08 JUIL 11 Hebdomadaire Paris OJD : 12846 ANTONY PARC II 92186 ANTONY CEDEX - 01 77 92 92 92 Surface approx. (cm²) : 1465 N° de page : 61-64 Page 1/4 • Une rédaction adéquate et attentive ne suffit malheureusement pas à se prémunir contre une remise en cause de la clause bénéficiaire : plusieurs cas de figure conduisent, après le décès du souscripteur, à priver d'effet la désignation faite par ce dernier. La remise en cause de la clause bénéficiaire L'examen des hypothèses de remise en cause dè la daube bénéficiaire permet de former un premier constat si, en géneral, elles se i évelent au moment du dénouement du contrat, toutes TPS hypothèses existent au moment précis de la désignation du bénéficiaire, que celle ci intervienne à ladhésion ou ultérieurement, lors d'un changement de bénéficiaire Une déchéance en cas de meurtre Cependant, ce premier constat est a assortir d un bémol il existe une exception, une situation dans laquelle la cause de révocation n existe pas au moment de la désignation par le souscripteur Cette hypothèse tres peu sujette à application est envisagée par l'article L 132-24 du code des assurances{l), qui prevoit l'anéantis sèment du contrat a I égard du bénéficiaire condamné pour avoir donne la mort à l'assuré ou au souscripteur Précisons que cette cause de déchéance pourra êti e invoquée uniquement si le bénéficiaire est condamne et quelle conduit à verser les primes issues du contrat au bénéficiaire de second rang ou, à défaut, à la succession Remise en cause en raison de la personne du stipulant Certaines remises en cause trouvent, quant à elles, leur origine dans la personne même du souscripteur, en cas de désignation de bénéficiaire GRANRUT 8367888200505/GBJ/OTO/3 effectuée par un souscripteur incapable Les mineurs et les incapables majeurs ne peuvent conclure une opération d assurance vie ou procéder a une modification de leur contrat que sous reserve de respecter les conditions spécifiques définies par la loi Deux réformes législatives récentes sont venues préciser le régime applicable aux incapables pour les opéra lions dassurance vie il s'agit des lois du 5 mars 2007 (entrée en vigueur le f janvier 2009) et du 17 décembre 2007 (d'application immédiate) Aujourd'hui, la situation est donc clairement balisée, et il est etabli que le mineur non émancipe, ainsi que le majeur sous tutelle ou curatelle, ne peuvent pas, seuls souscrire un contrat dassurance vie, donc procéder à la désignation d un bénéficiaire Les dispositions de l'article L 132-4-1 du code des assurances * prévoient explicitement, en ce qui concerne les incapables majeurs sous tutelle ou curatelle que la souscription d'un contrat d assurance vie la désignation ou la modification d'un bénéficiaire ne pourront être valablement effectuées qu'avec l'intervention d'un tiers L'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille est ainsi requise pour le majeur sous tutelle, et l'assistance du curateur est nécessaire pour le majeur sous curatelle Le non-respect de ces dispositions pourra conduite a l'annulation du contrat et, partant, la désignation du bénéficiaire suivrait, dans ce cas, le même regime LES AUTEURS Remise en cause du fait de la personne du bénéficiaire La remise en cause de la désignation de bénéficiaire peut également trouver sa source dans la personne même du bénéficiaire Sa désignation ou sa substitution peut ainsi être annulée pour cause d'immoralité autrement désignée « contrariété a ['ordi e public et aux bonnes mœurs » Cette remise en cause, qui trouve son fondement dans les dispositions de I article 6 du code civil ^\ résulte du constat suivant si le souscripteur a toute liberte pour designer le bénéficiaire de son choix, il ne peut se retrancher derrière cette liberté pour conclure un contrat dont l'objectif serait immoral Jusqu'à il y a quèlques années, ce critere de remise en cause avait pour