Revue belge de numismatique et de sigillographie

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REVUE BELGE
DE
NUMISMATIQUE
SOUS LES AUSPICES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE NUMISMATIQUE.
DIREOTETJRS
MM.
lb
V"
B. de
JONGHE,
lb
O
Th. de
=
LIMBURG-STIRUM
bt A. de
1900
CINQUANTE-SIXIÈME ANNÉE.
BRUXELLES,
J.
GOEMAERE, IMPRIMEUR DU
Tiue de
la Limite, 21.
1900
ROI,
WITTE
336
CTETOIsr
SEIGNEUR DE LA VICHTE
MARÉCHAL DE FLANDRE
Écu
fretté (or fretté
de sable), entouré de la
* DE S VEG^E 7ÇV (DTCRESCftlJ &.
Rev. Au centre un écu chargé d'un lion, avec la
légende
* 7TV GOUWE § DE BLftR S DRES.
légende
:
De
Cuivre.
Ce jeton, dont
xiv
e
le
siècle, est celui
style
notre collection.
accuse
le
du seigneur de
maréchal du comté de Flandre
;
il
la
milieu du
Vichte
(1),
doit être attri-
bué à Jean, seigneur de la Vichte et, à ce titre
maréchal héréditaire de Flandre, qui fut conseiller
du comte Louis de Maie. Ce jeton était, sans doute,
destiné à servir d'instrument de calcul dans les
(i)
Vechte
est la
forme ancienne du
prononciation locale.
nom
;
elle est
plus conforme
à la
337
séances où
conseil
le
était
appelé à ouïr les
comptes des receveurs ou d'autres
du
officiers
comté.
D'après les actes du Cartulaire de Louis de
on peut constater que ces vérifications
rentraient dans les attributions du conseil; en 134g
Maie
(i),
comte donne commission à des conseillers
pour la reddition des comptes des receveurs, des
reneurs, des baillis et autres officiers du comté de
Flandre, pour aider le conseiller Pierre de Douay,
qui ne pouvait s'acquitter seul de cette besogne
c'est en présence du conseil que le comte donna,
le
;
le 16
septembre
pour
la
fait
somme
134g, quittance
à la
ville
de 200 L. de gros, qu'elle
remettre par
Gand
lui avait
seigneur de Steenhuus(2).
le
Le conseil du comte
était
une institution
ancienne, qui était appelée à assister
l'administration
de
de son comté.
«
le
très
comte dans
Le comte,
dit
Wielant dans ses Antiquités de Flandres, avoit et
toujours a eu conseil-lez luy, où s'assemblèrent
ceulx de son sang, lesgrandz officiers et lesgrandz
nobles du pays,
conseillers
le
chancelier de Flandres et les
du comte,
et
l'on
y
traittoit toutes
matières concernantes Testât de la
maison
et
police du pays, les matières de grâce, de guerre et
de paix.
On
a contesté au maréchal de Flandre
de Limburg-Stirum, Cartulaire de Louis de Maie. Bruges 1898,
(1)
in-4
»
.
Publication de
la
Société d'Émulation.
usqu'ici.
(2)
Cart. de Louis de Maie, pp. 146, 176.
Le tome
I
a
paru seul
338
compté parmi
droit d'être
le
tels
que
les
grands
officiers,
chamdonc à
chancelier, le connétable, le
le
bellan et le sénéchal de Flandre; ce serait
titre
personnel
du conseil.
qu'il aurait fait partie
Le Cartulairede Louis de Maie, qui contient un
grand nombre d'actes concernant la gestion des
du comté, de 1348 à i358, permet de con-
affaires
stater
que
nombre de
le
conseillers appelés à être
présents, variait selon la nature des actes
au comte. Parfois
même aucun
soumis
d'eux n'est rensei-
gné, mais dans les affaires importantes
le
comte
appelait les représentants des grandes villes à y
assister.
Le
conseil n'avait pas de lieu de réunion fixe
suivait le
ainsi
il
comte dans ses déplacements c'est
le règne de Guy de Dampierre le
:
que sous
conseil
tint,
en 1270, une séance à Palerme.
Les attributions du conseil étaient
breuses
les
;
:
elles
comprenaient, peut-on
nom-
très
dire, toutes
questions concernant la gestion des affaires du
comté de Flandre,
les affaires générales, les ques-
tions administratives, financières, politiques, et
même
quelques questions judiciaires que
s'était réservées, et
vés
que l'on appelait
«
le
comte
cas réser-
».
