« Sous ses formes presque infinies, le récit est présent dans tous les temps, dans tous les lieux, dans toutes les sociétés ; le récit commence avec l’histoire même de l’humanité ; il n’y a pas, il n’y a jamais eu nulle part aucun peuple sans récit. […] Toutes les classes, tous les groupes humains ont leurs récits, et souvent ces récits sont goûtés en commun par des hommes de cultures différentes voire opposées : le récit se moque de la bonne ou de la mauvaise littérature : international, transhistorique, transculturel, le récit est là comme la vie » Roland Barthes (1915-1980) écrivain et sémiologue français Extrait de Introduction à l’analyse structurale du récit, 1981, Paris Je souhaiterais remercier M. Alain Kiyindou, mon directeur de mémoire, qui m’a suivie et orientée tout le long de mon travail et Mme Claire Goutines, pour son écoute et sa disponibilité. Merci également à M. Sébastien Durand, conseiller en communication et spécialiste du storytelling, qui a eu la gentillesse de me faire partager son expérience. Enfin, je tiens à remercier ma famille et mes amis pour leur soutien et la pertinence de leurs observations et remarques. Sommaire INTRODUCTION ---------------------------------------------------------------------- 9 TROIS FACTEURS CLE EN SYNERGIE CONTRAINTE OU SPONTANEE, MAIS EVOLUTIVE : PUBLICITE, LUXE ET CONSOMMATEURS ------------------------------ 11 Histoire de la technique publicitaire : la nécessité d'adaptations permanentes ------- 12 Le marché du luxe : un secteur multiple, dont la parfumerie, entrée de gamme économiquement irremplaçable ------------------------------------------------------------------------ 18 Entre responsabilité, morale et éthique : un consommateur français difficile ----------- 24 Bilan de la première partie --------------------------------------------------------------------------------- 29 UN VECTEUR D'EMOTIONS (TROP ?) EFFICACE : LE STORYTELLING --------------- 31 Le récit inscrit dans les modes de communication publicitaire de la dernière génération ------------------------------------------------------------------------------------------------------- 32 Le storytelling, pour créer du rêve sur toutes les marques riches d'histoire ou à enrichir ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ 39 Des mythes sublimes au service de marques sublimes du luxe : preuve par l'analyse 43 Bilan de la deuxième partie-------------------------------------------------------------------------------- 53 LA PRATIQUE DU STORYTELLING : METHODOLOGIE, ADN ET REALISATION ------ 55 L'ADN original d'une marque servi par des modes classiques de narration -------------- 56 Kenzo et Flower by Kenzo : une marque et une communication originales sans storytelling -------------------------------------------------------------------------------------------------------- 61 Dans la continuité : proposition d'un scénario pour plus d'émotion et la création du mythe Kenzo ----------------------------------------------------------------------------------------------------- 67 Bilan de la troisième partie --------------------------------------------------------------------------------- 72 CONCLUSION GENERALE ---------------------------------------------------------- 73 BIBLIOGRAPHIE --------------------------------------------------------------------- 77 Ouvrages --------------------------------------------------------------------------------------------------------- 77 Presse --------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 78 Mémoires --------------------------------------------------------------------------------------------------------- 78 Rapport officiel ------------------------------------------------------------------------------------------------- 78 Newsletters ------------------------------------------------------------------------------------------------------- 79 Colloque et conférence ------------------------------------------------------------------------------------ 79 Cours --------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 79 Dictionnaire ------------------------------------------------------------------------------------------------------ 80 WEBOGRAPHIE --------------------------------------------------------------------- 81 SOURCES ---------------------------------------------------------------------------- 82 Entretien ----------------------------------------------------------------------------------------------------------- 82 Cours --------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 82 LEXIQUE ----------------------------------------------------------------------------- 83 TABLE DES ILLUSTRATIONS ---------------------------------------------------------- 85 TABLE DES TABLEAUX --------------------------------------------------------------- 86 TABLE DES MATIERES ---------------------------------------------------------------- 87 Avant propos Avant de commencer mon travail, je souhaite ici clarifier quelques points et établir certaines limites de mon mémoire. Tout d’abord, je regrette de n’avoir pu faire de questionnaires, pour connaître l’avis de consommateurs, leur ressenti et leur niveau de connaissance du storytelling. Ensuite, j’ai pris la décision de tenter de recueillir l’avis de professionnels. Finalement on ne m’a accordé qu’un seul entretien, de qualité, qui m’a tout de même éclairée et orientée dans mon raisonnement. Ensuite, je souhaiterais mettre en avant la polyvalence du sujet de mon mémoire. Par polyvalence, je veux dire que mon mémoire n’est pas uniquement centré sur la communication. J’aborde non seulement des notions de marketing car ces notions sont selon moi indispensables à la compréhension des actions de communication étudiées ici, mais aussi, j’ai choisi de développer de façon non négligeable, des parties dans un domaine précis de la communication, celui de la publicité. C’est donc sur ces trois domaines que se sont déroulées mes recherches. Pour le scénario que j’ai créé, j’ai pris le parti de donner uniquement des directives, avec certes quelques détails, qui permettent de comprendre l’orientation et l’esprit de la communication souhaitée, mais sans aller plus loin, puisque les détails plus précis restent du domaine du créateur publicitaire. Car si j’ai choisi d’axer mon mémoire sur la publicité, je sais que je n’en maîtrise pas pour autant les talents créatifs et les notions théoriques complètes pour créer un spot publicitaire de A à Z. J’ai surtout effectué le travail en amont, c’est à dire, les recherches marketing, pour ensuite créer cette action de communication, et décider des idées à suivre. Pour continuer, je souhaite mettre en avant le fait que ce mémoire m’a obligée à m’ouvrir à une spécialité que je n’avais jamais eu l’occasion d’appréhender. Même si c’est ce qui en a fait sa complexité, cela est aussi sa richesse. Pour finir, je dirais que l’intérêt majeur de ce mémoire réside dans son sujet : le storytelling. C’est une technique de publicité récente, qui n’a pas encore eu l’occasion d’être traitée à l’I.U.T. Michel de Montaigne, et qui ne fait pas non plus l’objet de beaucoup d’écrits (universitaires). . Introduction Depuis le début de ma formation à l’I.U.T., je porte un œil nouveau sur les actions de communication qui m’entourent. En fin d’année 2010, j’ai remarqué la récurrence de spots publicitaires télévisés se rapprochant de courts-métrages dignes de productions Hollywoodiennes. Une publicité en particulier a suscité mon attention : celle du parfum Dior Homme commanditée par Dior dans laquelle on retrouve notamment l’acteur Jude Law. Intriguée, je me suis questionnée sur ce qui faisait que cette publicité me semblait particulière. Les premières remarques que je me suis faites, furent la présence furtive du produit, le scénario et la réalisation particulièrement orientée « cinéma ». Dans cette publicité Jude Law incarne le personnage principal et il se retrouve comme « transcendé » par le parfum Dior. La notion de récit, d’histoire, est particulièrement présente, et on peut clairement identifier un fil conducteur et une intrigue. Ce spot était pour moi un cas atypique dans le paysage publicitaire. Or, lors d’un cours de marketing nous avions abordé le storytelling : une technique qui reprend des éléments de récit, adaptés à la publicité. Intriguée par la fascination qu’avaient suscitée ces publicités je décidai de me pencher sur cette technique. En quoi consiste-t-elle ? Pourquoi se démarque-t-elle d’un flux continu de publicités ? En quoi est-elle efficace ? Est-elle adaptable à tous les produits ? Pour la délimitation de mon sujet de mémoire, une idée me tenait à cœur : celle de développer mon travail autour de la notion du luxe. En effet, je suis très intéressée par ce secteur particulier, ses évolutions, et ses rouages. Je souhaitais approfondir mes connaissances sur ce marché, et donc l’inclure dans mon mémoire. N’étant ni cliente régulière, ni occasionnelle, du luxe, je voulais comprendre les dynamiques des consommateurs et surtout pourquoi les individus aspirent à détenir des biens de luxe ou issus d’une marque de luxe. Après quelques recherches, j’ai observé que les marques de luxe communiquent presque essentiellement pour les parfums, à l’image de Chanel par exemple. Or, leur domaine d’activité s’étend à d’autres secteurs comme le textile ou la maroquinerie (entre autres). Pourquoi cette exclusivité dans leur stratégie de communication ? Les contradictions liées au monde du luxe m’intriguent. Comment les marques de luxe réussissent-elles à communiquer via des médias de masse à destination du grand public, tout en continuant à revendiquer leur élitisme et la culture du Beau ? 9 Or, Dior étant une marque de luxe, est soumise à ces mêmes problématiques. Ainsi par rapprochement, je me suis demandée en quoi le storytelling permet-il d’être plus proche du grand public tout en conservant des valeurs propres aux marques de luxe ? J’ai décidé de traiter cette problématique en prenant pour exemple le cas des parfums. Lors de mon analyse, j’ai tenté de démontrer que le storytelling est certes une méthode très appropriée à la communication des marques de luxe, mais que plus généralement, cette pratique permet de « sublimer » toute marque qui possède des fondations intéressantes sur lesquelles peuvent se baser des histoires. Dans ma première partie, je développerai les notions clés que sont la publicité et le luxe. D’abord, j’aborderai l’histoire de la publicité et les différentes techniques de communication publicitaire, dans le but de cerner le champ publicitaire français. Ensuite, j’étudierai l’évolution du marché du luxe, son état actuel et les cibles visées. Enfin, je verrai les dynamiques qui guident les entreprises de divers secteurs ainsi que le comportement des consommateurs pour mieux comprendre les actions de communication qui sont menées aujourd’hui. Suite à cela, j’aborderai le storytelling à proprement parler. Je le confronterai aux méthodes publicitaires exposés dans la première partie de mon développement afin de mettre en exergue le potentiel du storytelling par rapport à celles-ci. Puis, j’aborderai l’usage du storytelling dans les différents secteurs d’activités pour montrer son intérêt dans la consommation de masse. Enfin, le storytelling à destination des marques de luxe sera évalué. Il s’agit dans cette deuxième partie de mettre en évidence les spécificités du storytelling du luxe en le confrontant à son utilisation pour des produits de consommation courante. Enfin, dans ma troisième partie, le travail prendra une direction plus pratique, plus professionnelle dans laquelle j’ai tâché de mettre en application une démarche marketing pour évaluer les besoins d’une marque. Je prendrai un exemple de publicité de parfumerie d’une marque de luxe qui n’utilise pas le storytelling. Après analyse de son contenu, je proposerai une ligne directrice et un scénario pour adapter le storytelling au spot originel dans l’objectif d’élargir et d’enrichir éventuellement la communication de la marque. 10 Trois facteurs clé en synergie contrainte ou spontanée, mais évolutive : publicité, luxe et consommateurs Cette partie est composée de trois sous parties. Dans la première, il sera fait un résumé de l’histoire de la publicité en France, pour pouvoir mieux comprendre son fonctionnement aujourd’hui, et les différentes techniques publicitaires présentes dans le champ médiatique français. Ensuite, j’analyserai le marché du luxe d’hier à aujourd’hui, en pointant du doigt les spécificités du secteur de la parfumerie, la cible et les évolutions de ce secteur. Enfin, c’est le comportement des consommateurs, pour mieux comprendre les dynamiques qui les poussent à consommer, et les attirent vers telle marque ou tel produit, qui sera appréhendé : d’abord une évolution générale de ce comportement, ensuite les comportements spécifiques liés au secteur du luxe et de la parfumerie. Tout ceci sera fait dans le souci de contextualiser mon sujet et de pouvoir analyser au mieux le storytelling. 11 Histoire de la technique publicitaire : la nécessité d'adaptations permanentes Histoire de la publicité, évolutions Étymologiquement parlant, le terme publicité signifie « rendre public ». De l’Antiquité grecque à aujourd’hui, la « publicité » a toujours été présente sous différentes formes. La première définition en France apparaît en 1689 : « action de porter à la connaissance du public »1. C’est cependant depuis la deuxième moitié du XIXème siècle que la publicité est apparue telle que nous la connaissons. C’est en corrélation avec la naissance de notre économie moderne que la publicité a réellement pris son sens. Avec l’apparition et l’augmentation de la production des biens de consommation courante, les acteurs économiques en concurrence ont vu pour la première fois de réels enjeux à communiquer vers les masses. Le Petit Robert la définit comme l’ « ensemble des moyens de communication destinés à faire connaître un bien, un produit ou un service, et à inciter le public à l’acquérir, par un moyen de communication de masse »2. Alors la publicité n’a fait qu’accroître et évoluer au rythme du développement des médias de masse, tel que l’affichage, la presse, la radio, ou encore la télévision apparue en fin des années 1960. Pendant longtemps, le modèle de Shannon et Weaver, selon lequel l’émetteur transmet son message à un récepteur par le biais d’un canal a prévalu. La communication de ce message étant donc contrôlée par l’émetteur, fut plus ou moins convenable. Mais l’apparition récente d’Internet a changé du tout au tout l’utilisation de la publicité et surtout la relation émetteur/récepteur. Il a fallu et il faut donc s’adapter, évoluer, et créer un système marketing toujours d’avantage basé sur le relationnel entre le produit et/ou la marque et le client. Bien que le but de toute campagne de communication publicitaire reste au fil du temps le même, vendre, les techniques évoluent pour s’adapter et rester performantes. Seule constante, les publicités font appel à la fois à notre raison et à nos émotions, mais de manière plus ou moins prononcée, dans des ratios très fluctuants, depuis le début de la « réclame » en 1930. Par contre, le sujet principal des publicités n’a cessé de changer depuis le début des années 1980. Nous sommes passés d’une publicité ayant pour centre le 1 Arnaud DE BAYNAST, Jacques LENDREVIE, Publicitor, Paris, Dunod, 2008, p102 2 Ibid. 12 produit, à une publicité qui met en avant la marque (brand image) puis à la mise en exergue de l’histoire de la marque (brand story)1. Finalement, on peut constater que l’on s’éloigne de plus en plus de la réalité de l’objet, et les marques offrent aux consommateurs un spectacle publicitaire. C’est pourquoi en vingt ans, on est passé de scénarios réels, à des scénarios irréels de plus en plus prisés. L’étude de l’évolution des différentes techniques de création publicitaire permet de préciser et comprendre le pourquoi de ces changements. La copy strategy A l’origine de la copy strategy, nous trouvons l’USP (Unique Selling Proposition)2 qui est une technique utilisée de 1930 jusqu’aux environs de 1980. L’idée de vente résulte d’une proposition que la marque doit faire aux consommateurs. C’est de cette idée principale que la copy strategy est née. C’est une base de travail qui s’élabore en cinq temps. Tout d’abord, il est nécessaire pour l’entreprise de cibler les individus en fonction du produit. Ensuite, second temps, il faut définir les objectifs que doit atteindre cette campagne de communication publicitaire (c’est à dire augmenter la notoriété du produit - ou de la marque -, améliorer l’image, et influer sur le comportement du consommateur qui devra opérer l’acte d’achat). C’est à la troisième étape que nous retrouvons l’idée de l’USP. Il faut faire une promesse à la cible, en se différenciant de la concurrence, mais conforme à la valeur ajoutée du produit. Dans l’étape suivante, il faut démontrer l’existence de cette valeur ajoutée. Et enfin, il faut trouver le ton de communication adéquat à la publicité en rapport avec son produit (humoristique et démonstratif par exemple). C’est sur cette base que les créatifs peuvent élaborer une stratégie. Cette méthode, si elle est utilisée seule, connaît certaines contestations dès 1970 (l’uniformisation des messages publicitaires finit par les rendre banals aux yeux des consommateurs). Cependant, elle permet de garder une ligne directrice dans le travail, et même si elle est quelque peu dépassée aujourd’hui, elle reste une base indispensable pour élaborer une publicité. Cette méthode s’inscrit avec le courant motivationniste 3 qui 1 Christian SALMON, Storytelling, Paris, La Découverte, 2007, p18 2 Publicitor, Op. Cit. p206 3 Marie-Claude VETTRAINO-SOULARD, Luxe et publicité, Paris, Retz, 1990, p9 13 apparaît dans les années 1950 en France, car elle a pour but de motiver les individus à acheter. La star strategy La copy strategy est remise en question, car la société change et que cette technique ne répond plus aux attentes des consommateurs. Pour Jacques Séguéla, théoricien de la star strategy, le défaut de la copy strategy est que cette méthode « vend le produit comme un produit »1. En effet, avec le progrès social, les objectifs ont changé. Tous les individus ont en leur possession les biens de consommation de base, il faut maintenant leur donner envie de renouveler l’achat. Cela doit passer par la valeur d’image, et non plus d’usage. C’est pour cela que cette stratégie, pensée dès 1968, mais réalisée au début des années 1980, met en scène une star en situation d’utilisation ou de recommandation du produit, non dans le but d’associer marque et star, mais dans un but de personnifier la marque, avec physique et caractère, de telle sorte que le client se l’approprie ou s’identifie à la personnalité de la marque. Il faut comprendre par là que le but est de faire de la marque une star, de la valoriser, pour la faire sortir de l’anonymat, comme le client qui y adhère, dévoilant ainsi sa personnalité. La mise en scène de la star, qui est là pour aider à donner un physique à la marque, présente un risque : il ne faut pas que la star occulte le produit et la marque. Le consommateur après visionnage de la publicité doit se remémorer la marque et son produit vecteur, dont la valeur propre doit avoir augmenté. Jacques Séguéla passe ainsi d’une communication axée sur le produit, à une communication de marque. Le « Who, what, what » Le « Who, what, what »2 est une autre méthode étudiée pour pallier aux défauts de la copy strategy, pensée dans les années 1980 par l’agence Young & Rubicam. En cette période de crise, il s’agit de bien gérer sa communication. Et pour ce faire, cette méthode s’articule en trois temps. Tout d’abord, il s’agit de mieux cibler. Ensuite d’analyser la perception que les consommateurs ont de la marque, et enfin, de connaître quelle image nous voulons que 1 