4 regards de la jeune génération sur l’entreprise 5 décembre 2012 www.groupe-bpi.com www.institut-leadership-bpi.com www.hec.fr Illustrations Jean-Michel Milon Blog : lamineducoach.fr Reproduction interdite des illustrations Crédit photos Getty Images JM Milon Avertissement du lecteur Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que leurs auteurs. Les articles peuvent être reproduits tout ou partie avec citation de la source. 2 www.groupe-bpi.com LES RDV de l’Institut - BPI group Chaque année, les RDV de l’Institut - BPI group donnent la parole à de jeunes professionnels diplômés d’HEC - Entrepreneurs sélectionnés pour la qualité de leurs travaux et la proximité de leurs thèmes avec ceux de BPI group. Dans un contexte où les mondes académique et professionnel sont de plus en plus interdépendants, les RDV de l’Institut et HEC-Entrepreneurs font se rencontrer et débattre des professionnels, en entreprise, dans les administrations et dans les cabinets de conseil, avec de jeunes professionnels qui entrent dans le monde du travail, des étudiants, des chercheurs. « L’entrepreneuriat social changera-t-il l’économie de demain ? » p 08 Pour répondre à une demande croissante de régulation sociale, les acteurs de l’entrepreneuriat social créent de nouveaux business models dont s’inspirent les plus grands économistes. Quelle place prendront-ils dans l’économie de demain ? par Lola Blanc « L’échec entrepreneurial » p 12 Parce que l’échec est indissociable de la prise de risque n’est-il pas le premier pas vers la réussite ? Comment apprendre à échouer ? Comment échouer intelligemment ? par Virginie Caplain « Le marché de la crise en France » p 16 Sur un marché caractérisé par la double exigence du secret et de la confiance, comment les professionnels s’y prennent-ils pour faire connaître leurs produits ? Comment captent-ils leurs nouveaux clients ? par Alexandra Carter « Relation entre la rémunération d’un dirigeant et sa performance » p 20 Les mesures de rémunération incitatives ont-elles un impact sur le comportement ou la performance d’un dirigeant ou d’un trader ? par Florian Kahn Les Rendez-Vous de l’Institut 3 Créé en 1984, BPI group s’affirme aujourd’hui comme cabinet leader de l’accompagnement RH des transformations. En imaginant, il y a bientôt 30 ans, une approche innovante pour démocratiser les méthodes d’outplacement jusque-là réservées aux cadres dirigeants, et face à l’irruption du chômage de masse, nous rendions faisable ce qui paraissait impossible. Olivier Labarre Président Cet esprit pionnier nous a depuis lors conduits à un développement régulier et à un élargissement continu de nos champs d’intervention et de notre couverture internationale, tout en restant fidèles à notre tradition d’innovation. L’énergie du changement, les solutions opérantes construites avec l’ensemble des acteurs au plus près des territoires, sont notre marque de fabrique. Dans notre posture de conseil, le maître mot est l’équilibre : entre conseil aux personnes et conseil aux organisations, appui aux directions et dialogue avec l’ensemble des équipes et de leurs représentants, humanité et intelligence des situations. Dans un environnement durablement incertain où les schémas traditionnels de pensée et d’action s’avèrent caducs, BPI group s’engage au quotidien avec ses clients, partout en France et dans le monde, à construire de nouveaux équilibres entre l’économique et le social. Nous mobilisons nos expertises autour de 3 grands champs d’intervention : Accompagner les restructurations Une approche unique et globale : le Positive Restructuring Process® consiste à conseiller les comités de direction en amont pour les aider à anticiper au mieux et à éviter autant que possible le traitement à chaud des restructurations (GPEC, GTEC). Un concept phare quand la restructuration s’avère incontournable : la Plateforme pour l’emploi, une réponse simultanée aux enjeux de reclassement et de revitalisation. Basée sur une approche territoriale, elle permet de créer les synergies nécessaires pour accroître la performance des actions réalisées et compenser les effets de la restructuration. Présent dans Conseil aux comités de direction sur la stratégie sociale et de changement Accompagnement des managers Plan de communication interne et externe Ingénierie sociale Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (entreprises, branches ouEUROPE territoires) & Canada Russie MÉDITERRANEE Allemagne Japon Stratégie RH Autriche Belgique Danemark Espagne USA Dispositifs d’accompagnement du retour à l’emploi Chine France Grande Bretagne Irlande Inde Mexique Revitalisation de territoires Italie Maroc Norvège Malaisie Cession, reconversion et réindustrialisation de sites Singapour Pays Bas Pologne 40 pays Brésil Chili Portugal Roumanie Suède Suisse Tunisie Ukraine Nouvelle Australie Zélande Afrique du Sud Argentine 26 40 pays Présent dans bureaux en France et Dom Tom Lille Le Havre Caen Brest Canada USA Mexique Chili EUROPE & MÉDITERRANEE Allemagne Autriche Belgique Danemark Espagne France Grande Bretagne Irlande Italie Maroc Norvège Pays Bas Brésil Pologne Portugal Roumanie Suède Suisse Tunisie Ukraine Argentine 4 Rouen Paris Nancy Rennes www.groupe-bpi.com bureaux Strasbourg Russie Nantes Japon Chine Afrique du Sud Dijon Clermont-Ferrand Inde Singapour Mulhouse Tours Bordeaux Malaisie Lyon Saint Etienne Annecy Grenoble Avignon Sophia Montpellier Marseille Toulouse Nouvelle Australie Zélande Ile de la Réunion Révéler et développer les talents L’Institut du Leadership Une palette de services couvrant l’ensemble du cycle de vie des collaborateurs dans l’entreprise, et au-delà dans leurs mobilités professionnelles. Un outil d’intelligence collective pour garder un temps d’avance Des méthodes de pointe pour révéler les talents par la recherche de la meilleure adéquation possible entre les compétences individuelles et les contextes dans lesquels ils sont le mieux à même de s’exprimer. Executive Search Recrutement Ingénierie de formation Développement et transfert de practices et expertises Plateforme collaborative et université d’entreprise Projet de gestion et de détection des potentiels Formation management et leadership Serious games Evaluation, 360°, Assessment et Development Center Coaching individuel et Coaching collectif Bilans dynamiques de carrières et VAE Création d’entreprise Outplacement Orientation de carrière Réussir les projets de transformation Un souci permanent de la préservation du capital social des organisations souvent mis à mal par les incertitudes de l’environnement, les changements permanents et le sentiment d’insécurité qui les accompagnent nécessairement. Des méthodes d’accompagnement RH des projets de transformation permettant d’orchestrer la mise en œuvre des expertises requises au service de solutions sur mesure adaptées à chaque cas singulier, avec une recherche permanente de capitalisation et d’innovation. Pilotage RH de projets complexes de transformation Mobilisation des lignes managériales et des équipes Mise en place de nouvelles formes d’organisation (organisations apprenantes, organisations du travail responsabilisantes) Formation à la conduite du changement et au management dans l’incertitude Appui aux fonctions RH dans leur rôle d’accompagnement du changement Optimisation des organisations et des politiques RH Partage du pilotage et de la fonction RH avec les managers opérationnels Stratégie et médiation sociale Enquêtes de terrain, démarches d’écoute et baromètres d’engagement professionnel L’Institut du Leadership est un centre d’études, de recherche et de prospective créé en 2009 par BPI group. Il couvre l’ensemble des champs d’expertises autour de l’accompagnement RH des transformations : le management, mais aussi les ressources humaines, la conduite des restructurations et le social au sens large. L’Institut place BPI group sur le champ du débat d’idées, de la recherche de solutions innovantes et opérantes, de la ré invention du management, de la GRH et du fonctionnement des organisations. Il offre un espace collaboratif, mi virtuel (via le site de l’Institut) mi réel (rencontres, groupes de travail et événements) avec un double ancrage géographique à Paris et à Chicago, garant d’une vision ne se limitant pas aux frontières de l’hexagone. L’Institut est un lieu d’échange où chacun est invité à apporter ses contributions ; c’est aussi un centre de ressources partagées. En veille permanente sur l’actualité des marchés et champs d’intervention et de réflexion de BPI group, il draine les bonnes idées en interne et en externe, aidant le cabinet à innover, faire de la prospective et produire des concepts et des discours originaux, qui lui soient propres et le distinguent. Philippe Bigard [email protected] Fanny Barbier [email protected] www.institut-leadership-bpi.com Les Rendez-Vous de l’Institut 5 Entrepreneurs HEC-Entrepreneurs est un programme destiné aux élèves d’HEC Paris, aux élèves des Grandes écoles d’ingénieurs, aux étudiants des Universités françaises et étrangères de toutes les disciplines. Nous souhaitons la plus grande diversité dans la qualité pour rassembler des talents, des personnalités riches et généreuses, ayant en commun la volonté d’entreprendre. Le programme HEC-Entrepreneurs a été créé pour aider et accompagner avec une exigence professionnelle élevée, les étudiants qui ont le désir d’avoir dans leur vie un projet entrepreneurial, au-delà de celui d’accomplir un cursus