Le travail de la figure Programme de recherche 2016 > 2017 Manufacture HES.SO, Lausanne
Mathieu Bouvier + Loïc Touzé
Le travail de la figure
Que donne à voir une danse ?
Programme de Recherche 2016 > 2017
La Manufacture, Haute Ecole des arts de la scène de Suisse Romande
Mission Recherche
contact!: Mathieu Bouvier Ι 06 22 61 49 61 Ι [email protected]
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La chance, Loïc Touzé 2009. ©Martin Argyroglo
Le travail de la figure Programme de recherche 2016 > 2017 Manufacture HES.SO, Lausanne
Équipe!de recherche
Mathieu Bouvier!: artiste, dramaturge, doctorant contractuel en art, Université Paris 8.
Loïc Touzé!: danseur, chorégraphe
Rémy Héritier!: danseur, chorégraphe
Alice Godfroy!: danseuse, docteur en Littérature comparée, Maître de conférences à
l’Université de Nice S.A.
Anne Lenglet!: danseuse, chercheure associée
Invités
Serge Tisseron, psychiatre, docteur en psychologie et psychanalyste.
Carla Bottiglieri, danseuse, doctorante en danse de l’Université Paris 8. Spécialiste des
méthodes somatiques.
Boyan Manchev, Professeur en Philosophie à la Nouvelle Université de Bulgarie (Sofia),
Directeur de programme au Collège international de philosophie.
Marco Motta, doctorant en anthropologie Culturelle et sociale à!l’Université!de Lausanne.
Carlo Severi, Anthropologue, directeur d’études à l’EHESS et directeur de recherches au
CNRS.
Isabelle Launay, historienne de la danse, professeur en danse de l’Université Paris 8.
Guillemette Bolens, docteure en littérature médiévale et littérature comparée,
professeure de littérature à l’Université de Genève.
Julie Sermon, Maître de conférences en Études Théâtrales, Département Arts de la scène,
de l'image et de l'écran, Université Lyon 2.
Gabriele Sofia, Docteur de recherche à la Sapienza Università di Roma et à l’Université
Paris 8, recherche interdisciplinaire sur la neurophysiologie de l’acteur et du spectateur.
Luc Vancheri, Professeur en Études cinématographiques (HDR),!Département des Arts de
l'Image et de la Scène, Université Lyon 2.
Patricia Ribault, docteure en arts et sciences de l’art (Paris I), Junior Professor en Histoire et
Théorie de la Gestaltung au Cluster d’Excellence « Image, Knowledge, Gestaltung » de
l’Université Humboldt de Berlin, enseignante aux Beaux-Arts de Paris et intervenante à
l’École nationale supérieure de création industrielle (Ensci-les Ateliers).
Catherine Perret, professeure des universités en théorie et histoire des arts modernes et
contemporains, dans l'UFR Arts, philosophie, esthétique de l’Université Paris 8 Saint-Denis.
Partenaires
Centre national de la danse, Pantin
Les ateliers de Paris, Carolyn Carlson
HES.SO
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Le travail de la figure Programme de recherche 2016 > 2017 Manufacture HES.SO, Lausanne
Contexte!!
Forts de l'épisode réflexif que la danse contemporaine occidentale a connu au
tournant du XXIe siècle, un certain nombre d'artistes qui redonnent foi au geste
dansé sollicitent aujourd'hui un examen critique du travail de la figure. Tel qu'il est
pensé et pratiqué, ce travail est une expérience des puissances de figurabilité du
corps : que donne à voir une danse quand elle anime des figures qui excèdent les
contours du geste?! !!!"
!
Objectifs!
Cette recherche se propose d'analyser, d'un point de vue théorique et pratique,
cette notion irradiante de figure et de comprendre comment, dans leur épaisseur
psychosomatique et leur étendue sociale, les corps sont impressionnés par des
images, et comment, dans l'oeuvre du geste dansé ils projettent!des figures.!
!
Programme!
Il se déploie en trois séminaires, un laboratoire et un atelier. Les séminaires sont
l'occasion d'un dialogue croisé avec des chercheurs issus des domaines de la
clinique, de la philosophie, de l'anthropologie et de l'histoire des arts pour des
enquêtes sur le fonds somatique s'enracine l'imaginaire, et sur le "champ
mimétique" culturel circule la survivance des gestes. Le laboratoire est une
situation d'expérimentation partagée avec des danseurs et performers
professionnels pour inventer des protocoles ou exercices qui permettent de faire
l'épreuve concrète des pouvoirs de l'imaginaire du geste et de sa performativité.