Indépendamment de ce conseil, il y avait à cette
époque en Flandre deux autres cours la Chambre légale ou Cour féodale, qui s'occupait, comme
:
son
nom
Chambre
l'indique, des questions féodales, et la
des
Renenges,
qui
connaissait
des
actions réelles concernant les domaines du comte
33g
et
des actions personnelles contre les receveurs.
Ces institutions ne tardèrent pas à se modifier
Louis de Maie lui-même établit, en i36g, le con;
seil
de l'Audience
;
son gendre,
le
duc de Bourgo-
gne, Philippe-le-Hardi, et ses successeurs créèrent
d'autres institutions, que l'administration de leurs
possessions rendait indispensables.
Le seigneur de
la
Vichte, en sa qualité de
seigneur de cette localité, était un des deux maré-
chaux héréditaires de Flandre
;
la
seconde maré-
chaussée a longtemps appartenu à
Bailleul; cette fonction de
la famille
maréchal rangeait
de
le
au nombre des officiers de la cour du
comte, mais il paraît qu'il ne prenait pas rang
titulaire
parmi
On
à
les grands-officiers
de cette cour.
n'est pas renseigné sur les fonctions qu'avait
remplir
M. Finot,
le
maréchal
l'archiviste
de
Flandre;
de Lille,
d'après
ses principales
fonctions consistaient dans la surveillance, sous
l'autorité
du connétable, de tout ce qui concer-
nait le service de l'écurie
appelé la fourrière.
du prince
et
de
l'office
Butkens, en parlant de
la
de Woeringen, dit que le seigneur de
Wesemael, maréchal héréditaire de Brabant, faisait l'office de maréchal de camp, « selon que le
bataille
droit lui appartenoit
» (2).
D'après de Vaddere, qui avait consulté
(1)
Finot, Inv. sommaire. Vil.
(j)
Butkens, Trophées de Brabant, sédition,
les regis-
p. 32o.
340
du baron de Wesemael, maréchal héréditaire
très
deBrabant, lafonction de maréchal «étoit de punir
les soldats qui
manquoient à leur devoir, de pro-
noncer sur leurs différends.
Il
étoit
du conseil de
guerre, et premier commissaire pour les Traités de
paix
(1).
Il
deyoit, ajoute cette auteur, conduire les
Louvain, qui marchaient
bourgeois de
l'ennemi, jusqu'à une lieue de la
contre
avoit
ville. Il
le
soin des munitions et de la discipline militaire.
Roi des
C'est pourquoi celui qu'on appeloit le
femmes de débauche qui suivoient
l'armée, lui payoient une amende par semaine;
les vivandiers lui payoient aussi un tribut jourRibauds,
et les
nalier de viande
et
de pain. Les abbayes qu'il
devoit protéger lui faisoient annuellement présent,
l'une d'un bœuf, l'autre d'une quantité de foin,
l'autre d'un habit de chasse.
tout
le bétail pris
Il
sur l'ennemi et
de toutes les rançons.
Il
jouissoit seul de
il
avoit
choississoit au
logement que bon lui sembloit.
en cour, du drap pour s'habiller,
le
tiers
camp
tel
Il
avait bouche
le
meilleur che-
val après celui du duc, ses chandelles, ses gants,
et plusieurs autres choses.
linge et tous les
prince étoient à
La
guerre
meubles en bois de
finie,
tout
la cuisine
le
du
lui. »
Le général Guillaume, dans son histoire de l'organisation militaire sous les ducs de Bourgogne,
reproduit ces indications et
comme on
(1)
voit,
De Vaddere,
il
y ajoute
une assez bonne place.
«
:
C'était,
»
Traité de V origine des ducs de Brabunt,
II,
489
341
On
peut conclure par analogie que les fonc-
tions du maréchal de Flandre étaient à peu près
les
mêmes, mais
il
ne pouvait occuper une place
aussi importante qu'en Brabant,
car
du connétable, qui
dans ce pays.
n'existait pas
il
dépendait
Aussi les gages du maréchal de Flandre étaient
bien plus modestes
;
ceux qui leur étaient
voici
assignés:
As Marisseaux yretiers
«
A
Mons. Jean de
:
Bailleul,
avoine de
V
che-
vaux.
Item, IIII sols pour wages.
Item,
tre
II
pots de vin, l'un dou meilleur et l'au-
dont on sert
l'ostel.
X coupons
Item,
de candelles.
Item, à caskun terme
Outre
le
C
soûls pour ses dras.»
maréchal héréditaire,
Louis de Maie comptait d'autres
de maréchaux
;
le
cour du comte
la
officiers qualifiés
23 octobre 1348,
le
comte
Wautier des Mazures maréchal du pays
de Flandre; 1349,
il
de son séjour
»
tre
Tenke
et
appela aux fonctions de
son vallet
et
nomme
«
comté
mais-
marischaux, Jean
»(i).