universitaire de gestion. En effet, entreprendre procède avant tout d’un état d’esprit : il est fondamental, pour s’y préparer, de sortir de l’approche scolaire. Pour faire éclore les talents d’entrepreneurs, nous faisons donc confiance aux entrepreneurs d’aujourd’hui : à eux, avec HEC Paris, de former ceux de demain. Au moyen de missions réelles tout au long de l’année, les élèves, par équipes de trois, sont accompagnés par des dirigeants fortement impliqués dans notre programme. Le transfert d’expérience s’accompagne alors d’un transfert de savoir-être, indispensable pour se lancer dans l’entrepreneuriat avec des chances sérieuses de succès. De nombreux jeunes dirigeants l’ont fait en sortant de notre programme. Certains apportent leur témoignage dans ce document. Si vous avez envie de donner un sens à votre vie professionnelle, si vous voulez entreprendre, si l’effort ne vous fait pas peur, HEC-Entrepreneurs vous offre une formation unique et un réseau d’hommes et de femmes pour qui l’entrepreneuriat est davantage qu’une pratique : une philosophie de vie. LE PROGRAMME Ent’Raid 1 Raid d’intégration dont l’objectif est de constituer en quatre jours la cohésion, l’esprit et le bon fonctionnement de la promotion. Il consiste en une marche d’orientation d’environ cent kilomètres en quatre étapes. Outre le côté (raisonnablement) sportif du raid, certaines soirées sont l’occasion d’une conférence, prélude à la scolarité. Mise à niveau Avant le démarrage du programme, trois semaines de mise à niveau sont prévues pour atteindre les pré-requis en management : cours de stratégie, de comptabilité, de contrôle de gestion, de droit et marketing, complétés par des conférences. Durant cette période, les étudiants peuvent faire connaissance et travailler avec tous les Mastériens de la promo 2012, ce qui accélère leur intégration dans la vie du campus. Dans le même temps, les étudiants de la majeure (Grande école HEC) suivront une formation sur l’actualité des principales technologies, afin de compléter leurs connaissances et de faciliter la mise en commun des savoirs avec les étudiants mastériens issus notamment des écoles d’ingénieurs. Mission « Création » Au cours de cette mission, les étudiants accompagnés par des entrepreneurs expérimentés, apprennent en équipe, à travers, par exemple, la réalisation d’un business plan à évaluer une opportunité entrepreneuriale, à dimensionner les ressources nécessaires à son exploitation et à « vendre » leur projet aux parties prenantes concernées. La découverte et l’apprentissage de la dynamique entrepreneuriale se font essentiellement par transfert d’expérience du professeur tuteur tout au long de l’étude du projet au cours du séminaire. La mission doit permettre de passer de l’idée au business plan 6 www.groupe-bpi.com dans des conditions les plus réalistes possibles. Le jury final se déroule au siège du groupe Société Générale (Paris - La Défense). Séminaire « Bouygues Telecom » Animé par la Société KeyPeople et soutenu financièrement par Bouygues Telecom, ce module vise à développer une réflexion sur l’orientation professionnelle de l’étudiant. Tests de personnalité, travail en groupe alternent avec des interventions de personnalités proposant une réflexion sur les qualités morales propres aux entrepreneurs. Mission « Redressement » Les étudiants, encadrés par un administrateur judiciaire, travaillent sur le plan de redressement d’une entreprise en période d’observation au Tribunal de Commerce. L’objectif est de confronter les étudiants à une situation d’échec et de leur apprendre à y faire face. Volontairement programmée après la mission « Création », cette mission est destinée à leur viter une vision exagérément « angélique » de l’entrepreneuriat. Le jury final se déroule dans les locaux du Tribunal de Commerce de Paris. Séminaire « Leadership » Il se déroule à l’école Navale à Brest et aborde la thématique de la conduite de l’action en situation extrême. L’objectif du séminaire est de faire découvrir par les étudiants et les Officiers élèves de l’école Navale quelques-unes des aractéristiques communes de leur problématique respective de leadership. Séminaire « Vente » Pendant une dizaine de jours, les étudiants découvrent des situations réelles de vente grand public dans les magasins Darty de la région parisienne. Une journée de conférence du Directeur Général de Darty Ile-de-France est consacrée à la Distribution. Entr’Aide 2 Ce séminaire d’aide au projet entrepreneurial personnel a un double objectif pédagogique : regrouper la promotion au début du deuxième trimestre et lancer le processus de maturation des projets personnels pour ceux qui ont choisi de se lancer dès la sortie du programme dans un projet entrepreneurial. Au cours du séjour, une journée est consacrée à l’industrie de l’accueil et se concrétise par une visite pédagogique de l’école Hôtelière de Lausanne. Mission « Reprise-transmission » Il s’agit ici de préparer les étudiants à « reprendre pour entreprendre », autant qu’à les initier aux pratiques de croissance externe. La mission doit ainsi permettre de pratiquer une évaluation financière et stratégique d’une cible de reprise, aux côtés d’un acheteur ou d’un vendeur, d’étudier son financement, d’élaborer une stratégie de négociation et de préparer un business plan de reprise. Le jury final se déroule dans les locaux du Medef. Stage « Bras droit en entreprise » Ce stage individuel doit permettre à chaque étudiant de vivre au quotidien « l’agenda du dirigeant », de préférence en situation entrepreneuriale. Un « cahier des charges » de ce stage est délivré aux étudiants dès leur admission définitive. Ce stage fait l’objet d’un rapport noté par la direction du programme et d’une évaluation par l’entreprise d’accueil. Certains projets personnels des étudiants, notamment ceux retenus par l’incubateur HEC, peuvent constituer le rapport de stage. Module «Croissance rapide » (optionnel) La problématique de croissance, si importante pour les jeunes entreprises en phase de développement, est proposée aux étudiants sous la forme de cas réels caractéristiques de la pédagogie HEC Entrepreneurs. Ce module peut être remplacé par l’un des Certificats proposés à tous les étudiants inscrits en Mastère Spécialisé HEC Paris, sous réserve d’acceptation par le responsable du certificat. Le module « Croissance rapide » et les certificats se déroulent entre mi-avril et mijuin et correspondent à 100 heures de cours. Thèse professionnelle La thèse professionnelle est un travail de fin d’étude qui constitue un élément fondamental pour l’attribution du MS Entrepreneurs. La thèse doit donner lieu à une soutenance formelle devant un jury. Quelques exemples de créations d’entreprise › ABK6 : artisan-producteurs de spiritueux reconnus pour la qualité de son savoirfaire › Accur Recruiting Services : cabinet de chasseurs de têtes spécialisé dans l’industrie du luxe en Floride › Blogspirit : solution de blogging pour le grand public et les professionnels › Crossknowledge : e-learning › Dermance : laboratoires dédié aux peaux matures › Deenox : laboratoire dédié à l’énergie et au bien-être des jeunes actifs › émoi-émoi : premièr e boutique en ligne spécialisée dans les vêtements de grossesse et d’allaitement › Expernova : plateforme de mise en relation directe Recherche / Entreprises › Eurekey : agence de conseil en marketing et communication, spécialisée dans l’animation de communautés › Filapi : centres de loisirs pour enfants et crèches en entreprise › Gymglish : cours d’anglais par Internet › Haut de Forme : académie de l’art de vivre, proposant des ateliers récréatifs et des formations autour de la dégustation, l’élégance et le savoir-vivre › Homelidays : site de location de vacances › Imagera : agence en ligne de photographes › Kidexpo : salon professionnel sur la famille › Kujjuk : solution intégrée de création de visuels produits et de fiches produits pour le e-commerce › Le bar à huîtres : «restaurants de haute mer» › L’Usine à design : E-boutique d’objet déco et meubles design de qualité, personnalisables et à petit prix › Meilleursagents.com : plateforme d’accès aux meilleurs éléments de la vente immobilière › Nomino Education : service de cinéma francophone en ligne intégrant un accompagnement pédagogique innovant › Priceminister.com : site d’achat et de vente en ligne entre particuliers › Sensio : agence de communication interactive › Spartoo : E-boutique de chaussures › Trepo Leriguier Champagne : créateur de champagnes › Yellow Korner : site d’achat de photos d’art en série limitée › Wijet : compagnie aérienne de taxi-jet en France › Witchbird : créateurs de solutions internet pour entreprises › ... HEC Paris : Gervais Johanet [email protected] Nouveautés 2013 : www.hec.fr Créativité : 18 heures de cours Séminaire de réflexion : Collège des Bernardins Accueil et Service : Une semaine en salle et en cuisine dans un restaurant de luxe Learning Expedition : Silicon Valley Les Rendez-Vous de l’Institut 7 synthèse L’entrepreneuriat social changera-t-il l’économie de demain ? Lola Blanc « Les deux choses les plus importantes n’apparaissent pas au bilan de l’entreprise : sa réputation et ses hommes. » Henry Ford Le maintien d’un équilibre social est fondamental pour le développement d’une société. En fonction de son époque, de sa culture, différents moyens sont mis en place pour maintenir cet équilibre. En France et dans le monde, la crise a fortement bousculé l’ordre