GESTION DES RISQUES A L'HOPITAL (GRh)
et
GESTION DES RESSOURCES HUMAINES (GRH) : QUELS LIENS ?
André Lovinfosse, directeur du département infirmier
CHR de la Citadelle, Liège (Belgium)
I. Introduction
Inscrite au cœur d’un programme très riche sur le thème de la gestion des risques, ce ‘risk
management’ à la mode dans nos entreprises hospitalières, cette question : “existe-t-il des liens entre la
GRh et le GRH ?”, ce titre, a de quoi étonner !
Étonner car comment dissocier la fonction de prévention des risques, des ressources humaines
identifiées comme “au centre de toutes les préoccupations des managers” dans nos organisations
modernes ? (Bernard Adrien – Fontan Anne Lise 1994 – La gestion des risques dans l’entreprise).
Étonner aussi car la gestion des ressources humaines fait partie intégrante des étapes méthodologiques
classiques de la gestion préventive des risques ! (Christian Sainrapt- Edition Arcanture – 1996 – Dictionnaire
général de l’Assurance).
Étonner enfin car poser la question de manière bien évidente est déjà attendre une réponse qui ne
semble ni évidente, ni simple. Poser la question éventuelle du lien et de la nature de ce lien existant
entre deux fonctions distinctes et présentes dans l’entreprise mérite à coup sûr que l’on s’y attarde
quelques instants.
Alors la question est posée et peut-être peu importe la réponse puisque ici nous sommes bien entre
chercheurs, entre professionnels persuadés que si les objectifs peuvent être clairs, les chemins pour y
parvenir se construisent avec modestie, avec des variantes … et en partage d’expériences avec les
autres.
Je vous propose donc un partage d’idées au départ de ce lien supposé entre ces deux logiques
organisationnelles (les ressources humaines d’une part et la prévention des risques d’autre part).
“On ne s’améliore pas dans le domaine de l’humain en appliquant des recettes”
En route, donc !
Les développements théoriques seront complétés par des exemples vécus au cours de l’histoire du CHR
de la Citadelle de Liège et serviront d’illustrations pour tenter de mieux comprendre les théories
présentées.
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II. Plan du parcours
Et comme ce voyage est en soi déjà “risqué”, je vous suggère d’y entrer ensemble : le labyrinthe nous
ouvre “ses dédales de pièges et surtout sa route vers le centre du carré”.
D’abord envisageons ces deux chemins que j’éviterai non par désintérêt mais par choix et puis
parcourons ce chemin de travail et de réflexion qui sera ce jour la raison d’être des fils d’Ariane :
a) les chemins que nous n'emprunterons pas ce jour :
- les modèles de gestion des risques
- les risques professionnels et les responsabilités
b) le chemin de découverte proposé pour notre exposé :
- l’impact des modèles organisationnels en ressources humaines sur la démarche de gestion des
risques à l’hôpital.
III. Les chemins que nous n’emprunterons pas
1. Aux côtés d’experts en “riskologie” ; en management des risques dans les entreprises, je n’ai nulle
intention de m’aventurer sur ce chemin très riche certes en découvertes et enseignements. Dans ce
domaine aussi, laissez la place et la parole aux experts est simplement du bon sens et du respect pour
le public.
“ Personne ne doit se prendre pour un savant simplement parce qu’il a acheté un microscope”
2. Aux côtés d’experts en droit du travail, en législation sociale, en règles relatives au bien-être et à la
sécurité au travail, et nonobstant ma qualité de président du CPPT (comité de protection et de
prévention du travail), je n’ai nulle intention de vous amener sur ce chemin capital pour assurer des
relations professionnelles saines et épanouissantes car là aussi, plusieurs exposés brosseront un
tableau complet de cet aspect de la gestion des risques professionnels.