http://lafindesidees.com/2009/01/13/segala/, consulté en avril 2011 2 Publicitor, Op. Cit. p207 14 les consommateurs aient de la marque dans le futur. Cette stratégie met au centre de sa communication la marque. Elle commence également à s’intéresser un peu plus en détail aux consommateurs eux-mêmes. L’Insight Particulièrement adaptée aux nouveautés, ou du moins à de nouvelles versions améliorées d’un produit déjà existant, cette technique se focalise encore une fois un peu plus sur le consommateur, en cernant ses besoins. L’ insight consommateur met le doigt sur ce qui fait la lacune de l’existant grâce au ressenti des consommateurs. On montre alors comment le produit comble cette lacune. La communication est donc ciblée sur les attentes du consommateur et l’acte d’achat devient nécessaire. Cette technique est encore aujourd’hui d’actualité car elle est basée sur l’écoute des consommateurs. Elle nécessite des produits présentant une vraie valeur ajoutée. La disruption La disruption, en français, « faire une rupture », est née en France au début des années 1990. Le monde bouge de plus en plus vite, et il faut donc être mobile, et savoir s’adapter. Cependant il ne faut pas tout modifier, il y a du bon à prendre dans chaque marque et entreprise. Jean-Marie Dru, théoricien de cette méthode qu’il a appliquée au travers de son agence de communication BDDP, et ensuite TBWA, définit cette méthode comme « un catalyseur d’imagination, un guide qui ouvre de nombreux chemins, une méthode qui permet de renverser les perspectives, un processus qui donne un souffle nouveau aux marques, une solution de rechange à l’uniformisation de la pensée. En un mot, la disruption est un agent de changement. »1. Cette méthode s’élabore en trois temps. Il faut dans en premier lieu analyser toutes les conventions, les jugements et les normes, le but étant dans la deuxième partie d’aller à l’encontre de ces conventions, de faire une rupture, ce qui consiste à trouver l’idée disruptive, une idée créative. Mais il faut en troisième et dernier lieu recadrer cette idée novatrice en fonction du futur que l’on veut donner à l’entreprise ou la marque. Elle permet aux entreprises de se réorienter vers un chemin plus vendeur et plus proche de 1 Jean-Marie DRU, La publicité autrement, France, Gallimard, 2007, p199 15 leur identité. Il s’agit aussi bien de créer une rupture en communication externe, qu’en interne. Si en interne la rupture n’est pas assimilée, le processus ne fonctionne pas. La disruption fait évoluer la publicité de l’image de marque à la culture de marque. Cette technique de travail se veut être une méthode de différenciation. Une limite à celle-ci : peut-être n’est-il pas nécessaire de systématiquement créer une rupture à court terme ? Mais pour le moment cette méthode reste en expansion. Jean-Marie Dru a instauré des Disruption Days dans toutes les entreprises qui les ont adoptés (Pedigree, la SNCF, Mcdonalds…) et une agence de conseil Disruption Consultancy a ouvert ses portes. Cependant, cette méthode doit s’adapter aussi avec l’expansion des médias, le but étant aujourd’hui de créer du lien avec le consommateur. La Creative Business Idea Cette méthode “est une idée à propos du sens de la marque, qui impacte et transforme son business”1, instaurée par l’agence de communication Euro RSCG au début des années 2000. Cette idée a des effets sur son image, mais à terme, également sur sa compétitivité face aux autres marques du même secteur, et sur sa croissance. Il faut que la marque ait un service de grande importance : le postulat de cette théorie est de dire que la catégorie de produit est plus importante que la marque. Cette méthode met en avant le fait qu’avant toute campagne de communication il faut faire une analyse et bien comprendre les attitudes. Techniquement, cette méthode se construit grâce à trois éléments : prosumer, brand, category. C’est au croisement de ces trois éléments que la Creative Business Idea peut s’élaborer : ceci est la première étape créative de cette stratégie. Une des marques exemplaire pour cette méthode est Evian. La lovemark Kevin Roberts, président de Saatchi & Saatchi monde a constaté que de nombreuses marques dans un même secteur vendent plus ou moins le même produit, qui possèdent des capacités similaires et ne peuvent donc plus se baser sur le rationnel pour le vendre. 1 Publicitor, Op. Cit. p212 16 Sinon, cela peut être un pari dangereux et très coûteux qui peut aussi bien se révéler inefficace et vain. Il faut donc selon lui établir une relation de marque à individu comme si la marque était un autre individu. Son postulat est qu’ “une marque s’apparente à une relation amoureuse ou amicale. Une marque suscite des émotions. La plus positive et la plus forte des émotions, c’est l’amour. Lorsque le lien à la marque relève de l’amour, c’est une lovemark1”. Créer des lovemarks est selon Kevin Roberts, l’objectif des marques. Les trois composantes clés qui peuvent créer l’amour sont le mystère, la sensualité et l’intimité. Mais il faut avant tout du respect. 1 Publicitor, Op. Cit., p221 17 Le marché du luxe : un secteur multiple, dont la parfumerie, entrée de gamme économiquement irremplaçable Evolution du marché du luxe, d’hier à aujourd’hui Le luxe est une notion très subjective. Il existe autant de définitions que de philosophes, de professionnels du luxe ou plus largement d’êtres humains. Chaque individu a sa propre perception du luxe. Pour certains cela réside dans les loisirs, le luxe du temps, pour d’autres, d’avantage dans l’acquisition d’objets précieux. Cependant, on peut retrouver certaines notions qui sont indissociables d’un produit ou d’un service de luxe. Sans ordre précis, il s’agit dans un premier temps de la notion de rareté. C’est la notion qui va différencier un produit de luxe de celui de consommation de masse. Ensuite, il faut que ce produit soit d’une qualité extrême, qui se rapproche de la perfection. Un produit de luxe relève presque de l’art. Et enfin, il faut que son prix soit élevé, et reflète toutes ses qualités : l’inaccessibilité devient alors éventuellement un critère de luxe. C’est au XVIIème siècle, alors que Louis XIV régnait sur la France, que le luxe français a pris sa source. Le luxe était destiné à la cour et à l’aristocratie. De la renaissance, nous gardons pour le luxe également le développement des arts, et l’apparition des objets rares et précieux. Ce n’est cependant que lors de la deuxième moitié du XIXème siècle que le luxe prend sa forme moderne telle que nous l’entendons aujourd’hui. En pleine période industrielle, la croissance augmente, et la demande pour les produits de luxe aussi. Mais les marques se développent entre les deux guerres, c’est à dire que les produits portent souvent la griffe de leur créateur, à l’exemple de Chanel. C’est d’ailleurs au XXème siècle que la France voit se développer de nombreux ateliers dédiés à la production de produits de luxe. Le luxe français a peiné à se remettre de la deuxième guerre mondiale. Et c’est à cette époque que l’on voit apparaître de nouveaux concurrents. C’est en partie grâce à Christian Dior que le blason de Paris a été redoré, principalement au cours des années 1950. Le réel tournant dans l’industrie du luxe français a eu lieu à la fin des années 1970 et au commencement des années 1980. Jusqu'alors, les griffes vendaient leur produit directement en boutique (notion de rareté). Dans cette période, les marques et ateliers se sont transformés en 18 entreprise devant commencer à adopter des stratégies financières pour rester pérennes et conserver leur influence. Et c’est une décennie plus tard, à la fin des années 1980, que les grands groupes tels que nous les connaissons commencent à se constituer. Ces groupes rassemblent de nombreuses marques qui figurent dans des secteurs hétéroclites. Cependant, auprès de groupes conséquents, certaines marques indépendantes se suffisent à elle-même, telles que Chanel ou encore Hermès. Figure 1 : Répartition par produit du marché mondial du luxe en 2008 Source : Jean CASTAREDE, Le luxe, Que sais-je ?, Puf édition, 2010, p 61 Jean Castarède1 propose un état des lieux en 2008 : il définit les secteurs du luxe en trois cercles bien distincts. Il s’agit dans un premier lieu, au centre, de l’hyper luxe, où sont présents, entre autres, la haute couture, la joaillerie, et qui pesait mondialement environ 35,5 milliards d’euros en 2008 soit 19,7% du marché total. Le deuxième cercle se compose de tous les produits qui ont la réputation d’être chics et de bon goût, et sublimés par la marque qu’ils portent (exemples : bagagerie et prêt-à-porter). Ce « cercle » a pesé 46 milliards d’euros soit 25,6% du marché total. Et enfin, le dernier cercle, le plus accessible, sont les produits qualifiés de luxe, mais qui peuvent faire partie de la consommation 1 Jean CASTAREDE, Le luxe, Que sais-je ?, Puf édition, 2010, p61-62 19 courante. Il représente 98,5 milliards d’euros soit 54,7% de parts de marché : plus de la moitié. Ce troisième secteur dont la notion de luxe est parfois mise en doute, n’en est pas moins indispensable à la pérennité des groupes. Selon Jean Castarède1, l’industrie mondiale du luxe représenterait alors en 2008 environ 180 milliards d’euros, montant nettement supérieur à celui proposé par Eurostaf, qui semble ne retenir que les premiers et deuxièmes cercles. La définition exacte du luxe et de ses secteurs reste subjective et plus ou moins aléatoire. Avec l’ouverture des frontières des marchés, les entreprises doivent osciller entre tradition et innovation pour garder leurs consommateurs. Depuis les années 2000 2 , le marché mondial n’a cessé de fluctuer. Après un fort ralentissement de la croissance de 2001 à 2003, celle-ci a repris le dessus jusqu'à la récente crise économique de 2008 qui n’a pas épargné toutes les entreprises du secteur. Figure 2 : Le marché mondial du luxe entre 2001 et 2009 Source : Colloque présenté par BOULANGER Nicolas, Eurostaf, Le luxe français : quoi de neuf en 2010 ?, Power Point, 15 septembre 2010. 1 Le luxe, Op. cit. 2 Colloque présenté par Nicolas BOULANGER, Eurostaf, Le luxe français : quoi de neuf en 2010 ?, Power Point, 15 septembre 2010. Disponible sur : http://video.bercy.gouv.fr/upload/catalogues/dgcis/images/20100915_Industrie_francaise_du_luxe/Slides/Interve ntion%20DGCIS.pdf, consulté en février 2011 20 De 2008 à 2009, le cabinet d’étude Bain & Campany a relevé une récession de 8%. Les marques les plus puissantes ont résisté et parfois, ont connu dans le même temps la croissance. Loin des années 1990 fortes en ostentation, cette crise a contraint les marques de luxe à se recentrer sur des valeurs plus morales, plus vraies. Ainsi en 2010, une forte croissance s’est produite 1 . La crise a eu pour conséquence également des remises en question d’ordre sociologique, que nous développerons dans l’étude des comportements des consommateurs. L’industrie du luxe français représente environ 36%2 du marché mondial. Aujourd’hui, l’exportation est vitale pour le luxe en France, à l’image du Comité Colbert qui réunit 75 maisons qui font la puissance, en matière de luxe, de la France ; l’exportation, pour les marques de cette association, représente 84% de son chiffre d’affaire, lui même de 26 milliards d’euros 3 . Malgré la crise, l’industrie du luxe reste le deuxième secteur économique en France. Cette crise n’a pas été vécue en France dans tous les secteurs du luxe de la même façon, comme nous allons le voir grâce au secteur de la parfumerie. Le secteur de la parfumerie L’histoire de la parfumerie française est née au XVIIIème siècle. Nous ne pouvons citer l’histoire de la parfumerie, sans citer la maison Guerlain qui est la plus ancienne maison de parfumerie française, fondée en 1828. C’était alors une activité dédiée aux femmes de la plus haute société, comme la femme de Napoléon III, l’impératrice Eugénie, ou encore la Reine Isabelle d’Espagne. Mais c’est avec la naissance de notre économie moderne et donc du luxe tel que nous l’appréhendons aujourd’hui, que la parfumerie s’est transformée en activité industrielle. Cette évolution va de pair avec l’augmentation de la demande pour les produits de luxe. Dans les années 1950, le secteur de la parfumerie se démarqua réellement de la haute couture et devint indépendante. 1 Colloque, Le luxe français : quoi de neuf en 2010 ?, Op. Cit. 2 Le luxe, Op. Cit., p62 3 http://www.comitecolbert.com/internet/index.php?option=com_content&task=view&id=229&Itemid=191, consulté en avril 2011 21 Ce n’est que dans les années 1970 que le marketing dans la parfumerie est réellement apparu1, dans l’objectif de mondialiser ce secteur. C’est ainsi qu’en 1990, l’industrie de la parfumerie française s’installe en leader mondial. Malgré les crises économiques traversées, les chiffres de 2008 montrent que l’industrie des parfums et cosmétiques de luxe tient bon : le chiffre d’affaire mondial s’élève à 33,5 milliards d’euros, soit 21,2%2 de part de marché, dont la moitié environ concerne les parfums seuls. L’industrie totale française des parfums et cosmétiques compte pour quinze milliards d’euros3. On peut donc estimer (en attribuant une part de 50% aux parfums parmi cosmétiques et parfums, et 66% aux parfums de luxe parmi les parfums, taux appliqués par Jean Castarède) que la part du marché des seuls parfums de luxe français, pèse environ cinq milliards d’euros soit 33% du marché mondial. D’après la classification des secteurs du marché du luxe de Jean Castarède, les produits de parfumerie apparaissent dans le troisième cercle, les produits de luxe plus accessibles au grand public. Ce « cercle » n’est pas à négliger, puisqu’il représente 98,5 milliards d’euros dans le marché du luxe mondial. D’ailleurs, le parfum est l’illustration parfaite du phénomène nouveau qu’est la démocratisation des produits de luxe. Comme l’entend Gilles Marion4, la démocratisation est due à l’extension de la gamme de produits qu’offrent désormais les marques de luxe : les parfums en font partie. Ils deviennent des produits de consommation de masse, mais qui sont sublimés par la marque de luxe qui les institue. De plus, « le parfum est le moyen privilégié pour faire partager les valeurs d’une maison. »5. De la sorte, si un individu fait l’acquisition d’un parfum Dior, « [il] fait l’acquisition d’une sorte de “pont” entre sa vie quotidienne et le monde de Dior »6 Le parfum est à la frontière entre luxe et consommation courante. Il est accessible financièrement, et représente et condense toute les valeurs luxueuses de sa marque. 1 Jean-Claude ELLENA, Le parfum, Que sais-je, Puf édition, 2010, p84 2 Le luxe, Op. Cit., p61 3 Ibid. 4 Gilles MARION, “Objets et marques de luxe”, Le luxe : essais sur la fabrique de l’ostentation, Paris, Edition du Regard, 2005, p296 5 Ibid. 6 Ibid. 22 La cible de la parfumerie Pour ces raisons, la cible du secteur de la parfumerie est très large. Pour les biens de haute couture, les clients ne sont que de quelques milliers… pour la parfumerie, ils sont des millions. Plus d’un français sur deux a acheté une marque de luxe au cours des douze derniers mois1. Il s’agit donc à la fois d’englober les consommateurs habituels du luxe, et occasionnels, issus de la classe moyenne. C’est d’ailleurs depuis les années 1970 que la tendance s’est confirmée : le marketing dans la parfumerie a transformé des produits élitistes, en produits qui se conforment aux attentes des consommateurs de la classe moyenne. La cible est donc large mais choisie. Elle ne se segmente plus par catégorie sociale, mais d’avantage par les seuls moyens financiers des individus et groupes d’individus. En marketing, les désirs et attentes des consommateurs sont étudiés fréquemment. D’après une enquête2 réalisée dans sept pays composant les plus gros marchés du luxe, soit les Etats-Unis, le Japon et 5 pays Européens (dont la France, l’Italie entre autres), les acheteurs réguliers de produits de luxe (c’est à dire au moins quatre marques de luxe dans les douze derniers mois) représentent 10% des populations étudiées. Et ces 10% représentent 50% des achats totaux. Le pourcentage des acheteurs occasionnels (soit trois marques tout au plus acquis ces douze derniers mois) varie, mais passe de 25% en Espagne, à 38% en Italie. Et ces acheteurs occasionnels représentent aussi également 50% des achats. Il s’agit donc ici de cette nouvelle cible à engager (relativement jeune). Pour le groupe des acheteurs réguliers, il faut faire en sorte qu’ils gardent une totale confiance dans la marque et ses produits, malgré sa démocratisation. Pour ce faire, il faut mettre en place une stratégie de communication particulière. 1 http://aesplus.net/La-communication-de-luxe.html, consulté en mars 2011 2 Gilles MARION, Le luxe : essais sur la fabrique de l’ostentation, Op. Cit., p294 23 Entre responsabilité, morale et éthique : un consommateur français difficile Les français face à la publicité Tableau 1 : Perception de la publicité par les français 2004 2007 Publicité envahissante 74% 79% Publicité plus banale 57% 65% Publicité agressive 54% 58% Publicité dangereuse 49% 51% Source : Valérie SACRISTE, “Les Français et la publicité, une longue tradition de contestations”, La publicité d’aujourd’hui, Paris, L’Harmattan, 2009, p13 Ce tableau montre que l’opinion des français a évolué en trois ans, défavorablement. Et paradoxalement, les français sont les européens les moins soumis à la pression publicitaire : la publicité représente par an et par habitant 175€ alors que pour un anglais, elle représente 236€1. Mais ce phénomène n’est pas récent, ce n’est que la suite logique d’une « longue tradition de contestation »2 En effet, dès l’apparition de la publicité, soit à la fin du XIXème siècle, et plus précisément aux débuts de la réclame, en 1930, les français la voient d’un mauvais œil et ne lui font guère confiance. En 1930, l’élite culturelle s’impose et décrète que la publicité n’est pas digne et représente la perversion culturelle. Cette élite, composée à l’époque d’intellectuels et d’artistes, aujourd’hui composée également de professeurs entre autres, a toujours méprisé la publicité. D’ailleurs encore aujourd’hui, l’élite contemporaine rejette la publicité, car 45% des individus qui se déclarent être opposés à la publicité sont issus des catégories des cadres et des professions intellectuelles supérieures. 1 Valérie SACRISTE, “Les Français et la publicité, une longue tradition de contestations”, La publicité d’aujourd’hui, Paris, L’Harmattan, 2009, p17 2 Valérie SACRISTE, La publicité d’aujourd’hui, Op. Cit. p13 24 L’influence de l’élite culturelle était telle que même les hommes politiques lui étaient défavorables, aussi bien à droite, qu’à gauche. Bien qu’ils n’aient pas légiféré contre la publicité mensongère, la publicité commerciale a été interdite à la télévision jusqu’en 1 1968 . C’est à partir du premier septennat de François Mitterrand (1981), lors de la libéralisation de l’audiovisuel que la publicité a réellement pris sa place dans notre société. Et c’est sous un gouvernement de droite, en 2008, qu’une limitation de la publicité sur les chaînes publiques a été décrétée... S’ajoutent à ces groupes traditionnellement contestataires des facteurs socioculturels. Dans un premier temps, l’imprégnation forte de la culture catholique qui juge immorale le monde de l’argent, des affaires, de la luxure et prône la simplicité, conditionne les français à mépriser la publicité. S’ajoutent encore à cela, les valeurs républicaines qui montrent du doigt la bassesse et l’immoralité de la publicité qui « n’informe pas, elle vante ; elle n’éduque 2 pas, elle persuade ; elle ne s’adresse pas à l’individu citoyen, mais au moi égoïste » . Bien que soit survenu un retournement de situation dans les années 1980, les contestations ont repris dans les années 1990. 