social, remettant en cause la place de nombreux acteurs, donnant à l’Etat, aux associations et aux entreprises de nouveaux rôles. Ainsi depuis quelques années, les limites entre l’économie classique et les actions sociales se redéfinissent. Le schisme entre le secteur privé et les actions d’intérêt général n’est plus. De nouveaux modèles émergent massivement, portés par une logique d’autofinancement et destinés à servir des causes sociales. Ils forment le secteur de l’entrepreneuriat social relayé et débattu sur la scène internationale par de grands économistes et orateurs. Histoire et définition de l’Entrepreneuriat Social L’entrepreneur social, un mélange de Richard Branson et Mère Teresa L’entrepreneuriat social est un terme qui a connu une forte médiatisation ces dernières années. On le retrouve de plus en plus dans l’actualité comme un modèle de croissance et d’avenir. Il est difficile d’en faire une définition unique. Les structures qui s’y rattachent n’ont pas de statut particulier. D’après l’école de Stanford, toute définition du terme « entrepreneuriat social » doit commencer par une définition du mot entrepreneuriat. Un projet à vocation sociale n’est rien sans un entrepreneur. (Stanford Social Innovation Review, 2007). Partant de ce principe, on peut s’attacher à trouver une définition à l’entrepreneuriat social. Bien que ces deux termes paraissent antagonistes, mis côte à côte, ils définissent un secteur porté par des acteurs dont l’ambition première est de répondre aux problématiques sociales par un modèle économique viable et indépendant. D’après la Fondation Schwab pour l’Entrepreneuriat social, crée par Claud et Hilde Schwab, les responsables du Forum Economique de Davos, un « entrepreneur social est un visionnaire pragmatique, qui atteint des objectifs larges de changement social grâce à une nouvelle invention, une approche différente, un travail rigoureux empreint de vision stratégique […]. Il combine les caractéristiques de Richard Branson et de Mère Teresa. » (Fondation Schwab pour l’Entrepreneuriat social). 8 www.groupe-bpi.com Les origines de l’entrepreneuriat social L’entrepreneuriat social n’est pas un phénomène nouveau. On découvre les prémices de l’entrepreneuriat social dans les premières initiatives émanant du secteur privé qui ont cherché à répondre à des problématiques sociales au moment de l’ère industrielle. En France, l’industriel des poêles en fonte Jean-Baptiste Godin, a mis en place une expérience de logement patronal. Plus connue sous le nom de familistère de Guise. Outre Atlantique, les entreprises de l’ère industrielle dressent les premiers modèles philanthropiques. Ainsi le progrès économique se développe avec une forme de rétribution sociale qui anime tout un écosystème. Aujourd’hui les nouvelles fortunes issues des réussites planétaires portées par les secteurs des nouvelles technologies et de l’internet amènent les fondateurs à œuvrer vers une philanthropie qui leur ressemble. Bill Gates et Warren Buffett, ont développé des fonds caritatifs investissant dans des œuvres durables et mondiales. Il faudra donc attendre les années 80 pour voir émerger, aux Etats Unis, la première structure destinée à l’accompagnement des entrepreneurs sociaux, Ashoka, fondée par un ancien Directeur associé de Mc Kinsey, Bill Drayton. L’essor de l’entrepreneuriat social lié à l’évolution du contexte économique, social et culturel Le fait de donner une dynamique sociale à un business n’est pas un phénomène nouveau mais qui semble particulièrement adapté au contexte socioéconomique actuel. La multiplication des crises questionne la capacité de l’Etat à remplir certaines Lola Blanc Diplômée du mastère spécialisé HEC Entrepreneurs en 2011. HEC Chaire Social Business, 2011. Ecole des Psychologues Praticiens, diplôme de psychologue en, juin 2010 Depuis juin 2011, responsable de mission pro bono : le prix de l’Entrepreneur social de l’année en partenariat avec la Fondation Schwab pour l’entrepreneur social, The Boston Consulting Group. fonctions qu’il s’était donné. L’augmentation des inégalités, l’intensité de la pauvreté, la précarisation des emplois dégradent le contexte social. L’évolution de l’Etat Providence laisse la place à de nouveaux acteurs pour répondre aux problématiques de la société. En l’espace d’un demi-siècle, le secteur social est passé d’une position de délégué des affaires sociales de l’Etat, à celle de partenaire local d’insertion, à celle de marchand de services pour finir bras droit social des entreprises. La crise a fortement perturbé le contexte économique et social. D’après l’Observatoire National de la pauvreté et de l’exclusion sociale, elle se traduirait par un recul cumulé du PIB de 3,4 % entre le printemps 2008 et la fin 2009. L’évolution du contexte économique n’est pas la seule responsable des changements d’ordre social. On remarque également une évolution d’ordre culturel. La crise économique a frappé les consciences des consommateurs qui s’engagent dans une consommation plus responsable. Laszlo Andor, Commissaire européen en charge de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, a déclaré lors de la réunion de la Commission européenne du 15 novembre 2011, sur la responsabilité des entreprises que « les entreprises socialement responsables ont pour origine la prise de conscience que la crise n’est pas seulement économique et financière mais aussi éthique. » (Commission européenne, Bruxelles le 15 novembre 2011). La culture du don a également fortement évolué avec une modernisation de la philanthropie qui amène les grands donateurs à sortir de leur pudeur. Face au désengagement progressif de l’Etat, à l’évolution du secteur associatif et à la dégradation du contexte économique, on voit de nouveaux acteurs de l’économie sociale et solidaire émerger. Ils apparaissent comme un modèle innovant, porteur de sens et vecteur d’innovations. Ils proposent une alternative aux modèles classiques de financement afin de se prémunir de la diminution progressive des sources de financement. L’apparition des modèles efficaces, représentatifs de l’entrepreneuriat social Le logement social, la délocalisation des activités, la réinsertion et l’accès à l’emploi pour les jeunes diplômés de banlieues sont de vrais sujets sensibles auxquels s’attaquent les entrepreneurs sociaux. Ils dépassent les frontières du terrain social et prennent appui sur des modèles d’économie classique afin d’assurer de façon pérenne leur impact. Ils bâtissent leur modèle sur trois critères essentiels, l’innovation, l’impact social et la viabilité économique. C’est le cas de François Marty qui a créé des logements sociaux à faible consommation énergétique, car reloger des familles est une chose, leur permettre de rester en diminuant les charges en est une autre. Les Institutions HLM gèrent aujourd’hui 4,5 millions de logements et logent près de 10 millions de personnes en France. Le logement social représente une part importante du parc immobilier français et son rôle dans l’économie de l’habitat est primordial. Cependant depuis quelques années, ce secteur connaît une grave crise. Les raisons sont multiples, dépréciation de son image, paupérisation grandissante des locataires, dégradation des bâtiments, déliquescence des liens sociaux et enfermement social d’après Jean-Marc Stébé, sociologue en urbanisme (2011). François Marty propose un nouveau modèle, développé par un montage financier innovant, pour déployer une gamme de logements sociaux écologiques et durables. Les familles ainsi relogées bénéficieront de faibles charges liées aux innovations écologiques mises en place par Le Chênelet au sein de leur logement social. Comme François Marty, des entrepreneurs ont su développer des modèles efficaces pour répondre à des problématiques sociales diverses. Leur ambition est de créer des structures autonomes financièrement afin de se projeter dans une logique d’insertion durable. Ces nouveaux modèles sont de plus en plus reconnus. Des grandes entreprises, des économistes s’en inspirent. Ils participent à l’essor d’un nouveau champ entre l’économique et le social. Un débat relayé au niveau international Le lien entre économie classique et responsabilité sociale défendu par les grands théoriciens Les problématiques auxquelles s’affrontent par ces nouveaux entrepreneurs sociaux décloisonnent les frontières du secteur économique classique. Ils redéfinissent les lois du marché tout en s’y adaptant. Des grands théoriciens, économistes y voient l’émergence d’une nouvelle économie. Ronald Cohen, connu comme étant le « père du capital risque », voit le contexte de crise comme favorable à la création Les Rendez-Vous de l’Institut 9 synthèse - L’entrepreneuriat social changera-t-il l’économie de demain ? - Lola Blanc d’entreprises, et particulièrement stimulant pour l’entrepreneuriat social. Selon lui, le capital risque,» sera désormais jugé sur la manière dont il saura ou non réagir à ces conséquences sociales. Il va être obligé de prendre en compte le fait que la société entrepreneuriale dont il a accouché a créé des disparités énormes». Dans un article paru dans la Harvard Business Review en février 2011, Michael Porter présente son concept intitulé « the Big Idea » ou plutôt comment créer de la « Shared Value » (Porter et Kramer, 2011). Selon le « pape de la stratégie », trois points questionnent la place des entreprises dans leur écosystème. D’une part, la frénésie consumériste des citoyens arrive