Contrôle n°1 - Sujet A, « Les conséquences de la guerre »
(En millions d’hommes) Mobilisés Morts Blessés % de la popu-
lation active
masculine
Allemagne 13 2 4 9,8
Autriche-Hongrie 9 1,5 2 9,5
États-Unis 4 0,1 non connu 0,2
France 8,4 1,4 3,5 10,5
Italie 5,2 0,75 non connu 6,2
Royaume-Uni 8 0,75 2 5,1
Russie 13 1,7 non connu 5
Document 1 - Les victimes de la première guerre mondiale
Total : 60,6 9,1 11,5
Document 3a - P. VALERY, La crise de l’Esprit, 1919
"Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous
sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes
disparus tout entiers, d'empires coulés à pic avec tous leurs
hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable
des siècles avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et
leurs sciences pures et appliquées, avec leurs grammaires,
leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs
symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques.
Nous savions bien que toute la terre apparente est faite de
cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous aperce-
vions à travers l'épaisseur de l'histoire, les fantômes d'immen-
ses navires qui furent chargés de richesse et d'esprit. Nous ne
pouvions pas les compter. Mais ces naufrages, après tout,
n'étaient pas notre affaire.
Élam, Ninive, Babylone* étaient de beaux noms vagues, et la
ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification
pour nous que leur existence même. Mais France, Angleterre,
Russie... ce seraient aussi de beaux noms. [...] Et nous voyons
maintenant que l'abîme de l'histoire est assez grand pour tout
le monde. Nous sentons qu'une civilisation a la même fragilité
qu'une vie."
(* grandes villes témoins de civilisations antiques orientales)
Document 2a - L’Europe en 1914...
Document 2b - ...et en 1922
Document 3b - Otto DIX, Le bles, 1924
QUESTIONS (à traiter dans l’ordre)
Étude de documents (8 points)
Document 1. 1. Quels sont les pays les plus touchés par le
conflit ? Pourquoi ? (2 points)
Document 2. 2. a) Quels sont les États nés du démembrement de
l’Autriche-Hongrie ? (0,5 point)
b) Quels sont les territoires perdus par l’Allemagne et la Russie ?
(0,5 pt)
c) Quels sont les territoires gagnés par la France et l’Italie ? (0,5
point)
Document 3. 3. À quelles civilisations Paul Valéry compare-t-il
les États d’Europe ? Pourquoi ? (2 points)
4. Quels sont les points communs et les différences entre l’article
de Paul Valéry et la gravure d’Otto Dix ? (2 points)
Synthèse (10 points)
5. Rédigez une synthèse d’une vingtaine de lignes sur le sujet « Le bilan de la Première Guerre mondiale » à l’aide de vos connaissances
personnelles et des informations tirées des documents.
Repérage chronologique. (2 points)
6. Datez : a) L’Hégire ; b) La chute de Constantinople; c) Le couronnement de Charlemagne ; d) Saint-Louis.
Contrôle n°1 - Sujet A, « Le bilan de la guerre » - Correction
Questions
1. Avec respectivement 2, 1,7, 1,5 et 1,4 millions de morts, l’Allemagne, la Russie, l’Autriche-Hongrie et la
France enregistrent les plus fortes pertes humaines. L’impact de ces pertes sur la population totale est par-
ticulièrement élevé pour l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la France, qui voient leur population active mas-
culine réduite d’environ 10%.
2a. Le démembrement de l’Autriche-Hongrie contribue à la naissance de nouveaux États : Autriche, Hon-
grie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Pologne, et à l’agrandissement de la Roumanie.
b. L’Allemagne perd l’Alsace-Lorraine, le Sud du Danemark, l’Ouest de la Pologne ; elle est séparée en
deux par le « corridor de Dantzig ». La Russie perd les territoires correspondant aux États baltes (Finlande,
Estonie, Lettonie, Lituanie) ainsi que l’Est de la Pologne et le Nord-Est de la Roumanie.
c. La France récupère l’Alsace et la Lorraine (perdues en 1870), alors que l’Italie gagne une partie des terri-
toires qu’elle revendiquait : le Trentin et l’Istrie.
3. Paul Valéry compare les États d’Europe à Élam, Ninive, Babylone, cités antiques abritant des civilisa-
tions disparues (« à travers l’épaisseur de l’histoire, les fantômes d’immenses navires qui furent chargés de
richesse et d’esprit »). Pour lui, la civilisation européenne « a la même fragilité qu’une vie » et pourrait bien
disparaître comme « ces empires coulés à pic […], descendus au fond inexorable des siècles ».
4. Comme Otto Dix, Paul Valéry est marqué par la guerre, et porte peu après son dénouement, un regard
douloureux sur cet période.
