87, 4-5 ; Dion Cassius, XLI, 23.
207
Caes., Bell. Ciu. I, , 51
208
Selon A. Garcia y Bellido, (Garcia y Bellido, 1963, p. 213-226.), cette population devait correspondre à
environ 20 000 personnes, familles et clients les accompagnant.
201
202
54
d’individus qui avaient obtenus des lots de terres en vertu d’une planification coloniale
césarienne dès 49 av. J.-C. 209? Un autre élément nous suggère également qu’il y eut des
mouvements de populations dès cette époque ; A. Beltran avait avancé l’hypothèse
qu’après la victoire césarienne d’Ilerda, plusieurs cités de l’Èbre aient vu leurs murs
détruits pour éviter un éventuel soulèvement, et que leurs populations avaient été en
partie déportées. 210 Si l’on ne peut spéculer, pour l’instant, sur l’éventualité d’une
première vague de colonisation organisée par César dès 49 av. J.-C., on peut tout de
même remarquer plusieurs mouvements de populations dès cette période.
On sait d’autre part que plusieurs colonies césariennes. 211 furent établies dans les années
qui suivirent. La clientèle de Pompée était fort importante dans la péninsule, notamment
dans les territoire des Vascons (actuel pays basque espagnol), où se réfugia Sextus
Pompée 212 ou encore dans la vallée de l’Èbre. 213 On peut supposer toutefois que
l’établissement de colonies de vétérans césariens permettait de contrôler des territoires
dévouée à Pompée. 214 Les provinces ibériques constituaient, en effet, un véritable fief
pompéien, ce qui explique la facilité avec laquelle les fils de Pompée en regagnèrent le
contrôle. Les exactions de Longinus, si elles ont favorisé les mécontentements locaux ne
sont pas seules à l’origines de ces soulèvements. Toujours est-il que la colonisation de
certains sites était liée d’une manière ou d’une autre au rôle joué par les cités. On observe
donc, concernant la colonisation, deux cas de figures, plus ou moins déterminés selon les
cas : les confiscations de territoires et les promotions de cités, deux procédés favorisant la
romanisation, déjà entamée, des provinces ibériques.
Les principales motivations immédiates de César en installant des colonies, ce qu’il
ne put achever de son vivant, étaient donc probablement de faire entrer dans sa clientèle
des populations encore fidèle à son ancien rival, de contrôler également d’importantes
209
Comme nous le verrons au chapitre II, concernant la loi d’Urso, on peut émettre l’hypothèse que César
ait organisé des colonies dès 49 av. J.-C.
210
Beltran, 1964,. p. 79-86.
211
On entend par là des colonies organisées fort probablement sur l’initiative de César : incluant les
colonies établies par les triumviri et mettant en application ses projets destinés à ses vétérans.
212
Gabba, 1970, p. 141.
213
Roddaz, 1988, p. 322-327, au sujet des clientèles qui furent liés à Pompée ainsi que sur les types de liens
propres à ce que l’auteur nomme la deuotio ibérique particulière à la province et distincte, par exemple, de
ce que l’on peut nommer la fides gauloise (Freyburger, 1983, p. 170).
214
Caes., B.C., II, 18. Ces liens de clientèles sont renforcés par un serment (ius iurandum) qu’exigea
Varron de toute la province d’Ulterior, au moment de l’arrivée de César. Le fils aîné de Pompée renouvela
ce serment peu avant Munda (Pseudo-Caes., Bell. Hisp., I, 1).
55
ressources naturelles, et enfin de lotir ses propres vétérans ce qui permettait de contrôler
les territoires à tous points de vue.
2. Que sait-on des colonies césariennes ?
Quelles étaient donc les colonies installées en Espagne sur l’initiative de César ?
Nous avons vu précédemment que l’on ne possédait pas de traces d’éventuelles colonies
romaines installées par Pompée pour ses vétérans. Cependant on a connaissance d’une
pratique concernant les installations de colonies. Marius avait fondé des colonies pour
lotir ses vétérans. Sylla, peu après qu’il eut défait les Marianistes, en fit de même.
L’exemple des deux colonies corses de Mariana et d’Aleria est intéressant et nous
permettra sans doute de comprendre mieux un autre enjeu de la colonisation césarienne
en Espagne. Mariana fut probablement fondée en 100 av. J.-C. 215 Afin de contrebalançer
la colonie de vétérans marianistes, Sylla fonda la colonie d’Aleria à près de 40 milles
sans doute vers 81 av. J.-C. 216 La décision du dictateur de fonder une colonie à proximité
de celle fondée par son ancien rival lui permettait ainsi de mieux contrôler, par son
influence et ses liens clientélaires, le territoire corse. On peut ainsi supposer qu’il en fut
de même pour les colonies pompéiennes et césariennes sur lesquelles on ne sait que peu
de choses. Nous disposons pour certaines colonies comme Carthago Noua, Celsa,
Hispalis, et bien sûr Urso de plus d’informations qui, étudiés en comparaison, nous
permettent ainsi d’établir l’éventualité de l’initiative de César quant à leur fondation. En
revanche d’autres colonies sont plus difficilement datable comme Tarraco, Asta Regia et
Emporiae.
On peut considérer une hypothèse qui nous permettrait sans doute de distinguer les
colonies césariennes des colonies proprement augustéenne. En effet, ces deux types de
colonies portent le nom de colonia Iulia. L. Keppie 217 avait émit l’hypothèse suivant
laquelle les colonies portant en apposition Augusta seraient à considérer évidemment
comme étant le fait du successeur de César. En revanche, les colonies portant le nom de
Strabon, 5, 2, 7 ; Pomponius Mela, De Situ Orbis, II, 17. On se fie à ce que l’on sait des sources utilisées
par Strabon. Il utilise, comme source la plus tardive, les écrits de Posidonius.
216
Pline, N.H., III, 6, 80.
217
Keppie, 1983, p. 14-22. Il considère, à partir des occurrences des titres Iulia sans l’apposition Augusta
que les noms des colonies permettent de déterminer le fondateur. Keppie se fonde sur les cas italiens. Dans
le cas de l’Espagne, nous n’avons pas de raisons à priori, de considérer qu’il en soit autrement.
215
56
Iulia, étant donné que nombre d’entre elles furent fondées après la mort du fondateur, ont
été considérées comme triumvirales, octavienne voire augustéenne. L’hypothèse suivant
laquelle les colonies dites Iuliae sont le fait de César est à considérer de par le fait que les
fondations qu’il planifia ne furent pas toutes réalisées. Le cas d’Urso que nous étudierons
de manière plus approfondie dans le second chapitre nous éclaire à ce sujet. On sait que
plusieurs projets de lois furent promulgués après les Ides de Mars : ce qui nous conduit à
considérer que des colonies césariennes furent fondées jusqu’à 27 av. J.-C.. On sait que
des vétérans installés par César furent par la suite, durant la guerre de Modène par
exemple, levés à nouveau par Antoine puis par Octavien. Ils purent sans doute être
réinstallés par la suite ; on pourrait donc considérer comme césariennes les colonies
portant le titre Iulia sans l’apposition Augusta et fondées entre 49 et 27, date à laquelle
commence à apparaître ce dernier nom. Il pourrait ainsi également s’agir de ce que les
arpenteurs comme Hygin 218 nomment Iulienses. On trouve également dans la Lex
Coloniae Genetiuae l’évocation de Iulienses au chapitre 133. 219 Ces colons reçurent sans
doute des lots correspondant à une loi ou une norme dite julienne. On peut ainsi supposer
que les tailles des lots attribués aux colons fixés à 50 jugères 220 étaient communs à ceux
qui bénéficiaient de cette loi Iulia, dont l’existence est supposée.
Tâchons à présent de rappeler ce que l’on sait des colonies fondées par César en
fonction des ces éléments.
Hygin Grom., Const. Lim., 161, 165, 165 (édition Thulin).
Qui coloni Genetivi Iulienses hac lege sunt erunt… (chapitre 133 édition dans Crawford, 1996)
220
Brunt, 1971, p. 101 et suivantes.
218
219
57
L’Espagne à l’époque Augustéenne [carte extraite du dictionnaire Latin- Français de Felix
Gaffiot]
Tarraco est nommée Colonia Iulia Urbs Triumphalis Tarraconensis dans une
inscription dédiée à Caracalla et retrouvée dans une nécropole paléochrétienne près de
Tarragone. 221 Pline nous dit à son sujet : Colonia Tarracon, Scipionum opus, sicut
Carthago Poenorum. 222 Hubner 223 supposait qu’avant une déduction césarienne datable
de 45 av. J.-C. il se trouvait un praesidium militaire et sans doute un municipe 224. Cette
cité est située dans le nord-est de la province de Citerior. 225
221
Beltran, 1952. p. 31 et suivantes.
Pline, N.H., II, 21.
223
C.I.L. II p.538 et suivantes.
224
Dion Cassius, 43, 39, 5.
225
Voir carte 1.
222
58
Asta Regia est évoquée par Pomponius Mela dans le De Chorographia 226 : et
procul a litore Hasta colonia. Pline 227 lui appose la nomenclature de Regia 228 ; il est le
seul à la nommer ainsi. La mention de Pomponius Mela nous renseigne sur le fait que
cette cité ait accueilli une colonie. Selon E. Vittinghoff 229, Hasta aurait accueilli une
colonie césarienne bien qu’elle ne porte pas d’épithète Césarienne 230. Cette hypothèse est
largement discutée ; il semble que l’on ne dispose essentiellement que des descriptions
des géographes que nous avons précédemment cités. 231
Pline 232 fait mention de la colonie Claritas Iulia Vcubi et précise qu’elle fait partie
du conuentus d’Astigi. On dispose de plusieurs inscriptions sur lesquelles apparaît le nom
C(olonia) C(laritas) Iu(lia) 233 mais aussi C(olonia) C(laritas) Iul(ia) Vcubitanor(um) 234.
Malgré ce peu d’éléments, Vittinghoff 235 ainsi que Garcia y Bellido 236 considèrent que
cette colonie comme césarienne. Brunt 237 la considère quant à lui comme probablement
césarienne. Toutefois la population locale ayant été attaquée par les Pompéiens 238, la cité
semble avoir pris parti pour César. Ce dernier n’aurait donc pas confisqué ses terres au
profit de ses colons mais plutôt gratifié la cité du statut de colonie.
En ce qui concerne Emporiae, on trouve des références à la constitution de la cité
à l’époque du passage de Caton en Espagne en 195 av. J.-C.. Deux communautés
semblaient s’être organisées dans cet important port de la côte nord-est de la péninsule.
Tite-Live nous rapporte ceci :
Iam tunc Emporiae duo oppida erant muro diuisa. Vnum Graeci habebant, a
Phocaea, unde et Massilienses, oriundi, alterum Hispani … 239
Pomponius Mela, De Chorographia, III, 4.
Pline, N.H., III, 11.
228
Selon Garcia y Bellido (Garcia y Bellido, 1959. p. 460-461), il s’agirait d’une fondation de Marcus Rex
(C.I.L.II, p. 175 et 699 ; suppl. 843).
229
Vittinghoff, 1951, p. 74.
230
Garcia y Bellido 1959 ; J. J. Sayas Abengoechea, Colonizacion y municipalizacion bajo César y
Augusto, Madrid, 1971. p. 71.
231
Ferreiro Lopez, 1983. p. 127 et suivantes.
232
Pline, N.H., III, 12.
233
C.I.L.II, 1404 ; 1572.
234
C.I.L.II 656.
235
Vittinghoff, 1951, p. 74.
236
Garcia y Bellido, 1959. p. 465.
237
Brunt, 1971, p. 250.
238
Ibid.
239
Tite-Live, XXXIV, 9, 4.
226
227
59
Strabon évoque également dans ses descriptions une dipolis, deux communautés séparées
par un mur : … δίπολις δ’ε̉στί, τείχει διωρισμένη... 240
Pline, enfin, décrit Emporiae ainsi :
… Oppida Ciuium Romanorum… Emporiae, geminum hoc ueterum
incolarum et graecorum, qui phocaeensium fuere suboles… 241
Un passage de Tite-Live paraît toutefois bien plus précis au sujet d’une fondation
coloniale césarienne 242 peu après la victoire de César sur les fils de Pompée à Munda :
… tertium genus Romani coloni ab diuo Caesare post deuictos
Pompeii liberos adiecti…
Il semblerait qu’en suivant la description de Strabon précédemment citée on puisse
déduire que deux communautés distinctes peuplaient la cité d’Emporiae, qui par sa
situation portuaire constituait une importante place de commerce maritime.
240
Strabon, III, 4, 8.
Pline, N.H., III, 22.
242
Vittinghoff (Vittinghoff, 1951, p. 80, note 2) considérait toutefois que cette cité n’accueillit un municipe
qu’à l’époque augustéenne, contrairement à ce que considèrent Garcia y Bellido (Garcia y Bellido, 1959,
p. 468) et Henderson (Henderson, 1942, note 53 p. 9).
241
60
Les environs de la cité d’Emporiae à l’extrême nord-est de la province de Citerior
[Barrington, Atlas of the Greek and Roman World, New York, 2001]
La colonie de Carthago Noua est citée par Pline en tant que Carthago Noua
Colonia 243. On trouve également la mention suivante sur une monnaie datable des années
40 av. J.-C. :
Vr(bs) I(ulia) N(oua) K(arthago) 244
Cependant la fondation probable d’une colonie « julienne » aurait été le fait de M.
Aemilius Lepidus qui fut proconsul en Hispania Citerior pour les années 48-47 et 44-42
243
244
Pline, H.N., III, 19.
Beltran, 1950, p. 304 et suivantes ; Beltran, 1949, p.59).
61
av. J.-C. 245 Plusieurs monnaies l’attestent 246 ; l’une d’entre elle 247 fait référence à une
victoire de ce dernier et à son triomphe en 43. La fondation daterait probablement et au
plus tard de 42 av. J.-C.
Carthago Noua était un site d’extrême importance pour la gestion et le contrôle des
richesses minières. Comme nous l’avons évoqué précédemment, Le territoire de la cité
contenait d’importantes mines d’argent de cuivre et de plomb (voir les abréviations : Ag,
Cu, Pb, Fe et M signifiant respectivement : Argent, cuivre, plomb, fer, et marbre sur la
carte 3).
carte 3 : la région ouest de Carthago Noua ; routes et ressources [Barrington, 2001].
La cité portuaire de Carthago Noua était florissante et justifiait la présence d’une
importante communauté d’Italiens et de Romains, commerçants et publicains. Cnaeus
Pompée le Jeune s’en empara en 47 et son jeune frère Sextus, trois ans plus tard la reprit
à son tour 248, l’année de la mort de César.
Elle constituait visiblement un enjeu d’importance de par les richesses minières
environnantes. Rappelons enfin qu’une partie des terres de la cité était destinée dès 63 av.
J.-C., lors du projet agraire de Servilius Rullus, à accueillir un colonie de citoyens 249.
Broughton, M.R.R., II. Pour les années correspondantes.
Beltran, 1952, p. 33-34.
247
Beltran, 1949, p. 59. n° 27.
248
C.I.L.II 3417.
249
Cic., De Leg. Agr., II, 51. Au sujet de la Lex. Servilia, Cicéron nous rapportait ceci : In Hispania
propter Carthaginem Nouam et in Africam ipsam ueterem Carthaginem uendit (au sujet du tribun Servilius
Rullus).
245
246
62
D’après l’attitude de cette cité au cours de la guerre civile, il semble que son territoire fut
confisqué au profit d’une colonie césarienne.
La colonie de Celsa semble avoir été également fondée par Lépide au cours de son
proconsulat de 48-47 ou au cours de celui de 44-42. Pline nous précise également qu’il
s’agissait d’une colonie 250. On trouve également de nombreuses monnaies qui précisent
le nom de la colonie ainsi : Col(onia) Vic(trix) Iul(ia) Lep(ida). 251
On suppose ainsi que M. Aemilius Lepidus fonda la première colonie de Celsa suivant
sans doute une planification de César, tout comme, Carthago Noua et Tarraco. De même
la date de la fondation est discutée 252 : on peut considérer une échelle de datation assez
large, une fois encore, entre 48 et 42. À partir de 36-35 av. J.-C. le nom de la colonie
changea et devint : Col(onia) V(ictrix) I(ulia) Celsa. 253
Sans doute peut-on voir là une intervention d’Octave qui souhaitait éliminer les traces
d’autres déductions et donc d’autres patronages coloniaux que le sien. On peut signaler
un point important concernant l’intérêt de Celsa : le rôle joué par la cité entre la bataille
d’Ilerda et celle de Munda demeure assez flou. On a connaissance de plusieurs émissions
monétaires bilingues portant la mention de la cité en latin et en ibérique. 254 Il semblerait,
d’après l’analyse des frappes monétaires, et la mise en parallèle avec des frappes
d’Emporiae, 255 que ces cités se soient massivement ralliées aux fils de Pompée ; les
frappes portant des nomenclatures typiques indiquent que les émissions de monnaies
bilingues se sont multipliées au cours de cette période. On peut donc supposer,
concernant la cité de Celsa ainsi que celle d’Emporiae, évoquée plus haut, que le statut
colonial résulte d’une punition pour s’être ralliée aux pompéiens.
Nous disposons de nombreuses informations concernant la colonie d’Hispalis, ce qui
nous permet d’approfondir ce cas à travers les données environnementales et littéraires. Il
semble que cette cité de par sa position géostratégique représentait un enjeu d’importance
Pline, N.H., III, 24.
Vives, 1926, No 102 et 105 ; Hill, 1931, p. 76 et suivantes ; Grant, 1946, p. 211 et suivantes.