3 Aujourd’hui, 78% des français disent se méfier de la publicité . Il faut nuancer les propos, les français ne sont pas agressivement hostiles à la publicité… mais ne sont pas dupes non plus. Bref, le public français est sceptique et exigeant. Les Français et les marques Si l’on part du principe qu’une marque de luxe a une cible qui provient de la classe moyenne, il est judicieux de faire un état des lieux des marques aujourd’hui. Et la marque est en crise, due à une certaine instabilité des consommateurs. En effet, « selon la société américaine d’études de marché NPD Group, près de la moitié des consommateurs qui se déclaraient 4 fidèles à une marque en 2003 avaient changé d’avis un an plus tard » . Depuis les années 2000, les professionnels ont en effet l’habitude de qualifier les consommateurs d’ « imprévisibles », 1 Valérie SACRISTE, La publicité d’aujourd’hui, Op. Cit., p22 2 Valérie SACRISTE, La Publicité d’aujourd’hui, Op. Cit., p28 3 Arnaud DE BAYNAST, Jacques LENDREVIE, Publicitor, Paris, Dunod, 2008, p149 4 Christian SALMON, Storytelling, Paris, La Découverte, 2007, p23 25 1 d’ « insaisissables » et de « paradoxaux » . Ils sont désenchantés par les campagnes de communication basiques, et ne se laissent plus manipuler. En un mot, la publicité est décrédibilisée. Les « marketeurs » doivent donc tout faire pour fidéliser les consommateurs. Comportement du consommateur occasionnel face au luxe Tableau 2 : Enquête Ipsos réalisée aux Etats-Unis, Japon et cinq pays d'Europe (dont France et Italie) Un produit de luxe est un États-Unis Japon Europe De très bonne qualité 70 60 61 Très cher 62 54 71 D’une marque prestigieuse 28 65 42 produit : (en%) Source : Gilles MARION, “Objets et marques de luxe”, Le luxe : essais sur la fabrique de l’ostentation, Paris, Edition du Regard, 2005, p294 Pour la majorité de la population un produit de luxe est avant tout de très bonne qualité. On observe que la marque joue un rôle plus important au Japon qu’en Europe, et qu’aux États-Unis. Pour d’autres, les biens de luxe représentent un plaisir pour soi, ou un objet qui ne se démode pas, qui fait rêver, qui est beau avant tout et qui est de fabrication artisanale. Cette vision du luxe qu’ont les consommateurs peut paraître angélique par rapport à l’analyse de leur comportement qu’en font les sociologues : « La recherche de l’autosatisfaction, l’hédonisme, le ludisme, le narcissisme, l’imitation, la fuite en avant, la distinction 2 et un effet de rattrapage » telle est le résumé que Daniel Alleres fait du comportement du consommateur de biens de luxe dans son ouvrage sur le management du luxe. Dans cette définition relativement négative de l’acte d’achat d’un bien de luxe, le terme retenu par 1 Storytelling, Op. Cit., p24 2 Geneviève TEIL, “Les procédures de qualification des produits de luxe”, Le luxe essais sur la fabrique de l’ostentation, Paris, Edition du Regard, 2005, p153 26 1 d’autres auteurs, plus anciens cette fois, est « imitation ». Pour Gabriel Tarde , ce concept d’imitation est fondamental. Tout d’abord, sa définition du luxe est claire, pour lui est luxe tout ce qui s’éloigne du besoin et de la nécessité, et il considère le luxe d’après l’histoire de l’industrie et de l’art, l’industrie du luxe se trouvant à mi-chemin entre les deux. Le luxe est pour lui un moyen. Un homme appartenant à un groupe social veut toujours acquérir la même chose que les autres individus qui composent le groupe, voire un peu plus (par imitation), pour se rapprocher des groupes supérieurs au sien. Le produit de luxe représente un moyen de différenciation mais aussi l’inaccessibilité, pour 2 beaucoup d’individus. Pour Thorstein Veblen , qui rejoint Tarbe sur certains points, il n’existe rien de plus « désirable socialement » car l’acquisition d’un bien de luxe élève la personne. C’est sur ce comportement que s’appuie finalement la star stratégy de Jacques Séguéla dès le début des années 1980. Grâce à un niveau d’équipement d’ores et déjà satisfaisant, certains ménages ou individus se permettront d’acquérir des produits superflus. Poussé à l’excès, ce modèle a finalement permis dans les années 1990 l’apparition d’un luxe appelé communément « bling-bling ». De courte durée, ce luxe ostentatoire a eu des effets très négatifs sur la relation au luxe des consommateurs. Aujourd’hui les consommateurs traditionnels « reviennent à une attitude plus conservatrice en 3 se reportant sur des marques intemporelles » . Par ricoché, même pour le consommateur occasionnel, le luxe ne doit plus être extravagant, mais avoir un sens et une éthique. Ce phénomène est aussi synonyme de crise. Même si le goût pour les marques de luxe ne diminue pas, il devient inadapté de porter des produits où les marques sont ostentatoires : « les ventes [de produits cosmétiques et parfumeries] restent stables, principalement en raison de la discrétion de ces achats » 4 Le refus du matraquage publicitaire correspond à une demande d’une publicité plus « intelligente », pour un consommateur français, toujours demandeur d’une différentiation sociale, mais plus responsable. Par nature relativement protégée des crises et accessible à 1 Jean-Philippe ANTOINE, “luxe, art et industrie. Lecture de Gabriel Tarde”, Le luxe essais sur la fabrique de l’ostentation, Paris, Edition du Regard, 2005, p119 2 Alain QUEMIN, “Luxe, ostentation et distinction. Une lecture contemporaine de la théorie de la classe de loisir de Thorstein Veblen”, Le luxe essais sur la fabrique de l’ostentation, Paris, Edition du Regard, 2005, p137 3 http://www.prestigium.com/news/mode/bilan-2009-les-metamorphoses-du-luxe-se-confirment-1257/, consulté en avril 2011 4 Ibid. 27 (presque) tous, le parfum reste une valeur sûre économiquement parlant pour les marques de luxe. Il faut dès lors créer une relation entre la marque et le consommateur occasionnel, relation équilibrée, pour accéder à un luxe plus moral et plus éthique. L’établissement de ce genre de relation permet d’élargir la clientèle occasionnelle sans perdre la clientèle traditionnelle du luxe ce qui doit être le but ultime des stratégies de communication. 28 Bilan de la première partie Cette première partie avait pour objectifs de dégager, en France, le champ publicitaire, de mieux comprendre les fonctionnements du secteur du luxe et les attentes des consommateurs. Nous avons d’abord défini ce qu’est la publicité. Cette notion est apparue telle que nous la connaissons au début de notre économie moderne. C’est à partir de cette période que plusieurs méthodes de communication publicitaire ont émergé. D’une communication basée sur l’offre de l’entreprise, nous sommes passés à une communication de la demande. Les stratégies évoluent, chaque décennie passant, de plus en plus pour satisfaire les attentes du consommateur. C’est à partir des années 1980 que la publicité prend une nouvelle direction. D’une publicité où le produit est au centre, nous passons à une communication de marque, puis à une communication d’histoire de la marque. Ces évolutions s’opèrent, mais les consommateurs français ont toujours été sceptiques par rapport à la publicité… et n’ont jamais été aussi méfiants qu’en cette période actuelle de crise. Ensuite, nous avons observé les différentes évolutions qui ont animé le secteur du luxe en France, puis plus précisément celui de la parfumerie. Le luxe a toujours été synonyme de beauté, de cherté, de savoir faire traditionnel et de produits se rapprochant de la perfection. Mais ici nous n’avons pas abordé les notions d’hyper luxe. Ce qui nous intéresse est en effet le secteur de la parfumerie, soit presque un produit dérivé d’une marque. C’est depuis les années 1970 que les marques de luxe se concentrent sur leurs parfums. L’industrie du luxe français connaît depuis les années 1980 des contraintes, telles que la concurrence mondiale et la notion de banalisation des marques luxueuses. La parfumerie représente une part importante dans le secteur du luxe. En effet, il est une porte d’entrée vers un monde inaccessible, pour des individus qui ne peuvent pas généralement s’offrir un tel produit. Le parfum est un condensé à prix accessible de toutes les valeurs de la marque de luxe. C’est pourquoi les « marketeurs » en parfumerie ciblent large : il faut garder la confiance des consommateurs habituels, réussir à fidéliser les 29 consommateurs occasionnels, et également s’ouvrir à une nouvelle cible intéressante : les jeunes. Et enfin, nous avons observé l’évolution du comportement des consommateurs. Il est aujourd’hui, tous secteur confondu instable et compliqué à prédire. Les marques doivent alors tout faire pour se définir comme marque de référence et s’inscrire dans l’inconscient collectif. De plus, le consommateur supporte de moins en moins la publicité, et il faut que les communicants agissent de manière plus subtile et intelligente, car les consommateurs ne se laissent plus berner. Le but est alors de créer une relation durable et de confiance entre le consommateur et la marque. Pour les consommateurs du luxe, les dynamiques sont restées les mêmes quoique parfois adaptées selon le profil des clients. Dès lors nous comprenons ce qui anime le comportement des consommateurs et leurs attentes face au domaine de la publicité, du luxe et de la parfumerie. Aujourd’hui, la marque et son histoire sont nécessaires à la communication d’une marque de luxe. Mais qu’est ce que le storytelling, et qu’apporte-t-il de plus aux méthodes précédentes ? Pour approfondir ma démarche, il m’a semblé intéressant d’étudier l’utilisation du storytelling pour des marques de consommation courante. Et alors s’en suivra une réflexion sur son application aux marques de luxes. 30 Un vecteur d'émotions (trop ?) efficace : le storytelling Dans ma deuxième partie j’aborderai plus en détail la notion de storytelling. Dans un premier temps, après l’avoir définie, je confronterai cette technique de communication aux méthodes étudiées précédemment pour en connaître les limites, mais également les avantages. Ensuite, pour avoir une vue d’ensemble, je présenterai comment le storytelling est utilisé dans d’autres secteurs de consommation, et avec quel succès. Enfin, je me focaliserai sur le storytelling utilisé dans le secteur du luxe et plus précisément de la parfumerie. 31 Le récit inscrit dans les modes de communication publicitaire de la dernière génération Définition Dans l’histoire humaine, « la pensée narrative s’est développée avant la pensée scientifique et logique […] La pensée narrative prédomine toujours dans les arts »1. C’est ainsi que les récits sont présents depuis la naissance de l’humanité. Des mythes ont été créés, dont les récits actuels utilisent la force, qui permettent d’appuyer un discours. Or le storytelling signifie « l’art de raconter (narrer) des histoires » 2 , appelé plus communément en France communication narrative. Le récit est utilisé en communication depuis de très nombreuses années, notamment en politique. Mais c’est dans le milieu des années 1990, que le storytelling est théorisé aux États-Unis par Steve Denning, dans le milieu du management. C’est le Narrative Turn3 : ou l’entrée dans l’âge narratif. Ce sont les marques de luxe qui, les premières, ont initié le mode de communication narrative dans leurs publicités4. Storytelling sous-entend un certains nombre de constantes dans l’histoire racontée : une intrigue : « sans intrigue, pas d’histoire, mais la version publicitaire d’un CV : un enchaînement de faits […] et encore, une intrigue ne suffit pas : il faut encore une forte dose d’inattendu, d’inconnu, d’intensité dramatique. De l’originalité, dans le fond et dans la forme »5, un héros, du sens. Le storytelling est très fréquemment employé actuellement, à cause de, ou grâce à (selon la personne qui en parle) l’explosion des nouvelles techniques d’informations et de communication. Avec l’arrivée d’Internet, la notion de culture de narration populaire et orale reprend un second souffle. Le but du storytelling en communication est d’engager le consommateur dans une relation durable et émotionnelle. La notion de rationalité n’est pas mise à part pour autant : elle n’intervient qu’en dernier lieu, la communication narrative s’appuyant sur des faits réels (« post rationalisation »). Les storytellers, à l’image de 1 Merlin DONALD, Les origines de l’esprit moderne, Paris/Bruxelles, De Boeck Université, 1999, p270 2 Djamchid ASSADI, Storytelling, France, Le Génie des Glaciers, 2009, p12 3 Christian SALMON, Storytelling, Paris, La Découverte, 2007, p9 4 Cf Annexe 9 : entretien avec Sébastien Durand, p35 5 Jean-Marc BLANCHERIE, Stéphane DANGEL, Storytelling du luxe, Editions du Desir, p145 32 Sébastien Durand, conseiller en communication et spécialiste en storytelling, nous diront qu’il est plus efficace de toucher d’abord les émotions des consommateurs avant de les soumettre à leur raison. C’est là d’ailleurs qu’il se distingue des discours argumentés : « il met en scène une vérité à travers des histoires »1. Si l’histoire racontée est fausse et/ou non éthique, la marque prend un risque. Le storytelling met en scène la marque et l’objet, mais « le lecteur est le propre auteur de sa perception »2. Selon Renaud Gassin3, directeur général de l’agence d’édition d’entreprise Creapress-BBDO, le danger réside dans le fait que la relation créée entre la marque et le consommateur est narcissique. Cela peut même narcissiser sa relation à l’autre, la publicité ne faisant ressortir que les qualités d’une personne. La réalité peut être camouflée à l’aide de cette méthode4. Le risque est de nier la réalité. Dans le cadre de la publicité, le storytelling peut avoir des effets néfastes sur la vente du produit (qui est l’objectif premier d’une publicité) si les mystifications, la mise en scène et l’histoire effacent et submergent le produit. Tout est question de dosage. La dimension technique du storytelling peut être comprise à l’aide de Djamchid Assadi5, chercheur, conférencier et professeur à l’ESC Dijon-Grenoble. Il explique dans son ouvrage que le storytelling a une dimension praxéologique, c’est à dire qu’il est un outil pour agir sur soi, sur les autres et sur les évènements. Le storytelling, à la différence des simples histoires, instrumentalise le récit pour qu’il ait un effet sur l’attitude des consommateurs ciblés. L’impact du storytelling se décompose en trois parties. La première est l’impact cognitif ou la capacité à connaître l’objet6. Cela signifie pour la technique du storytelling la nécessité d’intégrer dans la campagne de communication des éléments connus du récepteur. La seconde est le lien affectif qui lie l’émetteur (aujourd’hui la marque) et le récepteur autour d’un objet (le produit). Le storytelling engendre, met en place et crée ce 1 http://testconso.typepad.com/brandcontent/2010/04/storytelling-et-brand-content.html, consulté en avril 2011 2 Colloque présenté par Nicolas BOULANGER, Eurostaf, Le luxe français : quoi de neuf en 2010 ?, Power Point, 15 septembre 2010. Disponible sur : http://video.bercy.gouv.fr/upload/catalogues/dgcis/images/20100915_Industrie_francaise_du_luxe/Slides/Interve ntion%20DGCIS.pdf, consulté en février 2011 3 Ibid. 4 Se réferer à la partie « Le secteur de la grande consommation » pour l’exemple de Nike. 5 Djamchid ASSADI, Storytelling, Op. Cit., p27 6 Le Petit Robert / Paul Robert ; rédaction dirigée par Alain REY, Josette REY-DEBOVE, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1986, p332 33 lien. Et enfin, l’aspect conatif, « qui, dans un message linguistique, est destiné à produire un certain effet sur le récepteur »1. Ici, il s’agit d’avoir un effet sur le comportement du récepteur. Le schéma behaviouriste explique d’ailleurs ce comportement par le jeu d’association stimulus/réponses : l’individu va principalement interagir avec son environnement, son milieu, sans engendrer des processus mentaux. La narration est ainsi vecteur de message. Le storytelling a un impact sur la perception que l’on a des objets mis en scènes dans ses campagnes de communication. Storytelling et marketing : la relation à la marque Comme cela pouvait se deviner dans les choix faits en matière de définition, nous nous intéressons dans ce travail seulement au storytelling en marketing et communication. La renaissance de la narration n’est pas seulement due à la présence de nouveaux médias, mais elle est aussi et surtout la conséquence de l’évolution du marketing. Le récit aujourd’hui est une part intégrante de la pratique de la publicité. Seth Godin, qui est l’inventeur du marketing viral aux États-Unis va même plus loin, en annonçant que « le nouveau marketing a pour but de raconter des histoires, et de non concevoir des publicités »2. Rappelons les trois âges clés du marketing3. Le premier est l’âge de Ford, où le produit était le moteur de la consommation et de la communication. Vint l’âge de la marque, quand le marketing de l’offre s’est transformé en marketing de la demande, à l’image de l’entreprise Sony. Enfin, nous trouvons l’âge des histoires, en d’autres terme, l’âge que nous vivons actuellement. « Bien sûr, les entreprises n’ont pas attendu l’an 2000 pour raconter les histoires que les consommateurs ont envie d’entendre. Mais ce qui est inédit, c’est la systématisation de cette technique dans les grandes success stories des entreprises actuelles »4 nous dit Sébastien Durand. Pour preuve relevons les exemples de Nintendo ou Apple, pour n’en citer que quelques uns. Ce qui est caractéristique, c’est le fait d’appliquer le storytelling aux marques. Face à une 1 Le Petit Robert, Op. Cit. p355 2 Christian SALMON, Storytelling, Paris, La Découverte, 2007, p21 3 Sébastien Durand Conseil, L’âge du storytelling ne fait que commencer, Newsletter Fevrier 2009, consulté en avril 2010 4 Ibid. 34 crise de confiance des consommateurs envers les produits et les logos, il faut vendre un contenu, une expérience, plutôt qu’un discours et une promesse explicite. Pour Sébastien Durand, « Le storytelling, c’est utiliser le pouvoir émotionnel des histoires pour créer un lien avec les consommateurs qui aujourd’hui sont devenus très méfiants face au produit, au marketing et au logo. Un logo n’est plus suffisant pour créer l’envie, il faut que la marque véhicule des émotions »1 C’est en cela que le storytelling se différencie des autres méthodes2 : il fait parler les marques, et impose une dynamique émotionnelle. Au début des années 1990, si les marques ne se portent pas bien, c’est que les habitudes de martèlement de la marque ou du slogan (technique utilisée à outrance jusqu’aux années 1980) détruisent l’image de la marque. Le secret réside alors dans l’équilibre : il faut garder une certaine influence sans être omniprésent dans le champ médiatique. Heureusement, la marque, malgré les méfiances, reste une garantie de sécurité et de qualité. Même si on observe un manque de stabilité dans les comportements de consommation des individus, dans l’inconscient commun, la marque limite relativement le risque lors de l’achat. Pour conserver et augmenter ce reste de capital confiance, les marques se doivent aujourd’hui de créer une relation, une conversation avec les consommateurs. Et le but de toute communication est que cette relation dure dans le temps. Pour cela, sont d’ailleurs privilégiés les médias de masses, comme la télévision et Internet. L’idée aujourd’hui est donc d’appréhender la marque en tant que personnage qui entretient une relation avec le consommateur. La marque leur raconte des histoires. Selon Ashraf Ramzy, mythmaker, « les gens n’achètent pas des produits mais les histoires que ces produits représentent. Pas plus qu’ils n’achètent des marques, mais les mythes et les archétypes que ces marques symbolisent »3. Aujourd’hui, la marque est devenu un récit, les campagnes publicitaires sont des séquences narratives et les consommateurs une audience. Mais en ces temps de crise, l’utilisation de récits basés sur des connaissances communes rassure et conforte les consommateurs. Cependant, il faut