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fonde cette dernière, en effet, nous contraindrait à voir dans le phénomène de la 
rêverie autre chose que la rêverie elle-même, nous placerait dans un autre temps 
que le temps vécu, nous ferait relier le souvenir d’enfance à un événement 
positif, dans tous les cas à un événement qui a eu lieu, qui s’est inscrit dans 
l’étendue du temps et de l’espace, qui s’est transformé en document pour la 
conscience et en archive pour la mémoire.  
Dans le préambule de « La poétique de la rêverie », Bachelard (1960), 
en évoquant l’exigence d’objectivité de la psychologie, pose ainsi une question 
qui marque l’inéluctable divergence de son projet qui se réclame de la 
phénoménologie, de celui de la psychologie objective, moderne, qu’on a fondé 
sur un concept de méthode hérité des sciences naturelles. Le philosophe, en 
méditant cette rupture épistémologique, écrit : 
Tout serait plus simple, semble-t-il, si nous suivions les bonnes 
méthodes du psychologue qui décrit ce qu’il observe, qui mesure 
les niveaux, qui classe les types – qui voit naître l’imagination 
chez les enfants, sans jamais, à vrai dire, examiner comment elle 
meurt chez le commun des hommes ? 
Mais un philosophe peut-il devenir psychologue ? Peut-il plier 
son orgueil jusqu’à se contenter de la constatation des faits alors 
qu’il est entré, avec toutes les passions requises, dans le domaine 
des valeurs ? Un philosophe reste, comme on dit aujourd’hui, en 
situation philosophique, il a parfois la prétention de tout 
commencer ; mais hélas, il continue… Il a lu tant de livres de 
philosophie ! Sous prétexte de les étudier, de les enseigner, il a 
déformé tant de systèmes ! Quand le soir est venu, quand il 
n’enseigne plus, il croit avoir le droit de s’enfermer dans le 
système de son choix. Et c’est ainsi que j’ai choisi la 
phénoménologie dans l’espoir de réexaminer d’un regard neuf les 
images follement aimées, si solidement fixées dans ma mémoire 
que je ne sais plus si je me souviens ou si j’imagine quand je les 
retrouve en mes rêveries. (p. 2) 
Bachelard, en nous invitant dans un lieu épistémologique qui se situe à 
mi-chemin de la confidence personnelle et de la déclinaison de son parcours 
philosophique, laisse clairement deviner les motifs l’ayant persuadé de renoncer 
à « psychologiser la rêverie ». D’entrée de jeu, en effet, Bachelard (1960) établit 
avec insistance qu’il ne souhaite pas réduire l’expérience8 de la rêverie à un fait 
psychologique. « La phénoménologie, insiste-t-il, est fondée à prendre l’image 
poétique dans son être propre, en rupture avec un être antécédent » (p.3). Ni la 
psychanalyse, à qui il attribue la préséance du symbole et du désir, ni la 
psychologie scientifique, qu’il intègre au mouvement positiviste, ne saura, pour