252
Vittinghoff (Vittinghoff, 1951 p. 80 notice 3) considère que cette fondation serait postérieure à 44. Hill
(1931. p. 79 et suivantes), Garcia y Bellido (Garcia y Bellido, 1959, p. 472-473) ainsi que Brunt (Brunt,
1971. p. 250-251) considèrent que cette colonie pourrait avoir été planifiée dès 48 et achevée plus de
quatres années plus tard. Il est important, comme nous le verrons par la suite, de ne pas perdre de vue que
le contexte de la guerre civile a pu fortement ralentir le processus de fondation des colonies en Espagne.
Les tâches confiées à Lépide pouvaient être également de veiller à l’installation de colonies afin de
sécuriser les zones turbulentes et de protéger les exploitations minières.
253
Comme l’attestent les monnaies hispaniques de la période. Voir à ce sujet : Vives, 1926, p. 105 et
suivantes.
254
Villaronga, 1967, p. 133-142 ; Beltran et alii, 1984. p. 12-13.
255
Roddaz, 1988, p. 326.
250
251
63
dans la lutte de la guerre civile. Strabon, dans un passage discuté laisse entendre qu’elle
aurait accueilli une colonie de César. 256
La cité connut fort probablement une première déduction à l’époque césarienne puis
une seconde à l’époque augustéenne.257 La première fondation coloniale césarienne 258 eut
lieu près de l’actuel quartier de Triana au sud du Guadalquivir (ancient Baetis) comme le
prouvait l’établissement du premier forum colonial. 259 Le passage de Strabon que nous
avons cité évoque l’importance d’un ancien ε̉μπόριον auquel est sans doute lié
l’installation d’une colonie. Rappelons que les colonies romaines, plus particulièrement
les colonies fondées par César, se trouvent situées à proximité des zones littorales 260 afin
de faciliter sans doute les ravitaillements. Comme nous l’avons évoqué précédemment,
durant les guerres civiles, Varron puis Cassius Longinus y était chargés de construire des
navires de fort tonnage et d’y assembler des ressources en blé et en métal argent afin de
les faire parvenir à Pompée, ou à César, pour le cas de Cassius. La situation de
l’embouchure du Baetis, lequel est navigable jusqu’à la région de Corduba 261, colonie
latine fondée par Marcellus en 152 av. J.-C. 262, permettait de construire une flotte à l’abri
des attaques venant de haute mer. Rappelons encore que César ne disposait pas d’une
flotte capable de rivaliser avec celle de Pompée en 49 263 qui lui permettait de contrôler la
Méditerranée.
256
« … Hispalis, elle-même également une colonie des Romains, est de grande importance, et demeure
encore un important centre d’échange du district ; déjà, afin de la distinguer, des soldats de César l’ont
récemment colonisée, Baetis d’une plus grande importance encore, est remarquable par sa population… »(
Strabon, III, 2, 1.).
257
Fear, 1996.p.42-45 ; p. 67-68.
258
Garcia y Bellido, 1959, p. 461-464 ; Blanco Freijeiro, 1989 (3ème éd.), p. 137 et suivantes ; Diaz, 1982.
259
Campos/Gonzalez , 1987, p.123 et suivantes.
260
On peut voir la liste de ces colonies césarienne dans Brunt (Brunt, 1971, p. 255-259.) et dans Macmullen
(=Macmullen, 2000, cartes p. 8-9 ; 32-33; 52-53 ; 94-95). On peut se poser la question suivante : quelle est
la raison de la situation à proximité des zones littorales de la grande majorité des colonies césariennes ?
Peut-on voir là une préparation minutieuse de la future campagne contre les Parthes ? Ou encore d’un
moyen de contrôler les ravitaillements maritimes en temps de guerre civile ? Sans doute une étude plus
approfondie de la colonisation césarienne en fonction des facteurs environnementaux permettrait d’apporter
une tentative de réponse à cette problématique.
261
Strabon (III, 2, 3) nous précise ceci : « Le Baetis a une importante population installée le long de ses
rives et reste navigable jusqu’à approximativement un à deux milles stades depuis la mer (Lacus
Ligustinus) jusqu’à Corduba et les régions un peu plus haut. […] Actuellement, jusqu’à Hispalis, la rivière
est navigable pour les navires marchands de fort tonnage, pour une distance de pas moins de cinq cent
stades jusqu’aux cités les plus au nord de l’embouchure comme Ilipa, pour de plus petits navires
marchands ; à partir de Corduba, pour les plus petites embarcations… mais au-delà de Corduba en direction
de Castulo, la rivière n’est pas navigable… ».
262
Strabon, III, 2, 1. ; Canto A.M., « Colonia Patricia Corduba: nuevas hipotesis sobre su fundacion y
nombre », Latomus, 50, 1991, p. 846-857.
263
Caes., B.C., I, 56, 2.
64
[Barrington, Atlas of the Greek and Roman World, New York, 2001]
Comme on peut le constater sur cette carte, Hispalis se trouve située au carrefour de
plusieurs routes 264 établies à l’époque césarienne. La route du nord conduit vers deux
autres cités lusitaniennes ayant également probablement accueilli des colonies
césariennes : Scallabilis Praesidium Iulium et Norbensis Caesarina. On sait d’autre part
que les mines du Rio Tinto étaient exploitées à l’époque qui nous intéresse 265. Cette zone
minière est située à 8,5 km du territoire présumé de la colonie césarienne d’Itucci 266. Il
est vraisemblable que les métaux une fois extraits, comme nous l’avons précisé
précédemment, étaient acheminés vers Hispalis par la route partant à l’ouest, puis chargés
sur des embarcations ou directement depuis l’emporion de la cité.
La route à l’Est de la colonie conduisait vers une autre région remarquablement
importante du point de vue des richesses minières ; la région de la Sierra Morena. Les
métaux sous forme de lingots étaient probablement acheminés par la voie fluviale267 du
Baetis, l’actuel Guadalquivir, vers le port de la colonie.
Concernant les mercatores qui acheminaient le long du Baetis, les ressources comme les
métaux ou les productions agricoles, on dispose de certaines inscriptions concernant les
Sillières, 1990, p. 210 et suivantes, au sujet des routes en Hispania Ulterior.
Blanco Freijeiro, 1962, p. 31 et suivantes.
266
Caballos Rufino, 1981, p. 37 et suivantes.
267
Chic Garcia, 1974, p. 7 et suivantes ; Chic Garcia, 1984.
264
265
65
scapharii de la colonie 268 évoquant des scapharii hispalienses et des scapharii Romulae
consist(entes).
En ce qui concerne Urso, on dispose de plus d’informations. La loi d’Urso fera
l’objet d’une étude plus spécifique dans le second chapitre de notre étude, nous
n’aborderons ici que les évocations présentes dans le corpus littéraire. La cité d’Urso se
rangea assez radicalement dans le camp pompéien. 269 Cn. Pompée le jeune avait envoyé
plusieurs missives, comme il le fit probablement également pour d’autres cités, afin
d’assurer ses appuis sur le plan stratégique. Urso, l’actuelle ville d’Osuna, était situé à
17km de Munda. Une partie des murailles de la cité fut dégagée lors des fouilles d’E.
Engel et de P. Paris. 270 Les fouilles conduites par R. Corzo 271 confirmèrent qu’une partie
des fortifications furent dressées à la hâte par les Pompéiens probablement entre le
printemps et l’automne 46. Il semble que cette cité ait vu une partie de son territoire
confisquée en raison de ses liens avec les Pompéiens. Après la reddition de la cité, César
confisqua une partie de ses terres au profit de ses vétérans, sans doute ceux de la
trentième légion 272. Cette légion aurait également été active après Munda sous le
commandement d’Asinus Pollion en 44-43 contre Sextus Pompée. 273 Sans doute auraitelle été levée à nouveau, ce qui, comme nous l’avons vu, n’est nullement exclu, afin de
poursuivre l’affrontement. La colonisation de la cité d’Urso permettait donc à César et à
ses successeurs de sécuriser une zone dans laquelle la clientèle de Pompée était encore
fort influente. Il semble en effet curieux que malgré l’arrivée de la défaite de Pompée le
jeune à Munda et sa mort peu après 274, le 9 mars 45, la cité d’Urso ait continué à résister
pendant plus d’un mois. 275 On peut donc supposer que les provinces ibériques étaient,
contrairement à ce que César précisait dans ses Commentaires, fort peu attachées à sa
personne. La deuotio ibérique envers la gens Pompeia était sans doute bien plus
importante, ce qui nécessitait, on peut ainsi le conçevoir plus clairement, l’établissement
d’une colonie de vétérans afin de contrebalançer la clientèle de Pompée. L’ouvrage ne fut
268
C.I.L.II 1180 et 1183. Ces inscriptions, signalons le, sont bien plus tardives et datent des règnes de
Marc-Aurèle et de Verus.
269
Bell. Hisp. 26 ; 28 ; 41 ; 42.
270
Engel, Paris, 1906, p. 357 et suivantes.
271
Corzo, 1977, p.14, 17, 57-58.
272
Cf. l’inscription (CIL II 5442) étudiée plus haut. Voir aussi Ritterling, R.E., XII, col. 1821, n°LXXXV ;
Le Roux, 1982, p. 50-51.
273
Cic., Ad. Fam., 10, 31, 5 ; 10, 32, 4.
274
Bell. Hisp., 39, 1.
275
Sans doute vers le 22-23 avril peu après l’arrivée de César à Hispalis (Bell.Hisp., 40, 7 ; 42,1).
66
donc pas chose aisée ; la lutte se poursuivit jusqu’au départ de Sextus Pompée au début
de l’année 43 qui n’avait pas été véritablement vaincu sur le sol ibérique.276
La politique coloniale de César en Espagne, d’après ces éléments croisés, illustre le
témoignage de Dion Cassius 277. Les établissements de colonies semblent liés autant à des
considérations politiques qu’à des considérations économiques étant donné la situation
des zones minières.
Nous avons, jusqu’à présent, exposé le contexte de la colonisation césarienne en
Espagne durant la guerre civile. Nous avons pu constater que si certains éléments
laissaient supposer qu’il y eut des mouvements de population et d’éventuelles fondations
césariennes dès 49, nous ne disposons guère de certitudes concernant les dates de
fondations. Il semble, néanmoins, que l’on puisse observer une cohérence dans les
fondations. Les données géostratégiques, économiques et politiques pouvaient motiver
l’implantation de colonies.
276
Roddaz, 1988. p. 325-326.
« Il leva un tribut de manière si rigoureuse qu’il n’eut pas besoin de conserver les offrandes consacrées à
Hercules à Gadès ; et il prit également des terres de certaines cités et augmenta les tributs des autres. C’était
ce qu’il réservait à ceux qui s’étaient opposés à lui. Mais à ceux qui lui avaient fait montre d’une
quelconque marque de bonne volonté, il accorda des terres et des exemptions de taxes, et à certains la
citoyenneté, et à d’autres le statut de colons romains ; cependant, il n’accorda pas ces faveurs pour rien. »
Dion Cassius, XLIII, 39, 4-5.
277
CHAPITRE II
L’exemple de la Lex Coloniae Genetiuae
et sa place dans la législation agraire de César.
68
La fondation d’Urso mérite, jugeons-nous, une attention toute particulière. En
effet, on dispose au sujet de cette colonie fondée sur l’initiative de César une charte de
fondation, une loi coloniale abondamment étudiée : la Lex coloniae Genetiuae.
Plusieurs problèmes sont liés à ce matériau épigraphique. Nous tâcherons dans ce
chapitre d’exposer ce que l’on sait du processus de fondation et de sa place dans la
colonisation césarienne en Espagne. Le premier point qui mérite une attention est la
question du matériau épigraphique. Il s’agit d’une loi gravée à l’époque flavienne sur des
tables de bronze.
A. La Lex Coloniae Genetiuae
1. Le matériau épigraphique.
La table d’Urso a été découverte en plusieurs étapes. Une première table de six
colonnes a été découverte à Osuna en 1870. La première publication de la loi fut le fait de
Rodriguez de Berlanga en 1873 278. Peu après, les travaux de E. Hubner 279 et de Th.
Mommsen 280 suivirent, ainsi que ceux de Ch. Giraud 281 et de C.Re 282. Ils s’accordèrent à
considérer que, de par le contenu ainsi que de par l’histoire même du matériau
épigraphique datant de l’époque flavienne 283, la loi a été l’objet d’ajouts successifs
jusqu’au moment de la fonte du bronze d’Osuna. Ces études n’ont cependant été réalisées
que sur les fragments C, D et E 284, les fragments A et B ayant été conservés à part par un
collectionneur. L’une de principales questions débattues concernait l’affichage de la loi
d’Urso, à laquelle était évidemment lié le texte en question ; Déterminer la disposition
Rodriguez de Berlanga, Los bronces de Osuna, Malaga, 1873, cit. Crawford 1996.
Hubner, 1875, p. 105-151.
280
Mommsen Th., Lex Coloniae Genetiuae denuo recognita, suivi d’une nouvelle édition du texte, Berlin,
1875 p. 221-232, cit. Crawford 1996.
281
Giraud,.1874 ; Giraud, 1875.
282
Re 1873.
283
La fonte du bronze date sans doute de l’époque de l’uniformisation de la législation municipale
flavienne et plus précisément, sans doute domitienne. Cette uniformisation serait contemporaine des Leges
Salpensana et Malacitana. On peut voir à ce sujet l’article de Crawford (Crawford, « Roman Towns and
Their Charters : Legislation and Experience » p. 395-420 dans Social Complexity and the Development of
Towns in Iberia,From the Copper Age to the Second Century AD, Barry Cunliffe et Simon Keay (éd),
Proceedings of the British Academy, Vol 86, 1995).
284
Je prends en compte la dénomination de ces fragments donnés par Mallon 1944.
278
279
69
permettait en partie de comprendre le contenu complexe de la loi et ses apparentes
incohérences. A la suite de E.Hubner, plusieurs propositions concernant l’affichage ont
été émises. Kiessling considérait déjà que la loi a été l’objet de plusieurs ajouts successifs
notamment après que l’exemplaire de la loi dont nous disposons eut été gravé 285.
Fabricus 286 pensait que la quatrième table était un ajout d'Antoine à la loi trouvée dans les
papiers de César après son assassinat.
La question de l’affichage de la loi a été complètement reprise et traitée par J.
Mallon 287. Il a élaboré un schéma d’affichage différent de celui que proposait Hubner 288.
L’argument décisif qui fait pencher la plupart des chercheurs depuis Alvaro D’Ors 289 en
faveur de la théorie de Mallon réside, d’une part, dans le fait qu’Hübner n’ait pas vu de
lui-même les cinq fragments réunis ; d’autre part, dans une plus grande cohérence du
texte selon la seconde proposition. Cette étude est postérieure à la publication des
fragments A et B, qui se trouvent à présent réunis avec les fragments C, D et E au musée
archéologique de Madrid 290. Dans un autre article, Mallon a étudié 291 les fragments
découverts à El Rubio, qui appartiendraient vraisemblablement à notre Lex, en 1925 et a
complété ainsi son article précédent sur la question de l’affichage de la loi. On ne peut
que constater travers l’étude du texte même de la loi, les différents illogismes présents;
M. Crawford 292, dans sa récente édition commentée du texte, relève ainsi plusieurs
anachronismes présents 293. L’explication donnée par M. W. Frederiksen 294, explique les
multiples anachronismes et illogismes présents dans les lois gravées et plus
essentiellement dans celle qui nous intéresse ici, par les erreurs « administratives »
commises par les scribes et les graveurs chargés de l’affichage. Mallon 295 explique ainsi
que les différentes tablettes étaient affichées séparément par groupes de deux (A et B ; C
285
Suivant Kiessling (Klio 17, 1921, 258-60), ceci se constate en ce qui concerne notamment les chapitres
XCVIIII et CXXXI, cit. Crawford 1996.
286
Fabricius E., « Zum Stadtrechte von Urso », Hermes 35, 1900, 205-215.; Fabricius E. dans le recueil
édité par Gradenwitz O., Stadrechte von Urso Salpensa und Malaca, in Urtext und Beischrift aufgelöst. Mit
8 Tafeln (Sb. Heidelberg, 1920) (=Fabricius, 1920)
287
Mallon, 1944a, p. 213-237.
288
Hübner, 1875, vol III.
289
D’Ors, 1953, p. 167-280)
290
Les deux ensembles de cinq fragments sont publiés dans le supplément du C.I.L II de 1892, notice 5439.
291
Jean Mallon, « Les fragments de El Rubio et leur appartenance à la Lex colonia Genetiuae », dans la
revue Emerita XII, Madrid, 1944.. (=Mallon, 1944b, p. 193-230), cit. Crawford 1996.
292
Crawford, 1996, p. 395.
293
Il y dresse notamment un parallèle entre la loi et la Lex Flavia Municipalis qui reprends sans doute des
mesures juridiques plus anciennes dans le cadre de la réorganisation entamée par Vespasien (Crawford,
1996. p. 398-399). Plusieurs chapitres de la loi sont particulièrement similaires à la loi d’Urso.
294
Frederiksen, 1965. p. 185 et suivantes.
295
Mallon, 1944a, p. 220-225.
70
et D) ainsi que les incisions le laissent supposer. Ce qui nous amènerait à dire que
plusieurs rouleaux sur lesquels étaient mentionnées les mesures de la loi voulues par
César ont du être mélangés à l’époque flavienne au plus tard, moment où a dû être gravée
ou re-gravée la loi d’Urso. Les premiers rouleaux contenant les chapitres évoqués plus
haut ont pu être établis en 49, date possible des premières mesures coloniales césariennes.