savoir manier la nostalgie avec brio également. Sébastien Durand la nomme plutôt la « néostalgie »4 ou nostalgie positive : il s’agit de faire 1 Cf annexe 9 : entretien avec Sébastien Durand, p35 2 Cf partie I 3 Christian SALMON, Storytelling, Op. Cit., p32 4 Sébastien Durand Conseil, L’ABC du storytelling, Newsletter Février 2010, consulté en avril 2010 35 référence à des éléments passés tout en continuant à avancer. Il ne faut surtout pas s’appuyer totalement sur un passé idéalisé. Une marque doit être dynamique dans le présent, et continuer à l’être dans le futur. Une méthode de communication parmi les autres Le storytelling serait-il la solution universelle ? En communication, il n’existe surtout pas de solution définitivement assise. Parmi les risques, comme le note si bien Sébastien Durand, la lassitude : si toutes les marques utilisent ce mode de communication, il perdra en efficacité1. Trop d’histoires, utilisant les mêmes codes ou valeurs communes pourraient être jugées comme une déclinaison répétitive d’une technique de manipulation. Finalement, un spot publicitaire bref, plaisant, léger, avec un message clair et concis, de type insight par exemple, pourrait finir par être le seul retenu au milieu de récits, certes bien construits mais un peu lents et tous empreints des mêmes codes et références mythologiques…Surtout, chaque marque y perdrait la différentiation qu’elle aurait essayé de créer. Une dévalorisation peut venir aussi d’usages à contre emploi, car le storytelling n’est pas efficace pour toutes les problématiques d’entreprises et campagnes de communication. Citons le low-cost, en particulier, qui n’est pas un domaine d’action du storytelling car en effet, la seule promesse que tiennent ces entreprises, à savoir vendre ses produits et/ou ses services moins chers que les autres, se suffit à elle-même. A l’exemple de Ryanair qui propose des prix les plus compétitifs et de Air France qui nous fait la promesse d’une expérience de vie remplie d’émotions : “faire du ciel le plus endroit de la terre”2. D’autre part, la justesse de la narration et la pérennité du discours narratif doivent obligatoirement s’asseoir sur une base vraie. Le mensonge serait faire prendre un risque et faire vivre une période de crise à la marque… à cause des informations qui circulent rapidement sur Internet. Rappelons la mésaventure de la marque Louis Vuitton accusé de mensonge car son histoire laissait à penser que leurs sacs à main étaient encore fabriqués artisanalement, ce qui n’est plus le cas… La marque, en Angleterre, a du retirer une campagne de communication entière, pourtant esthétiquement très réussie (inspirée des tableaux de Vermeer) sur ordre de l’Autorité de régulation de la Publicité3 ; Le storytelling est finalement 1 Cf Annexe 9 : Entretien avec Sébastien Durand, p35 2 Sébastien Durand Conseil, Les limites du storytelling, Newsletter Novembre 2010 3 Ibid. 36 un mode d’expression, créatif, plus ou moins adapté au type de méthodologie publicitaire envisagé. Il fait partie intégrante du brand content, dont il est quasi indissociable, mais néanmoins n’est qu’une partie d’un mode de communication global. Parmi toutes les méthodologies publicitaires citées en première partie on peut distinguer deux groupes : l’un parfaitement compatible avec l’idée générale du storytelling, et l’autre, qui paraît peu conforme au champ d’application du storytelling. Jacques Séguéla, théoricien de la star strategy s’exprime sur le storytelling et énonce : «Autrefois, la création publicitaire reposait sur un matraquage intensif. Aujourd'hui, elle émet des vibrations qui se propagent comme des ondes circulaires.»1 L’idée, qui domine depuis les années 1980, de vouloir réitérer les actes d’achats des consommateurs, est l’idée sur laquelle se rejoignent ces deux méthodes. Cependant, aujourd’hui les consommateurs demandent plus, que de voir une marqué valorisée. Le consommateur veut en plus qu’on lui raconte une histoire. La star stratégy atteint parfois ses limites par rapport au public qui attend encore d’avantage de la marque. En revanche, il n’est pas rare d’observer la star strategy mêlée au storytelling. Par exemple, Nespresso semble avoir trouvé le duo gagnant : la capsule de café utilisée par George Clooney est sublimée et élevée à un rang plus important que la valeur du produit ne l’est vraiment, jusqu’à atteindre une valeur luxe qui n’est pas une valeur de sa marque fondatrice (Nestlé), et ce, grâce à l’efficacité conjointe d’un récit bien construit, et d’une star particulièrement bien employée. Quelque part, la méthode de disruption transcende le storytelling... L’entreprise peut aussi bien, choisir le storytelling pour sa campagne de communication « rutpture », qu’une autre, suivant ses objectifs. Mais cette méthode fonctionne pour des marchés qui sont concurrentiels. Pour les marques de luxe qui ne fonctionnent pas (encore) dans une dynamique de concurrence, la disruption n’est peut-être pas la plus appropriée. Le storytelling s’inscrit directement comme en symbiose parfaite avec la lovemark. La notion d’amour est peut-être un peu « forte » lorsqu’il s’agit de marques de luxe envers lesquelles un respect et une admiration, un but à atteindre doivent suffire, mais l’éthique est la même et le mode narratif est parfaitement compatible avec la lovemark. Nike est un exemple flagrant du succès de l’alliance storytelling et lovemark, à tel point que Jean-Marc Blancherie 1 Marc DI ROSA, « Les marques à l’heure du storytelling », Stratégies, n° 1559, 1 octobre 2009, p12 37 et Stéphane Dangel dans leur ouvrage le storytelling du luxe s’autorisent à considérer Nike comme une marque de luxe… A l’opposé, storytelling et insight ont des fonctions complètement différentes mais peuvent néanmoins se compléter dans le champ de la communication. Quand l’insight cherche à mettre en avant la valeur ajoutée d’un produit par rapport à un autre produit, après analyse des besoins et attentes du consommateur, le storytelling s’installe dans une démarche où la marque possède déjà des récits qui font figure de valeur ajoutée. Dans l’un, l’acheteur sera satisfait en acquérant un produit qui a une valeur d’usage supplémentaire. Dans l’autre, c’est une image, un univers que va acheter le consommateur. Le secteur d’activité de la Creative Business Idea (CBI) semble éloigné de celui du storytelling. Le CBI porte son action sur une catégorie de produit, par exemple le secteur des eaux en bouteille1, car c’est une catégorie de produit assez forte. A l’inverse du storytelling, pour faire la différence, et transcender la marque dans sa catégorie, la Creative Business Idea se refuse à aller chercher dans le capital culturel de la marque. La copy strategy, quant à elle, réunit ces deux groupes, car elle fait figure de base de travail primordiale à toutes ces méthodes, voire plus largement à tout travail publicitaire. 1 Arnaud DE BAYNAST, Jacques LENDREVIE, Publicitor, Paris, Dunod, 2008, p218 38 Le storytelling, pour créer du rêve sur toutes les marques riches d'histoire ou à enrichir Historiquement, se sont les marques de luxe qui ont initié le mouvement du storytelling dans la publicité. Aujourd’hui, les secteurs de grande consommation utilisent également le storytelling. Le secteur de la grande consommation Prenons la marque Nike, qui crée des chaussures de sport, et qui, malgré les diverses controverses qu’elle a du subir pour avoir délocalisé ses usines de production en faisant travailler des enfants, reste l’emblème d’un certain style de vie ou plutôt d’une force de vie. Nike est une marque passion 1 à qui l’on pardonne tout. Cette marque sait utiliser, en faisant fonctionner notre inconscient, l’histoire, ou plutôt le mythe sur lequel elle est basée : la déesse Niké. Cette déesse symbolisait la victoire et était surnommée la déesse aux pieds ailés2… symbole que l’on retrouve dans le logo de Nike : le swoosh. Dans toutes ses campagnes, l’on retrouve le fait que les chaussures Nike apportent la force de réussir et de vaincre dans des situations à priori désespérées, accompagné du slogan simple mais efficace : Just do it. D’un match de foot dans un cirque romain contre des guerriers fantastiques dignes de la « vallée de Mordor », du Seigneur des Anneaux, au match de tennis contre des vampires, les scénarios imaginés relèvent de ce mythe. Nespresso joue sur un autre registre dans ses publicités, celui du mythe du paradis traité ave humour : même Dieu a besoin de Nespresso. L’accès à un univers luxueux que la star (Georges Clooney) partage bon gré mal gré avec des inconnu(e)s, ou avec Dieu, s’ouvre au consommateur : d’évidence, mais subtilement, une complicité s’instaure entre la marque, son univers développé aussi dans les boutiques, la star et le produit. 1 http://lestorytelling.com/blog/2008/09/16/nike-id-pour-personnaliser-vos-chaussures/, consulté en avril 2011 2 Sébastien Durand Conseil, Les entreprises sont les grands narrateurs des temps modernes, Newsletter Septembre 2010, consulté en avril 2011 39 On perçoit donc ici comment le storytelling donne à ces marques un statut au-delà de leur valeur réelle 1 … ces marques passionnent tellement, qu’elles peuvent être considérées comme marques de luxe, s’autorisant le prix qui va avec... Coca-Cola2 lance en 2008 une publicité où l’on voit uniquement se succéder cinq bouteilles de Coca-Cola, avec une voix off qui nous raconte son histoire : « Atlanta, 1886. John Pemberton crée Coca-Cola. Pour trouver les meilleurs ingrédients, il se rend au port de commerce de Savannah. Il sélectionne les meilleurs végétaux pour concevoir sa formule secrète. Le résultat, un goût délicieux et original. Un effet unique, rafraîchissant et dynamisant, sans conservateurs ajoutés, sans arômes artificiels, depuis 1886. » Avec sa signature actuelle : « prends la vie côté CocaCola », la marque fait référence dans cette publicité à sa création, et en met en place le mythe de la formule secrète. Cela lui permet de se positionner comme le produit référence de son secteur, éloignant ses concurrents qui ne seront que des « suiveurs ». C’est donc un exemple presque parfait de début de campagne de storytelling. Toutes les publicités suivantes s’appuient sur ce mythe de création, à partir de produits naturels. Les scénarios sont tous bâtis sur le même principe : une scène de vie ordinaire, voire un peu ennuyeuse, et la boisson révèle des trésors de surprise, des univers enchanteurs de vie, de nature, de plaisir, de bonne humeur, et d’innocence, que ce soit pendant la sieste en campagne sur la musique de Pierre et le Loup, dans le distributeur « magique » de boissons ou grâce au jaillissement d’une bouteille secouée pour une blague de potache. Coca-Cola créateur de bonheur plus que d’une boisson : là est le mythe savamment orchestré donnant à la marque et son produit un statut la différentiant sans effort de ses concurrents. Cependant, toutes les entreprises ne réussissent pas leur storytelling et prennent des risques peut-être non mesurés… Quand Herta, marque agro-alimentaire, met en scène dans ses campagnes de communication publicitaire des enfants qui « ne pass[ent] pas à côté des choses simples » comme le souligne Sébastien Durand, alors que ces produits sont industriels, ce géant prend le risque à tout moment de voir éclater un scandale sur son mode de production. Le terrain privilégié des contestataires est le web 2.0. Ceci risque de faire surgir des actions de communication négatives et difficilement contrôlables… comme Nestlé en a souffert avec ses produits KitKat. Le storytelling est donc utilisé par des marques de consommations courantes, le plus souvent par des marques assises, même si les plus récentes peuvent au plus vite se créer 1 Jean-Marc BLANCHERIE, Stéphane DANGEL, Storytelling du luxe, Editions du Desir, p9 2 http://lestorytelling.com/blog/2008/09/07/la-formule-secrete-de-coca-cola/, consulté en avril 2011 40 une histoire. Et ces marques de masse ont vite vu l’effet « fidélité » que le storytelling faisait perdurer chez ses consommateurs. Néanmoins, la vérité doit être la base de construction de toute campagne de storytelling. Jouer avec les émotions, les valeurs communes des mythes, est une source très constructive du storytelling. Mais tomber dans la manipulation par des thèmes éloignés de l’essence de la marque et du produit n’est pas dans l’éthique et le domaine d’efficacité du storytelling. Problématique des marques de luxe Si les marques de luxes ont été les pionnières en terme de storytelling, c’est tout simplement parce qu’il n’existe pas (encore) de concurrence entre elles, et qu’il leur suffit pour exister d’être reconnues par l’excellence de leurs produits, et donc l’image de perfection qu’elles véhiculent et qu’elles se doivent de maintenir. Le but de la communication d’une marque de luxe est de faire rêver, d’établir avec sa clientèle, traditionnelle, nouvelle, totalement occasionnelle, et même avec une population qui ne sera pas cliente, une relation d’intimité et la certitude d’un idéal atteint. Par nature, elles sont favorisées pour l’emploi du storytelling car elles possèdent toutes une histoire sur laquelle elles peuvent et doivent s’appuyer dans leur campagne. Le storytelling est néanmoins tout à fait adapté aux marques nouvelles sur le marché du luxe, qui n’ont pas d’histoire au sens tradition, sur laquelle s’appuyer : elles peuvent utiliser le storytelling par une publicité « introduction » à son histoire future. Evidemment et même encore plus, comme cela a été dit pour les marques de consommation courante, l’histoire doit toujours être basée sur des faits réels. Nous pouvons dès lors nous demander si le fait que le storytelling soit employé par les marques de grande distribution pose un problème : comment deux mondes si différents peuvent-ils communiquer selon le même mode ? Les marques du luxe ne devraient-elles pas quitter ce mode de communication pour ne pas se mêler à la masse de la consommation courante? Tout d’abord, le luxe a été dans son rôle, car il a été en effet initiateur d’un mode de communication et a été ensuite imité dans sa technique innovante de communication : c’est le principe même du monde du luxe d’être envié et imité (sans parler de la contrefaçon). 41 Ensuite, il faut souligner que les marques de luxes ne communiquent via les médias de masses que, pour les parfums car le secteur de la parfumerie est particulier dans le domaine du luxe. C’est le secteur d’entrée de gamme du luxe, le seul secteur commun à toutes les clientèles du luxe, des habitués aux clients très occasionnels. Donc la catégorie de produit elle-même est marquée par cette différence, de s’adresser volontairement au grand public. D’autre part, une odeur est un sens impossible à décrire sauf par la suggestion, le ressenti et l’émotion. Le storytelling a donc une double efficacité ici : par rapport au produit et à la marque. Comme les parfums sont, en publicité, la seule voie d’entrée des marques de l’hyper luxe vers le grand public, on peut les considérer comme « les produits dérivés » de l’hyper luxe. Ainsi, dans ses publicités, la marque vend son produit, mais elle souhaite communiquer également l’image intemporelle et suprême de sa marque luxueuse dans l’inconscient collectif. Sébastien Durand illustre au travers de la marque Hermès ce propos1. Selon lui, ce n’est en aucun cas parce qu’une marque vend du parfum qu’elle abaisse son aura. On va certes raconter l’histoire un peu différemment, mais derrière, c’est la même histoire. Ces produits dérivés permettent d’ailleurs à un public (qui sinon ne le pourrait pas) de se raccrocher à l’histoire de la marque. L’idée d’une campagne publicitaire moins restrictive dans sa diffusion et dans la présence de ses produits, est, qu’une personne qui se parfume avec Hermès, si elle aime la marque, si elle s’attache à la marque, peut-être un jour, fera l’effort supplémentaire d’entrer dans une boutique et osera s’offrir un « carré Hermès ». Ainsi, suivant cette affirmation, la marque ne s’adresse pas aux individus qui figurent dans les classes inférieures, mais seulement aux classes moyennes de consommation, au moins. Un mode de communication rationnel ne peut donc pas convenir, car la classe moyenne n’a aucune raison de rentrer dans une boutique de luxe. L’hypothèse est que les raisons pour lesquelles on entre, c’est pour l’histoire que la marque véhicule, pour l’univers qui est le sien et qu’elle aime développer, qui a fait rêver le consommateur, à tel point qu’il en a fait son univers idéalisé. Donc, à l’heure actuelle, le storytelling reste le vecteur privilégié et efficace de la communication du luxe, via la parfumerie, même s’il n’est pas le seul. Quand bien même la massification du procédé présente effectivement un risque d’assimilation, nous allons voir que par les choix qui sont faits quant à la forme et au fond des histoires racontées, les marques du luxe peuvent encore réussir à se démarquer. 1 Cf annexe 9 : entretien avec Sébastien Durand, p35 42 Des mythes sublimes au service de marques sublimes du luxe : preuve par l'analyse1 Avant de commencer ces analyses et avant de dresser un bilan de celles-ci, il convient de rappeler les enjeux qui ont motivé notre démarche. Rappelons que ma problématique originelle était de mettre en évidence comment le storytelling permettait de s’adresser au grand public tout en conservant les valeurs propres aux marques de luxe. J’ai donc opté pour trois spots publicitaires issus du monde de la parfumerie de luxe. Le premier spot est celui de Chanel pour son célèbre Chanel n°5, le deuxième celui du nouveau parfum, Flora Nymphéa, de la gamme Aqua Allegoria de Guerlain et, le dernier, celui de Nina l’élixir, le dernier parfum par Nina Ricci. Ces trois spots ont été choisis parce qu’ils visent la même cible : les femmes. Ils sont tous les trois également intéressants, car se servant de la même technique de storytelling, ils utilisent des modes narratifs très différents pour raconter leurs histoires respectives. D'autre part, alors que les publicités Chanel et Nina Ricci sont diffusées à la télévision, j’ai également choisi Flora Nymphéa de Guerlain pour son mode de diffusion singulier, qui aurait pu avoir une influence sur la manière dont est racontée l’histoire. Afin d’apporter des pistes de réponse à la problématique il faut dans un premier temps mettre en exergue une éventuelle logique de storytelling en identifiant les mécanismes de cette méthode. Ensuite, dans un registre plus symbolique, je soulignerai la mise en avant (l’illustration) de valeurs propres au luxe ainsi qu’au grand public. Ce faisant, je pourrai, au final, montrer que des exemples réels de storytelling concilient luxe et grand public. Concernant les critères des analyses ils ont été subdivisés en quatre pôles : - Le premier, essentiellement technique, traite du déroulement du spot (chronométrage, nombre de transitions, plans, etc.). - Le deuxième pôle traite des éléments d’énonciation (qui parle ? Comment ?) - Le troisième porte sur les éléments de narration, c’est à dire sur les éléments de « l’histoire » (sujet, objet etc.). 