“Il n’y a pas de vents favorables pour le bateau qui ne sait pas où il va”
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IV. Le chemin à risques de la découverte
“Si Ariane n’avait remis une pelote de laine à Thésée, celui ci continuerait d’errer dans les
entrailles du labyrinthe”
Mes “fils d’Ariane” pour cet exposé ont été :
- Isabelle Orgogozo, avec “Les paradoxes de la communication” (Edition d’organisation – 1988)
- Robert Salmon, avec “Tous les chemins mènent à l’homme” (Interéditions – 1994)
- Michel Crozier, avec “ Le phénomène bureaucratique” (Editions du Seuil – 1963)
- Geneviève Thomas, avec “ L’éducation du patient, structure, organisation et développement”
(Editions Kluwer – 2003)
- Agnès Jacquerye, avec “Guide de l’évaluation de la qualité des soins” (Editions le Centurion – 1983)
- Michel Crémadez, avec “Le management stratégique hospitalier” (Interéditions – 1992)
- Henry Mintzberg, avec “Structure et dynamique des organisations” (Editions d’organisation, 1982)
- Philippe Hermel, avec “L’impératif humain” (1988)
- Myriam Hubinon, avec “Management des unités de soins" (Editions De Boeck université, 1998)
- Jean Nizet et François Pichault, avec “Comprendre les organisations” (Gaëtan Morin éditeur –
Europe – 1995)
- Philippe Cabin, avec “La communication : état des savoirs” (Editions sciences humaines - 1998)
- Shimon L. Dolan, Gérald Lamoureux et Eric Gosselin, avec “Psychologie du travail et des
organisations” (Gaëtan Morin éditeur – 1996)
Et
- Jean-Pierre Bayard, avec “Symbolique du labyrinthe” (Les éditions du huitième jour, 2003).
“Chaque jour, j’éprouve le besoin de partager des idées, des difficultés, des espoirs aussi
avec tous ceux qui s’impliquent dans une démarche éducative”
G. Thomas
V. Le chemin qui conduit vers le centre du labyrinthe : vers la recherche d’une partie de la
solution ?
L’hypothèse principale peut être formulée ainsi :
“la politique de gestion prévisionnelle des risques en milieu hospitalier est influencée par le(s)
modèle(s) de gestion des ressources humaines en vigueur dans l’établissement. La qualité du
programme de gestion des risques est liée de manière directe aux choix stratégiques appliqués à la
gestion des hommes et des femmes de l’entreprise".
Et les hypothèses secondaires peuvent être formulées de cette manière :
"des modèles de gestion des ressources humaines et de gestion des risques non en adéquation
provoqueront des réactions de résistance, de “sabotage”, et/ou de trahison (au sens “non adhésion au
projet”) qui sont des mécanismes sociaux régulateurs pouvant entraîner des effets pervers non désirés
sur la productivité, la motivation et l’ambiance au sein des équipes de travail” ;
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“un modèle de gestion des risques en harmonie avec le modèle développé pour la gestion des
ressources humaines sera de nature à entraîner chaque individu et chaque groupe vers une recherche de
qualité et de performance où chacun est convaincu de participer à un jeu "win–win" (gagnant-gagnant)
et de concourir au succès de l’entreprise en accord avec ses valeurs propres”.
“Cependant, après avoir atteint le centre du labyrinthe, il nous faudra transmettre à l’extérieur
l’expérience que l’on vient de vivre et l’on se rend compte alors que l’entrée est encore la seule issue
de sortie”.
Et pour ma part, très modestement :
je me lance donc à la recherche de ce lieu éclairé et, gardant à la main la pelote de laine de tous les “fils
d’Ariane” cités plus haut et de tous ceux que j’ai oublié de mentionner, j’avance donc en devinant les
prochaines étapes.
A. Les modèles de gestion des ressources humaines à l’hôpital
B. La nature des liens de ces modèles avec la gestion des risques
C. L’espace (de communication) et le temps (d’application)
D. Les pistes pour tout de même réussir ou “passer son tour” !
A. Les modèles de gestion des ressources humaines à l'hôpital
A.a) Structure organisationnelle des hôpitaux modernes
La prévention des risques à l’hôpital vise à coup sûr plus de sécurité tant pour le patient-client que pour
le travailleur-acteur.