Puis au fur et à mesure furent sans doute rajoutées des mesures plus nécessaires pour
favoriser la sécurité de la colonie contre d’éventuels nouveaux soulèvements. Depuis la
démonstration de Mallon concernant l’affichage matériel de la Lex Coloniae Genetiuae,
la plupart des chercheurs, citons principalement Alvaro D’Ors 296 ainsi que par la suite
Crawford 297, admettent donc que la loi ait pu faire l’objet de plusieurs ajouts successifs
depuis la mort de César ou du moins peu avant, puis sans doute a l’époque Julioclaudienne, jusqu’à l’époque domitienne. La prosopographie des citoyens romains de la
colonie étudiée par J. Gonzalez 298 conforte ce point ; il a démontré par une étude
épigraphique qu’il a sans doute pu y avoir plusieurs déductions, une a l’époque
césarienne ou triumvirale et une autre, au moins à l’époque augustéenne. Le principal
problème qui se pose face à l’étude de cette loi est donc la question des « interpolations »
pour reprendre l’expression de Mommsen. La difficulté, si l’on se fixe comme objectif de
relever les éléments de la fondation à l’époque césarienne ou triumvirale, est de parvenir
à distinguer les chapitres originels, c’est-à-dire recopiés à partir d’un support datant de
l’époque de la fondation d’Urso, des chapitres ajoutés aux époques ultérieures. Cette
difficulté est évidemment fondamentale étant donné la problématique de notre étude.
E. Gabba, dans son article sur la loi 299 résume l’état de la question concernant les
interpolations présentes dans le texte ; il ne s’agit pas d’un texte juridique définissant un
statut précis comme la Table d’Héraclée mais d’une loi transformée au fur et à mesure de
l’évolution du statut de la colonie et sans doute, comme le faisait remarquer Frederiksen,
d’un texte « mal gravé » à l’époque flavienne et corrigé à plusieurs reprises 300. Les
différents ajouts à la loi comitiale originelle ont donc rendu le texte particulièrement
composite. Cependant certains passages peuvent être clairement datables de l’époque
césarienne. Nous tâcherons donc de nous limiter aux commentaires de ces passages
296
D’Ors, 1953.
Crawford, 1996, p. 390 et suivantes.
298
Gonzalez, 1989, p. 131-143.
299
Gabba, 1988, p. 160-161.
300
Ces corrections sont visibles sur le bronze même. Certains passages ont été érasés au burin puis regravés
(Crawford, 1996, p. 397 et suivantes ; Frederiksen, 1959, p. 191).
297
71
probablement antérieurs à l’installation de colons à l’époque augustéenne comme l’a
montré J. Gonzalez 301.
Malgré ces difficultés, l’intérêt de ce document est essentiel pour comprendre le
processus de fondation et de fonctionnement juridique et législatif de la colonie.
301
Gonzalez, 1989, p. 133-151.
72
2. Qui fut le fondateur de la colonie d’Urso ?
La datation de la première rédaction de la loi est sujette à de nombreuses discussions
depuis la découverte du matériau. Nous tâcherons ici d’exposer l’état de cette question
ainsi que les arguments qui ont été avancés.
a. Historiographie.
Le premier point concernant la fondation de la colonie est de déterminer le
fondateur. Le magistrat qui planifie la fondation est souvent celui qui la propose au
concile de la Plèbe, qui est ensuite, et, en principe 302, ratifié par le sénat, à savoir l’octroi
d’un pouvoir à un deductor, lequel accorde (leges dare) un statut à une province ou une
communauté urbaine, municipe ou colonie, sans acquiescement des intéressés 303 :
Mommsen nommait l’acte juridique qui validait la décision par le terme de Lex Data 304.
Ce type de procédure correspond tout à fait au contexte de la colonisation d’Urso puisque
la cité s’était ralliée aux Pompéiens et avait, qui plus est, résisté à César malgré sa
victoire à Munda sur les fils de Pompée 305. Mommsen 306 considérait que cette loi faisait
partie de la législation planifiée du vivant de César et promulguée par Antoine peu après
son assassinat aux ides de mars 44 307. On sait, en effet, qu’alors, une partie des vétérans
Le plus fréquemment à la fin de la République, les lois sont votées par le concilium plebis sans obtenir
forcément le consentement du Sénat. Nicolet, 1976, p. 79 et suivantes. Gargola, 1995, p. 179 et suivantes.
303
Le terme de Lex Data et sa définition ont été établis par Th. Mommsen (Mommsen, 1909, p. 192 et
suivantes). Il considérait qu’il puisse y avoir coexistence de Leges Datae et de Leges Rogatae, plus
générales ; il s’agirait de deux types de lois autonomes et distincts. Dans le cas des assignations coloniales
la Lex Data serait le fait du magistrat et résulterait de son seul imperium lequel résulterait d’une Lex Rogata
l’autorisant à établir une colonie et à lui donner une loi. Ce point est discuté par A. Magdelain (Magdelain,
1978, p. 63-65) du moins pour la période antérieure à l’époque de la seconde guerre punique. Signalons que
Rotondi (Leges p. 487 et suivantes) en dresse une liste depuis cette époque.
304
Mommsen, 1909, p. 207.
305
Pseudo-Caes., Bell. Hisp., 26, 3 ; 28, 2 ; 41, 3.
306
Mommsen, 1909, p. 206-207.
307
Mommsen (1909, p.207) se fondait essentiellement sur le passage des Philippiques de Cicéron (.. si
quam legem de actis Caesaris confirmandis deue dictatura in perpetuum tollenda deue colonis in agros
deducendis tulisse M. Antonius dicitur, easdem leges de integro, ut populum teneant, saluis auspiciis ferri
placet (Cic., Phil., 5, 4, 10). La législation d’Antoine en 44 est particulièrement abondante en effet. La
première loi votée fut la Lex Antonia qui confirmait les actes de César (Cic., Phil., 1, 16,-24 ; 2, 100 ; 5, 8 ;
6, 3 ; 10, 17 ; 13, 31 ; Ad Fam., 12, 4, 6 ; Ad Att., 14, 9, 2 ; Appien, Guerres Civiles, 3, 57). Si la Lex
Coloniae Genetiuae faisait effectivement partie des lois antoniennes postérieures aux Ides de Mars, elle
aurait accompagné les mesures concernant les assignations des vétérans (Cic., Phil., 5, 10 ; 2, 100 ; Ad Att.,
14, 7, 2 ; Ap., Guerres Civiles, 3, 57) On était donc amené à considérer que cette Lex Antonia à laquelle il
serait fait référence dans la loi d’Urso serait cette législation à laquelle fait références Cicéron. Cependant,
et nous y reviendrons, on sait que les lois antoniennes de 44 furent annulées avant la loi de C. Pansa (Cic.,
Phil., XIII, 31).
302
73
attendaient à Rome les distributions de terres promises par César 308. Antoine en assigna
une partie en promulguant une législation qui dut, néanmoins, attendre l’époque
proprement triumvirale, période à laquelle s’achève ce que nous définissons comme
colonisation césarienne 309. Il est donc établi qu’une Lex Data ne peut être le fait que d’un
magistrat cum imperio qui s’est vu confier la charge de fonder une colonie et de donner
des lois en vertu d’une lex rogata.
Si l’on se fie au Lege Antonia du chapitre 104 de la loi, il ne s’agit pas d’une Lex Iulia
mais d’une Lex Antonia. Antoine, vraisemblablement, est donc magistrat qui a porté la
lex Rogata devant le concilium plebis ou les comices tributes. Comme le remarquait
Mommsen 310, la plupart de ces législations, excepté celle du consulat de 59, résultait
d’une initiative d’un tribun de la plèbe.
En revanche, l’existence d’une législation agraire césarienne n’est nullement exclue ; il
pourrait s’agir de la Lex Rogata qui servit de modèle à la loi d’Urso 311. Il demeure, si l’on
suit le texte, une confusion sans doute due à ce que Mommsen, le premier, nommait
« interpolations » 312. Le fondateur planifie donc le projet d’établir une colonie de droit
romain, et en principe le propose au concile de la plèbe, le deductor est quant à lui investi
de la potestas et chargé de donner la loi à la colonie. On trouve quatre mentions de César
en tant que fondateur et patron de la colonie : aux chapitres 66, 104, 106 et 125.
Au chapitre 66, César est évoqué comme étant celui qui désigne les pontifes et les
augures de la colonie :
308
Keppie, 1983, p. 89 et suivantes.
Comme nous l’avons exposé précédemment, il est plus aisé de considérer comme colonisation
césarienne toutes les fondations liées à César y compris celles qui furent fondées après sa mort à l’époque
triumvirale. Il semblerait, si l’on suit L. Keppie (Keppie, 1983, p. 102 et suivantes), lequel opte en faveur
de l’existence contestée d’une Lex Iulia Agraria, que la législation agraire césarienne prenne fin en même
temps que le triumvirat. Cette association officielle avait pour but de mettre en application les
planifications de César notamment concernant la question des vétérans. Keppie considère également
(Keppie, 1983, p. 14-19) que la présence du titre Iulia, sans une apposition « augustéenne », nous
permette de dater les colonies comme antérieures à la bataille de Philippes en 42. Ce point est discuté
évidemment. Cependant on dispose de l’exemple, précédemment évoqué, de la Colonia Victrix Iulia
Lepida. Cette dernière aurait pu être, si l’on suit J.-M. Roddaz, (Roddaz, 1988, p. 329) déduite avant 42 ;
plus précisément en 44 au cours du second séjour de Lépide en Espagne Citérieure.
310
Mommsen, Droit Public Vol. IV, p. 337-338.
311
Nous reviendrons sur ce point en II, C.
312
Mommsen utilisait à ce sujet les termes d’interpolatio tabularum (Mommsen, 1909, p. 208-209 et 246).
Il remarquait le premier des illogismes dans les termes employés. L’exemple le plus flagrant, comme le
rappelait également M. H. Crawford (Crawford, 1996, p. 395), réside dans le chapitre CXXVII où l’on
trouve l’évocation à la Baeticae mêlée à Hispaniarum Ulteriore. Le nom de Bétique n’apparaît qu’à
l’époque d’Auguste au moment de la réorganisation administrative des provinces312. Ce passage n’est donc
évidemment pas datable de l’époque césarienne. Cet exemple illustre bien les anachronismes présents dans
le texte. Lequel est de toute évidence d’époque flavienne (Mommsen, 1909, p. 208), la gravure qui nous
reste serait contemporaine, des leges Salpensae et Malacae.
309
74
Quos pontifices quosque augures G(aius) Caesar, quiue iussu eius colon(iam)
deduxerit, fecerit ex colon(ia) Genet(iua). 313
Au chapitre 104, César est évoqué en tant que dictateur :
… qui iussu C. Caesaris Dict(atoris) imp(eratoris) et lege Antonia
senat(us)que c(onsultis) pl(ebi)que sc(itis) ... 314
Le chapitre 106 mentionne César également en tant que dictateur :
Quicumque c(olonus) c(oloniae) G(enetiuae) erit, quae iussu C.Caesaris
dic<t>(atoris) ded(ucta) est, ne que in ea col(onia) coetum conuentum coniu(fragments). 315
Enfin au chapitre 125, on trouve la mention suivante :
[...] Quicumque locus ludis decurionibus datus <at>signatus
Relictusue erit, ex quo loco decuriones ludos spectare
o(perbit), ne quis in e<o> loco nisi qui tum decurio c(oloniae) G(enetiuae)
erit, quiue tum magist<r>atus imperium potestatemue colon<or(um)>
suffragio ger<e> iussu{q}ue C. Caesaris dict(atoris) co(n)s(ulis) proue
co(nsule) habebit, quiue pro quo imperio potestateue tum
in col(onia) G(enetiuae) erit... [...]. 316
313
« Les pontifes et les augures de la colonie Iulia Genetiva institués par C. Caesar ou celui qui par son
ordre aura déduit la colonie… ».
314
« … par ordre de C. Caesar, dictateur et imperator et selon la loi Antonia et le senatus-consulte et le
plébiscite… ».
315
« Quiconque sera colon de la colonie Genetiua qui a été fondée sur l’ordre de C. César, dictateur, et que,
dans cette colonie, [trois mots à l’accusatif singulier] une réunion, une assemblée, une “conjuration” ... ne
... pas [les verbes manquent] ». Cette mesure est sans doute habituelle dans la législation de l’époque
césarienne interdisant toute réunion hormis les collèges funéraires. On retrouve la mention suivante de
Suétone avec laquelle on pourrait faire un rapprochement (Suétone, Diu. Iul., XLII, 4) : « César fit
dissoudre toutes les associations, hormis celles dont l'institution remontait aux premiers âges de Rome ».
Cependant peut-on la rapprocher du contexte de la fondation coloniale ? Pourrait-il s’agir d’une précaution
afin d’éviter un éventuel soulèvement de la zone ?
75
Les trois premières évocations du fondateur permettent de penser qu’il y eut, en effet, une
première déduction entre 45 et 43, comme le pensait Mommsen 317.
En revanche la dernière évocation de César pose problème :
… C. Caesaris dictatoris consulis prove consule habebit…
Si effectivement, une première déduction sur le territoire d’Urso eut lieu en 45, voire en
44-43 après les ides de mars, on peut se poser la question de l’évocation de la charge de
proconsul attachée au nom du fondateur. Mommsen expliquait ceci comme une
similitude entre la titulature d’Auguste 318 et celle de César, qui n’était plus proconsul en
44 mais en aurait conservé l’imperium 319, qui aurait provoqué une confusion dans l’esprit
du graveur ou du scribe chargé de la rédaction. 320 D’autre part, on sait qu’il y eut des
déductions postérieures à celle de 45-43, à l’époque augustéenne sur le même site
d’Urso 321, comme le prouvent plusieurs inscriptions nous renseignant sur les tribus
installées au fur et à mesure.
Selon J. Le Gall 322, cette mention du chapitre 125 serait traduisible de la façon suivante :
« … celui qui sera investi par ordre de C. Caesar dictateur, de la puissance consulaire ou
proconsulaire… », ce qui impliquerait, selon Le Gall, que les pouvoirs « officiels »,
puisqu’il s’agit d’un acte juridique, dont disposait César, au moment de la fondation
d’Urso, lui permettaient de nommer consuls et proconsuls, ce qui semble plutôt
316
« [...] Quelque emplacement aux jeux qui aura été donné, assigné, ou laissé par les décurions, à partir de
cet emplacement d’où il conviendra que les décurions assistent aux jeux, que personne (ne s’installe...) dans
cet emplacement sauf celui qui sera alors décurion de la colonie Genitivae, ou qui sera alors un magistrat
investi d’un imperium ou de la potestas par le vote ou/et qui l’aura sur l’ordre de C. Caesar, dictateur,
consul, proconsul316, ou quelqu’un qui sera alors subrogé pour l’imperium ou la potestas dans la colonie
Genetiua. [...] »
317
Mommsen, 1909, p. 206-207
318
Mommsen, 1909, p.206. Elle précédait, (Mommsen, 1907, p. 210 et suivantes), les titulatures officielles
des empereurs. Toutefois, on remarquera que les exemples cités par Mommsen ne concernent que les
Antonins. La titulature de Trajan est la première à inclure le titre de proconsul qui précédait celui de consul,
ce qui est inversé concernant Hadrien. La titulature d’Auguste dans les provinces incluait, selon Hardy
(Hardy, 1975, note 130, p. 52-53), la charge de proconsul.
319
Mommsen, Droit public IV. p. 428. note 1. Mommsen, au sujet de ce passage 125, considère
l’éventualité selon laquelle César aurait conservé une partie des pouvoirs consulaires et proconsulaires
durant sa dictature.
320
On peut imputer cette « illogisme » à une erreur du graveur qui, influencé par les pouvoirs de
l’empereur, l’aurait « attribué », par méconnaissance, à César, comme le suggère Frederiksen, 1965. p. 187188.
321
Gonzalez, 1989, p. 133-154.
322
Le Gall, 1946, p. 139-143.
76
discutable. La traduction proposée par Crawford semble plus logique de ce fait. D’autre
part, Le Gall se fonde sur l’expression imperium potestatemue pour la lier à consulis
proue consule. En revanche, il avance l’argument suivant : dans le cas où la Lex Coloniae
Genetiuae aurait été, comme le pensait Mommsen, promulguée après la mort de César,
comment aurait-il pu désigner des magistrats ?
Si l’on restitue proue co(nsule), comme le suggèrent Le Gall et Crawford, on peut
traduire ainsi, selon Le Gall : « ou bien aura (l'imperium ou la potestas) sur l'ordre de C.
César, dictateur, consul, ou du proconsul ».
Si l’on suit Crawford qui considérait que cette énumération avait pour but de « parer à
toutes les éventualités » 323, on trouve la traduction suivante : «…ou bien
aura
(l'imperium ou la potestas) sur l'ordre de C. César, dictateur, consul, ou proconsul… ».
Le problème posé par la restitution du proue co[…], est lié à la titulature de César ; ce qui
impliquerait deux sens différents : soit l’autorité dont il est question détiendrait son
pouvoir de César, dictateur, consul ou/et proconsul, soit cette autorité en tant que consul
ou proconsul serait désigné par César, dictateur.324
323
Crawford, 1996, p. 450.