L'atelier est une situation pédagogique proposée aux étudiants au terme de la
recherche afin d'en partager les ressources théoriques et les pratiques physiques, et
leur faire découvrir quelles méthodes et quels outils pour la création le travail de la
figure peut produire.!"
Publication!
Outre l'atelier pédagogique, le partage des résultats prend la forme d'un site
internet intitulé Pour un atlas des figures. Plateforme contributive et évolutive, il édite
les ressources théoriques produites dans les séminaires, documente les pratiques
artistiques et accueille des contributions critiques et artistiques d'auteurs invités.
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Le travail de la figure Programme de recherche 2016 > 2017 Manufacture HES.SO, Lausanne
I CONTEXTE
Figure / figural!: des concepts féconds pour la pensée et la pratique de la danse
Dans les arts vivants, une figure de corps est dite figurative quand elles s’efforce de
subordonner des gestes, des postures ou des mouvements à des figures lisibles et idéales (le
danseur ou l’acteur exécute ou incarne des figures constituées). Dans le parti-pris figural qui
est le nôtre, le travail de la figure relève d’une option inverse : il consiste plutôt à dégager les
figurations corporelles de toute assignation figurative, il mobilise les forces de défiguration et
de transfiguration que demande la conception bachelardienne de l’imaginaire à laquelle
nous souscrivons : l’imaginaire n’est pas la faculté de former des images, mais bien plutôt
celle de les déformer .
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Quoi de plus apte à déformer une image qu’un geste ? Un geste est une forme fugace : il
déborde les contours du corps qui le porte, l’oeil ne peut en circonvenir le dessin, l’esprit ne
peut l’arrêter en une signification stable. Un geste est aussi une force : s’il émule et affecte
son spectateur, c’est parce qu’il retentit physiquement dans son propre corps, selon les effets
de l’empathie kinesthésique qui font d’un geste vu un geste vécu . Parce qu’elle suscite de
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puissantes participations sensorimotrices et affectives, la danse a cette faculté de lever dans
le regard des figures virtuelles qui excèdent les contours actuels des corps en mouvement et
qui augmentent celui du spectateur d’une altérité singulière.
Figures : c’est donc ainsi que l’on se propose d’appeler les épiphanies sensibles qui, au
spectacle du geste, font surrection dans la forme, effraction dans le corps, y réveillent des
survivances et des mémoires, animent l’oeil d’étranges excès de vision : une image virtuelle surgit
dans le mouvement, un rythme dans l’image, une force dans la forme, une ressemblance dans la
dissemblance, un lapsus visuel, un mirage sensible.
institué
Etudier les fondations pyschosomatiques du geste, ses ressorts mimétiques, ses variétés
culturelles et ses facultés de signifiance suppose d’affranchir le geste de l’ordre des symboles
pour le rendre au désordre des symptômes, de préférer à la tentation d’une sémiotique du
geste le risque d’une herméneutique des figures, au croisement de la clinique, de la
philosophie, de la psychanalyse, de l’anthropologie culturelle… et du plateau de théâtre.
Sous l’égide de la formule de Lyotard, «!la beauté est figurale, non-liée, rythmique!» , nous
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nous emploierons à comprendre et à expérimenter de quoi est faite la singulière beauté du
geste, de quels effets de sens, d’affection et de mobilisation il est capable.
Le sens du geste : une mimésis figurale ?
Penser la force figurale d’un geste comme transgression dans la signification suppose de
poser au préalable la question du sens du geste. Le geste formule-t-il un sens ou bien fait-il
sens ? Une sémiotique du geste est-elle possible, fut-elle sauvage, ou bien le geste ne relève-
t-il que d’une pragmatique ? Une certaine pensée «!ontologique!» de la danse a consacré
!!«"On"veut"toujours"que"l'imagination"soit"la"faculté"de"former"des"images."Or"elle"est"plutôt"la"faculté"de"déformer"les"images"fournies"
"
par"la"perception,"elle"est"surtout"la"faculté"de"nous"libérer"des"images"premières,"de"changer"les"images.»!#$%&'(!)$*+,-$./0!L'air"et"les"
songes":"essai"sur"l'imagination"du"mouvement0!1'%2!3'.&4!"5670!89!:
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Le travail de la figure Programme de recherche 2016 > 2017 Manufacture HES.SO, Lausanne
l’idée d’un geste autotélique : contrairement aux formes symboliques qui renvoient à une
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référence (images figuratives, signes linguistiques), et constituent ainsi des propositions à
deux termes, le geste dansé y est conçu comme une proposition à un seul terme, qui n’aurait
pas d’autre référent que lui-même. Sans « à-propos!» (aboutness), le geste n’exprimerait que
sa seule quiddité, il serait un «!acte-monde!» plutôt qu’un acte de relation au monde. Or, sans
contester la dimension autopoïétique du geste dansé (il n’est créé et médiatisé que par lui-
même), nous ne souscrivons pas à son autotélie : un geste agite toujours des figures qui le
précèdent ou lui survivent, des ressemblances et des dissemblances qui le transfigurent.