Mais on ne voit nulle part que
Flandre
ait
été
chargé du
armées du comte;
le
maréchal de
commandement
cette direction
des
était confiée
à
d'autres; en i3o2, le seigneur d'Escornaix était à
la tête
des milices, avec
Flandre.
(1)
le titre
de maréchal de
Henri de Lonchin, pendant
les
guerres
Cart. de Louis de Maie, pp. 38 et 40
Année
1900.
23
342
avec
la
France sous Guy de Dampierre, commanda
aussi les armées flamandes.
On
connaît
le rôle
que Guillaume de Juliers y remplit. Plus tard on
retrouve Josse de Halewijn, qualifié « Upper-
MaerscalcvanVlanderen
»;
au xv e siècle,
le
seigneur
de Ghistelles était capitaine de Flandre. Mais
sans avoir des charges qui demandaient des aptitudes spéciales, les maréchaux de Flandre avaient
à remplir des fonctions assez absorbantes pour les
occuper entièrement
active
pour
réunir
:
fallait
il
une surveillance
que
milices
les
devaient fournir, pour obliger les
les
villes
hommes du
fief
à remplir leurs devoirs militaires, pour faire rentrer les prestations
tre,
que l'on
était obligé
de remet-
assurer la fourniture des vivres et des four-
rages.
En
outre, dans l'organisation des troupes
en marche,
il
fallait tenir
compte de
l'ordre des
préséances, auxquelles les villes ou les
de
fief
avaient droit et auxquelles
une importance
ils
attachaient
très grande.
Le seigneur de
la
Vichte appartenait à une
ancienne famille qui avait abandonné son
Van
hommes
nom
de
der Speelt pour adopter celui de la Vichte,
quand
cette terre était entrée
suite d'un
mariage avec
mais on ne connaît pas
nom
abandonné,
encore
cité
l'héritière
la date
d'une manière certaine
fois le
le
primitif ne
car,
avec
en
le
des époux; toute-
pas complètement
Jean de
de
de la Vichte,
de ce mariage, ni
nom
fut
i3y3,
nom
les registres des fiefs
en sa possession par
Van
de Flandre.
la
Vichte est
der Speelt dans
343
On
a peu de renseignements sur
En
la Vichte.
pour apaiser
métier
1349,
le
il
le
seigneur de
reçut commission du comte
différend qui s'était élevé entre
d' Ypres et la ville
le
de Roulers, au sujet de la
Le Cartulaire de Louis de Maie contient
une sentence prononcée contre lui dans un procès
draperie.
que
la
dame d'Anvaing
lui avait intenté
pour une
vente de 5o livres, qui grevait la terre de la Vichte;
dans ce document
il
est cité
avec son prénom de
Jean.
D'après l'épitaphe de son tombeau qui se trouvait
dans
l'église
de la Vichte,
Vichte mourut en i363
(1)
;
le
la date
seigneur de la
de la mort de
son épouse, Marie de Halewijn, n'est pas indiquée.
Ce tombeau porte divers écussons, sans indication de noms on y voit l'écusson de la famille
van de Walle, au chevron accompagné de trois
;
ce qui prouverait qu'il descendait de
merlettes,
Gossuin, qui avait épousé, en i334, Péronne van
de Walle
le
;
mais aucun document ne
dit qui était
père de Jean, et les généalogies que l'on
sa famille sont trop incomplètes pour
a de
nous ren-
En i36i, on trouve citée dame Péronne le
Borgne, dame de la Vichte, qui fonda un obiit à
seigner.
Marquette; son sceau porte deux écussons frettés (2).
Les
registres
des
nous renseigner;
fiefs
ils
de Flandre ne peuvent
ne remontent qu'à l'année
faut peut-être lire i383.
(1)
Il
(2)
De May,
collection de sceaux, n° 169b.
344
comte de Flandre racheta
i365, date à laquelle le
aux chevaliers.de Saint-Jean
les reliefs des
fiefs
le
droit de percevoir
ceux-ci avaient été mis en
;
possession de ce droit après la suppression des
Templiers auxquels
Quoi
qu'il
ancienne
en
il
avait été cédé.
soit, la famille
de la Vichte est
en 1Ô2, on rencontre Fastré de Vechta,
:
Lambert de
chevalier;
croisade en 1218.
