Centre pour la Formation et l’Intervention Psychosociologiques asbl 153 av Gribaumont 1200 BRUXELLES Rapport de la recherche-développement relative à la documentation des compétences tout au long de la vie à partir de l’outil CIC (cahier individuel des compétences) Les comptes-rendus d’interview de cette version ont été approuvés par les personnes interviewées Une étude réalisée par : Le Centre pour la Formation & l’Intervention Psychosociologiques Pour : L’Office Wallon de la Formation Professionnelle et de l’Emploi www.cfip.be Consultants : Marc CLEPKENS et Pierre DUBRUILLE Octobre 2014 – Décembre 2014 1 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille SOMMAIRE AVANT-PROPOS INTRODUCTION ........................................................................................................ 4 1. La demande : ...................................................................................................... 4 2. L’objectif :............................................................................................................ 5 CHAPITRE 1 .............................................................................................................. 6 CONTEXTUALISATION DE LA PROBLÉMATIQUE DU CAHIER INDIVIDUEL DES COMPÉTENCES : QUELQUES REPÈRES THÉORIQUES ...................................... 6 1. DESCRIPTION DU CONTEXTE......................................................................... 6 1.1 « Lifelong learning » ...................................................................................... 6 1.2. « 2013, année des compétences »............................................................... 6 1.3. Cahier individuel des compétences (CIC) .................................................... 6 1.4. Le parcours de validation des compétences ................................................ 8 1.5. Les enjeux de l’utilisation d’un e-portfolio ..................................................... 8 2. UN CONCEPT CLÉ : LA COMPÉTENCE ................................................... 10 3. L’OUTIL PORTFOLIO ÉLECTRONIQUE : DÉFINITION ............................. 12 CHAPITRE 2 ............................................................................................................ 12 Interviews des acteurs de la formation, l’insertion et la validation des compétences 12 Numéro 1. Interview d’un collaborateur d’une plate-forme de reconversion. ........ 15 Numéro 2. Interview d’un collaborateur des CEFO ............................................... 16 Numéro 3. Interview d’un collaborateur de l’IFAPME............................................ 17 Numéro 4. Interview d’un collaborateur du FOREM.............................................. 20 Numéro 5. Interview d’un collaborateur du Consortium de Validation des compétences......................................................................................................... 21 Numéro 6. Interview d’un collaborateur de l'Interfédération ...... Erreur ! Signet non défini. Numéro 7. Interview de la direction de l’asbl AMOS et de l’équipe du Grain. ....... 24 Chapitre 3 ................................................................................................................. 25 ÉLÉMENTS D’ANALYSE ......................................................................................... 25 A. Le cic suscite un vif intérêt auprès de toutes les personnes que nous avons rencontrées tout en posant de nombreuses questions ......................................... 25 B. Tous les acteurs rencontrés sont confrontés à la documentation des compétences de leurs clients, stagiaires, bénéficiaires......................................... 25 C. Le portfolio en général ainsi que le cic sont peu ou pas connus et/ou pas utilisés .............................................................................................................................. 25 D. Risque de dualisation ....................................................................................... 26 E. Protection de la vie privée ................................................................................ 26 F. Dualisation forte entre acteurs .......................................................................... 26 G. La responsabilisation........................................................................................ 27 H. L’accompagnement .......................................................................................... 28 I différentes conceptions du déclaratif................................................................... 28 Chapitre 4 ................................................................................................................. 29 2 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille PROPOSITIONS DE DÉVELOPPEMENT DE L’OUTIL CIC - QUELQUES PISTES AFIN DE FACILITER L’EXPLICITATION DE COMPÉTENCES ............................... 29 A. Intégration de référentiel de compétences dans l’outil CIC............................... 29 B. Intégration d’un outil d’explicitation des compétences ...................................... 30 C. Portfolio et traces d’apprentissage ................................................................... 31 Chapitre 5 ................................................................................................................. 33 RECOMMANDATIONS ............................................................................................ 33 A. Développer l’outil informatique CIC .................................................................. 33 B. Diffuser le cic .................................................................................................... 33 C. Faire connaitre la pratique de l’explicitation des compétences......................... 34 D. Susciter des collaborations autour du crf.......................................................... 34 E. Développer des articulations avec les bases de données développées par le FOREM ................................................................................................................. 34 F. Obtenir des cadres légaux ................................................................................ 34 G. Développer le métier d’accompagnement ........................................................ 34 H. Créer, soutenir et/ou développer des dispositifs d’accompagnement collectifs 35 I. Repérer les bonnes pratiques ............................................................................ 