LAURENT GOHARY LA POLITIQUE COLONIALE DE CESAR EN ESPAGNE ENJEUX DES RESSOURCES NATURELLES ET COLONISATION DANS LA GUERRE CIVILE. 49-44 AVANT J.C. Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en Histoire pour l’obtention du grade de maître ès Arts (M.A.) Département d’Histoire FACULTÉ DES LETTRES UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2005 © Laurent Gohary, 2005 Résumé La République romaine au Ier siècle av. J.-C. fut secouée par de nombreux conflits. La seconde guerre civile, de 49 à 44 av. J.-C., opposa César à Pompée puis à ses fils. Au-delà d’un conflit entre deux ambitions politiques, des considérations économiques et sociales entraient en jeu. L’Espagne, de ces points de vue, constitue un exemple illustrant clairement ces enjeux. César, afin de contrebalancer l’importance de la clientèle pompéienne dans les provinces ibériques, planifia l’implantation de colonies. Elles ne furent pas toutes établies de son vivant. Néanmoins, certains éléments méritent une étude comparative en fonction du contexte. La présence d’importantes zones minières fut, on le pense, liée à l’âpreté des luttes dans ces provinces de Citerior et d’Ulterior. Cette étude est fondée sur les sources littéraires classiques, des textes épigraphiques, dont la loi d’Urso, et sur des études archéologiques. 3 Résumé _______________________________________________________________ 2 INTRODUCTION _________________________________________________4 CHAPITRE I ____________________________________________________21 GUERRE CIVILE ET CONTRÔLE DE L’ESPAGNE _____________________21 A. Les débuts de la guerre civile en Espagne._______________________________ 22 1. Enjeux stratégiques pour Pompée et pour César : contrôler l’Espagne ?__ 22 2. Stratégie de César en attaquant l’Espagne. ____________________________ 31 B. Q. Cassius Longinus et la gestion des ressources naturelles en Espagne. ______ 38 1. Les richesses minières de la péninsule Ibérique au Ier siècle av. J.-C.. ______ 38 2. Les exigences de César._____________________________________________ 46 C. La colonisation césarienne en Espagne _________________________________ 51 1. une difficulté de datation.___________________________________________ 51 2. Que sait-on des colonies césariennes ? ________________________________ 55 CHAPITRE II____________________________________________________67 L’EXEMPLE DE LA LEX COLONIAE GENETIUAE _____________________67 ET SA PLACE DANS LA LÉGISLATION AGRAIRE DE CÉSAR. __________67 A. La Lex Coloniae Genetiuae ___________________________________________ 68 1. Le matériau épigraphique.__________________________________________ 68 2. Qui fut le fondateur de la colonie d’Urso ?_____________________________ 72 B. La Lex Coloniae Genetiuae ; un acte fondateur. __________________________ 85 C. La place de la Lex Coloniae Genetiuae dans la législation agraire de César. __ 91 CONCLUSION _________________________________________________105 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE ___________________________________110 Bibliographie_______________________________________________________ 114 4 INTRODUCTION «Qu’est-ce que tout ceci, je te le demande ? Où en est-on ? Car je suis dans les ténèbres. Nous tenons, dites-vous Cingulum ; nous avons perdu Ancône ; Labienus a quitté César. Est-ce d’un général du peuple romain que nous parlons ou d’un Hannibal ? Oh l’insensé, le malheureux, qui n’a jamais entr’aperçu fut-ce l’ombre de la moralité ! Et, à l’entendre, c’est son honneur qui l’engage à faire tout ce qu’il a fait ; mais où trouver l’honneur, sinon dans la vertu ? Est-ce donc vertu que de garder une armée en dépit d’une décision de la République ? De saisir des colonies pour se frayer plus facile accès vers sa patrie ? De machiner abolitions de créances, rappels d’exilés, mille autres crimes, tout pour la tyrannie, divinité suprême… » 1 Dans cette lettre à son ami Atticus datée du 20 janvier 49, Cicéron ne décrivait pas son seul état d’esprit face au « crime » de César, pénétrant illégalement à la tête de ses armées sur le territoire italien, mais celui de toute une classe dirigeante, les oligarques, dans laquelle, lui, l’homo nouus, s’était fondu. Quel fut le « crime » de César ? Ne s’agissait-il comme le pensait Carcopino 2 que d’une question d’ambition ? On admet, d’ordinaire, cette notion de « crise » du premier siècle qui vit la seconde guerre civile de 49 à 44 opposant César au camp pompéien modifier l’organisation d’un Empire. Rome dominait alors de nombreux territoires. Les vétérans attendaient d’être 1 2 Cicéron, Ad Att., VII, 11. Carcopino, 1965. p. 254-255. 6 libérés de leur service avec des lots de terres à exploiter, la plèbe démunie et entassée à Rome espérait une législation agraire, les optimates 3 souhaitaient diminuer l’influence des ambitieux, et, ceux-ci, ne songeaient qu’à être les « premiers ». Ne serait-il pas réducteur de songer que seule l’ambition de deux hommes vit naître cette guerre civile, une refonte des institutions, une extension de la romanité ? L’Espagne fut, sans nul doute, l’un des théâtres les plus sanglants de ces années. Cet exemple est-il représentatif d’une réorganisation cohérente en fonction des enjeux politiques, économiques et sociaux de l’Empire de Rome ? Jusqu’au milieu du IIIe siècle, Rome se consacra à la conquête de l’Italie du sud du Pô, soumettant les cités et les peuples italiens, les cités hellénisées du sud de la péninsule, pour imposer jusqu’au moment des guerres puniques un réseau complexe de dépendance aux vaincus ou aux alliés (socii). Ce processus de romanisation s’accomplit par différents procédés, notamment par la colonisation, processus qui consistait en l’installation d’une communauté d’individus, citoyens romains, ou latins, sur le territoire confisqué à une cité soumise 4. Il se trouvait deux types de colonies : celles de droit latin et celles de droit romain. Elles étaient définies par le statut juridique que la charte de fondation, initiant l’existence politique de toute colonie, accordait aux colons. Les colonies latines disposaient d’une constitution particulière ; les citoyens de ces cités indépendantes n’étaient pas de droit romain mais de droit latin. Ces cités, sujettes de Rome, étaient souvent liées à certaines puissantes familles romaines qui les patronnaient, leur donnant constitution et conservant, à titre privé, un pouvoir d’intervention dans la vie publique de ces cités. Les citoyens romains qui étaient envoyés dans ces cités renonçaient 3 Suivant la définition de Lily Ross-Taylor (1977. p. 35-74), il s’agit d’un parti politique qui défend le renforcement de l’autorité du Sénat au dépend de la plèbe et des démagogues. On ajouterait toutefois qu’il serait réducteur de voir ce parti comme la réunion des patriciens défendant leurs intérêts mais plutôt une catégorie de la nobilitas conservatrice et défendant d’importants privilèges économiques et sociaux ce qui s’illustre par le fait que les membres de ce que l’on peut appeler un parti ont en commun la fortune. Des patriciens fortunés comme les Cornelii ou les Valerii, ou encore des plébéiens comme les Domitii Ahenobarbii ou les Metelli constituent les membres de cette faction. Les populares sont les opposants de ces optimates. Ils sont constitués souvent de patriciens ruinés, comme César, Catilina, Clodius ou encore de plébéiens comme Livius Drusus, Servilius Rullus ayant en commun de voir leur début de carrière marquée par un manque de fortune et de se servir de moyens dits démagogiques par les conservateurs pour servir leurs carrières. 4 Appien décrit la fonction des colonies romaines ainsi : « Alors que les Romains soumirent les peuples d’Italie progressivement, il était dans leur habitude de confisquer une portion de leurs terres et d’y établir des villes ou d’enrôler des colons à titre privé dans les villes de ces territoires. Ils les édifièrent en tant que fortifications » (Appien, G. C., I, 7). 7 à leur citoyenneté romaine. Les colonies romaines, en revanche, étaient constituées de citoyens de plein droit romain 5. A partir de la guerre sociale, on ne trouve plus de fondations autres 6. Au fur et à mesure de l’avancée romaine, qualifiée d’impérialisme romain, à travers l’espace méditerranéen, les territoires obtinrent différents statuts amorçant ainsi un processus de romanisation. La notion d’impérialisme romain est discutée dans l’historiographie moderne 7. Peut-on parler ou non d’impérialisme concernant la politique extérieure romaine ? Il est en tout cas un fait indiscutable ; Rome a étendu sa domination sur l’espace méditerranéen à partir du IIIème siècle, les premières implantations romaines, de droit latin, précisons-le, furent établies en Espagne 8 ; il s’agissait par ailleurs de la première colonisation massive en dehors de l’Italie 9. Les Romains conquirent l’Espagne après la seconde guerre punique en 206 av. J.C., une partie de l’Africa à partir de la chute de Carthage en 146, puis de la Grèce, entre 198, date de la victoire de Flaminius sur les Macédoniens, et 146, date de la prise et destruction de Corinthe. Le legs du roi Attale III de Pergame en 133 marque, traditionnellement, le début de l’extension de Rome vers l’Asie ; en 64, après les campagnes de Pompée et les campagnes de César contre Pharnace, roi du Pont en 47, On dispose de plusieurs définitions des coloniae et ce dès l’antiquité. Selon l’arpenteur Hygin l’Arpenteur (140, 16-20 Thulin=176, 1-6 Lachmann), le terme colonia signifie en une mise en communauté de coloni, c'est-à-dire de cultivateurs. On peut donc légitimement supposer que le sens pris par le terme de colonia est celui d’une communauté de cultivateurs établie à des fins d’exploitation d’un territoire. Avec l’expansion territoriale de Rome et l’accroissement de la population proprement romaine, apparaissait la nécessité d’exploiter les richesses des territoires conquis. Les productions agricoles, minières et autres permettaient de nourrir la Ville et son expansion sur l’Œkoumène. Le terme de colonus viendrait du fait que les colons exploitent et habitent les terres. Ce qui nous renvoie au verbe colere qui signifie à la fois habiter et exploiter. On dispose d’une autre définition donnée par l’arpenteur Siculus Flaccus (99, 9-12 Th=135, 2023 La) : les colons étaient envoyés dans les municipes (villes soumises à Rome et ayant un statut plus ou moins autonome selon les cas) afin de contrôler les anciens peuples locaux, les colonies servaient d’avant postes défensifs ; donc un rôle militaire leur était aussi associé. On peut supposer qu’il s’agit en réalité d’une combinaison de ces deux notions donc d’un rôle à la fois défensif et à des fins d’exploitation. Il s’agissait, comme le considérait Aulu Gelle (N.A., XVI, 13, 9) de reproductions de Rome du point de vue du statut légal ayant les mêmes institutions, des magistrats ayant des rôles comparables à ceux de l’Urbs. Bien que ces auteurs écrivent entre le Ier et le IIème siècle de notre ère, le statut de colonia semble avoir constitué une sorte d’étape dans le processus de romanisation d’un territoire. (Salmon, 1969, p. 13-19 ; David, p. 153-176) 6 « Vingt-trois ans après, ce fut Eporédia, chez les Bagiennes, l'année où Marius consul pour la sixième fois eut comme collègue Valérius Flaccus. Il ne me serait pas facile de citer des colonies établies après cette date, si ce n'est des colonies militaires. » Velleius Paterculus, I, 15, 5 7 Hermon, 1982, p. 437-448; 1989a); Hermon, 1989b ; Hermon, 1994 ; Lintott, 1981, p. 53-67 ; Richardson, 1986); Richardson, 1991; Harris, 1979. 8 On trouvera un rappel des discussions concernant la nature et l’ampleur de l’impérialisme romain à travers l’étude de l’exemple espagnol dans : Garcia Moreno, 1987 p. 211-243. 9 L’établissement des Romains à Tarraco date de 217 av. J.-C. (Alföldy, 1981, p. 1-12 ; Martinez Gazquez, 1983, p. 73-86. L’établissement d’Italica en 206 est considéré comme la première fondation romaine de droit latin dans la péninsule (Pena, 1983, p. 247-258). 5 8 l’Asie entre sous la domination romaine. Et le modèle italien fut progressivement étendu aux provinces 10. La colonisation avait un aspect, signalons le, fondamentalement lié 11 au développement de ce que l’on peut appeler l’impérialisme. Le modèle italien 12 de colonisation fut mis au service de la politique d’appropriation des territoires et des ressources naturelles à travers l’Empire. Le phénomène de colonisation romaine se modifia à partir de la fin du IIe siècle av. J.-C. ; les fondations se firent plus fréquentes, et, pour des raisons économiques, parfois, hors d’Italie, comme ce fut le cas, nous le pensons, pour l’Espagne. La première fondation romaine, avortée, hors d’Italie fut celle de la colonie de Junonia en 122 fondée par Caius Gracchus sur le territoire de Carthage13; puis eut lieu en 118 la fondation de Narbo Martius en Gaule Transalpine 14. Parmi les programmes des populares, les colonies de Gracchus et César qui eurent le plus de succès, notamment celles de Corinthe, étaient destinées à fournir des terres aux pauvres, ainsi qu’aux vétérans pour le cas de César, et à réhabiliter des régions à l’abandon. D’autres colonies, comme celles de Sylla ou encore celles de l’époque triumvirale, furent créées essentiellement pour distribuer des terres aux vétérans. La colonisation est intimement liée à la question agraire15. Tiberius Gracchus en 133 16, Caius Gracchus en 122 17, L. Apuleius Saturninus, en 103-100 av. J.-C., eurent en commun de mener une politique dite « démagogique » par les défenseurs de l’oligarchie sénatoriale, ces derniers possédant souvent de vastes propriétés en Italie et une clientèle liée à leurs possessio 18. 10 Pour une présentation plus approfondie du phénomène de colonisation lié à l’extension du territoire contrôlé par Rome on peut se référer à la bibliographie suivante: Kornemann, R.E. 4, 567 ; Vittinghoff, 1952. p. 65 et suivantes; Salmon, 1969, p. 7-21 ; Gargola, 1995, p. 25-50. 11 Hermon, 1982, p. 437 et suivantes. 12 David, 1997. 13 Au sujet de la tentative de fondation de la colonie sur le site de Carthage et de l’opposition à ce projet : Berti, 1990, p.69-75. 14 Hermon, 1976, p.229-239. 15 Cette question fit son apparition avec Spurius Cassius, dès 486. Tite-Live (II, 41, 3) nous dit à ce sujet qu’ « ainsi fut donnée la première loi agraire : jamais, depuis cette époque jusqu’à nos jours, la chose n’a été reprise sans amener de grands désordres ». Cette question fut notamment reprise par le tribun de la plèbe C. Flaminius en 232 puis préteur en 227, et finit par exercer la magistrature suprême en 223 et en 217. Il est connu pour avoir, entre autres proposé une loi agraire contre l’avis du Sénat. Il proposait déjà une distribution viritane des terres de l’ager Gallicus et de l’ager Picenus (Polybe, 2.21.7-.8 ; Cicéron, Sen. 11 ; Inv. 2.52 ; Acad. 2.13). La question agraire avant l’époque des Gracques est particulièrement traitée dans : Hermon, 1994 ; Hermon, 2001. 16 Badian, 1962, p. 197-245; Badian, 1972, p. 235-242; Nicolet, 1965, p.142-159) ; Nicolet, 1971; Hermon, 1976b, p. 179-186. 17 Hermon, 1982b, p. 258-272. 18 Il s’agissait, non pas d’une pleine possession au sens où l’on est tenté de l’entendre, mais d’une possession juridique « qualifiant le statut de la terre publique du peuple romain lorsque celle-ci est louée, par contrat à un adjudicataire (qui occupe une terre contre redevance) qui s’engage à verser un vectigal à la Res Publica » (Chouquer/Favory, 2001, p. 452). 9 Ces démagogues soulevèrent fréquemment, sans grand succès jusqu’à César, la question agraire ; il s’agissait de partager les terres entre une partie des citoyens romains les plus pauvres en reprenant les terres de l’ager publicus, occupées, de fait et illégalement, par les plus riches possédants. Cette question agraire, représentant un enjeu primordial autant pour les populares que pour les optimates était devenu une raison et un moyen, pour les démagogues, de déstabilisation de l’état. En 91 avant av. J.-C., la guerre sociale débuta, provoquant un profond changement institutionnel dans l’organisation de l’Italie. Les socii ayant combattu aux côtés des Romains au cours des guerres romaines aspiraient, soit à une émancipation de l’emprise de Rome, soit à détenir le privilège juridique suprême : le droit de cité romaine. A la fin de la première guerre civile, Sylla, en vertu de sa dictature abolit les privilèges des tribuns, muselant ainsi ceux que l’on nommait les démagogues. Pompée et Crassus lors de leur consulat de 70 avant av. J.-C., restaurèrent, par souci de temporisation ou de popularité, les pouvoirs des tribuns, permettant ainsi la reprise de ces tentatives de législations agraires. Les dernières tentatives étant celle des tribuns P. Servilius Rullus sous le consulat de Cicéron en 63 19 et L. Flavius en 60 20. Les programmes agraires des « démagogues » ne purent aboutir avant le consulat de César en 59. Quelle fut la raison de ce changement ? Y eut-il une mutation des pratiques politiques ? Une innovation du point de vue du programme et de son application ? Sans doute peut-on le penser. César mena son consulat « comme le plus audacieux des tribuns » nous dit Plutarque 21 ; il gouverna, non pas, comme l’usage constitutionnel romain l’imposait, par l’entremise du Sénat, mais en présentant ses projets directement devant l’assemblée de la Plèbe sans ratification par le Sénat. 22 Il s’agissait alors de lotir Cic., Att., 16, 1. (Lettre XLIII) ; Cic., De Leg. Agr. Cicéron présente les discussions au sujet des réformes proposées par Rullus, auxquelles il s’était opposé, suivant en cela le Sénat. On peut y constater la vive opposition des Patres (sénateurs) défendant les intérêts de l’oligarchie conservatrice. La proposition agraire de Rullus consistait en l’élection pour cinq ans d’une commission de decemviri avec Imperium pour fonder des colonies et assigner des terres publiques en Italie et dans les provinces en utilisant les butins et les fonds publics pour racheter les terres (Cic., Leg., Agr., I, 2-3 ; Att., 2, 1, 3 ; Pline, H.N., 7, 117 ; 8, 210 ; Plut., Cic., 12, 2-5 ; Dion Cassius, 37, 25, 4). 20 Cette proposition prévoyait plus précisément le lotissement des vétérans de Pompée. Elle prévoyait également la distribution du territoire d’Arretium et de Volaterrae resté en possession des anciens propriétaires malgré les confiscations syllaniennes, et de terres à acquérir à l’amiable avec le vectigal des provinces orientales sur cinq ans, à « tous les citoyens » (Cic., Att., I, 18, 4-5 ; I, 19, 4 ; II, 1, 6-8 ; Dion, XXXVII, 50). Cicéron la fit d’abord amender au Sénat puis elle fut retirée. 21 Plut., Caes., 14, 2. 22 Dion Cassius, XXXVIII, 4. 19 10 les vétérans de Pompée 23 revenus d’Asie et en même temps, et c’est là la nouveauté, cette classe sociale des proletarii concernés par les propositions agraires précédentes. C’est à partir de 49 qu’il put et dut, comme nous l’apercevrons dans cette étude, reprendre ce programme agraire, en lotissant ses vétérans en même temps que des proletarii, plèbe urbaine dépendante de distributions frumentaires qu’il escomptait diminuer 24. La fondation de colonies pour lotir des vétérans n’était pas une nouveauté. Peu avant le début du Ier siècle avant av. J.-C., Marius réforma l’armée. Il organisa une nouvelle forme de recrutement issue du volontariat et plus guère en fonction du census, en fonction de la fortune 25. Dès lors les soldats engagés attendaient de leurs généraux non seulement des récompenses en butin mais également des lotissements. Marius, après ses campagnes, fut des premiers à lotir des vétérans de ce nouveau système social de recrutement 26. Sylla en fit de même en Italie, puis Pompée, grâce au soutien de César. La plus importante vague de lotissement de vétérans fut le fait de ce dernier entre 49 et 44, avant les assignations d’Auguste. La colonisation que le dictateur envisagea ne fut pas achevée avant son assassinat aux Ides de mars 44 mais par les triumviri rei publicae constituendi en place à partir du 11 novembre 43 : Octave, neveu et héritier de César, Antoine, l’ancien lieutenant de César et Lépide, son second maître de cavalerie. La colonisation césarienne concernait l’Italie et les provinces. On peut constater, dès à présent, une donnée intéressante ; il y eut plus de colonies fondées dans la péninsule ibérique que dans les autres régions de l’Empire 27. Ces provinces espagnoles, Ulterior et Citerior semblent fortement concernées par la colonisation. Quelles en furent les 23 La première loi agraire que proposa César, outre le lotissement des vétérans, consistait à partager les terres de l’ager publicus excepté la Campanie et à les distribuer en priorité aux vétérans de Pompée, comme prévu, en fondant des colonies en Italie. La seconde loi agraire de son consulat promulguée quelques mois plus tard intégrait le territoire campanien aux redistributions (Suétone., Diu. Iul., XX, 3 et 5). 24 Suétone, 41, 1. 25 Nicolet, 1976. p.72-84 ; 173-199. 26 Au sujet de Saturninus, voir : Hermon, 1976. 27 Des colonies furent fondées en Italie, en Illyrie (Byllis, Epidaure), en Grande Grèce (Corinthe, Cnossos Dyme, Pella), en Asie (Amisus, Apamea Myleia, Cyzique, Heraclea Pontica, Lampascus, Parium, Synope), en Afrique (Carpis, Concordia Iulia Carthago, Iulia Clupea, Iulia Curubis, Hadrumetum, Hippo Diarrhytus, Neapolis, Thapsus, Thysdrus, Utica), en Espagne (Claritas Iulia Ucubi, Corduba, Hasta Regia, Iulia Genetiua Urbanorum, Iulia Romula Hispalis, Iulia Victrix Carthago Noua, Iulia Victrix Triumphalis Tarraco, Metellinum, Munda, Nabrissa, Norba Caesariana, Pax Iulia, Praesidium Iulium Scallabis, Virtus Iulia Itucci) en Gaule (Arelate, Iulia Baeterrae Septimanorum, Iulia Equestris Noviodunum, Narbo Martius, Valentia). Les colonies que nous venons d’énumérer ne sont que celles qui sont le plus communément admises comme césariennes. Il est particulièrement délicat, dans certains cas, de définir quelles sont celles que l’on puisse attribuer à César ou aux triumviri qui reprennent son programme agraire après sa mort en 44. On peut se fier généralement au travail de P. A. Brunt (1971. p. 255-259). Concernant l’Italie, elles sont clairement énumérées et leurs fondations analysées par Keppie (1983). 11 raisons ? S’agit-il d’enjeux stratégiques et économiques ? Quelle fut l’implication de César dans cette œuvre d’envergure ? L’Espagne représentait un enjeu de taille depuis la première fondation coloniale de Corduba en 206 avant av. J.-C. par Scipion qui lotit ses vétérans dans une colonie de droit latin. Les Carthaginois, depuis la première guerre punique avaient compris l’enjeu que pouvait représenter le contrôle des ressources minières espagnoles, les plus importantes en Méditerranée. Hannibal, à la veille de la seconde guerre punique, avait pu grâce à l’exploitation de ces ressources naturelles s’allouer les services des fameux mercenaires celtibères et gaulois. Par la suite, la campagne de M. Porcius Cato 28 en 197 avant av. J.-C., entraîna une nouvelle organisation juridique de l’exploitation minière ainsi qu’une nouvelle administration provinciale. L’Espagne fut alors réorganisée en deux provinces distinctes : Hispania Ulterior (sud de la péninsule correspondant à l'actuelle Andalousie) et Hispania Citerior (côte maritime orientale). Il demeurait toutefois des risques de soulèvements des populations indigènes ; par ailleurs, on a peutêtre mésestimé la question de l’appropriation des ressources naturelles par les Romains dans les causes de soulèvements des cités et des tribus, lesquels se prolongèrent jusqu’à Auguste. Le père des Gracques, Tiberius Sempronius Gracchus, tenta de la pacifier par une campagne victorieuse en 179 avant av. J.-C., ce qui lui permit de se constituer une vaste clientèle en Espagne. En 154, les soulèvements indigènes reprirent, et Numance résista aux Romains pendant neuf ans pour tomber face à Scipion Emilien, en 133. Les Romains occupaient alors près des deux tiers de la péninsule, le nord et le nord ouest demeurant difficiles à conquérir. Les mines, initialement du moins, furent propriété de l’Etat, ce que l’on nomme ager publicus ; elles furent, au départ, affermées par des sociétés de publicains, hommes d’affaires constitués essentiellement de membres de l’ordre équestre. Ceux-ci s’installèrent rapidement dans les colonies latines et les municipes du sud et de l’est de la péninsule ibérique, gérant leurs affaires fructueuses par l’entremise d’affranchis. A partir de ce moment, les Espagnes connurent une relative période de paix jusqu’au moment des guerres civiles du Ier siècle av. J.-C. et l’arrivée de Sertorius en 80 avant av. J.-C.. Il était un partisan de Marius, contre le parti de Sylla et fut combattu par le jeune et prometteur Pompée, jusqu’à l’assassinat du « séditieux » en 72 par un de ses propres lieutenants. Quant à Pompée, ces campagnes lui permirent de se Tite-Live, 34, 46, 2-3, Plut., Cat. Mai., 11, 3. On pourra trouver une étude complète à ce sujet dans : Martinez, 1974. 28 12 constituer une importante clientèle locale 29 autant parmi les notables espagnols et les tribus locales que parmi les chevaliers romains et les autres élites municipales romaines installées en Espagne. La propréture de César se fit en Espagne Ultérieure, ce qui lui permit de créer également des liens parmi ces élites, sans toutefois pouvoir rivaliser avec l’importance de Pompée, lequel s’en était constitué un véritable fief. Les provinces espagnoles pouvaient dès lors représenter un terrain de rivalité entre les deux futurs protagonistes de la seconde guerre civile. Le cadre chronologique de notre étude se situe pendant ce moment crucial de l’histoire de la République romaine tardive, entre 49 et 44 avant av. J.-C.. Nous limiterons notre étude à l’étude de la colonisation de la péninsule ibérique durant la guerre civile en Espagne et la dictature de César. Notre étude sera fondée sur la convergence de deux champs de recherches : l’approche par les sources écrites, tant littéraires qu’épigraphiques, et les études archéologiques concernant les ressources naturelles. En premier lieu, concernant l’histoire politique et institutionnelle de la colonisation en général, l’ouvrage récent de D. Gargola 30 nous permet de comprendre l’aspect juridique et légal de la fondation d’une colonie depuis l’étape du vote d’une loi coloniale jusqu’à l’établissement matériel. L’étude un peu plus ancienne de E. T. Salmon 31 demeure utile pour appréhender la place de la colonisation césarienne dans l’histoire de la Rome républicaine. Les processus de fondation sont étudiés de manière plus factuelle et moins thématique que dans l’étude récente de Gargola, mais on y trouve un cadre chronologique général de la colonisation républicaine. P. A. Brunt, dans son étude incontournable pour toute question ayant trait à la démographie 32, dresse d’importantes analyses concernant les citoyens envoyés dans les colonies depuis les guerres puniques jusqu’à l’époque 29 Il est important de nuancer ce point. On dispose de quelques éléments qui permettent de supposer que les liens des Pompeii avec l’Espagne ne débutèrent pas avec Cnaeus Pompée, l’adversaire de césar à Pharsale, mais bien avant. Le père, Pompée, Strabon, au cours de la guerre sociale, fit appel à des mercenaires espagnols, les libienses, originaires de la cité de Libia. Ils nous sont connus par la liste des cavaliers de la Turma salluitana. Ils furent présents au siège d’Asculum. En récompense de leur services, Strabon leur fit accorder la pleine citoyenneté romaine. Ce qui peut sans doute expliquer le soutien, deuotio ibérique, qu’ils offrirent à son fils durant la guerre contre Sertorius (=Roddaz, 1988, p. 323-324) 30 Gargola, 1995. 31 Salmon 1969. 32 Brunt, 1971. 13 augustéenne. Il propose des estimations concernant les effectifs des troupes engagées sous les aigles pompéiennes et césariennes. On trouve également des estimations démographiques dans l’étude de A. J. N. Wilson 33 concernant les populations italiennes et romaines dans les colonies et les municipes. Afin de comprendre les circonstances de la création des premières clientèles pompéiennes, on doit remonter à la première guerre civile 34. L’épisode du contrôle des provinces ibériques par Q. Sertorius, partisan de Marius qui lui survécut et tint tête à l’oligarchie sénatoriale restaurée par Sylla, est incontournable pour comprendre le contexte des années 70 à 44 en Espagne. Cet aspect est étudié essentiellement par A. Schulten, à qui l’on doit, par ailleurs, une biographie de Sertorius 35. Signalons également pour appréhender l’aspect évènementiel de l’épisode sertorien l’étude de P. O. Spann 36. La question de la colonisation romaine césarienne en Espagne a été étudiée par Garcia y Bellido 37. Une étude exhaustive des fondations romaines fut réalisée à partir d’une analyse littéraire et épigraphique mais négligeant, forcément les récents résultats archéologiques. J. M.Blasquez 38 envisageait, quant à lui, une ouverture vers l’étude de la romanisation à travers la question des municipes et des colonies fondées par César et Auguste. Il considérait déjà qu’à la fin de la République les provinces ibériques étaient plus romanisées que d’autres provinces comme l’Afrique en raison de la présence des zones minières qui nécessitaient des travaux d’aménagement et le maintien d’importantes troupes. Néanmoins les travaux de C. Domergue, que nous exposerons plus loin, en la matière complètent considérablement, grâce à l’évolution des techniques de fouilles, les résultats que l’on peut tirer à partir de la même hypothèse : la nécessité pour Rome d’implanter des éléments institutionnels de contrôles (praesidia, municipia et coloniae) pour faciliter et sécuriser l’exploitation économique. M. A. Marin Diaz 39 a tenté d’établir une périodisation suivant l’évolution de la politique de colonisation du monde romain pendant la période précédant l’arrivée de César. L’importance de l’enjeu économique de la péninsule ibérique apparut bien avant le Ier siècle. G. Garcia Chic 40 avait démontré que 33 Wilson, 1966. Badian, 1978 ; Deniaux, 1990. 35 Schulten, 1949. 36 Spann, 1987. 37 Garcia y Bellido, 1959. 38 Blázquez, 1962, p. 5 – 26. 39 Marin Diaz, 1988; 1991, p. 133-152. 40 Chic García, 1978a, p. 233-242. On peut voir également García, 1984, p. 201-227. Au sujet de l’importance économique des provinces ibériques, on pourra se référer à Chic García, 1985, p. 277-299. 34 14 l’implantation carthaginoise, après la perte d’influence en Sicile et en Sardaigne après la première guerre punique, dans la vallée de l’Ebre était motivée par une volonté de faire renaître la puissance économique et militaire de la cité punique, les richesses minières n’y étant évidemment guère étrangères. N. Dupré 41 allait également dans ce sens en analysant la politique des Scipions vis-à-vis des tribus installées dans la vallée de l’Ebre. Il s’agissait dès lors des prémices d’un réseau clientélaire entre une gens et des communautés indigènes. Les zones minières représentaient sans doute l’une des raisons du contrôle de la région par les Romains. Les études de C. Domergue, plutôt d’ordre archéologique, traitant des différents aspects des exploitations minières de la péninsule 42 pourront nous renseigner sur la question de ces ressources naturelles. Nous avons des raisons de penser que l’enjeu des ressources constituait une motivation à mieux contrôler la péninsule, soit au moyen de la colonisation sur une longue période, soit en la considérant comme un enjeu stratégique sur une courte période de crise, ce qui est le cas pour la période qui nous intéresse. Concernant le dernier aspect environnemental, nous nous fonderons sur les travaux qui permettent de retracer la transformation du paysage à la fois en fonction des installations coloniales et des ressources naturelles. Dans l’article de C. Domergue et de G. Hérail 43, on constate l’intérêt pour notre domaine de coordonner des nouveaux modes d’études techniques archéologiques avec les études classiques des sources. Il y est question de l’utilisation de la photographie aérienne oblique en archéologie et géomorphologie minières ; il y est question des mines d'or romaines du nord-ouest de l'Espagne. Bien que ce ne soit qu’à l’époque augustéenne que Bien que l’étude se situe peu après notre période, les structures administratives et économiques qui se mirent véritablement en place à partir d’Auguste trouvent leur origine dès l’époque césarienne. Il y est question de l’augmentation de la masse monétaire par Auguste. Ce dernier encouragea les investissements ainsi l’organisation de l’appareil économique de la province de Bétique, l’étude de la monétarisation étant, à ce titre, révélateur. Ainsi, ce fut à partir de cette période que les monnaies indigènes disparurent pour céder la place à une monétarisation unique interprovinciale. 41 Dupré, 1981, p.121-152. 