à saturation, laissant sans voix les entreprises qui espéraient pouvoir vendre toujours plus. D’autre part, une vision à long terme amène les entreprises à considérer la chaîne d’ensemble au lieu de sauter sur toute opportunité. Et enfin, la capacité limitée des entreprises à agir sur leurs effets collatéraux questionne la légitimité de leur activité de production. Enfin pour l’économiste et professeur en stratégie, C. K. Prahalad, il existe un marché qui permet à la fois de répondre à une problématique sociale tout en s’engageant dans une démarche à long terme. C’est le marché BOP, pour « Base Of the Pyramid ». Cette expression créée par C. K. Prahalad a été popularisée en 2004 pour rendre compte du potentiel marché que représentent les 4 milliards de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour. Le marché BOP « désigne les populations pauvres qui n’ont pas ou peu accès aux biens et services proposés par le marché du fait de la faiblesse de leur revenu » (Grouillet et al., 2011, p 1) « pour une entreprise s’engager dans le BOP c’est aider les populations à trouver leur place dans l’économie de marché en tant que consommateur et acteur de la chaîne de valeur » (Grouillet et al., 2011, p 1). Ces nouveaux marchés peuvent être vus comme une source d’enrichissement à long terme pour les entreprises, propices à l’innovation interne. Dans une étude publiée en juillet 2011 pour le compte de l’ONG CARE, les auteurs Julien Grouillet, Vianney Sauvage et Louis-Marie Jacquelin affirment que « le BOP est aussi une source de création de valeur sociale au sein même de l’entreprise. Qu’il s’agisse de faciliter le recrutement ou de fidéliser les collaborateurs, le BOP fédère autour d’un projet d’entreprise qui permet de réconcilier efficacité opérationnelle et sentiment de dignité sociale » (Grouillet et al, 2011, p 4). Ainsi pour une entreprise, répondre à une problématique peut aussi être une façon de s’implanter sur un nouveau marché, de créer de la valeur à long terme tout en fédérant et mobilisant ses équipes internes. Certaines entreprises l’ont bien compris et se sont déjà engagées dans des projets destinés aux populations BOP. 10 www.groupe-bpi.com L’engagement des multinationales dans l’économie sociale Ainsi Essilor s’est lancé, depuis 2003 dans les régions du sud de l’Inde dans la confection de paires de lunette à moins de 5 euros. Danone, un des pionniers de ce marché, a mis en place un partenariat avec la Grameen Bank pour créer un nouveau produit, le yaourt Shokti Doï, créé avec la volonté première de lutter contre la malnutrition. Les entreprises répondent aux problématiques sociales avec un tout nouvel angle d’attaque. Elles s’engagent pour responsabiliser les acteurs économiques face à leur impact social. Elles créent de nouveaux modèles vecteurs d’innovations qui bénéficient à la fois à leurs équipes en interne et aux populations défavorisées. On peut alors se demander quelle sera la place de ces nouveaux modèles dans l’économie de demain. Alors quelle place dans l’économie de demain ? L’entrepreneuriat social prend de plus en plus de place dans notre société. De 2000 à 2010 l’économie sociale a créé 440 000 emplois salariés en France. L’entrepreneuriat social salarie 10 % de la population française (Deschamps M-P, 2010) en 2010. Le débat suscite beaucoup d’intérêt au niveau européen car il répond à une problématique territoriale de grande échelle. Aujourd’hui l’économie sociale représente 10 % de toutes les entreprises européennes et emploie plus de 11 millions de travailleurs rémunérés dont 2,3 millions en France et continue de recruter malgré la crise. Le discours européen semble de plus en phase avec le concept de «shared value» de Michael Porter, présenté précédemment. Lors de la réunion de la Commission européenne sur les entreprises responsables en novembre 2011, Michel Barnier, précise, que « nous devons nous assurer que toutes les entreprises, et pas seulement les entreprises sociales, tiennent compte de leur impact sur la société dans son ensemble : voilà pourquoi je souhaite aussi que les grandes multinationales – en particulier celles qui œuvrent dans le secteur forestier et l’extraction – soient plus ouvertes sur ce qu’elles versent aux différents gouvernements dans le monde » (Commission européenne, Bruxelles, le 15 novembre 2011). Conclusion L’entrepreneuriat social accompagne donc un changement global, économique, social, culturel et dépasse les frontières actuelles entre public et privé. L’entrepreneuriat social semble s’imposer comme un moyen efficace de lutte contre l’exclusion, la désinsertion, l’isolement, la précarité. Aux vues des mutations conjoncturelles, il apparaît comme un secteur d’avenir à même de changer l’économie de demain. Les Rendez-Vous de l’Institut 11 synthèse L’échec entrepreneurial - Et si l’échec était le premier pas vers la réussite... ? - Virginie Caplain L’échec est l’un des mots les plus redoutés dans notre langue. Sa pensée même est suffisante pour arrêter la plupart des gens dans leur élan. Mais si l’échec était l’essence même du succès ? En effet, nous pouvons emprunter de nombreux chemins dans notre poursuite vers le succès. Le chemin le plus évident semble être celui d’un travail accompli de manière la plus infaillible possible. Dans cette perspective, l’échec n’est pas seulement exclu de l’équation mais est évité avant tout car semble incompatible avec l’idée même que l’on se fait du succès. Malheureusement, ou heureusement, nous échouons tous et tout spécialement si nous prenons des risques. Parce que l’échec n’est pas assimilé à un manque d’intelligence, parce que les personnes possédant des capacités intellectuelles et des compétences très différentes échouent, nous devons apprendre de l’échec et apprendre à échouer intelligemment. La notion d’échec Précisons ici que le terme d’échec est à prendre dans le sens d’erreurs audacieuses et provenant de prises de risque, et non d’erreurs issues d’un travail manquant de professionnalisme. Un traumatisme venu de l’enfance Notre obsession de la réussite et notre peur de l’échec ont des retombées néfastes sur notre bienêtre psychologique mais aussi, finalement, sur notre capacité à être compétitifs au niveau mondial. Gilles Babinet pense que « L’échec est une illusion créée par l’environnement social ». En effet, de nombreux parents ont tellement peur que leurs enfants ne soient pas à la hauteur qu’ils se sentent le devoir de les blâmer lorsque leurs performances sont médiocres. Et ce, en dépit de la créativité et de l’imagination. C’est parce que la plupart d’entre nous ont connu la punition systématique des erreurs, que nous devons apprendre à surmonter notre peur de l’échec. Le monde sportif : une autre vision de l’échec En général, il est reconnu que les sportifs qui échouent sont les mêmes qui réussissent. C’est ce que témoigne Michael Jordan : « J’ai raté plus de 9 000 tirs dans ma carrière. J’ai perdu près de 300 matchs. 26 fois, j’avais confiance d’être pris sur la photo des vainqueurs du match ... et ai perdu. J’ai échoué encore, encore et encore dans ma vie. Et c’est pour cette raison que j’ai réussi. » Les sportifs ont tous déjà souffert de la déception de l’échec et sont désireux de prouver qu’ils sont capables. Le rôle des entraîneurs, de même que celui des chefs d’entreprise, est de faire preuve de compassion, 12 www.groupe-bpi.com de donner de l’enthousiasme et de l’énergie pour continuer. Les Jeux Olympiques sont l’un des plus grands symboles d’excellence. Cependant, au-delà de notre admiration pour les meilleurs athlètes du monde entier, il est important de se rappeler que la vraie victoire est de participer au défi. C’est à juste titre que le baron Pierre de Coubertin, fondateur des Jeux Olympiques modernes, nous rappelle que « la chose la plus importante dans les Jeux Olympiques n’est pas de gagner mais de participer, tout comme la chose la plus importante dans la vie n’est pas le triomphe, mais la lutte. L’essentiel n’est pas d’avoir été battu mais de s’être bien battu. » La spécificité de l’échec entrepreneurial Les Serial et Portfolio Entrepreneurs Une étude menée par la Harvard Business Review a montré qu’au lieu d’apprendre de leurs erreurs, les Serial Entrepreneurs ont une aptitude à être toujours trop optimistes même après un échec. Leur excès d’optimisme peut paradoxalement être dû à la douleur profonde, voire au traumatisme, qu’ils ressentent quand leurs projets échouent. Leur douleur est particulièrement aiguë, précisément parce qu’ils s’impliquent dans la réussite d’une seule entreprise. Au contraire, un sondage, réalisé auprès de 576 entrepreneurs venus d’industries britanniques différentes, montre que ceux qui détiennent plusieurs entreprises simultanément, appelés aussi les Portfolio Entrepreneurs, semblent être en mesure de mieux ajuster leurs prises de décision. Le cas des nouvelles entreprises Face au fait que 20 % des nouvelles entreprises échouent la première année de leur création et 66 % dans les six années suivantes, nous pouvons identifier certains facteurs inhibant le succès de Virginie Caplain Diplômée du mastère spécialisé HEC Entrepreneurs en 2011. Diplômée de l’Ecole Spéciale des Travaux Publics, du Bâtiment et de l’Industrie, ESTP, en 2010. Responsable du déménagement du siège d’Astrium, groupe EADS, 2011-12. Depuis 2012, associée de la S.A.R.L. Ker Expert, entreprise spécialisée dans l’assistance environnementale à Maîtrise