1 Cf annexe 1 : vidéos des spots publicitaires, p3 43 - Enfin, le quatrième et dernier pôle, est une lecture syncrétique du spot sur la relation entre la vidéo et l’audio. Les éléments à l’intérieur de ces catégories d’analyse ont étaient traités de la même façon : aspect traité, description par rapport au spot, signification (que symbolise-t-il ?), repérage d’une caractéristique du storytelling et enfin identification des valeurs propres au grand public et celles appartenant au luxe. Chanel N°51 Chanel a demandé à Jean-Pierre Jeunet de réaliser leur dernière publicité pour Chanel n°5. Ce choix de réalisateur est révélateur de l’axe que la maison de couture voulait prendre pour sa publicité : elle se transforme vite en court métrage sur la forme. Jeunet a choisi une actrice avec laquelle il avait déjà collaboré : Audrey Tautou (Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, Un long dimanche de fiançailles). Avec une durée de 2,25 minutes en version longue, le réalisateur a décidé de casser les codes de la publicité, en proposant un réel scénario et une approche plus cinématographique. Une jeune parisienne décide de voyager seule, en train, afin de se rendre à Istanbul. Elle rencontre un inconnu à bord de l’Orient Express. Des émotions inavouées naissent entre les deux personnages. Après un chassé croisé avec l’odeur du parfum en filigrane, tout au long du film, la rencontre romantique opère. Le regard (externe) porté sur cette histoire est neutre. Le « narrateur » ne pose aucun jugement, il se contente de nous « relater » les faits et les émotions qui lient les deux personnages. En ce qui concerne le point de vue assumé par rapport au produit vendu, il est majoritairement neutre, mêlé naturellement à la vie de la jeune femme. Elle-même ne perçoit pas l’effet du parfum sur l’inconnu, effet partagé par le spectateur. Par deux fois, le parfum est mis en exergue, à la fois discrètement et clairement. Ce mode de focalisation permet au spectateur de s’intégrer dans le film comme témoin. Il se projette dans l’histoire d’amour qui nait entre les deux personnages, et peut s’identifier. La focalisation externe et 1 Cf annexe 6 : Analyse du spot publicitaire du parfum Chanel n°5 de Chanel, p8 44 neutre permet de n’exclure personne, tout en suggérant des valeurs du luxe (rêve, évasion, mystère et rareté). L’objet de cette publicité, à savoir le parfum Chanel n°5, occupe une place centrale par sa fragrance, dans l’intrigue. Mais en tant que produit, il n’apparaît furtivement que quatre fois, dont deux, à la fin, où la marque est clairement visible. Dans la première partie du film, la marque n’est pas présente, dans le but de faire appel à l’imagination des spectateurs. Même quand il est établi que le film est une publicité pour Chanel, le public reste réceptif grâce à la subtilité des informations données à propos du parfum. Ensuite, ce dernier joue le rôle de fil conducteur dans l’histoire d’amour qui unit l’homme et la femme. Il sublime la femme et lui donne un pouvoir de séduction qui envoute le bel inconnu. La fragrance est à l’origine de cette idylle. Cependant au delà du parfum, les sujets (le couple) de cette histoire sont les éléments clés de cette intrigue. Leur histoire et ce qu’ils représentent sont les principaux arguments de vente de cette publicité. La femme, féminine et indépendante, incarne Coco Chanel, son parfum et son histoire. L’homme est synonyme de passion, il est séduisant, mystérieux et assume sa part de féminité. Incarnation du désir, il est complémentaire de la femme, il se sent subjugué par le parfum. L’usage du storytelling passe par la référence au mythe du prince charmant et de l’idylle amoureuse des contes de fée (moderne). Cette même référence est une façon de viser un public large qui saura se reconnaitre dans ce mythe. A contrario, le luxe transparait dans le décor de l’Orient Express, dans la mise en scène d’une femme moderne, aisée, éduquée, appartenant à une élite, et d’un homme supposé parfait. Le matraquage publicitaire n’existe pas dans ce court métrage car ainsi, le spectateur s’investit dans l’histoire. Le contrôleur, anti-héros puisqu’il tire l’héroïne de son rêve, permet de renforcer la contextualisation de l’histoire et de souligner l’impression d’être dans un genre cinématographique. Autre élément perturbateur notable: le temps. Le fil narratif s’articule comme un chassé croisé et une course contre la montre. Il renforce le caractère éphémère et subtil des instants vécus par le couple, il symbolise aussi le hasard des rencontres dans une vie. La problématique du temps est récurrente en littérature et au cinéma, elle répond à des codes classiques de narration pour une démarche de storytelling. En parallèle l’intensité des rencontres du couple donne aux scènes un caractère précieux et envoutant propre au luxe. Le spot publicitaire se termine par un dénouement amoureux, comparable à la rencontre inéluctable entre le consommateur et le parfum, et aux inséparables deux «C» du logo de 45 Chanel. Cette fin heureuse et appuyée est une caractéristique du storytelling mais est également systématique en publicité, faisant correspondre acte d’achat et un moment euphorique. Techniquement, la durée contribue à capter l’attention des spectateurs, grâce à des plans et séquences logiques et dynamiques. Cette publicité reprend les procédés d’un film en contextualisant l’histoire dans le temps et l’espace. La photographie du film est caractéristique de son réalisateur : on retrouve une tonalité chaude, ambrée, comme la couleur du produit. Celle-ci confère au film un aspect rétro, comme un rappel des années 1950 et de l’âge d’or de Gabrielle Chanel. Cette contextualisation passe aussi par un usage des sonorités qui créent une certaine atmosphère. Notons que les personnages principaux ne communiquent pas verbalement entre eux. Tout est ressenti. Leurs actes et leurs émotions nous sont traduits par l’utilisation de la musique (lors de leur première rencontre) et de bruitages (ceux du train) qui symbolisent le trouble de la femme. Seul le contrôleur du train parle : il ne fait pas partie de l’univers des personnages, mais participe à la contextualisation de l’histoire. Rappelons que les procédés narratifs et les références cinématographiques s’inscrivent dans une logique de storytelling. Le couple Jeunet/Audrey Tautou est bien connu du grand public. De plus, la photographie du film fait directement appel à l’époque de Gabrielle Chanel, faisant quasiment partie du patrimoine français. La particularité du champ sonore et visuel confère à la publicité une certaine aura, à l’image de la marque même. Guerlain1 Guerlain a confié à Oscar B Studio la réalisation de sa publicité pour le nouveau parfum de la gamme Aqua Allegoria, Flora Nymphéa. Cette publicité se démarque des autres, de deux façons car non seulement c’est un film d’animation de 2,20 minutes, mais il est uniquement diffusé sur Internet sur un site créé par Guerlain spécialement dédié au parfum. Grâce à une technique spéciale, qui mêle animation par ordinateur et dessin traditionnel à l’encre, les studios nous embarquent dans le monde plein de poésie de Flora Nymphéa. Les transitions fondues lient suavement le tout ; le dynamisme et l’action se 1 Cf annexe 7 : Analyse du spot publicitaire du parfum Flora Nymphéa par Guerlain, p19 46 mêlent avec douceur à une dimension onirique. Avec cette vidéo, Guerlain se différencie et montre son attachement à certains savoir-faire et certaines valeurs. Tout commence à Paris, une jeune femme marche, maussade, dans la rue, tombe devant la maison Guerlain, et rencontre le parfum... Jusque là tout est plausible. C’est alors que l’abeille, symbole de la maison de parfumerie, l’emmène dans un monde enchanté. La jeune femme se transforme en Nymphe, Flora Nymphéa, mi-fée, mi-femme. Elle suit son chemin, comme si l’abeille devait la conduire quelque part. Ce chemin va la mener à la création du parfum Flora Nymphéa... Flora Nymphéa est le parfum et, de façon générale, chaque femme est à l’origine du parfum. D’un point de vue technique, les sons (musiques et bruitages) s’allient aux paroles, et représentent les sentiments et émotions de Flora Nymphéa au contact de la nature, du parfum et de cet univers. La narration est assurée par une personne extérieure, qui conte l’histoire de Flora Nymphéa. Avec sa voix douce, c’est Olivia Ruiz, chanteuse reconnue en France auprès de tous, en raison de la poésie de ses textes, qui raconte. La référence au conte fait appel aux valeurs de l’enfance communes à tout le monde. D’ailleurs, la voix de la chanteuse est enfantine. Il y a comme dans tout conte une base réelle, des métaphores et allégories pour arriver à une morale. Ici « la femme est le parfum, le parfum est vous et il vous révèlera à vous-même ». C’est un mode d’énonciation connu qui est directement lié au monde du rêve et du fantastique, qui sont également des valeurs du monde du luxe. Guerlain semble vouloir mystifier le parfum et sa création. La parfumerie fait intervenir une figure célèbre de la mythologique grecque, la Nymphe, qui est une déesse liée à la nature et protectrice de la jeunesse. Les valeurs que sont la beauté ou la jeunesse sont liées bien sûr au monde du luxe, mais elles représentent également une quête et un rêve pour toutes les femmes. Ensuite, Guerlain semble vouloir élever son parfum au rang de mythe : dans ce spot, la composition et la création du parfum sont expliquées. La maison crée le mythe. Or, les mythes font partie de nos cultures. La référence à une culture commune et à un procédé narratif récurrent dans notre Histoire, renforce l’accessibilité du produit au grand public. Malgré les apparences, le parfum est le point central du spot, puisque tout est allégorie, tout le représente. La vente n’est pas directe, le discours commercial n’est pas explicite, les arguments sont essentiellement suggérés. 47 Ensuite, en fournissant ainsi les secrets de fabrication et de composition du parfum, le récepteur est mis dans la confidence. Guerlain semble jouer la carte de la transparence tout en gardant une part de mystère grâce aux allégories. L’usage d’un savoir faire originel, de produits nobles, et d’une «recette secrète» renforce le caractère rare du parfum. En mettant le téléspectateur dans la confidence, on l’introduit dans le «cercle très fermé» des gens qui connaissent cette recette. On valorise à la fois le consommateur et le parfum. Le caractère «élitiste» qui transparait est un symbole de la tradition du luxe. Le monde dans lequel évolue Flora Nymphéa est un monde dans lequel la nature est présente en abondance, comme un jardin d’Eden. Lié au slogan de Guerlain, la nature occupe une place très importante. Elle semble s’allier à la femme pour sublimer celle-ci. La dimension naturelle, si ce n’est écologique, est une thématique dans l’air du temps. Elle peut illustrer une volonté de tenir compte des exigences de beaucoup de consommateurs aujourd’hui. Dès lors, il s’agirait d’un rapprochement vers le grand public. Le luxe n’est cependant pas oublié puisque la nature dans ce qu’elle a de plus sublime et poétique (comme le suggère le spot) est synonyme de pureté, de beauté et d’extase. Nina Ricci1 Celle publicité appelé «conte musical» par la maison Nina Ricci, met en scène une jeune chanteuse évoluant dans un rêve enchanté. L’histoire est chantée, et les 35 plans évoluent au rythme de la musique, donnant une certaine dynamique à ce clip, volontairement à la fois promotionnel de la chanteuse, et du parfum de 1,01 minutes. On n’y trouve pourtant que quatre séquences, ce qui est relativement peu. Ces séquences n’ont aucune suite logique entre elles. Celles-ci nous amènent dans des univers particuliers. De la chambre de la jeune parisienne, elle s’en va dans une forêt enchantée, vers les rues de Paris revisitées avec des cadeaux omniprésents et où nous reconnaissons tout de même la vitrine de la boutique Nina Ricci, pour finir dans un appartement typiquement parisien. 1 Cf annexe 8 : Analyse du spot publicitaire du parfum Nina L’élixir de Nina Ricci, p26 48 Tout le long du spot, Florrie chante une reprise du groupe connu Blondie, Sunday Girl. Les paroles ont été adaptées pour le spot, il s’agit alors de rêve, de pommes et de prince charmant. L’histoire est racontée en chanson et la chanson donne du sens à l’histoire... pour ceux qui comprennent l’anglais ; sinon reste la rythmique liée au déroulement du spot. Second et dernier élément sonore : le slogan du parfum à la fin, lorsque Florrie cueille la pomme, «Nina, le parfum magique de Nina Ricci». Ici, le produit devient le centre du spot et donne le sens de la publicité. Enfin, la caméra fait des travellings et suit Florrie. Nous la regardons depuis différents points de vue, comme le Chat qui surveille Alice au pays des merveilles. Et le spectateur a l’impression d’être le Chat. On observe une double position énonciative. D’un côté le spectateur est interne à l’histoire. De la sorte, il s’introduit dans le monde et le rêve du personnage, et on la suit, évoluant dans son environnement féerique. Ensuite, le personnage semble s’adresser à la spectatrice en l’appelant Sunday Girl : elle se sent directement concernée car le discours s’adresse à elle. Happée par ce conte, les évènements l’embarquent dans le monde imaginaire de Nina Ricci. Le parfum est présent tout le long du spot sous diverses formes : des pommes plus ou moins grosses par exemple, sont omniprésentes tout le long du spot, à terre ou en l’air, telles une ambiance parfumée. Mais il ne s’agit pas d’une stratégie de vente assumée, même si l’argument de vente est permanent. Le produit est mis en scène et romancé, tout comme son existence. La part de luxe de cette marque est sauvegardée car en aucun cas il ne s’agit de matraquage. Le personnage principal de ce conte musical est joué Florrie Arnold, jeune chanteuse britannique. Elle incarne la nouvelle princesse Ricci, dénomination qui est explicitement présentée, notamment avec les cadeaux dans la troisième séquence et l’univers très chic parisien. Elle porte une robe signée Nina Ricci, robe de princesse moderne et candide. Cette jeune femme enfant incarne la modernité, la féminité et la fraîcheur de son temps. Ingénue, elle est comparable à Alice au pays des merveilles ou à toute autre princesse de conte fée (La belle au bois dormant ou Blanche-Neige). D’un monde bourgeois, elle arrive dans un univers féérique, où se mêlent rêve et réalité. Les références claires mais multiples 49 aux contes de fée connus de tous et même repris par Walt Disney, permettent à chacun d’intégrer l’univers Nina Ricci. De plus, accompagnant le conte, la musique simple, type comptine, rajoute des valeurs liées à l’enfance, qui touchent tout le monde. Mais l’objet principal de la publicité reste le parfum. En forme de pomme, la princesse Nina Ricci le suit, à la manière d’Alice et du Lapin Blanc. Au début du spot, elle tente de la cueillir, mais elle s’échappe alors de sa main. Un jeu entre les deux éléments va s’effectuer, la pomme devenant objet de curiosité, et de tentation. Le conte de fée dans lequel nous transporte le parfum est directement lié au mythe d’Adam et Eve, avec le fruit défendu. Tout comme le Lapin Blanc, le produit est inaccessible et fantasmé (rapport au luxe) et sa quête donne accès à un monde merveilleux. Mais le parfum en forme de pomme a une double fonction puisqu’il est également guide pour Florrie. Plus généralement, il aidera celle qui le portera, et la mènera au bout de son rêve. La notion de rêve, très importante dans ce spot, est présente dès le début, puisque la jeune femme se réveille et est propulsée dans son rêve. Ceci modélise l’effet que le parfum a sur le consommateur lambda. La scène finale, qui représente le moment euphorique de l’acte d’achat est l’aboutissement de l’histoire : Florrie arrive, en haut d’un escalier de paquets cadeau dans un appartement parisien, et trouve la bonne pomme parmi de nombreuses autres, qui s’effacent une fois le « graal » atteint. Bilan des analyses Après le récapitulatif de la démarche et la présentation des analyses, comment peut-on interpréter les résultats ? Concernant le storytelling, il est facilement identifiable et reprend souvent le même schéma. On observe une volonté évidente de « raconter une histoire » en s’inspirant d’éléments du capital culturel de la marque. Premier élément récurrent dans les trois spots : la durée. Plus ou moins longue (deux minutes et demi pour Chanel et une minute pour Nina Ricci), elle dépasse dans tous les cas le temps moyen d’une publicité conventionnelle, à savoir trente secondes. En offrant une durée plus longue, on sous-entend plus de contenu, une narration plus poussée digne d’un court métrage (d’ailleurs les réalisateurs sont souvent 50 des cinéastes connus). Deuxièmement, on reprend un schéma de narration évident avec un état initial, une fin, un scénario. Il y a une progression, une intrigue. Tout est condensé en une à trois minutes. Enfin, dans certains cas de figure, sur le fond de l’histoire on retrouve des éléments de narration connus. Ces éléments ne sont pas des clichés mais des références directes à notre culture populaire, des emprunts à la littérature souvent, qui montrent clairement que le spot s’articule comme une histoire, avec début, intrigue et fin. Chanel, en réunissant les deux amants, crée un « happy end » ; Guerlain et Nina Ricci font appel aux contes de fées et reprennent leurs codes. La position de la marque vis à vis du monde du luxe et en même temps du grand public est moins évidente puisqu’elle repose sur des éléments symboliques. Cependant, certains indices nous permettent d’affirmer qu’il y une conciliation entre « élitisation » et démocratisation. Cette conciliation prend différentes formes. D’abord, elle peut faire cohabiter des éléments appartenant à la culture populaire (et donc à véhiculer des valeurs « grand public ») comme la volonté de s’évader ou encore de voyager et des éléments issus du « monde du luxe » comme la préciosité incarnée par l’Orient Express dans la publicité de Chanel. Ensuite, on observe une deuxième forme de conciliation : jouer sur des valeurs qui peuvent à la fois appartenir au luxe et au grand public. Chanel use à outrance de ce procédé : elle met en avant l’amour, la beauté et l’aspiration à devenir une femme moderne. Or, l’amour comme la beauté sont à la fois symboles de préciosité et des aspirations communes à toutes. Autre exemple : la mystification de la marque en racontant une histoire fantastique (comme chez Guerlain et Nina Ricci) est une volonté « d’élitiser » la marque, mais en jouant sur des mythes connus (Adam et Eve chez Nina Ricci, la mythologie grecque chez Guerlain) on joue la carte du grand public. C’est un mythe « accessible ». Dernière forme de conciliation : la mise en confidence. Il s’agit de garder le côté élitiste de la marque en sublimant le produit par sa production. Cependant, en montrant le processus de fabrication, en mettant finalement le spectateur dans la confidence et en lui montrant les secrets de la production du parfum, on démocratise le secret, on démocratise ce qui est rare. Le parfum ne perd pas de sa valeur, puisque le spectateur est symboliquement censé être un « privilégié » et appartenir à un « cercle fermé ». Pour termine, il faut noter les modes de diffusions de ces publicités. Stratégiquement les marques ont choisi des médias de masse : les trois publicités sont présentes sur Internet, grâce à un site qui est dédié à chaque parfum, et pour Chanel et Nina Ricci, la diffusion se fait en parallèle à la télévision. 51 Cependant, la fréquence de diffusion est restreinte, restant rare comme se doit de l’être une marque de luxe. Guerlain a fait le choix d’Internet, ce qui lui assure une cible plus jeune et plus avertie. Nous avons donc pu voir dans ces analyses que si le storytelling était identifiable rapidement c’est aussi parce qu’il sert de fondation à une dimension plus symbolique et donc plus fragile. En montrant clairement que l’on raconte une histoire on demande inconsciemment aux spectateurs de se pencher sur l’histoire et donc sur la symbolique, c’est à dire le message de la marque et ses valeurs. La conciliation des valeurs élitistes et « populaires » est un procédé complexe qui prend différentes formes (cohabitation, détournement et confidence). Cependant, on observe clairement que les marques arrivent à faire vivre des valeurs que l’on aurait pu croire antagonistes. 