42 Domergue, 1972, p. 499-548. Un cas illustre bien également l’importance de la région sous les julioclaudiens ; il s’agit de l’étude de quatorze lingots pourvus d'estampilles représentant douze ou treize poinçons différents. La plus importante de ces inscriptions est au nom d'un L. Valerius a commentariis, qui pourrait avoir été un affranchi de Messaline, épouse de Claude. Il est infiniment probable que ces lingots proviennent des mines d'étain de Lusitanie ou d'Espagne citérieure. (Domergue et alii, 1975, p. 61-94). Dans un autre article (Domergue et alii, 1974 p.119-137), Domergue a analysé des lingots de type républicain portant tous la même marque. Ils furent trouvés en Italie centrale, aux Baléares, en Corse et près de la côte varoise, ils datent du milieu du Ier s. av. J.C. et proviennent des mines d'Espagne, tout en ayant pu être chargés ailleurs. On peut surtout se référer à sa thèse (1988) 43 Domergue C., Hérail G., « L'utilisation de la photographie aérienne oblique en archéologie et géomorphologie minières. Les mines d'or romaines du nord-ouest de l'Espagne », Prospections aériennes, Paris, 1983, p. 89-103. 15 cette région entre dans les territoires contrôlés par Rome, on peut signaler cette étude qui propose une méthode d’approche pour approfondir notre champ de recherche dans une perspective, si l’on peut dire, plus large. L'exploitation des gisements aurifères du Nord-Ouest de la Lusitanie a commencé au plus tard dans le courant du Ier s. et l'usage traditionnel du sol a permis ensuite une conservation exceptionnelle des structures minières : réseau hydraulique, excavations résultant de l'extraction du minerai, zones d'évacuation et d'accumulation des déblais. Dans la zone d'El Cabaco, l’étude du site de Fuente de la Mora se révèle éclaire sur le rôle de ces mines dans la restucturation territoriale du secteur et dans l'exploitation de ses ressources. L’étude de M. Ruiz del Árbol et de F. J. Sánchez-Palencia 44 est également conduite à partir de photographies aériennes, de relevés topographiques et des données de plusieurs sondages. Par ailleurs, le lien entre les exploitations minières et l’organisation des réseaux hydriques a été également analysé par C. Domergue 45 concernant les mines de Lusitanie. Comme on peut le constater, la question des ressources minières, à travers les études techniques, peut sans doute être liée à une volonté d’occupation de territoire, au moyen, par exemple, de la colonisation. La colonisation césarienne en Espagne, de 49 à 44 avant av. J.-C., s’est-elle déroulée en fonction d’enjeux environnementaux ? La gestion des ressources naturelles, comme les richesses minières, a-t-elle motivé l’implantation de colonies dans des zones d’importance stratégique majeure ? La problématique qui guidera notre étude consiste à déterminer quelles sont les données environnementales à laquelle est liée, si cela est toutefois le cas, la colonisation romaine en Espagne. Comme nous l’avons déjà constaté, le nombre de colonies fondées sur l’initiative de César est remarquablement important dans la péninsule ibérique. Quelles peuvent être les raisons d’une telle organisation ? En quoi consiste la colonisation d’un point de vue juridique et géostratégique ? Pendant la guerre civile, ces zones représentaient également un enjeu de contrôle pour les factions protagonistes comme nous tâcherons de le montrer. Quels sont les 44 45 Ruiz del Árbol, 1999, p. 213-221. Domergue, 1986b. p. 109-119. 16 éléments environnementaux et politiques qui motivèrent l’implantation de colonies romaines par César à l’époque de la seconde guerre civile de 49 à 44 avant av. J.-C. ? En quoi consiste précisément d’un point de vue politique, économique et social la colonisation d’un site à l’époque césarienne ? On a pu remarquer précédemment, de par ce que l’on sait de la colonisation césarienne, que le nombre de colonies fondées par César en Espagne est nettement plus important que celui des colonies fondées dans le reste de l’espace méditerranéen. On peut émettre l’hypothèse suivante : la gestion des richesses minières serait à l’origine de l’implantation de ce grand nombre de colonies. Elles sont situées dans des zones d’importance stratégique. On remarque que plusieurs colonies césariennes comme Iulia Victrix Triumphalis Tarraco, Iulia Victrix Carthago Noua, et plus spécifiquement Iulia Romula Hispalis sont situées d’une part au carrefour de plusieurs réseaux routiers 46 et d’autre part dans des zones portuaires. Dans le contexte de la seconde guerre civile, le contrôle des ressources naturelles espagnoles pouvait sans doute s’avérer un enjeu d’importance. Il serait fort peu original de préciser que la plupart des sources littéraires que nous étudions en histoire ancienne sont peu fiables de par la partialité de leurs auteurs ainsi que de par les liens de ceux-ci avec le pouvoir. Certaines informations, étant donné les enjeux politiques au moment de leur rédaction, ont pu disparaître. Néanmoins une rigueur d’analyse des textes comparés à des données vérifiables sur le terrain comme l’archéologie et les données environnementales par l’étude des cartes peuvent nous renseigner sur les conditions environnementales 47. Tâchons donc de présenter, en premier lieu, les sources littéraires classiques 48. En ce qui concerne les sources contemporaines des évènements entre 49 et 44 avant av. J.-C., nous disposons en tout premier lieu des écrits de César (100-44 avant av. J.-C.) lui-même. On y trouvera des indices des enjeux géostratégiques qui déterminent la colonisation. Les trois livres du Bellum Ciuile ou Commentarii de bello ciuili semblent écrit par César lui46 Sillières, 1990. Elles sont prise en compte dans l’atlas Barrington de R. Talbert dont nous avons extrait plusieurs cartes de ce mémoire. 48 Les textes littéraires et leurs traductions sont extraits des éditions que nous signalons en fin de mémoire. Nous préciserons par l’abréviation [trad. pers.] lorsque nous proposerons des traductions personnelles adaptées en fonction du contexte historique permettant ainsi de mieux éclairer le propos. 47 17 même. 49 On consultera également le Bellum Alexandrinum qui porte sur les évènements en Espagne durant la campagne en Orient ainsi que le Bellum Hispaniense dont les auteurs ne sont pas clairement déterminés. Parmi les autres sources contemporaines qui nous renseignent sur le contexte le corpus cicéronien est incontournable. Ciceron (106-43 avant av. J.-C.), orateur d’exception, a mis par écrit la plupart de ses discours, ce qui représente une source d’information non négligeable sur les problèmes juridiques et politiques de la fin de la République. Les discours Contre la loi agraire (De Lege agraria), où il s’opposa au projet agraire de P. Servilius Rullus pour distribuer des terres aux proletarii, plèbe urbaine de Rome, témoigne du contexte de la législation agraire à la fin de la République ainsi que sur les modalités juridiques et pratiques d’une fondation coloniale. Nous utiliserons également de façon plus ponctuelle d’autres discours qui peuvent nous renseigner soit sur la situation en Espagne soit sur la question de la colonisation césarienne comme les Philippiques. Une autre source cicéronienne est essentielle pour la période ; il s’agit de la Correspondance (Ad Familiares, écrites à ses amis, et Ad Atticum, à son ami le plus proche). Dans ses correspondances on trouvera de nombreuses informations précises sur certaines situations en Espagne notamment pendant la guerre civile. Cette source, plus que les autres, est à utiliser avec grande précaution, d’une part car il s’agit d’une source évidemment partiale et d’autre part car les renseignements sur lesquels se fonde parfois l’auteur sont erronés étant donné les difficultés de communications aggravées par la guerre civile. On peut également penser qu’avant la Il y relate les deux premières années (49-48 av. J.-C.) de la guerre civile. Le Livre I relate les évènements qui se déroulent entre l’ordre donné par le Sénat à César de licencier ses armées, et la capitulation des lieutenants de Pompée en Espagne après Ilerda. Le Livre II concerne la suite des évènements de l’année 49, de la fin du siège de Marseille jusqu’au récit de la campagne désastreuse de Curion, lieutenant de César, en Afrique. Le Livre III retrace les évènements de l’année 48, des premières escarmouches entre César et Pompée en Epire jusqu’à la fuite de ce dernier à Alexandrie et l’aperçu de la situation politique en Egypte qui aboutit à la guerre d’Alexandrie. Les trois commentaires qui suivent ceux de la guerre civile ne sont pas considérés comme étant écrit par César lui-même, mais par un de ses lieutenants. Il s’agit de la seule certitude que l’on ait concernant l’auteur des commentaires qui pourrait en outre être Hirtius, Asinus Pollion ou un autre membre de l’état major. Dans le Bellum Alexandrinum, l’auteur retrace les évènements relatifs à la guerre d’Egypte tout en évoquant également la dégradation espagnole, les provinces ibériques étant confiées à Q. Cassius Longinus. Le Bellum Africum est un bref journal des quatre mois de guerre en Afrique. On y trouve peu d’élements nous renseignant sur l’Espagne. Le dernier livre des commentaires pseudo-césariens est le Bellum Hispaniense qui entre pleinement dans le sujet qui nous intéresse. Il y est décrit la dernière campagne de César contre les fils de Pompée, Cneus et Sextus qui sont défaits à Munda le 17 mars 45 av. J.-C.. La qualité du latin utilisé laisse entendre qu’il pourrait s’agir d’une mauvaise retranscription des manuscrits qui nous soient parvenus, ou encore que l’auteur de ce livre ne soit un soldat ou un sous-officier. C’est dans ce dernier livre que l’on trouve des évocations du peuple d’Urso et de son attitude vis-à-vis du vainqueur de Munda, ce qui nous préoccupera directement un peu plus loin. 49 18 publication de ces correspondances 50, une certaine censure fut appliquée à ces correspondances. On trouvera donc difficilement certains éléments pouvant compromettre d’une façon ou d’une autre l’image augustéenne. On dispose également de sources plus tardives sur lesquelles nous nous fonderons concernant la partie environnementale de notre étude. Le géographe et historien grec Strabon (64 av. J.-C.- 24 ap. J.-C.) acheva d’écrire sa Géographie sans doute en 7 av. J.-C. ; cette longue et précieuse étude est destinée avant tout aux hommes politiques comme il le précise lui-même. Sa Géographie s’appuie sur les travaux d’Erathostène de Cyrène (vers 285 – vers 194 av. J.-C.) dont seules des citations nous sont parvenues. Le Livre III de la géographie de Strabon nous intéressera puisqu’il porte sur les provinces ibériques à travers la morphologie des territoires et les colonies qui s’y trouvent. On sait peu de choses sur Pomponius Mela sinon qu’il fut l’auteur, vers l’an 43 ap. J.-C., sous le règne de Claude, du plus ancien ouvrage latin de géographie qui nous soit parvenu. Le De chorographia nommé également De situ orbis sera pour notre étude une source précieuse à travers les descriptions très détaillées des pays, principalement de l’Espagne, d’autant plus fiable que notre auteur en est lui-même originaire. Pline l’ancien (23-79 de notre ère), dans sa Naturalis Historia, nous apporte des informations précieuses et multiples, ce qui reflète l’intérêt exceptionnel de l’auteur pour toute forme de connaissance, sur certains éléments de notre étude. Plus précisément, les Livres III à VI traitent de la géographie et de l’ethnographie de l’Europe et les livres XXXIII à XXXVII des métaux et des pierres ; ces deux domaines nous apporteront des renseignements utiles sur ce que l’on savait, à cette période, des traitements de métaux. Nous disposons également de sources historiques tardives qui nous permettront de relever les données politiques et géopolitiques de la colonisation césarienne. Le Divius Iulius de Suétone (né vers 70 de notre ère), première des Vies des Douze Césars, retrace la vie du « divin » ancêtre des Julio-Claudiens. Suétone a non seulement puisé dans les écrits de ses prédécesseurs tel que Nicolas de Damas et Asinius Pollion, mais aussi dans les documents officiels, auxquels il avait accès de par sa charge de secrétaire ab epistulis confiée par Hadrien, tels que les acta senatus. Sous le règne d’Auguste concernant les Ad Familiares, avant le milieu du Ier siècle av. J.-C. pour les lettres à Atticus. 50 19 La Vie de César par le Grec Plutarque est plus une vision morale qu’un récit historique, intention qu’il expose dans l’introduction aux Vies d’Alexandre et de César. Il s’inspire des auteurs contemporains ou relativement contemporains des faits qu’il cite dans son récit tels Oppius, César, Tite-Live, Strabon, Tanusius, et surtout Asinius Pollion. Il semble donc s’être inspiré essentiellement d’auteurs latins mis à part Strabon qu’il ne cite qu’une fois. Le récit d’Appien sur Les Guerres civiles à Rome laisse l’impression d’être constitué d’une juxtaposition de plusieurs sources, disparues aujourd’hui, dont ce Grec d’Alexandrie devait disposer telles que les précieux écrits d’Asinius Pollion. On peut supposer qu’il s’est également inspiré des auteurs précédemment cités, tels que César sur lequel il se fonde sans doute dans son récit sur la Gaule, ou encore Oppius ou Tite-Live. Dion Cassius (vers 150 - 235 ap. J.-C.) est un consulaire, proche du pouvoir impérial. Il écrit bien plus tard que les auteurs précédemment cités une histoire en grec : l’Histoire Romaine dont on consultera les livres 36 à 41 pour la période qui nous intéresse. Nous nous fonderons également sur certaines études numismatiques sur lesquelles furent établies des analyses critiques des frappes monétaires de la période 49-42 av. J.C. 51. Une autre source remarquablement précieuse pour le contexte espagnol est la loi d’Urso ou Lex Coloniae Genetiuae. Le texte fut édité à plusieurs reprises 52. Le texte qui nous est parvenu est incomplet et gravé tardivement, à l’époque flavienne. Une critique plus approfondie de cette source fera l’objet d’un exposé dans la seconde partie de ce mémoire. Il nous permettra d’apporter un état de la question concernant le premier aspect fondamental de la colonisation : la fondation. Notre mémoire sera organisé en deux parties. En premier lieu, nous tâcherons d’exposer le contexte politique des campagnes de César durant la guerre civile en prenant en compte le facteur économique, qui représente, 51 Crawford, 1969; Buttrey, 1960, p.75-95.; Burnett, 1992.; Beltran, 1949 ; Guadan, 1969 ; Hill, 1931; Mateu y Llopis, 1949, p.211-225 ; Sydenham, 1952 , 1967, p. 133-142 ; Vives y Escudero, 1926. 52 Mommsen, 1909, p.194-264 ; D’Ors, 1953 ; Crawford, 1996. 20 semble-t-il, l’un des enjeu des stratégies pompéienne et césarienne. Nous étudierons également ce que l’on sait des colonies fondées par César en Espagne et de la disposition de ces colonies en fonction des enjeux environnementaux. En second lieu, nous envisagerons un aspect plus juridique et politique ; la question de la fondation d’Urso. Notre source principale sera la Lex Coloniae Genetiuae. On tâchera d’y discerner les éléments qui peuvent nous permettre de dater la loi, en déterminer quels sont les arguments qui nous permettent de l’attribuer à César, ainsi que le processus juridique romain qui permet d’implanter une colonie dans cette période de changements institutionnels profonds. Nous aborderons également ce que l’on sait de la législation agraire césarienne à travers quelques cas. CHAPITRE I Guerre civile et contrôle de l’Espagne 22 On peut se demander, dans un premier temps, quels sont les indices qui nous permettraient de comprendre les enjeux stratégiques des provinces espagnoles à la veille de la seconde guerre civile. La péninsule représentait-elle un enjeu important pour Pompée justifiant qu’il y plaçât plusieurs légions ? Quels étaient ces enjeux ? Sans doute pourrait-on voir là une explication à la décision que prit César en se dirigeant vers l’Espagne : récupérer à son profit des richesses espagnoles. A. Les débuts de la guerre civile en Espagne. Afin de mieux comprendre l’intérêt pour César d’attaquer l’Espagne en 49, il est indispensable d’exposer ce que l’on sait de l’occupation pompéienne des deux provinces, Ulterior et Citerior, à la veille de la guerre civile. Pour quelles raisons Pompée devait-il protéger ces deux provinces ? Etait-il question de ressources naturelles ? 1. Enjeux stratégiques pour Pompée et pour César : contrôler l’Espagne ? On sait peu de choses sur la situation espagnole dans les années qui précèdent notre période, sinon que Pompée y disposait d’une large clientèle qu’il s’était constituait depuis la guerre sertorienne 53. En effet, les élites des cités et des municipes, romaines ou pérégrines lui étaient liées par ce que l’on nomme l’amicitia. On peut citer l’exemple illustrissime de L. Cornelius Balbus 54. César, quant à lui, avait exercé sa propréture en 61 55 en Hispania Ulterior. Ce fut pour lui l’occasion de se lier une clientèle en acquérant prestige et argent 56. Ce fut, sans doute, à 53 Badian, 1958, p. 256 et suivantes. Ce dernier reçut la citoyenneté de Pompée en 72 pour les services qu’il avait rendus durant la guerre sertorienne. Il fut également lié à César (Cic., Pro Balbo, III, XXVIII). On sait qu’il fut l’instigateur de l’officieux triumvirat de 60. Il fut traîné en justice en raison de son influence à Rome ; en l’attaquant, ses ennemis s’en prenaient également à la coalition Pompée, Crassus et César. Le prétexte du procès de 56, au cours duquel Cicéron le défendit, était lié au fait qu’il ait obtenu sa citoyenneté de manière illégale. Le texte de ce discours nous informe sur la situation espagnole dans le contexte de la guerre contre Sertorius ainsi que de l’organisation de l’Espagne peu avant la période qui nous intéresse. 55 Nous n’insisterons pas sur sa questure en 69 sur laquelle on sait peu de choses (Ap. Isp. 42, 1 ; Plut., Caes., 5, 2-4 ; Suetone, Diu.Iul., 5-8 ; Dion Cassius, XXXVII, 52, 2). 54 23 cette occasion qu’il apprécia directement le potentiel économique de la province. Il ne put évidemment guère rivaliser avec la puissance des liens que Pompée y avait tissés, mais, alors, la rivalité entre les deux hommes n’était certainement pas déclarée, contrairement à ce que pourraient laisser étendre nos principales sources. 57 En 55 av. notre ère, Pompée obtint le consulat 58 avec Crassus dans des conditions particulières du point de vue institutionnel 59 ainsi que le proconsulat pour les provinces espagnoles l’Hispania Ulterior et l’Hispania Citerior, en vertu de la Lex Trebonia 60. Il exerça sa promagistrature in absentia. 61 Il gouverna ses provinces à la manière dont il le fit durant son commandement de 67 contre les pirates, au moyen de legati ; il s’agissait alors de L. Afranius, M. Petreius et M. Terentius Varro en fonction en 49. La péninsule ibérique semblait en proie à des soulèvements indigènes 62 sur lesquels on est hélas fort peu renseigné. Ce qui justifiait sans doute la présence de sept légions Appien, G. C.., II, 8, 26-7 ; Plut., Caes., 12. On apprend dans ces passages qu’il régla la question des raids des tribus de Lusitanie dans la vallée du Baetis. Il prit prétexte de ces incursions pour étendre ses campagnes plus au nord dans les territoires des Callaeci. Bien qu’il se fît acclamer Imperator, il ne voulut pas attendre l’autorisation du triomphe qui l’aurait empêché de se présenter au consulat pour l’année 59. 57 On peut citer essentiellement Plutarque (Vie de César, XXXI), Suétone (Diu. Iul., XXX, 3) et Velleius Paterculus (XLVIII et XLIX). Ils mettent en avant l’ambition des deux hommes qui les aurait indubitablement conduits vers l’affrontement de la guerre civile, les différentes autres raisons n’étant que des prétextes. 58 Plut. Pompée, 52 ; Dion Cassius, XXXIX, 30-31. 59 La situation en 55 av. J.-C. était particulièrement troublée à Rome en raison des conflits liés aux bandes armées (Cic., Ad Fam., 1, 8, 1-4). Un interregnum avait été exercé par M. Valerius Messala (C.I.L. I, 1, p. 201=ILS, 46). Crassus et Pompée furent élus dans ce contexte. Si l’on suit les sources, la présence de Pompée semblait indispensable pour maintenir l’ordre à Rome (Cic. Att., 4, 8a, 1-2 ; Vell. Pat., 2, 46 ; Plut., Crass., 15 ; Pomp., 51, 4-52,2 ; Cat.Min., 41-42 ; Ap. G. C., 2, 17 ; Dion Cassius 39, 27-31). La situation politique particulièrement conflictuelle semblait justifier le non respect des formes institutionnelles. Voir pour plus de détails Ross-Taylor, 1977, p. 157-171 ; Girardet, 1992, p. 185-188. 60 C. Trebonius porta malgré des oppositions cette loi pour donner à Crassus un commandement en Syrie et à Pompée le gouvernement pour les deux provinces espagnoles et, ce, pour une durée de 5ans ( Cic., Att., 4, 9, 1 ; Vell. Pat., 2, 46, 2 ; Plut., Pomp., 52 ; Crass., 15 ; Cat. Min., 43 ; Dion Cassius, 39, 33-36). 61 Pompée resta en Italie, malgré l’usage légal pour un proconsul de devoir siéger hors de l’Urbs. Il était chargé du ravitaillement en blé de la Ville (Dion Cassius, 39, 39, 4). En raison de l’anarchie qui semblait régner à Rome, il demeurait la possibilité qu’il se fasse décerner la dictature pour remédier aux troubles (Cic., Att., 4, 18, 3). La question de la définition exacte des pouvoirs de Pompée prête à discussion. Cependant, on pourrait résumer ainsi la situation ; face aux troubles grandissant dans la Ville, la présence du Magnus semblait nécessaire autant aux défenseurs de l’oligarchie qu’à Pompée lui-même, qui voyait ainsi grandir son influence. (Girardet, 1992, p.185-188 ; Roddaz, 1992, p. 189-211 ; Gelzer, 1984, p. 755 et suivantes). 62 Dion Cassius, XXXIX, 54. Ces troubles semblaient justifier que ces provinces fussent confiées à Pompée avec le pouvoir de lever autant d’hommes qu’il le faudrait. Q. Caecilius Metellus Nepos avait affronté alors les Vaccaei qu’il soumit en capturant leur oppidum de Clunia. Ces soulèvements peuvent aussi expliquer la présence d’un nombre important de légions en Espagne quelques années plus tard en 49 ; ce qui s’oppose à ce que nous rapporte César (B.C., I, 85), pour qui la raison de la présence de six légions et de la levée d’une septième (la légion Vernacula) était uniquement la préparation d’une guerre contre ce dernier. 56 24 pompéiennes 63 au début de la guerre civile. Mais s’agit-il de la seule raison de la présence de telles forces ? Au début du conflit de 49, Cicéron pensait qu’il était plus logique que Pompée se dirigeât vers l’Espagne plutôt que vers la Grèce 64 ; il n’ignorait pas que la position de la péninsule était relativement forte. Les Pompéiens disposaient d’un grenier à blé suffisamment conséquent pour ravitailler sans doute les troupes assemblées en Epire ; M. Terentius Varro était chargé de prélever d’importantes quantités de blé (cent vingt mille boisseaux) 65 mais aussi dix huit millions de sesterces et vingt mille livres d’argent 66. En effet, la péninsule ibérique, à travers les sources littéraires 67, était considérée comme le pays de l’argent ; la représentation qu’en fait d’ailleurs César au cours de son triomphe de 46 l’illustre 68. L’intérêt de la péninsule de ce point de vue remonte bien avant cette époque. L’exploitation des richesses minières est fréquemment évoquée, non sans quelque exagération sans doute de la part de Polybe. 69 C’est fort probablement ce qui motiva les premières implantations puniques vers le milieu du IIème siècle av. J.-C. L’exploitation des mines de la Sierra Morena permit sans doute aux Carthaginois de reconstituer une armée, essentiellement composée de mercenaires, afin d’affronter les Romains 70. On Caes., B.C., 1, 85. Comme nous l’avons précisé en introduction, les contingents assemblés dans les deux provinces espagnoles étaient équivalentes, au moins au début de l’année 49, à celle que Pompée avait réussi à assembler en Epire, et nettement supérieures à celles qui se trouvaient en Italie (Dion Cassius, 41, 4). 64 Cic., Ad Att., 7, 18, 2. 65 Ces levées avaient un rôle d’importance ; dans un passage du Bellum Ciuile (III, 73, 3), César, haranguant ses troupes évoque ceci : … quod duas Hispanias bellicosissimorum hominum peritissimis atque exercitatissimis ducibus pacavissent..(… pacifié les deux Espagnes défendues par des peuples belliqueux et par les chefs les plus expérimentés et les plus habiles…). L’insistance, plus loin dans le récit sur l’importance de la province en ressources agricoles montre l’enjeu des provinces ibériques :… quod finitimas frumentariasque provincias in potestatem redegissent; denique recordari debere, qua felicitate inter medias hostium classes oppletis non solum portibus, sed etiam litoribus omnes incolumes essent transportati… (…et réduit en leur pouvoir les provinces voisines, si abondantes en blé. Ils ne devaient pas oublier non plus avec quel bonheur ils avaient passé sans nulle perte à travers les flottes ennemies, maîtresses de tous les ports et de toutes les côtes). 66 Caes., B.C., II, 17-18. Dans ce passage, il est explicitement question de ravitailler les troupes d’Afranius et celles de Pompée. Voir Frank, 1959, p.138-140. 67 Strabon, III, 2, 10 ; Pline, N.H., 33, 97. 68 Quinque egit triumphos : Gallici apparatus ex citro, Pontici ex acantho, Alexandrini testudine, Africi ebore, Hispaniensis argento rasili constitit. Pecunia ex manubiis lata paulo amplius sexiens miliens sestertium. (Il triompha cinq fois : tous les ornements du triomphe étaient en bois de citronnier pour la Gaule, en acanthe pour le Pont, en écaille pour Alexandrie, en ivoire pour l'Afrique, en argent poli pour l'Espagne. La vente du butin produisit un peu plus de six cents millions de sesterces). Vel., Pat., II, 56, 2. 69 Polybe, III, 13 ; I, 10 ; Diodore de Sicile, 5, 35, 2. 70 C. Domergue (Domergue, 1988, p. 179 et suivantes) considère que les mines d’argent constituaient déjà un enjeu principal depuis la deuxième guerre punique. La monnaie d’argent était depuis l’époque hellénistique la base de tous les échanges commerciaux, elle permit aux Carthaginois de reconstituer une 63 25 remarque par ailleurs que les opérations militaires de 215 se concentrèrent dans la région du Baetis, dans la région de Castulo et d’Iliturgi 71. Par la suite, Scipion, le futur Africain, en 208, porta ses efforts contre Hasdrubal dans la même région 72. L’autre zone de concentration des opérations se trouvait vers Carthago Noua, qui est prise en 209 73. On a même pu émettre l’hypothèse que le contrôle de ces ressources ait pu être l’une des causes de la guerre, l’affaire de Sagonte n’étant qu’un prétexte.74 Une fois les Carthaginois chassés de la péninsule, Scipion installa la première colonie de vétérans à Italica en 206 75 ; il s’agissait sans doute d’alliés italiens. Ceci permettait de sécuriser la région en assurant une présence romaine stable dont l’avantage, on peut le supposer, de contrôler les exploitations de métaux de la région. 76 Plus d’un siècle plus tard, au cours de la guerre contre Sertorius, les opérations de Pompée à partir de 76 se concentrent autour des zones « vitales » pour les armées des deux camps qui devaient, faute de ravitaillement de part et d’autre, vivre sur le pays ; ces zones se trouvent autour de Sagonte et de Valence. 77 Si l’on compare ces zones de concentration des opérations d’envergure à celles des campagnes césariennes de 49 puis de 46, on remarque que la direction empruntée par César depuis Ilerda jusqu’à Gadès, puis aux environs de Munda, est similaire aux opérations durant la seconde guerre punique. Les zones minières se trouvant à l’est et surtout au sud, leur contrôle nécessitait donc, fort probablement, de maintenir la région au moyen de légions ; c’est sans doute ce qu’avait compris Pompée en plaçant autant de légions qui lui auraient été utiles à Pharsale. A l’époque tardo-républicaine, seul le pays des Cantabres et des Asturies, soumis par Auguste (25-19 av. J.-C.) et réputé pour ses mines d’or 78 échappe à la domination romaine. Deux régions semblent fortement exploitées à la fin de la République : la Sierra armée de mercenaires essentiellement au moyen de l’exploitation des richesses ibériques ; les monnaies d’argent étaient les plus répandues et servaient à payer directement leurs services. 71 Liv., 23, 49, 5 et 24, 41, 7. 72 A Baecula, près des mines d’argent comme le précisent Polybe (10, 38) et Tite Live (27, 18). 73 Polybe, 10, 2-20 ; Liv., 26, 42-47. 74 Domergue, 1988, p. 180. 75 Voir à ce sujet Richardson, 1996, p. 36-38. 76 L’intérêt des mines d’or et d’argent est attesté par le témoignage de Judas Maccabée qui évoque « tout ce qu’ils avaient fait dans le pays d’Espagne pour s’emparer des mines d’or et d’argent qui s’y trouvaient » ( 1, 8, 3). L’implantation de colonies dès cette époque, de municipes et de praesidia était un moyen plus sûr de sécuriser les complexes d’exploitation minière (Alvez Portal, 1977. p. 3-17). 77 Plut., Sertorius, 21. Au sujet des difficultés de ravitaillement des armées. 78 Strabon, III, 2, 8. L’auteur décrit les différents métaux présents dans les mines et pour lesquels étaient réputées ces régions du nord-ouest de la péninsule. Dans le peu de zones minières mentionnées en Galice, les quantités d’or semblaient équivaloir à celles exploitées dans l’ensemble de la Sierra Morena, pays des Turdétans. 26 Morena et le Sud Est 79. On a toutefois connaissance de deux autres exploitations, l’une au Riotinto et l’autre à Aljustrel 80 Le contrôle des mines d’argent était un atout précieux en temps de guerre, une lettre de Pompée au Sénat en 75-74 81 évoquait justement les difficultés pour assurer le ravitaillement et la solde des troupes (frumentum et stipendium). En cas de situation difficile, les réquisitions ne devaient pas manquer de fournir l’essentiel pour la poursuite de la guerre. Ce fut sans doute le cas au cours de la guerre sertorienne 82 ce qui expliquerait cet intérêt tant pour Pompée de maintenir ces zones sous contrôle de ses lieutenants que pour César de passer en Espagne avant d’aller combattre son adversaire en Epire. La stratégie des Pompéiens était donc sans doute la suivante : Afranius et Petreius, généraux expérimentés, étaient chargés de stopper ou de ralentir l’avancée de César, alors que Varron était chargé de construire une flotte afin d’acheminer les frumenta et stipendia vers l’Orient. 83 Pour contrôler la péninsule, Pompée avait donc disposé 6 légions, dont 5 se trouvaient en Citérieure 84, une sixième ainsi que la légion vernaculaire se trouvait sous le commandement de Varron. Ce nombre est relativement important si l’on compare aux positions des autres légions du camp Pompéien au début de l’année 49 : 2 légions en Italie 85, 5 légions en Epire 86, 2 légions en Syrie qui le rejoignirent en Epire, 3 légions en Afrique. Si l’on compare ces chiffres à celui des sept légions se trouvant en Espagne, on ne peut que remarquer l’importance de cette province. Si l’on suit l’hypothèse de Domergue concernant les causes de l’intervention romaine en Espagne au début de la 79 Domergue, 198,. p.186-187. Blazquez, 1968. p. 102-123. Domergue, 1983, p. 10-14. 81 Salluste, Hist., 2, 98. voir aussi Plut., Pompée., 20. 82 A ce sujet, on peut signaler l’étude de F. Mateu y Llopis (Mateu y Llopis, 1949, p.211-225). Les trésors composés de monnaie d’argent, une partie ibérique, une autre romaine proviendraient d’un enfouissement à l’époque de César voire à celle de Sertorius. 83 Caes., B.C., 1, 38, 2 ; 2, 21, 4. Varron avait exigé des habitants de Gadès la livraison de navires qui lui auraient permis de rejoindre Pompée avec quantité d’argent par voie maritime ; ce moyen paraissait d’autant plus sûr que César ne disposait pas alors de flotte suffisante pour empêcher, une fois embarqué, Varron de rejoindre Pompée. Ceci expliquerait la celeritas dont fit preuve César en se dirigeant vers Gadès. La stratégie pompéienne aurait sans doute réussi si les légions de Varron n’avaient pas trahi leur camp. 84 Caes., B.C., I, 38; II, 18; 20, 4. 85 On sait d’autre part qu’il disposait du pouvoir de lever 130 000 hommes dans toute l’Italie (Ap. G. C., II, 34.) Il n’eut cependant le temps que de lever 3 légions. 86 Complétées, entre autres par une légion constituée de vétérans qu’il avait lotie en Crète et en Macédoine (Brunt, 1971, p.473). 80 27 guerre Punique 87, on ne peut que supposer que l’exploitation des ressources naturelles justifiait ce dispositif militaire à la veille de la guerre civile. Comme on l’a évoqué précédemment, l’argent était recherché pour permettre de verser les soldes des troupes ; c’est, par ailleurs, à partir du Ier siècle, marqué par les multiples guerres qui ont secoué la péninsule, que les frappes de denarii ibériques se multiplièrent 88. On peut supposer qu’au cours des deux campagnes espagnoles de César, les centres miniers producteurs d’argent de la Sierra Morena furent les cibles des armées en présence 89. On peut citer l’exemple du village minier de Diogenes 90 (la ville de Solana del Pino située dans l’actuelle province de Castilla La Mancha à 300km au nord-est de Séville), et celui de la fonderie du Cerro del Plomo 91 (ville de Jaen, 155 km au nord est d’Urso) qui furent détruits vers le milieu du Ier siècle av. J.-C., sans doute au cours de la seconde guerre civile. 