principal intérêt de permettre de prononcer la nullité de la désignation de la concubine ou de la maîtresse du souscripteur Cette désignation était en effet analysée comme une incitation à l'entretien, voire à la rétribution de relations jugées illicites ou immorales, parce qu'adultérines Cette hypothèse d annulation de la désignation (le contrat restant, quant à lui, parfaitement valable) qui a donc connu son heure de gloire au cours des deux siècles passés, apparaît aujourd'hui quelque peu dépassée Les juges se sont en effet adaptés Eléments de recherche : EMMANUELLE CARDON : avocat du cabinet Granrut, toutes citations Bruno Quint, avocat associé du cabinet Granrut membre du département banque assurance Emmanuelle Cardon, Avocat collaborateur du cabinet Granrut membre du département banque-assurance Granrut Avocats 08 JUIL 11 Hebdomadaire Paris OJD : 12846 ANTONY PARC II 92186 ANTONY CEDEX - 01 77 92 92 92 Surface approx. (cm²) : 1465 N° de page : 61-64 Page 2/4 NOTER • Le terme « médecin », souvent utilisé de façon générique pour envisager l'interdiction de recevoir des professionnels du corps médical doit être interprété de façon extensive. Ce terme a, en réalité, un spectre beaucoup plus large puisqu'il concerne toute personne qui soigne un malade et qui, en raison de ses soins et connaissances de l'art de guérir, pourrait influencer le malade. Sont ainsi concernés, outre le médecin généraliste ou spécialiste, les infirmières, pharmaciens, chiropracteurs, kinésithérapeutes, magnétiseurs, gestionnaires et membres du personnel des maisons de repos et de soins ou de toutes autres structures d'hébergement collectif pour personnes âgées. GRANRUT 8367888200505/GBJ/OTO/3 à l'évolution des mœurs Ce faisant, ils ont adopté une attitude beaucoup plus libérale face à cette possibilité de remise en cause de la désignation Le critère de l'immoralité est ainsi non seulement de plus en plus rarement invoqué, maîs il est également de plus en plus difficilement retenu par la junspi udence, qui s est largement édulcorée sur ce point Les juges réaffirment ainsi fréquemment que «n'est pas (plus) nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs, la libéralité consentie à l'occasion d'une relation adultérine » L'adoption de ce principe jurisprudence!, posé par un arrét du 3 février 1999<4', a constitué un revirement important, car il a conduit ni plus ni moins à abandonner la position admise pendant deux cents ans pour adopter une attitude strictement contraire Le cas particulier des professions médicales Si le critere de l'immoralité comme fondement de nullité de la désignation tombe peu à peu en désuétude un autre critère, relatif à la qualité du bénéficiaire, reste, quant à lui, très présent enjunsprudence et constitue, là encore, une atteinte à la liberté de principe du souscripteur de désigner le bénéficiaire de son choix Le législateur a considéré qu'il existait parfois, entre souscripteur et bénéficiaire, des liens si particuliers qu'ils devaient justifier, à eux seuls, une remise en cause de la désignation II s'agit ici de la jurisprudence relative aux incapacités de recevoir, qui fait flirter le droit des assurances avec le droit des successions La plus répandue est celle qui concerne le médecin Irailanl ou le personnel soignant Elle résulte des dispositions de l'article 909, alinéa premier, du code civil, aux termes duquel « les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires quelle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci » < 5 ) Ainsi, quand bien même il a été désigné en qualité de bénéficiaire, le médecin ayant prodigué des soins au souscripteur au cours de sa dernière maladie est frappé d'incapacité de recevoir à titre gratuit les sommes issues du contrat dassurance vie Cette jurisprudence est régulièrement réaffirmée par la Cour de cassation Toutefois, quelle position adopter visà-vis du