52 Bilan de la deuxième partie Le storyteling est donc une méthode publicitaire qui consiste à raconter des histoires. Il s’agit d’invoquer les émotions du spectateur/consommateur avant sa raison. Son imagination est stimulée et il rentrera dans l’univers de la marque. Il actionnera son acte d’achat s’il s’identifie à cet univers, et si les valeurs invoquées dans la campagne de communication lui ressemblent. Le storytelling est utilisé par la grande consommation et le luxe mais il y a une grande différence dans la forme. Dans les publicités Nike, le logo est omniprésent, visible sur les produits comme les chaussures, le ballon de sport, et encore les maillots des sportifs ; pour Coca-cola l’héroïne est la bouteille, de toutes les scènes, pour Herta le jambon alterne avec les enfants, présent pour la même durée qu’eux… Pour tous ces produits de grande consommation, le produit et la marque sont omniprésents : il s’agit clairement de vendre le produit. Dans le cas des parfums de luxe, c’est l’univers de la marque qui est présent, créé, rêvé, ou encore chanté,… plusieurs façons de communiquer qui mettent en avant l’émotion et non la vente. Par exemple, pour Coca-Cola, le héros est le contenant bouteille, pour Guerlain, c’est la cliente. Ou encore pour Nespresso et Chanel qui utilisent tous les deux une star, dans l’un le café est partout, on est même dans la boutique qui vend le produit ; dans l’autre, le flacon de Chanel n°5 est vue de façon fugace. L’un est attaché au produit, l’autre à l’aventure sentimentale, la femme de la publicité incarnée par Audrey Tautou ne se rend pas compte du rôle du parfum, il a sa vie propre. C’est cette mise en avant des émotions et des sentiments qui unifient les consommateurs/spectateurs. Si seul le produit était présent, peut-être, les gens les plus modestes ne s’autoriseraient pas, ou s’autoriseraient moins, le rêve et l’accès au luxe que représente l’achat du produit. 53 La cible des marques de luxe reste la même (soit les individus les plus fortunés avec un certain statut social), mais parvient à s’élargir, simplement parce que le mode de diffusion et les émotions invoquées permettent au plus grand nombre de s’y reconnaître, sans pour autant enlever les connotations et symboles qui reflètent les valeurs du luxe. Dorénavant, après avoir évalué cette méthode de communication qu’est le storytelling, et étudié ses domaines d’application, j’ai souhaité me demander dans quelle mesure je pourrais employer moi-même la technique du storytelling. Puisqu’il a été montré que le storytelling est la technique privilégiée par les marques de luxe qui veulent communiquer sur leur parfum, j’ai décidé de le mettre en pratique, en effectuant au préalable une étude, pour connaître ce qui compose la marque, pour faire le scénario, suivant le message à communiquer et les symboliques invoquées. 54 La pratique du storytelling : méthodologie, ADN et réalisation En troisième partie ma démarche sera donc plus professionnelle. En effet, j’effectuerai le travail d’un communicant, en analysant d’abord les différentes méthodes qui s’offrent à moi pour créer le meilleur scenario de storytelling qui soit. Puis j’aborderai la marque Kenzo, son ADN, les défauts de la campagne existante mais ses qualités également, en expliquant pourquoi le storytelling serait adapté. Enfin, je ferai ma propre proposition de scénario. 55 L'ADN original d'une marque servi par des modes classiques de narration L’ADN d’une marque de luxe Avant toute action de communication, il faut étudier ce qui compose la marque, c’est à dire son ADN. Une étude réalisée par l’institut Added Value et demandée par Walpole1 a montré qu’il existait six éléments essentiels à l’ADN d’une marque de luxe. Sa première composante est un mythe héroïque ; en second vient un produit subtil qui se rapproche de l’excellence ; ensuite une identité et une communication iconique ; en quatrième une renommée construite ; en cinquième une distribution ultra-sélective et enfin le « cultural cool » ou en d’autres termes, l’appartenance de la marque à notre culture, ce qui l’éloigne des effets de mode. « A l’arrivée, la récompense, si tous ces ingrédients se combinent bien entre eux, le consommateur et la marque, du produit voit son besoin se réaliser : celui de se sentir plus désirable. »2 Les auteurs de cette étude soulignent l’importance et la puissance du mythe, de la renommée, et de la « cultural cool ». Ceci est évidemment indissociable de ce qui caractérise le secteur du luxe en tant que tel. Les éléments constitutifs d’une narration Pour Sébastien Durand, spécialiste en storytelling, il existe selon lui cinq éléments incontournables à un bon storytelling3. Le premier est le protagoniste : il est très important de choisir un bon héros, et celui ci n’est pas forcément le fondateur. Le deuxième élément est la quête : il doit y avoir un enjeu dans l’histoire. En troisième place figure l’antagoniste, qui va créer de la tension et va ralentir le héros dans sa quête. Mais celle-ci 1 Jean-Marc BLANCHERIE, Stéphane DANGEL, Storytelling du luxe, Editions du Desir, p64 2 Ibid. 3 Sébastien Durand Conseil, Les 5 éléments clés d’un bon storytelling, Newsletter Juillet/Aout 2010, consulté en avril 2010 56 n’est pas indispensable 1 . Ensuite vient un moment de crise, de tension, ce qui rend l’histoire passionnante. Cet élément est très souvent présent. Et pour finir, l’élément qui doit induire que l’histoire continue, ce qui laisse à l’auditoire la possibilité de continuer l’histoire. Stéphane Dangel dans son ouvrage Storytelling met en exergue d’autres points, plus spécifiques au monde du luxe, qui complèteront les éléments de Sébastien Durand. Il faut que l’histoire soit selon lui, crédible, en d’autres termes, authentique, même si elle fait appel à un univers féerique, il doit y avoir un sens. « Comme le dit Robert McKee, l’histoire devra pouvoir donner envie à l’auditeur-spectateur-récepteur de suspendre volontairement, en toute conscience son incrédulité de manière momentanée. »2 Ensuite, l’histoire doit être durable dans le temps, tout comme la marque qu’elle représente, peut-être grâce au mythe présent dans son ADN. Pour rejoindre ce que Sébastien Durand énonce, il faut à l’histoire une bonne intrigue et des évènements qui vont capter l’attention du consommateur. Sans oublier l’émotion, point clé, voire la base même de toute action en storytelling. Pour une marque de luxe, cette intrigue ne doit pas être répétée, car cela instaure déjà l’élément de rareté. Et enfin, de nombreux détails qui vont donner de l’importance et du sens à l’histoire. Le tout réside dans le « montrer sans raconter » 3 , pour laisser place à chaque perception et sensibilité. 1 Cf annexe 7 et 8, analyses des spots publicitaires de Guerlain et Nina Ricci, p 19 et 26 2 Storytelling du luxe, Op. Cit., p139 3 Storytelling du luxe, Op. Cit., p150 57 Types d’histoires récurrents Figure 3 : Architecture narrative d'une histoire Source : Jean-Marc BLANCHERIE, Stéphane DANGEL, Storytelling du luxe, Editions du Désir, p157 Le conte de fée allégé1: C’est une forme souple et légère qui peut être utilisée avec un décor expressif et une morale à la fin. L’histoire en trois parties2 : Pour Steve Denning, théoricien du storytelling, une histoire en trois parties est la plus simple et la plus moderne, même si elle est basée sur le théâtre de Shakespeare. 1. Le héros est situé dans l’espace/temps : contextualisation. 2. Le héros a un problème. 3. Le problème est finalement résolu. C’est en effet la base d’histoire la plus connue et utilisée. … En quatre parties : 3 à Le consultant en communication américain Robert Dickman se base sur la conception du monde du philosophe grecque Empédoclès, qui est composé des quatre éléments : le feu, l’air, la terre et l’eau. 1. L’émotion, soit la passion qui correspond au feu. 1 Stéphane DANGEL, Storytelling le guide, Editions du Désir, 2009, p49 // Cf annexe 8 : analyse du spot publicitaire de Nina Ricci, p26 2 Storytelling le guide, Op. Cit., p50 3 Storytelling le guide, Op. Cit., p51 et p52 58 2. Le héros est ancré dans une réalité qui correspond à l’auditoire, ce qui correpond à la terre 3. L’antagoniste qui représente l’air, car est présent tout le temps. 4. La transformation du héros qui est symbolisé par l’eau. à Edward Wachtman voit également quatre composantes à l’histoire, même si elles sont fondamentalement différentes : 1. L’intrigue. 2. Thème de l’histoire : le contexte émotionnel va rajouter à l’intrigue. 3. Les tensions ou les conflits qui doivent être résolus. 4. Le symbolisme qui doit justement symboliser le message. Storytelling Hollywoodien1 Cinq composantes sont nécessaires à une histoire, selon Robert McKee, maître « es scenarii » hollywoodien. 1. L’incident déclencheur : « C’est l’événement initial, qui permet à une situation en apparence ordinaire de basculer dans l’univers d’une aventure »2 2. Les complications progressives 3. La Crise : prise de décision ultime et très importante 4. Le point culminant : la situation est chamboulée : révolution narrative 5. La résolution Comme nous pouvons le constater, la base de toute narration est simple et facilement appréhendable par tous. Les constructions d’histoires sont élaborées sur la base des histoires qui bercent notre enfance, et même adulte, en reprenant des scénarios où l’intrigue nous tient en haleine, on s’attache au personnage qui subit des contraintes. Le consommateur est considéré ici comme un spectateur. Ces constructions sont faites pour être accessibles au plus grand nombre. 1 Storytelling du luxe, Op. Cit., p154 2 Ibid. 59 Cependant, ces schémas ne sont pas exclusifs, et chacun peut s’en inspirer pour servir au mieux sa marque… D’ailleurs, il est préférable que les marques de luxe n’utilisent pas un schéma linéaire et répétitif… car leurs histoires doivent être uniques. 60 Kenzo et Flower by Kenzo : une marque et une communication originales sans storytelling Avant toute action de communication via le storytelling, pour une marque de luxe, il faut étudier les éléments qui structurent la marque, son image et son ADN. Le résultat de ce travail personnel est présenté ci-dessous. L’histoire de la marque Comme de nombreuses autres marques de luxe, la marque Kenzo est une marque éponyme, son fondateur se nommant Kenzo Takada. Né en 1937 au Japon, il arrive en France en 1964 dans le but de devenir créateur de mode. Kenzo Takada, gros travailleur, surmonte ses difficultés d’adaptation à une nouvelle culture, et ses difficultés économiques, et accepte dès lors de s’atteler à la création de croquis pour d’autres créateurs. Il va ensuite confectionner ses premières pièces personnelles avec des chutes de tissus, n’ayant pas assez de revenus pour pouvoir s’offrir des pièces de tissus entières. Mais c’est justement cela qui va faire son succès. Il présente ses premières créations lors d’un défilé en 1970 à Paris et ouvre la même année sa première boutique Jungle Jap. Lors de ce premier défilé, il créera la surprise par son style moderne, nouveau, à la fois épuré avec pourtant la présence de nombreux imprimés et superpositions. Ses origines nippones sont très présentes dans son inspiration. Son style est désormais reconnaissable : un mélange d’imprimés colorés avec une forte incitation au voyage. Qui plus est, Kenzo a l’habitude de renverser les codes, pour ne citer qu’un exemple, il a l’habitude d’utiliser des matières telles que la maille, destinée à des créations hivernales, pour ses créations estivales. Il est également un précurseur en terme de forme. Il a en effet été l’un des premiers à créer des vêtements féminins gracieux mais amples et souples, qui permettent une grande liberté de mouvement aux femmes. De plus, il a l’habitude de confondre et de mélanger en une seule création l’orient et l’occident, en occidentalisant le kimono par exemple. Il aime d’ailleurs jouer sur les antagonismes, en alliant tradition et modernité. Il est dès lors reconnu dans le monde entier. C’est en 1988 qu’il crée son premier parfum, Kenzo de Kenzo qui a été un grand succès. La marque Kenzo 61 est rachetée en 1993 par le groupe LVMH. Et en 1999, Kenzo Takada prend sa retraite de sa maison de couture. Le parfum Flower By Kenzo est sorti en 2000, alors que M. Takada était déjà parti. Cependant l’esprit de son travail a été conservé. Le créateur continue à travailler, indépendamment, mais dans le secteur de la décoration et de l’art de vivre. Le produit : Flower by Kenzo Techniquement, le parfum est composé d’essences de fleurs et de muscs. Cela donne une odeur dense, précise et texturée. Il est composé d’un accord floral avec de la rose, du jasmin et de l’aubépine, d’un accord poudré, avec la vanille associée à trois muscs blancs, et enfin d’un accord vibrant, avec de l’encens, du poivre et des baies roses1. Ce mélange donne au parfum une odeur florale et sensuelle. L’emblème de ce parfum, présent sur la bouteille et l’emballage, est un coquelicot. Cette fleur n’a pas d’odeur, et est une fleur des champs. Elle représente une force d’expression et une certaine énergie vitale (car pousse partout où elle veut, même quand on ne la veut pas) mais elle est en même temps très fragile : on ne peut en aucun cas la couper pour en faire des bouquets, elle fane en quelques minutes. De plus, dans un monde très urbanisé, tel qu’il l’est aujourd’hui, elle fait le lien avec la nature. Elle met en relation deux éléments, urbanité et ruralité. On retrouve dans le flacon la même volonté. Il est tout en longueur, représente une architecture épurée et moderne. Il est de biais comme pour suivre l’inclinaison de la fleur… représentant peut-être la force de la nature sur nos constructions urbaines, donc sur l’homme. Ce parfum est inattendu dans son intégralité, et est vecteur de poésie contemporaine, en mettant en relation la nature, et la ville, et l’émotion, et la modernité. La communication autour du parfum Flower by Kenzo Le parfum est sorti en 2000. Sa communication raconte le pouvoir d’une fleur fragile et singulière. 1 http://www.kenzoparfums.com/FR/flowerbykenzo-essentiel.php/, consulté en avril 2011 62 En mai 2001, 150 000 coquelicots sont plantés devant le centre George Pompidou à Paris, puis sont distribués aux passants. Cette action fut renouvelée ailleurs dans le monde, à Singapour et Milan entre autres. Le 28 septembre 2002, deux ans après sa sortie, la marque frappe encore plus fort en éparpillant 180 000 coquelicots dans huit arrondissements de la capitale française. Les habitants furent positivement surpris par cette action de communication. En cinq ans, soit en 2005, la marque a vendu jusque-là 18,5 millions de flacons de parfums. Flower by Kenzo se situe dans la liste des parfums les plus vendus en France. Mais les actions de communication du même acabit continuent. Ainsi, le 29 mai 2009, à Lyon, les passants ont découvert leurs fontaines recouvertes de coquelicots (en papier) vaporisés de parfum1. Plusieurs sites sont présents sur la toile. Le dernier en date est en relation avec la publicité télévisée, mais également d’autres sites Internet, plus interactifs, semblent avoir été plus ou moins abandonnés. Voulant continuer sur la lancée des coquelicots éparpillés, la marque Kenzo a créé un site Internet avec une mappemonde. Il s’agissait pour quiconque le désirait, de poster de sa ville une photo ou un dessin représentant un coquelicot. Cependant, pour une action de communication interpellant les internautes du monde entier, seuls environ 19 000 individus ont participé au jeu. Plusieurs spots publicitaires ont paru depuis la création du parfum. Mais le dernier spot, et passant actuellement à la télévision date de décembre 2009. Il est nouveau, ne laissant pas apparaître les mêmes codes que les anciens spots publicitaires, en étant notamment plus gai. Ce dernier est accompagné d’un site Internet2. 1 http://cominlife.fr/index.php/2011/01/21/street-marketing/86, consulté en avril 2011 2 http://www.flowerbykenzo.com/, consulté en avril 2011 63 Storytelling ? Sur la base de la grille d’analyse utilisée précédemment pour les autres parfums, les critères mis en valeurs permettent d’établir un diagnostic proposé ci-dessous. A l’aube, une jeune femme d’origine japonaise sort d’une cheminée rouge, à Paris. Elle s’assied, puis lève les yeux au ciel et aperçoit un champ de coquelicots qui tombent doucement. Elle tend la main pour en attraper un. Quand elle le tient, les autres coquelicots descendent et se posent sur les toits de Paris. Surgissent alors d’autres personnages, de tous âges qui se promènent et vivent sur les toits de la ville parsemés de coquelicots. Le soleil se lève, et la femme repart dans sa cheminée. Figure 4 : Les coquelicots sur les toits de Paris Source : http://www.flowerbykenzo.com/, consulté en avril 2011 Au premier abord, on peut penser que cette publicité est du storytelling parce qu’elle regroupe certaines caractéristiques, comme nous avons pu l’analyser lors de la partie 64 précédente. Tout d’abord, ce « film », comme ils l’appellent eux-mêmes, est d’une durée plus longue que les publicités traditionnelles : 0,52 secondes. Kenzo offre donc un spectacle aux consommateurs. Ensuite, le personnage principal, une femme d’origine japonaise, représente la beauté par Kenzo. Habillée d’une robe rouge, simple et épurée, ce vêtement symbolise l’occident, et la femme l’orient. Ensuite, en robe rouge comme le coquelicot, mais sur un toit de Paris, elle représente en même temps la nature et l’urbanité. Ce sont ces ambivalences qui caractérisent la marque Kenzo. La beauté de la femme, simple, « sans maquillage », représente la beauté à l’état pur. La femme incarne donc toutes les valeurs de Kenzo, à savoir la simplicité, la féminité, la modernité, le tout avec des inspirations à la fois orientales et occidentales. De plus, le parfum est seulement suggéré, tout le long du spot publicitaire, par la présence de l’emblématique coquelicot. Et enfin, la femme apparaît et disparaît par la cheminée comme le Père Noël qui apporte ses présents. Cependant, certains éléments indissociables d’une publicité utilisant le storytelling ne sont pas présents. Certes, le personnage principal est emblématique de la maison Kenzo, mais elle n’a pas le rôle principal et s’efface devant les coquelicots, qui eux rythment le spot publicitaire. Ils viennent du ciel, lévitent, puis se posent sur les toits de la ville comme si leur but était d’apporter de la poésie et de la douceur dans un paysage urbain. Le personnage les accueille, mais n’est que spectateur de la scène. D’autres personnages rentrent en scène à la fin de la publicité quand les coquelicots sont posés, mais n’influencent en rien le personnage et la vie des coquelicots par ailleurs. Ils ne font que célébrer leur arrivée. La femme japonaise n’influe donc pas sur le cours des choses. La femme n’a pas de quête, elle n’a aucun conflit à résoudre : ce film ne possède pas d’intrigue. Il ne s’agit que d’une succession d’images poétiques, remplies d’émotions certes, mais qui font plus figure de poème que d’histoire, au sens du storytelling. Cette publicité n’utilise pas le storytelling. Cependant, la communication virale s’apparente à du digital storytelling1. Le site Internet permet de prolonger l’expérience du film. Nous pouvons voir tout d’abord le film, le storyboard et le making of, le tout dans une atmosphère, avec des couleurs (rouge) et de la 1 http://www.flowerbykenzo.com/, consulté en avril 2011 65 musique qui nous transporte dans l’univers du parfum. Ensuite, chacun peut télécharger des fonds d’écran issus du film, et envoyer à ses proches des cartes postales/vidéos interactives. Après avoir analysé la communication et le spot publicitaire actuel, j’ai pensé que pour les dix ans de l’existence du parfum, il serait intéressant de restructurer la communication du parfum en utilisant le storytelling, pour offrir au spectateur un spectacle encore plus grand et plus empreint d’émotion, et surtout traiter la marque Kenzo comme la marque de luxe qu’elle est, en utilisant les codes inhérents à ce statut. En effet, pour aussi réussie qu’elle soit dans son genre, la publicité actuelle n’offre pas à Kenzo de « mythe » de marque, sur lequel elle pourrait appuyer sa communication. Pourtant l’histoire même de Kenzo Takada est riche et potentiellement exploitable pour créer ce mythe qu’elle mérite. Qui plus est, l’utilisation d’un mythe pourrait assoir davantage la marque dans l’inconscient collectif, aux côtés des plus grandes. De plus, je me suis rendu compte que les actions de street marketing de la marque passaient inaperçues en dehors des villes dans lesquelles elles se déroulaient. Il s’agissait de parsemer une ville de coquelicots et de les distribuer aux passants. Ceci est directement lié à la publicité qui plante des coquelicots sur les toits de Paris. Cependant la raison de ce choix est inconnue pour le plus grand nombre. Ainsi, sans prétention, un scénario qui va mettre en scène les valeurs de la marque peut être élaboré. 