35 J. Concertation...................................................................................................... 35 K. Appliquer, renforcer et/ou développer des règles de déontologies................... 35 L. Le portfolio électronique : droit ou devoir ? ...................................................... 36 3 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille AVANT-PROPOS Au terme de la recherche développement, nous tenons tout particulièrement à remercier le Comité de Pilotage de cette recherche qui a réellement accompagné, pas à pas, le travail et les consultants de ses précieuses indications et réflexions. Il était composé comme suit : Pierre Petit et Stéphanie Bouvroux du CRF, Alain Kock et Marie Deronchene du CVDC, Olivier Francq du FOREM et Francine Kinet de l’HEPL. Nous tenons également à remercier le CRF de nous avoir accueillis dans ses locaux pour nos réunions. Nos plus chaleureux mercis s’adressent aux personnes qui ont accepté de prendre le temps du dialogue nécessaire à la réalisation du travail. Chacun des échanges fût une réelle rencontre qui a non seulement fourni aux consultants les données à exploiter dans le cadre de la recherche mais les a portés tout au long du travail avec l’envie sincère de faire de ce travail une œuvre utile qui puisse, comme le suppose le principe même de la recherche-développement, faire évoluer la situation et les réponses apportées à la problématique de la documentation des compétences, avec la complicité de tous ceux qui sont concernés. Puisse ce rapport constituer non pas un point final mais bien un document de travail pour alimenter la réflexion. La méthodologie utilisée pour l’investigation s’appuie essentiellement sur le discours des acteurs. Les données ont été mises en perspectives entre elles et avec les données disponibles chaque fois que cela a été possible. Nous avons ainsi été à toute une série de constats, de difficultés mais aussi d’idées que nous avons essayé de rassembler dans ce rapport. Chacun devrait y retrouver des éléments de ses apports mais aussi de ceux des autres et c’est, nous espérons, de l’étonnement, des réactions, des questions que va soulever ce texte que naîtront des propositions concrètes à élaborer et puis à mettre en pratique. Nous espérons, via ce travail, avoir pu apporter des éléments d’objectivation mais l’apport principal de cette recherche-développement se situe au niveau des nombreuses pistes qu’elle propose et qui donne matière à travailler en vue d’améliorer le travail de l’ensemble des personnes qui sont concernées par la documentation des compétences. INTRODUCTION 1. La demande : L’Office Wallon de la Formation Professionnelle et de l’Emploi (Le FOREM) a chargé le Centre pour la formation & l’intervention psychosociologiques (CFIP) de réaliser cette recherche-développement sur base deux constats : 4 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille d’une part, l’Europe, par ses différentes recommandations et développements d’outils, propose des orientations visant la reconnaissance des compétences acquises dans les parcours (de façon formelle, non formelle et informelle) par une certification venant renforcer les chances des citoyens européens d’accéder et/ou de rester sur le marché de l’emploi, tout en favorisant l’accès et la mobilité professionnelle ; d’autre part en se référant au Mémorandum de « 2013, Année des compétences », le groupe de travail qui a réuni les opérateurs des quatre filières francophones de validation/valorisation des acquis de l’expérience, propose parmi d’autre pistes de travail en communes : « d’approfondir la question de la professionnalisation des accompagnateurs en poste, notamment en veillant à rapprocher leurs outils de documentation des compétences (le Cahier individuel des compétences fait l’unanimité) et leur formation continue ; ». (Mémorandum p.23) Un Comité d’Accompagnement a été mis en place afin de baliser et d’orienter le travail. Celui-ci est constitué de représentants du FOREM, de Consortium de Validation des Compétences, du Conseil régional de la Formation et de la cellule VAE du Conseil général des Hautes écoles. Le travail a été planifié en une phase du 15 octobre 2014 au 31 décembre 2014. 2. L’objectif : Soutenir la documentation des compétences tout au long de la vie en développant le e-portfolio sur base de l’outil CIC (cahier Individuel des Compétences) et en le mettant à la disposition d’acteurs de l’emploi, de la formation et de l’enseignement afin qu’ils puissent l’utiliser dans le cadre des politiques qu’ils doivent mener et in fine le partager de façon commune avec le plus grand nombre d’acteurs. Et partant de là : - soutenir l’implémentation d’une démarche e-portfolio type CIC au sein de la société, - être acteur de développement au niveau européen en prenant en compte les injonctions de la Commission Européenne (CE) dans le cadre du « long life Learning ». 5 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille CHAPITRE 1 CONTEXTUALISATION DE LA PROBLÉMATIQUE DU CAHIER INDIVIDUEL DES COMPÉTENCES : QUELQUES REPÈRES THÉORIQUES 1. DESCRIPTION DU CONTEXTE 1.1 « Lifelong learning » Les compétences occupent au niveau européen une place essentielle. Le développement des compétences devient un des fils conducteurs de l’évolution des personnes, tant du point de vue professionnel que personnel. On parle aujourd’hui de l’éducation « tout au long de la vie » (le « Lifelong learning »). Cette donnée doit être associée au concept de mobilité/employabilité, c’est-à-dire l’exigence d’actualiser ses compétences, de les acquérir et donc aussi de les faire « acter », valider, afin de les valoriser dans son parcours professionnel. 1.2. « 2013, année des compétences » « 2013, Année des compétences » est un projet fédérateur entre les opérateurs de formation professionnelle et l’enseignement, piloté par le FOREM, en collaboration avec d’autres partenaires externes. L’objectif était de mettre en place en 2013, sur base d’un calendrier mensuel, des actions permettant de parler positivement des compétences et moyens existants et futurs pour les acquérir ou les développer. Le projet permet de produire des délivrables concrets (contenus/projets/résolutions) quant à la problématique du manque de compétences et doit encourager les publics cibles à se former et à valoriser ses acquis de l’expérience. 