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La Lettre du Gynécologue - n° 302 - mai 2005
DOSSIER
Pourquoi le cancer du col utérin n’a-t-il pas disparu ?
Parmi les cancers du col utérin observés, on considère que :
•Les deux tiers sont secondaires à l’absence de dépistage des
femmes pour lesquelles les mauvaises conditions socio-écono-
miques sont certainement responsables de la majorité des
femmes non dépistées. Ce point est fondamental comme le
rappelait J. Lansac (5) dans un éditorial récent : “Ce cancer, si
simple à dépister et à traiter dans les formes débutantes, ne
mériterait-il pas une organisation comme le dépistage du can-
cer du sein ou le cancer colorectal avant de se lancer dans les
frottis en phase liquide et la recherche du virus HPV ?”.
• Pour le tiers restant, on montre du doigt la mauvaise sensibi-
lité des frottis conventionnels et pour une petite catégorie de
patientes par une mauvaise prise en charge.
• Pour Mubyahi (2002), qui a repris le suivi cytologique de
146 femmes ayant un cancer du col utérin, 36,8% des femmes
n’ont jamais eu de frottis, 34,5 % ont eu des frottis occasion-
nels, mais tous de plus de trois ans, 8,1 % des femmes ont été
perdues de vues après un frottis positif, 3,4 % ont été traitées
pour dysplasie dans une période de moins de 3 ans et 17,5%
ont eu des frottis négatifs dans la période des trois ans qui a
précédé le diagnostic de cancer. Dix-sept frottis sur 28 ont été
relus et les auteurs ont constaté 15 erreurs et seulement 2 vrais
négatifs.
En France, 6 millions de frottis par an sont réalisés (5 405 402
en 2000), ils touchent 60% de la population et 50% des
femmes de 50 à 55 ans. Seules 20 % des femmes de plus de
60 ans en bénéficient.
L’amélioration du dépistage par frottis doit donc inclure :
•La mise en place d’un dépistage organisée avec système de
contrôle invitant les femmes n’ayant pas eu de frottis depuis
3 ans à consulter leur médecin ou leur gynécologue. Comme le
souligne l’Anaes, les médecins faisant des frottis doivent avoir
bénéficier d’une formation.
•La technique de prélèvement associe au mieux la spatule
d’ayre et la brosse pour l’endocol.
•La technique de conservation et d’étalement peut bénéficier
de la procédure des prélèvements transmis en phase liquide
pour améliorer la qualité de l’étalement et de sa lecture. Dans
son rapport 2004, l’Anaes (1) spécifiait que les aspects coût-
efficacité étaient, en 2002, inconnus et nécessitaient des études
complémentaires.
L’AGENT ÉTIOLOGIQUE DU CANCER DU COL
EST MAINTENANT PARFAITEMENT IDENTIFIÉ
Les papillomavirus sont individualisés depuis peu et forment
l’unique genre de la famille des papillomaviridae. Ces papillo-
mavirus (du latin papilla, diminutif de papula signifiant bou-
ton, et du suffixe grec -ome, désignant le caractère tumoral)
sont des virus très anciens et extrêmement stables, mais leur
caractérisation fut relativement longue, car il n’existe pas de
système cellulaire permettant leur propagation in vitro. C’est
le développement de la biologie moléculaire, dans les années
1970, qui a permis d’établir leur remarquable pluralité, leur
spécificité tissulaire et leur pathogénicité dépendante du géno-
type (8). À ce jour, plus de 120 génotypes de papillomavirus
ont été identifiés ; plus de 100 sont spécifiques de l’espèce
humaine, dont une quarantaine ont un tropisme anogénital. Les
infections génitales liées aux papillomavirus humains (HPV)
sont très fréquentes, en particulier chez les jeunes femmes en
période d’activité sexuelle, et peuvent passer inaperçues ou
être responsables de dysplasies. Ces lésions régressent dans la
majorité des cas, mais peuvent évoluer vers un carcinome
invasif, à la suite notamment de l’intégration de l’ADN viral
au génome cellulaire lié à l’action d’autres facteurs comme
prédisposition génétique, statut immunitaire, comportement
sexuel et tabac.
L’HPV oncogène est donc l’agent étiologique nécessaire –
mais pas suffisant – au développement du cancer. La recherche
des HPV intervient donc bien en amont du dépistage des
lésions dysplasiques et de la révélation d’un cancer du col.
Sa découverte va permettre de mieux identifier une population
à risque et surtout de préciser, pour un grand nombre de
femmes, le non-risque. Cette identification permettra de mieux
conseiller et de mieux surveiller cette population.
La technique de prélèvement et d’identification
Les papillomavirus ne sont pas détectables en routine par des
tests sérologiques ; ils ne sont pas cultivables in vitro. Les
méthodes de détection qualitative et quantitative, ainsi que le
typage de ces virus sont donc essentiellement des techniques
de biologie moléculaire, et reposent sur la mise en évidence
de l’ADN viral dans les cellules infectées. On distingue les
techniques de détection de l’ADN viral sans amplification
(techniques d’hybridation moléculaire) et après amplification
par PCR (techniques d’amplification).
Techniques d’hybridation moléculaire
Plusieurs techniques sont disponibles : le southern blot est une
technique très longue (plusieurs jours), lourde et onéreuse, qui
manque de sensibilité et ne peut être appliquée au dépistage de
masse. Le dot-blot est une méthode qui présente l’intérêt d’être
plus sensible, plus simple et plus rapide que le southern-blot,
mais elle manque de spécificité (faux positifs).
L’hybridation in situ (HIS)
Elle est réalisée sur frottis cellulaires et/ou coupes tissulaires.
Elle permet de préserver la morphologie du prélèvement et de
localiser spécifiquement les cellules infectées, donc d’établir
des corrélations avec l’histopathologie.
Après prétraitement et dénaturation des acides nucléiques,
l’hybridation consiste à déposer une sonde marquée (différents
marquages existent : marqueur radioactif, enzymatique...)
directement sur les cellules ou les coupes de tissus, et à laisser
incuber une nuit à une certaine température. L’aspect du signal
final de révélation permet alors la localisation des zones infec-
tées et aussi de préjuger l’état de l’ADN viral dans le noyau :
un signal ponctué est en faveur d’une intégration au génome
cellulaire alors qu’un signal diffus et homogène évoque plutôt
des formes libres de l’ADN viral dans les cellules.
Cette technique est cependant peu sensible (moins sensible que
le southern-blot et le dot-blot), en particulier pour les formes
cliniques évoluées (lésions de haut grade et carcinome). De