92 La position pompéienne en Espagne nécessitait donc la présence des légions commandées par Afranius et Petreius. Varron, en arrière garde, avait pour rôle de veiller à la collecte des fonds pour ravitailler Pompée. D’autre part, il était fréquent, dans l’usage romain, que l’on place des colonies dans des zones à sécuriser. Scipion le fit pour Italica, comme nous l’avons mentionné. Pour cette période, cependant, avant l’arrivée de César, on ne trouve, à priori, pas d’indications dans les sources d’éventuelles fondations coloniales pompéiennes mis à part Pompaelo 93. On peut, toutefois, émettre une simple hypothèse d’ordre historiographique. La plupart des auteurs qui nous renseignent au sujet de la colonisation des années 60-40 av. J.-C. écrivent au moins à l’époque augustéenne (Tite-Live, Velleius Paterculus, Strabon…). Auguste, se plaçant en successeur de César, revendiquait l’organisation des provinces 87 Domergue, 1988, p. 181 et suivantes. On dispose de plusieurs deniers d’argent datant du premier siècle, notamment deux deniers frappés par L. Fabius Hispaniensis et C. Tarquitius, en 80-81 av. J.-C. (No 748-749 dans E. Sydenham, 1952), ceux de Q. Metellus Pius Imperator en 78 (No 750 ). 89 Domergue, 1988, p. 188 et suivantes. 90 Domergue, 1967, p. 29-50. 91 Domergue, 1971, p. 340-343. 92 C. Domergue (Domergue, 1988. p. 188) se fonde sur la datation de trésors monétaires enfouis au cours de cette période ; les monnaies les plus récentes des trésors de El Centinillo et de Mentesa dateraient de 46/45 (Crawford, 1969. No 385). Domergue tient également compte du trésor de Pozoblanco dont l’enfouissement pourrait dater de 45 av. J.-C. (Guadan, 1969, p. 96) précisément au moment des affrontements entre César et les fils de Pompée. 93 Strabon III, 4, 10 ; voir à ce sujet : M. A. Mezquiriz de Catalan, Pompaelo II, Principe de Viana, 1978. Cette colonie située à l’écart des zones tenues par Sertorius près des cols qui mènent à l’Aquitaine aurait donc été fondée par Pompée. Elle mêlait un établissement romain à une cité indigène. 88 28 ainsi que le lotissement de nombreux vétérans. On peut citer un extrait du troisième passage de la première table des Res Gestae Diui Augusti : […] Millia civium Roma[no]rum [sub] sacramento meo fuerunt circiter [quingen]ta. Ex quibus dedu[xi in coloni]as aut remisi in municipia sua stipen[dis emeri]tis millia aliquant[o plura qu]am trecenta et iis omnibus agros a[dsignavi] aut pecuniam pro p[raemis mil]itiae dedi.[…].94 Cette question, de par l’ordre dans lequel elle est évoquée, paraît fondamentale pour son auteur. Elle apparaît juste après le passage évoquant sa vengeance sur « ceux qui ont tué son père » adoptif, César. On peut ainsi associer cette évocation à une reprise d’un héritage politique consistant, par l’aspect qui nous intéresse ici, à lotir les vétérans. Il est envisageable qu’Auguste ait éliminé les évocations concernant d’éventuelles tentatives de fondations pompéiennes au moment des fondations de ses propres colonies. Il est toutefois probable que l’Espagne ait été concernée par les lotissements de vétérans pompéiens. On sait que, depuis la loi qu’avait fait voter César lors de son consulat de 59 95, les vétérans de Pompée devaient recevoir des lots de terres comme récompense de leurs services. Y avait-il des colonies de vétérans pompéiens en Espagne fondées durant la période 5949 ? A. Garcia Gallo avait étudié la question de la colonisation de Valentia 96 ; une colonie de vétérans pompéiens aurait été installée dans la même cité qui accueillit auparavant des soldats de Sertorius. C’est l’un des seuls exemples qui nous permettent de considérer l’éventualité qu’il y eût des colonies pompéiennes en Espagne. 97 Un autre élément pourrait nous renseigner au sujet de la présence de vétérans pompéiens en Espagne : la question de la Legio Vernacula 98 évoquée essentiellement par César dans 94 « … Sous mes ordres, liés par le serment militaire, se sont trouvés cinquante mille citoyens romains. Sur ce nombre, j’en ai installé dans des colonies ou renvoyé dans leurs municipes à la fin de leur temps de service un peu plus de trente mille. A tous, j’ai attribué des terres ou j’ai donné une somme d’argent en récompense des services accomplis… » Res Gestae Diui Augusti I, 3. [trad. pers.] 95 Dion Cassius, 38, 1-7. 96 Garcia-Gallo, 1978. P. 349-364. 97 On peut aussi envisager, non sans quelques réserves, le cas de la colonie Gemella Acci. J.M. Santero (Santero ,1972. p. 203-222) avait émis l’hypothèse que cette colonie, originellement destinée à des vétérans pompéiens, aurait été fondée par César en 45 et non par Auguste. Elle aurait accueilli des vétérans de la legio prima vernacula et de la legio secunda. 98 Cf. B.C., 1, 37-55 et 59-87. Le point intéressant dans le cas de cette légion est celui de la constitution de ses effectifs. S’agissait-il de Romains, de Latins ou de pérégrins tributaires de Rome ? Selon Mommsen (Mommsen, 1907. p. 13 et suivantes) l’expression concernait sans doute des troupes recrutées parmi les 29 le Bellum Ciuile 99. Comme nous l’avons évoqué, en cas de besoin, il était possible que des vétérans déjà lotis fussent levés à nouveau pour servir. On dispose d’un autre exemple contemporain avec lequel on pourrait faire un rapprochement au sujet des légions que Pompée assemblait en Epire : … unam ex Cilicia veteranam, quam factam ex duabus gemellam appellabat ; unam ex Creta et Macedonia ex veteranis militibus, qui dimissi a superioribus imperatoribus in his provinciis consederant. 100 Les vétérans une fois lotis pouvaient donc être levés à nouveau par les généraux dont ils constituaient une clientèle et éventuellement une armée privée que l’on pouvait recruter au besoin 101. Cette légion Vernacula, probablement levée par Varron au début de l’année 49, quitta le camp pompéien pour celui de César, qui la récompensa en lui permettant de retrouver sa liberté ; le passage qui nous renseigne à ce sujet se trouve à la fin du premier livre du Bellum Ciuile 102. Après la capitulation des lieutenants de Pompée, Afranius et de Petreius, aux lendemains d’Ilerda, César offre aux troupes des vaincus d’être libérés de leurs obligations : populations indigènes qui auraient pu recevoir en récompense de leurs services le droit de cité. Ce qui nous permet donc de nous poser la question de l’octroi d’un privilège particulièrement important. Si l’on considère les remous provoqués par le procès de Balbus concernant son octroi de la citoyenneté par Pompée (cf. Cicéron, Pro Balbo), la chose ne paraissait guère aisée en 56-54 malgré la loi qui permettait à Pompée d’octroyer la citoyenneté dans le contexte de la guerre contre Sertorius. On peut supposer qu’étant donné la situation politique de la guerre civile dans les provinces espagnoles, des promesses d’octroi de droit de cité on pu être faites et tenues en cas de victoire, du camp pompéien dans le cas de la légion Vernacula sous le commandement de Varron. Selon Smith (Smith R.E., Service in the post-Marian Army, Manchester, 1958 p. 110-129), il pourrait s’agir d’un recrutement parmi les fils de légionnaires et de femmes indigènes ces dernières ne possédant pas la citoyenneté, à l’époque du moins. A. T. Fear (Fear, 1991, p. 809-821) considère cet argument infondé. En effet, l’existence d’une légion composée d’indigènes probablement, voire d’individus de condition servile, lui paraît inconcevable. J.M. Roldan (Roldan, 1974a, p.209-211 ; Roldan, 1974b, p. 457-471) envisage qu’il puisse s’agir d’une légion unique de citoyen romains d’Espagne, laquelle ne porterait pas de numéro contrairement à la légion V Alaudae, certes plus tardive mais qui porte un numéro et n’est pas appelée Vernacula. Ce cas, exceptionnel pour l’époque, peut nous donner des indices concernant les statuts juridiques des différentes populations déjà installées et sur leurs rapports entre elles, ainsi que sur une estimation du nombre de citoyens romains installé dans les provinces espagnoles (cf. Wilson, 1966. pp 182 et suivantes et surtout Brunt, 1971, p. 248 et suivantes). 99 Caes., B.C., II, 20, 4. 100 « … une [venait] de Cilicie, constituée de vétérans, et qu’on appelait Gemella, parce que formée à partir (des restes) de deux légions ; l’une de Crète et l’autre de Macédoine, constituées de vétérans que les généraux précédents avaient licenciés et établis dans les provinces… » (Caes., B.C., III, 4) [trad. pers.] 101 Roldan , 1972, p. 79-123 ; Smith, 1958, p. 54 et suivantes ; P. Le Roux, 1989, p. 47-52. 102 Caes., B.C., I, 84-87. 30 Id vero militibus fuit pergratum et iucundum, ut ex ipsa significatione cognosci potuit, ut, qui aliquid iusti incommodi exspectauissent, ultro praemium missionis ferrent. Nam cum de loco et tempore eius rei controuersia inferretur, et uoce et manibus uniuersi ex uallo, ubi constiterant, significare coeperunt, ut statim dimitterentur, neque omni interposita fide firmum esse posse, si in aliud tempus differretur. Paucis cum esset in utramque partem uerbis disputatum, res huc deducitur, ut ei, qui habeant domicilium aut possessionem in Hispania, statim, reliqui ad Varum flumen dimittantur ; ne quid eis noceatur, neu quis invitus sacramentum dicere cogatur, a Caesare cauetur. 103 Ce passage n’indique pas précisément quelle était l’origine des soldats qui furent démobilisés. S’ils disposaient de « domiciles » ou de « propriétés » en Espagne, peut-être s’agissait-il, effectivement, de vétérans pompéiens installés au cours des années 55-49 av. J.-C.. Il aurait pu s’agir des vétérans démobilisés après les campagnes asiatiques qui reçurent des lotissements suite aux mesures césariennes de 59. L’utilisation du domicilium aut possessionem impliquerait que les soldats recrutés par les Pompéiens soient liés d’une certaine façon à la province. Rien ne semble véritablement indiquer qu’il s’agisse de vétérans déjà installés par Pompée via ses légats dans les années 55-49 av. J.C.. Bien que l’hypothèse soit séduisante, on ne dispose guère d’éléments déterminants concernant des déductions coloniales entreprises par Pompée. On sait toutefois qu’il était possible, en cas de tumultus, de lever des troupes de toute urgence ; ce fut sans doute le cas durant les préparatifs de 49 avant l’arrivée de César. On peut citer, en outre, l’exemple présent dans la Lex Coloniae Genetiuae, charte de fondation d’Urso dont nous étudierons quelques passages dans le second chapitre, qui précise que les duumviri en charge dans la colonie ont le droit de lever des colons établis sur le site 104, les colons étant composés de vétérans. Peu après Ilerda, Q. Cassius 103 « Ce discours fut très agréable aux soldats, comme il parut à la joie qu'ils témoignèrent: ils s'attendaient à quelque juste châtiment, et, ils recevaient leur congé comme une sorte de récompense. Aussi, comme on agitait la question du lieu et de l'époque du licenciement, tous, du rempart où ils étaient alors, demandèrent de la voix et du geste qu'il se fît sur-le-champ; si on le différait, aucun serment n'en assurerait l'exécution. Après quelques paroles échangées sur ce sujet, on convient que ceux qui ont leur domicile ou des propriétés en Espagne seront licenciés à l'instant, les autres sur les bords du Var. Il est stipulé qu'il ne leur sera fait aucun tort, et que nul ne sera forcé de prêter le serment militaire à César. » (Caes., B.C., I, 86). 104 Les duumviri, magistrats suprêmes dans les colonies comparables aux consuls de Rome (Curchin, 1990, p. 6 et suivantes), disposent du pouvoir de lever des troupes comme il est stipulé dans le chapitre 103 de la 31 Longinus fut nommé propréteur. Il dut lever une légion facta ex colonis in his regionibus 105. Qui donc pouvaient être ces colons présents en Espagne ? S’agissait-il de colons installés par César au cours de son premier passage en 49. C’est fort peu probable parce que si une première tentative de colonisation fut entreprise alors, elle ne put, de toute évidence, être achevé en 48, surtout étant donné le contexte politique durant le gouvernement de Q. Cassius Longinus. On a, à maintes reprises, avancé l’hypothèse qu’il ait pu s’agir de pérégrins 106. La question des richesses minières espagnoles qui motivaient à la fois la mobilisation d’importantes forces pompéiennes et l’intervention de César méritent un développement plus approfondie sur lequel nous reviendrons par la suite. 2. Stratégie de César en attaquant l’Espagne. Quelles étaient les intentions de César en se dirigeant vers la péninsule ibérique ? César revenait de Rome en passant par Marseille dont il avait confié le siège à ses lieutenants D. Brutus et C. Trebonius 107. On sait que César devait faire face à une situation délicate ; le manque d’argent pour payer ses troupes 108. Pompée était dans le Lex Coloniae Genetiuae : … uti tribuno militum populi Romani in exercitu populi Romani est…(…avec les même pouvoirs qu’un tribun militaire dans l’armée du peuple romain…). Au chapitre 62, on trouve la mention précisant ceci : [...] Quos quisque eo | rum ita scribas lictores accensos uiatorem | tibicinem haruspicem praeconem habebit, inuitum | militem facito neue fieri iubeto neue eum | cogito neue ius iurandum adigito neue a- | digi iubeto neue sacramento rogato neue | rogari iubeto, nisi tumultus Italici Gallici- | ue causa. Eisque merces in eos sing(ulos), qui Iiui- | ris apparebunt, tanta esto [...]| <itque> iis s(ine) f(raude) s(ua) kapere liceto. | uacat (« […] Parmi ce nombre ils pourront employer ceux qui seront colons dans la colonie. […] Ceux que chacun d’eux aura comme greffier, licteurs, appariteurs, messager officiel, joueur de flûte, haruspice, héraut, qu’on ne le fasse pas soldat contre son gré ou qu’on n’ordonne pas qu’il le soit ou qu’on ne l’y contraigne pas, ou qu’on ne le contraigne pas à prêter le serment militaire, ou qu’on n’ordonne pas de l’y contraindre, ou qu’on ne lui demande pas le serment, ou qu’on n’ordonne pas qu’il lui soit demandé, sauf en cas de soulèvement soudain italien ou gaulois. Et pour chacun de ceux qui seront au service des duumvirs, que leur salaire soit de tant: [...] et, ce, sans qu’ils ne soient accusés de fraude ) [trad. pers. d’après l’édition du texte dans Crawford, 1996]. 105 Pseudo Caes., Bell. Hisp., 7, 4. 106 Comme l’ont démontré R. E. Smith (Cf. supra), E. Gabba (Gabba, 1970,p. 133-135) ou J.M.Roldan (Roldan, 1974, p.457-471 ; Roldan, 1972.p.79-123). 107 Caes., B.C., I, 36, 4. 108 Dion Cassius, XLI, 17, au sujet du tribun Metellus qui s’opposait à la confiscation du trésor public du temple de Saturne par César. Peu avant, Dion Cassius nous rapporte ceci au sujet de Pompée : « Il fit décréter aussi qu'il emporterait le trésor public et toutes les offrandes déposées dans les temples, espérant s'en servir pour lever des troupes considérables. » (XLI, 6). Pourtant Pompée d’eut pas le temps de prélever ces fonds avant de quitter l’Italie. 32 même cas. L’auteur du Bellum Ciuile, principale source concernant cet épisode de la guerre civile, laisse entendre que les provinces espagnoles, et surtout l’Ulterior, étaient favorables au camp césarien. On dispose de peu de données dans les autres sources littéraires concernant les penchants politiques de la province pour un camp ou pour un autre, du moins au début de l’année 49. Comme on a pu le voir précédemment, Pompée y avait fortifié ses positions. S’agissait-il véritablement pour César, selon les propos que lui attribue Suétone 109 de « vaincre une armée sans général pour vaincre un général sans armée » ? Plusieurs éléments pourraient nous laisser penser que d’autres données entrent en compte. En effet, César semblait, depuis son passage à Rome, manquer de moyens financiers. Comment donc payer des troupes, et financer une campagne, qui plus est menée contre les élites de la Ville ? A Rome, César pouvait s’appuyer sur une moitié du Sénat, et une partie des publicains qui étaient traditionnellement proches de la ligne de conduite des populares. Toutefois ces sommes contrebalançaient-elles celles qu’avait rassemblées Pompée avant de partir en Épire puis en faisant appel à ses clientèles étrangères ? César devait trouver d’autres richesses en numéraires ; la péninsule ibérique était sans doute l’un des lieux les plus prometteurs de ce point de vue. 109 Diu.Iul. XXXIV, 3. 33 La seconde guerre civile : 49-44 av. J.-C. [carte extraite de L. Canfora, Jules César, Paris, 2001. p. 165] En premier lieu, César envoya en Espagne C. Fabius, son légat, depuis Narbo pour occuper le passage des Pyrénées, afin sans doute d’éviter les embuscades. Pendant ce temps M. Petreius, qui avait eu le temps de recruter des troupes parmi les Lusitaniens, était remonté d’Ulterior pour rejoindre Afranius et affronter César. Varron restait dans le sud afin de sécuriser, comme on l’a vu, les levées de numéraires, de métaux précieux et de blé. Afranius et Petreius avaient pour objectif de tenir la ville d’Ilerda, qui constituait un point stratégique au croisement des réseaux de communications ; ce point permettait de contrôler, à la fois, les voies vers la vallée de l’Èbre 110 et aussi le passage des Pyrénées 111. Après un affrontement entre Fabius et les Pompéiens près de la rivière Sicoris sur laquelle les Césariens tentaient d’établir un pont, une rumeur commençait à circuler dans les deux camps ; Pompée marchait, traversant l’Afrique du nord, pour rejoindre l’Espagne 112. 110 Sillières, 1990, p. 110 et suivantes. Caes., B.C., I, 61, 3. 112 Caes., B.C., I, 39 ; 41,6. 111 34 Les premières escarmouches contre les Pompéiens se soldèrent par un avantage pour ces derniers comme ils purent l’annoncer dans leurs correspondances avec leurs relations à Rome 113. A ce moment, pour le moins en Hispania Citerior, les réseaux clientélaires pompéiens demeuraient forts, l’avantage était contre César. Pendant ce temps, selon César, notre principale source contemporaine des évènements, Varron imposait lourdement les cités d’Ulterior, et plus durement encore celles qu’il jugeait favorable à César 114. Il fit également prêter solennellement serment de fidélité à Pompée par toute la province 115 ce qui constituait une innovation d’un point de vue des pratiques. On ne peut que penser au serment qu’Octave se fit prêter par l’Italie. 116 Toujours est-il que la victoire de César à Ilerda, le 26 juin 49 117 provoqua une tentative de repli d’Afranius et de Petreius vers Octogesa. 118 César bloqua le mouvement pour les empêcher de se replier au sud de l’Èbre 119 ; ils revinrent ainsi dans leur camp d’Ilerda120. César ne disposait pas de suffisamment de troupes pour poursuivre les combats contre les Pompéiens ; il disposait de deux légions contre sept. 121 Il avait donc tout intérêt à provoquer une capitulation pour faire cesser les combats comme il le fît en provoquant des défections dans le camp pompéien 122, contrairement à ce que l’on peut lire dans ce passage du Bellum Ciuile qui justifie bien autrement la prudence de l’Imperator : Caesar in eam spem uenerat, se sine pugna et sine uulnere suorum rem conficere posse, quod re frumentaria aduersarios interclusisset. Cur etiam secundo proelio aliquos ex suis amitteret? cur uulnerari pateretur optime de se meritos milites? cur denique fortunam periclitaretur ?... 123 Cic., Ad Fam., sur la période d’avril à juin 49. Thouvenot, 1940, p. 140-142 ; Frank, 1959, p. 138-143 ; Brunt, 1971. p. 230 et suivantes. 115 Caes., B.C., I, 39, 3. 116 Res Gestae Diui Augusti, V, 25. L’expression employée est iurare in uerba pour désigner le serment 117 Caes., B.C., I, 43-47. 118 Caes., B.C., I, 63, 3. 119 Caes., B.C., I, 68-77. 120 Caes., B.C., I, 78. 121 Voir Brunt, 1971. p. 474-475. 122 Caes., B.C., I, 84 ; Liv., Per. 110 ; Plut., Caes., 36, 2 ; Luc., IV, 337-340. 123 « César se flattait de pouvoir terminer l'affaire sans combat et sans exposer ses troupes, en coupant les vivres à l'ennemi. Pourquoi acheter même une victoire au prix du sang de quelques-uns des siens? Pourquoi exposer aux blessures des soldats qui avaient si bien mérité de lui? Pourquoi enfin tenter la fortune, alors que le devoir d'un général est de vaincre par la prudence aussi bien que par l'épée ? ... » Caes., B.C., I, 72, 1-2. 113 114 35 César avait sans doute compris la stratégie de Varron qui voulait éviter une bataille en rase campagne 124. Ce dernier décida de rétrograder sur Gadès et de s’y installer avec ses deux légions. Il avait visiblement tout intérêt à achever de rassembler les ravitaillements en blé et en argent, sans doute attendus par Pompée : Cognitis eis rebus, quae sunt gestae in citeriore Hispania, bellum parabat. Ratio autem haec erat belli, ut se cum II legionibus Gades conferret, naves frumentumque omne ibi contineret; prouinciam enim omnem Caesaris rebus favere cognouerat. In insula frumento nauibusque comparatis bellum duci non difficile existimabat. Caesar, etsi multis necessariisque rebus in Italiam reuocabatur, tamen constituerat nullam partem belli in Hispaniis relinquere, quod magna esse Pompei beneficia et magnas clientelas in citeriore prouincia sciebat. 125 Cependant, contrairement à ce qu’affirme l’auteur, Varron avait tout intérêt autant à faire parvenir les ravitaillements rapidement par mer à Pompée, qu’à retenir César en Espagne. Après la capitulation des lieutenants de Pompée, César décida de démobiliser une partie de leurs troupes 126. Sans doute peut-on supposer qu’une partie de ces troupes fut assignée dans les colonies césariennes fondées en Narbonnaise. 127 En effet, on peut penser que César n’avait aucun intérêt à laisser ces soldats livrés à eux-même sur un territoire qu’il cherchait à gagner à sa cause. En leur accordant des terres, sans doute moins importantes que celles de ses propres vétérans, il s’assurait ainsi de la pacification de la zone. Il pouvait comme nous l’avons évoqué précédemment soit de troupes pompéiennes déjà établies en Espagne soit de troupes qui restaient à lotir. Il semble peu probable que ces troupes à lotir dans le Var aient été recrutées dans les provinces 124 Harmand, 1970, p. 180 et suivantes. « Ayant appris ce qui s'était passé en Espagne citérieure, il se prépara à la guerre. Son plan était de s'enfermer dans Gadès avec ses deux légions, ses vaisseaux et tous ses vivres, parce qu'il avait reconnu que la province entière était dans les intérêts de César. Il comptait que dans cette île il lui serait aisé, avec ses vaisseaux et ses provisions, de traîner la guerre en longueur. » Caes., B.C., II, 18. 126 Cf. supra : La réception du discours rapportée par César dans le Bellum Ciuile (Caes., B.C., I, 86), peu après la capitulation des Pompéiens. 127 Benoît, XXXII, p.287-303. Au sujet de la fondation de la colonie d'Arles en 46, sur l'ordre de César, et qui intensifia la romanisation de la province. Il arrivait vraisemblablement que plusieurs années se passent entre le moment de l’installation des vétérans sur un territoire et la fondation juridique de la colonie. 125 36 espagnoles, sinon il n’y aurait aucune raison de les déplacer. En revanche, il aurait également pu s’agir de vétérans pompéiens qui attendaient d’être lotis, tout comme les vétérans césariens qui se mutinèrent à Plaisance 128 ou encore ceux de la Xème légion. 129 César, à la tête de deux légions et de 600 cavaliers se lança vers Cordoue ; il y convoqua les magistrats et les notables de toutes les cités. L’assemblée des citoyens romains de la région, le conuentus, ferma ses portes aux émissaires de Varron, retint deux cohortes des milices que la province entretenait pour la police, laquelle était de passage 130, et se prépara à résister aux pompéiens. Le mouvement gagna bientôt le Sud : la ville forte de Carmo expulsa les trois cohortes qui occupaient sa citadelle 131. Varron craignant d’être coupé de ses bases, se hâta alors par la rive droite du Baetis vers Gadès ; mais les notables s’entendirent avec les tribuns commandant les six cohortes et forcèrent Gallonius à évacuer la ville. C’est alors que se déroule l’épisode de la trahison de la Legio Vernacula, qui, sous les yeux mêmes de Varron, quitta son camp pour entrer dans la ville d’Hispalis. La flotte de dix galères 132 que faisait construire Varron se trouvait par ailleurs à Hispalis. Dont la situation géostratégique, la rendait sûre comme nous le verrons par la suite durant le gouvernement de Q. Cassius Longinus. Au fur et à mesure la province devenait de plus en plus favorable à César. Varron se trouva alors rejeté sur Italica mais elle lui ferma également ses portes. A la tête de sa dernière légion, il ne lui restait plus d’autre choix que de se rendre, ce qu’il fit. Il remit à César l’état de sa caisse, de ses approvisionnements et de sa flotte 133 Pendant la guerre d’Alexandrie, Antoine, en tant que Magister Equitum du dictateur, était chargé de garder Rome et l’Italie. Il dut alors faire face aux nombreux problèmes sociaux et économiques romains qui s’étaient accumulés depuis, notamment la question des vétérans qui attendaient en Campanie et qui réclamaient leur dû. (Dion Cassius, XLI, 26-35). 129 La mutinerie était conduite par les vétérans de cette légion pourtant particulièrement attachée à leur imperator. Ils marchèrent sur Rome et campèrent sur le Champ de Mars. César, rentré depuis peu, les rencontra et leur tint un discours, reconstitué par Appien (App., G. C., II, 93 ; Plut., Caes., 56), qui les apaisa par un habile stratagème rhétorique, et leur fit de nouvelles promesses qu’il tiendrait après les « honneurs des triomphes ». Cet épisode nous montre combien il devenait pressant pour César de trouver une solution à la question du lotissement. 130 Caes., B.C., II, 19. 131 Caes., B.C., II, 19, 4. 132 Caes., B.C., II, 18. 133 Caes., B.C., II, 20. 128 37 Les provinces espagnoles étaient alors soumises, en théorie du moins, à César. Il acheva de les pacifier, si l’on en croit le Bellum Ciuile, en remettant une partie des contributions et les amendes dont Varron l’avait frappée. Il semblait donc que César fut pressé de mettre fin à la campagne. Il avait tout intérêt à s’emparer rapidement des richesses de la péninsule avant qu’elles prennent la mer. On peut penser que s’il se dirigea vers l’Espagne plutôt que vers l’Orient, c’était afin de s’assurer du contrôle d’une province dont les richesses, minières entre autres, étaient fort bien connues. B. Q. Cassius Longinus et la gestion des ressources naturelles en Espagne. Une fois les Pompéiens vaincus, comment César prévoyait-il de contrôler la province ? Semblait-il logique de profiter des ressources naturelles de la péninsule ? Quelles étaient ces richesses minières ? Cassius Longinus, qui s’est vu confier la charge de propréteur en Ulterior, était-il chargé d’exploiter ces ressources pour le compte de César ? 1. Les richesses minières de la péninsule Ibérique au Ier siècle av. J.-C.. La principale production métallifère qui intéressait les belligérants en temps de guerre était essentiellement l’argent. Ce métal permettait depuis l’époque hellénistique de payer les soldes des troupes. Nous nous intéresserons donc, dans le cadre de cette étude, à l’extraction de ce métal qui joue un rôle économique de taille dans le contexte de la crise de la guerre civile. En faisant converger deux types de données, littéraires 134 et archéologiques, Cl. Domergue 135 est parvenu à établir une liste des sites miniers et métallurgiques dont on peut être sûr. Ces exploitations sont concentrées essentiellement dans la Sierra Morena et le Sud-Est. Leur nombre dans ces deux régions est respectivement de trente huit et de sept. Il est nécessaire de préciser que les fonderies étaient situées le plus souvent dans le voisinage immédiat des mines exploitées. Des villages miniers complétaient le plus souvent les complexes d’exploitation 136. Concernant les sources littéraires, Strabon 137 précise que l’activité minière s’étendait à ce que Domergue nomme le « croissant métallifère » de la péninsule, partant du sud-est, 134 Essentiellement Diodore de Sicile (vers 60-30 av. J.-C.), Posidonius (135-50 av. J.-C.) dont on a quelques informations à travers les écrits de Strabon, Asclépiade de Myrlea (Ier siècle av. J.-C. ; il travailla en Espagne) et surtout Strabon (63 av. J.-C. - 30 ap. J.-C.), permettent d’esquisser la géographie minière de la péninsule ibérique à l’époque qui nous intéresse et au début de l’Empire. 135 Au sujet de la géographie minière de l’Espagne à l’époque républicaine ; Domergue, 1988. p. 189-196. 136 On peut trouver un exemple d’organisation d’un village minier dans : Domergue, 1967. p. 29-50. 137 Strabon, III, 2, 10 ; III, 4, 6. 39 vers le nord-ouest, en passant par la pointe Sud-Ouest. En effet, Strabon nous décrit des mines d’argent de Carthago Noua, des mines d’or et de cuivre de la Sierra Morena, des richesses métallifères que renferment les montagnes entre le Baetis et l’Anas, de l’or des fleuves lusitaniens, de l’étain du nord-ouest où l’on trouve aussi de l’électrum, de l’argent et même du plomb. Il faut toutefois distinguer les régions méridionales, la Turdétanie, du reste de la péninsule. Sur la Turdétanie et le Sud-est en effet, les informations sont relativement précises : Strabon situait assez précisément les mines d’argent de Carthago Noua 138, ainsi qu’au Nord du Baetis, celles de la Sierra Morena. 139 Certaines localisations sont plus précises comme celles concernant les mines d’argent près d’Ilipa, de Sisapo et de Castulo, au voisinage de laquelle se trouvent aussi des mines de plomb 140, tandis qu’à Cotinae on trouve des complexes d’extraction de cuivre et d’or 141. Les techniques d’extraction de l’or sont également et précisément décrites par le géographe. 142 Ces descriptions sont précises dans le territoire environnant le Baetis, au-delà, les informations deviennent plus vagues ; ce qui peut s’expliquer par le fait que la Sierra Morena était bien connue comparée aux régions plus centrales de la péninsule et hors de contrôle romain jusqu’à Auguste. Les résultats archéologiques 143 nous apprennent que la plupart des districts miniers exploités au milieu du Ier siècle sont des gisements de plomb et d’argent. Le plus souvent ce minerai se présente sous la forme d’une galène 144 argentifère qui contient à la fois de l’argent et du plomb. Dans les mines du Sud-Ouest, en revanche, les conditions de gisement de l’argent sont particulières 145 et nécessitaient sans doute plus de plomb qu’en renfermaient les gisements. Le nombre de gîtes de galène argentifère exploités à l’époque qui nous intéresse suggère qu’ils produisirent d’importantes quantités d’argent et de plomb. On peut en dénombrer vingt huit dans la Sierra Morena parmi la liste donnée par Domergue 146 et six dans le Sud-Est. L’essentiel des mines et fonderies d’argent et de plomb se situe donc au cœur de la Sierra Morena, au nord de la colonie césarienne Ibid., III, 2, 10 Ibid., III, 2, 3 140 Ibid.,III, 2, 10-11 141 Ibid., III, 2, 3 142 Ibid., III, 2, 8. 143 Blazquez, 1978. p. 18-21 ; p. 72-76 ; Domergue, 1988. p. 180 et suivantes 144 La galène est constituée de sulfure naturel de plomb décrit d’ailleurs par Pline l’Ancien (Livre XXXIV, 49) comme étant du « plomb noir » dont est extrait l’argent contrairement au plomb blanc qui est, cependant fort utile pour le soudage. 145 Domergue, 1988. p. 54-58. 146 Domergue, 1988. p. 190-191. 138 139 40 d’Hispalis et du long du Baetis, l’actuel Guadalquivir. Dans le sud-est, les mines les plus importantes sont sans conteste celles de Carthago Noua, dont le site accueillit d’ailleurs également une colonie césarienne 147. Polybe qui les avait sans doute visitées vers 151 av. J.-C., donne quelques indications chiffrées : une zone minière de plus de 70 km de tour, une masse de 40 000 travailleurs et un revenu journalier de 25000 drachmes pour l’état romain. 148 Il reste cependant difficile d’estimer ce que fut la production réelle des importants sites de la Sierra Morena et du Sud-Est. La richesse même du minerai qui pouvait dépasser les 5 kg d’argent par tonne de plomb 149 justifiait non seulement d’importants travaux d’aménagement des complexes miniers mais également leur contrôle dans une situation économique de crise, comme ce fut le cas pour la période de 49 à 45. Rappelons que les fluctuations monétaires furent perturbées par les levées importantes des camps antagonistes. 150 On a pu en apprécier deux exemples auparavant : les levées en numéraires, et, insistons sur ce point, en métal argent par Varron ainsi que les « exactions » organisées par Cassius et fort probablement décidées par César dont la véracité du récit peut être mis en doute étant donné ces informations. Certains types de données archéologiques nous renseignent également au sujet des exploitations métallifères ; il s’agit des échantillonnages de lingots, des saumons, qui furent retrouvés dans des épaves romaines. 151 Domergue a publié plusieurs études au sujet des ces éléments qui éclairent considérablement la question du commerce et du transport des métaux depuis la péninsule jusqu'aux centres d’échanges de la Méditerranée. 152 147 On pense que la fondation de Carthago Noua, comme nous le verrons un peu plus loin, fut décidée par César et entamée par Lépide soit au cours de sa promagistrature de 48-47av J.-C. en Hispania Citerior, soit en 43. Elle ne fut sans doute pas achevée avant 44-42 av. J.-C.. On peut voir à ce sujet : Garcia y Bellido, 1959. p. 470-472. 