1.3. Cahier individuel des compétences (CIC) Le CIC est un portefeuille électronique des acquis d’une personne qui lui permet de regrouper et de conserver dans un même endroit et sur un même support diverses informations sur son parcours (enseignement, formations continues, certificats,…) et sur ses différentes expériences professionnelles et extra-professionnelles. Une des finalités du CIC est qu’il permet de générer instantanément un curriculum vitae que nous appellerons classique ou un curriculum vitae Europass. L’outil est destiné gratuitement à toute personne dès l’âge de 16 ans. Le CIC est un document personnel. L’utilisateur en est l’unique propriétaire, c’est lui qui le crée et l’alimente. Il est donc confidentiel. L’utilisateur seul décide de sa communication et est en mesure de le compléter au fur et à mesure de l’évolution de sa carrière en y joignant des copies des titres, attestations de formation, stages suivis, emplois 6 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille occupés, etc. Il est la mémoire du parcours de la personne et peut lui servir tout au long de sa vie. Le CIC est destiné à identifier, recenser et structurer toute forme de compétence concernant la personne et ce, tout au long de sa carrière. Il sert à mieux communiquer les informations concernant le parcours de l’utilisateur à d’autres personnes soit dans un contexte professionnel, soit pour un projet personnel. Il permet également de faire le point sur son emploi et son évolution. Il peut être utilisé en différentes occasions comme lors d’une demande de formation, d’un entretien d’évaluation, d’un entretien de recrutement, d’une promotion ou d’une évolution de carrière, etc. Le CIC est mis gratuitement à disposition de chacun sans obligation de l’utiliser. C’est un outil facultatif. L’utilisateur sera le seul propriétaire de son CIC. Le CIC a été réalisé en collaboration avec le FOREM, l’IFAPME, le Consortium de validation des compétences, l’Enseignement de Promotion sociale et la Communauté française. (source : CRF) 7 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille 1.4. Le parcours de validation des compétences Un nombre de plus en plus important de personnes veulent faire reconnaître leur expérience et leurs compétences acquises, afin d'accéder à un emploi, à une formation professionnelle ou à une reprise d'études. Diverses possibilités leur sont offertes à cet égard, les deux principales sont : – la valorisation des acquis d'expérience, qui permet d’accéder à un niveau d’études sans les titres académiques correspondants, d'obtenir des crédits de cours pour l'inscription dans une filière universitaire, en Haute école ou en promotion sociale. – la validation des compétences, qui donne accès à un titre de compétences obtenu sur base de tests standardisés. Le « titre de compétences » facilite l'accès à l'emploi ou permet des dispenses lors de Formation Professionnelle et dans l’enseignement de promotion sociale. Pour évaluer l'opportunité d'une telle démarche, le/la candidat(e) devra avec l'aide d'un conseiller, réaliser un dossier qui comprendra des traces de toute expérience ou réalisation témoignant de compétences. Successivement ou parallèlement à cette étape, le candidat choisit une filière (études ou métier) dans laquelle il veut s'engager. La comparaison entre le profil de compétences du métier ou des études visées avec son profil actuel de compétences, lui donnera une estimation de la pertinence de son choix. Actuellement, ce travail par dossier se fait dans l’enseignement, les CDVC en sont au stade du développement de l’approche par dossier. Cela suppose que les référentiels de compétences des métiers de la filière existent et soient accessibles aux candidats. Et qu’au-delà d'une simple « shopping liste », ils puissent se positionner par rapport à ces compétences en mettant en regard de chacune d'entre elles des expériences ou réalisations significatives. Ceci demande une certaine maturité et une capacité d'autoévaluation (de réflexivité), ce qui représente incontestablement des exigences auxquelles tous les candidats ne satisferont pas nécessairement. L'accompagnement est donc bien nécessaire pour les aider dans leur choix. C'est en fonction de la comparaison entre son profil de compétences estimées, et le référentiel de compétences du métier recherché, qu’un candidat pourra positionner son niveau de compétences, les écarts à combler, et ainsi construire son trajet de formation ou de certification via la validation. Ici aussi, il s'agit d'une opération qui exige premièrement la manipulation de concepts d'une certaine complexité et deuxièmement une capacité d'autoévaluation sans complaisance. 1.5. Les enjeux de l’utilisation d’un e-portfolio C'est ici qu'un outil comme le portfolio électronique (ex CIC ou d’autres outils de eportfolio comme le logiciel open source Mahara, voir https://mahara.org/) peut être d'une grande utilité pour rassembler les « indices de compétences » c'est-à-dire les expériences et réalisations qui attestent d'une compétence chez le candidat. Au sens propre du terme, un portfolio ne rassemble pas des compétences (ce qui demande un travail d'élaboration et d'explicitation complexe), mais des traces visibles de ces 8 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille compétences (sous forme d’expériences réussies dont le candidat peut attester de différentes manières). Évidemment, une aide pourrait s’avérer nécessairei pour – utiliser adéquatement l'outil informatique et le logiciel mis à disposition – rassembler les infos pertinentes (quelles expériences témoignent le mieux d’une compétence précise ?) – formuler les infos attendues dans le langage des formateurs ou des membres d'un éventuel jury L’utilisation d'un portfolio électronique peut avoir plusieurs effets intéressants: – la prise de confiance par le candidat de l'étendue de ses compétences et par là, une reprise de la confiance en soi – un meilleure communication entre candidats, leurs accompagnants, acteurs du parcours de professionnalisation, instances de certification et organismes de formation. Cette communication, pour autant qu'elle se développe, ferait gagner du temps aux candidats (ne pas répéter plusieurs fois les mêmes informations à des opérateurs différents) et fluidifierait son parcours (si tous les organismes se réfèrent au même profil de compétences, il est possible de suivre la progression d'une personne et de lui préparer un parcours d’apprentissage, de formation, d’enseignement et de certification adapté à son trajet antérieur). Le « succès » de l’e-portfolio et sa bonne utilisation dépend de plusieurs responsabilités : celle du candidat évidemment, ainsi que les organismes de formation (qui l’aideront à inscrire dans cet outil les nouvelles compétences acquises), des instances de certification (qui favoriseront l’usage de l’outil), et même celle des employeurs (qui seront attentifs à formuler leurs offres en termes de compétences attendues et qui s’intéresseront aux parcours présentés dans les eportfolios des candidats ainsi qu’à la documentation des compétences de leurs personnels). 