Le Gall (1946. p. 140) interprète ce passage comme signifiant que César désigne consul et proconsul. Ce
point paraît discutable dans les faits ; était-il concevable que César puisse, dans un acte légal du moins,
désigner consuls et proconsuls ? On sait qu’il disposait de ce pouvoir dans les faits mais dans la pratique
juridique cela paraît moins évident. D’après ce que nous rapporte Dion Cassius (XLIII, 14, 15), César
aurait disposé « des nominations aux magistratures ainsi que de tous les honneurs que le peuple avait
l’habitude d’accorder » mais seulement après Thapsus en 46, ce qui poussait Mommsen (1909, p. 206-207)
à considérer que la loi fut établie entre 45 et 43. Le fait qu’il eut disposé d’un pouvoir officiel en plus du
pouvoir réel demeure clairement incertain. Un autre passage de Dion Cassius qui se situe peu avant le
départ prévu de César contre les Parthes (XLIII, 51, 2) semble être moins ambigu : « Afin que la Ville ne
reste pas sans magistrats pendant son absence, ou qu’en élisant quelques-uns par son propre mouvement
elle ne s’adonne aux luttes intestines, ils [les sénateurs] décidèrent que les magistrats seraient nommés trois
ans à l’avance, le temps que d’après eux, prendrait la campagne… César en choisit, soi-disant la moitié, en
vertu d’un certain droit légal, mais en fait il les désigna tous ». On peut recouper ce passage avec celui de
Suétone (Diu. Iul., XLI, 2) : « Il partagea avec le peuple le droit d’élire les magistrats, en décidant que, sauf
pour les candidats au consulat, une moitié des élus serait prise parmi les candidats choisis par le peuple,
l’autre moitié parmi ceux qu’il aurait lui-même désigné ». en voici lespoints de vues rapportés notammnet
par Crowford 1996 : selon Frei-Stolba (Untersuchungen zu den Walhen in der römischen Kaiserzeit,
Zurich, 1967), César lisait à voix haute une liste de candidats qu’il proposait. Il s’agissait d’une
commendatio sans laquelle un candidat pouvait difficilement se faire élire, suivant l’opinion de Staveley
(Greek and Roman Voting and Elections, Londres, 1972.note 433 p. 272). Cette commendatio était en
théorie équilibrée par une renuntiatio, pouvoir permettant à César, selon B. Levick (« Imperial Control of
the Elections in the Early Principate », Historia XVI, 1967. p. 209) de « renoncer » à sa commendatio,
permettant ainsi à des candidats qui n’auraient pas obtenu son soutien de demeurer éligibles. Rien ne
l’empêchait, toutefois, de refuser cette renuntiatio à ces mêmes candidats. Il semblerait donc, comme le
conclut L. Ross Taylor (Roman Voting Assemblies, Ann Arbor, 1966. p. 130) rejoignant ainsi Tibiletti
(« The Comitia during the Decline of the Roman Republic », SDHI, 1959, p. 94-127), que les pouvoirs des
assemblées aient fortement diminué à partir de Thapsus, si l’on se fie à certaines indications de Cicéron (Ad
Fam., X, 32, 2) et la disparition des risques de revoir paraître une force politique contrebalançant
l’influence du clan Césarien. Il n’en demeure pas moins que l’assemblée populaire, bien que déclinant peu
à peu entre 46 et 44, ne disparut pas complètement (Cic., Phil. II, 82 ; Suétone, Diu. Iul., 80). La question
324
77
Il est possible que les graveurs chargés de l’affichage ou les scribes chargés de recopier
les rouleaux aient ajouté, par méconnaissance 325 de la titulature exacte du vivant de
César 326, à une période durant laquelle le respect des charges républicaines et du droit
public étaient on ne peut plus flous, la charge de proconsul. César n’est plus proconsul
depuis 49, théoriquement à partir du moment où il franchit le pomoerium, il dépose son
imperium proconsulaire. La situation étant confuse à son passage à Rome avant Pharsale,
il se pourrait qu’il demeure une confusion au sujet de la nature exacte de son imperium.
Toutefois il paraît évident qu’en 44, il ne peut guère y avoir d’ambiguïté à ce sujet.
D’autre part, Le Gall se rangeait à l’opinion de Carcopino 327 selon laquelle la titulature
officielle de César dans les derniers mois de sa vie portait le terme d’Imperator tel qu’on
peut le voir dans cet extrait du chapitre 104 de la loi :
... qui iussu C. Caesaris Dict(atoris) imp(eratoris) et lege Antonia
senat(us)que c(onsultis) pl(ebi)que sc(itis) ager datus atsignatus erit,... 328
Mommsen 329 faisait le raisonnement suivant : le qui iussu et le ager datus atsignatus erit
se rapportent à César, ce qui signifierait que « de par son ordre et pouvoir » (iussu),
l’organisation de la déduction et du projet de loi serait de son fait mais que le vote de la
loi fut présidé par Antoine comme le passage, supposé postérieur aux ides de Mars 44 330,
le laisse entendre : lege Antonia senat(us)que co(n)s(ultis) pl(ebi)que sc(itis).
En
revanche, l’idée de Le Gall concernant ce passage était qu’Antoine aurait pu agir en tant
que maître de cavalerie de César, dictateur, donc en 47. 331 César étant retenu en Orient,
d’un pouvoir officiel de César, lui permettant de nommer consuls et proconsuls paraît donc discutable. En
tant que dictateur, néanmoins, il est en charge de veiller à l’élection des magistratures mais pas de les
désigner ; rien, à priori, dans les sources, ne permettrait de l’affirmer.
325
On peut imputer cette « illogisme » à une erreur du graveur qui, influencé par les pouvoirs de
l’empereur, l’aurait « attribué » à César, comme le suggère Frederiksen (1965. p. 187-188)
326
Le Gall (1946. p. 141.
327
Carcopino J. ;, Points de vue sur l’impérialisme romain, p. 127 ; César, 1965. p. 1001, selon lequel la
titulature officielle de César « dans les derniers mois de sa vie portait le praenomen d’Imperator »
(l’expression est de Le Gall, 1946. p. 142 qui le cite).
328
« (concernant le territoire)…qui aura été donné, assigné sur l’ordre de Caius Caesar, dictateur,
imperator, et par la loi Antonia, les sénatus-consulte et les plébiscites... ».
329
Mommsen, 1909, p. 206
330
Sur ce point Gabba, 1988, 160 et suivantes.
331
L’autre argument de Le Gall (1946, p. 139-140) concernant une date antérieure à 47 pour la Lex
Mamilia et la Lex Coloniae Genetiuae, probablement liées, était que la déduction sur le site d’Urso ait pu
être interrompue par l’arrivée de Cn. Pompée Jr., ce qui pourrait expliquer le soutien assez énergique de la
78
Antoine aurait été le seul magistrat en exercice, les élections n’ayant pu avoir lieu 332 ; ce
qui expliquerait que la charte de fondation d’Urso soit une Lex Antonia.
b. Hypothèse de datation
Il semble que, suivant l’hypothèse de Le Gall, il soit plus aisé de dater la Lex
Coloniae Genetiuae parallèlement à la Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia qu’il
datait toutes deux de 47 av.J.-C. F.T. Hinrichs proposait la date de 49 333 pour cette
dernière en la distinguant d’une Lex Mamilia plus ancienne. Si l’on se place dans une
perspective plus large, en considérant le nombre de colonies fondées par César ou du
moins, à son initiative, il semble fort probable que les chartes de fondations des cités
étaient calquées sur un même modèle. Si l’on accepte ce point, on pourrait émettre
l’hypothèse de l’existence d’une loi césarienne plus générale qui aurait réglementé dans
les moindres détails le processus de fondation des colonies.
Plusieurs éléments dans le texte même de la Lex Coloniae Genetiuae laisse supposer que
César tenta d’organiser une première fondation à Urso dès les débuts de la guerre civile
après sa campagne espagnole de 49. La mention du chapitre 125 concernant la titulature
de César posait problème comme on a pu le constater.
Les restitutions de Le Gall et de Crawford étaient similaires mais traduites différemment ;
ils s’accordaient à mettre la mention de proconsul à l’ablatif. Le Gall supposait d’ailleurs,
de même que Mommsen, que César ait eu le pouvoir officiel, insistons sur ce point, de
nommer les proconsuls ce qui semble discutable.
On peut toutefois proposer la restitution suivante :
… iussu{q}ue C. Caesaris dict(atoris) co(n)s(ulis) proue co(nsulis)
cité d’Urso à Pompée (De Bell. Hisp., 28 et 41) qui refusait sans doute de voir son territoire confisqué au
profit des vétérans. D’autre part cette fondation, ainsi datée, coïnciderait avec les mutineries des vétérans
césariens revenus de Pharsale et attendant en Italie d’être lotis (références dans J.Carcopino , César…p.
866-885, 905-908).
332
En faisant le lien avec la Lex Mamilia, Le Gall suggère que les cinq magistrats n’auraient pu être réunis
qu’en 47. Toutefois, si l’on peut admettre que ces deux lois aient été antérieures à 47, rien dans son
argumentation ne s’oppose à l’hypothèse d’une datation de ces deux lois en 49. Nous reviendrons sur cette
hypothèse dans le chapitre 3 de notre étude.
333
Hinrichs, 1969, p. 520-544.
79
Il semblerait possible de restituer le titre de proconsul, étant donné qu’il suit celui de
dictateur et de consul, au génitif singulier ; dans ce cas la titulature complète C. Caesaris
dictatoris consulis proueconsulis ne pourrait se rapporter qu’à César. Dans le cas où l’on
maintiendrait la restitution de proue co(nsule) à l’ablatif, Crawford semble le considérer
comme attribut du sujet ; il s’agirait d’un ablatif absolu. Si l’on se fonde sur cette
restitution, la mention du proconsulat de César pose un problème de datation.
Si l’on considère que César est évoqué en tant que dictateur, consul et proconsul, il serait
envisageable que cette loi ait été promulguée dès 49. La situation institutionnelle à Rome
est troublée au cours des mois précédant la campagne espagnole, comme nous l’avons vu,
ce qui expliquerait un tel cumul ; César, en théorie, renonçait à son imperium
proconsulaire une fois le pomoerium franchit. La situation étant exceptionnelle au
moment de son entrée à Rome, il est malaisé de définir de quels pouvoirs il était investi à
ce moment là. Quelle est sa charge officielle, lorsqu’il quitte Rome pour l’Espagne ? Il se
fit voter par Lépide la dictature durant son absence 334sans doute aux mois de mai-juin 49,
mais disposait-il d’autres pouvoirs ?
César arrive à Rome aux alentours du 1er avril 335. Toutefois un élément intéressant est à
souligner : le Sénat est convoqué hors de la Ville 336 au temple d’Apollon 337. La réunion
du Sénat est présidée par deux tribuns, sans doute Q. Cassius Longinus et Antoine 338,
mais il semble qu’alors César était proconsul 339. Ce point est notable : César ne préside
pas la réunion du Sénat, puisqu’en tant que simple citoyen 340, ou proconsul, il ne dispose
pas de l’imperium domi. Peut-on y voir un élément qui impliquerait qu’il n’ait pas déposé
son imperium proconsulaire ? Si l’on se replace dans le contexte des premiers mois de
49, l’essentiel du conflit entre Pompée et César concernait la question de la déposition de
Alors qu’il se trouvait à Marseille (Caes., B.C., 2, 21, 5 ; Lucain 5, 383 ; Ap., G.C.., 2, 48 ; Dion
Cassius, XLI, 36, 1-2 ; 43, 1, 1).
335
Dion Cassius XLI, 15, 2 et 16.
336
Caes., B.C., I, 32 ; Cic., Att., IX, 17, 1 ; Fam., IV, 1, 1 ; Plut., Caes., 35, 4 ; Dion Cassius, XLI, 1, 15, 2.
337
Lucain, Pharsale, III, 6.
338
Dion Cassius, XLI, 15.
339
Bonnefond Coudry, 1989. p.147 et suivantes.
340
Si l’on suit Lucain (III, 7). César était effectivement « un simple citoyen », son imperium proconsulaire
fut renouvelé par la Lex Trebonia de 55 (Cic., Att., IV, 9, 1 ; Dion Cassius XXXIX, 33-36) mais pour cinq
ans. Son pouvoir expirait donc au début de l’année 49. C’est parce que César craignait des poursuites
judiciaires, qu’il voulu être candidat au consulat pour 49 puis pour 48. C’était bien là la raison qui
déclencha la guerre civile qui inspira le poète. En tant que simple citoyen, s’il ne se réfugiait pas dans
l’illégalité en demeurant à la tête de ses troupes, il pouvait comparaître tandis qu’en tant que que consul
designatus, du point de vue juridique, il pouvait mieux se défendre. Les procès des années 54-53 l’ont
montré.
334
80
leurs pouvoirs respectifs ; si Pompée n’avait pas déposé son imperium, César durant les
quelques jours qu’il a passés à Rome, au début d’avril 49, l’aurait-il fait ?
Il semblerait donc plausible qu’il ait conservé un titre lui permettant de commander avec
un semblant de légitimité des armées hors d’Italie. On pourrait évidemment objecter
l’épisode du tribun Metellus concernant le trésor public qui se trouvait au temple de
Saturne 341. Lors de la réunion du Sénat, César semblait avoir pour intention de trouver un
moyen de rétablir un dialogue avec le camp Pompéien ; en cas d’insuccès sans doute
prévoyait-il qu’il était préférable de ne pas déposer sa pro magistrature. Devant l’insuccès
de sa démarche, le Sénat n’ayant pas résolu le conflit, César franchit le pomoerium pour
accéder au temple. On note donc une distinction entre un respect des formes
institutionnelles afin de tenter une conciliation et, une fois que le conflit semblait
inévitable, la nécessité matérielle pour César de s’emparer du trésor public ; à ce moment
là le respect des règles concernant l’imperium ne lui semblait plus indispensable.
Un élément important pose problème concernant la mention du chapitre 125 ; l’évocation
de César en tant que consul ; César n’est pas consul en 49 mais en 48. On peut
difficilement expliquer ce passage sans recourir à l’hypothèse de Frederiksen 342 ou à celle
de Crawford 343. Si l’on se replace dans le contexte politique de l’année 49, en
récapitulant les éléments que l’on sait, il est évident que la situation institutionnelle
n’était guère stable. César, en décembre 50, souhaitait occuper le consulat pour l’année
suivante ; on sait qu’il ne l’obtint pas. Puis, vraisemblablement, il conserva son imperium
proconsulaire bien qu’il eut franchi le pomoerium. Cependant il prit soin de ne pas
présider la réunion du Sénat du 1er avril 49 ; il laissa ce rôle à ses partisans bien qu’ils
fussent tribuns. Si l’on admet l’hypothèse qu’une première étape juridique concernant la
Lex Coloniae Genetiuae ait été exécuté au cours de l’année 49, il est probable que les
341
Peu avant le récit de cet épisode, Dion Cassius nous rapporte ceci : « César ne donna pas alors au peuple
les sommes qu'il lui avait promises : bien loin de là, il exigea pour l'entretien de l'armée qui inspirait tant de
craintes tout l'argent déposé dans le trésor public. De plus, comme si la République avait été dans une
situation prospère, on prit le vêtement réservé pour le temps de paix ; ce qui ne s'était pas encore fait. Un
tribun du peuple, Lucius Métellus, combattit la proposition concernant les fonds… ». La précision
concernant « le vêtement réservé pour le temps de paix » signifie sans doute que César, ou ses partisans,
agissaient en vertu d’un semblant d’imperium domi qui leur permettait de prélever les fonds sans susciter
des troubles majeurs excepté dans l’aristocratie sénatoriale dont témoigne Cicéron (Att., IX, 6, 3; X, 4, 8 et
8, 6).
342
Sans préciser que ce fut le cas pour ce passage de la loi, Frederiksen (Frederiksen, 1965. p.180 et
suivantes) avance l’explication concernant les conditions de gravure des textes légaux ; les erreurs
commises par les graveurs étaient fréquentes, ne serait-ce que par ce qu’il considère comme des erreurs
linguistiques (Mommsen, 1909. p.209-211).
343
Crawford considérait, comme nous l’avons vu, que cette titulature de César est « précisément désignée
pour permettre toutes les éventualités » (Crawford, 1996. p. 450).
81
graveurs, ou les scribes, si l’acte fut inscrit sur rouleau n’eut pu avoir une certitude
concernant la titulature exacte et « officielle » de César.
Cette instabilité, nous permet d’avancer un élément qui pourrait conforter notre
hypothèse ; seule l’année 49 permettait une telle confusion. On serait bien en mal de
définir en quelle qualité César agit cette année puisque, comme le résumait Ronald
Syme 344, « une question de force avait remplacé une question de droit » ; toute procédure
légale ne pouvait donc qu’être fictive.
A partir de 47, on sait exactement quelle est la titulature officielle de César ; il ne peut,
logiquement, être évoqué en tant que proconsul dans un acte officiel. Le Gall avait
démontré que la Lex Coloniae Genetiuae ne pouvait pas être postérieure à 47 345. On peut
assurément le rejoindre sur ce point. Cependant il considérait, en faisant le lien avec la
Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia, que les magistrats constituant une
commission devait avoir au moins exercé la préture ; or il a été démontré que dès
l’époque syllanienne, des priuatii pouvaient organiser une deductio 346. En faisant un lien
entre ces deux textes juridiques, on rejoindrait l’hypothèse d’Hinrichs 347, qui date cette
loi de 49 ; les cinq magistrats composant cette commission auraient pu exercer cette
charge ; deux d’entre eux étaient préteurs en 49348.
Un autre élément dans le texte conforte cette hypothèse d’une première législation en 49.
Au chapitre 104, on trouvait la mention suivante :
qui iussu C. Caesaris Dict(atoris) imp(eratoris) et lege Antonia senat(us)que
c(onsultis) pl(ebi)que sc(itis) ager datus atsignatus erit.