d’ouvrage, l’ingenierie conseil dans le domaine des économies d’énergie, bureau d’études thermiques et techniques. nouvelles entreprises. Il s’agit de facteurs internes, tels que la mauvaise gestion, mais aussi externes, tels que des facteurs de marché défavorables. Quand l’entreprise progresse dans son cycle de vie, les aptitudes de gestion deviennent plus importantes que les compétences entrepreneuriales. Dans de tels cas, les entrepreneurs qui ne se sont pas associés avec un gestionnaire professionnel sont plus susceptibles d’échouer. La politique et l’échec De nombreux pays découragent par inadvertance l’entrepreneuriat en punissant la faillite. Ils empêchent les entrepreneurs qui ont déjà échoué de se lancer dans une nouvelle création, et dans certains cas traitent la faillite comme un crime. Mais, pour de nombreux entrepreneurs, après un échec se trouve la prochaine opportunité. Une entreprise véritablement risquée est une preuve certaine de la promotion de l’innovation. C’est pourquoi le rôle des politiques serait de soutenir la formation des entrepreneurs dans les stratégies d’atténuation des risques et dans le développement de leurs compétences. En effet, s’il est important de former les entrepreneurs à échouer petitement, rapidement et à bon marché, il est important également de ne pas les décourager dans leurs tentatives. Traiter l’échec comme un aspect normal dans les nouvelles entreprises, et développer leurs perspectives en fonction de leurs valeurs permettront de diminuer cette peur de l’échec. Pour Gilles Babinet, un entrepreneur qui a échoué est quelqu’un qui « connaît quelque chose que vous ne savez pas ». Les échecs intelligents, à la frontière entre les deux premiers, sont consécutifs soit d’un « test d’hypothèse » soit d’un « test d’exploration ». Ces échecs sont le fruit d’une expérimentation nécessaire car ils fournissent de nouvelles connaissances précieuses. Tolérer l’échec de processus inévitable dans des systèmes complexes et tolérer des échecs intelligents aux frontières de la connaissance est essentiel pour toute organisation qui souhaite en tirer une connaissance nouvelle et faire un bond en avant dans l’innovation. Un regard psychanalytique Le Dr. Albert Ellis, thérapeute dans le développement personnel, pense que nos convictions peuvent être à l’origine de l’échec. En effet, une personne peut avoir des difficultés à faire face à certaines situations car elle est submergée de convictions irrationnelles. C’est seulement en s’opposant à de telles convictions qu’une personne peut avec succès traiter les problèmes. L’appropriation de l’échec La Théorie de la Résilience Les sciences sociales définissent la résilience comme la capacité à réussir, à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit d’une adversité. D’après la théorie de Boris Cyrulnik, s’il est vrai qu’après un traumatisme rien ne pourra revenir comme avant, il est vrai aussi que tout enfant blessé (et par extension tout homme) peut trouver dans ses ressources internes le moyen de se reconstruire, de créer des liens de résilience. Les processus de l’échec Promouvoir la résilience signifie avoir confiance dans la capacité de l’individu à se réinventer et à aller de l’avant. Les raisons de l’échec Transformer l’échec en valeur positive Amy C. Edmondson dans son article « Strategies for Learning From Failure », nous propose un éventail de causes menant à l’échec, qui peuvent se répartir en trois grandes catégories : prévisibles, complexes et intelligentes. Lorsque nous arrêtons de faire des erreurs, c’est principalement pour deux raisons : soit nous avons appris de nos erreurs passées et sommes dès lors devenus plus intelligents, soit nous avons renoncé à prendre des risques. Les erreurs prévisibles correspondent aux causes de « déviance », « d’inattention », de « manque de capacité » et « d’inadéquation du processus ». Elles sont causées par un écart par rapport au processus opérationnel bien défini ou au processus routinier. Les cadres, les managers et la société, d’un point de vue général, ne devraient pas reprocher à leurs employés de faire des erreurs car la meilleure raison pour en faire est d’avoir voulu tenter quelque chose d’innovant. Les échecs complexes ou inévitables sont causés soit par une « difficulté », une « complexité » ou encore une « incertitude » dans le processus. Mais l’échec est toujours intrinsèquement chargé d’émotion. Faire en sorte qu’une organisation l’accepte nécessite un fort leadership. Les Rendez-Vous de l’Institut 13 synthèse - L’échec entrepreneurial - Virginie Caplain Accueillir de nouvelles idées Les dirigeants se doivent d’être les protecteurs des idées nouvelles. Tel Bill Bernbach, un des cofondateurs de l’agence Doyle Dane Bernbach (DDB), nous devrions toujours avoir dans nos poches, lors des réunions, un bout de papier sur lequel était écrit : « Il se peut qu’il ait raison ». Pouvez-vous imaginer un instant ce qui se serait produit si Jonas Salk avait soumis son idée de vaccin dans une réunion du marketing en disant : « On va injecter aux gens le virus de la polio ! » ? Acceptons le changement. Si nous échouons, profitons de l’occasion pour changer notre vision, notre manière de procéder et notre environnement. Sortir de notre zone de confort et élargir notre pensée Pour Alexandre Graham Bell, « Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre ; mais nous regardons souvent trop longtemps et avec tant de regrets les portes fermées que nous ne voyons pas celles qui s’ouvrent devant nous. » Accompagner les gens pour les amener progressivement à accepter le changement, à prendre des risques, à élever leur niveau de pensée, à travailler en dehors de leur zone de confort est un réel et ambitieux défi. Les personnes qui voient grand et risquent beaucoup sont aussi celles qui gagnent le plus. Elles ne se contentent pas de sortir des sentiers battus, mais tracent leur propre chemin en défrichant là où il n’y avait rien avant. Le principe d’amélioration continue Ed Land, l’inventeur de la photographie instantanée et fondateur de Polaroïd, avait accroché au mur de son bureau une plaque sur laquelle on pouvait lire : « Une erreur est un événement dont vous n’avez pas encore retiré tout le bénéfice à votre profit. » En revanche, les personnes qui refusent d’essayer de s’améliorer sont condamnées à vivre dans la médiocrité. Si elles ont un rôle de leadership dans une organisation, elles ne lui permettront pas de se développer et de s’améliorer. Tout ce que nous faisons doit évoluer, changer et continuer à s’améliorer. Patience et persévérance : les clefs du succès Steve Ballmer, PDG de Microsoft, souligne l’importance de la patience pour réussir en affaires en expliquant que les produits et les entreprises passent par trois phases : la vision, la patience et l’exécution. Le logiciel Microsoft Windows n’a pas fait exception à ce schéma. « Windows 1.0 n’a pas été un succès. Windows 2.0 n’a pas été un succès. Ça ne l’était pas jusqu’à ce que nous sortions le Windows 3. Nous avions enfin là un grand gagnant. » 14 www.groupe-bpi.com Mais attention, pour Jeffrey Schwartz, psychiatre américain, « la mentalité de la réalisation coûte que coûte paraît bien fondée et semble motiver les gens. Mais la triste vérité est que ‘ne jamais abandonner’ n’est pas toujours la bonne chose à faire. » Nous sommes habitués à penser que la persistance et la détermination sont des qualités personnelles, mais parfois il arrive que nous menons la persistance jusqu’à l’échec du projet. En d’autres termes, la persistance n’est pas la persévérance… Savoir reconnaître un vrai échec Il arrive que l’échec soit malheureusement un vrai échec et nous devons l’accepter comme tel. Nous avons donc besoin d’y faire face honnêtement, de prendre du recul et de le dépasser. La question est de savoir quand que l’échec en est-il réellement un. La réponse n’est pas si facile mais voici quelques critères de discernement : Lorsque nous choisissons de faire un acte contraire à l’éthique ou à la morale Lorsque nous agissons égoïstement d’une manière qui nuit à d’autres Lorsque nous décevons intentionnellement les autres et savons que cela est destructeur Lorsque nous ne faisons pas un effort sincère pour honorer notre engagement. Apprendre de ses erreurs Nous avons besoin de temps pour réussir à comprendre, à apprendre et à maximiser les avantages d’un échec. Plus celui-ci nous touche profondément, plus il représente un défi et une opportunité d’apprendre. Il faut un certain niveau de compréhension et de confiance en soi pour savoir examiner nos propres erreurs. Pour favoriser cette confiance, les dirigeants doivent créer un environnement où les salariés puissent comprendre qu’il est non seulement normal, mais indispensable, de faire des erreurs dans leur recherche d’évolution. Et bien qu’il soit possible d’apprendre des erreurs des autres, les leçons que nous apprenons de nos propres erreurs sont plus marquantes pour notre psychisme, pour le meilleur ou pour le pire. Quand l’intelligence émotionnelle nous aide à surmonter l’échec Dans son livre L’intelligence émotionnelle, Daniel Goleman nous rappelle que l’intelligence émotionnelle (IE) peut être plus importante que le quotient intellectuel. En effet, les personnes avec une IE élevée ont tendance à être plus attentives aux opportunités cachées et plus aptes à relever des défis personnels car l’IE englobe deux aspects de l’intelligence : la compréhension de nous-mêmes, nos