Genève où Pékin et Moscou utilisent Hanoï comme un pion de leurs stratégies déjà rivales]2.
Toutefois la Chine reste l’alliée de l’URSS et les États-Unis sont présentés comme le principal
ennemi.
Au Foreign Office, Anthony Eden affirme que le Royaume-Uni a un rôle spécifique à
jouer dans le monde car il est au centre des trois cercles atlantique, européen et du
Commonwealth. Jusqu’en décembre, ses relations sont mauvaises avec Dulles. Coprésident
de la conférence de Genève, il tient à un règlement en Asie car il craint que « par moments
les États-Unis y perdent la tête ». Il joue « un rôle considérable » dans la création de l’UEO
en décidant l’engagement permanent des forces britanniques sur le sol européen.
Néanmoins, le Royaume-Uni demeure le partenaire loyal et fidèle des États-Unis dont il tient
à la présence en Europe ; en outre, au-dessus d’Eden, il y a Churchill…
C) Pierre Mendès France (18 juin 1954 - 5 février 1955) a un véritable
projet pour la France
Il le conçoit selon trois axes principaux : 1) réexamen des moyens destinés à assurer
l’influence française à l’extérieur [expansion dans la stabilité devant mettre la France dans
une situation favorable dans le cadre d’une coexistence compétitive, le chef du gouvernement
estimant que la rivalité Est / Ouest n’est pas seulement militaire et diplomatique mais aussi
économique et sociale ; réduction et rationalisation des dépenses militaires ; développement
des recherches dans le nucléaire militaire (intérêt pour ce dossier chez PMF qui doit tenir
compte de la stratégie new look et du réarmement allemand, qui subit les pressions des
gaullistes, du pouvoir militaire, du pouvoir scientifico-administratif) ? ; affirmation de
l’autorité du gouvernement dans le respect de la démocratie parlementaire] ; 2) instauration
progressive de nouveaux rapports, assouplis, avec les colonies [garder l’initiative, promouvoir
plus d’égalité ou une véritable association] ; 3) recherche d’une sorte d’« indépendance dans
l’interdépendance » [loyauté atlantiste, refus du neutralisme, limitation de la
supranationalité européenne, recherche de plus d’égalité avec les deux grands, ouverture à la
détente].
Malgré son engagement atlantiste réitéré, le député de l’Eure suscite la méfiance, la
suspicion. Il n’est pas du « club européen ». Ne favorise-t-il pas le communisme ? : après
Dien Bien Phu (7 mai), il a reproché à Bidault de ne pas avoir discuté directement avec le
Vietminh 3, d’avoir cherché une dangereuse intervention américaine (10 juin) ; lors de son
investiture, il a obtenu le soutien compromettant du PCF, même s’il en a décompté les voix ;
n’aurait-il pas envisagé un « marchandage planétaire » (Indochine contre CED) avec
Molotov ! ; en négociant avec le Vietminh qui a refusé toute concession en attendant la chute
2 Mendès France estime que la Chine souffrait d‘« un complexe de frustration » qui allait se tourner contre
l‘URSS dont elle refusait d‘être un satellite à l‘image des autres démocraties populaires, mais il reconnaît qu‘il
ne s‘en est pas rendu compte alors. Choisir, op. cit., p. 72.
3 Paul Reynaud, vice-président du Conseil chargé de l‘Indochine, l‘avait également recommandé.