On interprétait à maintes reprises ce passage de la façon suivante : Antoine fit voter cette
loi décidée par César, dictateur et imperator, dans les mois suivants sa mort, ce qui est
discutable puis qu’on apprend par Cicéron 349 que les lois votées par Antoine en 44 furent
344
Syme, 1967. p. 56-57.
Le Gall, 1946. p. 139-143.
346
Moatti, 1993. p. 7-8. Les commissions agraires tendaient, à la fin de la République, à être constituées
d’officiers, de praefecti ou legati, voire même de sous officiers (centurions) ou d’affranchis comme ce fut
le cas à l’époque syllanienne. Il s’agissait d’un mode d’administration plus personnel (Suet., Caes., 78-79;
Broughton, MRR II, 1951-1952. p. 313 et suivantes).
347
Hinrichs, 1969, p. 524 et suivantes.
348
A. Allienus (Cic., Att., X, 15, 3) et L. Roscius Fabatus (Cic., Att., VIII, 12, 2; Caes., BC, I, 3, 6 et 8, 4;
Dion Cassius, XLI, 5, 2). Ce dernier fut probablement également l’auteur de la loi accordant la citoyenneté
aux transpadans (Yavetz, 1990. p. 76-81)
349
Cic., Phil., VI, 14; XI, 13.
345
82
retirées peu après 350. Le Gall pensait qu’il s’agissait d’Antoine en tant que magister
equitum du dictateur qui fit voter cette loi durant son absence en Orient en 47, date qu’il
propose concernant la Lex Coloniae Genetiuae.
On sait néanmoins qu’un tribun pouvait proposer une loi et la faire approuver par le
Sénat et la Plèbe (… senatusque consultis plebique...). Or Antoine était tribun pour
l’année 49 et se trouvait à Rome durant l’absence de César 351, ce qui lui permettait de
promulguer une Lex Antonia qui aurait fondé Urso. On sait qu’il a promulgué plusieurs
lois suivant les instructions de César, notamment la loi sur les enfants des proscrits
syllaniens 352 ainsi que celle concernant ceux qui furent condamnés par la loi pompéienne
de 52 353. Si César a envisagé une loi agraire ou du moins une charte fondant Urso dès
49, il l’aurait faite établir par Antoine ; ce qui expliquerait le lege Antonia du chapitre
104.
Il semble que, dès 49, César ait commencé à réorganiser juridiquement certains
territoires une fois qu’ils étaient soumis. Rappellons la Lex Iulia de ciuitate
Gaditanorum pour le cas de Gadès, qui date de son passage en Espagne en 49. Cette loi,
planifiée une fois la région pacifié, ne fut confirmée que plus tard à Rome 354. Ce fut
également le cas pour la loi confisquant une partie des terres de Massilia 355 après le long
siège de 49. César semblait prendre les décisions une fois sur place et les faire approuver
par la suite par les assemblées, ce qui fut sans doute également le cas pour Urso.
Il est donc possible que, dans un premier temps, César ait décidé d’installer des
colonies afin de contrôler une zone turbulente, après Ilerda et sa victoire sur Varron. Ce
qui expliquerait la présence de 6000 colons harcelés par les Pompéiens 356. On peut
émettre l’hypothèse que la première élaboration de la loi d’Urso daterait donc de 49. Elle
pourrait, qui plus est, faire partie d’un Lex Iulia Agraria générale dont on n’aurait que des
indices d’existence 357. La Lex Mamilia 358 et la Lex coloniae Genitiuae feraient ainsi
350
Chouquer et Favory, 2001. p. 150-151.
Antoine avait été élu tribun en décembre 50 pour l’année 49 (Hirtius/Caes., B.G., 8, 50, 1-3 ; Plut., Ant.,
5, 1).
352
Suet., Diu. Iul., 41 ; Plut., Caes., 37 ; Dion Cassius XLI, 18, 2 et 17, 3 ; XLIV, 47, 4 .
353
Cic., Phil., 2, 55-56 ; ad Att. 10, 4, 8 ; Caes., B.C., 3, 1, 4 ; Suet., Div.Iul., 41.
354
Dion Cassius, XLI, 24, 1 ; Tite Live, Per., 110 ; Flor., II, 13, 29.
355
Dion Cassius, XLI, 25, 3.
356
Caes., B.C., I, 51.
357
Le fait qu’au cours de l’année 44 les consuls Marc Antoine et Dolabella aient proposé une loi créant une
commission de sept magistrats pour assigner des terres aux vétérans et aux citoyens les plus pauvres peut
constituer un indice (Cic. Att., XV, 19,2 ; Phil. V,7 ; V, 21, VIII, 26 ; XII, 23 ; Dion Cassius, XLV, 9).
César a pu concevoir un projet à plus large échelle pour lotir les vétérans et des plébéiens qui fut ensuite
repris par les Triumviri puis par Auguste. Cf chapitre précédant.
351
83
partie d’un large programme de distribution de terres à l’échelle des territoires
méditerranéens contrôlés par Rome, donc une supposée Lex Iulia Agraria qui serait
différente de celle de 59 concernant les lotissements.
Dans un second temps, César confia le gouvernement de la province à Q.Cassius
Longinus 359. Ce dernier, comme nous l‘avons précédemment, était lié aux exactions qui
provoquèrent le soulèvement des provinces ibériques.
Le processus de fondation d’une colonie est théoriquement long. Il s’agit, une fois la
loi votée, d’enrôler les colons, de procéder à l’arpentage du territoire destiné aux colons,
et de régler la question du partage des terres entre indigènes et allogènes. On peut donc
supposer, si l’on admet l’hypothèse qu’une première version de la loi d’Urso daterait de
49, que le processus fut évidemment ralenti par le soulèvement de la province. César,
après avoir réprimé la révolte et vaincu les fils de Pompée à Munda, a sans doute voulu
régler la question de la colonisation d’Urso ; ce qui pourrait expliquer les motifs de cette
cité à résister au vainqueur de la guerre civile.
Quand bien même les exactions de Cassius Longinus auraient exaspéré la province,
on s’explique mal la résistance des espagnols autrement que par la résistance à la
confiscation de leurs terres. Dans le Bellum Hispaniense, il est question de treize légions
pompéiennes 360 ; elles étaient constituées entre autres de deux légions varroniennes, de
celle d’Afranius, et d’une quatrième facta ex colonis qui fuerunt in his regionibus. Ces
colons établis dans la province étaient probablement soit des colons établis par Pompée,
ils suivraient alors son fils en vertu des liens clientélaires, soit de colons établis par César
au cours de son premier passage en 49. Toutefois, concernant cette dernière hypothèse
comment expliquer que ces colons se soient révoltés contre celui qui les avait lotis ?
L’auteur du Bellum Hispaniense a sans doute pu exagérer, étant donné la rhétorique
césarienne, la difficulté de la campagne de 45. Cependant l’impopularité de César ne peut
s’expliquer que par les exactions de son lieutenant. Si l’on suppose que les premières
mesures concernant la fondation d’Urso, et d’autres colonies, avaient été entamées dès
Nous désignerons désormais par Lex Mamilia la loi liée à l’époque césarienne à ne pas confondre avec
la Lex Mamilia de 111-109 av. J.-C.
359
Pseudo Caes., B.Al., IV, 48-64. Selon Carcopino (Carcopino J., César, Paris, 1968, p.355), Q. Cassius
Longinus serait le frère du futur assassin de César. Selon Gruen, (Gruen, 1974, p.182). Il avait déjà une
bonne connaissance de l’Espagne, ayant servi en tant que questeur sous le commandement exceptionnel de
Pompée (Cic., Att., 6, 6, 4 ; voir aussi Brougton, M.R.R., vol. III, p.52). Il avait, dès cette première
magistrature connue en Espagne, été poursuivi pour extorsions (cf. Cic., Fam., XV, 14, 4, lettre datée
d’Octobre 51).
360
Pseudo Caes., B.H., VII, 4 ; XXX, 1 ; XXXIV, 3.
358
84
49, on peut ainsi s’expliquer la résistance de cités comme Munda et Urso malgré la
défaite de Pompée le Jeune. 361
On distinguerait donc plusieurs phases. Tout d’abord la prise de décision par César en 49
et une première élaboration de la loi présentée par Antoine pendant l’absence de César.
Puis, l’enrôlement des colons et le départ pour le site qui a du être fortement ralenti par le
soulèvement espagnol de 47-45. Enfin, la colonisation en Espagne fut reprise, une fois la
paix rétablie après Munda. Par la suite, après l’assassinat de César, le site d’Urso
accueillit sans doute une nouvelle vague de colons, probablement à l’époque triumvirale
ou augustéenne.
Différents arguments et différentes hypothèses ont pu être avancés concernant
l’appartenance de la loi d’Urso au programme césarien de colonisation de l’Espagne.
Nous avons donc tâché ici d’établir un état de la question à ce sujet et de proposer une
hypothèse de datation. Si l’on pouvait se permettre une quasi certitude, ce serait de
considérer que la loi à laquelle on a affaire soit lié à la colonisation césarienne qu’elle ait
été ou non établie de son vivant.
361
Bell. Hisp., 41, 1-5.
85
A l’origine de toute fondation coloniale, une loi est l’acte qui initie le processus.
La loi agraire fixe toutes les caractéristiques de la colonie : les pouvoirs et la
composition des triumviri et des decemviri de la commission chargée de l’application de
la loi sur le terrain, les territoires à partager aux colons, les bénéficaires des distributions,
le mode de distribution, les liens de patronat entre la colonie et le responsable de la loi.
Tâchons à présent d’établir ce que l’on sait concernant la procédure juridique
d’établissement de cette loi.
B. La Lex Coloniae Genetiuae ; un acte fondateur.
La procédure juridique de la loi coloniale est en principe similaire à toute autre
forme de loi. Un texte législatif, quel qu’il soit, est ratifié par le Sénat après avoir été
présentée par le magistrat devant les comices tributes, centuriates ou curiates. Chacune
de ces trois assemblées disposait de compétences particulières 362. Les deux assemblées
les plus fréquemment sollicitées à la fin de la République pour voter les lois 363
demeuraient néanmoins les comices tributes et le concilium plebis. Ces deux assemblées
étaient confondues pour la période qui nous intéresse 364, on la désigne par le nom
d’assemblée de la plèbe et l’acte qui résulte de son vote est le plébiscite. Cette assemblée
élit les magistrats excepté les préteurs et les consuls, ainsi que les magistrats
exceptionnels comme les triumviri ou decemviri agraires 365.
Un magistrat supérieur, consul, dictateur, maître de la cavalerie, ou encore tribun de la
plèbe, peut proposer une loi à cette assemblée 366 qui sera votée puis ratifiée par le Sénat.
Dans la pratique, on admet néanmoins que la procédure juridique théorique ait perdu de
son importance avec les multiples assignations césariennes ou triumvirales. La fondation
362
Nicolet, 1976. p. 295-307.
Botsford, 1909, p. 317-327.
364
Ces deux assemblées désignaient « presque entièrement la même chose » (Nicolet, 1976. p. 306)
365
Mommsen, Droit Public vol. IV, p. 336-352.
366
Gargola, 1995, p. 53-56 ; Bonnefond-Coudry, 1989, p. 394-413.
363
86
de la colonie du point de vue juridique commence donc à Rome. Depuis les Gracques 367,
toutes les colonies étaient fondées, en principe, avec l’accord du Sénat. 368
Hinrichs 369 proposait de distinguer les colonies civiles et des colonies militaires, ces
dernières auraient nécessité un plébiscite. Cette distinction bien qu’intéressante n’est
guère illustrée par un exemple précis dans la législation agraire. Selon Botsford 370 et
Rudorff 371, l’affirmation de Velleius Paterculus concernant le fait que toutes les colonies
militaires de droit romain post gracquiennes furent fondées avec l’accord à la fois du
Sénat et du conseil de la Plèbe paraît la plus vraisemblable. 372
Ce point semble clairement illustré par la mention suivante au chapitre 104 :
… qui iussu C. Caesaris Dict(atoris) imp(eratoris) et lege Antonia senat(us)que
c(onsultis) pl(ebi)que sc(itis) ager datus atsignatus erit.
Ce passage indique bien l’intervention des deux organes législatifs concernés pour
le vote de la lex rogata. Elle résulte de l’intervention du Sénat et de l’assemblée de la
plèbe : senatusque consultis plebique scitis. Le deductor est investi, par cette loi, du
pouvoir de fonder la colonie et de lui donner une loi, ce que Mommsen considérait
comme une Lex data 373. Cette définition fut discutée par Tibeletti, Frederiksen, puis
367
Velleius Paterculus, 1, 14, 1.
On trouve néanmoins quelques exemples de fondations votées par une seule des deux assemblées.
D’après les informations abondantes que nous livre Tite-Live ( XXXII, 29, 3-4 ; XXXIV, 53, 1-2 ;
XXXVII, 46, 9), on peut considérer, comme le précise Gargola (1995, p. 53-55), que les procédures
diffèrent selon le statut de la colonie dont il sera question. Les plus importantes (colonies de droit romain),
particulièrement à l’époque républicaine tardive nécessitent le plus souvent l’accord des deux assemblées,
le vote des comices et la ratification par le Sénat. Si les colonies latines pouvaient être fondées par seul un
senatus-consulte (Willems, 1885, p.83 ; Bonnefond-Coudry, 198,. p. 302 et suivantes), une loi était requise
pour les colonies de droit romain par senatus-consulte autorisant la proposition aux comices qui les valident
par un plébiscite.
369
Hinrichs, 1989, p. 10-12.
370
Botford, 1909, p. 350-351
371
Rudorff, 1852, p. 331.
372
Contrairement à ce que nous rapporte Tite-Live (34-53.1-2).
373
La Lex Coloniae Genetiuae est considérée par Mommsen comme une lex data (Mommsen, 1909, p. 194
et suivantes), c'est-à-dire une loi votée à Rome après avoir été planifiée et proposée par un magistrat cum
imperio. La légitimité de ce type de loi, selon Mommsen, ne reposerait que sur le pouvoir dont est investi le
magistrat. Cette catégorie de loi serait proprement distincte de la Lex Rogata, laquelle serait un type de loi
proposé par un magistrat, dictateur, consul, tribun de la plèbe ou préteur, qui la propose au vote par les
comices, tributes (ou concilium plebis) ou centuriates, puis qui la fait ratifier par le Sénat. Néanmoins la
notion de lex data définie par Mommsen (Droit Public, 1890, VI, 1, p. 345) est sujette à discussion.
Tibiletti (1955. p. 595 et suivantes) avait démontré que cette catégorie de loi n’était guère autonome et
s’accompagnait donc d’une législation plus générale dont la « lex data » ne serait qu’une application locale.
Frederiksen (1965. p. 183 et suivantes) va plus loin, considérant qu’au dernier siècle de la république un
type de loi autonome ne pouvait être voté ou confirmé sans un vote régulier des assemblées du moins
368
87
Gabba 374 considéraient la notion de la lex data, donnée par Mommsen 375, comme « non
existante » de par le fait qu’elle ne puisse être autonome parce qu’elle résultait de la lex
rogata. D’autre part en considérant la démonstration de Frederiksen376 et de Magdelain377
sur les différents types de lois, on s’aperçoit que le sens donné au verbe dare ne semble
pas avoir fonction de définir véritablement un type de loi.
La Lex Rogata donc validée par les comices était indispensable, du moins à l’époque
républicaine antérieure au triumvirat. 378 On peut le constater de par cette mention,
typique 379 d’une loi comitiale, au chapitre 95 :
… ex hac lege nihilum rogatur. 380
Ce que l’on peut en revanche considérer, de par ces extraits, c’est qu’il est fait référence à
la loi donnée (data) par le magistrat chargé de fondé la colonie. On trouve des évocations
de la charte de fondation, on trouve les mentions suivantes qui évoquent indirectement la
loi :
Au chapitre 68 :
Quicumque pontifices quique augures coloniae Genetivae Iuliae post
hanc legem datam […] 381
Au chapitre 72 :
jusqu’aux assignations triumvirales. Gabba (1988, p. 160-161) se place en faveur de cette hypothèse en
admettant néanmoins qu’en cette période tardo-républicaine, les lois agraires ne nécessitaient plus
forcément un vote régulier ; avec la multiplication des assignations et les importantes pressions des
vétérans dans les années 49-42, le respect des procédures légales ne semblait plus maintenu en application.
374
Tibiletti, p. 594 et suivantes ; Frederiksen, 1965. p. 189-191 ; Gabba, 1988. p. 161-164.
375
Mommsen, 1909. p. 192 et suivantes; Magdelain expose un état de cette discussion concernant la
définition de Mommsen (Magdelain, 197, p.62-70).
376
Frederiksen (1965. p. 189-192) conclut par le fait que cette typologie de Lex data puisse être
abandonné ; le sens du terme data dans la législation étant à traduire simplement par le terme « donné ».
377
Magdelain, 1978. Chapitre II sur la lex data.
378
Frederiksen, 1965, p. 190 et suivantes
379
Frederiksen, 1965. p. 194 ; Magdelain, 1978, chapitre II.
380
« … de par cette loi promulguée ».
381
On peut proposer la traduction suivante : « Tous les pontifes et tout les augures élus ou cooptés après la
promulgation de cette loi… ».