A cet égard, nous avancerons au cœur de ce programme de recherche une hypothèse
structurante pour réfléchir les modes de signifiance particuliers du geste : Le geste dansé
n’est-il pas l’archée de la mimésis, son principe et sa loi ? En effet, les principes thétiques de
ressemblance, d’imitation et de représentation qui articulent le concept de mimesis depuis
Aristote n’irriguent-ils pas tout le geste du danseur comme ses principes actifs!?
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A l'appui d’une approche anthropologique des ressorts de la figuration corporelle dans
différentes aires culturelles, nous questionnerons les fondations gestuelles de toute mimesis,
qu’elle soit théâtrale, littéraire ou picturale, à rebours d’une tradition occidentale qui a
privilégié le discours (le texte, la loi) à la figure (le geste, l’image).
Il y a certes un phrasé du geste, mais il n’y a pas de texte de la danse. Sa portée signifiante et
symbolique relève plutôt d’un événement phénoménal, temporel et dynamique, lié au
faisceau empathique qui entrelace la chair commune des corps en présence!: danseurs et
spectateurs. Pour le danseur et kinésiologue Hubert Godard , la signifiance du geste dansé a
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en effet pour condition d’expérience première l’empathie kinesthésique qui crée une
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véritable résonance motrice entre le corps du danseur et celui du spectateur. Elle s’initie dans
le pré-mouvement, ce rééquilibrage gravitaire ancré dans le fond tonique du sujet, qui
précède toute action motrice. Elle se forme et s’exprime ensuite dans une tension dynamique
entre les fonctions toniques et posturales du corps, qui procèdent de la musculature
profonde et d’une motricité subliminale, et le dessin spatialisé du geste, qui procède d’une
expression motrice intentionnelle. Cette tension élastique entre le fond tonique du corps et
la figure dessinée du mouvement est ce qui donne au geste dansé toute la qualité expressive
de sa signifiance. Elle est le versant corporel du «!signe tenseur!» avec lequel Jean-François
Lyotard fait jouer la différence entre signe sémiotique et signe énergétique .
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Cette tension fond / figure, éprouvée dans toutes ses variétés kinesthésiques, irrigue en
profondeur le travail corporel sur lequel se fonde cette recherche : en affiner la
compréhension intellectuelle, c’est se donner les moyens d’affuter les outils pratiques qui en
découlent.
!X'<.!Y4*+,-!),.($./0!-,!B,%&,!/<!/$(%,<.!,%&!%$(%!/,+'.%!Z!«"l’expression"chorégraphique"suppose,"à"l’instar"de"la"voix,"la"jouissance"
6
insatiable" de" son" acte" de" production»." «" Le" mouvement" ne" fait" que" se" répondre" à" luiCmême" à" travers" «" les" sensations" de" durée" et"
d’énergie"qui"forment"comme"une"enceinte"de"résonances"»9!+&&8Z[[\\\98+4-$B'.$9(,&[8+4-'[/$(%,D=<%698+8
!«"Par"ses"origines,"la"mimèsis"se"rattache"au"champ"lexical"de"la"représentation"théâtrale"ou"chorégraphique";"elle"a"pris"racine"dans"
:
une"représentation"gestuelle,"une"expression"gestuelle"figurée"[...]"Elle"qualifie"à"la"fois"l’action"d’imiter"un"modèle,"mais"également"le"
résultat"de"cette"action,"la"représentation"de"ce"modèle"»!Y4*+,-!Y$B(4,(0!](&.'/<*&4'(0!X'2&4@<,0!;.4%&'&,0!U#S0!"55Q0!3-$%%4@<,%!/,!
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