148 Strabon, 3, 2, 10. Voir à ce sujet : Walbank, 1979. p. 296. Blaquez, 1978. p. 23-24. Dans cette dernière étude, on trouvera un tableau établi d’après les données trouvées dans Tite-Live. Ce tableau fait état des quantités de métaux extraits dans la péninsule (or, argent et deniers transformés à partir des métaux extraits) entre 206, date de la fondation d’Italica, et 168 av. J.-C.. 149 Domergue, 1988, p. 71-74. 150 Frank, 1959, p. 37-49. 151 Plusieurs résultats concernant les lingots retrouvés dans les épaves du premier siècle av. J.-C. et du premier siècle de notre ère. On peut citer par exemple : Veny/Cerda, 1972. p. 299-310 ; Veny, 1979. p. 465-479 ; Domergue/Guerrero Ayuso, 1986. p. 31-80. 152 Domergue, 1994, p. 82-88 ; Domergue, 1998. p. 201-215. 41 Carte des zones de productions minières de Bétique à la fin du Ier siècle av. J.C..,[carte extraite de l’article de Cl. Domergue « External Commerce based on the Metal Trade » p. 205 dans Fear, 1996.] Les métaux provenant des zones minières au nord du Baetis étaient acheminés par voie fluviale vers Hispalis (Strabon, III, 3, 4). Les zones exploitées dans cette région étaient les suivantes : 1, Linares-La Carolina (plomb/argent) ; 2, Andujar-Montoro (cuivre) ; 3, Alcuda (plomb/argent) ; 4, Pedro-ches (cuivre, plomb/argent) ; 5, Corduba (cuivre) ; 6, Posadas (plomb/argent) ; 7, La Serena (plomb/argent) ; 8, Azuaga-Fuenteovejuna (plomb/argent, cuivre) ; 9, Hispalis (plomb/argent, cuivre, fer) ; 10, Aznalcollar (cuivre). 42 Sur cette carte des zones minières de la Sierra Morena Orientale en exploitation au Ier siècle av. J.-C., au nord-est d’Hispalis 153, on remarque que les municipes romains se trouvent à proximité des principales zones minières. Les municipes représentés sur cette carte sont les suivants : 1, Escoriales ; 2, Huerta del Gato ; 3, Salas de Galiarda ; 4, Cerro del Plomo ; 5, Virgen de la Encina ; 6, Guarroman ; 7, Cerro de las Mancebas ; 8, La Cruz ; 9, Arrayanes ; 10, Palazuelos ; 11, San Julian ; 12, Fuente Spys ; 13, La Laguna. Bien que les municipes ne concernent pas directement notre problématique, on peut remarquer que leur proximité avec les zones minières souligne bien l’intérêt que représentaient les complexes miniers dans l’installation d’infrastructures romaines. Plus précisément, on constate sur ce schéma que les fonderies se trouvent pour la plupart à proximité immédiate de ces mêmes municipes, alors que les puits se trouvent à distance plus importante. On peut donc supposer que le schéma de transfert des ressources en lingots était le suivant : les galènes étaient transformées dans les fonderies implantées au cœur des complexes miniers ayant pour centre les municipes, puis étaient fondus sous forme de lingots après qu’on en eut extrait les masses métallifères. Une fois les lingots fondus, ils étaient acheminés vers le centre urbain le plus proche, à l’époque tardo153 Almudena Orejas, 1999. dossier I sur les mines de la Sierra Morena Orientale. 43 républicaine il s’agissait sans doute de colonies dont les zones environnantes étaient fortement sécurisées. Hispalis offrait de ce point de vue un centre tout à fait privilégié, ce qui est attesté pour l’époque impériale. 154 En effet, Strabon nous dit à ce sujet que cette cité était un grand centre de commerce qui avait reçu, sans doute à l’époque augustéenne, une nouvelle colonie de vétérans 155, une première étant probablement fondée à l’époque césarienne au plus tôt. Une fois les lingots acheminés à Hispalis, ils étaient chargés sur des embarcations confiées à des mercatores qui naviguaient par voie fluviale, sur des navires (navicularius) de moyen tonnage. Ceux-ci déchargaient leurs cargaisons sur des navires de haute mer stationnés à l’intérieur du Lacus Ligustinus 156. Ces métaux sous forme de lingots étaient ensuite acheminés vers Rome ou d’autres centres d’échanges commerciaux comme Massilia 157. Strabon, dans sa description des richesses minières, évoque également l’or en roche et l’or alluvial de Turdétanie 158. Cependant, mis à part la région du Rio Tinto, où l’on a découvert des gisements dont les niveaux supérieurs seraient riches en métaux nobles (or et argent) 159, on n’a pas, pour l’instant, de preuves qu’à la fin de la République, le sud de la péninsule ait produit beaucoup d’or. En revanche, dans le Nord-Ouest, il semble que l’existence de gisements aurifères soit prouvée 160 au début de l’Empire, ce qui justifiait sans doute la guerre d’Auguste contre les Cantabres. En revanche, il semble peu probable que tous les gîtes métallifères du Sud-Ouest de la péninsule aient été exploités à la fin de la République, bien que dans la région du Rio Tinto, l’exploitation de métaux nobles et donc de cuivre, soit attestée depuis la fin du IIème siècle av. J.-C. 161 Parmi les principaux témoignages sur les métaux extraits et transformés en Espagne à l’époque républicaine, qu’ils soient d’ordre historique, archéologique ou épigraphique, 154 Fear, 1996, p. 67-68. Strabon, III, 2, 1. 156 La question du Lacus Ligustinus est particulièrement éclairante du point de vue environnemental. Strabon indiquait dans son inventaire géographique que la cité d’Hispalis se trouvait à forte proximité d’une zone portuaire. Il précise (III, 2, 3) que la rivière du Baetis est « navigable pour des navires marchands de taille considérable, sur une distance de pas moins de cinq cents stades ; pour les cités plus au nord comme Ilipa, de plus petits navires marchands » peuvent s’y rendre. Actuellement, ce territoire au sud de Séville est comblé. Ce n’est que depuis une trentaine d’année avec les premières études géoarchéologiques de l’estuaire que l’on a perçu l’ampleur de la zone comblée de ce que l’on appelle las marismas du bas guadalquivir. Citons les principales études archéologiques : Arteaga. Schultz, Roos , 1995. p. 99-135; Arteaga, Hoffmann, Schubart, Schultz, 1988, p. 107-126 ; Menanteau, 1978. p. 35-72 ; Vanney et Menanteau, 1985 (cartes de l’estuaire établies d’après les études géoarchéologiques). 157 Domergue, 1998. p. 208. 158 Strabon, III, 2, 8. 159 Domergue, 1988. p. 33. 160 Ibid., p.194. 161 Jones, 1980, p. 156-157. 155 44 nous constatons que le plus grand nombre concerne les mines de plomb-argent. Le plomb est un sous-produit extrait du traitement du minerai argentifère, la galène 162, et c’est de toute évidence, d’autant plus dans le contexte tardo-républicain, l’argent, et éventuellement l’or, qu’en priorité les Romains ont recherché dans ces mines. Il apparaît donc que les mines d’Espagne à la fin de la République, ce sont pour l’essentiel, les mines d’argent. Au début de la période augustéenne, la domination romaine s’étendait à toute la péninsule ibérique. Pourtant seules deux régions sont essentiellement exploitées à la fin de la République : le Sud-Est et la Sierra Morena, au nord est d’Hispalis. Deux gisements importants commencent à être traités vers le milieu du Ier siècle av. J.-C. Deux régions, comme nous l’avons vu, sont largement exploitées à la fin de la république : l’une au Riotinto, dans la vallée du bas Baetis, et l’autre à Aljustrel. 163 On peut expliquer le fait que peu de nouveaux gisements aient été exploités par le fait que les soulèvements lusitaniens entre 109 et 99 av. J.-C. puis la guerre sertorienne ait troublé la paix dans la péninsule. L’installation de nouvelles industries minières capables d’exploiter les richesses des sols nécessitait d’importants travaux d’aménagements ; le maintien de la sécurité dans les zones d’exploitations était donc indispensable. Ainsi peut-on expliquer une relative stagnation entre le IIème et le milieu du Ier siècle av. J.-C.164 en raison des affrontements successifs au cours des années 49 à 45 entre autres. Ce n’est qu’au début de l’Empire et la Pax Romana que l’industrie minière va connaître une extraordinaire mise en valeur. En effet, en temps de guerre, les protagonistes cherchaient à prendre contrôle des complexes miniers, le pillage accompagnait souvent l’arrivée des troupes. Les exploitations de ces sites étaient fort probablement ralenties voire stoppées jusqu’à la pacification de la zone. La seconde guerre civile, de 49 à 45 av. J.-C., constitue une importante période de troubles dans le développement de l’exploitation minière de la péninsule. Les provinces de Citérieure et d’Ultérieure sont peu touchées par les révoltes indigènes mais constituent des enjeux au moment de la guerre sertorienne et de la guerre civile. Il semble donc qu’au cours de la période qui nous intéresse, la possession des centres miniers producteurs d’argent et de plomb de la Sierra Morena ait fait l’objet d’âpres luttes 162 Domergue, 1988, p. 190 et suivantes. Domergue, 1983. 164 Domergue, 1988. p. 187-196. 163 45 entre les deux partis. Selon Domergue 165, la destruction du village minier de Diogenes et de la fonderie du Cerro del Plomo à El Centinillo vers le milieu du Ier siècle av. J.-C. 166 serait liée aux affrontements des années 49-45. On peut tenir compte de quelques trésors monétaires enfouis au cours de cette période près des districts miniers 167 ; cet élément important permet d’illustrer concrètement l’enjeu représenté par le contrôle des mines tant pour les Césariens que pour les Pompéiens. Il semble par ailleurs que ces luttes, durant la crise de la guerre civile, aient désolé la partie orientale de la Sierra Morena et mis fin à une importante période d’exploitation à Diogenes, au Centenillo et peut-être même à La Loba. En temps de paix, l’exploitation des zones minières était confiée à des sociétés de publicains 168. Les métaux étant considérés comme des produits du sol, au même titre que les pierres de constructions, le marbre, l’argile, le sable, le sel ou encore les récoltes 169. Lorsque Rome s’empare en 209 av. J.-C. de Carthago Noua 170 le territoire entre dans l’ager publicus, ce que confirme une liste d’agri publici dressée par Cicéron en 63, où sont mentionnés les agri propter Carthaginem Nouam 171. Par ailleurs, on sait par Polybe qu’au milieu du IIème siècle av. J.-C., les mines de Carthago Noua sont la propriété de l’Etat romain 172. Le sol et les mines qu’il renferme ont donc la même condition juridique d’exploitation, du point de vue du droit romain ils sont une seule et même chose. Notons cependant qu’en cas de distribution d’un territoire, un sol contenant des mines n’en fera évidemment pas partie. 165 Domergue, 1988. p. 188. Domergue, 1967. p. 29-50 ; Domergue, 1971. p. 340-343. 167 Selon C. Domergue (Domergue, 1988. p. 188), cinq trésors monétaires peuvent être mis en relation avec la guerre pompéienne. Trois d’entre eux furent trouvés en Espagne et sont datable au plus tard de 46-45 av. J.-C.: El Centenillo (Crawford, 1969. No 385) ; Mentesa (ibid No 386) ; Pozoblanco (de Guadan, 1969. p. 96). Les deux autres furent trouvés au Portugal : Rua et Sendinho da Senora (Crawford, 1969. No 372 et 388). Il est important de noter que ces trésors furent cachés dans les zones minières : au Centenillo (Crawford No 385), près de la mine de los Almadenes del Chaparro Barrenado et à Pozoblanco (de Guadan, 1969. p. 96.). 168 Domergue, 1988. p. 229-240. 169 Girard, 1911. p. 249. 170 Tite-Live, 26, 42-47. 171 Cicéron, De Leg. Agr., 1, 5 ; 2, 51. 172 Strabon, III, 2, 10 : Elles rapportent au peuple romain 25 000 drachmes par jour. 166 46 2. Les exigences de César. Quelle était la mission de Q. Cassius Longinus lorsqu’il se vit confier le gouvernement des Espagnes ? Il avait la charge de préteur ou de propréteur en Espagne Ultérieure 173. Dans les sources littéraires 174 ainsi que dans les études plus évènementielles 175, ce légat de César est fréquemment évoqué en tant que responsable du soulèvement de la province par ses rapines. Toutefois, ne peut-on pas nuancer cette vision en fonction des enjeux environnementaux et économiques que représentait la province ? Q. Cassius Longinus avait sans doute reçu certaines consignes de la part de César 176. On sait qu’il eut pour mission de construire une flotte à Hispalis et de lever des troupes. Il put se voir également confier la charge d’établir des colons, en vertu d’une loi similaire à celle d’Urso. 177 Etant donné qu’il devait sans doute assembler des sommes importantes pour César, il dut dans un premier temps prendre le contrôle des zones minières puis veiller à l’exploitation des mines du Rio Tinto et des zones environnantes. Les revenus de la province semblaient assez importants.178 On n’omettra pas de préciser que César devait financer ses guerres. Les seules autres zones minières exploitées à l’époque sont situées en Orient, notamment en Grèce 179, précisément là où se trouve Pompée jusqu’à Pharsale. Q. Cassius Longinus a provoqué des soulèvements dans la province d’Ultérieure pendant l’absence de César. A lire les sources, principalement le Bellum Alexandrinum, Cassius a commis diverses exactions qui ont provoqué la colère des gouvernés et leur Mentionné en tant que propréteur dans : Caes., B.C., II, 21, 3 ; Bell. Alex., 48, 2 ; et en tant que préteur dans : Tite-Live, Per., 111 ; Ap., Guerre Civile, II, 43 ; Dion Cassius, XLI, 24, 2. 174 Bell. Alex., 48-64 ; Bell. Hisp., 42, 4-5 ; Tite-Live, Per., 111 ; Val. Max., 9, 4, 2 ; Dion Cassius, 42, 1516 ; 43, 29, 1. 175 Selon Carcopino (Carcopino, 1968, p.355), Q. Cassius Longinus serait le frère du futur assassin de César. Selon Gruen, (Gruen, 1974, p.182). Il avait déjà une bonne connaissance de l’Espagne, ayant servi en tant que questeur sous le commandement exceptionnel de Pompée (Cic., ad Att., 6, 6, 4 ; voir aussi Brougton, M.R.R., vol. III, p.52). Il avait, dès cette première magistrature connue en Espagne, été poursuivi pour extorsions (cf. Cic., ad Fam., 15, 14, 4, lettre datée d’Octobre 51). Voir aussi Thouvenot, 1940, p. 142-150 ; Fear, 1996. p. 52-60 ; Richardson, 1996, p. 111-116. 176 Cf Pseudo-Caes., Bell. Alex., IV, 48-64. 177 On pourrait la rapprocher de la Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia de limitibus. Hinrichs (Hinrichs, 1969, p.521) avait démontré qu’on pouvait la dater de 49 av J.C. Il la lie aux distributions de terres entreprises par César à partir du début de la deuxième guerre civile. 178 Comme nous l’avons vu, Varron a pu être capable d’assembler d’une part d’énormes quantités de blé et suffisamment de numéraire pour armer 2 légions (en plus de celles d’Afranius et de Petreius, qui venaient d’être défaites à Ilerda) et 30 cohortes. 179 Justin, Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée, VIII, 12. (trad. : M.P. Arnaud-Lindet). 173 47 ralliement massif aux fils de Pompée. Qu’est-ce qui a bien pu provoquer ce mouvement dans une province traditionnellement. 180 proche de César ? Dans le texte du Bellum Alexandrinum, Cassius est présenté comme le responsable du soulèvement de la province et de son ralliement aux ennemis de César. Ce procédé n’est pas nouveau dans la rhétorique habituelle du corpus césarien : reporter la responsabilité d’un mauvais pas à un subordonné, plus ou moins coupable. On a l’exemple évident de Curion au cours de la guerre d’Afrique avant l’arrivée de César. 181 Q. Cassius Longinus a pu suivre les instructions, probablement fort exigeantes, au vu de la richesse de la province et du contexte de la guerre civile, et provoquer, ce faisant, des mécontentements. Un passage du Bellum Alexandrinum pourrait nous éclairer un peu plus sur les mécontentements provoqués par Cassius : Equitum autem Romanorum dilectum instituit ; quos ex omnibus conuentibus coloniisque conscriptos transmarina militia perterritos ad sacramenti redemptionem uocabat Magnum hoc fuit uectigal, maius tamen creabat odium… 182 Qui pouvaient être les chevaliers 183 concernés par ces levées ? Il pouvait s’agir, fort probablement, de membres de l’ordre équestre chargés de l’affermage des mines, particulièrement fructueux, donc de publicains. Cassius leur permit ainsi d’acheter une exemption de service à prix d’or. On ne peut savoir si Cassius agissait suivant les instructions de César, cependant si l’on suit l’habituelle rhétorique césarienne, Cassius semble par trop coupable pour l’être vraiment. Ce dernier devait donc en théorie préparer une campagne contre le roi Juba de Numidie. Il échappa de justesse à une tentative 180 A en croire les sources plus tardives et donc particulièrement soumises à l’idéologie augustéenne (cf Velleius Paterculus, Suétone, Appien, Plutarque, Dion Cassius). 181 César, B.C., II, 23-44. Selon M. Rambaud (L’Art de la Déformation historique dans les Commentaires de César, Lyon, 1966), L’auteur du Bellum Gallicum a tendance, dans ses récits à rejeter la responsabilité, d’une défaite ou d’un soulèvement sur un de ses subordonnés, ce qui contribue à la propagande césarienne. Toutefois la plupart des chercheurs s’accordent à considérer que Q. Cassius Longinus tient une responsabilité non négligeable dans le soulèvement de l’Ultérieure (voir Gelzer, 1985, p. 218) ou du moins qu’il contribua à précipiter la province exsangue dans le camp pompéien (Harmand, 1970, p. 196 ; Tovar/Blazquez, 1982, p. 135-136 ; Curchin, 1991, p. 49). 182 « D’autre part, il avait fait une levée parmi les chevaliers romains qui, ainsi recensés dans tous leurs établissements et toutes leurs colonies et redoutant par-dessus tout de servir outre mer, sont invités à se racheter du service. Cela représentait un impôt d’importance mais fut cause d’une haine accrue » (PseudoCaes., Bell. Alex., LVI, 4). [trad. pers.] 183 Etant donné le contexte, on peut traduire ici le terme eques par son second sens, à savoir un membre de l’ordre équestre. 48 d’assassina à Corduba. La province se gagnait à la cause pompéienne au fur et à mesure que les relations entre le propréteur et ses gouvernés se dégradaient et que les levées en hommes et en richesse augmentaient. Quel meilleure raison de se soulever contre le camp césarien, malgré l’annonce de la victoire de Pharsale ? Lépide, alors propréteur de Citérieure, dut intervenir ainsi que le roi Bogud de Maurétanie. L’arrivée de Lépide permit, un temps, de rétablir l’ordre à l’intérieur de la province. Une ambassade des provinciaux avertit César qui fit remplacer Cassius par C. Trebonius en tant que proconsul. 184 Cassius s’embarqua à Malaca à la fin de l’automne de 48 et périt dans un naufrage accompagné du fruit de ses rapines. Malgré le remplacement de l’impopulaire Cassius, C. Trebonius ne réussit pas à juguler les soulèvements naissants ; il demeura tant bien que mal jusqu’en 46, date à laquelle les Pompéiens avaient retrouvé provisoirement le contrôle d’une partie de la péninsule. Les Pompéiens, quant à eux, profitèrent du vent de révolte pour regagner ce fief. Le jeune Cnaeus Pompée arriva en Espagne au début de 46, après avoir été retenu aux Baléares. Il fut rejoint par son jeune frère Sextus, Attius Varus ainsi que par le fidèle et redoutable T. Labienus. Les populations indigènes et romano-latines, pressurées par les gouverneurs césariens, furent rapidement gagnées à la cause pompéienne. On ne peut qu’être frappé de la fidélité des Espagnols à la famille de Pompée. Pourtant l’auteur du Bellum Hispaniense présente la chose ainsi : Pompeius in fidem uniuscuiusque ciuitatis confugere coepit. Ita partim precibus partim ui bene magna comparata manu prouinciam uastare. Quibus in rebus non nullae ciuitates sua sponte auxilia mittebant, item non nullae portas contra cludebant. Ex quibus si qua oppida ui ceperat, cum aliquis ex ea ciuitate optime de Cn. Pompeio meritus ciuis esset, propter pecuniae magnitudinem alia qua ei inferebatur causa, ut eo de medio sublato ex eius pecunia latronum largitio fieret. Ita pacis commoda hoste +hortato+ maiores augebantur copiae. +Hoc crebris nuntiis in Italiam depostulabant. missis ciuitates contrariae Pompeio+ auxilia sibi 185 Bell. Alex., 64, 2. « … Pompée tâcha d'attirer les villes à son parti, pour être plus en état de résister. Il eut ainsi, moitié par les prières, moitié par la force, une armée assez considérable avec laquelle il se mit à ravager la province. Dans ces circonstances, quelques villes le secondaient volontiers ; d'autres lui fermaient leurs portes. Si, dans les places qu'il prenait par force, il se trouvait quelque citoyen qui fût riche, alors même qu'il eût rendu 184 185 49 On ne peut pas donner foi, aussi simplement, à la description de l’attitude pompéienne par l’auteur du récit. Comment expliquer la fidélité des cités espagnoles bien après la défaite des Pompéiens à Munda autrement qu’en considérant la fides iberica ou deuotio 186 ? Les Pompéiens, Cn. Pompée et une partie de ses lieutenants, dont Labienus, 187 furent défaits à Munda le 17 mars 45 188. Pourtant Sextus Pompée conserva une certaine influence et put trouver refuge dans le nord de la péninsule. Il fit alors appel aux clientèles de son père 189. Les frappes de monnaies d’argent et leur circulation permettaient de rappeler la présence de la gens 190 et son importance politique. On peut le remarquer sur cette monnaie frappée vers 46-45 191 et retrouvée vers Cordoue. Sur l’envers de cette monnaie on peut distinguer les deux visages de Janus, couronné de lauriers, et sur le revers on trouve l’inscription CN(aeus) MAG(nus). Il s’agit fort probablement d’une frappe des fils de Pompée évoquant leur père défunt. La clientèle pompéienne est donc fort importante et, sans doute, l’une des raisons du ralliement massif des Espagnols aux fils de Pompée. En outre, on n’a pu que constater l’importance économique de la province du point de vue des richesses minières. César, à service à Cn. Pompée, on imaginait un prétexte pour le perdre, et lui enlever son bien, qu'on donnait à des brigands. En gagnant ainsi à peu de frais ses ennemis, il augmentait son armée. Aussi les villes qui lui étaient contraires ne cessaient d'envoyer des messages en Italie pour demander du secours. » Bell. Hisp. 1, 2-5. 186 Adrados F. R., « Fides Iberica », Emerita, 14, 1946, p.128-209 (=Adrados, 1946), cit. Roddaz, 1988. p. 318 et suivantes. 187 Il est sans doute responsable de la difficulté qu’éprouva à César à vaincre ses adversaires. Il trouva la mort au cours des massacres perpétrés par les soldats de César. Bell.Hisp. 31.9; Vell. Pat. 2.54.4. App. G. C., 2.105; Oros. 6.16.8. 188 Bell. Hisp., 31, 8 ; Dion Cassius, XLIII, 35, 4-38, 4. 189 Surtherland, 1987, p. 174. 190 Roddaz, 1988, p. 325. 191 Sydenham, 471 n°1. 50 partir de sa campagne de 49 aurait-il négligé d’exploiter les ressources de cette précieuse conquête ? Ainsi peut-on trouver deux raisons au soulèvement des provinces ibériques : d’une part l’exploitation économique de la province d’une façon excessive mécontenta aussi bien les indigènes que les Latins et les Romains, et, d’autre part, l’importance de la clientèle que les Pompeii s’y étaient constitué en deux ou trois générations permit d’organiser les mécontents. A cela, César devait trouver une solution : la colonisation. Comme nous avons pu le constater, dans le contexte de la guerre civile, étant donné les nécessitées d’approvisionnement et les besoins monétaires, l’Espagne représentait un enjeu non négligeable pour les différents camps en présence : les Pompéiens puis les Césariens. Une fois la zone pacifiée, il semble que César ait décidé d’installer des colonies en Espagne afin de gagner à sa cause les clientèles pompéiennes. Par ailleurs, comme nous l’avons vu en introduction, les colonies établies dans ces deux provinces étaient nettement plus nombreuses que dans d’autres provinces. Peut-on voir un lien entre cette colonisation massive et l’importance des ressources naturelles, en particulier les exploitations minières, pour l’Etat Romain? C. La colonisation césarienne en Espagne En quoi la colonisation césarienne en Espagne était un moyen de contrôle local à la fois des richesses minières et des populations ? L’œuvre de pacification envisagée par César ne put être achevée. Elle fut cependant reprise par Auguste, qui, comme nous l’avons évoqué, revendiquait le fait d’avoir loti un nombre important de vétérans. 1. une difficulté de datation. Si l’on souhaite établir clairement quelles furent les colonies établies du vivant de César, on se trouve face à une difficulté majeure en analysant les sources ; on trouve très peu de traces évoquant les colonisations césariennes. Le contexte politique de la guerre civile avait, fort probablement, rendu difficile la colonisation de la péninsule. Les clientèles jouèrent un rôle non négligeable dans les conflits qui secouèrent les provinces ibériques entre 49 et 44. Le conflit eut des répercussions d’ordre politique économique et social dans le processus de prise de contrôle par César et ses lieutenants. Deux zones étaient déjà fortement romanisées : la région du Nord-ouest (Emporiae, Tarraco), et la province d’Ulterior. 192 Comme nous l’avons rapidement évoqué, il est difficile de préciser quelles sont les colonies établies par César lui-même. Si l’on se place dans une optique plus large, on peut toutefois définir ce que l’on entend par colonisation césarienne ; il ne s’agit pas seulement des colonies établies du vivant de césar, entre 49 et 44 av. J.-C., mais des colonies qu’il dut planifier et qui furent déduites par les triumviri dans les années qui suivirent sa mort. 193 On s’accorde à partir de ce passage de Suétone : 192 Essentiellement la vallée de l’Ebre et celle du Guadalquivir : Roddaz, 1986, p. 317-338. On dispose de nombreuses évocations dans les Gromatici Veteres, notamment ou encore sur certaines inscriptions qui évoquent des colonia Iulia. On pourrait supposer à priori qu’il s’agisse de colonie fondées par Caius Iulius Caesar. Cependant, comme l’indique Salmon (Salmon, 1969, p.134), Certaines colonies fondées par Octave avant 27 av. J.-C. porte également le nom de colonia Iulia, ce qui rends difficile de distinguer les colonies césariennes des colonies « octaviennes ». On peut toutefois considérer que ces dernières on pu être également planifiées par César. Pourquoi limiter les dernières réalisations césariennes aux assignations triumvirales ? Brunt, 1971, p. 255-259. 193 52 Octoginta autem ciuium milibus in transmarinas colonias distributis, ut exhaustae quoque urbis frequentia suppeteret, sanxit, ne quis ciuis maior annis uiginti minorue LX, qui sacramento non teneretur, plus triennio continuo Italia abesset… 194 Parmi ces 80 000 citoyens, Brunt relevait 25 000 vétérans issus de ses 10 légions à lotir. 195 Plusieurs colonies furent fondées à travers les différentes provinces comme nous l’avons évoqué en introduction ; il est intéressant de noter, et insistons sur ce point, que l’Espagne semble avoir reçu plus de colonies que les autres provinces. Quelle peut en être la raison ? Les enjeux des richesses minières sont-ils liés à une telle organisation ? Quatre légions étaient présentes en Espagne dans les années 49 à 44. Il s’agit des légions V, VI et X évoquées dans les sources littéraires 196 et de la trentième légion 197. Les vétérans lotis dans les provinces d’Ulterior et de Citerior appartenaient sans doute, comme le pense Brunt, à ces légions 198. Les vétérans étaient fort probablement lotis par tribus et par légion tels qu’ils avaient servis 199. Il semblerait d’autre part que les futurs magistrats, les duumuiri, une fois la colonie déduite, aient été leurs anciens officiers et sous officiers. La fondation d’une colonie étant similaire à l’établissement d’un camp militaire par de multiples aspects, le maintien de la hiérarchie et de la cohésion de la légion permettait d’assurer un schéma comparable dans la colonie. A l’époque césarienne, les vétérans installés sur un site appartenaient le plus souvent à une même légion 200 dans laquelle ils avaient accompli leur service. Nous disposons d’une inscription qui nous renseigne sur l’un des premiers duumuir de la colonie d’Urso : C.VETTIVS C. F. SERG. 194 « Quatre-vingt mille citoyens furent répartis dans les colonies d'outre-mer. Pour que la population de Rome n'en fût point épuisée, César défendit par une loi qu'aucun citoyen au-dessus de vingt ans et audessous de soixante, à moins qu'il ne fût sous les drapeaux, restât plus de trois ans de suite absent de l'Italie… » Suétone, Diu. Iul., 42, 1. 195 Brunt, 1971.p. 474 et suivantes au sujet des légions césariennes. 196 Pseudo-Caes., Bell. Hisp., 12 ; 23 ; 30. 197 Cf. chapitre II de notre étude au sujet de l’inscription concernant C. Vettius, ancien centurion de cette trentième légion et duumvir de la colonie d’Urso (CIL II 5442=ILS 2233). 198 Brunt 1971, p.255. Brunt considère cette hypothèse au sujet des trois premières légions que nous avons nommées. Au sujet de la trentième légion, l’inscription mentionnée plus haut, certifiant la présence de vétérans de cette légion, ainsi qu’un passage du Bellum Alexandrinum (53, 5) permet de confirmer ce point. 199 Keppie, 1983. p. 96 et suivantes 200 « Les guerres ont été à l’origine de la distribution des terres. En effet, on a assigné le territoire pris à l’ennemi au soldat victorieux et au vétéran, après en avoir chassé l’ennemi, et on l’a donné de manière égale dans le cadre du manipule » Siculus Flaccus (La. 155, 3-6=Th. 119, 7-10). 53 CENTURIO LEGIONIS XXX IIVIR ITERUM. 201 Cette inscription, retrouvée à Osuna, serait, selon Curchin 202, évidemment, postérieure de quelques années à la création de la trentième légion par César en 49 ou 48. 203 On dispose toutefois d’un élément intéressant concernant un lien avec Urso ; dans un passage du Bellum Alexandrinum cette légion est évoquée : … nam legionem XXX et XXI paucis mensibus in Italia scriptas Caesar attribuerat Longino, quinta legio nuper ibi erat confecta. 204 On retrouve plusieurs allusions à cette légion qui, créée par César lui-même, semble s’être montrée loyale à Cassius Longinus pendant la révolte espagnole de 48-47. Il semblerait donc qu’afin de récompenser cette légion, César, Antoine ou Octavien ait assigné aux vétérans de la trentième légion une partie du territoire confisqué à la cité d’Urso, qui était restée fidèle aux Pompéiens malgré la défaite de Munda. 205 Vettius serait donc fort probablement l’un des premiers duumviri de la colonie d’Urso, ce qui est tout à fait envisageable. Les vétérans de cinq légions ont pu être démobilisés dès 49 en Espagne ; rien n’indique toutefois que tous les vétérans des légions furent lotis dans ces deux provinces mêmes 206. On sait cependant d’après un passage du Bellum Ciuile 207 que 6000 colons se rendaient vers la péninsule que les troupes pompéiennes harcelaient au passage. 208 On peut donc se demander dans quelle direction se rendaient ses colons ? S’agissait-il CIL II 5442=ILS 2233 Curchin, 1990, p. 166 203 B. Alex., 53, 5. 204 « …À l'égard de la trentième et de la vingt unième légions, elles avaient été levées depuis peu de mois en Italie par César, qui les avait données à Cassius; la cinquième avait été récemment formée sur les lieux. » B. Alex., 53, 5. Ce qui laisse entendre que les premiers colons d’Urso faisaient donc fort probablement partie de tribu Sergia. 205 La résistance d’Urso après la défaite et la fuite de Pompée nous permet nous poser la question de la raison d’une telle résistance telle qu’elle est évoquée dans le texte même du Commentarius de bello Hispaniensi. Nous reviendrons sur ce point au chapitre 3 de notre étude. Il semblerait qu’il y ait bien un lien entre l’attitude de la cité d’Urso évoquée dans le récit même de César et la question de la colonisation du site après confiscation d’une partie de son territoire. 206 Par ailleurs, une partie de ces troupes a probablement été réincorporée après la capitulation des pompéiens : Caes., B.C., I, 83 ; 87, 4-5 ; Dion Cassius, XLI, 23. 207 Caes., Bell. Ciu. I, , 51 208 Selon A. Garcia y Bellido, (Garcia y Bellido, 1963, p. 213-226.), cette population devait correspondre à environ 20 000 personnes, familles et clients les accompagnant. 201 202 54 d’individus qui avaient obtenus des lots de terres en vertu d’une planification coloniale césarienne dès 49 av. J.-C. 209? Un autre élément nous suggère également qu’il y eut des mouvements de populations dès cette époque ; A. Beltran avait avancé l’hypothèse qu’après la victoire césarienne d’Ilerda, plusieurs cités de l’Èbre aient vu leurs murs détruits pour éviter un éventuel soulèvement, et que leurs populations avaient été en partie déportées. 210 Si l’on ne peut spéculer, pour l’instant, sur l’éventualité d’une première vague de colonisation organisée par César dès 49 av. J.-C., on peut tout de même remarquer plusieurs mouvements de populations dès cette période. On sait d’autre part que plusieurs colonies césariennes. 211 furent établies dans les années qui suivirent. La clientèle de Pompée était fort importante dans la péninsule, notamment dans les territoire des Vascons (actuel pays basque espagnol), où se réfugia Sextus Pompée 212 ou encore dans la vallée de l’Èbre. 213 On peut supposer toutefois que l’établissement de colonies de vétérans césariens permettait de contrôler des territoires dévouée à Pompée. 