66 Dans la continuité : proposition d'un scénario pour plus d'émotion et la création du mythe Kenzo Points de départ J’ai pris le parti de ne pas créer en détail un scénario. La création publicitaire ne rentrant pas dans mon domaine d’étude, je n’élaborerai que des pistes à suivre, pour une communication en storytelling de luxe, dont le publicitaire devra s’inspirer. Pour rappel, ce qui faisait défaut à la publicité initiale était le manque d’intrigue et de « mise en danger » du personnage principal, effacée par les coquelicots et donc le produit. J’ai décidé de prendre le parti de mettre sur un pied d’égalité femme et coquelicot dans ma communication, dans le but d’associer la femme à l’univers de la marque… qui primera sur les évènements. Le but essentiel sera de donner, via la marque et l’intrigue un mythe reconnaissable et identifiable à Kenzo. J’ai pensé intéressant d’utiliser le storytelling pour cette nouvelle campagne de communication publicitaire afin de marquer l’anniversaire des dix ans de la création du parfum, en touchant qui plus est une cible qui était trop jeune pour s’être intéressée aux campagnes de communication montées lors du lancement de celui-ci en 2000. Pour cette campagne qui doit marquer les esprits, il est important de revenir aux sources de la marque, de son fondateur, Kenzo Takada (bien que la marque appartiennent depuis 1993 à LVMH, c’est l’esprit de cet homme qui prône toujours), et du produit. Il m’a semblé nécessaire de recentrer définitivement les actions de communication autour d’un tronc, d’un « thème », commun. Il s’agit de mettre en scène les révélations parallèles du parfum et de la femme. Kenzo Takada a lui-même choisi le coquelicot comme emblème de son parfum, parce que cette fleur n’ayant naturellement pas d’odeur, c’est le parfum qui la lui donne : Kenzo Takada a voulu créer l’odeur du coquelicot. Le but de cette publicité serait de figurer ce don d’odeur au coquelicot, regardée comme une fleur inachevée, dont Kenzo parfait la finition, pour en révéler la beauté et la personnalité. La femme qui accompagne le coquelicot dans cette quête de vie, de plénitude, révèlerait ainsi sa beauté et sa personnalité. 67 Mais le coquelicot a par ailleurs une symbolique très forte. Dans la mythologie grecque, il est associé à la déesse Déméter, déesse de la fertilité, mère nourricière qui a le contrôle sur le cycle de la nature. La légende dit que sa fille Perséphone, alors qu’elle cueillait des coquelicots, fut enlevée par Hadès le dieu des enfers. Sa mère fut alors inconsolable, et elle menaça Zeus de détruire toutes les récoltes, à moins de revoir sa fille. Zeus fit un marché avec Hadès, permettant à Perséphone et sa mère de se retrouver pendant un an. Le rouge du coquelicot représente ainsi la Vie (Déméter), les pétales fragiles symbolisent Perséphone et son cœur noir représente Hadès. Ce coquelicot est donc parfaitement adapté à la représentation d’une marque de luxe comme Kenzo : il est une source d’inspiration, riche de sens. Pour une nécessaire continuité dans la communication, indispensable à l’image de la marque, assise et à pérenniser, il paraît incontournable de reprendre, en plus du coquelicot, des éléments de la publicité existante, à savoir les éléments opposés que peuvent être nature et urbanité, orient et occident, et enfin, éléments plus présents dans les créations de coutures : modernité et tradition. Figure 5 : L’actrice Lika Minamoto L’actrice qui joue, Lika Minamoto 1 , incarne la femme Kenzo. Gracieuse, avec une beauté douce et simple, elle incarne les ambivalences, les dynamiques de notre monde et le métissage des cultures nippones et françaises. De plus, il me semble indispensable de garder cette coquelicots mise qui à en scène terme des devront recouvrir l’ensemble de la ville : Paris. Source : http://www.flowerbykenzo.com/, consulté en avril 2011 Paris est un lieu emblématique où doit se terminer le film, car en plus d’être la ville qui a révélé Kenzo et a fait de lui un couturier célèbre, cette ville est connue internationalement pour sa mode et ses marques de luxe. De plus, c’est une ville 1 http://multivu.prnewswire.com/mnr/prne/kenzo/40759/docs/40759_dossier%20de%20presse_kenzo_parfums.pdf, consulté en avril 2011 68 romantique, empreinte d’histoire et de poésie. Et il faut continuer à jouer sur les dominantes de couleur gris/noir et rouge. Proposition Il s’agit donc de mettre en scène une jeune fille d’origine japonaise (comme Kenzo Takada) perdue dans un monde de plus en plus urbain, mais « ouvert » entre les cultures : une jeune fille d’aujourd’hui ayant le spleen, qui se connaît mal. Elle est d’origine sociale élevée (habillée relativement chic et moderne, mais un peu terne et trop classique pour son âge). Elle va donc entreprendre un voyage au Japon, pour retrouver ses racines et essayer de se retrouver elle même : il s’agirait d’une quête personnelle, initiatique. D’abord dans la ville de Tokyo qui est ultra urbanisée, elle se fond dans la masse grise ou noire et blanche. Puis elle voit au bord d’un trottoir un coquelicot blanc au cœur noir (référence à Hadès). Intriguée, elle le cueille et le garde à la main tout au long du périple : il symbolise son âme inachevée. Ici, la jeune métisse cueille donc le coquelicot blanc (référence à Perséphone), perdue et désemparée. Elle s’habille alors également de gris et de blanc, aussi la verrons-nous fugacement en kimono blanc (signe de richesse dans le Japon traditionnel) dans sa chambre d’hôtel japonaise (luxueuse également). A Tokyo, les seules couleurs viennent des lumières de la ville qui se reflètent par instants sur les pétales du coquelicot et les vêtements clairs de la jeune fille. Ensuite, elle visite Kyoto et ses parcs et temples (aspect spirituel de l’initiation), ville ayant gardé le plus de tradition au Japon. Elle se confronte à des modes vestimentaires et à un style de vie qu’elle n’avait pu qu’imaginer jusque là. Il s’agit ici de faire un clin d’oeil aux influences de Kenzo Takada, rattachant donc ce spot à son histoire. Quelques accessoires de couleur viennent alors égayer sa tenue vestimentaire : le coquelicot commence aussi à se colorer (par exemple en croisant une femme traditionnelle en kimono coloré, ou/et dans les effluves d’encens d’un temple, ou/et alors que la jeune fille goûte un thé traditionnel, ou/et lors d’une marche sous des cerisiers en fleurs, ou/et encore, avec un plan sur des perles de nacres, symbole d’importance et de richesse dans la culture traditionnelle nippone). Au cours de son périple, elle fait des rencontres, tant humaines que culturelles, qui peu à peu la sortiront de sa torpeur. Tel un roman d’apprentissage, nous la verrons s’épanouir et 69 se trouver. Plus elle avance, plus le coquelicot qu’elle tient en main est coloré, la vie naissant dans ses sourires comme sur les pétales du coquelicot. Sa robe simple (en soirée) évoluera de la même manière que le coquelicot : passant du gris à des imprimés à dominante rouge pâle. Plus son voyage avance, plus elle croise de coquelicots, dans les mains des gens, en boutiques, dans des restaurants, mais de manière subtile, et toujours plus colorés. Puis l’heure est au départ : elle salue avec à la main un coquelicot presque achevé. Lorsqu’elle revient à Paris, heureuse et épanouie, elle traverse des lieux mythiques parisiens, des jardins de fleurs à la française et finalement, du haut d’un immeuble célèbre parisien (cathédrale, arc de triomphe, sur la colline du Sacré Cœur) elle contemple les toits de Paris, recouverts de coquelicots rouges. Rêve ou réalité, elle s’est trouvée. Elle ne porte plus de coquelicot à la main mais se parfume à l’aide du flacon Flower by kenzo… Alors sa robe et le coquelicot du flacon, représentant l’âme de la jeune femme sereine et accomplie qu’elle est devenue, ne devront jamais être aussi rouges que dans la scène finale. Car comme pour Kenzo Takada, c’est ce pays qui a mis la touche finale à ce parfum, pour révéler la femme. Dans ce spot publicitaire, il ne s’agit pas de mettre en exergue plus la femme que le coquelicot. Les deux éléments évoluent au rythme du périple. Le coquelicot a trouvé son odeur (et sa couleur), et la femme sa beauté et sa personnalité. Ici, les deux sont indissociables et nécessaires l’un pour l’autre. La femme donne autant une odeur au coquelicot que le coquelicot révèle la beauté tant physique que spirituelle de la jeune femme. Il me faut souligner également que les signes de luxe n’apparaissent que de manière furtive tout le long du spot qui dure entre deux minutes et deux minutes trente. D’abord, le luxe de vie est présent tout le long du spot, puisque la femme voyage et ne travaille pas. Ici survient la notion de temps disponible pour une quête personnelle de loisirs. Ensuite, la femme et les décors représentés ne seront pas fastes, mais sobres, épurés, simples, et empreints d’émotion et de poésie. Chaque séquence doit former un poème. Il 70 s’agit de mettre en avant un luxe de la simplicité1. En temps de crise économique, et naturelle (Fukushima) il est nécessaire de ne pas montrer trop d’éléments luxueux à la manière bling-bling mais de les faire se confondre au décor de manière subtile. D’ailleurs, c’est le luxe de la simplicité que représente la France… ce qui sert la marque Kenzo. En effet, ce luxe de la simplicité est synonyme de retour à la tradition, à la nature. Le luxe de la simplicité est dans le Vrai et révèle la marque, produits ou éléments qui perdureront dans le temps. Dans la trame proposée ci-dessus, il s’agit donc d’utiliser le pouvoir du storytelling comme moyen de création d’émotions, en l’utilisant toutefois avec toute la subtilité qui sied au luxe : l’héroïne est l’élément essentiel du spot, le conte initiatique mêle luxe, nature et urbanité, le produit reste discret en n’apparaissant qu’à la fin : le film est là pour révéler le mythe de la marque : le grand voyage de Kenzo Takada et la longue marche vers la perfection. 1 Olivier ASSOULY, “La justification du luxe entre nationalité et simplicité”, Le luxe essais sur la fabrique de l’ostentation, Paris, Edition du Regard, 2005, p203 71 Bilan de la troisième partie Cette dernière partie a permis de mettre en pratique la notion de storytelling. Dans un premier temps, les étapes nécessaires à effectuer avant la conception même ont été observées. En effet, il a fallu théoriser l’ADN d’une marque de luxe, en montrant les points généraux qu’elle comportait. Ensuite, les points clés à ne pas omettre dans une campagne publicitaire utilisant le storytelling, et les différentes trames pour mettre en scène un scénario ont été listés. Il existe plusieurs schémas qui peuvent être toutefois modulés selon les aspirations. Après cela, la théorie a été appliquée à la marque Kenzo. J’ai pris un angle général. J’ai d’abord analysé l’histoire de Kenzo, celle-ci concordant avec l’histoire de son créateur, le japonais Kenzo Takada. J’ai ensuite étudié l’historique du parfum Flower By Kenzo. Né en 2000, il s’est agit de montrer ses symboles et son essence. Enfin, j’ai expliqué la communication du produit depuis sa naissance. Plusieurs spots se sont succédé, ainsi que des campagnes d’affichages, des sites internet, et le plus surprenant, des actions de street marketing. Bien que le dernier spot publicitaire sorti soit très poétique et imagé, il ne s’agit pas de storytelling. Le héros est emblématique mais il ne s’agit que d’une succession d’images remplies d’émotion, et non d’une histoire où le héros subit des conflits et des évolutions. J’ai donc créé un scénario à partir de ce dernier spot publicitaire. Tout d’abord cela montre que dès que la marque possède une histoire, des symboles forts et des mythes, le storytelling est facilement concevable. Qui plus est, il me semblait intéressant pour cette marque de revenir aux sources, c’est à dire au mythe de la création du parfum, pour renouveler son image et effectuer un rappel dans l’inconscient collectif des consommateurs. 72 Conclusion générale Au cours de ce mémoire, j’ai pu démontrer que le storytelling est certes très approprié pour les marques de luxe, mais qu’il a été repris, et souvent avec succès, par des marques de consommation courante. Cependant, le storytelling sublime l’univers d’une marque seulement si cette dernière a réellement quelque chose à raconter. Pour cela, nous avons vu que ce sont les marques à fort capital culturel qui se démarquent. L’intérêt de ce développement est aussi d’avoir mis en avant une technique de communication transposable à différents secteurs, qui permet de lier des antagonismes, comme le luxe et le grand public. C’est pourquoi en tentant de répondre à la question centrale de ce mémoire : En quoi le storytelling permet-il aux marques de luxe de communiquer vers le grand public tout en conservant des valeurs propres au luxe ?, j’ai apporté dans un premier temps des éléments de réponse à mon objectif de départ en abordant notamment des exemples concrets, puis cette réflexion a débouché sur une méthode, puisque j’ai pu réadapter une publicité en lui apportant les éléments du storytelling. Pour résumer les différentes étapes qui m’ont amenée à répondre à ces questions, j’ai tout d’abord effectué une analyse du champ publicitaire en France, pour comprendre quelles sont les perceptions qu’ont les français d’aujourd’hui de la publicité, et comment ils préfèrent que l’on s’adresse à eux. Le comportement des consommateurs qui a énormément changé depuis la naissance de la notion de luxe et de publicité telle que nous les connaissons, lors de la naissance de l’économie moderne. Il s’avère que les français sont méfiants face aux discours publicitaires et que les publicitaires doivent faire preuve d’inventivité et de créativité pour allier message et respect du consommateur. Donc le point central des campagnes de communication publicitaire a bien évolué. Pour commencer, il s’agissait d’une communication-produit (basée sur l’offre des entreprises), pour passer à une communication de la marque, et pour finir aujourd’hui à une communication autour de l’histoire de la marque. Ensuite, il m’a fallu étudier les évolutions de l’industrie du luxe français, puis du secteur de la parfumerie, pour comprendre pourquoi la parfumerie est quasiment le seul secteur sur lequel les marques de luxe communiquent. La, ou plutôt les cibles, sont élargies, car le parfum est un produit accessible. Il permet à des individus d’accéder à un monde luxueux dont ils rêvent. 73 Le parfum est un condensé de toute l’histoire de la marque et des valeurs liées au secteur du luxe. C’est pourquoi il est très précieux pour les marques de luxe de communiquer sur ce produit uniquement. C’est la porte d’entrée à un monde de l’hyper luxe qui reste inaccessible au plus grand nombre. Le monde de l’hyper luxe est ainsi protégé. Suite à cette première étape je devais orienter ma réflexion sur le storytelling. Le premier objectif de cette deuxième partie était de contextualiser l’outil c’est à dire de comprendre sa nature, son histoire, ses différences par rapport aux autres méthodes et son adaptabilité dans différents secteurs. Le storytelling est donc une méthode publicitaire qui consiste à raconter des histoires en invoquant les émotions du spectateur/consommateur avant sa raison : son imagination est stimulée pour qu’il rentre dans l’univers de la marque. Cette méthode a été historiquement utilisée en premier par les marques de luxe. Il s’avère que cette méthode correspondait généralement à leurs attentes : une marque de luxe communique dorénavant en effet essentiellement sur son univers, que l’on doit retrouver dans chacun de ses produits. Cependant, les marques de tous secteurs se sont aperçues du potentiel de cette technique jusqu’à faire entrer certaines marques jusqu’à la limite du luxe (Nike, Nespresso). Son adoption n’a pas pour autant effacé les autres méthodes puisqu’une des qualités du storytelling est de s’adapter même aux autres techniques. Après avoir souligné l’intérêt et la portée du storytelling, il fallait que j’appuie mes propos par des exemples concrets. Or, ma problématique de départ étant toujours en suspend, je devais répondre à celle-ci tout en illustrant ce qu’est le storytelling. J’ai donc décidé d’analyser trois spots publicitaires : Chanel n°5 de Chanel, Flora Nymphea de Guerlain et Nina l’élixir de Nina Ricci. Il en est ressorti d’abord que si le storytelling était identifiable rapidement c’est parce qu’il sert de fondation à une dimension plus symbolique. Ainsi en montrant clairement qu’il s’agit d’un récit et non pas d’une publicité conventionnelle, on demande inconsciemment aux spectateurs de se pencher sur la symbolique, c’est à dire le message de la marque, ses valeurs. Cette observation nous amène d’ailleurs au second point important de nos résultats : la conciliation des valeurs élitistes et « populaires » est un procédé complexe qui prend différentes formes. Nous en avons distingué trois : la cohabitation, le détournement et la confidence. Ainsi, les marques arrivent à faire vivre, grâce au storytelling, des valeurs que l’on aurait pu croire antagonistes. 74 Pour ma dernière partie j’ai choisi d’adopter une démarche plus professionnelle et de mettre en pratique ce que j’avais développé au cours de mes deux précédentes parties. L’objectif de cette troisième étape était de montrer le potentiel d’adaptabilité du storytelling et de mettre en avant, encore une fois, les mécanismes de celui-ci. D’abord j’ai voulu énoncer des principes fondamentaux, des grandes orientations pour appliquer le storytelling à une marque de luxe. Ces principes de divisent en deux parties : la prise en compte de l’ADN d’une marque de luxe et la prise en compte de procédés narratifs. La composante, ou ADN d’une marque de luxe est importante dans la mesure où connaître la marque et ce qui la définit est le point de départ obligatoire à tout récit afin de cerner les éléments symboliques qui vont ressortir. Les procédés narratifs sont les éléments qui vont construire le récit, ce sont les procédés qui vont transformer une publicité conventionnelle en storytelling. La deuxième étape de cette proposition professionnelle était pour moi de mettre en pratique ces principes en adaptant une publicité sans récit. Pour rester cohérent avec mon sujet initial j’ai repris une publicité de parfumerie à cible féminine : Flowers by Kenzo. J’ai donc commencé par établir l’ADN de la marque en traitant de l’histoire de Kenzo et du produit. Puis, j’ai recensé les éléments qui prouvent que ce spot n’est pas du storytelling. Enfin, J’ai élaboré un scénario en accord avec les principes listés plus haut. Ainsi au cours de ce développement, il nous a été possible de voir que le storytelling permettait aux marques de luxe de communiquer vers le grand public d’une certaine manière. Mais si le storytelling, est adapté aux marques de luxe, c’est parce que le secteur ne communique que sur ses produits dérivés (c’est à dire le troisième cercle de la classification du luxe selon Jean Castarède). Le storytelling ne serait alors qu’une méthode destinée au grand public, d’autant plus que si elle n’est pas diffusée sur des médias de masse, cette technique perd de son intérêt… et de son efficacité. Cependant, nous avons également observé que cette technique a été reprise par des marques de consommation courante. Les marques de luxe doivent alors fournir un effort supplémentaire pour se différencier, et toujours affirmer leur « supériorité ». Revient alors ici un enjeu primordial pour les marques de luxe : éviter le ressenti de démocratisation, par les clients traditionnels, tout en effectuant une réelle démocratisation nécessaire à leur pérennité économique. 