JEAN-MARIE SOUTOU
Ambassadeur de France
SOUTOU (Jean-Marie, Léon), Ambassadeur de France.
Né le 18 septembre 1912 à Bruges (64).
Fils d'Antoine Soutou, Cordonnier, et de Mme, née Marie Matocq-Massey.
Marié le 14 mars 1942 à Mlle Maria Isabel de Semprun y Maura (1 enfant :
Georges-Henri).
Décédé le 10 septembre 2003
Etudes :
Collège de Bétharram
Carrière :
- Délégué en Suisse du commissariat de l’Information (1943-44),
- Secrétaire d’ambassade (cadre complémentaire) en Yougoslavie (1945),
- Administrateur au ministère des Affaires étrangères (affaires économiques)
(1950),
- Secrétaire des Affaires étrangères (1951),
- Directeur adjoint de cabinet de Pierre Mendès France (ministre des Affaires
étrangères et président du Conseil, (juin 1954-février 1955),
- Ministre plénipotentiaire (1954),
- Sous-directeur d’Europe (Europe orientale) au ministère des Affaires
étrangères (1955-56),
- Ministre-conseiller d’ambassade en URSS (1956),
- Consul général à Milan (Italie) (1958),
- Directeur des affaires d’Europe au ministère des Affaires étrangères (1961-
62),
- Directeur des affaires africaines et malgaches,
- Chargé des affaires d’Afrique-Levant (1962-66),
- Inspecteur général des postes diplomatiques et consulaires (1966-71),
- Ambassadeur en Algérie (1971-75),
- Représentant de la France auprès des Communautés européennes (1975),
- Elevé à la dignité d’Ambassadeur de France (1976),
- Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères,
- Président de la Croix-Rouge française (1978-83),
- Membre de la Commission nationale consultative des Droits de l'homme
(1986-96),
- Président de la société des amis de Raymond Aron (1986)
. Décoration :
Commandeur de la Légion d’honneur, Grand-Croix de l’ordre national du
Mérite.
Maître Bertrand DUPIN
de l’Académie de Béarn
HOMMAGE A
JEAN-MARIE SOUTOU
Rendre hommage à Jean-Marie Soutou c’est vouloir commémorer le
souvenir d’une vie d’engagements, marquée par la Résistance et par la
construction européenne; c’est vouloir retrouver le parcours d’un
intellectuel Béarnais engagé dans les grands affrontements idéologiques du
siècle depuis les années 30 jusqu’à la guerre froide; c’est enfin jeter un regard
nostalgique sur une période de notre histoire des jeunes gens
exceptionnels ont pu mettre en œuvre leurs convictions et exercer
précocement des responsabilités de premier plan après avoir défié l’ennemi
et tiré de ce combat une sûreté de comportement qui nous fascine encore.
À période exceptionnelle, destins individuels exceptionnels... On ne
peut mieux aborder celui de Jean-Marie Soutou qu’en citant les pages de
l’Histoire politique de la Revue Esprit Michel Winock expose ainsi le cas
de Jean-Marie Soutou lorsque Emmanuel Mounier lui propose le poste de
secrétaire de rédaction de la Revue Esprit en avril 1939 et que Jean-Marie
Soutou l’accepte :
«Soutou est un enfant du Béarn. à Bruges en 1912, il est fils du
cordonnier du village. Il a deux ans quand la guerre de 1914 éclate, son père
est mobilisé; c’est chez son grand-père maternel qu’il reçoit une éducation
catholique et conservatrice. À quinze ans, il doit interrompre ses études au
collège de Bétharram; grâce à son intelligence et à sa curiosité, il s’initie à la
radio, alors en plein essor, et il apprend ainsi un métier d’artisan à peu près
tout seul. À vingt ans, au moment où Esprit est créé, Soutou se sent
entièrement disponible: étranger à la droite, rejetant le marxisme, il est en
quête d’une paroisse. À Pau il entre en relations à partir de 1934 avec l’abbé
Plaquevent et quelques autres qui ont constitué un groupe Esprit. Il y trouve
ce qu’au fond il cherchait: un langage nouveau, une liberté intellectuelle
inconnue ailleurs, un stimulant spirituel. Chargé d’un premier rapport sur la
vie en Union Soviétique, dont il ne connait rien, il rassemble une
documentation considérable pendant des semaines, à mille lieues de
supposer qu’il deviendra un jour diplomate français dans les pays de l’Est!
Dans ce groupe de Pau il fait la connaissance de Bertrand d’Astorg, d’Ellul et
de Charbonneau qui viennent de Bordeaux lancer des anathèmes contre la
société industrielle et évoquer déjà les problèmes de l’environnement, près de
40 ans avant la passion écologiste qui nous reviendra via les Etats-Unis ».
C’est au sein de ce mouvement de pensée que s’est forgée l’assise
intellectuelle de Jean-Marie Soutou. Le groupe Esprit de Pau, qu’il contribue
à fonder en 1934, fut pour lui comme une Université, un lieu d’étude, de
débats et de rencontres avec des intellectuels. Cette formation atypique
contribuera à affermir son intelligence et son jugement; elle se poursuivra
pendant la guerre par une autre formation encore plus rude, faisant appel à
d’autres qualités dont il était tout aussi riche: ce sera l’école du courage qui
fera de lui un intellectuel engagé dans le combat contre l’occupant au sein
de la Résistance lyonnaise.