On
Vichte partit pour la
la
ignore à quelle époque les
fonctions de maréchal de Flandre furent attachées
à la seigneurie de la Vichte.
Jean, seigneur de la Vichte, eut un
nommait également Jean;
fils
qui se
celui-ci eut de
son
épouse, Isabelle de Stavele, plusieurs enfants
i°
:
Jean, mort sans enfants de sa femme, Marguerite
Bette
;
2
e
Olivier, qui transmit la seigneurie de la
Vichte à ses descendants;
3°
Antoine, qui fonda
une seconde branche.
Jean de
la Vichte,
fils
d'Olivier,
épousa Jeanne
de Beauffort.
Leur
fils
Jacques, seigneur de la Vichte,
mandait l'armée qui mit
le
en i5i6; Sanderus rapporte que, pendant
de cette
le
ville,
com-
siège devant Tournai,
le
siège
prince Charles, qui devint plus
tard l'empereur Charles-Quint, séjourna pendant
plusieurs jours au château de la Vichte, et qu'en
souvenir de l'hospitalité que
vassal,
la
il
grande
Dans
lui
fit
salle
l'église
donnée son
que décorait
lui avait
don d'un beau vitrail
du manoir.
du village on voit encore
les débris
34 5
d'un
vitrail,
sentant
le
à peu près de la
même
époque, repré-
femme en
seigneur de la Vichte et sa
prière.
Jacques de la Vichte avait été marié à Florentine
Wielant; cette dame mourut
dans
fut enterrée
belle dalle
l'église
de cuivre qui
Jacques de
la
er
le
I
avril 1524, elle
de la Vichte sous une
existe encore
(i).
Vichte mourut sans enfants.
eut pour successeur son frère Guillaume
;
Il
celui-ci
un mariage peu en rapport avec son rang à
dater de cette époque commence la décadence de
fit
;
La
cette famille.
seigneurie passa par succession à
van den Bossche, dont un des membres
dut vendre la seigneurie celle-ci appartint pen-
la famille
;
dant quelque temps à
fin
du
la famille délia Faille et, à la
siècle dernier, la seigneurie ainsi
que
le titre
de maréchal héréditaire de Flandre appartenaient
aux de Fourneau de Cruyckenbourg; à ce titre,
un des membres de cette famille figura, en 1744, à
l'inauguration de
Marie-Thérèse;
il
y
portait
epee.
Antoine de
la
Vichte,
branche cadette de
la
xvm
e
siècle;
Gavre, dont
fils
de Jean, fut l'auteur de
la famille,
qui s'éteignit au
Antoine avait épousé Isabelle de
eut plusieurs enfants.
il
Son
fils
aîné
Antoine, seigneur de Nieuwenhove à Waereghem,
fut écoutète de
(1)
Bruges.
En récompense
Le baron Kervyn de Volkaersbeke
Messager des
que de
la
sciences historiques
tombe de
la
dame de
la
a fait reproduire
un dessin du
Vichte.
des actes
vitrail
de
dans
le
l'église ainsi
346
de valeur qu'il avait accomplis à
la bataille
de
Guinegate, il fut armé chevalier avec Jean van
Nieuwenhove, bourgmestre de Bruges, Jacques de
Voocht et d'autres gentilshommes; il portait un
armes de sa mère de GavreEscornaix, comme on le voit sur le sceau dont
écu écartelé avec
il
les
:
se servait. L'écu est écartelé de la Vichte et
de Gavre-Escornaix, surmonté d'un casque orné
de ses lambrequins
et
comme
est
légende
Le
cimier;
:
5
§
il
3ntl)ucm0
sommé
de deux jambières,
entouré d'un
S vci
htv
listel
village de Vichte est situé
dans
la
occidentale surl'ancienne route militaire
weg — qui
narde.
relie les villes
de Courtrai
Le château des seigneurs de
encore, mais
il
avec la
o ttuljte.
Flandre
— Heer-
et
d'Aude-
la Vichte existe
a été rebâti, les caves seuls parais-
sent anciennes; la date de 1529 se voit sur une des
parties
du bâtiment, une autre partie porte
la
date de 162g. Le château est entouré d'un simple
fossé,
il
était relié à
l'avant-courpar un pont-levis,
actuellement ruiné; la porte d'entrée de l'avant-
cour
est flanquée
de deux tours cylindriques.
34
Le sceau de
écusson
fretté
7
commune était jadis chargé d'un
au xvm e siècle les seigneurs firent
la
;
modifier cet écusson pour y mettre leurs armoiries,
comme
cela se pratiquait
fréquemment en Flan-
dre.
C
tc
T. de Limburg-Stirum.
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