9 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille 2. UN CONCEPT CLÉ : LA COMPÉTENCE La dimension principale que cherche à mettre en lumière le portfolio, est la compétence des personnes qui l’utilisent. Cette démarche s’appuie sur la conviction que le parcours vers l’emploi ou vers des études, sera plus facile pour les personnes qui non seulement disposent de compétences, mais aussi et surtout sont capables de les exprimer, d’en faire état, de démontrer leur maîtrise dans des situations réelles. Il nous semble donc nécessaire d’approfondir quelque peu le concept de « compétence », terme utilisé de plus en plus souvent dans le monde de l’entreprise et de l’enseignement, mais pas nécessairement à bon escient. Suivant divers auteurs, la compétence peut se définir comme : - « un Savoir-faire opérationnel validé » (Meignant in « Manager la formation » Editions Liaisons, 2014), - « la Mobilisation de ressources en vue de produire un résultat dans un contexte donné » (Le Boterf in Le Boterf, Guy (1994) De la compétence. Essai sur un attracteur étrange, Paris, Les Editions d’organisation,), - « un Comportement professionnel observable » (JM Breillot in Gérer la compétence dans l'entreprise, M.F. Reinbold , J.M. Breillot), - « un savoir agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations » (J.Tardif in Tardif, J. (1996) Le transfert des compétences analysé à travers la formation de professionnels in Meirieu, Ph., Develay, M,. Durand, C. et Mariani, Y. dir..) Le concept de transfert de connaissances en formation initiale et en formation continue, Lyon, CRDP,), - Le parlement européen, enfin, a adopté le 26 septembre 2006, une définition de la compétence cohérente avec les auteurs cités plus haut : « Une compétence est une combinaison de connaissances, d’aptitudes (capacités) et d’attitudes appropriées à une situation donnée. Les compétences clés sont celles qui fondent l’épanouissement personnel, l’inclusion sociale, la citoyenneté active et l’emploi ». » Tous les auteurs mettent ainsi l’accent sur la dimension contextuelle (la compétence ne prend son sens que dans un contexte précis), et sur l’action : la compétence ne se résume pas à une somme de connaissances, mais il s’agit comme le déclare Le Boterf, de la mobilisation de cette connaissance (entre autres ressources) pour la réalisation d’une « action efficace », réponse à un problème précis qui se pose dans un certain contexte. Cette vision de la compétence nous éloigne des expressions vagues et générales telles que « gestion d’équipe », « vision globale », ou encore « ouverture au changement ». Parallèlement, les différents modes de certification des connaissances (tels que diplômes, certificats, etc.) représentent une valeur réelle sur le marché de l’emploi ou comme condition d’accès à certaines positions ou professions, mais ils sont à distinguer de la compétence qui est la manière dont ces connaissances sont mises en œuvre dans une famille donnée de situations. Ainsi, on peut connaître le droit et ne pas savoir rédiger un contrat précis, on peut avoir étudié la mécanique et ne pas savoir déceler l’origine 10 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille d’une panne, etc. chacun connaît des exemples de personnes qui maîtrisent certaines compétences (techniques, relationnelles) sans posséder le diplôme correspondant, et à l’inverse, des individus diplômés dont les performances face à des problèmes complexes sont décevantes. La compétence se manifeste donc dans des actions, en réponse à des problématiques (ou des familles de situations, suivant Tardif), et se rend visible à travers des résultats mesurables ou visibles, dont peuvent témoigner des individus (clients, collègues, formateurs, chefs) et qui peuvent faire l’objet de mesures (quantités, niveau de qualité, niveau de satisfaction, temps de réponse, efficacité, etc.). C’est pourquoi les auteurs précités recommandent de toujours exprimer une compétence par un verbe d’action, associé à des compléments (d’objet, ou de contexte) qui permettent de donner une représentation concrète du résultat produit. Nous ajouterons, puisque nous sommes dans un contexte de formation ou d’apprentissage, que la compétence doit pouvoir faire l’objet d’un apprentissage ou d’une progression. Dans ce but, nous distinguerons strictement les compétences des qualités personnelles (certes estimables et indispensables pour l’action, telles que l’intelligence, l’honnêteté, le souci des autres, etc.), mais qui peuvent difficilement faire l’objet d’un apprentissage formel. Ces qualités ont le plus souvent été acquises dans le contexte familial, ou développées par l’individu au cours des situations de vie qu’il a traversées et de sa prise de recul par rapport à celles-ci. Étant donné que la compétence se manifeste dans des actions (« la compétence qui ne se voit pas n’existe pas » déclarait Le Boterf), la notion d’expérience va revêtir une importance capitale pour démontrer l’existence des compétences. Le stagiaire, étudiant, candidat, chercher d’emploi, ne peut se limiter à des affirmations concernant ses compétences réelles ou supposées. Il sera amené à décrire les expériences dans lesquelles il les a mises en œuvre dans le cadre de la valorisation des acquis (enseignement). Ceci est d’ailleurs le mode de vérification des compétences utilisé par le CVDC en vue de leur certification. Les expériences réussies (ou les expériences ratées pour autant qu’elles aient fait l’objet d’une analyse comme par exemple l’analyse des dossiers VAE dans les Hautes écoles et d’une évaluation) constituent ainsi les « preuves », traces ou indicateurs visibles de l’existence de compétences. Soit les expériences professionnelles seront convoquées pour illustrer les compétences que le candidat affirme posséder, soit l’existence d’expériences professionnelles « remarquables » (càd particulièrement originales ou réussies, que n’importe qui ne pourrait pas réaliser) va constituer un indice de l’existence de compétences non encore explicitées ; c’est ici que l’aide d’un conseiller ou d’un accompagnant se révèlera utile pour questionner, explorer, confronter et finalement conduire le candidat à une expression précise et validée de ses compétences. La relation compétence-expérience constituera une des difficultés principales et un des défis de l’utilisation d’un portfolio professionnel. En effet, une simple énumération de compétences, ou un relevé d’expériences sans leur analyse, ne sont pas très pertinentes au regard des exigences d’employabilité et d’identification du potentiel d’une personne recherchés par le CIC. Toute compétence se doit d’être illustrée par des expériences concrètes et vérifiables, et chaque expérience décrite nécessite un commentaire qui fait apparaître en quoi elle est révélatrice d’une compétence. 