objectifs, nos intentions, nos comportements et la compréhension des autres et de leurs sentiments. Ainsi, l’intelligence émotionnelle, grâce à notre énergie et notre intuition, peut nous permettre d’aller au-delà de notre capacité à réussir basée uniquement sur notre intelligence rationnelle et intellectuelle. Savoir perdre En reconnaissant la logique du point de vue de nos interlocuteurs, et en permettant à leur argument de voir le jour, nous leur offrons quelque chose de vraiment spécial et apprécié. Nous devons apprendre à freiner notre tendance naturelle à argumenter inlassablement notre point de vue afin de passer plus de temps à essayer d’écouter et de comprendre les autres même si nous sommes convaincus que nous avons plus raison qu’eux. L’idée n’est pas de toujours se « dégonfler » mais plutôt de choisir nos victoires et nos défaites. Parce que, parfois, perdre un désaccord de court terme avec quelqu’un est un élément constitutif de la réussite à long terme de nos relations avec cette personne. L’humilité avant tout Comme le dit si bien un proverbe arabe « l’arrogance diminue la sagesse ». Dans l’étude Arrogance: a Formula for Failure, Stan Silverman, le doyen de l’Université d’Akron, note le lien étroit entre l’arrogance, le mauvais rendement, et le négativisme au travail. Il a développé une échelle de l’arrogance au travail, qu’il nomme WARS (Workplace Arrogance Scale), prenant en compte le fait que quelqu’un qui est arrogant affecte l’ambiance de son lieu de travail et la rentabilité en discréditant publiquement ses subordonnés, en prenant des décisions qui ont un effet sur les autres sans écouter leurs commentaires, en n’accueillant pas une remarque constructive et en ne prenant pas la responsabilité de ses propres erreurs. Le défi de la jeunesse Il y a sûrement une raison qui explique que les jeunes gens soient traditionnellement à l’origine des changements de ce monde. Les jeunes ont le courage de défier le statu quo. Ils ont la conviction que leur voix sera entendue, leurs idées et leurs passions seront respectées. Tavis Smiley encourage les jeunes à ne pas chercher un emploi, mais à être entrepreneurs de leur propre vie, de trouver leurs propres talents et le travail comme un cadeau. Pour lui, et pour la plupart des entrepreneurs, notre monde a besoin de visionnaires. Avec la crise économique mondiale, la poursuite de l’argent ne suffit plus pour vivre pleinement ; bien que ce soit nécessaire, ce n’est pas suffisant. La nouvelle génération, la génération Y, est à la recherche de sa vocation, sa destinée. Le pouvoir du rêve J. K. Rowling, auteur du best-seller Harry Potter, lors d’un discours prononcé à Harvard en 2008, a décidé de parler des avantages de l’échec et également de l’importance cruciale de l’imagination en ces termes : « L’imagination n’est pas seulement la capacité proprement humaine d’imaginer ce qui n’est pas, elle est aussi à la source de toute invention et innovation. (…) Si vous choisissez d’utiliser votre statut et votre influence pour élever la voix au nom de ceux qui n’ont pas de voix, si vous choisissez de vous identifier non seulement aux puissants, mais aux impuissants, si vous avez la faculté de vous imaginer dans la vie de ceux qui n’ont pas votre chance, alors ce ne seront pas seulement vos familles qui seront fières de votre existence, mais des milliers et des millions de personnes dont vous avez contribué à changer la réalité. Nous n’avons pas besoin de magie pour changer le monde, nous avons déjà tout le pouvoir dont nous avons besoin à l’intérieur de nous : nous avons le pouvoir d’imaginer mieux ». Conclusion Relever des défis, lutter avec eux et se développer personnellement, tout en aidant les autres à grandir, peut-être est-ce le secret pour atteindre de grands succès. Je nourris le profond désir que l’échec soit un sujet abordé plus librement au sein de l’entrepreneuriat. Loin d’attiser cette peur paralysante qui prive le monde de nouvelles entreprises, et par là de nouveaux emplois, d’innovations, de facteurs d’amélioration de la qualité de vie et d’épanouissement personnel, cette problématique nous ouvre d’autres horizons en nous exhortant à prendre des risques et à mettre en œuvre nos projets les plus ambitieux. Les Rendez-Vous de l’Institut 15 synthèse Le marché de la crise en France - Ressources invisibles à l’usage des décideurs - Alexandra Carter La crise surgit dès lors qu’une organisation se trouve confrontée à une situation qui menace potentiellement sa pérennité, et échappe à son répertoire traditionnel de réponses. Contrairement à la perception communément répandue, les crises ne sont donc pas nécessairement des catastrophes exceptionnelles, elles peuvent même surgir des situations les plus banales pour une organisation, et la mener de façon foudroyante à une issue fatale. La menace de voir les réactions s’emballer et toute maîtrise leur échapper sur les processus à l’œuvre, notamment au sein de l’opinion publique, a rendu d’autant plus cruciale la nécessité pour les organisations de réagir rapidement pour circonscrire la déstabilisation. Ce qui implique de pouvoir accéder rapidement à une expertise de la gestion de crise, en interne ou sur le marché. Ainsi a émergé un marché de la crise, qui est monté en puissance et s’est structuré en France depuis le début des années 1990, avec une multiplication et une diversification des acteurs et des offres. Cependant, parce que la crise menace par essence le cœur des enjeux stratégique de l’organisation, les professionnels de la crise se heurtent à une contradiction fondamentale pour convaincre leurs clients : susciter la confiance, et ce parfois dans des délais très courts, tout en maintenant le secret sur leur activité, ou du moins sur leurs résultats passés. Le marché de la crise est ainsi par essence un marché qui « avance masqué ». Comment dès lors exister sur le marché de la crise ? Les défis d’un marché qui avance masqué Un besoin introuvable sur le marché de la crise Face à l’incertitude radicale et aux menaces essentielles que véhicule une crise, les organisations se retranchent derrière des mythes d’immunité, qui justifient l’absence de mesures préparatoires et donnent aux organisations un sentiment illusoire de sécurité. Or la crise peut frapper même les entreprises qui s’y préparent du fait de la nature risquée de leurs activités, et ce en surgissant dans un champ inconnu et donc déstabilisateur pour l’organisation (cf. Nestlé, confronté en 2010 non à une crise sanitaire, mais à une crise de réputation à cause d’une campagne Greenpeace incriminant l’entreprise dans la déforestation liée à la culture d’huile de palme, présente dans certains produits de la marque). De plus, le marché de la crise se heurte à un calcul économique défavorable. En effet, il est déjà très difficile d’estimer de manière générale le retour sur investissement d’opérations de communication, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de communication de crise, où l’objectif n’est pas d’être vu, bien au contraire. Or les crises génèrent des coûts importants pour 16 www.groupe-bpi.com les organisations, ce qui devrait plutôt les inciter à investir. De plus, la crise peut avoir un impact très fort sur la réputation des entreprises, entraînant par exemple une baisse immédiate des ventes, mais aussi imprimant aux organisations une marque indélébile dans l’opinion publique, qui les pénalise durablement. Le paradoxe du secret et de la confiance Les métiers de la crise se heurtent à un paradoxe insoluble. Introduit immédiatement au cœur même de l’organisation affectée, le professionnel de la gestion des crises doit obéir à une exigence intrinsèque de discrétion absolue, garante de la confiance que peut lui accorder son client. Or cet impératif de discrétion est en même temps un obstacle à l’instauration d’une relation de confiance. Le professionnel de la crise ne peut pas se prévaloir de résultats passés satisfaisants, d’une part parce qu’une crise passée bien gérée est une crise qui n’a pas eu d’écho médiatique et où le professionnel était invisible, et d’autre part parce qu’il ne peut pas citer de référence précise sans risquer de relancer ces crises passées, dont le potentiel médiatique demeure. Alexandra Carter Diplômée du mastère spécialisé HEC Entrepreneurs en 2011. Diplômée de l’Ecole Normale Supérieure. Master 2 Recherche en histoire contemporaine des relations internationales et Master 2 Pro en droit public. Consultante en communication de crise chez TBWA Corporate en 2011. Lauréate du Graduate Programme d’Orange en 2012. Depuis juin 2012, consultante marketing chez Sofrecom, filiale du groupe Orange. Comment capter des clients sur un marché invisible ? lançant une réflexion interne qui a débouché sur la promotion de produits dits « sains » dans sa gamme, améliorant ainsi son image). Sortir de l’urgence pour promouvoir la relation dans la durée La crise devient ainsi le moyen d’identifier des dysfonctionnements, des externalités négatives. On a pu observer dans la recherche et sur le terrain une évolution concomitante sur la conception de la crise autrefois considérée comme un événement, pris dans l’instantanéité et isolé, et envisagée davantage aujourd’hui comme un processus, où l’événement déclencheur n’est que le symptôme et la manifestation de dysfonctionnements de fond. Cette évolution a amené les professionnels du secteur à récuser les mécaniques trop enfermantes inscrites dans les schémas