88
Quotcumque pecuniae stipis nomine in aedis sacras datum inlatum erit,
quot eius pecuniae eis sacris superfuerit, quae sacra, uti hac lege data
oportebit […] 382
Au chapitre 92 :
… uti hac lege decurionumue decreto dari oportet, dato… 383
Au chapitre 101 :
Quicumque comitia magistratibus creandis subrogandis habebit, is ne
quem eis comitis pro tribu accipito neue renuntiato neue renuntiari iubeto,
qui in earum qua causa erit, e qua eum hac lege in colonia decurionem
nominari creari inue decurionibus esse non oporteat non liceat. 384
On remarque dans ces passages que l’usage du verbe dare n’est pas forcément associé à
la notion de loi mais également à celle d’un pouvoir permettant de donner une loi, comme
on peut le remarquer dans la mention dati iussive du chapitre 95. Il semble s’agir d’une
éventualité de nomination ou de promulgation selon les cas.
En conclusion, d’après les différentes études évoquées, on peut constater que de
par la procédure théorique de fondation, votée par le concile de la plèbe après rogatio et
non pas décidée directement par un magistrat, et de par certains passage du texte même
de la loi d’Urso, on peut supposer que la Lex Coloniae Genetiuae soit une Lex donnée par
un magistrat investi d’un pouvoir obtenu par une Lex Rogata dont on trouve des
évocations dans le texte même de la Lex Coloniae Genetiuae. Bien que rien ne permette
382
« Toute somme apportée ou offerte aux temples sacrés à titre d’offrandes religieuses et
proportionnellement à leur montant en tant que reste des sacrifices donnés selon cette loi promulguée… »
383
« … ou par un décret des décurions promulgué suivant la présente loi…»
384
« Nul, durant la tenue d’une comitia pour l’élection ou la cooptation de magistrats, ne pourra, à cette
comitia, accepter quelqu’un d’une tribu ou renvoyer ou ordonner de renvoyer aucun candidat, pour lequel
aucune de ces causes ne saura être attachée, par lequel il ne serait pas propre ou légal pour quiconque de la
colonie, de par cette loi, d’être nommé ou institué décurion, ou de siéger parmi les décurions ». On sait ici
que l’organisation, au moment de la gravure de cette loi se faisait par tribu, comme à Rome. Cette mesure,
comme le remarque Hardy (1975, p. 46) est similaire à un passage de la Lex Iulia Municipalis empêchant
quiconque d’exercer une magistrature s’il ne siège pas au sénat durant les élections. Crawford le rejoint sur
ce point (1996, p. 444). La législation municipale à l’époque césarienne, sur ce point, semble donc la même
que pour la colonie d’Urso.
89
d’affirmer qu’il s’agisse d’une loi applicable dans d’autres colonies que celle d’Urso, on
trouve une évocation d’une Lex Iulia ; au chapitre 97, seul endroit où elle est clairement
mentionnée :
… ex lege Iulia est…
On sait donc que l’étape du vote de la loi fondatrice 385 se déroule à Rome. La loi
est lue en public par le ou les magistrats qui proposent le projet ; dans le cas présent
César ou Antoine. Puis, dans un second temps, a lieu le vote de l’assemblée de la
Plèbe 386, votant par tribu, présidée, dans le cas présent, par César, en tant que « dictateur,
consul ou proconsul » 387. On remarquera qu’un proconsul, dont il est question ici, ne peut
convoquer les assemblées pour faire voter une loi, puisqu’en théorie, il dépose son
imperium proconsulaire avant de franchir le pomoerium qui plus est, il ne dispose guère
de l’imperium domi. Il demeure l’éventualité qu’un magistrat puisse réunir les assemblées
votantes à l’extérieur, à moins d’admettre ici une « corruption » du texte gravé.
D’ordinaire, le magistrat responsable de la proposition convoquait les assemblées en
question pour lire la loi en public. Les votants devaient se réunir sur un des lieux de
réunion des comices 388 et approuver ou refuser la proposition du magistrat. Une fois le
vote acquis, la loi était à nouveau lue en public à ceux qui étaient concernés389 ; les futurs
colons. Toutefois, au premier siècle, en cas d’attribution de pouvoir extraordinaires,
comme pendant la dictature de Sylla, de César ou sous le triumvirat de 43, le recours aux
comices n’était plus nécessaire pour les lotissements de vétérans 390. Il existait
vraisemblablement deux exemplaires de la loi, comme probablement toute loi concernant
Rome et une autre cité 391.
385
Les renseignements sur le déroulement des votes nous sont principalement rapportés par Tite-Live
concernant les fondations coloniales, les premiers magistrats de ces colonies et le déroulement du vote (cf.
Gargola, 1995, p. 52).
386
Il s’agit là du concilium plebis ou comices tributes, puisqu’il semble y avoir une confusion entre les
deux types d’assemblées à l’époque césarienne ou encore par les comices centuriates. Les comices curiates
n’étaient que rarement réunies (Nicolet, 1976, p. 297) et n’avaient d’importance que pour la vote de la lex
curiata de imperio.
387
Voir le chapitre 125 de la Lex.
388
Nicolet, 1979, p. 346-349.
389
Magdelain, 1978, p. 23-54 concernant les formules d’usage dans les lois par lesquelles on peut les
identifier et la procédure théorique.
390
Gabba, 1951,. p. 171-250.
391
Tibiletti (1955, p. 597) de même que Frederiksen (1965. p. 185 et suivantes) considéraient cette
éventualité qu’il puisse y avoir deux versions d’une même loi, une exemplaire conservé à Rome et un autre
dans la colonie ou la cité concernée. Frederiksen cite d’ailleurs plusieurs exemples de lois, principalement
des traités avec des cités ; chacune des cités, lorsqu’un accord définissant un statut était convenu,
90
Depuis la Lex Iulia Licinia de 62 av J.-C. 392, toutes les lois, après que le vote eut été
accompli, étaient conservées dans l’aerarium qui complétait sans doute le tabularium 393.
On est donc amené à supposer qu’une copie des lois coloniales ou municipales était
conservée à Rome, et qu’un autre exemplaire était envoyé dans la colonie en question où
elle était lue par les magistrats aux habitants de la colonie 394. Nous avons donc fort
probablement affaire à une copie tardive de l’exemplaire envoyé dans la colonie d’Urso
après sa fondation et retravaillé par la suite.
conservaient un exemplaire de la loi en résultant. Il s’agissait fort probablement, selon Frederiksen, d’un
mode de conservation d’actes légaux. Il avance également certains éléments qui permettraient de penser
que chaque acte légal était conservé en deux exemplaires, particulièrement à partir du consulat de César et
du tribunat de Clodius (Cic, Att. 3, 15, 6 ; Phil. 1, 26). Evidemment, dans le cas qui nous intéresse, on
suppose qu’il y eut deux exemplaires de la Lex Coloniae Genetiuae. On peut également se référer à
Mommsen (Droit Public, II, p. 371) concernant cette question du double affichage.
392
Cic., Vat., 33 ; Phil., 5,7.
393
On le sait d’après ce que nous rapporte Suétone (Diu. Iul., 28) concernant par exemple la loi
pompéienne de 52, la Lex de iure magistratuum : … Lege iam in aes incisa et in aerarium condita….
(Mommsen, Droit Public III, 2. p.371). Selon Moatti (1993,. p. 63-78), les formae étaient fort
probablement conservée à l’époque républicaine. Si ce point est certain pour la période impériale, on
dispose toutefois de peu d’éléments déterminants. L’exemple de la rogatio servilia nous renseigne à ce
sujet : Cicéron (De Leg. Agr., II, 88 ; II, 31 ; Pro Balbo., 48) évoque des documents auxquels il a eu accès :
monumenta uetera, litterae et senatus consulta. Cencetti (1940. p. 7-49) considérait que l’aerarium
républicain constituait une sorte d’archive centrale où étaient conservés plusieurs actes légaux. L’opinion
de Cencetti est fréquemment suivie (Moatti, 1993, p.67), d’autant qu’on a des traces de plusieurs traités,
comme par exemple le traité d’amitié passé entre Rome et Elée en 129 (IGRR, IV, No 1692) dont un
exemplaire se trouvait au temple de Cérès, l’autre au Capitole. On suppose qu’elles étaient conservées,
pour l’époque qui nous intéresse au Tabularium reconstruit par Q Catulus (CIL I, 591=VI, 1313 ; CIL I,
592=VI, 1314) après l’incendie de 83.
394
Moatti expose l’état de cette question (1993. p. 69-73) ; il ne suit pas Mommsen (Droit Public, III, p.
303 et suivantes) qui optait pour le temple de Jupiter Capitolin. Bien qu’on ne dispose pas de certitudes sur
le lieu, la nécessité de conserver les archives concernant les assignations de terre publiques semblait
imposer que des documents coloniaux aient été préservés à Rome même, notamment en cas de litige.
D’après les sources, on constate que les conflits liés à l’occupation des sols publics étaient particulièrement
courants et soulevaient d’importants problèmes juridiques au sein d’une colonie (Moatti, 1993. p. 81 et
suivantes ; Chouquer/Favory, 2002, p. 236-262).
Après avoir étudié la Lex Coloniae Genetiuae en tant qu’acte fondateur, on peut à
présent s’interroger sur sa place dans la législation agraire césarienne. Le processus de
colonisation fut-il organisé uniformément en vertu d’une Lex Iulia dont la loi d’Urso ne
serait qu’un exemplaire local ? Si on ne peut répondre dans le cadre de cette étude, on
tachera ici d’exposer quelques éléments qui permettraient d’amorcer cette hypothèse.
C. La place de la Lex Coloniae Genetiuae dans la législation agraire
de César.
Le Gall 395 avait ouvert une discussion qui n’a pas été reprise depuis au sujet de la
datation de la Lex Coloniae Genetiuae. Il soulignait un lien fondamental entre la charte
de fondation d’Urso et la Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia 396. Il parait
difficile de comprendre le processus de fondation d’Urso en se fondant uniquement sur le
texte même qui a subit plusieurs ajouts ultérieurs comme nous l’avons vu. En revanche,
en l’intégrant dans une étude de la législation agraire plus générale, et en la comparant
aux circonstances de la promulgation de la seconde Lex Mamilia voire d’une Lex Iulia
Agraria 397, on pourrait plus facilement, dater l’élaboration du texte et par là même
regrouper des éléments épars de la Lex Iulia Agraria.
On sait que la question agraire, liée à sa politique de popularis, faisait partie du
programme de César. On a évoqué plus haut cette nécessité de distribuer des terres depuis
les programmes des Gracques. L’envoi d’une partie de la population et la fondation de
colonies constituait une solution aux tensions qui pouvaient naître à Rome.
On peut citer cet exemple parmi d’autre :
395
Le Gall, 1946.
En remettant en cause la datation de la Lex Mamilia, on pourrait trouver des similitudes entre cette loi,
qui serait plus générale et la charte d’Urso qui serait la définition d’un statut local. Nicolet considérait
également la datation de cette loi d’époque césarienne mais considérait la date de 55. (1979. p. 139-141).
397
Crawford (1989, p. 179-190) semble admettre l’éventualité d’une lex Iulia agraria qui serait postérieure
à 59, en se fondant notamment sur les indications que l’on trouve dans les manuels des Arpenteurs.
396
92
Iamque haud procul seditione res erat; cuius leniendae causa postulante
nullo largitor uoluntarius repente senatus factus Satricum coloniam duo
milia ciuium Romanorum deduci iussit. bina iugera et semisses agri
adsignati ...398
L’épisode, si l’on suit la tradition Livienne, date de la troisième dictature de
Camille de 389 av. J.-C.. L’exemple illustre que la tension liée aux terres n’était pas un
phénomène nouveau au milieu du Ier siècle av. J.-C., du moins tel que le concevait TiteLive peu après la réorganisation de l’Empire par Auguste. La fondation de colonies
permettait ainsi d’apaiser les tensions provoquées par la Plèbe à Rome ne serait-ce que
dans les conflits liés aux élections 399. Ce fut sans doute la raison qui rendait nécessaire la
mise en œuvre d’une vaste législation agraire. En outre, on dispose de quelques éléments
permettant de penser qu’il y eut une Lex Iulia Agraria qui aurait régi la colonisation à
travers tout l’Empire. On a émis à plusieurs reprises cette hypothèse. Certains ont même
lié la Lex Coloniae Genetiuae à cette loi.
Que sait-on d’un tel lien ? Quels sont les éléments qui permettraient de considérer
l’existence d’une telle loi coloniale ?
La création de colonies permettait de répondre à un besoin social et économique
devenu vital pour la Ville. Il n’est pas à démontrer que le Ier siècle av. J.-C. voyait la
République et son fonctionnement institutionnel assurer difficilement un équilibre et un
ordre permettant de gouverner les territoires entrés progressivement sous son emprise.
Quelles que soient les causes de cette expansion 400, une réforme des institutions semblait
s’imposer dès l’époque césarienne. 401
Au cours de l’absence de César en Gaule, le fonctionnement institutionnel de la cité était
troublé par le rôle de la plèbe et des vétérans, présents en grand nombre dans la
capitale. 402 La population de citoyens romains avait sensiblement augmenté en Italie 403 et
398
« On n’était pas loin d’une sédition ; pour apaiser la situation, le Sénat prit délibérément une décision
d’une surprenante générosité, il décida d’envoyer deux mille citoyens fonder une colonie à Satricum, deux
jugères et demi de terres étaient assignés … » Tite-Live, VI, 16, 6. [trad. pers.]
399
Ross-Taylor, 1977, p. 112-135.
400
Cicéron emploie ce terme le premier au sujet de la fondation coloniale de Narbo Martius : Colonia
nostrorum civium, specula populi Romani et propugnaculum (Pro Font., C, 1).
401
Ross-Taylor, 1979, p. 252-263.
402
Ross-Taylor, 1979, p. 278-284.
93
à Rome. On trouve de nombreuses indications concernant une restructuration massive des
provinces et de l’Italie entamée par César, interrompu dans son œuvre par la conjuration
des ides de mars, et reprise en partie par les triumvirs pour être achevée par Auguste 404.
Une question a été fréquemment soulevée ; César, faisant disparaître au fur et à mesure
toute opposition à Rome et face à une crise politique, économique et sociale, avait-il un
projet planifié ?
La colonisation à grande échelle a provoqué un déplacement de populations depuis Rome
et l’Italie vers les provinces. Cette politique a constitué visiblement une solution à une
partie du problème qui animait déjà les débats opposant entres autres Cicéron à Servilius
Rullus.
Si l’on admet l’hypothèse d’une cohérence de la politique de César entre 49 et sa mort,
on est amené à envisager l’existence d’une possible Lex Iulia Agraria.
Tâchons donc de déterminer quels sont les indices d’une Lex Iulia régissant le processus
de colonisation à travers l’empire.
Il nous reste quelques données juridiques dont l’appartenance à l’époque césarienne est
toujours plus ou moins discutée : citons principalement la Table d’Héraclée 405régissant
403
Brunt (1971. p. 101 et suivantes) donne une estimation de la population italienne en 49 approchant les 9
millions en comptant tous les citoyens y compris la Gaule transalpine à qui César avait accordé la pleine
citoyenneté par la Lex Roscia de Gallia Cisalpina. Ce point est discuté par Brunt qui y dresse un état des
discussions à ce sujet (p. 240). Voir Riccobono, FIRA, I, 20, 14 ; Dion Cassius, XLI, 5, 2.
404
Macmullen, 2001. p. 10 et suivantes.
405
ILS 6058=Riccobono, FIRA I, 13. H. Rudolph (Stadt und Staat im romischen Italien, Leipzig, 1935)
considérait que César avait entreprit une importante réforme du régime municipal de l’Italie et des
provinces. La Table découverte à Héraclée régissait par de nombreuses mesures du fonctionnement
institutionnel des municipes italiens sans doute afin de l’uniformiser et de limiter les liens clientélaires
entre les puissantes familles romaines et les municipes. Cette inscription sur une table de bronze a fait
l’objet de nombreuses études depuis Savigny (« Uber den römischen Volksbeschluss des Tafel von
Heraclea », Zeitschr.f IX, 1838), Mommsen, Juristische Schriften I, 1905, p. 146), Abbott et Johnson
(Municipal Administration in the Roman Empire, Princeton, 1926) jusqu’à Gabba (« Urbanizzazione e
rinovimenti urbanistici nell’Italia centro-meridionale del I. sec. a.c. », SCO XXI, 1972. p. 553 et suivantes ;
« Considerazioni politiche e economiche sullo sviluppo urbano in Italia nelle secoli II e I a.c. » Hellenismus
un Mittelalter, ed. Zanker P., Abb.d.Akademie Göttingen, 1974. p. 315-326) et Crawford (Roman Statutes,
Vol I, Londres, 1996). D’après ce qu’on s’accorde à considérer à ce sujet, cette loi aurait également fait
l’objet d’ajouts et de corrections successives, mais une intention de réglementer uniformément les
municipes italiens et Rome même semble présente ; on trouve des mesures allant des élections municipales
et du recensement, des responsabilités des édiles et des autres magistrats de la capitale aux distributions de
blé à Rome. Cette réglementation visait également, selon Rudolph, à instaurer une autonomie de juridiction
des villes italienne en limitant le rôle des magistrats de l’Urbs dans les jugements ; il y avait dès lors une
séparation de l’Etat romain et de la Ville.
94
les municipes italiens, la Lex Coloniae Genetiuae, dont nous avons étudié un aspect
précédemment, et la Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia 406.
Cette dernière loi nous est connue par les Gromatici Veteres qui citent trois chapitres
d’une loi agraire 407. Elle porte le nom des cinq magistrats qui ont soit porté la loi au vote,
soit fixé le régime de fondations coloniales. Les trois chapitres 408 sont conservés dans le
Corpus Agrimensorum. Les discussions concernant la datation de cet extrait de loi furent
nombreuses. Fabricius 409 la datait de 109 av J.-C. et l’attribuait au tribun Mamilius, ce
qui lui aurait valu le cognomen de Limetanus. D’autre part, à la même époque on peut lui
trouver un Roscius, un Fabius et un Peducaeus comme collègues410. Ce qui est, toutefois,
également le cas à l’époque de César et parmi ses partisans. Hardy s’opposait à cette
hypothèse et proposait une datation allant du consulat de César à la fin de sa dictature.