médecin qui traite le patient depuis une époque antérieure au diagnostic de sa dernière maladie et qui continue de prodiguer des soins durant celle-ci 7 Confrontée à cette difficulté, ^jurisprudence a estimé que la solution devait être trouvée en appliquant le critère de la concomitance de la désignation avec la période de la dernière maladie (n) Dans ces circonstances, le principe dégagé semble donc être le suivant l'annulation de la désignation ne serait possible que si la preuve est rapportée que ladite désignation a bien eu lieu au cours de la dernière maladie du souscripteur Une autre interrogation a récemment été soulevée qu'en est-il du médecin traitant le patient au cours de sa dernière maladie, maîs pour une pathologie considérée comme « annexe » à celle ayant directement entraîné la mort 7 La réponse est donnée par un arrêt de la Cour de cassation du 4novembre2oio'7) Madame X .atteinte d'un cancer qui entraînera son décès, a développé lors de cette maladie une pathologie secondaire, à savoir un syndrome dépressif, pour lequel elle consultait madame Z, psychiatrepsychanalyste Madame X n'étant pas décédée du syndrome dépressif, maîs bien des suites d'un cancer du poumon, les dispositions de l'article 909 du code civil devaient-elles recevoir application 7 La Haute Cour a répondu par l'affirmative, via une interprétation extensive de la notion d'incapacité de recevoir applicable aux médecins L'incapacité de recevoir ne touche pas seulement le corps médical y sont Eléments de recherche : EMMANUELLE CARDON : avocat du cabinet Granrut, toutes citations également confrontés les ministres du culte(8>, les mandatairesjudician es à la protection des majeurs'9', ainsi que certaines catégories d'établissements '10) et les particuliers qui accueillent, à leur domicile, à titre onéreux, des personnes âgées ou handicapées00 Cependant, l'application de la notion d'incapacité de recevoir les concernant reste tout à fait marginale enjunsprudence D'un point de vue plus général, l'idée sous-jacente véhiculée par la notion d'interdiction de recevoir est d'éviter le risque d'une captation rendue possible par l'état de sujétion du patient malade, de l'incapable protégé, ou de dévotion religieuse du fidèle pratiquant Cette idée est ainsi très proche d'une autre hypothèse de remise en cause de la clause bénéficiaire celle issue d'un vice du consentement, d'un abus de faiblesse ou d'une insanité d'esprit du souscupteur Laltération du consentement du souscripteur Parfois, c'est le consentement du souscripteur qui est au coeur des problématiques relatives à la remise en cause de la clause bénéficiaire Ces hypothèses se rencontrent plus particulièrement dans deux situations précises, qui sont l'adhésion à un contrat dassurance vie, ou encore la modification de la clause bénéficiaire par un souscripteur âgé et au crépuscule de sa vie En effet, au grand dam des héritiers ou des bénéficiaires initialement désignés, nombre de contrats dassurancevie sont souscrits « tardivement », ou redirigés par les souscripteurs via une modification de la clause bénéficiaire vers des personnes de leur entourage proche, voire vers des organismes à caractère philanthropique ou de recherche médicale Bien souvent, c'est seulement lors du decès du souscripteur que l'existence de ce nouveau contrat ou de cette modification de la clause est portée à la connaissance des intéresses La tentation est alors grande, pour les 08 JUIL 11 Hebdomadaire Paris OJD : 12846 ANTONY PARC II 92186 ANTONY CEDEX - 01 77 92 92 92 Surface approx. (cm²) : 1465 N° de page : 61-64 Page 3/4 héritiers ou les bénéficiaires évincés, de rechercher la nullité de la désigna tion nouvelle, sur le fondement d'un vice du consentement L'âge avancé du souscripteur, la maladie dont il souffrait peut-être sont autant de critères qui semblent constituer un terrain propice afin de solliciter l'annulation