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2005 : Une formation, un diplôme d’état,
une place au sein des équipes
Une reconnaissance professionnelle
réelle mais partielle
La loi de 2005 offre d’abord aux assistants-es
familiaux-les la possibilité d’obtenir une légitimité
sociale, en dehors de cadres de références spéciques
et limités, comme leur propre famille ou leur
employeur, et il peut apparaître regrettable que cette
légitimité ne soit qu’optionnelle8.
Le travail de théorisation, préalable à la mise en place
de la loi, a permis l’élaboration d’un référentiel qui
fait de cet emploi « l’un des rares métiers spécialisés
de la protection de l’enfance » (A. Oui, 2010). Le
dénuement et la solitude dans lesquels ont été
laissées les femmes qui accueillaient les enfants
placés n’existent plus. Les approches de la médecine
et de la psychanalyse ont pu justier l’importance de
suivis professionnels réguliers et complémentaires
où les assistants-es familiaux-les sont des acteurs
centraux qu’il est nécessaire de former9.
Notons néanmoins que c’est par un corpus
juridique que s’est amélioré la profession, et si la
reconnaissance se développe dans la forme du droit,
un chemin reste à faire pour que la place sociale
qui leur est ainsi attribuée soit eective auprès des
familles, des équipes10 et de la société en général.
Si on regarde de plus près cette théorisation, il
apparaît de « compétence » renvoie essentiellement
au domaine managérial, comme des actions reposant
sur un programme institutionnel que les individus
doivent savoir effectuer correctement. Les termes
« moyens », « outils », « ressources », « besoins » et
« savoirs » utilisés dans ce référentiel renforcent cet
aspect managérial et individualiste des compétences,
alors que celles-ci nous apparaissent plutôt dans
une approche de type cognitiviste, comme des
savoirs d’usages qui s’élaborent dans un processus
permanent et dans des rapports à un environnement
toujours spécique.
En poursuivant un peu cette analyse, à partir d’un
classement des verbes utilisés par exemple, on
peut observer que les capacités les plus attendues
sont : l’observation, l’adaptation et la coopération.
Ces actions sont en premier lieu la réponse aux
attentes des équipes qui les accompagnent, d’autres
compétences citées comme, « savoir repérer » ou
« savoir répondre » sont envisagées « en sachant
avoir recours à l’équipe pluridisciplinaire ». On ne
relève pas moins de six rappels à l’équipe et aux
règles de l’institution.
Ce qui apparaît surprenant dans cette formalisation,
c’est l’absence d’autres capacités qui font à l’évidence
partie du socle des pré-requis nécessaires pour
assurer ce métier : citons pour exemple les capacités
organisationnelles (dans l’espace, la temporalité,
le relationnel familial), les capacités réactives et
créatives, les capacités réflexives, et surtout les
capacités dites du care relevant globalement du souci
d’autrui ( avec cette dimension dite « de l’amour »
que revendiquent les assistantes familiales). Certes,
comme le dit S. Euillet (2010) ce référentiel porte sur
les compétences spéciques attendues, mais il laisse
dans l’ombre d’autres compétences dont on estime
qu’elles sont déjà élaborées dans le cadre familial.
La question se pose alors de savoir si ces compétences
sont envisagées comme encore naturellement
féminines ou comme naturellement présentes dans
ces familles d’accueil ? Est-ce à dire qu’elles n’ont pas
à être exprimées, rendues visibles et valorisées ? Ou,
ne pouvant être acquises dans ce cadre institutionnel,
ces compétences de base n’ont pas à être reconnues
par un référentiel d’État ?
8 Les assistants-es familiaux-les ne sont pas dans l’obligation de passer le DEAF à la n de la formation.
9 La formation des «nourrices» a longtemps été sujet à débats.
10 Voir à ce propos le DSTS-Master de S. Le labourier «les assistants familiaux entre droits salariaux et intérêts de l’enfant,
des travailleurs sociaux en quête de reconnaissance», 2009.