75 Certaines marques l’ont bien compris comme Guerlain, qui propose depuis peu, pour éviter cet écueil, de réaliser des parfums uniques, sur commande à des tarifs non démocratiques. Le produit et la communication se démocratisant, le service associé très luxueux permettrait de conserver l’image hyper luxe par le maintien d’un monde toujours accessible seulement à une infime minorité. En regardant au-delà des limites de ce développement, n'est-il pas légitime de se demander si cette stratégie de communication n'est pas le reflet d'un mécanisme de démocratisation déjà en place ? Ne pourrait-on pas penser que cette démocratisation serait la perte du luxe, pire, du luxe français ? En effet, la conjoncture économique touchant d’ores et déjà ce marché, les marques de luxes sont elles vouées à disparaître ou, du moins, à s'écarter du mythe de perfection, d’exclusivité et de rareté, bref, d’un monde à part, du début du siècle dernier ? Il aurait été intéressant de mettre ce mémoire en parallèle avec d'autres travaux sur ce secteur, son évolution, les moyens que le luxe met en œuvre pour conserver, ou non, sa nature originelle. Ce sujet sous-entend un problème plus profond, plus structurel, celui de la perte d'un patrimoine, d'une moyennisation des modes de vie et de la consommation. Ce mémoire peut être une préface ou une introduction à une observation socioéconomique d'un marché entre deux époques. 76 Bibliographie Ouvrages Communication et publicité - DE BAYNAST Arnaud, LENDREVIE Jacques, Publicitor, Paris, Dunod, 2008, 669p - Merlin DONALD, Les origines de l’esprit moderne, Paris/Bruxelles, De Boeck Université, 1999, 425p - DRU Jean-Marie, La publicité autrement, France, Gallimard, 2007, 231p -­‐ La Publicité d’aujourd’hui : Discours formes et pratiques / sous la dir. de Yannick LEBTAHI, Françoise MINOT, Paris, L’Harmattan, 2009, 336p Luxe - Le luxe : essais sur la fabrique de l’ostentation / sous la dir. d’Olivier ASSOULY, Paris, Edition du Regard, 2005, 383p - CASTAREDE Jean, Le luxe, Que sais-je ?, Puf édition, 2010, 128p - ELLENA Jean-Claude, Le parfum, Que sais-je ?, Puf édition, 2010, 128 p - VETTRAINO-SOULARD Marie-Claude, Luxe et publicité, Paris, Retz, 1990, 234p Storytelling • ASSADI Djamchid, Storytelling, France, Le Génie des Glaciers, 2009, 58p • BLANCHERIE Jean-Marc, DANGEL Stéphane, Storytelling du luxe, Editions du Désir, 2010, 217p • DANGEL Stéphane, Storytelling le guide, Editions du Désir, 2009, 189p • SALMON Christian, Storytelling, Paris, La Découverte, 2007, 226p 77 Presse - DI ROSA Marc, « Les marques à l’heure du storytelling », Stratégies, n° 1559, 1 octobre 2009, p12 - LEITUS Cathy, « Le marché du luxe vu de l’intérieur », Stratégies, n° 1611, 25/11/2010, p12 - LEITUS Cathy, « Agences & luxe », Stratégies, n° 1611, 25/11/2010, p40 à p46 - LEMEUNIER Anny-Claude, « Luxe et Internet : la véritable histoire du storytelling », Stratégies, n° 1567, 26/11/2009, p6 - LEVY Lionel, « Luxe & Web », Stratégies, n° 1567, 26/11/2009, p52 à p59 Mémoires - ATI KENT Aurélie, Les marques de luxe face à l’engouement du grand public, mémoire de 2ème cycle en communication, Ecole Supérieure de Commerce Wesford de Grenoble, 2004, 27p - LANGLOIS Hélène (dir. BOULDOIRES Alain, COURSIERES Nelly), La marque, vecteur de communication, Mémoire de 1er cycle en Communication d’Entreprise, I.U.T. Michel de Montaigne – Bordeaux 3, 2006, 60p - MARSAC Audrey (dir. BART Annie, MOZZICONACCI Valérie), La grande épicerie Paris : quelle communication pour l’alimentation de luxe, Mémoire de premier cycle en Communication d’Entreprise, I.U.T Michel de Montaigne – Bordeaux 3, 2006, 69p Rapport officiel - SOCQUET-CLERC LAFONT Jacqueline, Avis et rapports du Conseil Economique et Social : Le luxe, production et services, République Française, 2008, 47p. Disponible sur : http://www.conseil-economique-et-social.fr/rapport/doclon/08022002.pdf, consulté en janvier 2011 78 Newsletters1 - Sébastien Durand Conseil, Newsletter, Février 2009 - Sébastien Durand Conseil, Newsletter, Février 2010 - Sébastien Durand Conseil, Newsletter, Mai 2010 - Sébastien Durand Conseil, Newsletter, Juillet/Août 2010 - Sébastien Durand Conseil, Newsletter, Septembre 2010 - Sébastien Durand Conseil, Newsletter, Octobre 2010 - Sébastien Durand Conseil, Newsletter, Novembre 2010 Colloque et conférence - Colloque présenté par BOULANGER Nicolas, directeur luxe-biens de consommation, Eurostaf, Le luxe français : quoi de neuf en 2010 ?, Power Point, 15 septembre 2010. Disponible sur : http://video.bercy.gouv.fr/upload/catalogues/dgcis/images/20100915_Industrie_franc aise_du_luxe/Slides/Intervention%20DGCIS.pdf, consulté en février 2011 - Conférence de DURAND Sébastien, GASSIN Renaud, Storytelling et marketing fontils bon ménage ?, Organisée par les élèves du CELSA, Février 2009. Disponible sur : http://blogs.ecoles-idrac.com/STORYTELLING/Ecoutez-un-specialiste-dustorytelling-!, consulté en avril 2011 Cours - Cours de master en marketing et études à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, de Serge CARREIRA, Automne 2009. Disponible sur : http://www.supportscoursenligne.sciencespo.fr/200910/OMKG2055/pdf/OMKG2055_fiche3.pdf, consulté en avril 2011 - Cours de sémiotiques de spot publicitaire, de Julien DURAND, professionnel de la communication et intervenant/professeur, Université de Lyon 2, Licence, 20062007. Disponible sur : 1 Les newsletters ont toutes été consulté en avril 2011 et sont disponibles sur http://www.lestorytelling.com/, 79 http://juliendurand.com/semio/index.php/post/2008/04/15/Semiotique-1ere-annee2eme-semestre-%3A-partie-analyse, consulté en novembre 2010 Dictionnaire - Le Petit Robert : Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française / Paul Robert ; rédaction dirigée par Alain REY et Josette REY-DEBOVE, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1986, 2171p 80 Webographie1 - http://lafindesidees.com/2009/01/13/segala/, site de Franck GINTRAND, directeur général de l’agence conseil en communication corporate Global Conseil - http://www.prestigium.com/news/mode/bilan-2009-les-metamorphoses-du-luxe-seconfirment-1257/, magazine de mode en ligne - http://lestorytelling.com/blog/2008/09/16/nike-id-pour-personnaliser-voschaussures/, blog professionnel dédié au storytelling - http://lestorytelling.com/blog/2008/09/07/la-formule-secrete-de-coca-cola/, blog professionnel dédié au storytelling - http://www.lestorytelling.com/, blog professionnel dédié au storytelling - http://aesplus.net/La-communication-de-luxe.html, site dédié à la filière universitaire française AES - http://www.kenzoparfums.com/FR/flowerbykenzo-essentiel.php/, site officiel des parfums de la marque Kenzo - http://cominlife.fr/index.php/2011/01/21/street-marketing/86, blog qui relate les actions de communications originales et insolites - http://www.flowerbykenzo.com/, site officiel du parfum Flower By Kenzo de Kenzo - http://multivu.prnewswire.com/mnr/prne/kenzo/40759/docs/40759_dossier%20de%20 presse_kenzo_parfums.pdf, dossier presse et complément d’information de la nouvelle campagne du parfum Flower By Kenzo de Kenzo - http://www.chanel.com/fr_FR/parfums-beaute/Universe-N°5-93073#/home, site officiel de Chanel - http://www.nina-parfum.com/#/fr/accueil, site officiel de Nina Ricci - http://testconso.typepad.com/brandcontent/2010/04/storytelling-et-brandcontent.html, blog dédié au brand content - http://www.comitecolbert.com/internet/index.php?option=com_content&task=view &id=76&Itemid=70, site du Comité Colbert 1 Tous les sites Internet ont été consultés d’octobre 2010 à mai 2011. 81 Sources Entretien - Entretien avec M. Sébastien DURAND, conseiller en communication et spécialiste en storytelling, free-lance, le 18 avril 2011 Cours - Cours de sémiologie de M. Dominique BLIN, maître de conférence et directeur de la filière communication des organisations, 2ème semestre de l’année universitaire 2009/2010 - Cours de marketing de Mme Claire GOUTINES, consultante et rédactrice en communication, 1er semestre de l’année universitaire 2009/2010 82 Lexique Brand : marque. Brand Image : image de la marque que le publicitaire doit vendre. Brand Story : histoire de la marque, histoire que la marque a à raconter. Prosumer : en français « prosommateur », qui décrit les tendances des consommateurs à se professionnaliser et à s'approcher de plus un plus du « producteur » dans la société de l’information. Category : catégorie, classe. Bling-Bling : terme issu du jargon hip-hop et désigne le style ostentatoire et excessif d’un mode de vie et d’habitudes de consommations. Matraquage publicitaire : répéter de manière très insistante une publicité. Praxéologie : discipline qui a pour objet d’analyse les différentes actions humaines. M ythmaker : faiseur de mythe, qui crée des histoires. Low-cost : Expression anglo-saxonne utilisée pour désigner une entreprise qui pratique des prix très bas. Le swoosh : logo de Nike, inspiré des ailes de la déesse Niké. Web 2.0 : L'expression « Web 2.0 » désigne certaines technologies et des usages du Web. Ainsi, les internautes contribuent à l'échange d'informations et peuvent interagir (partager, échanger, etc.) de façon simple, à la fois avec le contenu et la structure des pages, mais aussi entre eux, créant ainsi notamment le Web social. L'internaute devient, grâce aux outils mis à sa disposition, une personne active sur la toile. 83 Syncrétisme : système philosophique basé sur le mélange, la fusion, de plusieurs doctrines différentes. Orient Express : train de luxe qui, depuis 1883, assure la liaison entre Paris, Vienne et Istanbul, desservant plusieurs capitales européennes. Nymphe : dans la mythologie grecque, c’est une divinité qui symbolisait les forces de la nature et la jeunesse. Il existait plusieurs Nymphes. Pour des artistes une nymphe représente généralement une belle femme. Travelling : déplacement de la caméra au cours de la prise de vues. L'objectif est soit de suivre un sujet en mouvement, soit de s'en rapprocher ou de s'en éloigner. Storyboard : représentation illustrée d'un film avant sa réalisation. Il s'agit d'un document technique généralement utilisé au cinéma en pré production afin de planifier l'ensemble des plans qui constitueront le film. M aking of : film documentaire relatant le tournage ou la production d'un film ou d'une œuvre audiovisuelle. Street marketing : technique de promotion qui s’étend de la simple distribution d’imprimés à la sortie du métro jusqu’à une présence au sein d’événements de grande envergure. Il permet de renforcer une communication de proximité, de créer du trafic et de booster les ventes. Pour ceci, le but est de surprendre en créant un événement original. Il s’agit de marquer les esprits. Spleen : À l’origine c’est une expression de Baudelaire. Elle est employée aujourd’hui pour représenter de la mélancolie et un ennui profond. 84 Table des illustrations Figure 1 : Répartition par produit du marché mondial du luxe en 2008 -------------------------------- 19 Figure 2 : Le marché mondial du luxe entre 2001 et 2009 --------------------------------------------------- 20 Figure 3 : Architecture narrative d'une histoire ------------------------------------------------------------------ 58 Figure 4 : Les coquelicots sur les toits de Paris -------------------------------------------------------------------- 64 Figure 5 : L’actrice Lika Minamoto ----------------------------------------------------------------------------------- 59 85 Table des tableaux Tableau 1 : Perception de la publicité par les français ------------------------------------------------------ 24 Tableau 2 : Enquête Ipsos réalisée aux Etats-Unis, Japon et cinq pays d'Europe (dont France et Italie) ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 26 86 Table des matières SOMMAIRE --------------------------------------------------------------------------- 4 AVANT PROPOS --------------------------------------------------------------------- 6 INTRODUCTION ---------------------------------------------------------------------- 9 TROIS FACTEURS CLE EN SYNERGIE CONTRAINTE OU SPONTANEE, MAIS EVOLUTIVE : PUBLICITE, LUXE ET CONSOMMATEURS ------------------------------ 11 Histoire de la technique publicitaire : la nécessité d'adaptations permanentes ------- 12 Histoire de la publicité, évolutions ---------------------------------------------------------------------------------------------- 12 La copy strategy ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 13 La star strategy ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 14 Le « Who, what, what »-------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 14 L’Insight ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 15 La disruption----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 15 La Creative Business Idea ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- 16 La lovemark ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 16 Le marché du luxe : un secteur multiple, dont la parfumerie, entrée de gamme économiquement irremplaçable ------------------------------------------------------------------------ 18 Evolution du marché du luxe, d’hier à aujourd’hui ----------------------------------------------------------------------- 18 Le secteur de la parfumerie ------------------------------------------------------------------------------------------------------- 21 La cible de la parfumerie ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- 23 Entre responsabilité, morale et éthique : un consommateur français difficile ----------- 24 Les français face à la publicité -------------------------------------------------------------------------------------------------- 24 Les Français et les marques ------------------------------------------------------------------------------------------------------- 25 Comportement du consommateur occasionnel face au luxe ------------------------------------------------------ 26 Bilan de la première partie --------------------------------------------------------------------------------- 29 UN VECTEUR D'EMOTIONS (TROP ?) EFFICACE : LE STORYTELLING --------------- 31 Le récit inscrit dans les modes de communication publicitaire de la dernière génération ------------------------------------------------------------------------------------------------------- 32 Définition --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 32 Storytelling et marketing : la relation à la marque ------------------------------------------------------------------------ 34 Une méthode de communication parmi les autres ---------------------------------------------------------------------- 36 Le storytelling, pour créer du rêve sur toutes les marques riches d'histoire ou à enrichir ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ 39 Le secteur de la grande consommation ------------------------------------------------------------------------------------- 39 Problématique des marques de luxe ------------------------------------------------------------------------------------------ 41 Des mythes sublimes au service de marques sublimes du luxe : preuve par l'analyse 43 Chanel N°5 ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ 44 Guerlain ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 46 Nina Ricci -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 48 Bilan des analyses --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 50 87 Bilan de la deuxième partie-------------------------------------------------------------------------------- 53 LA PRATIQUE DU STORYTELLING : METHODOLOGIE, ADN ET REALISATION ------ 55 L'ADN original d'une marque servi par des modes classiques de narration -------------- 56 L’ADN d’une marque de luxe ---------------------------------------------------------------------------------------------------- 56 Les éléments constitutifs d’une narration ------------------------------------------------------------------------------------- 56 Types d’histoires récurrents -------------------------------------------------------------------------------------------------------- 58 Kenzo et Flower by Kenzo : une marque et une communication originales sans storytelling -------------------------------------------------------------------------------------------------------- 61 L’histoire de la marque-------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 61 Le produit : Flower by Kenzo ------------------------------------------------------------------------------------------------------ 62 La communication autour du parfum Flower by Kenzo ---------------------------------------------------------------- 62 Storytelling ?----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 64 Dans la continuité : proposition d'un scénario pour plus d'émotion et la création du mythe Kenzo ----------------------------------------------------------------------------------------------------- 67 Points de départ ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 67 Proposition ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 69 Bilan de la troisième partie --------------------------------------------------------------------------------- 72 CONCLUSION GENERALE ---------------------------------------------------------- 73 BIBLIOGRAPHIE --------------------------------------------------------------------- 77 Ouvrages --------------------------------------------------------------------------------------------------------- 77 Communication et publicité ------------------------------------------------------------------------------------------------------ 77 Luxe ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 77 Storytelling ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 77 Presse --------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 78 Mémoires --------------------------------------------------------------------------------------------------------- 78 Rapport officiel ------------------------------------------------------------------------------------------------- 78 Newsletters ------------------------------------------------------------------------------------------------------- 79 Colloque et conférence ------------------------------------------------------------------------------------ 79 Cours --------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 79 WEBOGRAPHIE --------------------------------------------------------------------- 81 SOURCES ---------------------------------------------------------------------------- 82 Entretien ----------------------------------------------------------------------------------------------------------- 82 Cours --------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 82 88 LEXIQUE ----------------------------------------------------------------------------- 83 TABLE DES ILLUSTRATIONS ---------------------------------------------------------- 85 TABLE DES TABLEAUX --------------------------------------------------------------- 86 TABLE DES MATIERES ---------------------------------------------------------------- 87 89 IUT Michel de Montaigne, Université Bordeaux III Département Information Communication Filière Communication des Organisations 1, rue Jacques Ellul 33080 Bordeaux Cedex Tél : 05 57 12 20 10 Fax : 05 57 12 20 82 http://www.iut.u-bdx3.fr [email protected]