préconçus de gestion de crise mis à disposition de leurs clients, qui risquent d’entraver la capacité d’innovation et d’adaptation des organisations face aux défis que représentent les crises. A travers sa résolution, on ne vise dès lors plus au retour du statu quo, mais à la progression vers un nouvel état, plus favorable. Les professionnels du secteur ont donc promu une approche plus durable de la crise, avec comme axes majeurs la gestion à 360° (accompagnement non seulement en crise ouverte, mais en sortie de crise), la formation, l’anticipation des crises (préparées en amont avec des dispositifs de prévention, de communication et d’information). Il ne s’agit plus aujourd’hui de faire intervenir un commando de spécialistes dépêché sur les lieux pour circonscrire un événement, mais de travailler à la construction d’une relation inscrite dans la durée avec un partenaire à même de conseiller une organisation qu’il connaît bien. Cette définition plus élargie, réinscrivant la crise dans la durée, permet également de mettre en avant la notion d’opportunité qu’elle contient de façon essentielle. Conformément à l’idéogramme chinois qui la représente, la crise est à la fois menace et opportunité, elle inclut à la fois des dimensions négatives telles que la déstabilisation, la confusion, la paralysie, le stress, et des dimensions positives comme la mobilisation collective, l’innovation, la prise de conscience. Sur le terrain, cette conception de la crise comme opportunité est également un levier très efficace de réponse à la crise, puisqu’elle permet à l’organisation d’adopter une posture de responsabilité et de renverser ainsi potentiellement la donne quant à l’impact de la crise sur sa réputation (cf. cas du film Supersize Me, attaquant le régime McDonald et face auquel l’entreprise a réagi en L’agence TBWA a ainsi organisé son offre de crise autour de son concept phare de « disruption », particulièrement adapté à la gestion des crises : la crise est envisagée comme le catalyseur d’idées nouvelles pour l’organisation. Innover pour asseoir sa légitimité Face à la multiplication des crises, du fait à la fois de l’obsession moderne de sécurité, de l’essor de l’information continue et de la quête du scoop, de l’explosion des réseaux sociaux et des phénomènes de viralité, face également à la structuration du marché et des acteurs en présence, les professionnels de la crise ont développé de multiples innovations pour pouvoir se distinguer sur ce marché tout en respectant ses contraintes fortes. Evolution du recrutement : au-delà des professionnels de la crise et des relations publiques, les agences intervenant dans le domaine de la crise se sont ouvertes à des compétences spécifiques leur permettant de se différencier et de disposer d’atouts déterminants pour accompagner des types de crise particuliers (anciens activistes pour les crises médiatiques, juristes spécialisés dans le droit social...). Le contournement de l’exigence de confidentialité par la mise en scène de l’expertise : mise en avant de cautions externes (institutions partenaires), publication d’articles et d’ouvrages, réalisation d’études, organisation de colloques et mise en place de plateformes d’experts… Innovations produits : mise en avant de « packs de crise » (par exemple un pack « H5N1 » pour les organisations en cas de pandémie), campagnes publicitaires de sortie de crise (ex : campagne sur la tenue de route de la Mercedes Classe A « révisée »), serious games et plateformes participatives (jeu Astreintor développé pour la SNCF). Les Rendez-Vous de l’Institut 17 synthèse - Le marché de la crise en France - Alexandra Carter Innovations dans les méthodes de mise en relation : auparavant fondée principalement sur le bouche-à-oreille ou la relation contractuelle préexistante (contrat de RP), la mise en relation des clients et des professionnels de la crise s’opère également aujourd’hui par internet (sites web des agences), par des partenariats externes (cabinets d’avocats, …), voire par des appels d’offre formalisés avec des exigences strictes de confidentialité pour garantir au client le respect de cet impératif fondamental tout en faisant jouer la concurrence. Conclusion Trois grands enseignements peuvent être retirés de l’analyse du marché de la crise en France aujourd’hui : 1. Il y a une étroite correspondance entre la théorie et le terrain sur la façon de concevoir la crise, qui cherche à sortir de la crise perçue comme événement pour aborder la crise comme un processus, inscrit dans la durée. 2. La contrainte très lourde qui pèse sur le secteur, à savoir la double exigence du secret et de la confiance, a stimulé la créativité des professionnels, qui ont commencé à développer des innovations multiples pour répondre à ce défi et exister sur ce marché invisible. Le terrain reste d’ailleurs encore largement ouvert dans ce marché encore jeune et qui monte en puissance. 3. L’horizon principal d’expansion pour ce marché de la crise est le segment des PME, qui sont elles aussi confrontées aux crises, et se trouvent plus vulnérables du fait de leur taille et de leur impréparation. L’offre de crise n’est pas nécessairement une offre de luxe, et la contrainte de ressources limitées de ces entreprises peut être un nouveau catalyseur d’innovation pour ce marché. 18 www.groupe-bpi.com Les Rendez-Vous de l’Institut 19 synthèse Les mesures de rémunération incitatives ont-elles un impact sur le comportement ou la performance d’un dirigeant ou d’un trader ? Florian Kahn Dans la période de crise actuelle, nombre des fondements sur lesquels l’économie évoluait depuis quelques années sont attaqués. Un des piliers majeurs remis en cause demeure la rémunération des directeurs d’entreprises et des traders, qui a récemment atteint des sommes vertigineuses. La question a été ravivée par les 2 millions d’euros annuels réclamés par Henri Proglio ou les bonus astronomiques des traders, jugés directement responsables de l’état de santé de l’économie. Plus que son volume, c’est en réalité la structure de la rémunération qui est remise en cause, et particulièrement sa composante variable indexée sur la performance. Ces mesures de rémunération incitatives ont-elles un impact sur le comportement ou la performance d’un dirigeant ou d’un trader ? Le cas des dirigeants d’entreprises Immersion économique, théorie contrats et problème d’agence des Figure de proue de l’entreprise, le dirigeant doit gérer une structure tentaculaire où se mêlent intérêts financiers, économiques et personnels. Une analyse basique stipule qu’un bon PDG se reconnaît par sa faculté à garder de bons résultats ou par son aptitude à renverser une mauvaise situation, et doit être payé comme tel. Mais cette approche n’explique pas l’envolée de salaires, qui nécessite l’intervention de la relation d’agence. Le directeur général (agent), caractérisé par une préférence pour le présent et une aversion pour le risque, a plutôt tendance à valoriser une rémunération instantanée et certaine. Les actionnaires (principal) tendent plutôt à indicer la valorisation d’un manager en fonction des performances de l’entreprise, ce qui se traduit par un ensemble de primes à long terme. Les intérêts des parties prenantes ne sont ainsi pas alignés, et, pire encore, il existe une asymétrie d’information qui rend très complexe le contrôle par les actionnaires de l’activité du dirigeant. Poussée à son paroxysme, cette asymétrie peut entraîner des effets de distorsion sur le marché et des fraudes comptables ayant pour but de manipuler le cours de bourse, comme dans le cas de l’affaire Enron. La solution est de lier la rémunération de l’agent avec les intérêts du principal, pour corriger l’aversion au risque de l’agent par une prime de risque. Cela suppose une division entre une partie fixe et une partie variable, ainsi que différentes formes de primes à court et long terme (bonus, stock-options, retraite chapeau...). Cela nécessite également des objectifs clairement établis et des indicateurs qui doivent filtrer 20 www.groupe-bpi.com des facteurs non observables, mais également la chance. Mise en évidence de la paie pour la chance et filtrage par la skimming view Un PDG est chanceux s’il a des résultats similaires à ses pairs tout en étant mieux payé. La chance peut prendre deux formes. Celle de l’entreprise repose sur un facteur extérieur qui va influencer également un certain nombre d’entreprises de l’industrie indépendamment de leurs actions (prix du pétrole par exemple). La chance du PDG provient de ses facteurs propres favorisant son augmentation : nombres d’amis dans le board, ancienneté dans l’entreprise, renommée… Ces paramètres affaiblissent la gouvernance de l’entreprise et favorisent ainsi la paie pour la chance. La skimming view intervient pour nuancer cet effet. Ce modèle affirme qu’en temps prospère pour l’entreprise (chance favorable), les actionnaires ne sont pas attentifs aux rémunérations des PDG qui en profitent pour s’augmenter et biaisent ainsi le jugement du conseil d’administration. Il établit un lien entre la force de gouvernance de l’entreprise par le conseil d’administration (modulée par le nombre d’insiders, la durée du mandat…) et la rémunération du PDG, et permet de comprendre la raison de la corrélation positive et asymétrique entre chance de l’entreprise et rémunération des PDGs. Limites pratiques du modèle En pratique, les problèmes de rémunération, de par leur importance, leur complexité