La manière dont le travail est réparti et coordonné constitue donc une variable importante pour
comprendre les règles du jeu en matière d’usage des compétences, des motivations, des disponibilités
des personnels qui réalisent au quotidien les missions de base de l’entreprise.
Pour comprendre l’évolution remarquée au sein de nos hôpitaux, il nous faut envisager les aspects du
travail liés à la coordination et à la division des activités.
L’hôpital se caractérise par notamment une base opérationnelle (cf. travaux de H.Mintzberg et de
M.Crémadez) à la fois disproportionnée (très grande !) et super diplômée (très qualifiée !). Ajoutons à
cela l’hypertrophisme des dimensions logistiques (informatique, plateaux techniques), rappelons la
ligne hiérarchique brisée (rapports entre administratifs et médecins !) et le sommet stratégique ambigu
(politique et social !) et le tableau est complet … et la situation complexe !
A.b) Structure des pouvoirs et des flux organisationnels à l'hôpital
Le sommet stratégique ambigu rend impératif les concertations et les négociations sociales (internes et
externes).
La ligne hiérarchique brisée rend obligatoire (et d’ailleurs souligné dans la loi sur les hôpitaux) les
négociations et concertations avec le corps médical.
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L’hypertrophisme de la dimension “logistique” (technique) est la conséquence de cette ligne
hiérarchique coupée. Le sommet stratégique et décisionnel développe des atouts de négociation via la
technique qu'elle soit de nature informatique, financière ou juridique, et l’on assiste à une “prise de
pouvoir” des fonctions à haute technicité ajoutée (et à l’émergence de nouveaux “chefs” puissants dans
nos structures hospitalières).
Le sous dimensionnement relatif de la “technostructure” - où nous retrouvons cette fameuse GRH,
également créée pour reconstruire un équilibre de pouvoir au sein de la pyramide organisationnelle - ,
est de nature à rendre plus complexe le partenariat entre la logique “administrative” (DRH) et les
directions dites “ professionnelles” (directions médicale, infirmière et paramédicale).
C’est dans cette aire de jeu que le combat commence pour savoir qui est le gestionnaire, le manager et
le leader de ces ressources humaines qui pèsent tant dans les budgets hospitaliers et qui pèsent tant
dans le succès renvoyé par les clients.
Classiquement, on peut admettre que nos hôpitaux modernes se partagent des modèles variés qui
tiennent compte des objectifs des pouvoirs organisateurs mais aussi des nombreux enjeux de pouvoirs
rencontrés dans nos entreprises “complexes”.
A.c) Travail des équipes soignantes qualifiées à l’hôpital
Dans nos hôpitaux, au vu des éléments critiques de déséquilibre soulignés plus haut, il est capital de
trouver une régulation harmonieuse entre la division horizontale des activités (jusqu’où va la
polyvalence et la flexibilité dans le travail ?) et la coordination verticale (jusqu’où va l’autonomie du
travailleur ?).
Plus la division horizontale est forte (spécialisation des métiers), plus le degré d’autonomie sera
réclamé (c.à.d. une division verticale faible).
Et plus cette tendance à la multicompétence (remplaçant dans les métiers de soignants qualifiés la
notion révolue de polyvalence) s’accentue, plus la coordination (la centralisation) des processus et des
résultats sera difficile voire impossible ou inefficace.
Il est donc nécessaire, dans un système où la division technique est importante (comme dans nos
hôpitaux), de mettre en place des systèmes de coordination du travail qui devront assurer la cohérence
de l’ensemble de la structure et la maîtrise des coûts.
Je ne m’étendrai pas sur les systèmes de centralisation liés à la dimension “logistique” comme les
tableaux de bord de consommation des produits, les budgets, les investissements, les développements
informatiques, etc, etc.
Je voudrais juste insister sur les mécanismes de coordination ayant trait au travail de soins entre les
acteurs de terrain (les soignants: les médecins, infirmiers, paramédicaux, aides, ...).
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