214 Les provinces ibériques constituaient, en effet, un véritable fief pompéien, ce qui explique la facilité avec laquelle les fils de Pompée en regagnèrent le contrôle. Les exactions de Longinus, si elles ont favorisé les mécontentements locaux ne sont pas seules à l’origines de ces soulèvements. Toujours est-il que la colonisation de certains sites était liée d’une manière ou d’une autre au rôle joué par les cités. On observe donc, concernant la colonisation, deux cas de figures, plus ou moins déterminés selon les cas : les confiscations de territoires et les promotions de cités, deux procédés favorisant la romanisation, déjà entamée, des provinces ibériques. Les principales motivations immédiates de César en installant des colonies, ce qu’il ne put achever de son vivant, étaient donc probablement de faire entrer dans sa clientèle des populations encore fidèle à son ancien rival, de contrôler également d’importantes 209 Comme nous le verrons au chapitre II, concernant la loi d’Urso, on peut émettre l’hypothèse que César ait organisé des colonies dès 49 av. J.-C. 210 Beltran, 1964,. p. 79-86. 211 On entend par là des colonies organisées fort probablement sur l’initiative de César : incluant les colonies établies par les triumviri et mettant en application ses projets destinés à ses vétérans. 212 Gabba, 1970, p. 141. 213 Roddaz, 1988, p. 322-327, au sujet des clientèles qui furent liés à Pompée ainsi que sur les types de liens propres à ce que l’auteur nomme la deuotio ibérique particulière à la province et distincte, par exemple, de ce que l’on peut nommer la fides gauloise (Freyburger, 1983, p. 170). 214 Caes., B.C., II, 18. Ces liens de clientèles sont renforcés par un serment (ius iurandum) qu’exigea Varron de toute la province d’Ulterior, au moment de l’arrivée de César. Le fils aîné de Pompée renouvela ce serment peu avant Munda (Pseudo-Caes., Bell. Hisp., I, 1). 55 ressources naturelles, et enfin de lotir ses propres vétérans ce qui permettait de contrôler les territoires à tous points de vue. 2. Que sait-on des colonies césariennes ? Quelles étaient donc les colonies installées en Espagne sur l’initiative de César ? Nous avons vu précédemment que l’on ne possédait pas de traces d’éventuelles colonies romaines installées par Pompée pour ses vétérans. Cependant on a connaissance d’une pratique concernant les installations de colonies. Marius avait fondé des colonies pour lotir ses vétérans. Sylla, peu après qu’il eut défait les Marianistes, en fit de même. L’exemple des deux colonies corses de Mariana et d’Aleria est intéressant et nous permettra sans doute de comprendre mieux un autre enjeu de la colonisation césarienne en Espagne. Mariana fut probablement fondée en 100 av. J.-C. 215 Afin de contrebalançer la colonie de vétérans marianistes, Sylla fonda la colonie d’Aleria à près de 40 milles sans doute vers 81 av. J.-C. 216 La décision du dictateur de fonder une colonie à proximité de celle fondée par son ancien rival lui permettait ainsi de mieux contrôler, par son influence et ses liens clientélaires, le territoire corse. On peut ainsi supposer qu’il en fut de même pour les colonies pompéiennes et césariennes sur lesquelles on ne sait que peu de choses. Nous disposons pour certaines colonies comme Carthago Noua, Celsa, Hispalis, et bien sûr Urso de plus d’informations qui, étudiés en comparaison, nous permettent ainsi d’établir l’éventualité de l’initiative de César quant à leur fondation. En revanche d’autres colonies sont plus difficilement datable comme Tarraco, Asta Regia et Emporiae. On peut considérer une hypothèse qui nous permettrait sans doute de distinguer les colonies césariennes des colonies proprement augustéenne. En effet, ces deux types de colonies portent le nom de colonia Iulia. L. Keppie 217 avait émit l’hypothèse suivant laquelle les colonies portant en apposition Augusta seraient à considérer évidemment comme étant le fait du successeur de César. En revanche, les colonies portant le nom de Strabon, 5, 2, 7 ; Pomponius Mela, De Situ Orbis, II, 17. On se fie à ce que l’on sait des sources utilisées par Strabon. Il utilise, comme source la plus tardive, les écrits de Posidonius. 216 Pline, N.H., III, 6, 80. 217 Keppie, 1983, p. 14-22. Il considère, à partir des occurrences des titres Iulia sans l’apposition Augusta que les noms des colonies permettent de déterminer le fondateur. Keppie se fonde sur les cas italiens. Dans le cas de l’Espagne, nous n’avons pas de raisons à priori, de considérer qu’il en soit autrement. 215 56 Iulia, étant donné que nombre d’entre elles furent fondées après la mort du fondateur, ont été considérées comme triumvirales, octavienne voire augustéenne. L’hypothèse suivant laquelle les colonies dites Iuliae sont le fait de César est à considérer de par le fait que les fondations qu’il planifia ne furent pas toutes réalisées. Le cas d’Urso que nous étudierons de manière plus approfondie dans le second chapitre nous éclaire à ce sujet. On sait que plusieurs projets de lois furent promulgués après les Ides de Mars : ce qui nous conduit à considérer que des colonies césariennes furent fondées jusqu’à 27 av. J.-C.. On sait que des vétérans installés par César furent par la suite, durant la guerre de Modène par exemple, levés à nouveau par Antoine puis par Octavien. Ils purent sans doute être réinstallés par la suite ; on pourrait donc considérer comme césariennes les colonies portant le titre Iulia sans l’apposition Augusta et fondées entre 49 et 27, date à laquelle commence à apparaître ce dernier nom. Il pourrait ainsi également s’agir de ce que les arpenteurs comme Hygin 218 nomment Iulienses. On trouve également dans la Lex Coloniae Genetiuae l’évocation de Iulienses au chapitre 133. 219 Ces colons reçurent sans doute des lots correspondant à une loi ou une norme dite julienne. On peut ainsi supposer que les tailles des lots attribués aux colons fixés à 50 jugères 220 étaient communs à ceux qui bénéficiaient de cette loi Iulia, dont l’existence est supposée. Tâchons à présent de rappeler ce que l’on sait des colonies fondées par César en fonction des ces éléments. Hygin Grom., Const. Lim., 161, 165, 165 (édition Thulin). Qui coloni Genetivi Iulienses hac lege sunt erunt… (chapitre 133 édition dans Crawford, 1996) 220 Brunt, 1971, p. 101 et suivantes. 218 219 57 L’Espagne à l’époque Augustéenne [carte extraite du dictionnaire Latin- Français de Felix Gaffiot] Tarraco est nommée Colonia Iulia Urbs Triumphalis Tarraconensis dans une inscription dédiée à Caracalla et retrouvée dans une nécropole paléochrétienne près de Tarragone. 221 Pline nous dit à son sujet : Colonia Tarracon, Scipionum opus, sicut Carthago Poenorum. 222 Hubner 223 supposait qu’avant une déduction césarienne datable de 45 av. J.-C. il se trouvait un praesidium militaire et sans doute un municipe 224. Cette cité est située dans le nord-est de la province de Citerior. 225 221 Beltran, 1952. p. 31 et suivantes. Pline, N.H., II, 21. 223 C.I.L. II p.538 et suivantes. 224 Dion Cassius, 43, 39, 5. 225 Voir carte 1. 222 58 Asta Regia est évoquée par Pomponius Mela dans le De Chorographia 226 : et procul a litore Hasta colonia. Pline 227 lui appose la nomenclature de Regia 228 ; il est le seul à la nommer ainsi. La mention de Pomponius Mela nous renseigne sur le fait que cette cité ait accueilli une colonie. Selon E. Vittinghoff 229, Hasta aurait accueilli une colonie césarienne bien qu’elle ne porte pas d’épithète Césarienne 230. Cette hypothèse est largement discutée ; il semble que l’on ne dispose essentiellement que des descriptions des géographes que nous avons précédemment cités. 231 Pline 232 fait mention de la colonie Claritas Iulia Vcubi et précise qu’elle fait partie du conuentus d’Astigi. On dispose de plusieurs inscriptions sur lesquelles apparaît le nom C(olonia) C(laritas) Iu(lia) 233 mais aussi C(olonia) C(laritas) Iul(ia) Vcubitanor(um) 234. Malgré ce peu d’éléments, Vittinghoff 235 ainsi que Garcia y Bellido 236 considèrent que cette colonie comme césarienne. Brunt 237 la considère quant à lui comme probablement césarienne. Toutefois la population locale ayant été attaquée par les Pompéiens 238, la cité semble avoir pris parti pour César. Ce dernier n’aurait donc pas confisqué ses terres au profit de ses colons mais plutôt gratifié la cité du statut de colonie. En ce qui concerne Emporiae, on trouve des références à la constitution de la cité à l’époque du passage de Caton en Espagne en 195 av. J.-C.. Deux communautés semblaient s’être organisées dans cet important port de la côte nord-est de la péninsule. Tite-Live nous rapporte ceci : Iam tunc Emporiae duo oppida erant muro diuisa. Vnum Graeci habebant, a Phocaea, unde et Massilienses, oriundi, alterum Hispani … 239 Pomponius Mela, De Chorographia, III, 4. Pline, N.H., III, 11. 228 Selon Garcia y Bellido (Garcia y Bellido, 1959. p. 460-461), il s’agirait d’une fondation de Marcus Rex (C.I.L.II, p. 175 et 699 ; suppl. 843). 229 Vittinghoff, 1951, p. 74. 230 Garcia y Bellido 1959 ; J. J. Sayas Abengoechea, Colonizacion y municipalizacion bajo César y Augusto, Madrid, 1971. p. 71. 231 Ferreiro Lopez, 1983. p. 127 et suivantes. 232 Pline, N.H., III, 12. 233 C.I.L.II, 1404 ; 1572. 234 C.I.L.II 656. 235 Vittinghoff, 1951, p. 74. 236 Garcia y Bellido, 1959. p. 465. 237 Brunt, 1971, p. 250. 238 Ibid. 239 Tite-Live, XXXIV, 9, 4. 226 227 59 Strabon évoque également dans ses descriptions une dipolis, deux communautés séparées par un mur : … δίπολις δ’ε̉στί, τείχει διωρισμένη... 240 Pline, enfin, décrit Emporiae ainsi : … Oppida Ciuium Romanorum… Emporiae, geminum hoc ueterum incolarum et graecorum, qui phocaeensium fuere suboles… 241 Un passage de Tite-Live paraît toutefois bien plus précis au sujet d’une fondation coloniale césarienne 242 peu après la victoire de César sur les fils de Pompée à Munda : … tertium genus Romani coloni ab diuo Caesare post deuictos Pompeii liberos adiecti… Il semblerait qu’en suivant la description de Strabon précédemment citée on puisse déduire que deux communautés distinctes peuplaient la cité d’Emporiae, qui par sa situation portuaire constituait une importante place de commerce maritime. 240 Strabon, III, 4, 8. Pline, N.H., III, 22. 242 Vittinghoff (Vittinghoff, 1951, p. 80, note 2) considérait toutefois que cette cité n’accueillit un municipe qu’à l’époque augustéenne, contrairement à ce que considèrent Garcia y Bellido (Garcia y Bellido, 1959, p. 468) et Henderson (Henderson, 1942, note 53 p. 9). 241 60 Les environs de la cité d’Emporiae à l’extrême nord-est de la province de Citerior [Barrington, Atlas of the Greek and Roman World, New York, 2001] La colonie de Carthago Noua est citée par Pline en tant que Carthago Noua Colonia 243. On trouve également la mention suivante sur une monnaie datable des années 40 av. J.-C. : Vr(bs) I(ulia) N(oua) K(arthago) 244 Cependant la fondation probable d’une colonie « julienne » aurait été le fait de M. Aemilius Lepidus qui fut proconsul en Hispania Citerior pour les années 48-47 et 44-42 243 244 Pline, H.N., III, 19. Beltran, 1950, p. 304 et suivantes ; Beltran, 1949, p.59). 61 av. J.-C. 245 Plusieurs monnaies l’attestent 246 ; l’une d’entre elle 247 fait référence à une victoire de ce dernier et à son triomphe en 43. La fondation daterait probablement et au plus tard de 42 av. J.-C. Carthago Noua était un site d’extrême importance pour la gestion et le contrôle des richesses minières. Comme nous l’avons évoqué précédemment, Le territoire de la cité contenait d’importantes mines d’argent de cuivre et de plomb (voir les abréviations : Ag, Cu, Pb, Fe et M signifiant respectivement : Argent, cuivre, plomb, fer, et marbre sur la carte 3). carte 3 : la région ouest de Carthago Noua ; routes et ressources [Barrington, 2001]. La cité portuaire de Carthago Noua était florissante et justifiait la présence d’une importante communauté d’Italiens et de Romains, commerçants et publicains. Cnaeus Pompée le Jeune s’en empara en 47 et son jeune frère Sextus, trois ans plus tard la reprit à son tour 248, l’année de la mort de César. Elle constituait visiblement un enjeu d’importance de par les richesses minières environnantes. Rappelons enfin qu’une partie des terres de la cité était destinée dès 63 av. J.-C., lors du projet agraire de Servilius Rullus, à accueillir un colonie de citoyens 249. Broughton, M.R.R., II. Pour les années correspondantes. Beltran, 1952, p. 33-34. 247 Beltran, 1949, p. 59. n° 27. 248 C.I.L.II 3417. 249 Cic., De Leg. Agr., II, 51. Au sujet de la Lex. Servilia, Cicéron nous rapportait ceci : In Hispania propter Carthaginem Nouam et in Africam ipsam ueterem Carthaginem uendit (au sujet du tribun Servilius Rullus). 245 246 62 D’après l’attitude de cette cité au cours de la guerre civile, il semble que son territoire fut confisqué au profit d’une colonie césarienne. La colonie de Celsa semble avoir été également fondée par Lépide au cours de son proconsulat de 48-47 ou au cours de celui de 44-42. Pline nous précise également qu’il s’agissait d’une colonie 250. On trouve également de nombreuses monnaies qui précisent le nom de la colonie ainsi : Col(onia) Vic(trix) Iul(ia) Lep(ida). 251 On suppose ainsi que M. Aemilius Lepidus fonda la première colonie de Celsa suivant sans doute une planification de César, tout comme, Carthago Noua et Tarraco. De même la date de la fondation est discutée 252 : on peut considérer une échelle de datation assez large, une fois encore, entre 48 et 42. À partir de 36-35 av. J.-C. le nom de la colonie changea et devint : Col(onia) V(ictrix) I(ulia) Celsa. 253 Sans doute peut-on voir là une intervention d’Octave qui souhaitait éliminer les traces d’autres déductions et donc d’autres patronages coloniaux que le sien. On peut signaler un point important concernant l’intérêt de Celsa : le rôle joué par la cité entre la bataille d’Ilerda et celle de Munda demeure assez flou. On a connaissance de plusieurs émissions monétaires bilingues portant la mention de la cité en latin et en ibérique. 254 Il semblerait, d’après l’analyse des frappes monétaires, et la mise en parallèle avec des frappes d’Emporiae, 255 que ces cités se soient massivement ralliées aux fils de Pompée ; les frappes portant des nomenclatures typiques indiquent que les émissions de monnaies bilingues se sont multipliées au cours de cette période. On peut donc supposer, concernant la cité de Celsa ainsi que celle d’Emporiae, évoquée plus haut, que le statut colonial résulte d’une punition pour s’être ralliée aux pompéiens. Nous disposons de nombreuses informations concernant la colonie d’Hispalis, ce qui nous permet d’approfondir ce cas à travers les données environnementales et littéraires. Il semble que cette cité de par sa position géostratégique représentait un enjeu d’importance Pline, N.H., III, 24. Vives, 1926, No 102 et 105 ; Hill, 1931, p. 76 et suivantes ; Grant, 1946, p. 211 et suivantes. 252 Vittinghoff (Vittinghoff, 1951 p. 80 notice 3) considère que cette fondation serait postérieure à 44. Hill (1931. p. 79 et suivantes), Garcia y Bellido (Garcia y Bellido, 1959, p. 472-473) ainsi que Brunt (Brunt, 1971. p. 250-251) considèrent que cette colonie pourrait avoir été planifiée dès 48 et achevée plus de quatres années plus tard. Il est important, comme nous le verrons par la suite, de ne pas perdre de vue que le contexte de la guerre civile a pu fortement ralentir le processus de fondation des colonies en Espagne. Les tâches confiées à Lépide pouvaient être également de veiller à l’installation de colonies afin de sécuriser les zones turbulentes et de protéger les exploitations minières. 253 Comme l’attestent les monnaies hispaniques de la période. Voir à ce sujet : Vives, 1926, p. 105 et suivantes. 254 Villaronga, 1967, p. 133-142 ; Beltran et alii, 1984. p. 12-13. 255 Roddaz, 1988, p. 326. 250 251 63 dans la lutte de la guerre civile. Strabon, dans un passage discuté laisse entendre qu’elle aurait accueilli une colonie de César. 256 La cité connut fort probablement une première déduction à l’époque césarienne puis une seconde à l’époque augustéenne.257 La première fondation coloniale césarienne 258 eut lieu près de l’actuel quartier de Triana au sud du Guadalquivir (ancient Baetis) comme le prouvait l’établissement du premier forum colonial. 259 Le passage de Strabon que nous avons cité évoque l’importance d’un ancien ε̉μπόριον auquel est sans doute lié l’installation d’une colonie. Rappelons que les colonies romaines, plus particulièrement les colonies fondées par César, se trouvent situées à proximité des zones littorales 260 afin de faciliter sans doute les ravitaillements. Comme nous l’avons évoqué précédemment, durant les guerres civiles, Varron puis Cassius Longinus y était chargés de construire des navires de fort tonnage et d’y assembler des ressources en blé et en métal argent afin de les faire parvenir à Pompée, ou à César, pour le cas de Cassius. La situation de l’embouchure du Baetis, lequel est navigable jusqu’à la région de Corduba 261, colonie latine fondée par Marcellus en 152 av. J.-C. 262, permettait de construire une flotte à l’abri des attaques venant de haute mer. Rappelons encore que César ne disposait pas d’une flotte capable de rivaliser avec celle de Pompée en 49 263 qui lui permettait de contrôler la Méditerranée. 256 « … Hispalis, elle-même également une colonie des Romains, est de grande importance, et demeure encore un important centre d’échange du district ; déjà, afin de la distinguer, des soldats de César l’ont récemment colonisée, Baetis d’une plus grande importance encore, est remarquable par sa population… »( Strabon, III, 2, 1.). 257 Fear, 1996.p.42-45 ; p. 67-68. 258 Garcia y Bellido, 1959, p. 461-464 ; Blanco Freijeiro, 1989 (3ème éd.), p. 137 et suivantes ; Diaz, 1982. 259 Campos/Gonzalez , 1987, p.123 et suivantes. 260 On peut voir la liste de ces colonies césarienne dans Brunt (Brunt, 1971, p. 255-259.) et dans Macmullen (=Macmullen, 2000, cartes p. 8-9 ; 32-33; 52-53 ; 94-95). On peut se poser la question suivante : quelle est la raison de la situation à proximité des zones littorales de la grande majorité des colonies césariennes ? Peut-on voir là une préparation minutieuse de la future campagne contre les Parthes ? Ou encore d’un moyen de contrôler les ravitaillements maritimes en temps de guerre civile ? Sans doute une étude plus approfondie de la colonisation césarienne en fonction des facteurs environnementaux permettrait d’apporter une tentative de réponse à cette problématique. 261 Strabon (III, 2, 3) nous précise ceci : « Le Baetis a une importante population installée le long de ses rives et reste navigable jusqu’à approximativement un à deux milles stades depuis la mer (Lacus Ligustinus) jusqu’à Corduba et les régions un peu plus haut. […] Actuellement, jusqu’à Hispalis, la rivière est navigable pour les navires marchands de fort tonnage, pour une distance de pas moins de cinq cent stades jusqu’aux cités les plus au nord de l’embouchure comme Ilipa, pour de plus petits navires marchands ; à partir de Corduba, pour les plus petites embarcations… mais au-delà de Corduba en direction de Castulo, la rivière n’est pas navigable… ». 262 Strabon, III, 2, 1. ; Canto A.M., « Colonia Patricia Corduba: nuevas hipotesis sobre su fundacion y nombre », Latomus, 50, 1991, p. 846-857. 263 Caes., B.C., I, 56, 2. 64 [Barrington, Atlas of the Greek and Roman World, New York, 2001] Comme on peut le constater sur cette carte, Hispalis se trouve située au carrefour de plusieurs routes 264 établies à l’époque césarienne. La route du nord conduit vers deux autres cités lusitaniennes ayant également probablement accueilli des colonies césariennes : Scallabilis Praesidium Iulium et Norbensis Caesarina. On sait d’autre part que les mines du Rio Tinto étaient exploitées à l’époque qui nous intéresse 265. Cette zone minière est située à 8,5 km du territoire présumé de la colonie césarienne d’Itucci 266. Il est vraisemblable que les métaux une fois extraits, comme nous l’avons précisé précédemment, étaient acheminés vers Hispalis par la route partant à l’ouest, puis chargés sur des embarcations ou directement depuis l’emporion de la cité. La route à l’Est de la colonie conduisait vers une autre région remarquablement importante du point de vue des richesses minières ; la région de la Sierra Morena. Les métaux sous forme de lingots étaient probablement acheminés par la voie fluviale267 du Baetis, l’actuel Guadalquivir, vers le port de la colonie. Concernant les mercatores qui acheminaient le long du Baetis, les ressources comme les métaux ou les productions agricoles, on dispose de certaines inscriptions concernant les Sillières, 1990, p. 210 et suivantes, au sujet des routes en Hispania Ulterior. Blanco Freijeiro, 1962, p. 31 et suivantes. 266 Caballos Rufino, 1981, p. 37 et suivantes. 267 Chic Garcia, 1974, p. 7 et suivantes ; Chic Garcia, 1984. 264 265 65 scapharii de la colonie 268 évoquant des scapharii hispalienses et des scapharii Romulae consist(entes). En ce qui concerne Urso, on dispose de plus d’informations. La loi d’Urso fera l’objet d’une étude plus spécifique dans le second chapitre de notre étude, nous n’aborderons ici que les évocations présentes dans le corpus littéraire. La cité d’Urso se rangea assez radicalement dans le camp pompéien. 269 Cn. Pompée le jeune avait envoyé plusieurs missives, comme il le fit probablement également pour d’autres cités, afin d’assurer ses appuis sur le plan stratégique. Urso, l’actuelle ville d’Osuna, était situé à 17km de Munda. Une partie des murailles de la cité fut dégagée lors des fouilles d’E. Engel et de P. Paris. 270 Les fouilles conduites par R. Corzo 271 confirmèrent qu’une partie des fortifications furent dressées à la hâte par les Pompéiens probablement entre le printemps et l’automne 46. Il semble que cette cité ait vu une partie de son territoire confisquée en raison de ses liens avec les Pompéiens. Après la reddition de la cité, César confisqua une partie de ses terres au profit de ses vétérans, sans doute ceux de la trentième légion 272. Cette légion aurait également été active après Munda sous le commandement d’Asinus Pollion en 44-43 contre Sextus Pompée. 273 Sans doute auraitelle été levée à nouveau, ce qui, comme nous l’avons vu, n’est nullement exclu, afin de poursuivre l’affrontement. La colonisation de la cité d’Urso permettait donc à César et à ses successeurs de sécuriser une zone dans laquelle la clientèle de Pompée était encore fort influente. Il semble en effet curieux que malgré l’arrivée de la défaite de Pompée le jeune à Munda et sa mort peu après 274, le 9 mars 45, la cité d’Urso ait continué à résister pendant plus d’un mois. 275 On peut donc supposer que les provinces ibériques étaient, contrairement à ce que César précisait dans ses Commentaires, fort peu attachées à sa personne. La deuotio ibérique envers la gens Pompeia était sans doute bien plus importante, ce qui nécessitait, on peut ainsi le conçevoir plus clairement, l’établissement d’une colonie de vétérans afin de contrebalançer la clientèle de Pompée. L’ouvrage ne fut 268 C.I.L.II 1180 et 1183. Ces inscriptions, signalons le, sont bien plus tardives et datent des règnes de Marc-Aurèle et de Verus. 269 Bell. Hisp. 26 ; 28 ; 41 ; 42. 270 Engel, Paris, 1906, p. 357 et suivantes. 271 Corzo, 1977, p.14, 17, 57-58. 272 Cf. l’inscription (CIL II 5442) étudiée plus haut. Voir aussi Ritterling, R.E., XII, col. 1821, n°LXXXV ; Le Roux, 1982, p. 50-51. 273 Cic., Ad. Fam., 10, 31, 5 ; 10, 32, 4. 274 Bell. Hisp., 39, 1. 275 Sans doute vers le 22-23 avril peu après l’arrivée de César à Hispalis (Bell.Hisp., 40, 7 ; 42,1). 66 donc pas chose aisée ; la lutte se poursuivit jusqu’au départ de Sextus Pompée au début de l’année 43 qui n’avait pas été véritablement vaincu sur le sol ibérique.276 La politique coloniale de César en Espagne, d’après ces éléments croisés, illustre le témoignage de Dion Cassius 277. Les établissements de colonies semblent liés autant à des considérations politiques qu’à des considérations économiques étant donné la situation des zones minières. Nous avons, jusqu’à présent, exposé le contexte de la colonisation césarienne en Espagne durant la guerre civile. Nous avons pu constater que si certains éléments laissaient supposer qu’il y eut des mouvements de population et d’éventuelles fondations césariennes dès 49, nous ne disposons guère de certitudes concernant les dates de fondations. Il semble, néanmoins, que l’on puisse observer une cohérence dans les fondations. Les données géostratégiques, économiques et politiques pouvaient motiver l’implantation de colonies. 276 Roddaz, 1988. p. 325-326. « Il leva un tribut de manière si rigoureuse qu’il n’eut pas besoin de conserver les offrandes consacrées à Hercules à Gadès ; et il prit également des terres de certaines cités et augmenta les tributs des autres. C’était ce qu’il réservait à ceux qui s’étaient opposés à lui. Mais à ceux qui lui avaient fait montre d’une quelconque marque de bonne volonté, il accorda des terres et des exemptions de taxes, et à certains la citoyenneté, et à d’autres le statut de colons romains ; cependant, il n’accorda pas ces faveurs pour rien. » Dion Cassius, XLIII, 39, 4-5. 277 CHAPITRE II L’exemple de la Lex Coloniae Genetiuae et sa place dans la législation agraire de César. 68 La fondation d’Urso mérite, jugeons-nous, une attention toute particulière. En effet, on dispose au sujet de cette colonie fondée sur l’initiative de César une charte de fondation, une loi coloniale abondamment étudiée : la Lex coloniae Genetiuae. Plusieurs problèmes sont liés à ce matériau épigraphique. Nous tâcherons dans ce chapitre d’exposer ce que l’on sait du processus de fondation et de sa place dans la colonisation césarienne en Espagne. Le premier point qui mérite une attention est la question du matériau épigraphique. Il s’agit d’une loi gravée à l’époque flavienne sur des tables de bronze. A. La Lex Coloniae Genetiuae 1. Le matériau épigraphique. La table d’Urso a été découverte en plusieurs étapes. Une première table de six colonnes a été découverte à Osuna en 1870. La première publication de la loi fut le fait de Rodriguez de Berlanga en 1873 278. Peu après, les travaux de E. Hubner 279 et de Th. Mommsen 280 suivirent, ainsi que ceux de Ch. Giraud 281 et de C.Re 282. Ils s’accordèrent à considérer que, de par le contenu ainsi que de par l’histoire même du matériau épigraphique datant de l’époque flavienne 283, la loi a été l’objet d’ajouts successifs jusqu’au moment de la fonte du bronze d’Osuna. Ces études n’ont cependant été réalisées que sur les fragments C, D et E 284, les fragments A et B ayant été conservés à part par un collectionneur. L’une de principales questions débattues concernait l’affichage de la loi d’Urso, à laquelle était évidemment lié le texte en question ; Déterminer la disposition Rodriguez de Berlanga, Los bronces de Osuna, Malaga, 1873, cit. Crawford 1996. Hubner, 1875, p. 105-151. 280 Mommsen Th., Lex Coloniae Genetiuae denuo recognita, suivi d’une nouvelle édition du texte, Berlin, 1875 p. 221-232, cit. Crawford 1996. 281 Giraud,.1874 ; Giraud, 1875. 282 Re 1873. 283 La fonte du bronze date sans doute de l’époque de l’uniformisation de la législation municipale flavienne et plus précisément, sans doute domitienne. Cette uniformisation serait contemporaine des Leges Salpensana et Malacitana. On peut voir à ce sujet l’article de Crawford (Crawford, « Roman Towns and Their Charters : Legislation and Experience » p. 395-420 dans Social Complexity and the Development of Towns in Iberia,From the Copper Age to the Second Century AD, Barry Cunliffe et Simon Keay (éd), Proceedings of the British Academy, Vol 86, 1995). 284 Je prends en compte la dénomination de ces fragments donnés par Mallon 1944. 278 279 69 permettait en partie de comprendre le contenu complexe de la loi et ses apparentes incohérences. A la suite de E.Hubner, plusieurs propositions concernant l’affichage ont été émises. Kiessling considérait déjà que la loi a été l’objet de plusieurs ajouts successifs notamment après que l’exemplaire de la loi dont nous disposons eut été gravé 285. Fabricus 286 pensait que la quatrième table était un ajout d'Antoine à la loi trouvée dans les papiers de César après son assassinat. La question de l’affichage de la loi a été complètement reprise et traitée par J. Mallon 287. Il a élaboré un schéma d’affichage différent de celui que proposait Hubner 288. L’argument décisif qui fait pencher la plupart des chercheurs depuis Alvaro D’Ors 289 en faveur de la théorie de Mallon réside, d’une part, dans le fait qu’Hübner n’ait pas vu de lui-même les cinq fragments réunis ; d’autre part, dans une plus grande cohérence du texte selon la seconde proposition. Cette étude est postérieure à la publication des fragments A et B, qui se trouvent à présent réunis avec les fragments C, D et E au musée archéologique de Madrid 290. Dans un autre article, Mallon a étudié 291 les fragments découverts à El Rubio, qui appartiendraient vraisemblablement à notre Lex, en 1925 et a complété ainsi son article précédent sur la question de l’affichage de la loi. On ne peut que constater travers l’étude du texte même de la loi, les différents illogismes présents; M. Crawford 292, dans sa récente édition commentée du texte, relève ainsi plusieurs anachronismes présents 293. L’explication donnée par M. W. Frederiksen 294, explique les multiples anachronismes et illogismes présents dans les lois gravées et plus essentiellement dans celle qui nous intéresse ici, par les erreurs « administratives » commises par les scribes et les graveurs chargés de l’affichage. Mallon 295 explique ainsi que les différentes tablettes étaient affichées séparément par groupes de deux (A et B ; C 285 Suivant Kiessling (Klio 17, 1921, 258-60), ceci se constate en ce qui concerne notamment les chapitres XCVIIII et CXXXI, cit. Crawford 1996. 286 Fabricius E., « Zum Stadtrechte von Urso », Hermes 35, 1900, 205-215.; Fabricius E. dans le recueil édité par Gradenwitz O., Stadrechte von Urso Salpensa und Malaca, in Urtext und Beischrift aufgelöst. Mit 8 Tafeln (Sb. Heidelberg, 1920) (=Fabricius, 1920) 287 Mallon, 1944a, p. 213-237. 288 Hübner, 1875, vol III. 289 D’Ors, 1953, p. 167-280) 290 Les deux ensembles de cinq fragments sont publiés dans le supplément du C.I.L II de 1892, notice 5439. 291 Jean Mallon, « Les fragments de El Rubio et leur appartenance à la Lex colonia Genetiuae », dans la revue Emerita XII, Madrid, 1944.. (=Mallon, 1944b, p. 193-230), cit. Crawford 1996. 292 Crawford, 1996, p. 395. 293 Il y dresse notamment un parallèle entre la loi et la Lex Flavia Municipalis qui reprends sans doute des mesures juridiques plus anciennes dans le cadre de la réorganisation entamée par Vespasien (Crawford, 1996. p. 398-399). Plusieurs chapitres de la loi sont particulièrement similaires à la loi d’Urso. 294 Frederiksen, 1965. p. 185 et suivantes. 295 Mallon, 1944a, p. 220-225. 70 et D) ainsi que les incisions le laissent supposer. Ce qui nous amènerait à dire que plusieurs rouleaux sur lesquels étaient mentionnées les mesures de la loi voulues par César ont du être mélangés à l’époque flavienne au plus tard, moment où a dû être gravée ou re-gravée la loi d’Urso. Les premiers rouleaux contenant les chapitres évoqués plus haut ont pu être établis en 49, date possible des premières mesures coloniales césariennes. Puis au fur et à mesure furent sans doute rajoutées des mesures plus nécessaires pour favoriser la sécurité de la colonie contre d’éventuels nouveaux soulèvements. Depuis la démonstration de Mallon concernant l’affichage matériel de la Lex Coloniae Genetiuae, la plupart des chercheurs, citons principalement Alvaro D’Ors 296 ainsi que par la suite Crawford 297, admettent donc que la loi ait pu faire l’objet de plusieurs ajouts successifs depuis la mort de César ou du moins peu avant, puis sans doute a l’époque Julioclaudienne, jusqu’à l’époque domitienne. La prosopographie des citoyens romains de la colonie étudiée par J. Gonzalez 298 conforte ce point ; il a démontré par une étude épigraphique qu’il a sans doute pu y avoir plusieurs déductions, une a l’époque césarienne ou triumvirale et une autre, au moins à l’époque augustéenne. Le principal problème qui se pose face à l’étude de cette loi est donc la question des « interpolations » pour reprendre l’expression de Mommsen. La difficulté, si l’on se fixe comme objectif de relever les éléments de la fondation à l’époque césarienne ou triumvirale, est de parvenir à distinguer les chapitres originels, c’est-à-dire recopiés à partir d’un support datant de l’époque de la fondation d’Urso, des chapitres ajoutés aux époques ultérieures. Cette difficulté est évidemment fondamentale étant donné la problématique de notre étude. E. Gabba, dans son article sur la loi 299 résume l’état de la question concernant les interpolations présentes dans le texte ; il ne s’agit pas d’un texte juridique définissant un statut précis comme la Table d’Héraclée mais d’une loi transformée au fur et à mesure de l’évolution du statut de la colonie et sans doute, comme le faisait remarquer Frederiksen, d’un texte « mal gravé » à l’époque flavienne et corrigé à plusieurs reprises 300. Les différents ajouts à la loi comitiale originelle ont donc rendu le texte particulièrement composite. Cependant certains passages peuvent être clairement datables de l’époque césarienne. Nous tâcherons donc de nous limiter aux commentaires de ces passages 296 D’Ors, 1953. Crawford, 1996, p. 390 et suivantes. 