11 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille 3. L’OUTIL PORTFOLIO ÉLECTRONIQUE : DÉFINITION Le terme Portfolio (ou e-Portfolio) a plusieurs équivalents : portfolio électronique, numérique ou digital, voire webfolio. Il en existe plusieurs définitions. La plus connue d’entre elle est celle produite par le National Learning Infrastructure Initiative (NLLI) aux États Unis en 2003. « Un ePorfolio est une collection de documents authentiques de divers types, tirés d’archives plus complètes, qui représente ce qu’une personne ou une organisation a appris au cours du temps, sur lequel la personne ou l’organisation a réfléchi, et qui a été conçu pour être présenté à un ou plusieurs types de publics dans un but rhétorique particulier ». CHAPITRE 2 Interviews des acteurs de l’emploi et de la formation, de l’insertion, et de la validation des compétences. Méthodologie de recueil des données : L’entretien compréhensif est une méthodologie particulière d’entretien. C’est une méthode très proche d’autres méthodes sous de nombreux aspects (techniques ethnologiques de travail avec des informateurs, technique habituelle de l’entretien semi-directif, …). Ses particularités résident notamment dans l’inversion des consignes habituelles sur la neutralité, l’échantillon, etc. Situé au croisement d’influences diverses, l’entretien compréhensif constitue en effet une méthode très spécifique, avec une forte cohérence interne. Pour Kaufmann, « l’entretien compréhensif ne se positionne pas n’importe où dans le paysage intellectuel. Le qualificatif, « compréhensif », donne déjà une indication. Il faut le comprendre ici au sens wébérien le plus strict, c’est-àdire quand l’intropathie n’est qu’un instrument visant l’explication et non un but en soi, une compréhension intuitive qui suffirait à elle-même. L’objectif principal de la méthode est la production de la théorie, selon l’exigence formulée par Norbert Elias : une articulation aussi fine que possible entre données et hypothèses, une formulation d’hypothèses d’autant plus créatrice qu’elle est enracinée dans les faits. Mais une formulation partant du « bas », du terrain, une Grounded Theory pour reprendre l’expression d’Anselm Strauss, particulièrement apte à saisir les processus sociaux. Cette rapide description de la constellation théorique dans laquelle s’inscrit l’entretien compréhensif serait incomplète sans que soit dit un mot sur la position du chercheur. Le modèle idéal en est défini par Wright Mills : c’est celui de « l’artisan intellectuel ». (Kaufmann, 1996 : 9) Nous avions prévu de rencontrer chaque acteur durant 1h30’ h en nous référant souplement au canevas d’entretien ci-dessous. Dans la pratique, les délais très courts ne nous ont pas permis de tenir ce cadre. Plus de la moitié des interviewes ont été réalisé par téléphone en moins d’une heure. Il est important de préciser que nous n’avons pas rencontré de personne utilisatrice du CIC et par conséquent n’avons pas utilisé le « questionnaire utilisateur CIC ». 12 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille Enfin, une série d’acteurs potentiels n’ont pas pu être rencontré pour des raisons d’agenda. C’est pourquoi il peut-être intéressant des les interpeller dans les suites données à ce présent rapport. Il s’agit : - du monde syndical, - des MIRE, - le groupe de travail sur le service citoyen en lien avec la garantie jeunesse. Temps 1 (1 minute) Bonjour et merci d’avoir accepté de participer à cet entretien de recherche-développement relative à la documentation des compétences tout au long de la vie à partir de l’outil Cahier individuel des compétences (CIC). Voici comment va se passer notre rencontre : présentation mutuelle, durée, présentation de la recherche-développement, éventuellement modalité d’enregistrement, règles de déontologie, feed-back. Temps 2 (2X 5 minutes) Temps de présentation mutuelle. Temps 3 (4 minutes) Présentation de la recherche. Le contexte Cette recherche rentre dans le cadre du suivi du projet « 2013, Année des compétences ». L’objectif de « 2013 année des compétences » était de mettre en place en 2013 des actions permettant de parler des compétences et moyens existants et futurs pour les acquérir ou les développer. Le CIC (cahier individuel des compétences) qui a été développé par le CRF (Conseil régional de la Formation) est un portfolio électronique. L’objectif de la recherche Il s’agit d’élargir les possibilités offertes aux jeunes et/ou adultes en formation professionnelle (étudiants, demandeurs d’emploi, travailleurs, …) de valoriser et de mettre en exergue toutes expériences utiles à son parcours. La recherche-développement doit permettre de bien appréhender le développement de l’outil et de proposer dès lors des réponses les plus adéquates possibles en terme d’input par les publics et d’outpout par des organismes en capacité de valoriser les compétences. L’objectif de notre rencontre L’interview est là pour découvrir si vous utilisez un portfolio électronique et si oui de quelles façons. Temps 4 (60 minutes) L’interviewe proprement dite Avez-vous entendu parler de « 2013 année des compétences ? » Si non, comment l’expliquez vous… Si oui, par qui, avez-vous assistez par exemple à des rencontres, avez vous organisez par exemple une table ronde… Notre rencontre se fait avec comme point d’échange, le repérage et la description (savoir nommer) des compétences. Etes-vous confronté à cette problématique dans vos fonctions ? A quel niveau, que faites-vous… ? 