Jean-Marie Soutou participe dès 1936 aux Congrès de la Revue Esprit à
Jouy-en-Josas, ses interventions, au nom des non-intellectuels, contre
l’abus des abstractions, lui valent la sympathie et bientôt l’amitié durable
d’Henri Marrou. Avant tout, il est conquis par la personnalid’Emmanuel
Mounier, sa totale liberté face aux idées reçues et aux pouvoirs constitués,
son inspiration évangélique contagieuse: «Mounier c’est le contraire de
l’imposture », dira-t-il plus tard.
De son côté, Mounier s’intéresse à ce jeune Gascon au physique mince
et aigu, au regard à la fois profond et léger, comme s’il répugnait à cesser de
sourire. Dès ce moment-là, une amitié commence entre les deux hommes
tandis que la proximité de l’Espagne va donner à Jean-Marie Soutou
l’occasion de devenir un témoin privilégié de l’une des grandes
confrontations idéologiques du xx€ siècle. En effet, la guerre civile espagnole
vient d’éclater à nos portes. Le 17 juillet 1936, les troupes de l‘armée
régulière espagnole, stationnées au Maroc, entrent en rébellion. Le
lendemain, le mouvement s’étend à la péninsule et, le 25, un gouvernement
insurrectionnel s’établit à Burgos. L’Espagne est coupée en deux.
Aussitôt, Emmanuel Mounier s‘inquiète du sort du correspondant
d’Esprit en Espagne, José Maria Semprun-Gurrea, avocat et professeur de
Droit, veuf de Susana Maura, elle-même fille de l’homme politique libéral
Antonio Maura. Au déclenchement de la guerre civile, J.-M. Semprun est
resté fidèle au gouvernement républicain, bien qu’il soit un catholique
pratiquant. Or, la famille Semprun, le père, la belle-mère et les sept enfants
Semprun-Mama passent leurs vacances de l’été 1936 à Lekeitio sur la côte
du Golfe de Biscaye. Emmanuel Mounier leur envoie précipitamment Jean-
Marie Soutou pour prendre de leurs nouvelles et leur offrir l‘aide du groupe
Esprit.
Quelques jours plus tard, au mois d’août 1936, les troupes du Général
Mola, l’un des chefs de l’insurrection militaire, prennent la ville d’lrun,
coupant ainsi l’accès à la France de la zone loyaliste du Nord de l’Espagne.
Fin septembre, la famille Semprun au grand complet part de Bilbao et
arrive à Bayonne à bord d’un chalutier qui a navigué toute la nuit, feux
éteints. C’est la famille Soutou qui les accueillera tous dans un hôtel de
Lestelle-Bétharram dont le propriétaire est le frère aîné de Jean-Marie
Soutou.
À Paris, Emmanuel Mounier a effectivement pris le parti des
républicains espagnols et il publie dans le numéro d’Esprit du 1er novembre
1936 une vigoureuse défense du gouvernement républicain espagnol,
rédigée par J.-M. de Semprun-Gurrea, intitulée « La question d’Espagne
inconnue » et datée de « Lestelle-Bétharram, octobre 1936 ». L’auteur y
défend la thèse que l’insurrection militaire était parfaitement inutile et
qu’elle a seulement réussi à élever « deux murs de haine » entre lesquels «
nous ne cesserons pas de travailler à contre-courant de la peur et de la
haine», selon les mots d’Emmanuel Mounier.
De son côté, la droite française demeure, dans sa grande majorité,
convaincue du bien-fondé de l’insurrection militaire contre le gouvernement
républicain et ses alliés communistes et anarchistes. Cependant la voix
d’Emmanuel Mounier est loin d’être isolée au sein de l’opinion intellectuelle
catholique. Choqués par les méthodes de répression qu’adoptent, avec le
soutien de l’Église, les troupes rebelles à l’encontre des populations
demeurées fidèles au gouvernement républicain, Georges Bernanos et
François Mauriac changent de bord. Le journal hebdomadaire Sept que
publient les éditions dominicaines du Cerf et dont le maître à penser est
Jacques Maritain, se démarque lui aussi de la hiérarchie catholique par ses
analyses indépendantes sur la situation en Espagne et son refus de
reconnaître dans l’insurrection franquiste une «croisade» pour sauver la
civilisation occidentale.
Ainsi le débat soulevé en France par la guerre d’Espagne préfigure-t-il
avant l’heure la résistance spirituelle des différents milieux catholiques
français qui dénonceront quatre ans plus tard la politique de collaboration
avec les nazis assumée par le Gouvernement de Vichy au nom de la défense
de l’Occident contre le bolchevisme.
Malgré ces temps d’infortune, la guerre d’Espagne va permettre à Jean-
Marie Soutou d’entrer en résistance contre le nazisme quatre ans à l’avance
et elle va lui fournir l’occasion d’être, à vingt-quatre ans, chargé de fonctions
dans un service diplomatique étranger. En effet, quelques semaines après
son arrivée à Bétharram, la famille Semprun est en partance pour Genève
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