Mais chacun exprime le choc qu’il a ressenti de manière différente. Paul Valéry, en écrivain et intellectuel,
livre dans un article une analyse lucide et rationnelle de la situation de l’Europe en 1919. Otto Dix, quant à
lui, en tant qu’artiste et ancien combattant, offre un témoignage en représentant avec sa sensibilité, dans
une gravure très sombre, l’agonie d’un blessé, aux membres disloqués, à la grimace béante, au regard
exorbité peut-être à la vue de « l’abîme de l’histoire […] assez grand pour tout le monde »…
Synthèse
La Première Guerre mondiale, qui s’achève le 11 novembre 1918 par la victoire de l’Entente sur les
puissances centrales, a de lourdes conséquences démographiques, territoriales et morales.
Ce conflit a opposé des puissances industrielles dotées d’une force de frappe jusqu’alors inédite. Sur
60 millions d’hommes mobilisés, 9 millions y ont trouvé la mort, et 11,5 millions en sont revenus blessés.
Cela constitue un choc démographique terrible, qui affecte non seulement la population active masculine,
mais aussi l’ensemble de la population par le phénomène des « manque-à-naître ».
Une des principales motivations de la Première Guerre mondiale consistait dans des litiges territo-
riaux : tensions nationalistes dans les Balkans et en Europe centrale, revendications italiennes, litige fran-
co-allemand en Alsace-Lorraine… Dans ces conditions, la Première Guerre mondiale se solde logiquement
par un bouleversement des frontières européennes, durement négocié par une série de traités internatio-
naux, principalement celui de Versailles (1918-1919) : les empires allemand, russe, austro-hongrois (mais
aussi ottoman) ont explosé, suscitant la naissance de nouveaux États-nations et l’élargissement territorial
d’États fondés au XIXe s ; la France récupère l’Alsace et la Lorraine, et l’Italie emporte une partie des terri-
toires qu’elle revendiquait. Mais si, sous la houlette du président des États-Unis, Wilson, le principe du droit
des peuples a prévalu dans le nouveau découpage de l’Europe, ces bouleversements territoriaux n’en sus-
citent pas moins de fortes contestations et des frustrations, tant chez les vainqueurs que chez les vaincus.
Enfin, le premier conflit de cette ampleur et de ce type a fortement marqué les esprits. Les années
d’après-guerre voient se multiplier les témoignages et les analyses qui montrent combien cette expérience
combattante a été traumatisante. Ceux qui ont vécu cette guerre totale, marquée par une brutalisation iné-
dite, sont en effet convaincus d’avoir assisté à un tournant dans l’histoire de leur civilisation.
Le bilan de ce conflit meurtrier, qui a traumatisé l’Europe et redessiné ses frontières, ne s’arrête pas
au lendemain de l’armistice ni du traité de Versailles. L’Europe qui sort abasourdie de cette guerre en se
jurant que ce serait « la der des der » est presque déjà prête pour le prochain conflit mondial…
Document 1 - Au front
« Serais-je le seul lâche sur la terre ? Pensais-je. Et
avec quel effroi ! ... Perdu parmi deux millions de
fous héroïques et déchaînés et armés jusqu'aux
cheveux ? (...) enfermés sur la terre comme dans
un cabanon, pour y tout détruire, Allemagne,
France et continents, tout ce qui respire, détruire
plus enragés que les chiens, adorant leur rage,
cent, mille fois plus enragés que mille chiens...
Nous étions jolis ! Décidément, je le concevais, je
m'étais embarqué dans une croisade apocalyptique.
(...) Comment aurais-je pu me douter, moi, de cette
horreur en quittant la place Clichy ? (...) A présent,
j'étais pris dans cette fuite en masse, vers le meur-
tre en commun, vers le feu. »
Extrait du roman de L.F. Céline, Voyage au bout de la
nuit, 1932
Document 3 - À l’arrière
« (...) C'est à ça qu'aboutit toute cette immense ma-
chine de guerre. Des femmes se crèvent dans les
usines. Un peuple d'ouvriers trime à outrance au
fond des mines. Des savants, des inventeurs s'ingé-
nient. La merveilleuse activité humaine est prise à
tribut. La richesse d'un siècle de travail intensif.
L'expérience de plusieurs civilisations. Sur toute la
surface de la terre on ne travaille que pour moi...
Des âmes prient. Des chirurgiens opèrent. Des
marraines1 écrivent des lettres. Mille millions d'indi-
vidus m'ont consacré toute leur activité d'un jour,
leur force, leur talent, leur science, leur intelligence,
leurs habitudes, leur coeur. Et voilà qu'aujourd'hui
j'ai le couteau à la main.
Blaise Cendrars, J'ai tué, 1919
Témoignage d'un écrivain engagé dans le conflit.
1 marraines de guerre : femmes bénévoles qui s'engagent
à aider et soutenir un combattant
QUESTIONS (à traiter dans l’ordre)
Étude de documents (8 points)
Document 1.
1. Sélectionnez quatre expressions qui illustrent la brutalisation dans cette guerre. (2 points)
Documents 1 et 2.
2. Montrez que le document 2 s'oppose à la réalité décrite par Céline. Pourquoi cette différence ? (3points)
Documents 2 et 3.