13 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille Comment repérez-vous et validez-vous les compétences de vos stagiaires ? Toujours dans le cadre de cette problématique, un des outils couramment utilisé est le portfolio électronique. En connaissez-vous, en utilisez-vous ? Le CIC est un portfolio électronique. Présentation des copies d’écrans. En avez-vous entendu parlez ? Si oui, par qui ? Connaissez-vous des associations, des personnes qui l’utilisent ? Si oui, qui ? et à quels niveaux (un professionnel, un stagiaire, …) et dans quels buts ? Ici, si l’utilisation du CIC s’avère comme bien réelle, nous pouvons introduire le « questionnaire utilisateur CIC ». Questionnaire utilisateur CIC 1. Le stagiaire qui l’a rempli est…: H/F Tranche d’âge… Diplôme (CESI, CESS, … Statut : ouvrier, employé, fonction public, demandeur d’emploi, statut d’article 60, stagiaire, autre Province 2. Savez-comment le stagiaire a connu l’outil: par le CRF, par un organisme d’ISP, etc. 3. Fréquence d’utilisation : 1X ans, 2X ans, 3X ans , 4X ans, mensuelle, 4. Le stagiaire a créé un profil avec - Diplômes, - Formations complémentaires, - Expériences - Impression d’un CV 5. Le stagiaire a bénéficié d’un accompagnement OUI/NON Si oui type … 6. En créant son profil le stagiaire poursuivait l’objectif suivant : -… 7. Les bénéfices que le stagiaire en retire: Promotion à l’emploi, engagement, reprise d’étude, appris à mieux me présenter, j’ai pris conscience de mes compétences, etc. 8. Le niveau de satisfaction du stagiaire 9. Difficultés rencontrées - le temps - la compréhension - l’accessibilité - la recherche d’aide - je ne sais pas décrire mes compétences 14 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille En fin de compte envisageriez-vous d’utilisez le CIC ? Si non, comment expliqueriez-vous ce choix ? Si oui, dans quel délais ?, Envisageriez-vous de l’utiliser comme base de documentation des compétences pour l’ensemble de vos stagiaires ? Pensez-vous que le CIC pourrait être un outil d’évaluation ou d’autoévaluation pour vos stagiaires ? le CIC pourrait être un outil de communication entre différents opérateurs intervenant dans le parcours global du stagiaire ? Temps 5 (15 minutes) Clôture de l’entretien Il nous reste 15 minutes, « l’élément le plus important que vous souhaitez dire ou redire sur cette problématique » Nous vous remercions pour cet échange. Numéro 1. Interview d’un collaborateur d’une plate-forme de reconversion. Fonction : conseiller FOREM au sein de la plate-forme de reconversion de Tournai. Les conseillers accompagnent, dans leur recherche d’emploi ou leur réorientation, les travailleurs licenciés collectivement suite à une restructuration, une fermeture ou une faillite d’entreprise. Les cellules de reconversion et cellule pour l’emploi, mises en place par le FOREM, en partenariat avec différentes instances syndicales et sectorielles, ont pour objectif la réinsertion et la reconversion des travailleurs licenciés collectivement, suite à la faillite ou à la restructuration de leur entreprise. Le FOREM s’engage à déployer en urgence le dispositif cellules de reconversion pour répondre aux répercussions provoquées par des licenciements collectifs. Le décret wallon du 29 janvier 2004 a institutionnalisé les cellules de reconversion qui sont placées sous la responsabilité conjointe du FOREM et des Organisations Syndicales. En cas de licenciement collectif, la cellule est créée à la demande des Organisations syndicales représentatives des travailleurs. La cellule de reconversion se caractérise : - par une plate-forme d’accueil pour tous les travailleurs touchés par une restructuration ou une faillite d’entreprise ; - par la mise à disposition de matériel utile à la recherche d’emploi et de formation ; 15 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille - - par un encadrement constitué de conseillers en accompagnement professionnel du FOREM et d’accompagnateurs sociaux qui connaissent la culture des travailleurs et qui appartiennent aux organisations syndicales ; par un programme d’accompagnement socioprofessionnel adapté au public. La cellule est prévue en général pour un an. Durant cette période, les travailleurs peuvent bénéficier d’un contrat d’accompagnement socioprofessionnel. Ce contrat permet l’intervention dans les coûts de participation au programme de reclassement, dans les coûts de formation et de déplacements. Il atteste que le travailleur est bien dans un processus de réinsertion. La cellule de reconversion est gérée en partenariat par un Comité d’Accompagnement composé du représentant du Ministre de l’Economie et de l’Emploi, des Directions régionales du FOREM, des organisations syndicales représentatives des travailleurs, des Organisations sectorielles et de l’entreprise pour autant que cette dernière intervienne dans le processus de reclassement. L’interview L’interviewé a participé à un atelier sur l’orientation dans le cadre de « 2013 Année des compétences ». L’accompagnement au sein de la cellule se réalise en deux temps. Un premier temps est consacré au processus de deuil de l’emploi perdu. Un second temps engage une démarche de bilan des compétences au départ de ce que la personne faisait dans l’entreprise. Bien souvent la personne n’a pas conscience de tout ce qu’elle faisait « je ne sais faire que cela… ». Le conseiller aide la personne en partant des tâches réalisées et va repérer avec elle les compétences mobilisées derrière la tâche. Par exemple, si la personne gérait un magasin dans l’entreprise, elle est probablement capable de calculer pour clôturer la caisse quotidiennement. Une des caractéristiques de cet accompagnement est qu’il se fait en groupe mais aussi individuellement. Dans ce contexte de travail, l’interviewé ne connaît pas le CIC et l’outil portfolio électronique. Il le découvre sur internet durant notre entretien. Suite à l’interview, il compte informer sa hiérarchie de l’existence du CIC car « à chaud » il perçoit un intérêt réel pour ce type d’outil dans le cadre de ses missions. Numéro 2. Interview d’un collaborateur des CEFO Fonction : Service des Relations Partenariales, responsable du Service de Coordination des Structures Partenariales. L’interviewé est coordinateur des Carrefours Emploi Formation Orientation (CEFO) Les Carrefours Emploi Formation Orientation ont pour objectif d’aider tout visiteur à trouver une réponse adéquate aux questions qu’il se pose en matière d’orientation, de formation et d’emploi salarié ou indépendant. 