Le Gall, comme nous l’avons vu, proposait une date commune à la loi d’Urso et à la Lex
Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia fragmentaire, en considérant que celles-ci
étaient liées. En se fondant sur les magistratures occupées par les auteurs présumés, il ne
pouvait s’agir que de 47 av. J.-C.. Selon Le Gall, des magistrats ne pouvaient être chargés
d’une commission agraire qu’après avoir exercé la préture.
Nicolet 411 penchait pour une proposition d’un collège de tribuns en 55 av.J.C ; et plus
récemment, F. Favory et G. Chouquer 412 admettent également l’hypothèse selon laquelle
cette loi agraire daterait de 55 av. J.-C., complétant les lois agraires du consulat de César
de 59. Cette hypothèse avait été proposée par Cary413 ; il considérait que les cinq
magistrats auraient pu agir en tant que tribuns de la plèbe, donc en 55 414. L’hypothèse
d’une telle législation, comme l’affirme Hinrichs 415, semble peu probable du point de vue
du contexte politique ; César et Pompée étaient plutôt enclins à recruter des troupes plutôt
406
On peut se référer sur ce point aux chapitres 263-266 de l’édition Lachmann ainsi qu’à Moatti, 1993 p. 7
et suivantes.
407
Riccobono, FIRA I, 12.
408
Ils correspondent aux chapitres 263-266 de l’édition Lachmann.
409
Fabricius E., Ueber die lex Mamilia..., Sitzungsberichte der Heidelberger Akad. Ph. His. Kl, 1924-1926.
Il considérait que cette loi aurait été une réaction à la loi agraire de 111, laquelle selon Hardy (« The Lex
Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia », The Classical Quaterly, vol 19, 1925. p. 185-191) aurait été
favorable aux classes des riches propriétaires. Hardy s’oppose à l’hypothèse de Fabricius ; il objecte le
contexte politique des années 113-109 qui aurait été défavorable à une telle loi agraire.
410
Broughton, MRR…, p. 257 et suivantes au sujet des magistrats en charge pour l’année 49.
411
Nicolet C., Rome et la conquête du monde méditerranéen T1, Paris, 1979. p. 140. (=Nicolet, 1979)
412
Chouquer/Favory, 2001 p. 150-151
413
Cary M., « The Land Legislation of Julius Caesar’s First Consulship », Journal of Philology, 1920 ;
« Notes on the Legislation of Julius Caesar », JRS, 1929.
414
Ce qui toutefois ne semble pas être confirmé par les sources (Broughton, MRR, II&III)
415
Hinrichs, 1969. p. 520 et suivantes.
95
qu’à en libérer pour les établir dans des colonies. En outre, les lotissements organisés en
59 n’étaient sans doute pas achevés. Hinrichs rejetait également la théorie de Fabricius
ainsi que la datation courante de 55 ; il propose en revanche la date de 49. Il remarquait,
de même que Le Gall, les présences des cinq législateurs, à une différence près :
l’absence d’un Mamilius. L. Roscius Fabius, A. Allienus et Sex. Peducaeus étaient, tous
trois, préteurs cette année-là 416, Q. Fabius Maximus servit l’année suivante avec Q.
Pedius en tant que Légat en Espagne, ce qui implique qu’il aurait exercé une magistrature
suffisante. Le seul problème venait de l’absence d’un « Mamilius » ; Hinrichs considérait
qu’il pouvait s’agir d’une déformation d’ « Aemilius ». Il s’agirait donc, selon lui, de
Marcus Aemilius Lepidus, qui en tant que préteur avait également fait voter la loi
conférant la dictature de 49 à César.
Il y aurait, selon Hinrichs, une confusion entre deux lois Mamilia ; l’une daterait
effectivement au plus tard de 110, proposée par un tribun Mamilius « Limitenus » et une
seconde plus tardive 417 qui ferait partie de la législation agraire césarienne.
Crawford considère que cette loi formait une partie de la lex Iulia agraria de 59 418, ce qui
toutefois poserait le problème des cinq magistrats évoqués dans la loi. Seul A. Allienus
exerçait une magistrature. Crawford considère l’éventualité que les cinq magistrats aient
fait partie des vingt magistrats 419 chargés d’assigner les terres, il s’accorde au point de
vue de Le Gall, qui supposait que cette commission de vingt membres se serait divisée en
groupes de cinq dont auraient fait partie les législateurs. Ce dernier considérait pourtant
difficile qu’une même commission organisée en 59 fonctionne jusqu’à 47, date qu’il
propose pour cette loi. Crawford avançait l’argument suivant ; Pompée aurait maintenu
une commission qui lui permettait de lotir ses vétérans, l’opération n’ayant pu,
évidemment matériellement parlant, être achevée l’année du consulat de César ; cette
hypothèse complète celles de Cary, Nicolet et de Chouquer et Favory, évoquées
Broughton, MRR II, III, p. 259.
Celle qui nous est connue sous le nom de Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia. Les références
que l’on trouve chez les arpenteurs serait à lier, selon Hinrichs (Histoire des institutions gromatiques, 1974.
p. 186) à la première loi plus ancienne ; Cic., De Legibus, I, 55 ; Frontin, (La) 11, 5 ; 37, 24 ; 43, 20=74 ;
Siculus Flaccus 144, 18 (La) ; Hygin, 169, 7(La).
418
Crawford, 1996. p. 763-767. On trouvera la bibliographie sur la question ainsi que l’hypothèse
d’intégrer cette loi dans la législation agraire du consulat de César de 59 dans son article : Crawford, 1989,
179-190.
419
Dont faisaient partie M. Attius Balbus (Suet., Aug., 4, 1 ; Cic., Att., 2, 12, 1), M. Terrentius Varro (Plin.,
H.N., 7, 176 ; Varron, RR, 1, 2, 10), Cn. Tremellius, Scrofa (Varron, RR, 1, 2, 10) et bien sûr Cn. Pompée
(Cic., Att., 2, 12, 1 ; 19, 3 ; Dion Cassius, 38, 1, 7). Ce vigintivirat aurait fonctionné par alternance de cinq
magistrats.
416
417
96
précédemment. Les démonstrations de Le Gall et d’Hinrichs semblent plus convaincantes
si l’on établit un lien entre ce que l’on sait de la lex Coloniae Genetiuae, et l’éventualité
d’une commission agraire composée de duumviri, et la période à laquelle ait pu être
réunis les cinq législateurs entre 49 et 44.
Il n’est pas évident que, comme le pensait Le Gall, les membres d’une commission
agraire chargés d’appliquer une Lex Iulia Agraria aient dû être d’un rang supérieur à
celui d’un préteur. Les charges concernant les fondations coloniales tendaient, à l’époque
césaro-augustéenne, à être occupées par des individus ayant des rangs moindres qu’au
IIème siècle av. J.-C. ; d’une part, étant donné l’augmentation du nombre de fondations
coloniales planifiées par César, la charge n’aurait pu être accompli que par cinq hommes,
de rang consulaire qui plus est, d’autre part, une majorité de la nobilitas était dans le
camp pompéien, ce qui impliquait que César devait recourir aux rangs prétoriens voire
moindres.
Les théories d’Hinrichs et de Le Gall s’accordent toutefois sur certains points qui
paraissent concluants.
En premier lieu, on observe une nette similitude entre les textes de la loi d’Urso et la Lex
Mamilia. On remarque des liens de formulation entre la Lex Mamilia et la Lex Coloniae
Genetiuae Iuliae :
97
chapitre 4 de la Lex Mamilia
chapitre 104 de la Lex Coloniae
Genetiuae Iuliae
Qui limites decumanique hac
Qui limites decumanique intra
lege deducti erunt, quaecumque
fines
fossae limitales in eo agro
deducti
erunt, qui ager hac lege datus
quaecumque fossae limitales in
adsignatus erit, ne quis eos
eo agro erunt, qui iussu C.
limites
decumanosque
Caesaris dictatoris imperatoris
obsaeptos neue quid in eis
et lege Antonia senatusque
molitum
ibi
consultis plebique scitis ager
opsaeptum habeto, neue eos
datus atsignatus erit, ne quis
arato, neue eis fossas opturato
limites
neue opsaepito, quominus suo
opsaeptos neue quit immolitum
itinere aqua ire fluere possit. Si
neue quit ibi opsaeptum habeto,
quis aduersus ea quid fecerit, is
neue eos arato, neue eis fossas
in res singulas, quotienscumque
opturato neue opsaepito, quo
fecerit,
colonis
minus suo itinere aqua ire
municipibusue eis, in quorum
fluere possit. si quis aduersus
agro
ea quit fecerit, is in res
neue
HS
id
quid
IIII
factum
erit,
dare
coloniae
facti
Genetiuae
que
erunt,
decumanosque
damnas esto, eiusque pecuniae
singulas,
qui uolet petitio hac lege esto.
fecerit, HS M colonis coloniae
quotienscumque
Genetiuae Iuliae dare damnas
esto, eiusque pecuniae cui uolet
petitio persecutioque esto.
98
Le Gall considérait que la Lex Mamilia était sans doute l’un des textes auxquels faisait
référence la Lex Genetiuae et qui ont complété la Lex Antonia.
Comme le remarquait, encore récemment, R. Plana-Mallart 420, la formulation dans
chacun des passages est semblable. Si l’on observe attentivement le texte, on peut
remarquer que le texte fondant Urso semble compléter le texte de la Lex Mamilia en
ajoutant le nom de la colonie dont il est question. Concernant les détails juridiques, les
formules sont remarquablement similaires : … quaecumque fossae limitales in eo agro
erunt… Il semblerait que la mention coloniae Genetiuae deducti soit apposée à un texte
plus général.
On trouve également dans le premier et dernier chapitre de la Lex Mamilia une évocation
de magistratus iure dicundo. Ces magistrats seraient apparemment désignés par César de
même que les premiers magistrats d’Urso, voire les membres de la commission chargée
de la deductio, si ces deux derniers collèges n’étaient pas les mêmes. Sans doute peut-on
voir là les prémices d’une organisation centralisée autour d’une autorité majeure, César,
dictateur, qui désigne les premiers magistrats et prêtres chargés des rites de fondation et
de « dire le droit », ainsi que les autorités détenant un imperium ou un pouvoir
exceptionnel dans la province 421. Cette autorité aurait fait entrer les magistrats et les
colons dans sa clientèle directe, assurant ainsi son influence dans les provinces
accueillant des colonies.
On a connaissance d’une vingtaine de colonies certainement césariennes et d’un nombre
équivalent sans doute planifiées de son vivant mais établies par les triumvirs. On dispose
de plusieurs évocations concernant une refonte des institutions municipales (Table
d’Héraclée) et coloniale. La Lex Mamilia semble être, quant à elle, une loi générale. Les
différentes formulations techniques le montrent comme ce passage du premier chapitre :
Quae Colonia hac lege deducta, quodue municipium fora conciliabulum constitutum
erit.
420
Plana-Mallart, 1994,p.259-273.
Comme on peut le constater dans le chapitre 125 de la Lex Coloniae Genetiuae ; César peut « subroger
son imperium ou sa potestas ».
421
99
En outre, on trouve difficilement des éléments qui s’opposerait à l’appartenance de la lex
Mamilia à une loi générale 422. Si l’on suppose l’existence d’une loi régissant les
fondations de colonies et des municipes, permettant de réorganiser les provinces en
ménageant à la fois une autonomie judiciaire afin de limiter par exemple le patronage de
la nobilitas romaine dans les municipes et les colonies, et un lien clientélaire direct avec
une seule autorité gouvernante, César, peut-on y voir une perspective du système instauré
quelques décennies plus tard par Auguste ?
On connaît de plus l’existence d’une Lex Antonia de 44 qui était destinée à « mettre en
œuvre les projets agraires de César ». S’agissait-il d’une seule loi appliquée ? La
principale source qui nous renseigne à ce sujet sont Les Philippiques de Cicéron 423. Cet
extrait de la cinquième Philippique évoque une Lex Iulia qui aurait concerné le
lotissement des vétérans interrompu par les évènements de 44:
De exercitu autem C. Caesaris ita censeo decernendum : « Senatui
placere militibus ueteranis, qui Caesaris, pontificis, pro praetore,
auctoritatem secuti, libertatem populi Romani auctoritatemque huius
ordinis defenderint atque defendant, ipsis liberisque eorum militiae
uacationem esse ; utique C. Pansa, A. Hirtius, consules, alter amboue, si
iis uideretur, cognoscerent qui ager iis coloniis esset, quo milites ueterani
deducti essent, qui contra legem Iuliam possideretur, ut is militibus
ueteranis diuideretur ; de agro Campano separatim cognoscerent
inirentque rationem de commodis militum ueteranorum augendis… 424
A. Piganiol (« La Table de Bronze de Falerio et la Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia » C.R.
des Séances de l’Ac. Des Inscr. et Belles Lettres, mars-avril 1939. p. 193-200, cit. Crawford 1996) pensait
même à un lien entre la Lex Mamilia Roscia et la table de Falerio, qui en constituerait la sanctio. Cette
hypothèse ne semble toutefois pas avoir convaincu Le Gall (1946. p. 140).
423
Cicéron, Phil. II, 39,100 et 40,102; V, 4, 10 ; X, 8, 17 ; Appien G.C., 3,57.
424
« Au sujet de l’armée de C. César, voici le décret que je propose : « Le Sénat décide que les soldats
vétérans, qui, après s’être ralliés à l’autorité du pontife et propréteur César, ont défendu et défendent encore
la liberté du peuple romain et l’autorité de notre ordre sénatorial, auront, eux et leurs enfants, l’exemption
du service militaire ; que les consuls C. Pansa et A. Hirtius, un seul ou tous les deux, s’ils le jugent bon,
fassent une enquête sur le territoire destiné aux colonies, où les soldats vétérans auraient dû être installés et
qui serait occupé contrairement à la loi Iulia, et le partagent entre les soldats vétérans ; qu’ils fassent une
enquête particulière au sujet du territoire campanien et prennent des mesures pour augmenter les avantages
des soldats vétérans… » Cic., Phil., V, 53. voir infra à propos de l’ager Campanus,n. 425
422
100
Il semble fort improbable qu’il s’agisse ici de la Lex Iulia de 59 ; les vétérans de Pompée
n’auraient pas attendu une quinzaine d’année avant d’être lotis. D’autre part, on trouve
d’autres évocations d’une loi agraire césarienne. Il y est fait allusion dans le Digeste : …
Lex agraria C. Caesar tulit ... 425. A ce sujet rien n’indique qu’il s’agisse de la législation
agraire de César durant son consulat. On trouve également de nombreuses allusions à une
Lex Iulia dans le corpus gromatique. On s’intéressera ici à Hygin l’Arpenteur. Il évoque,
concernant des mesures de limites trois lois :
Per hos iter populo sicut per uiam publicam debetur : id enim cautum est
lege Sempronia et Cornelia et Iulia. 426
Une référence à une Lex Iulia pourrait se rapporter tant à César qu’à Auguste. Ces lois
font références aux mesures appliquées dans les fondations coloniales des Gracques, de
Sylla et des Iulii. Selon M. Clavel-Lévêque et alii 427, ces noms de lois auraient été crées
par « généralisation pour la pratique et l’enseignement des arpenteurs ». Elle ne se
réfèreraient qu’aux colonies fondées par les différents législateurs ; ce qui n’impliquerait
pas la promulgation de lois systématiquement pour établir des normes de mesures 428.
Cependant, on sait que les tailles des lots destinés aux colons ne peuvent être établies que
par des lois agraires qui déterminent, comme nous l’avons vu toutes les conditions
d’établissement d’une colonie. On trouve un peu plus loin une référence à la lex
Mamilia :
Linearii limites a quibusdam mensurae tantum disterminandae causa sunt
constituti et si finitimi interueniunt, latitudinem secundum legem
Mamiliam acciunt. 429
On peut évidemment objecter que les évocations successives d’une lex Iulia et d’une lex
Mamilia impliquerait que ce soit deux lois distinctes ; cela ne reste évident que si l’on
considère qu’il s’agisse d’une lex Iulia césarienne.
Dig. XLVII, 21, 3, voir à ce propos, Liber coloniarum, I, p.231L.
Hyg. Grom., Constitutio Limitum, 134 (Th) trad. M. Clavel-Lévêque, Besançon, 1995.
427
Hyg. Grom., Constitutio Limitum, [Clavel-Lévêque et alii, 1995] note 16 p. 15.
428
Ce qui rejoint l’idée de Galsterer (1987. p. 181-203) qui était opposé à l’existence d’un statut type mis
en vigueur par César ou Auguste, autant pour les municipes que pour les colonies.
429
134 Th.
425
426
101
Il semblerait donc de deux normes différentes soient ici évoquées. La Lex Mamilia
régirait aussi bien les municipes que les colonies ; on pourrait toujours la considérer
comme une loi générale permettant aux colons d’adapter le lot qui lui est offert au
moment de la deductio. Si l’on établit un lien entre les démonstrations précédentes et les
éléments distinguant la Lex Mamilia d’une Lex Iulia, on est conduit à supposer que la Lex
Mamilia régit une marge de manœuvre juridique pour s’adapter plus précisément aux
différents cas locaux.