du contrat ou de la modification de la clause Lanalyse de la jurisprudence révèle «- si l'acte porte en lui-même la cause une désignation de bénéficiaire cependant que la théorie générale des preuve d'un trouble mental, disposent de voies d'action distinctes, vices du consentement est difficile - s'il a été fait alors que l'intéressé était qui pourraient se révéler plus faciles à à mettre en oeuvre, et quelle ne conduit placé sous sauvegarde de justice, mettre en œuvre, comme celles fonque très rarement à l'annulation - si une action a éte introduite, dées sur des critères économiques recherchée En effet, la preuve d'un avant son décès, aux fins d'ouverture vice du consentement pour dci, d'une curatelle ou d'une tutelle, ou Remise en cause ayant en eur ou violence (physique ou si effet a été donné au mandat de un fondement économique morale) alors que le souscripteur est protection future » Certaines hypothèses ont un fondécédé est particulièrement difficile Les deux derniers relèvent d'une dement purement économique et à rapporter, et entraîne, de facto, application tout à fait résiduelle conduisent à une remise en cause bien des déconvenues Ainsi, en l'absence d'une mesure de totale, ou seulement partielle de la C'est ainsi que le recours au délit d'abus sauvegarde de justice et faute d'm- désignation de bénéficiaire de faiblesse est parfois envisagé, soit troduction, avant le décès de l'inté- Bien sûr, on pense tout d'abord aux alternativement, soit en complément ressé, d une action tendant à l'ouver- dispositions de l'article L 132-13 du d'un vice du consentement Prévu par ture d'une mesure de tutelle ou de code des assurances, qui prévoit les dispositions de l'article L 122-8 du curatelle (autrement dit dans la plu- l'hypothèse des primes manifescode de la consommation, il se carac- part des cas), l'action intentée sur le tement exagérées Par principe, le térise par le fait d'abuser « de la faiblesse fondement de l'insanité d'esprit im- capital ou la rente payables au décès ou de l'ignorance d'une personne pour pliquera pour le demandeur qu'il du souscripteur ne sont soumis ni aux lui faire souscrire, par le moyen de prouve que l'acte, à savoir le bulletin règles du rapport à succession ni à visites à domicile, des engagements d'adhésion au contrat ou la désignation celles de réduction pour atteinte à la au comptant ou à credit sous quelque de bénéficiaire porte en lui-même la réserve des héritiers du souscripteur forme que ce sort» La encore, l'action preuve d'un trouble mental ll n'est nul Ce principe souffre cependant d'une engagée sur ce fondement est cepen- besoin d'insister sur la difficulté pro- exception il s'agit de la situation dans dant d'une efficacité très relative, les batoire que cela implique, puisque, laquelle les primes versées sur le ou critères d'application du délit étant sauf anomalie sél lease présentée par les contrats dassurance vie revêtent, très difficiles a reunir postérieure- la clause bénéficiaire, la preuve néces- au sens des critères dégagés par la saire s'avère quasi impossible à satis- jurisprudence, un caractère excessif ment au décès du souscripteur Une autre voie d'action demeure à la faire Les juges semblent d'ailleurs Ces dispositions sont nécessaires, disposition de l'héritier ou du béné- enclins a ce que cette action conserve elles représentent un garde-fou perficiaire désireux d'obtenir l'annulation un caractère d'exception lanalyse mettant d'éviter que lassurance vie d'une modification ou d'un contrat de la jurisprudence sur le sujet révèle ne constitue un moyen pour le soustardifs il s'agit de l'action en nullité en effet une interprétation relati- cripteur de déshériter complètement pour insanité d'esprit L'article 414-1 vement stricte de ses critères d'appli- (ou presque) ses ayants droit Et ce cas du code civil (12) rappelle qu'il faut être cation, étant