16 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille Les services rendus sont nombreux : obtenir des informations sur des métiers, définir les premières démarches à entreprendre pour choisir son orientation, s‘informer sur les organismes qui offrent des services bilan, d’orientation et de conseil professionnel… Mais aussi trouver un emploi, une formation, ou créer son activité. L’accès au CEFO se veut libre. Il s’agit d’un service aux citoyens, les personnes s’y rendent en toute autonomie. Les CEFO sont un partenariat structurel qui emploie des conseillers de l’Interfédération, des CISP, de l’IFAPME, de l’enseignement de promotion sociale, de l’AWIPH, des MIRE et du FOREM. Ces conseillers agissent sur quatre axes : - la formation ; - l’emploi (technique et recherche) ; - la création d’activité ; - l’orientation. L’interview Actuellement les CEFO travaillent sur base du ROM (fiche métier REM). L’interviewé ne connaît pas le CIC et l’outil portfolio électronique. « A chaud », il y voit une pertinence pour les conseillers des CEFO. Pour y sensibiliser les personnes qui fréquentent un CEFO en général et plus spécifiquement pour l’axe orientation qui commence à travailler dans une dynamique de suivi des personnes. De son point de vue un portfolio électronique comme le CIC pourrait être un outil de communication entre différents opérateurs intervenant dans le parcours de la personne. Il est conscient que certains partenaires ne souhaitent pas qu’un tel outil soit repris dans le cadre de l’accompagnement individualisé avec le risque que le portfolio d’une façon ou d’une autre serve au « traçage » des personnes. Par contre, si l’outil est mis au service de la fluidité du partage d’informations de la personne vers les différents acteurs de son parcours, cela est alors très positif. Il compte bien faire écho du CIC à sa hiérarchie avec le souhait d’informer les conseillers des CEFO de son existence. Numéro 3. Interview d’un collaborateur de l’IFAPME Fonction : chargée de mission à la Direction de la Formation et de l’Alternance. Il est actif au sein du « pôle » méthodologique qui travaille notamment à l’uniformisation des outils pédagogiques et méthodologiques. L’IFAPME est un organisme d’intérêt public subventionné par la Wallonie. Les lettres de l’acronyme signifient : Institut wallon de Formation en Alternance et des indépendants et Petites et Moyennes Entreprises. Parmi ses missions, l’objectif principal de l’IFAPME est de proposer des formations à des métiers dans une multitude de secteurs professionnels. Ces formations sont organisées sur base du principe de l’alternance (des cours en Centre et une formation pratique en entreprise). L’interview L’IFAPME a participé à l’année des compétences notamment au travers de divers ateliers (essais métiers). 17 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille L’interviewé connaît le CIC. Le « pôle » méthodologique où il est chargé de mission, collabore avec le secteur Non Marchand public. La collaboration porte notamment sur le partage d’outils. Dans ce cadre, l’IFAPME s’est engagé à faire la promotion du Cahier Individuel des Compétences (CIC) auprès de son public mais aussi après de son personnel. L’IFAPME collabore également directement avec le CRF pour l’organisation de formations reconnues dans le cadre du « Régime générale des Barème » (RGB) des agents des Pouvoirs locaux (règlementation qui régit les barèmes et l’évolution de carrière de ces agents). Dans ce cadre, l’Institut et les centres de son réseau sont également sensibilisés aux outils développés par le Conseil, dont le CIC. Courant de l’année 2013 l’IFAPME a organisé une information descendante à propos de l’outil CIC vers les 300 membres du personnel de l’institut. Une réflexion est actuellement en cours sur comment utiliser le CIC en interne notamment dans une perspective de valorisation et la visualisation des compétences des agents. Une information sur le CIC a été organisée dans les centres de formation pour les conseillers en orientation et conseillers en formation continue. Dans le cas présent, c’est le public cible (les apprenants) qui était l’objectif de cette présentation. Des formateurs de cours généraux ont bénéficié d’une journée de formation sur le CIC. Ce sont ces formateurs qui donnent notamment un cours sur le CV et qui gèrent les classes d’accueils qui sont ouvertes aux apprenants qui n’ont pas encore trouvé de patron et qui apprennent notamment à rédiger un CV. Pour l’IFAPME, le portfolio électronique est un outil intéressant qui pourrait éventuellement être raccroché à la réforme de l’alternance qui demande d’utiliser des outils assez complémentaires. Faisabilité et utilité à évaluer. Par ailleurs, certaines formations de chef d’entreprise exigent un diplôme et/ou la réussite d’un examen d’entrée à l’admission. Des dispenses peuvent également être obtenues. Le fait de pouvoir présenter une documentation de ses compétences et titres (diplôme, attestation de formation, valorisation d’expériences, titre de validation de compétences) facilite la mise en évidence du parcours antérieur et indirectement le traitement des dispenses. La sortie de l’IFAPME est diplômante mais son diplôme ne dispose pas de la même valeur (en droit) que les diplômes de l’enseignement. Par exemple, il n’est pas reconnu dans les services publics régionaux. Il l’est, par contre, au niveau des pouvoirs locaux (le diplôme de chef d’entreprise et le certificat d’apprentissage sont reconnus par le biais d’une circulaire (circulaire Furlan)). Le CIC est également pertinent au regard des développements que suit l’Europe par exemple avec ECVET (système européen de crédits d’apprentissage pour l’enseignement et la formation professionnels) 18 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille ECVET est un cadre méthodologique commun qui facilite le transfert des crédits d’apprentissage d’un système de formation à l’autre. Son objectif est de promouvoir la mobilité transnationale au niveau européen et l’accès à l’apprentissage tout au long de la vie. Ce dispositif n’a pas vocation à remplacer les systèmes nationaux de certification, mais à optimiser leur comparabilité et leur compatibilité. ECVET s’applique à tous les acquis obtenus dans les diverses filières d’enseignement et d’apprentissage, puis transférés, reconnus et capitalisés en vue de l’obtention d’une certification. Cette initiative permet aux citoyens européens d’obtenir plus facilement la reconnaissance de leurs formations, de leurs compétences et de leurs savoirs dans un autre Etat membre. Une des applications de ce cadre méthodologique en Belgique francophone est la création du SFMQ (duquel est partenaire l’IFAPME) qui développe des référentiels de formation déclinés en