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lourde que le morceau de métal initial !3 « L’histoire de la théorie du phlogis-
tique est périmée puisqu’elle repose sur une erreur fondamentale, sur une con-
tradiction de la chimie pondérale » (Bachelard, L’activité rationaliste de la phy-
sique contemporaine, p.25). Avec Lavoisier, on dira au contraire qu’il existe un
rapport quantifié de combinaison chimique, l’oxydation, qui consiste à fixer un
élément de l’air.
En 1878, pour construire la lampe électrique, Edison commence par résis-
ter au langage commun, qui assimile toutes les lampes : bougie, feu de bois,
lampe à huile, allumettes, torche à la résine.. « L’empirisme » de l’usage quoti-
dien ne peut pas non plus comprendre une « lampe sans tirage »4. Edison, au
contraire, se donne trois contraintes pour « empêcher qu’une matière brûle » : 1)
un fil incandescent (un filament de carbone, mais aussi du bambou japonais..),
2) la fermeture du verre (opposée à l’idée de tirage), 3) un gaz inerte. En refu-
sant de vouloir éclairer, Edison a construit une lampe plus efficace que toutes les
autres.
« On sait », explique Bachelard, « que la loi rationnelle qui règle les phé-
nomènes de la lampe à incandescence est la loi de Joule, qui obéit à une formule
algébrique » (Le rationalisme appliqué, p.108), qui est : W = R I2 t. W y désigne
l’énergie, R, la résistance, I, l’intensité, t, la durée. R est à son tour égal à : ρ l/s,
où ρ est la résistivité (qui reste un concept encore un peu empirique, quoique
bien délimité), l est la longueur du fil et s, la section du fil. W = R I2 t exprime
des rapports « exacts », quantifiables, entre termes bien définis.
Par exemple, dans la formule qui définit la résistance, R = ρ l/s, on com-
prend très clairement, que, plus le fil est long et de petite section, plus grande est
la résistance. La longueur et la section sont en effet des grandeurs inversement
proportionnelles, comme le numérateur et le dénominateur dans ce rapport que
nous appelons depuis notre école primaire une fraction. « On ne dit plus – on
pense à peine – que du feu et de la lumière circulent dans le filament éblouis-
sant » (p.108).
2.3) Est-il vrai que la différence essentielle entre la connaissance com-
mune, qui est celle que nous avons tous sans être savants, et la connaissance sa-
vante est la différence entre une connaissance accumulée suivant les hasards de
la vie, acquise au jour le jour, et une connaissance organisée en système, suivant
les intérêts de la raison ?
Non, car la connaissance vulgaire est, sous bien des rapports, plus systé-
matique que l’autre, puisqu’elle prolonge nécessairement la pratique quoti-
dienne, tandis que l’autre la refuse. La connaissance vulgaire est fautive d’un
3 À l’époque de Stahl, le professeur de médecine Gabriel Venel (1723-1775) a soutenu l’idée d’une « pesanteur
négative » pour expliquer l’augmentation de « poids » de la chaux ! Dans ses Réflexions sur le phlogistique
(1783), Lavoisier réfutera la théorie du phlogistique à partir du principe de la conservation de la quantité de
matière, autrement dit, à cette époque, de la conservation de la masse ou du poids.
4 Le tirage est le mouvement par lequel l'air chaud s'élève en entraînant la fumée et grâce auquel il est remplacé
au foyer par l'air froid contenant l'oxygène nécessaire à la combustion.