et le fait qu’ils échappent à toute règle établie, sont très souvent largement dépendants des personnes, du contexte, et des caractéristiques de l’entreprise. Un modèle Florian Kahn Diplômé du mastère spécialisé HEC Entrepreneurs en 2011. Diplômé de l’Ecole Polythechnique, spécialisation Innovation Technologique, 2010. Depuis octobre 2011 : Associate Consultant, The Boston Consulting Group, conseil en stratégie ; secteurs : banque d’investissement, énergie, banque de détail, santé publique. Loisirs : philosophie, sports extrêmes (parachutisme) théorique ne suffit pas, et d’autres paramètres intangibles sont à prendre en compte : considérations politiques – relations de pouvoir entre les différents acteurs d’une entreprise et ses organes de contrôle ; indépendance du conseil d’administration – relation décroissante entre la dépendance entre le conseil d’administration et l’agent, et la sensibilité entre la rémunération de l’agent et la performance de l’entreprise ; aspects sociaux – nécessité d’équilibrer la compétitivité externe de la rémunération avec les sentiments d’inégalité internes à l’entreprise ; influence du recrutement – impact des cibles de recrutement externe par rapport au recrutement interne. Le principal problème au vu de l’analyse des salaires des dirigeants repose ainsi sur la structure complexe de l’entreprise et l’asymétrie globale d’information. Il convient donc de s’intéresser à une autre population à forts salaires, mais dont les employeurs ont facilement accès à l’évaluation de leur performance : les traders. Le cas des traders Immersion dans le monde de la finance Les bonus ne sont apparus que tardivement dans le milieu bancaire. La conjonction de plusieurs éléments va faire évoluer le mode de rémunération des acteurs de la finance pour aboutir au système actuel : Bretton Woods, change flottant, produits dérivés et modèle de Black-Scholes... La nouvelle ampleur des marchés et les nouveaux profils vont alors donner naissance à un système de bonus institutionnalisés dans l’industrie financière, qui n’ont fait qu’augmenter jusqu’à la crise financière des années 2007. Deux métriques marquent cette évolution astronomique, sans commune mesure avec l’évolution des taux d’inflation. Entre 1979 et 2007, les salaires ont connu une hausse moyenne annuelle de 16,5 % à la Société Générale et de 12,8 % à la BNP. Le coefficient de Gini (mesure du degré d’inégalité de la distribution des revenus) a augmenté 40% entre 1978 et 2007 à la BNP, suggérant également une forte concentration des richesses. Mais pourquoi le niveau de vie d’un trader serait dix fois supérieur à celui d’un chercheur ayant le même niveau d’étude et la même charge de travail ? L’explication réside dans les modalités de rémunération du trader. Rôle incitatif des rémunérations Un trader choisit une stratégie en fonction de ses propres intérêts. Néanmoins, ceux-ci ne correspondent pas forcément aux intérêts de la banque. Si le trader préfère utiliser une stratégie sous-optimale du point de vue de la banque, cette dernière doit trouver un moyen de la lui faire modifier. Elle dispose pour cela de deux instruments : une incitation négative qu’est le licenciement en cas de mauvais résultats ; une incitation positive qui consiste à proposer un bonus en cas de bons résultats. Il s’agit donc de trouver un arbitrage entre le partage des risques qui suppose que le salaire de l’agent dépende peu des résultats, et la maximisation du profit du principal qui suppose que l’agent soit intéressé au résultat. Une partie du mémoire est consacrée à l’étude d’un modèle mathématique maximisant l’espérance d’utilité d’un agent sous contraintes d’incitation et de participation. Celle-ci montre notamment que le bonus est croissant en la productivité marginale de l’effort et décroissant en l’aversion au risque de l’individu, ainsi qu’en l’écart-type de l’aléa. C’est en cela qu’il peut devenir explosif et influer sur le comportement du trader. Démarche théorique et modélisation du trader et de la banque Dans cette étude, nous tentons de modéliser les comportements du trader, en contournant les limites théoriques intrinsèques (distribution exacte des comportements), et même si seuls 31 % des établissements financiers utilisent une formule pour calculer les bonus reversés à leurs employés. Le trader est en charge d’un portefeuille. Il place cet argent en le répartissant entre 2 actifs : un sûr et un risqué. Les actions du trader sont discrétisées, pour rendre le modèle plus réaliste. A chaque étape, celui-ci va choisir la proportion du portefeuille qu’il souhaite investir dans l’actif risqué, de manière à maximiser l’espérance de son utilité. A la fin du mois, le trader reçoit un salaire. Les Rendez-Vous de l’Institut 21 synthèse - Relation entre la rémunération d’un dirigeant et sa performance - Florian Khan La première composante du revenu est un salaire fixe. On peut également inciter le trader en lui offrant une portion de la valeur du portefeuille (assimilable à des stocks-options) si celui-ci n’a pas été licencié avant la fin de la période: c’est la partie variable. Ces bonus sont une fonction croissante du portefeuille, choisie de manière linéaire ou avec une double ou triple pente. Le salaire du trader est également actualisé en euros de l’étape finale. C’est essentiel, car si l’indemnité de licenciement était constante au cours du temps, cela inciterait le trader à prendre des risques rapidement. L’unique influence de la banque se trouve dans le choix des différents paramètres constituant la rémunération du trader: part du portefeuille détenue par le trader, salaire et bonus. Ce choix est toutefois primordial, car il détermine entièrement la prise de risque du trader. La banque est assimilée à un observateur extérieur. De cette manière, tout ce passe comme si un agent, dont l’utilité est modélisée par la même fonction que pour le trader, engageait le trader pour placer son propre agent. Un algorithme a été étudié pour connaître la réponse du trader en fonction de ces paramètres. Eléments d’algorithmie Ce premier algorithme ne prend pas en compte le temps, et maximise l’utilité du trader comme si chaque étape était la dernière. L’idée est de réduire l’horizon de temps du trader, pour rendre le calcul plus aisé. Dans un second algorithme où le temps est pris en compte, le trader peut miser sur un rétablissement futur de son portefeuille, et a donc tendance à augmenter son choix de répartition pour des temps proches du temps initial. Toutefois, cette tendance est atténuée par le choix de rémunération choisie. L’indemnité de licenciement est croissante dans le temps, ce qui a pour effet d’inciter le trader à diminuer sa prise de risque dans ses premiers choix. Les deux effets se compensent alors et équilibrent le comportement. Les résultats prouvent que pour que le mode de rémunération incitatif marche correctement, il faut que la part de bonus dans la rémunération totale soit 22 www.groupe-bpi.com très importante (de l’ordre de 90 %). En comparant avec les données moyennes, il est aisé de conclure que la part fixe du salaire des traders est de manière générale trop importante. De plus, un mode de rémunération légèrement plus complexe, c’est-à-dire avec une pente non constante, permet d’augmenter de manière significative l’utilité de la banque. Conclusion En réalité, une entreprise est comparable à une grande équipe de football qui va rémunérer le plus possible ses meilleurs éléments pour les inciter à jouer mieux, et pour dissuader les concurrents de venir acheter le joueur (et celui-ci de partir). A l’identique, un bon PDG est une denrée rare sur le marché du travail, surtout en temps de crise, et les entreprises se les arrachent à prix d’or. Pour pallier d’éventuelles envies d’ailleurs chez leurs dirigeants, les firmes possédant déjà un PDG talentueux dans leurs rangs vont de fait augmenter son salaire, comme chez les sportifs. Par conséquent, même si la paie est dans un premier temps liée aux compétences reconnues du PDG, elle fluctue ensuite selon la conjoncture, parfois à l’inverse de ce que l’on pourrait penser, du fait de la loi de l’offre et de la demande dans le marché des chefs d’entreprise. Ainsi, un PDG ayant ponctuellement de mauvais résultats, quelles qu’en soient les causes, ne sera pas forcément puni. S’il a bonne réputation, s’il est reconnu comme talentueux, la traversée d’une crise de son secteur ne se fera pas forcément à ses dépens. Il y a donc des mécanismes bien plus complexes que la simple performance pour expliquer la rémunération des chefs d’entreprises et des traders, même si elle se retrouve finalement juste comparativement aux résultats obtenus. conseil en management et ressources humaines Conseil aux personnes Conseil aux organisations Révéler et développer Accompagner Réussir les projets les talents les restructurations de transformation Assessment Center, serious Conseil aux comités de direction, Pilotage RH, enquêtes terrain, games, bilan de compétences, communication, interne et mobilisation des équipes, recrutement, détection des externe, ingénierie sociale, organisations apprenantes, potentiels, coaching, , création GPEC, revitalisation de territoires, conduite du changement, d’entreprise, outplacement, ... réindustrialisation de sites, ... optimisation des politiques RH, ... 37, rue du Rocher │75008 Paris : 01 55 35 70 00 │ mail : [email protected] www.groupe-bpi.fr www.institut-leadership-bpi.com