précisé que I existence de figure est lom d'être marginal sam d'esprit pour faire un acte du trouble relève de l'appréciation Le contentieux engendré par ces dispositions est donc relativement valable À défaut, il est possible d'en souveraine des juges du fond demander la nullité, a condition de L'action fondée sur l'altération du dense Et les tribunaux ont, aux démontrer l'existence d'un trouble consentement du souscripteur se termes d'une jurisprudence fourme et mental au moment de l'acte Lorsque révèle donc très difficile à mettre désormais établie, déteimmé des cril'auteur de l'acte est décédé, l'article en œuvre et n'a, in fine, que peu de tères d'application objectifs et précis, 414-2 prévoit trois cas permettant chances de prospérer Cependant, posés par quatre arrêts de principe ( 3> aux héritiers d'attaquer l'acte les héritiers désireux de remettre en rendus le 23 novembre 2OO4 ' AU CŒUR DES PROBLÉMATIQUES DE REMISE EN CAUSE DE LA CLAUSE BÉNÉFICIAIRE, LA PREUVE D'UN VICE DU CONSENTEMENT PAR DOL OU VIOLENCE EST, ALORS QUE LE SOUSCRIPTEUR EST DÉCÉDÉ, PARTICULIÈREMENT DIFFICILE À ÉTABLIR. GRANRUT 8367888200505/GBJ/OTO/3 Eléments de recherche : EMMANUELLE CARDON : avocat du cabinet Granrut, toutes citations 08 JUIL 11 Hebdomadaire Paris OJD : 12846 ANTONY PARC II 92186 ANTONY CEDEX - 01 77 92 92 92 Surface approx. (cm²) : 1465 N° de page : 61-64 Page 4/4 SAUF Sl LE CONTRAT EST LE MOYEN POUR LE SOUSCRIPTEUR D'EFFECTUER UNE DONATION INDIRECTE OU SAUF Sl SA VOLONTÉ EST SÉRIEUSEMENT SUJETTE À CAUTION, LA REMISE EN CAUSE DE LA CLAUSE BÉNÉFICIAIRE EST ASSEZ DIFFICILE À OBTENIR. 1 Article L 132 24 du code des assurances, alinea premier « Le contrat d assurance cesse d avoireffet a I égard du bénéficiaire qui sete condamne pouravoirdonne volontanement la mort a I assure ou au contractant » 2 Issues de la loi rï200V 1?75 du 17 decembre 2007 (JO du 18 decembre 200?) 3 Article G du code civil « On ne peut déroger par des conventions particulières, aux lois qui intéressent I ordre public et les bonnes mœurs » 4 Civ 1= 3 fevrier 1999, n'96 ll 946 5 (.article!. 331 4 du code de I action sociale et des familles contient une disposition similaire 6 Civ l e ,l c juillet2003, n'OO 15?86 7 Civ I ', 4 novembre 2010 n'0721303 8 Article 909 du code civil, in fine 9 Article 909 alinea 2 du code civil 10 Article 910 du code civil 11 Article L 443 E du code de I action sociale et des familles 12 Article 414 i du code civil « Pourfaire un acte valable il faut etre sam d esprit C est a ceux qui agissent en nullité pourcette cause de prouver I existence d un trouble mental au moment de I acte » 13 Cass , ch mixte, 23 novembre 2004, n'0113 592,n°Q2 ll 352 n'0217S07etn°03 13673 14 Voir notamment Cass ch mxte, 21 decembre 2007,n'0612769 15 Com, 26 octobre 2010, n°09 7 0 9 2 7 GRANRUT 8367888200505/GBJ/OTO/3 par la chambre mixte de la Cour de cassation Par ces arrêts, la Cour de cassation a ainsi clairement confirmé que le caractère exagéré des primes devait s'apprécier au moment du versement et au regard de l'âge et des situations patrimoniale et familiale du souscripteur la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte » Le code général des impôts, en son article 784, précise, quant à lui, que « les parties sont tenues de faire connaître, dans tout acte constatant une transmission entre vifs à titre gratuit et dans toute déclaration de succession, s'il existe ou non des Lappréciation prétoriale donations antérieures consenties à de la disproportion un titre et sous une forme quelconque C'est donc au demandeur à l'action par le donateur ou le défunt aux qu'il appartient d'établir quelle était donataires héritiers ou légataires » la situation patrimoniale et familiale Par nature, le contrat d'assui ance vie, du souscripteur lors du versement qui intègre le mécanisme de la stipudes primes II doit ainsi être en lation pour autrui, se détache