Il demeure que d’autres éléments nous conduisent à penser à une loi Iulia générale
uniformisant les fondations coloniales. On trouve à plusieurs reprises dans le texte
d’Hygin des références aux Iulienses :
Quod ordini coloniae datum fuerit, adscrimus in forma SILVA ET
PASCVA, ut puta SEMPRONIANA, ITA VT FVERVNT ADSIGNATA
IVLIENSIBVS. 430
On trouve une autre évocation à des Iulienses, pour qualifier des colons établis dans des
colonies « juliennes » :
Ita si rei publicae concessa fuerint, in aere SVBSECIVA CONCESSA ut
IVLIENSIBVS inscrebimus. 431
M. Clavel-Lévêque et alii 432 considère qu’il s’agissait d’un statut commun à des colonies
Iuliae établies selon une norme de lots. On peut supposer, si l’on fait le lien, par exemple,
avec la taille « normale » des lots attribués par César de 50 jugères 433, que les colonies
fondées disposaient des mêmes règles « agraires ». Les Iulienses seraient cités comme
appartenant à une colonia Iulia. Il pourrait s’agir des individus devant leur statut
juridique à une loi Iulia. On peut se poser dès lors la question de l’existence d’une
réglementation précise, dans le cadre d’une loi coloniale, consignant les données
matérielles de l’arpentage notamment.
Hyg. Grom., Const.Lim., 161 Th.
Hyg. Grom., Const.Lim., 165 Th.
432
Hyg. Grom., const. Lim., (Clavel-Lévêque, 1995). note 103 p. 127.
433
Cf. Brunt, 1971, p. 101 et suivantes.
430
431
102
On retrouve également dans le texte de la Lex Coloniae Genetiuae cette désignation, au
chapitre 133 :
Qui coloni Genetiui Iulienses hac lege sunt erunt … 434
Si l’on admet que ce passage de la Lex Coloniae Genetiuae ait bien été établi à l’époque
césarienne, on peut supposer que ce statut de iulienses est établi à la même époque.
On trouve également des références à une loi agraire proposée par César et approuvée par
le Sénat, avant sa mort ; Cicéron nous renseigne à ce sujet :
Primum duos collegas Antoniorum et Dolabellae, Nuculam et Letonem,
Italiae diuisores lege ea quam senatus per uim latam iudicauit… 435
Les deux magistrats évoqués faisaient sans doute partie de septemuiri chargés des
assignations en vertu d’une loi agraire. On ignore s’il est fait référence à une loi
césarienne ou antonienne. Il semblerait légitime de penser qu’il s’agisse d’une loi portée
par Antoine. Lorsque Cicéron évoque une loi « portée par la violence » il peut sans doute
penser à une Lex Antonia Agraria qui fut retirée en partie par Vibius Pansa, un des
consuls de 43 436. Toutefois il semble avoir confirmé les lois fondant les colonies de
vétérans ainsi que la loi d’Antoine concernant la ratification des derniers actes de César.
La Lex Coloniae Genetiuae en faisait-elle partie puisqu’elle est, en fait, nous l’avons vu,
une Lex Antonia et non pas une Lex Iulia?
Si l’on revient à présent au texte même de la Lex Coloniae Genetiuae, un élément
important, insistons sur ce point, permet d’émettre l’hypothèse que cette loi ne serait
qu’un exemplaire local, un modèle appliqué probablement à d’autres colonies. En effet,
on trouve au chapitre 79 :
Qui fluui riui fontes lacus aquae stagna paludes sunt in agro,
qui colonis huiusce coloniae diuisus erit, ad eos riuos fontes
lacus aquasque stagna paludes itus actus adquae haustus iis
« Ceux qui seront colons [iulienses] de la colonie Genetiua selon cette loi… ».
« D’abord, les deux collègues des Antoines et de Dolabella, Nucula et Lento, ces distributeurs de l’Italie
en vertu d’une loi que le Sénat a jugée portée par la violence… » Cic., Phil., XI, 13.
436
Cic., Phil., XIII, 31.
434
435
103
item esto, qui eum agrum habebunt possidebunt, uti iis fuit,
qui eum agrum habuerunt possederunt. Itemque iis, qui eum
agrum habent possident habebunt possidebunt, itineris
aquarum
lex
iusque
esto. 437
Ce chapitre est important : l’énumération des types de ressources en eaux suggère que ce
passage serait issu d’un texte plus général. La morphologie du territoire d’Urso montre
qu’il ne peut y avoir eu ni de lacs ni de marécages, la zone du territoire d’Urso étant
aride 438. Les résultats des fouilles archéologiques de R. Corto 439 font état de vestiges de
nombreux puits creusés dans la roche. La moyenne de profondeur étant de 60 mètres, ce
dernier considérait que les terres environnantes étaient naturellement peu irriguées 440. Ce
point confortait l’opinion d’A. Schulten 441, qui déduisait à partir de certaines indications
du Bellum Hispaniense 442 que la zone paraissait déjà déboisée. P. Sillières 443 considérait
en revanche, d’après ces mêmes indications, que les terres environnantes au-delà des
terres exploitées, soit un rayon de 9km, étaient encore largement boisées. Toujours est-il
que la région immédiate, les zones exploitées ne comprenaient donc, fort probablement,
ni lacs, marais ou bois. Corzo 444 avait en outre constaté la présence de couches de sables
qui ne paraissent pas provenir de l’érosion de la roche ni des remparts. L’auteur du
437
« Concernant toutes les rivières, ruisseaux, fontaines, lacs, sources, étangs, ou marais du territoire divisé
entre les colons de la colonie. Les détenteurs ou possesseurs de telles terres auront les mêmes droit d’accès,
de transport et de puisage de l’eau dans les dits ruisseaux, fontaines, lacs, sources, étangs, et marais qui
reviennent aux anciens détenteurs et possesseurs. Quelle qu’en soit la circonstance, ceux qui occupent ou
possèdent les dites terres auront les mêmes droits d’accès aux dites eaux ».
438
Bosque Maurel, 1991; Didierjean, 1978, p. 5-33. Il semblerait, hormis la vallée du Baetis que les
territoires avoisinant la région des turdetanos aient été peu propices à contenir lacs et marais. Il est
regrettable, toutefois, que l’on ne trouve pas d’étude pédologique approfondie pour l’époque qui nous
intéresse afin d’apprécier l’aridité du territoire d’Urso. La cité se trouvait sur le versant nord est de l’actuel
mont Pajares. Strabon, de plus nous dit ceci : « … (l’Anas) est également dominé par des montagnes livrées
à l’exploitation minière ; celles-ci se prolongent jusqu’au Tage. Par le fait même qu’ils sont métallifères,
les terrains de cette région sont nécessairement pierreux et très pauvres, comme ceux qui avoisinent la
Carpétanie et plus encore le pays des Celtibères. Telle est aussi la Béturie, dont les plaines desséchées se
déroulent le long de l’Anas. » III, 2, 3.
439
Corzo, 1977, p. 10 et suivantes.
440
Corzo, 1977, p. 28.
441
Schulten A., Geografia y Etnografia antiguas en la Peninsula Ibérica, 2, Madrid, 1963. p. 351.
(=Schulten, 1963)
442
Bell.Hisp., 41, 8.
443
Sillières, 1993. p. 203.
444
Corzo, 1977, p. 28.
104
Bellum Hispaniense, qui était sans doute un officier de rang moyen 445, fait référence à
l’aridité du sol et au manque d’eau au moment du siège d’Urso :
Hoc accedebat ut aqua praeterquam in ipso oppido unam circumcirca
nusquam reperiretur propius milia passuum VIII. Quae res magno erat
adiumento oppidanis. tum praeterea accedebat ut aggerem ... 446
Nous disposons donc d’éléments environnementaux qui nous permettent, peut-être,
d’éclairer le chapitre 79 de la Lex Coloniae Genetiuae, laquelle ne serait qu’une version
appliquée à Urso.
On sait que César a élaboré une vaste législation agraire durant son consulat de
59, dont on a des traces sur les contenus. Ne serait-il pas envisageable que César ait
planifié un vaste projet agraire dès 49. Certains éléments dans le contenu de la Lex
Coloniae Genetiuae Iuliae peuvent nous laisser admettre l’hypothèse selon laquelle la
fondation de la colonie aurait pu être planifiée dès 49, lors du premier passage de César
en Espagne.
L’éventualité d’une lex Iulia agraria est amplement discutée. Moatti 447 considère
que les leges rogatae liées aux assignations n’étaient pas nécessaires dans des situations
d’octroi de pouvoirs exceptionnels, comme pour Sylla, César ou les triumvirs. Le Gall,
Hinrichs et Keppie 448 considèrent en revanche l’éventualité d’une loi agraire plus
générale décidée par César.
On ignore, cependant, si le projet fut réellement mis en application. Au-delà des
discussions, on ne peut véritablement se fonder sur la lex Mamilia Roscia ou sur les
références présentes dans les corpus littéraires.
445
Si l’auteur n’était vraisemblablement guère instruit des intentions stratégiques de César, il semblait au
fait des considérations tactiques. Voir à ce sujet le commentaire de Nicole Diouron dans la traduction :
Pseudo-César, Bellum Hispaniense, Paris, 1999. p. XVII.
446
« De plus, à part une source unique (de l’eau) dans la ville même, on ne pouvait trouver d’eau nulle part
dans les environs à moins de huit milles, ce qui constituait un grand avantage pour les habitants… » (Bell.
Hisp., 41, 4).
447
Moatti 1993. p. 8-10.
448
Keppie (1983. p. 51) se range à l’opinion d’Hinrichs. Il s’appuie essentiellement sur Cic., Phil., V, 53 ;
Suet. Diu. Iul., 81, 2 ; Ap. Guerres Civiles, III, 3. Il considère également une éventualité d’une lex Iulia
agraria plus générale. Les autres arguments qu’il avance sont toutefois jugés « peu crédibles » par Moatti
(1993, note 12, p. 8).
CONCLUSION
106
Il est malaisé de conclure après cet aperçu de la politique coloniale de César en
Espagne. Le contexte de la guerre civile entre 49 et 44 av. J.-C. rendait difficile
l’implantation de colonies et pourtant on a pu en trouver quelques indices que nous avons
exposés dans ce mémoire.
Quelles étaient les intentions de César vis-à-vis de la péninsule Ibérique ? Il semble
certain que les provinces d’Ulterior et de Citerior constituaient un enjeu pour Pompée.
Comme on a pu le constater il y avait établi d’important lien clientélaires. Cette deuotio
ibérique a perduré sur deux voire trois générations depuis Pompée Strabo, quoique nous
ne disposions guère de certitudes à ce sujet, jusqu’aux fils de Pompée le Grand ; Cnaeus
et Sextus. C’est sans doute pour cette raison que l’Espagne demeurait une conquête
difficile pour César. Peut-on ajouter foi à ce qu’il nous laisse entendre concernant les
sympathies de l’Ulterior à son sujet ? On peut, nous l’avons vu, en douter.
Les richesses minières de la péninsule étaient importantes. Les travaux de
Domergue l’ont bien montré et manquaient pour conforter l’hypothèse ancienne de
Blazquez. Toutefois ce ne fut que sous l’Empire que l’économie liée aux exploitations
minières ne prit un essor considérable. En effet, depuis la conquête romaine à partir de la
fin du IIIème siècle av. J.-C., ces territoires ne connurent guère de longue période de paix.
La guerre ne permettait évidemment pas de mettre en valeur les complexes miniers ; ces
entreprises étaient risquées parce que coûteuses et en permanence menacées de raids
indigènes ou de guerres civiles. Ces zones semblaient les premières zones visées en cas
de conflit. Il est évident que sans argent, point de guerre.
César a-t-il planifié d’implanter des colonies à des fins d’exploitation du territoire ?
L’hypothèse est séduisante et, qui plus est, tout à fait envisageable. Les colonies de
Marius à César, pour l’essentiel, étaient destinées aux vétérans. La conséquence, néfaste
pour la République mais avantageuse pour les dynastes, était la réunion d’hommes de
réserves prêts à se soulever lorsque leur patron en éprouvait la nécessité et à constituer de
véritables armées privées ; après tout ne lui devaient-ils pas leurs terres ? d’autre part les
colonies, depuis les origines de l’expansion romaine servaient d’avant postes défensifs et
permettaient d’assurer une certaine sécurité dans les zones environnantes. La nouveauté
instaurée par César était d’importance. Il reprit les habitudes de ses prédécesseurs Marius,
Sylla, Pompée en lotissant ses vétérans mais en modifiant un aspect essentiel : les
lotissements de plébéiens non-vétérans. Il prolongeait ainsi sa politique de popularis ou
107
de démagogue dans la lignée des Gracques, Servilius Rullus, l’interprétation est libre. Il
est cependant une chose certaine cette politique montra son efficacité puisqu’elle fut
largement reprise par Auguste au point qu’il est difficile de distinguer l’œuvre du père de
celle du fils adoptif. Cette confusion était loin d’être désavantageuse pour le fondateur du
principat. Il est tentant de supposer qu’elle fut même voulue.
Cependant, une nuance s’impose. On ignore quelles étaient véritablement les
intentions de César en matière de législation agraire, son œuvre ayant été interrompu par
les ides de mars. Le processus d’établissement d’une colonie était long en temps de paix
et à plus forte raison en temps de guerre. Comme nous avons pu le constater dans cette
étude, on ne dispose guère de certitudes concernant les fondations césariennes établies du
vivant du dictateur. Il n’en demeure pas loin que rien n’exclu la reprise d’une législation
agraire cohérente et vaste accompagnée par une réorganisation politique des territoires. Il
serait même étonnant que César n’ait rien planifié dans ce domaine.
Néanmoins la question de la colonisation présente un intérêt tout particulier. Les
crises qui secouèrent la République étaient liées à différentes contraintes économiques et
sociales qui motivaient, on le pense, la politique césarienne. Concevoir le conflit comme
uniquement le résultat de l’affrontement de l’ambition de deux hommes ne paraît pas
expliquer suffisamment le bouleversement qui suivit la seconde guerre civile. On peut
n’y voir qu’un prélude à la réorganisation par Octavien, le futur Auguste, de l’Empire
avec une refonte du système administratif et institutionnel. À partir de la conquête par
Auguste de la totalité de la péninsule les mines de la péninsule furent pleinement
exploitées au point de voir Mécène suggérer qu’on en dressât un inventaire précis. En
outre, la fondation de colonies permettait de contrebalancer l’influence de Pompée qui
servit également à ses fils. On l’a vu, l’importance de la clientèle des Pompeii avait fait
de la péninsule un véritable fief. Si César souhaitait la paix, il devait contrôler les
territoires et y établir une autre forme de clientèle : des colons. Autant les vétérans que
les proletarii demeuraient liés à celui qui leur avait accordé des terres.
Nous avons vu que certaines colonies établies dans la péninsule ibérique furent
vraisemblablement nées de l’initiative de César comme Hispalis, Tarraco, Carthago Noua
et Urso pour les autres colonies des doutes subsistent étant donnée la superposition des
colonies augustéennes aux colonies césariennes. Le cas d’Urso demeure problématique
étant donné les difficultés liées à l’affichage de l’inscription. Plusieurs hypothèses on put
être avancées et nous avons tentés dans cette étude de proposer une nouvelle hypothèse
108
qui ferait remonter la décision de la fondation à 49 av. J.-C., en tenant évidemment
compte de ces difficultés et des étapes successives de la fondation d’une colonie. César
avait pour habitude, les exemples ne manquent pas de régler rapidement les statuts des
cités, comme ce fut le cas pour Massilia ou Gadès, l’appareil juridique romain mettant
souvent plusieurs mois ou années avant de valider les décisions du nouveau maître de
Rome. Il n’en demeurait pas moins que sa législation fut importante en de nombreux
domaines elle révélait concrètement une volonté d’uniformiser les territoires de Rome en
accordant des statuts juridiques. Rappelons la Lex Roscia de Gallia Cisalpina, la Lex
Iulia de Ciuitate Gaditanorum ou encore les contestées Leges Iulia Municipalis, de
Siculis danda, de insula creta. L’historiographie a fréquemment contesté la paternité de
ces lois à César, néanmoins, si l’on considère l’ampleur de la législation césarienne, il est
difficile de ne pas y lier des lois aux enjeux importants.
La colonisation prit une bien plus grande envergure sous l’héritier du dictateur,
comme il put s’en flatter dans ses Res Gestae et on est tenté de penser que la confusion
qui persiste concernant l’origine de ces fondations fut voulue par le princeps. Après tout
ne s’agissait-il pas d’une partie de son héritage ? Rappelons une fois encore l’importance
politique de cette question agraire qui fut à la fois instrument et enjeu au cœur des guerres
civiles. Avec ces multiples établissements augustéens les contraintes économiques et
sociales furent résorbées. César en fut-il l’initiateur ? Peut-on considérer, puisque son
œuvre fut inachevée, qu’il y avait une cohérence « augustéenne » dans le programme
législatif de César ? Une étude plus approfondie de la question, appliquée à toutes les
provinces de l’Empire permettrait sans doute d’apporter une réponse plus satisfaisante.
Ainsi, avec la discrète mise en place de l’Empire proprement dit disparut la question
agraire au sens où on l’entendait depuis Spurius Cassius au Vème siècle, et avec elle les
prouesses oratoires de Cicéron.
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Hellegouarc’h.
Nous nous avons également utilisé dans cette étude des données épigraphiques
éditées dans les ouvrages suivants :
Concernant la loi d’Urso :
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M. H. Crawford, Roman Statutes Vol. II., Londres, 1996.
Concernant les différentes inscriptions relatives aux provinces ibériques et notamment
l’inscription d’Osuña :
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E. Hübner, Corpus inscriptionum latinarum, Vol. II. 1. 1., Berlin, 1957 (2ème
édition).
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