298 Gonzalez, 1989, p. 131-143. 299 Gabba, 1988, p. 160-161. 300 Ces corrections sont visibles sur le bronze même. Certains passages ont été érasés au burin puis regravés (Crawford, 1996, p. 397 et suivantes ; Frederiksen, 1959, p. 191). 297 71 probablement antérieurs à l’installation de colons à l’époque augustéenne comme l’a montré J. Gonzalez 301. Malgré ces difficultés, l’intérêt de ce document est essentiel pour comprendre le processus de fondation et de fonctionnement juridique et législatif de la colonie. 301 Gonzalez, 1989, p. 133-151. 72 2. Qui fut le fondateur de la colonie d’Urso ? La datation de la première rédaction de la loi est sujette à de nombreuses discussions depuis la découverte du matériau. Nous tâcherons ici d’exposer l’état de cette question ainsi que les arguments qui ont été avancés. a. Historiographie. Le premier point concernant la fondation de la colonie est de déterminer le fondateur. Le magistrat qui planifie la fondation est souvent celui qui la propose au concile de la Plèbe, qui est ensuite, et, en principe 302, ratifié par le sénat, à savoir l’octroi d’un pouvoir à un deductor, lequel accorde (leges dare) un statut à une province ou une communauté urbaine, municipe ou colonie, sans acquiescement des intéressés 303 : Mommsen nommait l’acte juridique qui validait la décision par le terme de Lex Data 304. Ce type de procédure correspond tout à fait au contexte de la colonisation d’Urso puisque la cité s’était ralliée aux Pompéiens et avait, qui plus est, résisté à César malgré sa victoire à Munda sur les fils de Pompée 305. Mommsen 306 considérait que cette loi faisait partie de la législation planifiée du vivant de César et promulguée par Antoine peu après son assassinat aux ides de mars 44 307. On sait, en effet, qu’alors, une partie des vétérans Le plus fréquemment à la fin de la République, les lois sont votées par le concilium plebis sans obtenir forcément le consentement du Sénat. Nicolet, 1976, p. 79 et suivantes. Gargola, 1995, p. 179 et suivantes. 303 Le terme de Lex Data et sa définition ont été établis par Th. Mommsen (Mommsen, 1909, p. 192 et suivantes). Il considérait qu’il puisse y avoir coexistence de Leges Datae et de Leges Rogatae, plus générales ; il s’agirait de deux types de lois autonomes et distincts. Dans le cas des assignations coloniales la Lex Data serait le fait du magistrat et résulterait de son seul imperium lequel résulterait d’une Lex Rogata l’autorisant à établir une colonie et à lui donner une loi. Ce point est discuté par A. Magdelain (Magdelain, 1978, p. 63-65) du moins pour la période antérieure à l’époque de la seconde guerre punique. Signalons que Rotondi (Leges p. 487 et suivantes) en dresse une liste depuis cette époque. 304 Mommsen, 1909, p. 207. 305 Pseudo-Caes., Bell. Hisp., 26, 3 ; 28, 2 ; 41, 3. 306 Mommsen, 1909, p. 206-207. 307 Mommsen (1909, p.207) se fondait essentiellement sur le passage des Philippiques de Cicéron (.. si quam legem de actis Caesaris confirmandis deue dictatura in perpetuum tollenda deue colonis in agros deducendis tulisse M. Antonius dicitur, easdem leges de integro, ut populum teneant, saluis auspiciis ferri placet (Cic., Phil., 5, 4, 10). La législation d’Antoine en 44 est particulièrement abondante en effet. La première loi votée fut la Lex Antonia qui confirmait les actes de César (Cic., Phil., 1, 16,-24 ; 2, 100 ; 5, 8 ; 6, 3 ; 10, 17 ; 13, 31 ; Ad Fam., 12, 4, 6 ; Ad Att., 14, 9, 2 ; Appien, Guerres Civiles, 3, 57). Si la Lex Coloniae Genetiuae faisait effectivement partie des lois antoniennes postérieures aux Ides de Mars, elle aurait accompagné les mesures concernant les assignations des vétérans (Cic., Phil., 5, 10 ; 2, 100 ; Ad Att., 14, 7, 2 ; Ap., Guerres Civiles, 3, 57) On était donc amené à considérer que cette Lex Antonia à laquelle il serait fait référence dans la loi d’Urso serait cette législation à laquelle fait références Cicéron. Cependant, et nous y reviendrons, on sait que les lois antoniennes de 44 furent annulées avant la loi de C. Pansa (Cic., Phil., XIII, 31). 302 73 attendaient à Rome les distributions de terres promises par César 308. Antoine en assigna une partie en promulguant une législation qui dut, néanmoins, attendre l’époque proprement triumvirale, période à laquelle s’achève ce que nous définissons comme colonisation césarienne 309. Il est donc établi qu’une Lex Data ne peut être le fait que d’un magistrat cum imperio qui s’est vu confier la charge de fonder une colonie et de donner des lois en vertu d’une lex rogata. Si l’on se fie au Lege Antonia du chapitre 104 de la loi, il ne s’agit pas d’une Lex Iulia mais d’une Lex Antonia. Antoine, vraisemblablement, est donc magistrat qui a porté la lex Rogata devant le concilium plebis ou les comices tributes. Comme le remarquait Mommsen 310, la plupart de ces législations, excepté celle du consulat de 59, résultait d’une initiative d’un tribun de la plèbe. En revanche, l’existence d’une législation agraire césarienne n’est nullement exclue ; il pourrait s’agir de la Lex Rogata qui servit de modèle à la loi d’Urso 311. Il demeure, si l’on suit le texte, une confusion sans doute due à ce que Mommsen, le premier, nommait « interpolations » 312. Le fondateur planifie donc le projet d’établir une colonie de droit romain, et en principe le propose au concile de la plèbe, le deductor est quant à lui investi de la potestas et chargé de donner la loi à la colonie. On trouve quatre mentions de César en tant que fondateur et patron de la colonie : aux chapitres 66, 104, 106 et 125. Au chapitre 66, César est évoqué comme étant celui qui désigne les pontifes et les augures de la colonie : 308 Keppie, 1983, p. 89 et suivantes. Comme nous l’avons exposé précédemment, il est plus aisé de considérer comme colonisation césarienne toutes les fondations liées à César y compris celles qui furent fondées après sa mort à l’époque triumvirale. Il semblerait, si l’on suit L. Keppie (Keppie, 1983, p. 102 et suivantes), lequel opte en faveur de l’existence contestée d’une Lex Iulia Agraria, que la législation agraire césarienne prenne fin en même temps que le triumvirat. Cette association officielle avait pour but de mettre en application les planifications de César notamment concernant la question des vétérans. Keppie considère également (Keppie, 1983, p. 14-19) que la présence du titre Iulia, sans une apposition « augustéenne », nous permette de dater les colonies comme antérieures à la bataille de Philippes en 42. Ce point est discuté évidemment. Cependant on dispose de l’exemple, précédemment évoqué, de la Colonia Victrix Iulia Lepida. Cette dernière aurait pu être, si l’on suit J.-M. Roddaz, (Roddaz, 1988, p. 329) déduite avant 42 ; plus précisément en 44 au cours du second séjour de Lépide en Espagne Citérieure. 310 Mommsen, Droit Public Vol. IV, p. 337-338. 311 Nous reviendrons sur ce point en II, C. 312 Mommsen utilisait à ce sujet les termes d’interpolatio tabularum (Mommsen, 1909, p. 208-209 et 246). Il remarquait le premier des illogismes dans les termes employés. L’exemple le plus flagrant, comme le rappelait également M. H. Crawford (Crawford, 1996, p. 395), réside dans le chapitre CXXVII où l’on trouve l’évocation à la Baeticae mêlée à Hispaniarum Ulteriore. Le nom de Bétique n’apparaît qu’à l’époque d’Auguste au moment de la réorganisation administrative des provinces312. Ce passage n’est donc évidemment pas datable de l’époque césarienne. Cet exemple illustre bien les anachronismes présents dans le texte. Lequel est de toute évidence d’époque flavienne (Mommsen, 1909, p. 208), la gravure qui nous reste serait contemporaine, des leges Salpensae et Malacae. 309 74 Quos pontifices quosque augures G(aius) Caesar, quiue iussu eius colon(iam) deduxerit, fecerit ex colon(ia) Genet(iua). 313 Au chapitre 104, César est évoqué en tant que dictateur : … qui iussu C. Caesaris Dict(atoris) imp(eratoris) et lege Antonia senat(us)que c(onsultis) pl(ebi)que sc(itis) ... 314 Le chapitre 106 mentionne César également en tant que dictateur : Quicumque c(olonus) c(oloniae) G(enetiuae) erit, quae iussu C.Caesaris dic<t>(atoris) ded(ucta) est, ne que in ea col(onia) coetum conuentum coniu(fragments). 315 Enfin au chapitre 125, on trouve la mention suivante : [...] Quicumque locus ludis decurionibus datus <at>signatus Relictusue erit, ex quo loco decuriones ludos spectare o(perbit), ne quis in e<o> loco nisi qui tum decurio c(oloniae) G(enetiuae) erit, quiue tum magist<r>atus imperium potestatemue colon<or(um)> suffragio ger<e> iussu{q}ue C. Caesaris dict(atoris) co(n)s(ulis) proue co(nsule) habebit, quiue pro quo imperio potestateue tum in col(onia) G(enetiuae) erit... [...]. 316 313 « Les pontifes et les augures de la colonie Iulia Genetiva institués par C. Caesar ou celui qui par son ordre aura déduit la colonie… ». 314 « … par ordre de C. Caesar, dictateur et imperator et selon la loi Antonia et le senatus-consulte et le plébiscite… ». 315 « Quiconque sera colon de la colonie Genetiua qui a été fondée sur l’ordre de C. César, dictateur, et que, dans cette colonie, [trois mots à l’accusatif singulier] une réunion, une assemblée, une “conjuration” ... ne ... pas [les verbes manquent] ». Cette mesure est sans doute habituelle dans la législation de l’époque césarienne interdisant toute réunion hormis les collèges funéraires. On retrouve la mention suivante de Suétone avec laquelle on pourrait faire un rapprochement (Suétone, Diu. Iul., XLII, 4) : « César fit dissoudre toutes les associations, hormis celles dont l'institution remontait aux premiers âges de Rome ». Cependant peut-on la rapprocher du contexte de la fondation coloniale ? Pourrait-il s’agir d’une précaution afin d’éviter un éventuel soulèvement de la zone ? 75 Les trois premières évocations du fondateur permettent de penser qu’il y eut, en effet, une première déduction entre 45 et 43, comme le pensait Mommsen 317. En revanche la dernière évocation de César pose problème : … C. Caesaris dictatoris consulis prove consule habebit… Si effectivement, une première déduction sur le territoire d’Urso eut lieu en 45, voire en 44-43 après les ides de mars, on peut se poser la question de l’évocation de la charge de proconsul attachée au nom du fondateur. Mommsen expliquait ceci comme une similitude entre la titulature d’Auguste 318 et celle de César, qui n’était plus proconsul en 44 mais en aurait conservé l’imperium 319, qui aurait provoqué une confusion dans l’esprit du graveur ou du scribe chargé de la rédaction. 320 D’autre part, on sait qu’il y eut des déductions postérieures à celle de 45-43, à l’époque augustéenne sur le même site d’Urso 321, comme le prouvent plusieurs inscriptions nous renseignant sur les tribus installées au fur et à mesure. Selon J. Le Gall 322, cette mention du chapitre 125 serait traduisible de la façon suivante : « … celui qui sera investi par ordre de C. Caesar dictateur, de la puissance consulaire ou proconsulaire… », ce qui impliquerait, selon Le Gall, que les pouvoirs « officiels », puisqu’il s’agit d’un acte juridique, dont disposait César, au moment de la fondation d’Urso, lui permettaient de nommer consuls et proconsuls, ce qui semble plutôt 316 « [...] Quelque emplacement aux jeux qui aura été donné, assigné, ou laissé par les décurions, à partir de cet emplacement d’où il conviendra que les décurions assistent aux jeux, que personne (ne s’installe...) dans cet emplacement sauf celui qui sera alors décurion de la colonie Genitivae, ou qui sera alors un magistrat investi d’un imperium ou de la potestas par le vote ou/et qui l’aura sur l’ordre de C. Caesar, dictateur, consul, proconsul316, ou quelqu’un qui sera alors subrogé pour l’imperium ou la potestas dans la colonie Genetiua. [...] » 317 Mommsen, 1909, p. 206-207 318 Mommsen, 1909, p.206. Elle précédait, (Mommsen, 1907, p. 210 et suivantes), les titulatures officielles des empereurs. Toutefois, on remarquera que les exemples cités par Mommsen ne concernent que les Antonins. La titulature de Trajan est la première à inclure le titre de proconsul qui précédait celui de consul, ce qui est inversé concernant Hadrien. La titulature d’Auguste dans les provinces incluait, selon Hardy (Hardy, 1975, note 130, p. 52-53), la charge de proconsul. 319 Mommsen, Droit public IV. p. 428. note 1. Mommsen, au sujet de ce passage 125, considère l’éventualité selon laquelle César aurait conservé une partie des pouvoirs consulaires et proconsulaires durant sa dictature. 320 On peut imputer cette « illogisme » à une erreur du graveur qui, influencé par les pouvoirs de l’empereur, l’aurait « attribué », par méconnaissance, à César, comme le suggère Frederiksen, 1965. p. 187188. 321 Gonzalez, 1989, p. 133-154. 322 Le Gall, 1946, p. 139-143. 76 discutable. La traduction proposée par Crawford semble plus logique de ce fait. D’autre part, Le Gall se fonde sur l’expression imperium potestatemue pour la lier à consulis proue consule. En revanche, il avance l’argument suivant : dans le cas où la Lex Coloniae Genetiuae aurait été, comme le pensait Mommsen, promulguée après la mort de César, comment aurait-il pu désigner des magistrats ? Si l’on restitue proue co(nsule), comme le suggèrent Le Gall et Crawford, on peut traduire ainsi, selon Le Gall : « ou bien aura (l'imperium ou la potestas) sur l'ordre de C. César, dictateur, consul, ou du proconsul ». Si l’on suit Crawford qui considérait que cette énumération avait pour but de « parer à toutes les éventualités » 323, on trouve la traduction suivante : «…ou bien aura (l'imperium ou la potestas) sur l'ordre de C. César, dictateur, consul, ou proconsul… ». Le problème posé par la restitution du proue co[…], est lié à la titulature de César ; ce qui impliquerait deux sens différents : soit l’autorité dont il est question détiendrait son pouvoir de César, dictateur, consul ou/et proconsul, soit cette autorité en tant que consul ou proconsul serait désigné par César, dictateur.324 323 Crawford, 1996, p. 450. Le Gall (1946. p. 140) interprète ce passage comme signifiant que César désigne consul et proconsul. Ce point paraît discutable dans les faits ; était-il concevable que César puisse, dans un acte légal du moins, désigner consuls et proconsuls ? On sait qu’il disposait de ce pouvoir dans les faits mais dans la pratique juridique cela paraît moins évident. D’après ce que nous rapporte Dion Cassius (XLIII, 14, 15), César aurait disposé « des nominations aux magistratures ainsi que de tous les honneurs que le peuple avait l’habitude d’accorder » mais seulement après Thapsus en 46, ce qui poussait Mommsen (1909, p. 206-207) à considérer que la loi fut établie entre 45 et 43. Le fait qu’il eut disposé d’un pouvoir officiel en plus du pouvoir réel demeure clairement incertain. Un autre passage de Dion Cassius qui se situe peu avant le départ prévu de César contre les Parthes (XLIII, 51, 2) semble être moins ambigu : « Afin que la Ville ne reste pas sans magistrats pendant son absence, ou qu’en élisant quelques-uns par son propre mouvement elle ne s’adonne aux luttes intestines, ils [les sénateurs] décidèrent que les magistrats seraient nommés trois ans à l’avance, le temps que d’après eux, prendrait la campagne… César en choisit, soi-disant la moitié, en vertu d’un certain droit légal, mais en fait il les désigna tous ». On peut recouper ce passage avec celui de Suétone (Diu. Iul., XLI, 2) : « Il partagea avec le peuple le droit d’élire les magistrats, en décidant que, sauf pour les candidats au consulat, une moitié des élus serait prise parmi les candidats choisis par le peuple, l’autre moitié parmi ceux qu’il aurait lui-même désigné ». en voici lespoints de vues rapportés notammnet par Crowford 1996 : selon Frei-Stolba (Untersuchungen zu den Walhen in der römischen Kaiserzeit, Zurich, 1967), César lisait à voix haute une liste de candidats qu’il proposait. Il s’agissait d’une commendatio sans laquelle un candidat pouvait difficilement se faire élire, suivant l’opinion de Staveley (Greek and Roman Voting and Elections, Londres, 1972.note 433 p. 272). Cette commendatio était en théorie équilibrée par une renuntiatio, pouvoir permettant à César, selon B. Levick (« Imperial Control of the Elections in the Early Principate », Historia XVI, 1967. p. 209) de « renoncer » à sa commendatio, permettant ainsi à des candidats qui n’auraient pas obtenu son soutien de demeurer éligibles. Rien ne l’empêchait, toutefois, de refuser cette renuntiatio à ces mêmes candidats. Il semblerait donc, comme le conclut L. Ross Taylor (Roman Voting Assemblies, Ann Arbor, 1966. p. 130) rejoignant ainsi Tibiletti (« The Comitia during the Decline of the Roman Republic », SDHI, 1959, p. 94-127), que les pouvoirs des assemblées aient fortement diminué à partir de Thapsus, si l’on se fie à certaines indications de Cicéron (Ad Fam., X, 32, 2) et la disparition des risques de revoir paraître une force politique contrebalançant l’influence du clan Césarien. Il n’en demeure pas moins que l’assemblée populaire, bien que déclinant peu à peu entre 46 et 44, ne disparut pas complètement (Cic., Phil. II, 82 ; Suétone, Diu. Iul., 80). La question 324 77 Il est possible que les graveurs chargés de l’affichage ou les scribes chargés de recopier les rouleaux aient ajouté, par méconnaissance 325 de la titulature exacte du vivant de César 326, à une période durant laquelle le respect des charges républicaines et du droit public étaient on ne peut plus flous, la charge de proconsul. César n’est plus proconsul depuis 49, théoriquement à partir du moment où il franchit le pomoerium, il dépose son imperium proconsulaire. La situation étant confuse à son passage à Rome avant Pharsale, il se pourrait qu’il demeure une confusion au sujet de la nature exacte de son imperium. Toutefois il paraît évident qu’en 44, il ne peut guère y avoir d’ambiguïté à ce sujet. D’autre part, Le Gall se rangeait à l’opinion de Carcopino 327 selon laquelle la titulature officielle de César dans les derniers mois de sa vie portait le terme d’Imperator tel qu’on peut le voir dans cet extrait du chapitre 104 de la loi : ... qui iussu C. Caesaris Dict(atoris) imp(eratoris) et lege Antonia senat(us)que c(onsultis) pl(ebi)que sc(itis) ager datus atsignatus erit,... 328 Mommsen 329 faisait le raisonnement suivant : le qui iussu et le ager datus atsignatus erit se rapportent à César, ce qui signifierait que « de par son ordre et pouvoir » (iussu), l’organisation de la déduction et du projet de loi serait de son fait mais que le vote de la loi fut présidé par Antoine comme le passage, supposé postérieur aux ides de Mars 44 330, le laisse entendre : lege Antonia senat(us)que co(n)s(ultis) pl(ebi)que sc(itis). En revanche, l’idée de Le Gall concernant ce passage était qu’Antoine aurait pu agir en tant que maître de cavalerie de César, dictateur, donc en 47. 331 César étant retenu en Orient, d’un pouvoir officiel de César, lui permettant de nommer consuls et proconsuls paraît donc discutable. En tant que dictateur, néanmoins, il est en charge de veiller à l’élection des magistratures mais pas de les désigner ; rien, à priori, dans les sources, ne permettrait de l’affirmer. 325 On peut imputer cette « illogisme » à une erreur du graveur qui, influencé par les pouvoirs de l’empereur, l’aurait « attribué » à César, comme le suggère Frederiksen (1965. p. 187-188) 326 Le Gall (1946. p. 141. 327 Carcopino J. ;, Points de vue sur l’impérialisme romain, p. 127 ; César, 1965. p. 1001, selon lequel la titulature officielle de César « dans les derniers mois de sa vie portait le praenomen d’Imperator » (l’expression est de Le Gall, 1946. p. 142 qui le cite). 328 « (concernant le territoire)…qui aura été donné, assigné sur l’ordre de Caius Caesar, dictateur, imperator, et par la loi Antonia, les sénatus-consulte et les plébiscites... ». 329 Mommsen, 1909, p. 206 330 Sur ce point Gabba, 1988, 160 et suivantes. 331 L’autre argument de Le Gall (1946, p. 139-140) concernant une date antérieure à 47 pour la Lex Mamilia et la Lex Coloniae Genetiuae, probablement liées, était que la déduction sur le site d’Urso ait pu être interrompue par l’arrivée de Cn. Pompée Jr., ce qui pourrait expliquer le soutien assez énergique de la 78 Antoine aurait été le seul magistrat en exercice, les élections n’ayant pu avoir lieu 332 ; ce qui expliquerait que la charte de fondation d’Urso soit une Lex Antonia. b. Hypothèse de datation Il semble que, suivant l’hypothèse de Le Gall, il soit plus aisé de dater la Lex Coloniae Genetiuae parallèlement à la Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia qu’il datait toutes deux de 47 av.J.-C. F.T. Hinrichs proposait la date de 49 333 pour cette dernière en la distinguant d’une Lex Mamilia plus ancienne. Si l’on se place dans une perspective plus large, en considérant le nombre de colonies fondées par César ou du moins, à son initiative, il semble fort probable que les chartes de fondations des cités étaient calquées sur un même modèle. Si l’on accepte ce point, on pourrait émettre l’hypothèse de l’existence d’une loi césarienne plus générale qui aurait réglementé dans les moindres détails le processus de fondation des colonies. Plusieurs éléments dans le texte même de la Lex Coloniae Genetiuae laisse supposer que César tenta d’organiser une première fondation à Urso dès les débuts de la guerre civile après sa campagne espagnole de 49. La mention du chapitre 125 concernant la titulature de César posait problème comme on a pu le constater. Les restitutions de Le Gall et de Crawford étaient similaires mais traduites différemment ; ils s’accordaient à mettre la mention de proconsul à l’ablatif. Le Gall supposait d’ailleurs, de même que Mommsen, que César ait eu le pouvoir officiel, insistons sur ce point, de nommer les proconsuls ce qui semble discutable. On peut toutefois proposer la restitution suivante : … iussu{q}ue C. Caesaris dict(atoris) co(n)s(ulis) proue co(nsulis) cité d’Urso à Pompée (De Bell. Hisp., 28 et 41) qui refusait sans doute de voir son territoire confisqué au profit des vétérans. D’autre part cette fondation, ainsi datée, coïnciderait avec les mutineries des vétérans césariens revenus de Pharsale et attendant en Italie d’être lotis (références dans J.Carcopino , César…p. 866-885, 905-908). 332 En faisant le lien avec la Lex Mamilia, Le Gall suggère que les cinq magistrats n’auraient pu être réunis qu’en 47. Toutefois, si l’on peut admettre que ces deux lois aient été antérieures à 47, rien dans son argumentation ne s’oppose à l’hypothèse d’une datation de ces deux lois en 49. Nous reviendrons sur cette hypothèse dans le chapitre 3 de notre étude. 333 Hinrichs, 1969, p. 520-544. 79 Il semblerait possible de restituer le titre de proconsul, étant donné qu’il suit celui de dictateur et de consul, au génitif singulier ; dans ce cas la titulature complète C. Caesaris dictatoris consulis proueconsulis ne pourrait se rapporter qu’à César. Dans le cas où l’on maintiendrait la restitution de proue co(nsule) à l’ablatif, Crawford semble le considérer comme attribut du sujet ; il s’agirait d’un ablatif absolu. Si l’on se fonde sur cette restitution, la mention du proconsulat de César pose un problème de datation. Si l’on considère que César est évoqué en tant que dictateur, consul et proconsul, il serait envisageable que cette loi ait été promulguée dès 49. La situation institutionnelle à Rome est troublée au cours des mois précédant la campagne espagnole, comme nous l’avons vu, ce qui expliquerait un tel cumul ; César, en théorie, renonçait à son imperium proconsulaire une fois le pomoerium franchit. La situation étant exceptionnelle au moment de son entrée à Rome, il est malaisé de définir de quels pouvoirs il était investi à ce moment là. Quelle est sa charge officielle, lorsqu’il quitte Rome pour l’Espagne ? Il se fit voter par Lépide la dictature durant son absence 334sans doute aux mois de mai-juin 49, mais disposait-il d’autres pouvoirs ? César arrive à Rome aux alentours du 1er avril 335. Toutefois un élément intéressant est à souligner : le Sénat est convoqué hors de la Ville 336 au temple d’Apollon 337. La réunion du Sénat est présidée par deux tribuns, sans doute Q. Cassius Longinus et Antoine 338, mais il semble qu’alors César était proconsul 339. Ce point est notable : César ne préside pas la réunion du Sénat, puisqu’en tant que simple citoyen 340, ou proconsul, il ne dispose pas de l’imperium domi. Peut-on y voir un élément qui impliquerait qu’il n’ait pas déposé son imperium proconsulaire ? Si l’on se replace dans le contexte des premiers mois de 49, l’essentiel du conflit entre Pompée et César concernait la question de la déposition de Alors qu’il se trouvait à Marseille (Caes., B.C., 2, 21, 5 ; Lucain 5, 383 ; Ap., G.C.., 2, 48 ; Dion Cassius, XLI, 36, 1-2 ; 43, 1, 1). 335 Dion Cassius XLI, 15, 2 et 16. 336 Caes., B.C., I, 32 ; Cic., Att., IX, 17, 1 ; Fam., IV, 1, 1 ; Plut., Caes., 35, 4 ; Dion Cassius, XLI, 1, 15, 2. 337 Lucain, Pharsale, III, 6. 338 Dion Cassius, XLI, 15. 339 Bonnefond Coudry, 1989. p.147 et suivantes. 340 Si l’on suit Lucain (III, 7). César était effectivement « un simple citoyen », son imperium proconsulaire fut renouvelé par la Lex Trebonia de 55 (Cic., Att., IV, 9, 1 ; Dion Cassius XXXIX, 33-36) mais pour cinq ans. Son pouvoir expirait donc au début de l’année 49. C’est parce que César craignait des poursuites judiciaires, qu’il voulu être candidat au consulat pour 49 puis pour 48. C’était bien là la raison qui déclencha la guerre civile qui inspira le poète. En tant que simple citoyen, s’il ne se réfugiait pas dans l’illégalité en demeurant à la tête de ses troupes, il pouvait comparaître tandis qu’en tant que que consul designatus, du point de vue juridique, il pouvait mieux se défendre. Les procès des années 54-53 l’ont montré. 334 80 leurs pouvoirs respectifs ; si Pompée n’avait pas déposé son imperium, César durant les quelques jours qu’il a passés à Rome, au début d’avril 49, l’aurait-il fait ? Il semblerait donc plausible qu’il ait conservé un titre lui permettant de commander avec un semblant de légitimité des armées hors d’Italie. On pourrait évidemment objecter l’épisode du tribun Metellus concernant le trésor public qui se trouvait au temple de Saturne 341. Lors de la réunion du Sénat, César semblait avoir pour intention de trouver un moyen de rétablir un dialogue avec le camp Pompéien ; en cas d’insuccès sans doute prévoyait-il qu’il était préférable de ne pas déposer sa pro magistrature. Devant l’insuccès de sa démarche, le Sénat n’ayant pas résolu le conflit, César franchit le pomoerium pour accéder au temple. On note donc une distinction entre un respect des formes institutionnelles afin de tenter une conciliation et, une fois que le conflit semblait inévitable, la nécessité matérielle pour César de s’emparer du trésor public ; à ce moment là le respect des règles concernant l’imperium ne lui semblait plus indispensable. Un élément important pose problème concernant la mention du chapitre 125 ; l’évocation de César en tant que consul ; César n’est pas consul en 49 mais en 48. On peut difficilement expliquer ce passage sans recourir à l’hypothèse de Frederiksen 342 ou à celle de Crawford 343. Si l’on se replace dans le contexte politique de l’année 49, en récapitulant les éléments que l’on sait, il est évident que la situation institutionnelle n’était guère stable. César, en décembre 50, souhaitait occuper le consulat pour l’année suivante ; on sait qu’il ne l’obtint pas. Puis, vraisemblablement, il conserva son imperium proconsulaire bien qu’il eut franchi le pomoerium. Cependant il prit soin de ne pas présider la réunion du Sénat du 1er avril 49 ; il laissa ce rôle à ses partisans bien qu’ils fussent tribuns. Si l’on admet l’hypothèse qu’une première étape juridique concernant la Lex Coloniae Genetiuae ait été exécuté au cours de l’année 49, il est probable que les 341 Peu avant le récit de cet épisode, Dion Cassius nous rapporte ceci : « César ne donna pas alors au peuple les sommes qu'il lui avait promises : bien loin de là, il exigea pour l'entretien de l'armée qui inspirait tant de craintes tout l'argent déposé dans le trésor public. De plus, comme si la République avait été dans une situation prospère, on prit le vêtement réservé pour le temps de paix ; ce qui ne s'était pas encore fait. Un tribun du peuple, Lucius Métellus, combattit la proposition concernant les fonds… ». La précision concernant « le vêtement réservé pour le temps de paix » signifie sans doute que César, ou ses partisans, agissaient en vertu d’un semblant d’imperium domi qui leur permettait de prélever les fonds sans susciter des troubles majeurs excepté dans l’aristocratie sénatoriale dont témoigne Cicéron (Att., IX, 6, 3; X, 4, 8 et 8, 6). 342 Sans préciser que ce fut le cas pour ce passage de la loi, Frederiksen (Frederiksen, 1965. p.180 et suivantes) avance l’explication concernant les conditions de gravure des textes légaux ; les erreurs commises par les graveurs étaient fréquentes, ne serait-ce que par ce qu’il considère comme des erreurs linguistiques (Mommsen, 1909. p.209-211). 343 Crawford considérait, comme nous l’avons vu, que cette titulature de César est « précisément désignée pour permettre toutes les éventualités » (Crawford, 1996. p. 450). 81 graveurs, ou les scribes, si l’acte fut inscrit sur rouleau n’eut pu avoir une certitude concernant la titulature exacte et « officielle » de César. Cette instabilité, nous permet d’avancer un élément qui pourrait conforter notre hypothèse ; seule l’année 49 permettait une telle confusion. On serait bien en mal de définir en quelle qualité César agit cette année puisque, comme le résumait Ronald Syme 344, « une question de force avait remplacé une question de droit » ; toute procédure légale ne pouvait donc qu’être fictive. A partir de 47, on sait exactement quelle est la titulature officielle de César ; il ne peut, logiquement, être évoqué en tant que proconsul dans un acte officiel. Le Gall avait démontré que la Lex Coloniae Genetiuae ne pouvait pas être postérieure à 47 345. On peut assurément le rejoindre sur ce point. Cependant il considérait, en faisant le lien avec la Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia, que les magistrats constituant une commission devait avoir au moins exercé la préture ; or il a été démontré que dès l’époque syllanienne, des priuatii pouvaient organiser une deductio 346. En faisant un lien entre ces deux textes juridiques, on rejoindrait l’hypothèse d’Hinrichs 347, qui date cette loi de 49 ; les cinq magistrats composant cette commission auraient pu exercer cette charge ; deux d’entre eux étaient préteurs en 49348. Un autre élément dans le texte conforte cette hypothèse d’une première législation en 49. Au chapitre 104, on trouvait la mention suivante : qui iussu C. Caesaris Dict(atoris) imp(eratoris) et lege Antonia senat(us)que c(onsultis) pl(ebi)que sc(itis) ager datus atsignatus erit. On interprétait à maintes reprises ce passage de la façon suivante : Antoine fit voter cette loi décidée par César, dictateur et imperator, dans les mois suivants sa mort, ce qui est discutable puis qu’on apprend par Cicéron 349 que les lois votées par Antoine en 44 furent 344 Syme, 1967. p. 56-57. Le Gall, 1946. p. 139-143. 346 Moatti, 1993. p. 7-8. Les commissions agraires tendaient, à la fin de la République, à être constituées d’officiers, de praefecti ou legati, voire même de sous officiers (centurions) ou d’affranchis comme ce fut le cas à l’époque syllanienne. Il s’agissait d’un mode d’administration plus personnel (Suet., Caes., 78-79; Broughton, MRR II, 1951-1952. p. 313 et suivantes). 347 Hinrichs, 1969, p. 524 et suivantes. 348 A. Allienus (Cic., Att., X, 15, 3) et L. Roscius Fabatus (Cic., Att., VIII, 12, 2; Caes., BC, I, 3, 6 et 8, 4; Dion Cassius, XLI, 5, 2). Ce dernier fut probablement également l’auteur de la loi accordant la citoyenneté aux transpadans (Yavetz, 1990. p. 76-81) 349 Cic., Phil., VI, 14; XI, 13. 