3. Comment se manifeste la solidarité de l'arrière pour soutenir l'effort de guerre ? (3 points)
Synthèse (10 points)
4. A partir des informations tirées des documents et en vous appuyant sur vos connaissances, vous rédigerez un
paragraphe argumenté d'une vingtaine de lignes répondant au sujet : « Pourquoi la guerre de 1914-1918 a-t-elle
été une guerre totale ? » Repérage chronologique (2 points)
5. Datez : a) Le début du christianisme ; b) l’apogée d’Athènes ; c) La naissance de l’écriture ; d) La dislocation
de l’Empire romain.
Document 2 - La mobilisation des esprits
Contrôle n°1 - Sujet B, « La guerre totale »
Contrôle n°1 - Sujet B, « La guerre totale » - Correction
Questions
1. Plusieurs expressions illustrent le phénomène de brutalisation dans la guerre 1914-1918 : « avec quel
effroi ! » ; « fous héroïques et déchaînés » ; « enfermés sur la terre […] pour y tout détruire » ; « plus enra-
gés que les chiens, adorant leur rage, cent, mille fois plus enragés que mille chiens... » ; « croisade apoca-
lyptique » ; « cette horreur » ; « vers le meurtre en commun, vers le feu. »
2. Le document B s’oppose par sa nature même à la réalité décrite par Céline : il n’a pas pour but de témoi-
gner de l’horreur de la guerre, mais de mobiliser les esprits ; c’est en effet une affiche de propagande, des-
tinée à promouvoir la souscription au 3e emprunt de la Défense nationale. À cet effet, il ne saurait être
question de dénoncer « une croisade apocalyptique » ou de représenter « des fous héroïques et déchaî-
nés » ; au contraire, l’illustration met en valeur l’attitude à la fois digne et héroïque du soldat français,
« debout dans la tranchée que l’aurore éclaire ». « Il rêve à la victoire et à son foyer » et les Français, desti-
nataires de l’affiche, sont invités à souscrire à l’emprunt pour qu’il puisse « assurer l’une et retrouver l’au-
tre ».
3. Dans une « guerre totale », l’arrière, c’est-à-dire la partie non-combattante de la population, participe à
l’effort de guerre. Cette solidarité avec le front se manifeste de diverses manières : par la souscription à
l’emprunt de Défense nationale (doc. B) rendu nécessaire par la durée et l’intensité du conflit, les Français
participent financièrement à l’effort de guerre ; mais en fait, au-delà de la contribution financière, toute la
société est mise à contribution, qu’il s’agisse « des femmes qui se crèvent dans les usines », des « ouvriers
qui trim[ent] à outrance », des « savants, des inventeurs [qui] s’ingénient », des « marraines [qui] écrivent
des lettres » ; dans son témoignage, Blaise Cendrars ressent clairement que chaque belligérant puise au
plus profond de ses ressources la force nécessaire à terrasser l’autre, investissant dans ce terrible combat
« la richesse d’un siècle de travail intensif », « l’expérience de plusieurs civilisations ».
synthèse
Le premier conflit mondial (1914-1918) est considéré comme une « guerre totale », impliquant ensemble,
dans l’effort de guerre, civils et combattants.
« L’arrière » soutient le formidable effort de guerre de chaque belligérant. Les économies sont mises au
service de la guerre : reconversion des industries (par exemple, Renault) pour produire du matériel militaire
toujours plus sophistiqué, endettement des États (auprès de leurs ressortissants, mais aussi auprès d’au-
tres États), réquisitions pour l’armée (animaux de trait, provisions)… les sociétés sont également affectées
par le conflit, avec le remplacement des hommes par les femmes dans les usines (par exemple, les
« munitionettes »), avec l’apparition des « marraines de guerre ». Pour s’assurer de la plus large contribu-
tion possible de l’arrière à l’effort de guerre, la propagande et la censure battent leur plein chez tous les bel-
ligérants : le conditionnement des esprits est un autre aspect important de la « guerre totale ».
Au front, les combats, opposant des nations industrielles dotées d’un matériel militaire moderne et de trou-
pes animées d’un puissant sentiment patriotique, sont terriblement meurtriers. Les quatre années de guerre
se déroulent pour les « poilus » dans des conditions épouvantables : la peur, les bombardements, les gaz,
l’insalubrité des tranchées, et surtout la multiplication des assauts inutiles lors desquels ils sont sacrifiés
comme du « matériel humain » par des états-majors dépassés par les événements… elles se soldent par
une dizaine de millions de morts, un bilan matériel terrible, et un véritable traumatisme moral pour des po-
pulations frappées par la « brutalisation » qu’ils ont connue : l’optimisme d’avant-guerre sur le progrès, la
marche en avant de l’Occident triomphant s’est évanoui…
Première « guerre totale » de l’histoire de l’humanité, la Première Guerre mondiale marque par une rupture
l’entrée dans un XXe siècle où les relations entre États, de la diplomatie à la guerre, changent radicale-
ment. Elle marque en même temps le crépuscule de la domination européenne sur le monde.
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