de la mesure de justifier d'une dispropor- notion de libéralité et échappe ainsi a tion entre les sommes versées sur l'imposition quelle engendre, puisque le contrat et la situation patrimoniale le bénéficiaire recueille directement du souscripteur à l'époque du ver- de lassureur une somme qui est répusement Bien que ce critère de la tée n'avoir jamais fait partie du patridisproportion semble être l'élément moine du souscripteur Le code des d'appréciation principal, l'utilité de assurances affranchit d'ailleurs lasl'opération, ainsi que le but poursuivi surance vie des règles de forme qui par le souscripteur, sont également régissent la donation pris en considération Si, par son régime, le contrat d'assuLanalyse de la jurisprudence dé- rance vie s'émancipe donc indubimontre que les juges disposent d'un tablement de la notion de donation large pouvoir d'appréciation dans indirecte, il existe néanmoins un l'application de ces critères Ainsi, risque de requahfication le contrat il n'existe pas de logique mathéma- dassurance vie peut être requalifie en tique ce qui permet aux magistrats donation si les circonstances dans de s'adapter au cas par cas et de faire lesquelles son bénéficiaire a été désiusage de leur pouvoir modérateur gné révèlent la volonté du souscrippour apprécier « l'exagération » teur de se dépouiller de manière irréLa clause bénéficiaire du contrat vocable <I4> Tel est le cas, par exemple, peut encore être remise en cause du de la souscription neuf mois avant le fait d'une requahfication de lassu- décès du souscripteur atteint rance vie en donation indirecte, d'un cancer, dont l'état de sante s'est laquelle est régie par les dispositions aggravé régulièrement, ces éléments de l'article 894 du code civil démontrant «l'absence d'aléa au « La donation entre vifs est un acte moment de la souscription des par lequel le donateur se dépouille contrats, ainsi que le caractère illuactuellement et irrévocablement de soire de la faculté de rachat, et la Eléments de recherche : EMMANUELLE CARDON : avocat du cabinet Granrut, toutes citations volonté actuelle et irrévocable du souscripteur de se dépouiller» au profil du bénéficiaire 13 ' Les trois critères jurisprudence^ à retenir sont ceuxd'un dessaisissement immédiat et irrévocable, ainsi que d'une intention libérale La réunion de ces trois critères entraîne la requahfication, avec pour conséquence un assujettissement aux droits de mutation à titre gratuit La requahfication concerne presque exclusivement les cas de souscription tardive, lesquels peuvent également être à l'origine de l'application de la théorie de l'abus de droit, qui reste cependant d'application résiduelle Effets sur la sécurité juridique du contrat Ces différentes hypothèses de remise en cause pourraient paraître choquantes en ce qu'elles conduisent à ne pas respecter la volonté du souscripteur de gratifier une personne en parLicuher Lanalyse des cas de figure répertoriés plus haut permet cependant d'affirmer que l'objectif poursuivi n'est certainement pas de faire fi de la volonté du souscripteur, maîs de s'assurer que l'assurance vie n'est pas utilisée de telle manière quelle s'en t r o u v e r a i t profondément «dénaturée» En pratique, le principe de liberté contractuelle attaché à la désignation du bénéficiaire est d'ailleurs grandement préservé par une application stricte et parcimonieuse des critères permettant d'aboutir à une remise en cause de la désignation Ainsi, sauf si le contrat dassurance vie ne constitue qu'un habillage permettant au souscripteur d'atteindre un tout autre objectif (primes manifestement exagérées, donation indirecte, abus de droit ), et sauf à ce que la volonté de ce dernier soit sérieusement sujette à caution (incapacités de recevoir, altération du consentement ), la remise en cause est assez difficile à obtenir Les souscripteurs peuvent donc être rassurés •