345 82 retirées peu après 350. Le Gall pensait qu’il s’agissait d’Antoine en tant que magister equitum du dictateur qui fit voter cette loi durant son absence en Orient en 47, date qu’il propose concernant la Lex Coloniae Genetiuae. On sait néanmoins qu’un tribun pouvait proposer une loi et la faire approuver par le Sénat et la Plèbe (… senatusque consultis plebique...). Or Antoine était tribun pour l’année 49 et se trouvait à Rome durant l’absence de César 351, ce qui lui permettait de promulguer une Lex Antonia qui aurait fondé Urso. On sait qu’il a promulgué plusieurs lois suivant les instructions de César, notamment la loi sur les enfants des proscrits syllaniens 352 ainsi que celle concernant ceux qui furent condamnés par la loi pompéienne de 52 353. Si César a envisagé une loi agraire ou du moins une charte fondant Urso dès 49, il l’aurait faite établir par Antoine ; ce qui expliquerait le lege Antonia du chapitre 104. Il semble que, dès 49, César ait commencé à réorganiser juridiquement certains territoires une fois qu’ils étaient soumis. Rappellons la Lex Iulia de ciuitate Gaditanorum pour le cas de Gadès, qui date de son passage en Espagne en 49. Cette loi, planifiée une fois la région pacifié, ne fut confirmée que plus tard à Rome 354. Ce fut également le cas pour la loi confisquant une partie des terres de Massilia 355 après le long siège de 49. César semblait prendre les décisions une fois sur place et les faire approuver par la suite par les assemblées, ce qui fut sans doute également le cas pour Urso. Il est donc possible que, dans un premier temps, César ait décidé d’installer des colonies afin de contrôler une zone turbulente, après Ilerda et sa victoire sur Varron. Ce qui expliquerait la présence de 6000 colons harcelés par les Pompéiens 356. On peut émettre l’hypothèse que la première élaboration de la loi d’Urso daterait donc de 49. Elle pourrait, qui plus est, faire partie d’un Lex Iulia Agraria générale dont on n’aurait que des indices d’existence 357. La Lex Mamilia 358 et la Lex coloniae Genitiuae feraient ainsi 350 Chouquer et Favory, 2001. p. 150-151. Antoine avait été élu tribun en décembre 50 pour l’année 49 (Hirtius/Caes., B.G., 8, 50, 1-3 ; Plut., Ant., 5, 1). 352 Suet., Diu. Iul., 41 ; Plut., Caes., 37 ; Dion Cassius XLI, 18, 2 et 17, 3 ; XLIV, 47, 4 . 353 Cic., Phil., 2, 55-56 ; ad Att. 10, 4, 8 ; Caes., B.C., 3, 1, 4 ; Suet., Div.Iul., 41. 354 Dion Cassius, XLI, 24, 1 ; Tite Live, Per., 110 ; Flor., II, 13, 29. 355 Dion Cassius, XLI, 25, 3. 356 Caes., B.C., I, 51. 357 Le fait qu’au cours de l’année 44 les consuls Marc Antoine et Dolabella aient proposé une loi créant une commission de sept magistrats pour assigner des terres aux vétérans et aux citoyens les plus pauvres peut constituer un indice (Cic. Att., XV, 19,2 ; Phil. V,7 ; V, 21, VIII, 26 ; XII, 23 ; Dion Cassius, XLV, 9). César a pu concevoir un projet à plus large échelle pour lotir les vétérans et des plébéiens qui fut ensuite repris par les Triumviri puis par Auguste. Cf chapitre précédant. 351 83 partie d’un large programme de distribution de terres à l’échelle des territoires méditerranéens contrôlés par Rome, donc une supposée Lex Iulia Agraria qui serait différente de celle de 59 concernant les lotissements. Dans un second temps, César confia le gouvernement de la province à Q.Cassius Longinus 359. Ce dernier, comme nous l‘avons précédemment, était lié aux exactions qui provoquèrent le soulèvement des provinces ibériques. Le processus de fondation d’une colonie est théoriquement long. Il s’agit, une fois la loi votée, d’enrôler les colons, de procéder à l’arpentage du territoire destiné aux colons, et de régler la question du partage des terres entre indigènes et allogènes. On peut donc supposer, si l’on admet l’hypothèse qu’une première version de la loi d’Urso daterait de 49, que le processus fut évidemment ralenti par le soulèvement de la province. César, après avoir réprimé la révolte et vaincu les fils de Pompée à Munda, a sans doute voulu régler la question de la colonisation d’Urso ; ce qui pourrait expliquer les motifs de cette cité à résister au vainqueur de la guerre civile. Quand bien même les exactions de Cassius Longinus auraient exaspéré la province, on s’explique mal la résistance des espagnols autrement que par la résistance à la confiscation de leurs terres. Dans le Bellum Hispaniense, il est question de treize légions pompéiennes 360 ; elles étaient constituées entre autres de deux légions varroniennes, de celle d’Afranius, et d’une quatrième facta ex colonis qui fuerunt in his regionibus. Ces colons établis dans la province étaient probablement soit des colons établis par Pompée, ils suivraient alors son fils en vertu des liens clientélaires, soit de colons établis par César au cours de son premier passage en 49. Toutefois, concernant cette dernière hypothèse comment expliquer que ces colons se soient révoltés contre celui qui les avait lotis ? L’auteur du Bellum Hispaniense a sans doute pu exagérer, étant donné la rhétorique césarienne, la difficulté de la campagne de 45. Cependant l’impopularité de César ne peut s’expliquer que par les exactions de son lieutenant. Si l’on suppose que les premières mesures concernant la fondation d’Urso, et d’autres colonies, avaient été entamées dès Nous désignerons désormais par Lex Mamilia la loi liée à l’époque césarienne à ne pas confondre avec la Lex Mamilia de 111-109 av. J.-C. 359 Pseudo Caes., B.Al., IV, 48-64. Selon Carcopino (Carcopino J., César, Paris, 1968, p.355), Q. Cassius Longinus serait le frère du futur assassin de César. Selon Gruen, (Gruen, 1974, p.182). Il avait déjà une bonne connaissance de l’Espagne, ayant servi en tant que questeur sous le commandement exceptionnel de Pompée (Cic., Att., 6, 6, 4 ; voir aussi Brougton, M.R.R., vol. III, p.52). Il avait, dès cette première magistrature connue en Espagne, été poursuivi pour extorsions (cf. Cic., Fam., XV, 14, 4, lettre datée d’Octobre 51). 360 Pseudo Caes., B.H., VII, 4 ; XXX, 1 ; XXXIV, 3. 358 84 49, on peut ainsi s’expliquer la résistance de cités comme Munda et Urso malgré la défaite de Pompée le Jeune. 361 On distinguerait donc plusieurs phases. Tout d’abord la prise de décision par César en 49 et une première élaboration de la loi présentée par Antoine pendant l’absence de César. Puis, l’enrôlement des colons et le départ pour le site qui a du être fortement ralenti par le soulèvement espagnol de 47-45. Enfin, la colonisation en Espagne fut reprise, une fois la paix rétablie après Munda. Par la suite, après l’assassinat de César, le site d’Urso accueillit sans doute une nouvelle vague de colons, probablement à l’époque triumvirale ou augustéenne. Différents arguments et différentes hypothèses ont pu être avancés concernant l’appartenance de la loi d’Urso au programme césarien de colonisation de l’Espagne. Nous avons donc tâché ici d’établir un état de la question à ce sujet et de proposer une hypothèse de datation. Si l’on pouvait se permettre une quasi certitude, ce serait de considérer que la loi à laquelle on a affaire soit lié à la colonisation césarienne qu’elle ait été ou non établie de son vivant. 361 Bell. Hisp., 41, 1-5. 85 A l’origine de toute fondation coloniale, une loi est l’acte qui initie le processus. La loi agraire fixe toutes les caractéristiques de la colonie : les pouvoirs et la composition des triumviri et des decemviri de la commission chargée de l’application de la loi sur le terrain, les territoires à partager aux colons, les bénéficaires des distributions, le mode de distribution, les liens de patronat entre la colonie et le responsable de la loi. Tâchons à présent d’établir ce que l’on sait concernant la procédure juridique d’établissement de cette loi. B. La Lex Coloniae Genetiuae ; un acte fondateur. La procédure juridique de la loi coloniale est en principe similaire à toute autre forme de loi. Un texte législatif, quel qu’il soit, est ratifié par le Sénat après avoir été présentée par le magistrat devant les comices tributes, centuriates ou curiates. Chacune de ces trois assemblées disposait de compétences particulières 362. Les deux assemblées les plus fréquemment sollicitées à la fin de la République pour voter les lois 363 demeuraient néanmoins les comices tributes et le concilium plebis. Ces deux assemblées étaient confondues pour la période qui nous intéresse 364, on la désigne par le nom d’assemblée de la plèbe et l’acte qui résulte de son vote est le plébiscite. Cette assemblée élit les magistrats excepté les préteurs et les consuls, ainsi que les magistrats exceptionnels comme les triumviri ou decemviri agraires 365. Un magistrat supérieur, consul, dictateur, maître de la cavalerie, ou encore tribun de la plèbe, peut proposer une loi à cette assemblée 366 qui sera votée puis ratifiée par le Sénat. Dans la pratique, on admet néanmoins que la procédure juridique théorique ait perdu de son importance avec les multiples assignations césariennes ou triumvirales. La fondation 362 Nicolet, 1976. p. 295-307. Botsford, 1909, p. 317-327. 364 Ces deux assemblées désignaient « presque entièrement la même chose » (Nicolet, 1976. p. 306) 365 Mommsen, Droit Public vol. IV, p. 336-352. 366 Gargola, 1995, p. 53-56 ; Bonnefond-Coudry, 1989, p. 394-413. 363 86 de la colonie du point de vue juridique commence donc à Rome. Depuis les Gracques 367, toutes les colonies étaient fondées, en principe, avec l’accord du Sénat. 368 Hinrichs 369 proposait de distinguer les colonies civiles et des colonies militaires, ces dernières auraient nécessité un plébiscite. Cette distinction bien qu’intéressante n’est guère illustrée par un exemple précis dans la législation agraire. Selon Botsford 370 et Rudorff 371, l’affirmation de Velleius Paterculus concernant le fait que toutes les colonies militaires de droit romain post gracquiennes furent fondées avec l’accord à la fois du Sénat et du conseil de la Plèbe paraît la plus vraisemblable. 372 Ce point semble clairement illustré par la mention suivante au chapitre 104 : … qui iussu C. Caesaris Dict(atoris) imp(eratoris) et lege Antonia senat(us)que c(onsultis) pl(ebi)que sc(itis) ager datus atsignatus erit. Ce passage indique bien l’intervention des deux organes législatifs concernés pour le vote de la lex rogata. Elle résulte de l’intervention du Sénat et de l’assemblée de la plèbe : senatusque consultis plebique scitis. Le deductor est investi, par cette loi, du pouvoir de fonder la colonie et de lui donner une loi, ce que Mommsen considérait comme une Lex data 373. Cette définition fut discutée par Tibeletti, Frederiksen, puis 367 Velleius Paterculus, 1, 14, 1. On trouve néanmoins quelques exemples de fondations votées par une seule des deux assemblées. D’après les informations abondantes que nous livre Tite-Live ( XXXII, 29, 3-4 ; XXXIV, 53, 1-2 ; XXXVII, 46, 9), on peut considérer, comme le précise Gargola (1995, p. 53-55), que les procédures diffèrent selon le statut de la colonie dont il sera question. Les plus importantes (colonies de droit romain), particulièrement à l’époque républicaine tardive nécessitent le plus souvent l’accord des deux assemblées, le vote des comices et la ratification par le Sénat. Si les colonies latines pouvaient être fondées par seul un senatus-consulte (Willems, 1885, p.83 ; Bonnefond-Coudry, 198,. p. 302 et suivantes), une loi était requise pour les colonies de droit romain par senatus-consulte autorisant la proposition aux comices qui les valident par un plébiscite. 369 Hinrichs, 1989, p. 10-12. 370 Botford, 1909, p. 350-351 371 Rudorff, 1852, p. 331. 372 Contrairement à ce que nous rapporte Tite-Live (34-53.1-2). 373 La Lex Coloniae Genetiuae est considérée par Mommsen comme une lex data (Mommsen, 1909, p. 194 et suivantes), c'est-à-dire une loi votée à Rome après avoir été planifiée et proposée par un magistrat cum imperio. La légitimité de ce type de loi, selon Mommsen, ne reposerait que sur le pouvoir dont est investi le magistrat. Cette catégorie de loi serait proprement distincte de la Lex Rogata, laquelle serait un type de loi proposé par un magistrat, dictateur, consul, tribun de la plèbe ou préteur, qui la propose au vote par les comices, tributes (ou concilium plebis) ou centuriates, puis qui la fait ratifier par le Sénat. Néanmoins la notion de lex data définie par Mommsen (Droit Public, 1890, VI, 1, p. 345) est sujette à discussion. Tibiletti (1955. p. 595 et suivantes) avait démontré que cette catégorie de loi n’était guère autonome et s’accompagnait donc d’une législation plus générale dont la « lex data » ne serait qu’une application locale. Frederiksen (1965. p. 183 et suivantes) va plus loin, considérant qu’au dernier siècle de la république un type de loi autonome ne pouvait être voté ou confirmé sans un vote régulier des assemblées du moins 368 87 Gabba 374 considéraient la notion de la lex data, donnée par Mommsen 375, comme « non existante » de par le fait qu’elle ne puisse être autonome parce qu’elle résultait de la lex rogata. D’autre part en considérant la démonstration de Frederiksen376 et de Magdelain377 sur les différents types de lois, on s’aperçoit que le sens donné au verbe dare ne semble pas avoir fonction de définir véritablement un type de loi. La Lex Rogata donc validée par les comices était indispensable, du moins à l’époque républicaine antérieure au triumvirat. 378 On peut le constater de par cette mention, typique 379 d’une loi comitiale, au chapitre 95 : … ex hac lege nihilum rogatur. 380 Ce que l’on peut en revanche considérer, de par ces extraits, c’est qu’il est fait référence à la loi donnée (data) par le magistrat chargé de fondé la colonie. On trouve des évocations de la charte de fondation, on trouve les mentions suivantes qui évoquent indirectement la loi : Au chapitre 68 : Quicumque pontifices quique augures coloniae Genetivae Iuliae post hanc legem datam […] 381 Au chapitre 72 : jusqu’aux assignations triumvirales. Gabba (1988, p. 160-161) se place en faveur de cette hypothèse en admettant néanmoins qu’en cette période tardo-républicaine, les lois agraires ne nécessitaient plus forcément un vote régulier ; avec la multiplication des assignations et les importantes pressions des vétérans dans les années 49-42, le respect des procédures légales ne semblait plus maintenu en application. 374 Tibiletti, p. 594 et suivantes ; Frederiksen, 1965. p. 189-191 ; Gabba, 1988. p. 161-164. 375 Mommsen, 1909. p. 192 et suivantes; Magdelain expose un état de cette discussion concernant la définition de Mommsen (Magdelain, 197, p.62-70). 376 Frederiksen (1965. p. 189-192) conclut par le fait que cette typologie de Lex data puisse être abandonné ; le sens du terme data dans la législation étant à traduire simplement par le terme « donné ». 377 Magdelain, 1978. Chapitre II sur la lex data. 378 Frederiksen, 1965, p. 190 et suivantes 379 Frederiksen, 1965. p. 194 ; Magdelain, 1978, chapitre II. 380 « … de par cette loi promulguée ». 381 On peut proposer la traduction suivante : « Tous les pontifes et tout les augures élus ou cooptés après la promulgation de cette loi… ». 88 Quotcumque pecuniae stipis nomine in aedis sacras datum inlatum erit, quot eius pecuniae eis sacris superfuerit, quae sacra, uti hac lege data oportebit […] 382 Au chapitre 92 : … uti hac lege decurionumue decreto dari oportet, dato… 383 Au chapitre 101 : Quicumque comitia magistratibus creandis subrogandis habebit, is ne quem eis comitis pro tribu accipito neue renuntiato neue renuntiari iubeto, qui in earum qua causa erit, e qua eum hac lege in colonia decurionem nominari creari inue decurionibus esse non oporteat non liceat. 384 On remarque dans ces passages que l’usage du verbe dare n’est pas forcément associé à la notion de loi mais également à celle d’un pouvoir permettant de donner une loi, comme on peut le remarquer dans la mention dati iussive du chapitre 95. Il semble s’agir d’une éventualité de nomination ou de promulgation selon les cas. En conclusion, d’après les différentes études évoquées, on peut constater que de par la procédure théorique de fondation, votée par le concile de la plèbe après rogatio et non pas décidée directement par un magistrat, et de par certains passage du texte même de la loi d’Urso, on peut supposer que la Lex Coloniae Genetiuae soit une Lex donnée par un magistrat investi d’un pouvoir obtenu par une Lex Rogata dont on trouve des évocations dans le texte même de la Lex Coloniae Genetiuae. Bien que rien ne permette 382 « Toute somme apportée ou offerte aux temples sacrés à titre d’offrandes religieuses et proportionnellement à leur montant en tant que reste des sacrifices donnés selon cette loi promulguée… » 383 « … ou par un décret des décurions promulgué suivant la présente loi…» 384 « Nul, durant la tenue d’une comitia pour l’élection ou la cooptation de magistrats, ne pourra, à cette comitia, accepter quelqu’un d’une tribu ou renvoyer ou ordonner de renvoyer aucun candidat, pour lequel aucune de ces causes ne saura être attachée, par lequel il ne serait pas propre ou légal pour quiconque de la colonie, de par cette loi, d’être nommé ou institué décurion, ou de siéger parmi les décurions ». On sait ici que l’organisation, au moment de la gravure de cette loi se faisait par tribu, comme à Rome. Cette mesure, comme le remarque Hardy (1975, p. 46) est similaire à un passage de la Lex Iulia Municipalis empêchant quiconque d’exercer une magistrature s’il ne siège pas au sénat durant les élections. Crawford le rejoint sur ce point (1996, p. 444). La législation municipale à l’époque césarienne, sur ce point, semble donc la même que pour la colonie d’Urso. 89 d’affirmer qu’il s’agisse d’une loi applicable dans d’autres colonies que celle d’Urso, on trouve une évocation d’une Lex Iulia ; au chapitre 97, seul endroit où elle est clairement mentionnée : … ex lege Iulia est… On sait donc que l’étape du vote de la loi fondatrice 385 se déroule à Rome. La loi est lue en public par le ou les magistrats qui proposent le projet ; dans le cas présent César ou Antoine. Puis, dans un second temps, a lieu le vote de l’assemblée de la Plèbe 386, votant par tribu, présidée, dans le cas présent, par César, en tant que « dictateur, consul ou proconsul » 387. On remarquera qu’un proconsul, dont il est question ici, ne peut convoquer les assemblées pour faire voter une loi, puisqu’en théorie, il dépose son imperium proconsulaire avant de franchir le pomoerium qui plus est, il ne dispose guère de l’imperium domi. Il demeure l’éventualité qu’un magistrat puisse réunir les assemblées votantes à l’extérieur, à moins d’admettre ici une « corruption » du texte gravé. D’ordinaire, le magistrat responsable de la proposition convoquait les assemblées en question pour lire la loi en public. Les votants devaient se réunir sur un des lieux de réunion des comices 388 et approuver ou refuser la proposition du magistrat. Une fois le vote acquis, la loi était à nouveau lue en public à ceux qui étaient concernés389 ; les futurs colons. Toutefois, au premier siècle, en cas d’attribution de pouvoir extraordinaires, comme pendant la dictature de Sylla, de César ou sous le triumvirat de 43, le recours aux comices n’était plus nécessaire pour les lotissements de vétérans 390. Il existait vraisemblablement deux exemplaires de la loi, comme probablement toute loi concernant Rome et une autre cité 391. 385 Les renseignements sur le déroulement des votes nous sont principalement rapportés par Tite-Live concernant les fondations coloniales, les premiers magistrats de ces colonies et le déroulement du vote (cf. Gargola, 1995, p. 52). 386 Il s’agit là du concilium plebis ou comices tributes, puisqu’il semble y avoir une confusion entre les deux types d’assemblées à l’époque césarienne ou encore par les comices centuriates. Les comices curiates n’étaient que rarement réunies (Nicolet, 1976, p. 297) et n’avaient d’importance que pour la vote de la lex curiata de imperio. 387 Voir le chapitre 125 de la Lex. 388 Nicolet, 1979, p. 346-349. 389 Magdelain, 1978, p. 23-54 concernant les formules d’usage dans les lois par lesquelles on peut les identifier et la procédure théorique. 390 Gabba, 1951,. p. 171-250. 391 Tibiletti (1955, p. 597) de même que Frederiksen (1965. p. 185 et suivantes) considéraient cette éventualité qu’il puisse y avoir deux versions d’une même loi, une exemplaire conservé à Rome et un autre dans la colonie ou la cité concernée. Frederiksen cite d’ailleurs plusieurs exemples de lois, principalement des traités avec des cités ; chacune des cités, lorsqu’un accord définissant un statut était convenu, 90 Depuis la Lex Iulia Licinia de 62 av J.-C. 392, toutes les lois, après que le vote eut été accompli, étaient conservées dans l’aerarium qui complétait sans doute le tabularium 393. On est donc amené à supposer qu’une copie des lois coloniales ou municipales était conservée à Rome, et qu’un autre exemplaire était envoyé dans la colonie en question où elle était lue par les magistrats aux habitants de la colonie 394. Nous avons donc fort probablement affaire à une copie tardive de l’exemplaire envoyé dans la colonie d’Urso après sa fondation et retravaillé par la suite. conservaient un exemplaire de la loi en résultant. Il s’agissait fort probablement, selon Frederiksen, d’un mode de conservation d’actes légaux. Il avance également certains éléments qui permettraient de penser que chaque acte légal était conservé en deux exemplaires, particulièrement à partir du consulat de César et du tribunat de Clodius (Cic, Att. 3, 15, 6 ; Phil. 1, 26). Evidemment, dans le cas qui nous intéresse, on suppose qu’il y eut deux exemplaires de la Lex Coloniae Genetiuae. On peut également se référer à Mommsen (Droit Public, II, p. 371) concernant cette question du double affichage. 392 Cic., Vat., 33 ; Phil., 5,7. 393 On le sait d’après ce que nous rapporte Suétone (Diu. Iul., 28) concernant par exemple la loi pompéienne de 52, la Lex de iure magistratuum : … Lege iam in aes incisa et in aerarium condita…. (Mommsen, Droit Public III, 2. p.371). Selon Moatti (1993,. p. 63-78), les formae étaient fort probablement conservée à l’époque républicaine. Si ce point est certain pour la période impériale, on dispose toutefois de peu d’éléments déterminants. L’exemple de la rogatio servilia nous renseigne à ce sujet : Cicéron (De Leg. Agr., II, 88 ; II, 31 ; Pro Balbo., 48) évoque des documents auxquels il a eu accès : monumenta uetera, litterae et senatus consulta. Cencetti (1940. p. 7-49) considérait que l’aerarium républicain constituait une sorte d’archive centrale où étaient conservés plusieurs actes légaux. L’opinion de Cencetti est fréquemment suivie (Moatti, 1993, p.67), d’autant qu’on a des traces de plusieurs traités, comme par exemple le traité d’amitié passé entre Rome et Elée en 129 (IGRR, IV, No 1692) dont un exemplaire se trouvait au temple de Cérès, l’autre au Capitole. On suppose qu’elles étaient conservées, pour l’époque qui nous intéresse au Tabularium reconstruit par Q Catulus (CIL I, 591=VI, 1313 ; CIL I, 592=VI, 1314) après l’incendie de 83. 394 Moatti expose l’état de cette question (1993. p. 69-73) ; il ne suit pas Mommsen (Droit Public, III, p. 303 et suivantes) qui optait pour le temple de Jupiter Capitolin. Bien qu’on ne dispose pas de certitudes sur le lieu, la nécessité de conserver les archives concernant les assignations de terre publiques semblait imposer que des documents coloniaux aient été préservés à Rome même, notamment en cas de litige. D’après les sources, on constate que les conflits liés à l’occupation des sols publics étaient particulièrement courants et soulevaient d’importants problèmes juridiques au sein d’une colonie (Moatti, 1993. p. 81 et suivantes ; Chouquer/Favory, 2002, p. 236-262). Après avoir étudié la Lex Coloniae Genetiuae en tant qu’acte fondateur, on peut à présent s’interroger sur sa place dans la législation agraire césarienne. Le processus de colonisation fut-il organisé uniformément en vertu d’une Lex Iulia dont la loi d’Urso ne serait qu’un exemplaire local ? Si on ne peut répondre dans le cadre de cette étude, on tachera ici d’exposer quelques éléments qui permettraient d’amorcer cette hypothèse. C. La place de la Lex Coloniae Genetiuae dans la législation agraire de César. Le Gall 395 avait ouvert une discussion qui n’a pas été reprise depuis au sujet de la datation de la Lex Coloniae Genetiuae. Il soulignait un lien fondamental entre la charte de fondation d’Urso et la Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia 396. Il parait difficile de comprendre le processus de fondation d’Urso en se fondant uniquement sur le texte même qui a subit plusieurs ajouts ultérieurs comme nous l’avons vu. En revanche, en l’intégrant dans une étude de la législation agraire plus générale, et en la comparant aux circonstances de la promulgation de la seconde Lex Mamilia voire d’une Lex Iulia Agraria 397, on pourrait plus facilement, dater l’élaboration du texte et par là même regrouper des éléments épars de la Lex Iulia Agraria. On sait que la question agraire, liée à sa politique de popularis, faisait partie du programme de César. On a évoqué plus haut cette nécessité de distribuer des terres depuis les programmes des Gracques. L’envoi d’une partie de la population et la fondation de colonies constituait une solution aux tensions qui pouvaient naître à Rome. On peut citer cet exemple parmi d’autre : 395 Le Gall, 1946. En remettant en cause la datation de la Lex Mamilia, on pourrait trouver des similitudes entre cette loi, qui serait plus générale et la charte d’Urso qui serait la définition d’un statut local. Nicolet considérait également la datation de cette loi d’époque césarienne mais considérait la date de 55. (1979. p. 139-141). 397 Crawford (1989, p. 179-190) semble admettre l’éventualité d’une lex Iulia agraria qui serait postérieure à 59, en se fondant notamment sur les indications que l’on trouve dans les manuels des Arpenteurs. 396 92 Iamque haud procul seditione res erat; cuius leniendae causa postulante nullo largitor uoluntarius repente senatus factus Satricum coloniam duo milia ciuium Romanorum deduci iussit. bina iugera et semisses agri adsignati ...398 L’épisode, si l’on suit la tradition Livienne, date de la troisième dictature de Camille de 389 av. J.-C.. L’exemple illustre que la tension liée aux terres n’était pas un phénomène nouveau au milieu du Ier siècle av. J.-C., du moins tel que le concevait TiteLive peu après la réorganisation de l’Empire par Auguste. La fondation de colonies permettait ainsi d’apaiser les tensions provoquées par la Plèbe à Rome ne serait-ce que dans les conflits liés aux élections 399. Ce fut sans doute la raison qui rendait nécessaire la mise en œuvre d’une vaste législation agraire. En outre, on dispose de quelques éléments permettant de penser qu’il y eut une Lex Iulia Agraria qui aurait régi la colonisation à travers tout l’Empire. On a émis à plusieurs reprises cette hypothèse. Certains ont même lié la Lex Coloniae Genetiuae à cette loi. Que sait-on d’un tel lien ? Quels sont les éléments qui permettraient de considérer l’existence d’une telle loi coloniale ? La création de colonies permettait de répondre à un besoin social et économique devenu vital pour la Ville. Il n’est pas à démontrer que le Ier siècle av. J.-C. voyait la République et son fonctionnement institutionnel assurer difficilement un équilibre et un ordre permettant de gouverner les territoires entrés progressivement sous son emprise. Quelles que soient les causes de cette expansion 400, une réforme des institutions semblait s’imposer dès l’époque césarienne. 401 Au cours de l’absence de César en Gaule, le fonctionnement institutionnel de la cité était troublé par le rôle de la plèbe et des vétérans, présents en grand nombre dans la capitale. 402 La population de citoyens romains avait sensiblement augmenté en Italie 403 et 398 « On n’était pas loin d’une sédition ; pour apaiser la situation, le Sénat prit délibérément une décision d’une surprenante générosité, il décida d’envoyer deux mille citoyens fonder une colonie à Satricum, deux jugères et demi de terres étaient assignés … » Tite-Live, VI, 16, 6. [trad. pers.] 399 Ross-Taylor, 1977, p. 112-135. 400 Cicéron emploie ce terme le premier au sujet de la fondation coloniale de Narbo Martius : Colonia nostrorum civium, specula populi Romani et propugnaculum (Pro Font., C, 1). 401 Ross-Taylor, 1979, p. 252-263. 402 Ross-Taylor, 1979, p. 278-284. 93 à Rome. On trouve de nombreuses indications concernant une restructuration massive des provinces et de l’Italie entamée par César, interrompu dans son œuvre par la conjuration des ides de mars, et reprise en partie par les triumvirs pour être achevée par Auguste 404. Une question a été fréquemment soulevée ; César, faisant disparaître au fur et à mesure toute opposition à Rome et face à une crise politique, économique et sociale, avait-il un projet planifié ? La colonisation à grande échelle a provoqué un déplacement de populations depuis Rome et l’Italie vers les provinces. Cette politique a constitué visiblement une solution à une partie du problème qui animait déjà les débats opposant entres autres Cicéron à Servilius Rullus. Si l’on admet l’hypothèse d’une cohérence de la politique de César entre 49 et sa mort, on est amené à envisager l’existence d’une possible Lex Iulia Agraria. Tâchons donc de déterminer quels sont les indices d’une Lex Iulia régissant le processus de colonisation à travers l’empire. Il nous reste quelques données juridiques dont l’appartenance à l’époque césarienne est toujours plus ou moins discutée : citons principalement la Table d’Héraclée 405régissant 403 Brunt (1971. p. 101 et suivantes) donne une estimation de la population italienne en 49 approchant les 9 millions en comptant tous les citoyens y compris la Gaule transalpine à qui César avait accordé la pleine citoyenneté par la Lex Roscia de Gallia Cisalpina. Ce point est discuté par Brunt qui y dresse un état des discussions à ce sujet (p. 240). Voir Riccobono, FIRA, I, 20, 14 ; Dion Cassius, XLI, 5, 2. 404 Macmullen, 2001. p. 10 et suivantes. 405 ILS 6058=Riccobono, FIRA I, 13. H. Rudolph (Stadt und Staat im romischen Italien, Leipzig, 1935) considérait que César avait entreprit une importante réforme du régime municipal de l’Italie et des provinces. La Table découverte à Héraclée régissait par de nombreuses mesures du fonctionnement institutionnel des municipes italiens sans doute afin de l’uniformiser et de limiter les liens clientélaires entre les puissantes familles romaines et les municipes. Cette inscription sur une table de bronze a fait l’objet de nombreuses études depuis Savigny (« Uber den römischen Volksbeschluss des Tafel von Heraclea », Zeitschr.f IX, 1838), Mommsen, Juristische Schriften I, 1905, p. 146), Abbott et Johnson (Municipal Administration in the Roman Empire, Princeton, 1926) jusqu’à Gabba (« Urbanizzazione e rinovimenti urbanistici nell’Italia centro-meridionale del I. sec. a.c. », SCO XXI, 1972. p. 553 et suivantes ; « Considerazioni politiche e economiche sullo sviluppo urbano in Italia nelle secoli II e I a.c. » Hellenismus un Mittelalter, ed. Zanker P., Abb.d.Akademie Göttingen, 1974. p. 315-326) et Crawford (Roman Statutes, Vol I, Londres, 1996). D’après ce qu’on s’accorde à considérer à ce sujet, cette loi aurait également fait l’objet d’ajouts et de corrections successives, mais une intention de réglementer uniformément les municipes italiens et Rome même semble présente ; on trouve des mesures allant des élections municipales et du recensement, des responsabilités des édiles et des autres magistrats de la capitale aux distributions de blé à Rome. Cette réglementation visait également, selon Rudolph, à instaurer une autonomie de juridiction des villes italienne en limitant le rôle des magistrats de l’Urbs dans les jugements ; il y avait dès lors une séparation de l’Etat romain et de la Ville. 94 les municipes italiens, la Lex Coloniae Genetiuae, dont nous avons étudié un aspect précédemment, et la Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia 406. Cette dernière loi nous est connue par les Gromatici Veteres qui citent trois chapitres d’une loi agraire 407. Elle porte le nom des cinq magistrats qui ont soit porté la loi au vote, soit fixé le régime de fondations coloniales. Les trois chapitres 408 sont conservés dans le Corpus Agrimensorum. Les discussions concernant la datation de cet extrait de loi furent nombreuses. Fabricius 409 la datait de 109 av J.-C. et l’attribuait au tribun Mamilius, ce qui lui aurait valu le cognomen de Limetanus. D’autre part, à la même époque on peut lui trouver un Roscius, un Fabius et un Peducaeus comme collègues410. Ce qui est, toutefois, également le cas à l’époque de César et parmi ses partisans. Hardy s’opposait à cette hypothèse et proposait une datation allant du consulat de César à la fin de sa dictature. Le Gall, comme nous l’avons vu, proposait une date commune à la loi d’Urso et à la Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia fragmentaire, en considérant que celles-ci étaient liées. En se fondant sur les magistratures occupées par les auteurs présumés, il ne pouvait s’agir que de 47 av. J.-C.. Selon Le Gall, des magistrats ne pouvaient être chargés d’une commission agraire qu’après avoir exercé la préture. Nicolet 411 penchait pour une proposition d’un collège de tribuns en 55 av.J.C ; et plus récemment, F. Favory et G. Chouquer 412 admettent également l’hypothèse selon laquelle cette loi agraire daterait de 55 av. J.-C., complétant les lois agraires du consulat de César de 59. Cette hypothèse avait été proposée par Cary413 ; il considérait que les cinq magistrats auraient pu agir en tant que tribuns de la plèbe, donc en 55 414. L’hypothèse d’une telle législation, comme l’affirme Hinrichs 415, semble peu probable du point de vue du contexte politique ; César et Pompée étaient plutôt enclins à recruter des troupes plutôt 406 On peut se référer sur ce point aux chapitres 263-266 de l’édition Lachmann ainsi qu’à Moatti, 1993 p. 7 et suivantes. 407 Riccobono, FIRA I, 12. 408 Ils correspondent aux chapitres 263-266 de l’édition Lachmann. 409 Fabricius E., Ueber die lex Mamilia..., Sitzungsberichte der Heidelberger Akad. Ph. His. Kl, 1924-1926. Il considérait que cette loi aurait été une réaction à la loi agraire de 111, laquelle selon Hardy (« The Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia », The Classical Quaterly, vol 19, 1925. p. 185-191) aurait été favorable aux classes des riches propriétaires. Hardy s’oppose à l’hypothèse de Fabricius ; il objecte le contexte politique des années 113-109 qui aurait été défavorable à une telle loi agraire. 410 Broughton, MRR…, p. 257 et suivantes au sujet des magistrats en charge pour l’année 49. 411 Nicolet C., Rome et la conquête du monde méditerranéen T1, Paris, 1979. p. 140. (=Nicolet, 1979) 412 Chouquer/Favory, 2001 p. 150-151 413 Cary M., « The Land Legislation of Julius Caesar’s First Consulship », Journal of Philology, 1920 ; « Notes on the Legislation of Julius Caesar », JRS, 1929. 414 Ce qui toutefois ne semble pas être confirmé par les sources (Broughton, MRR, II&III) 415 Hinrichs, 1969. p. 520 et suivantes. 95 qu’à en libérer pour les établir dans des colonies. En outre, les lotissements organisés en 59 n’étaient sans doute pas achevés. Hinrichs rejetait également la théorie de Fabricius ainsi que la datation courante de 55 ; il propose en revanche la date de 49. Il remarquait, de même que Le Gall, les présences des cinq législateurs, à une différence près : l’absence d’un Mamilius. L. Roscius Fabius, A. Allienus et Sex. Peducaeus étaient, tous trois, préteurs cette année-là 416, Q. Fabius Maximus servit l’année suivante avec Q. Pedius en tant que Légat en Espagne, ce qui implique qu’il aurait exercé une magistrature suffisante. Le seul problème venait de l’absence d’un « Mamilius » ; Hinrichs considérait qu’il pouvait s’agir d’une déformation d’ « Aemilius ». Il s’agirait donc, selon lui, de Marcus Aemilius Lepidus, qui en tant que préteur avait également fait voter la loi conférant la dictature de 49 à César. Il y aurait, selon Hinrichs, une confusion entre deux lois Mamilia ; l’une daterait effectivement au plus tard de 110, proposée par un tribun Mamilius « Limitenus » et une seconde plus tardive 417 qui ferait partie de la législation agraire césarienne. Crawford considère que cette loi formait une partie de la lex Iulia agraria de 59 418, ce qui toutefois poserait le problème des cinq magistrats évoqués dans la loi. Seul A. Allienus exerçait une magistrature. Crawford considère l’éventualité que les cinq magistrats aient fait partie des vingt magistrats 419 chargés d’assigner les terres, il s’accorde au point de vue de Le Gall, qui supposait que cette commission de vingt membres se serait divisée en groupes de cinq dont auraient fait partie les législateurs. Ce dernier considérait pourtant difficile qu’une même commission organisée en 59 fonctionne jusqu’à 47, date qu’il propose pour cette loi. Crawford avançait l’argument suivant ; Pompée aurait maintenu une commission qui lui permettait de lotir ses vétérans, l’opération n’ayant pu, évidemment matériellement parlant, être achevée l’année du consulat de César ; cette hypothèse complète celles de Cary, Nicolet et de Chouquer et Favory, évoquées Broughton, MRR II, III, p. 259. Celle qui nous est connue sous le nom de Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia. Les références que l’on trouve chez les arpenteurs serait à lier, selon Hinrichs (Histoire des institutions gromatiques, 1974. p. 186) à la première loi plus ancienne ; Cic., De Legibus, I, 55 ; Frontin, (La) 11, 5 ; 37, 24 ; 43, 20=74 ; Siculus Flaccus 144, 18 (La) ; Hygin, 169, 7(La). 418 Crawford, 1996. p. 763-767. On trouvera la bibliographie sur la question ainsi que l’hypothèse d’intégrer cette loi dans la législation agraire du consulat de César de 59 dans son article : Crawford, 1989, 179-190. 419 Dont faisaient partie M. Attius Balbus (Suet., Aug., 4, 1 ; Cic., Att., 2, 12, 1), M. Terrentius Varro (Plin., H.N., 7, 176 ; Varron, RR, 1, 2, 10), Cn. Tremellius, Scrofa (Varron, RR, 1, 2, 10) et bien sûr Cn. Pompée (Cic., Att., 2, 12, 1 ; 19, 3 ; Dion Cassius, 38, 1, 7). Ce vigintivirat aurait fonctionné par alternance de cinq magistrats. 416 417 96 précédemment. Les démonstrations de Le Gall et d’Hinrichs semblent plus convaincantes si l’on établit un lien entre ce que l’on sait de la lex Coloniae Genetiuae, et l’éventualité d’une commission agraire composée de duumviri, et la période à laquelle ait pu être réunis les cinq législateurs entre 49 et 44. Il n’est pas évident que, comme le pensait Le Gall, les membres d’une commission agraire chargés d’appliquer une Lex Iulia Agraria aient dû être d’un rang supérieur à celui d’un préteur. Les charges concernant les fondations coloniales tendaient, à l’époque césaro-augustéenne, à être occupées par des individus ayant des rangs moindres qu’au IIème siècle av. J.-C. ; d’une part, étant donné l’augmentation du nombre de fondations coloniales planifiées par César, la charge n’aurait pu être accompli que par cinq hommes, de rang consulaire qui plus est, d’autre part, une majorité de la nobilitas était dans le camp pompéien, ce qui impliquait que César devait recourir aux rangs prétoriens voire moindres. Les théories d’Hinrichs et de Le Gall s’accordent toutefois sur certains points qui paraissent concluants. En premier lieu, on observe une nette similitude entre les textes de la loi d’Urso et la Lex Mamilia. On remarque des liens de formulation entre la Lex Mamilia et la Lex Coloniae Genetiuae Iuliae : 97 chapitre 4 de la Lex Mamilia chapitre 104 de la Lex Coloniae Genetiuae Iuliae Qui limites decumanique hac Qui limites decumanique intra lege deducti erunt, quaecumque fines fossae limitales in eo agro deducti erunt, qui ager hac lege datus quaecumque fossae limitales in adsignatus erit, ne quis eos eo agro erunt, qui iussu C. limites decumanosque Caesaris dictatoris imperatoris obsaeptos neue quid in eis et lege Antonia senatusque molitum ibi consultis plebique scitis ager opsaeptum habeto, neue eos datus atsignatus erit, ne quis arato, neue eis fossas opturato limites neue opsaepito, quominus suo opsaeptos neue quit immolitum itinere aqua ire fluere possit. Si neue quit ibi opsaeptum habeto, quis aduersus ea quid fecerit, is neue eos arato, neue eis fossas in res singulas, quotienscumque opturato neue opsaepito, quo fecerit, colonis minus suo itinere aqua ire municipibusue eis, in quorum fluere possit. si quis aduersus agro ea quit fecerit, is in res neue HS id quid IIII factum erit, dare coloniae facti Genetiuae que erunt, decumanosque damnas esto, eiusque pecuniae singulas, qui uolet petitio hac lege esto. fecerit, HS M colonis coloniae quotienscumque Genetiuae Iuliae dare damnas esto, eiusque pecuniae cui uolet petitio persecutioque esto. 98 Le Gall considérait que la Lex Mamilia était sans doute l’un des textes auxquels faisait référence la Lex Genetiuae et qui ont complété la Lex Antonia. Comme le remarquait, encore récemment, R. Plana-Mallart 420, la formulation dans chacun des passages est semblable. Si l’on observe attentivement le texte, on peut remarquer que le texte fondant Urso semble compléter le texte de la Lex Mamilia en ajoutant le nom de la colonie dont il est question. Concernant les détails juridiques, les formules sont remarquablement similaires : … quaecumque fossae limitales in eo agro erunt… Il semblerait que la mention coloniae Genetiuae deducti soit apposée à un texte plus général. On trouve également dans le premier et dernier chapitre de la Lex Mamilia une évocation de magistratus iure dicundo. Ces magistrats seraient apparemment désignés par César de même que les premiers magistrats d’Urso, voire les membres de la commission chargée de la deductio, si ces deux derniers collèges n’étaient pas les mêmes. Sans doute peut-on voir là les prémices d’une organisation centralisée autour d’une autorité majeure, César, dictateur, qui désigne les premiers magistrats et prêtres chargés des rites de fondation et de « dire le droit », ainsi que les autorités détenant un imperium ou un pouvoir exceptionnel dans la province 421. Cette autorité aurait fait entrer les magistrats et les colons dans sa clientèle directe, assurant ainsi son influence dans les provinces accueillant des colonies. On a connaissance d’une vingtaine de colonies certainement césariennes et d’un nombre équivalent sans doute planifiées de son vivant mais établies par les triumvirs. On dispose de plusieurs évocations concernant une refonte des institutions municipales (Table d’Héraclée) et coloniale. La Lex Mamilia semble être, quant à elle, une loi générale. Les différentes formulations techniques le montrent comme ce passage du premier chapitre : Quae Colonia hac lege deducta, quodue municipium fora conciliabulum constitutum erit. 420 Plana-Mallart, 1994,p.259-273. Comme on peut le constater dans le chapitre 125 de la Lex Coloniae Genetiuae ; César peut « subroger son imperium ou sa potestas ». 421 99 En outre, on trouve difficilement des éléments qui s’opposerait à l’appartenance de la lex Mamilia à une loi générale 422. Si l’on suppose l’existence d’une loi régissant les fondations de colonies et des municipes, permettant de réorganiser les provinces en ménageant à la fois une autonomie judiciaire afin de limiter par exemple le patronage de la nobilitas romaine dans les municipes et les colonies, et un lien clientélaire direct avec une seule autorité gouvernante, César, peut-on y voir une perspective du système instauré quelques décennies plus tard par Auguste ? On connaît de plus l’existence d’une Lex Antonia de 44 qui était destinée à « mettre en œuvre les projets agraires de César ». S’agissait-il d’une seule loi appliquée ? La principale source qui nous renseigne à ce sujet sont Les Philippiques de Cicéron 423. Cet extrait de la cinquième Philippique évoque une Lex Iulia qui aurait concerné le lotissement des vétérans interrompu par les évènements de 44: De exercitu autem C. Caesaris ita censeo decernendum : « Senatui placere militibus ueteranis, qui Caesaris, pontificis, pro praetore, auctoritatem secuti, libertatem populi Romani auctoritatemque huius ordinis defenderint atque defendant, ipsis liberisque eorum militiae uacationem esse ; utique C. Pansa, A. Hirtius, consules, alter amboue, si iis uideretur, cognoscerent qui ager iis coloniis esset, quo milites ueterani deducti essent, qui contra legem Iuliam possideretur, ut is militibus ueteranis diuideretur ; de agro Campano separatim cognoscerent inirentque rationem de commodis militum ueteranorum augendis… 424 A. Piganiol (« La Table de Bronze de Falerio et la Lex Mamilia Roscia Peducaea Alliena Fabia » C.R. des Séances de l’Ac. Des Inscr. et Belles Lettres, mars-avril 1939. p. 193-200, cit. Crawford 1996) pensait même à un lien entre la Lex Mamilia Roscia et la table de Falerio, qui en constituerait la sanctio. Cette hypothèse ne semble toutefois pas avoir convaincu Le Gall (1946. p. 140). 423 Cicéron, Phil. II, 39,100 et 40,102; V, 4, 10 ; X, 8, 17 ; Appien G.C., 3,57. 424 « Au sujet de l’armée de C. César, voici le décret que je propose : « Le Sénat décide que les soldats vétérans, qui, après s’être ralliés à l’autorité du pontife et propréteur César, ont défendu et défendent encore la liberté du peuple romain et l’autorité de notre ordre sénatorial, auront, eux et leurs enfants, l’exemption du service militaire ; que les consuls C. Pansa et A. Hirtius, un seul ou tous les deux, s’ils le jugent bon, fassent une enquête sur le territoire destiné aux colonies, où les soldats vétérans auraient dû être installés et qui serait occupé contrairement à la loi Iulia, et le partagent entre les soldats vétérans ; qu’ils fassent une enquête particulière au sujet du territoire campanien et prennent des mesures pour augmenter les avantages des soldats vétérans… » Cic., Phil., V, 53. voir infra à propos de l’ager Campanus,n. 425 422 100 Il semble fort improbable qu’il s’agisse ici de la Lex Iulia de 59 ; les vétérans de Pompée n’auraient pas attendu une quinzaine d’année avant d’être lotis. D’autre part, on trouve d’autres évocations d’une loi agraire césarienne. Il y est fait allusion dans le Digeste : … Lex agraria C. Caesar tulit ... 425. A ce sujet rien n’indique qu’il s’agisse de la législation agraire de César durant son consulat. On trouve également de nombreuses allusions à une Lex Iulia dans le corpus gromatique. On s’intéressera ici à Hygin l’Arpenteur. Il évoque, concernant des mesures de limites trois lois : Per hos iter populo sicut per uiam publicam debetur : id enim cautum est lege Sempronia et Cornelia et Iulia. 426 Une référence à une Lex Iulia pourrait se rapporter tant à César qu’à Auguste. Ces lois font références aux mesures appliquées dans les fondations coloniales des Gracques, de Sylla et des Iulii. Selon M. Clavel-Lévêque et alii 427, ces noms de lois auraient été crées par « généralisation pour la pratique et l’enseignement des arpenteurs ». Elle ne se réfèreraient qu’aux colonies fondées par les différents législateurs ; ce qui n’impliquerait pas la promulgation de lois systématiquement pour établir des normes de mesures 428. Cependant, on sait que les tailles des lots destinés aux colons ne peuvent être établies que par des lois agraires qui déterminent, comme nous l’avons vu toutes les conditions d’établissement d’une colonie. On trouve un peu plus loin une référence à la lex Mamilia : Linearii limites a quibusdam mensurae tantum disterminandae causa sunt constituti et si finitimi interueniunt, latitudinem secundum legem Mamiliam acciunt. 429 On peut évidemment objecter que les évocations successives d’une lex Iulia et d’une lex Mamilia impliquerait que ce soit deux lois distinctes ; cela ne reste évident que si l’on considère qu’il s’agisse d’une lex Iulia césarienne. Dig. XLVII, 21, 3, voir à ce propos, Liber coloniarum, I, p.231L. Hyg. Grom., Constitutio Limitum, 134 (Th) trad. M. Clavel-Lévêque, Besançon, 1995. 427 Hyg. Grom., Constitutio Limitum, [Clavel-Lévêque et alii, 1995] note 16 p. 15. 428 Ce qui rejoint l’idée de Galsterer (1987. p. 181-203) qui était opposé à l’existence d’un statut type mis en vigueur par César ou Auguste, autant pour les municipes que pour les colonies. 429 134 Th. 425 426 101 Il semblerait donc de deux normes différentes soient ici évoquées. La Lex Mamilia régirait aussi bien les municipes que les colonies ; on pourrait toujours la considérer comme une loi générale permettant aux colons d’adapter le lot qui lui est offert au moment de la deductio. Si l’on établit un lien entre les démonstrations précédentes et les éléments distinguant la Lex Mamilia d’une Lex Iulia, on est conduit à supposer que la Lex Mamilia régit une marge de manœuvre juridique pour s’adapter plus précisément aux différents cas locaux. Il demeure que d’autres éléments nous conduisent à penser à une loi Iulia générale uniformisant les fondations coloniales. On trouve à plusieurs reprises dans le texte d’Hygin des références aux Iulienses : Quod ordini coloniae datum fuerit, adscrimus in forma SILVA ET PASCVA, ut puta SEMPRONIANA, ITA VT FVERVNT ADSIGNATA IVLIENSIBVS. 430 On trouve une autre évocation à des Iulienses, pour qualifier des colons établis dans des colonies « juliennes » : Ita si rei publicae concessa fuerint, in aere SVBSECIVA CONCESSA ut IVLIENSIBVS inscrebimus. 431 M. Clavel-Lévêque et alii 432 considère qu’il s’agissait d’un statut commun à des colonies Iuliae établies selon une norme de lots. On peut supposer, si l’on fait le lien, par exemple, avec la taille « normale » des lots attribués par César de 50 jugères 433, que les colonies fondées disposaient des mêmes règles « agraires ». Les Iulienses seraient cités comme appartenant à une colonia Iulia. Il pourrait s’agir des individus devant leur statut juridique à une loi Iulia. On peut se poser dès lors la question de l’existence d’une réglementation précise, dans le cadre d’une loi coloniale, consignant les données matérielles de l’arpentage notamment. Hyg. Grom., Const.Lim., 161 Th. Hyg. Grom., Const.Lim., 165 Th. 432 Hyg. Grom., const. Lim., (Clavel-Lévêque, 1995). note 103 p. 127. 433 Cf. Brunt, 1971, p. 101 et suivantes. 430 431 102 On retrouve également dans le texte de la Lex Coloniae Genetiuae cette désignation, au chapitre 133 : Qui coloni Genetiui Iulienses hac lege sunt erunt … 434 Si l’on admet que ce passage de la Lex Coloniae Genetiuae ait bien été établi à l’époque césarienne, on peut supposer que ce statut de iulienses est établi à la même époque. On trouve également des références à une loi agraire proposée par César et approuvée par le Sénat, avant sa mort ; Cicéron nous renseigne à ce sujet : Primum duos collegas Antoniorum et Dolabellae, Nuculam et Letonem, Italiae diuisores lege ea quam senatus per uim latam iudicauit… 435 Les deux magistrats évoqués faisaient sans doute partie de septemuiri chargés des assignations en vertu d’une loi agraire. On ignore s’il est fait référence à une loi césarienne ou antonienne. Il semblerait légitime de penser qu’il s’agisse d’une loi portée par Antoine. Lorsque Cicéron évoque une loi « portée par la violence » il peut sans doute penser à une Lex Antonia Agraria qui fut retirée en partie par Vibius Pansa, un des consuls de 43 436. Toutefois il semble avoir confirmé les lois fondant les colonies de vétérans ainsi que la loi d’Antoine concernant la ratification des derniers actes de César. La Lex Coloniae Genetiuae en faisait-elle partie puisqu’elle est, en fait, nous l’avons vu, une Lex Antonia et non pas une Lex Iulia? Si l’on revient à présent au texte même de la Lex Coloniae Genetiuae, un élément important, insistons sur ce point, permet d’émettre l’hypothèse que cette loi ne serait qu’un exemplaire local, un modèle appliqué probablement à d’autres colonies. En effet, on trouve au chapitre 79 : Qui fluui riui fontes lacus aquae stagna paludes sunt in agro, qui colonis huiusce coloniae diuisus erit, ad eos riuos fontes lacus aquasque stagna paludes itus actus adquae haustus iis « Ceux qui seront colons [iulienses] de la colonie Genetiua selon cette loi… ». « D’abord, les deux collègues des Antoines et de Dolabella, Nucula et Lento, ces distributeurs de l’Italie en vertu d’une loi que le Sénat a jugée portée par la violence… » Cic., Phil., XI, 13. 436 Cic., Phil., XIII, 31. 434 435 103 item esto, qui eum agrum habebunt possidebunt, uti iis fuit, qui eum agrum habuerunt possederunt. Itemque iis, qui eum agrum habent possident habebunt possidebunt, itineris aquarum lex iusque esto. 437 Ce chapitre est important : l’énumération des types de ressources en eaux suggère que ce passage serait issu d’un texte plus général. La morphologie du territoire d’Urso montre qu’il ne peut y avoir eu ni de lacs ni de marécages, la zone du territoire d’Urso étant aride 438. Les résultats des fouilles archéologiques de R. Corto 439 font état de vestiges de nombreux puits creusés dans la roche. La moyenne de profondeur étant de 60 mètres, ce dernier considérait que les terres environnantes étaient naturellement peu irriguées 440. Ce point confortait l’opinion d’A. Schulten 441, qui déduisait à partir de certaines indications du Bellum Hispaniense 442 que la zone paraissait déjà déboisée. P. Sillières 443 considérait en revanche, d’après ces mêmes indications, que les terres environnantes au-delà des terres exploitées, soit un rayon de 9km, étaient encore largement boisées. Toujours est-il que la région immédiate, les zones exploitées ne comprenaient donc, fort probablement, ni lacs, marais ou bois. Corzo 444 avait en outre constaté la présence de couches de sables qui ne paraissent pas provenir de l’érosion de la roche ni des remparts. L’auteur du 437 « Concernant toutes les rivières, ruisseaux, fontaines, lacs, sources, étangs, ou marais du territoire divisé entre les colons de la colonie. Les détenteurs ou possesseurs de telles terres auront les mêmes droit d’accès, de transport et de puisage de l’eau dans les dits ruisseaux, fontaines, lacs, sources, étangs, et marais qui reviennent aux anciens détenteurs et possesseurs. Quelle qu’en soit la circonstance, ceux qui occupent ou possèdent les dites terres auront les mêmes droits d’accès aux dites eaux ». 438 Bosque Maurel, 1991; Didierjean, 1978, p. 5-33. Il semblerait, hormis la vallée du Baetis que les territoires avoisinant la région des turdetanos aient été peu propices à contenir lacs et marais. Il est regrettable, toutefois, que l’on ne trouve pas d’étude pédologique approfondie pour l’époque qui nous intéresse afin d’apprécier l’aridité du territoire d’Urso. La cité se trouvait sur le versant nord est de l’actuel mont Pajares. Strabon, de plus nous dit ceci : « … (l’Anas) est également dominé par des montagnes livrées à l’exploitation minière ; celles-ci se prolongent jusqu’au Tage. Par le fait même qu’ils sont métallifères, les terrains de cette région sont nécessairement pierreux et très pauvres, comme ceux qui avoisinent la Carpétanie et plus encore le pays des Celtibères. Telle est aussi la Béturie, dont les plaines desséchées se déroulent le long de l’Anas. » III, 2, 3. 439 Corzo, 1977, p. 10 et suivantes. 440 Corzo, 1977, p. 28. 441 Schulten A., Geografia y Etnografia antiguas en la Peninsula Ibérica, 2, Madrid, 1963. p. 351. (=Schulten, 1963) 442 Bell.Hisp., 41, 8. 443 Sillières, 1993. p. 203. 444 Corzo, 1977, p. 28. 104 Bellum Hispaniense, qui était sans doute un officier de rang moyen 445, fait référence à l’aridité du sol et au manque d’eau au moment du siège d’Urso : Hoc accedebat ut aqua praeterquam in ipso oppido unam circumcirca nusquam reperiretur propius milia passuum VIII. Quae res magno erat adiumento oppidanis. tum praeterea accedebat ut aggerem ... 446 Nous disposons donc d’éléments environnementaux qui nous permettent, peut-être, d’éclairer le chapitre 79 de la Lex Coloniae Genetiuae, laquelle ne serait qu’une version appliquée à Urso. On sait que César a élaboré une vaste législation agraire durant son consulat de 59, dont on a des traces sur les contenus. Ne serait-il pas envisageable que César ait planifié un vaste projet agraire dès 49. Certains éléments dans le contenu de la Lex Coloniae Genetiuae Iuliae peuvent nous laisser admettre l’hypothèse selon laquelle la fondation de la colonie aurait pu être planifiée dès 49, lors du premier passage de César en Espagne. L’éventualité d’une lex Iulia agraria est amplement discutée. Moatti 447 considère que les leges rogatae liées aux assignations n’étaient pas nécessaires dans des situations d’octroi de pouvoirs exceptionnels, comme pour Sylla, César ou les triumvirs. Le Gall, Hinrichs et Keppie 448 considèrent en revanche l’éventualité d’une loi agraire plus générale décidée par César. On ignore, cependant, si le projet fut réellement mis en application. Au-delà des discussions, on ne peut véritablement se fonder sur la lex Mamilia Roscia ou sur les références présentes dans les corpus littéraires. 445 Si l’auteur n’était vraisemblablement guère instruit des intentions stratégiques de César, il semblait au fait des considérations tactiques. Voir à ce sujet le commentaire de Nicole Diouron dans la traduction : Pseudo-César, Bellum Hispaniense, Paris, 1999. p. XVII. 446 « De plus, à part une source unique (de l’eau) dans la ville même, on ne pouvait trouver d’eau nulle part dans les environs à moins de huit milles, ce qui constituait un grand avantage pour les habitants… » (Bell. Hisp., 41, 4). 447 Moatti 1993. p. 8-10. 448 Keppie (1983. p. 51) se range à l’opinion d’Hinrichs. Il s’appuie essentiellement sur Cic., Phil., V, 53 ; Suet. Diu. Iul., 81, 2 ; Ap. Guerres Civiles, III, 3. Il considère également une éventualité d’une lex Iulia agraria plus générale. Les autres arguments qu’il avance sont toutefois jugés « peu crédibles » par Moatti (1993, note 12, p. 8). CONCLUSION 106 Il est malaisé de conclure après cet aperçu de la politique coloniale de César en Espagne. Le contexte de la guerre civile entre 49 et 44 av. J.-C. rendait difficile l’implantation de colonies et pourtant on a pu en trouver quelques indices que nous avons exposés dans ce mémoire. Quelles étaient les intentions de César vis-à-vis de la péninsule Ibérique ? Il semble certain que les provinces d’Ulterior et de Citerior constituaient un enjeu pour Pompée. Comme on a pu le constater il y avait établi d’important lien clientélaires. Cette deuotio ibérique a perduré sur deux voire trois générations depuis Pompée Strabo, quoique nous ne disposions guère de certitudes à ce sujet, jusqu’aux fils de Pompée le Grand ; Cnaeus et Sextus. C’est sans doute pour cette raison que l’Espagne demeurait une conquête difficile pour César. Peut-on ajouter foi à ce qu’il nous laisse entendre concernant les sympathies de l’Ulterior à son sujet ? On peut, nous l’avons vu, en douter. Les richesses minières de la péninsule étaient importantes. Les travaux de Domergue l’ont bien montré et manquaient pour conforter l’hypothèse ancienne de Blazquez. Toutefois ce ne fut que sous l’Empire que l’économie liée aux exploitations minières ne prit un essor considérable. En effet, depuis la conquête romaine à partir de la fin du IIIème siècle av. J.-C., ces territoires ne connurent guère de longue période de paix. La guerre ne permettait évidemment pas de mettre en valeur les complexes miniers ; ces entreprises étaient risquées parce que coûteuses et en permanence menacées de raids indigènes ou de guerres civiles. Ces zones semblaient les premières zones visées en cas de conflit. Il est évident que sans argent, point de guerre. César a-t-il planifié d’implanter des colonies à des fins d’exploitation du territoire ? L’hypothèse est séduisante et, qui plus est, tout à fait envisageable. Les colonies de Marius à César, pour l’essentiel, étaient destinées aux vétérans. La conséquence, néfaste pour la République mais avantageuse pour les dynastes, était la réunion d’hommes de réserves prêts à se soulever lorsque leur patron en éprouvait la nécessité et à constituer de véritables armées privées ; après tout ne lui devaient-ils pas leurs terres ? d’autre part les colonies, depuis les origines de l’expansion romaine servaient d’avant postes défensifs et permettaient d’assurer une certaine sécurité dans les zones environnantes. La nouveauté instaurée par César était d’importance. Il reprit les habitudes de ses prédécesseurs Marius, Sylla, Pompée en lotissant ses vétérans mais en modifiant un aspect essentiel : les lotissements de plébéiens non-vétérans. Il prolongeait ainsi sa politique de popularis ou 107 de démagogue dans la lignée des Gracques, Servilius Rullus, l’interprétation est libre. Il est cependant une chose certaine cette politique montra son efficacité puisqu’elle fut largement reprise par Auguste au point qu’il est difficile de distinguer l’œuvre du père de celle du fils adoptif. Cette confusion était loin d’être désavantageuse pour le fondateur du principat. Il est tentant de supposer qu’elle fut même voulue. Cependant, une nuance s’impose. On ignore quelles étaient véritablement les intentions de César en matière de législation agraire, son œuvre ayant été interrompu par les ides de mars. Le processus d’établissement d’une colonie était long en temps de paix et à plus forte raison en temps de guerre. Comme nous avons pu le constater dans cette étude, on ne dispose guère de certitudes concernant les fondations césariennes établies du vivant du dictateur. Il n’en demeure pas loin que rien n’exclu la reprise d’une législation agraire cohérente et vaste accompagnée par une réorganisation politique des territoires. Il serait même étonnant que César n’ait rien planifié dans ce domaine. Néanmoins la question de la colonisation présente un intérêt tout particulier. Les crises qui secouèrent la République étaient liées à différentes contraintes économiques et sociales qui motivaient, on le pense, la politique césarienne. Concevoir le conflit comme uniquement le résultat de l’affrontement de l’ambition de deux hommes ne paraît pas expliquer suffisamment le bouleversement qui suivit la seconde guerre civile. On peut n’y voir qu’un prélude à la réorganisation par Octavien, le futur Auguste, de l’Empire avec une refonte du système administratif et institutionnel. À partir de la conquête par Auguste de la totalité de la péninsule les mines de la péninsule furent pleinement exploitées au point de voir Mécène suggérer qu’on en dressât un inventaire précis. En outre, la fondation de colonies permettait de contrebalancer l’influence de Pompée qui servit également à ses fils. On l’a vu, l’importance de la clientèle des Pompeii avait fait de la péninsule un véritable fief. Si César souhaitait la paix, il devait contrôler les territoires et y établir une autre forme de clientèle : des colons. Autant les vétérans que les proletarii demeuraient liés à celui qui leur avait accordé des terres. Nous avons vu que certaines colonies établies dans la péninsule ibérique furent vraisemblablement nées de l’initiative de César comme Hispalis, Tarraco, Carthago Noua et Urso pour les autres colonies des doutes subsistent étant donnée la superposition des colonies augustéennes aux colonies césariennes. Le cas d’Urso demeure problématique étant donné les difficultés liées à l’affichage de l’inscription. Plusieurs hypothèses on put être avancées et nous avons tentés dans cette étude de proposer une nouvelle hypothèse 108 qui ferait remonter la décision de la fondation à 49 av. J.-C., en tenant évidemment compte de ces difficultés et des étapes successives de la fondation d’une colonie. César avait pour habitude, les exemples ne manquent pas de régler rapidement les statuts des cités, comme ce fut le cas pour Massilia ou Gadès, l’appareil juridique romain mettant souvent plusieurs mois ou années avant de valider les décisions du nouveau maître de Rome. Il n’en demeurait pas moins que sa législation fut importante en de nombreux domaines elle révélait concrètement une volonté d’uniformiser les territoires de Rome en accordant des statuts juridiques. Rappelons la Lex Roscia de Gallia Cisalpina, la Lex Iulia de Ciuitate Gaditanorum ou encore les contestées Leges Iulia Municipalis, de Siculis danda, de insula creta. L’historiographie a fréquemment contesté la paternité de ces lois à César, néanmoins, si l’on considère l’ampleur de la législation césarienne, il est difficile de ne pas y lier des lois aux enjeux importants. La colonisation prit une bien plus grande envergure sous l’héritier du dictateur, comme il put s’en flatter dans ses Res Gestae et on est tenté de penser que la confusion qui persiste concernant l’origine de ces fondations fut voulue par le princeps. Après tout ne s’agissait-il pas d’une partie de son héritage ? Rappelons une fois encore l’importance politique de cette question agraire qui fut à la fois instrument et enjeu au cœur des guerres civiles. Avec ces multiples établissements augustéens les contraintes économiques et sociales furent résorbées. César en fut-il l’initiateur ? Peut-on considérer, puisque son œuvre fut inachevée, qu’il y avait une cohérence « augustéenne » dans le programme législatif de César ? Une étude plus approfondie de la question, appliquée à toutes les provinces de l’Empire permettrait sans doute d’apporter une réponse plus satisfaisante. Ainsi, avec la discrète mise en place de l’Empire proprement dit disparut la question agraire au sens où on l’entendait depuis Spurius Cassius au Vème siècle, et avec elle les prouesses oratoires de Cicéron. 109 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE Sources littéraires : • Appien, Les Guerres Civiles à Rome, Vol. I. Paris, Les Belles Lettres, 1992. (réédition revue corrigée et annotée par P. Torrens de l’éd. J. A. Combes-Dounous 1808). • Appien, Les Guerres Civiles à Rome, Vol. II. Paris, Les Belles Lettres, 1994. (réédition revue corrigée et annotée par P. Torrens de l’éd. J. A. Combes-Dounous 1808). • César, Guerre des Gaules, livres I à IV, Tome I, Paris, Les Belles Lettres, 14e éd., 1996. Trad. A. Balland. • César, Guerre des Gaules, livres V à VIII, Tome II, Paris, Les Belles Lettres, 14e éd., 2000. Trad. A. Balland. • César, La Guerre Civile, livres I et II, Tome I, Paris, Les Belles Lettres, 1936. tTrad. P. 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Nous nous avons également utilisé dans cette étude des données épigraphiques éditées dans les ouvrages suivants : Concernant la loi d’Urso : • M. H. Crawford, Roman Statutes Vol. II., Londres, 1996. Concernant les différentes inscriptions relatives aux provinces ibériques et notamment l’inscription d’Osuña : • E. Hübner, Corpus inscriptionum latinarum, Vol. II. 1. 1., Berlin, 1957 (2ème édition). Concernant les Res Gestae Diui Augusti : • Brunt P.A., Moore J.M., Res Gestae Diui Augusti, New York, Oxford University Press, 1967. Bibliographie 1. Abascal J.M., Espinosa U., La Ciudad hispano-romana. Privilegio y poder, Logroño, 1989. (=Abascal, Espinosa, 1989) 2. Alföldy A., « Die alteste römische Inschrift der Iberischen Halbinsel », ZPE, 43, 1981. p. 1-12 (=Alföldy, 1981) 3. Alvez Portal M. da G, « Os Altos rendimentos da mineração na Hispania Romana (206 a.c.-166 a.c.), Revista de Historia, 1977, LVI. p. 3-17. (=Alvez Portal, 1977) 4. Arteaga O., G. Hoffmann, H. Schubart & H. 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