unités d’acquis d’apprentissage – référentiels communs à l’enseignement, à la formation professionnelle et à la validation des compétences. Le CIC est complémentaire à l’Europass car il offre la dimension « en ligne ». Par ailleurs, fin 2011, l’agence francophone pour l’éducation et la formation tout au long de la vie a répondu à un appel à projet de la Commission européenne pour la création d’une équipe d’experts (comprenant un représentant de l’IFAPME) chargée d’accompagner l’implémentation du système ECVET en Belgique francophone avec notamment la mission de diffuser les acquis de l’expérimentation d’ECVET dans l’enseignement secondaire (projet CPU-Europe) et promotion auprès des opérateurs régionaux de formation professionnels. Dans ce contexte d’implémentation d’outils européens, et de réforme de l’alternance), le pôle méthodologique de l’institut, travaille à l’adaptation de ses outils et se prépare à l’utilisation d’outils qui seront imposés dans le cadre des réformes (l’uniformisation des contrats d’apprentissage, des bilans de compétences, des dispositifs de remédiation ainsi qu’au portfolio électronique, …). L’IFAPME est aussi partie prenante de l’initiative européenne « Garantie pour la jeunesse ». Il y a actuellement en Europe, 7,5 millions de jeunes qui ne travaillent pas, ne suivent pas d’études ou de formation (NEETS), soit 12,9% de la jeunesse européenne âgée de 15 à 24 ans. C’est cette population qui est visée par la Garantie pour la Jeunesse. Le 28 février 2013, les Ministres de l’UE ont approuvé l’initiative et ont conclu un accord sur la mise en place d’une garantie pour la jeunesse à l’échelle européenne. Cet accord implique que « chaque Etat membre prenne rapidement les mesures nécessaires pour mettre en place une Garantie pour la jeunesse dans leurs pays respectifs, en tenant compte des mesures et des objectifs déjà existants à l’échelle nationale, régionale et locale ». L’objet de la proposition est que dans les 4 mois qui suivent la fin de la scolarité, les jeunes doivent recevoir une offre qualitative d’emploi, une offre de formation continuée, une place d’apprentissage ou un stage. Du point de vue de l’IFAPME, il s’agit d’un enjeu pour l’emploi, l’enseignement et la jeunesse où nous pouvons bien comprendre combien l’emploi d’outils communs pourrait faciliter les relais dans le cadre des parcours proposés aux jeunes. 19 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille Le CIC pourrait constituer un outil de communication entre différents opérateurs intervenant dans le parcours global du jeune. En effet, le CIC permet d’identifier également les compétences acquises de manière informelle et non formelle. Numéro 4. Interview d’un collaborateur du Forem Fonction : directeur territorial Namur – Brabant wallon responsable de l’emploi et de la formation professionnelle. Le marché de l’emploi étant en constante évolution, les métiers de conseiller et de formateur évoluent d’année en année. Pour être à la pointe, ces professionnels se forment régulièrement et disposent d’outils adaptés. Par exemple pour accompagner et former les demandeurs d’emploi, le Forem conçoit et développe des outils et des méthodes d’accompagnement et de formation spécifiques en lien avec les exigences du marché du travail. Le Forem est l’Office wallon de la Formation professionnelle et de l’Emploi. Son cœur de métier est l’insertion des demandeurs d’emploi sur le marché du travail dans une perspective d’emploi durable et de qualité, ainsi que la satisfaction des besoins des employeurs et de leurs offres d’emploi sans oublier la formation professionnelle.. L’interview Le Forem a dans son contrat de gestion 2011 – 2016, article 14. Satisfaction des usagers « un dossier unique du demandeur d’emploi lui permettant de disposer d’informations intégrées issues des différents acteurs avec lequel il est en interaction au sein du Forem et des acteurs extérieurs à l’Office. Ces acteurs ont un accès au dossier unique en vue de simplifier les démarches administratives du demandeur d’emploi et de capitaliser au mieux les informations relatives à son parcours. Cet accès est limité et conditionné par des règles spécifiques basées notamment sur le respect de la confidentialité des données ». Les données dont le Forem dispose concernant un demandeur d’emploi sont par exemple son signalétique (nom, prénom, âge, etc.), son (ses) diplôme(s), … Ainsi, chaque demandeur d’emploi peut s’il le souhaite déposer son CV sur le site du Forem. Il existe actuellement une réflexion sur le concept de dossier « citoyen » qui serait inclus dans un futur dossier unique. L’idée qui prévaut est qu’en amont de tout contact avec le Forem, chaque usager est avant tout un citoyen. A ce stade il est important de préciser qu’aujourd’hui l’information demandée et reçue par le Forem venant d’un usager est soumise à la législation sur la protection de la vie privée. Le Forem travaille sur le dossier unique en l’optimalisant avec un outil de CRM (Customer Relationship Management) c’est-à-dire de Gestion de la Relation Client. Le CRM étant ici l’outil intégrateur qui permet à chaque collaborateurs du Forem d’avoir une vue intégrée de la situation et des informations pertinentes dans ses contacts avec les demandeurs d’emploi, les entreprises ou encore les travailleurs, etc. 20 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille Pour l’interviewé, dans ce contexte il peut être pertinent d’envisager avec la personne de transférer des données de son portfolio électronique vers son dossier unique. Concernant l’outil e-portfolio, le Forem soutient l’idée qu’il devrait être géré par une instance publique et que des opérateurs reconnus tels que l’IFAPME, le Consortium de Validation des compétences, les opérateurs d’enseignement, …etc puissent avec l’accord du propriétaire du portfolio, venir y déposer un titre, une certification, un diplôme,… Cette possibilité garantirait la source authentique de ces informations. L’ensemble de cette réflexion s’inscrit dans la philosophie européenne du « lifelong learning ». Numéro 5. Interview d’un collaborateur du Consortium de Validation des compétences. Fonction : expert méthodologie. Dans le cadre de sa fonction, il est chargé de développer l’approche dossier comme nouveau mode d’évaluation des compétences au sein de la ligne de production. Le mode actuel étant le passage d’une épreuve pratique (mise en situation). Le Consortium de Validation des Compétences est composé de trois organes internes : un comité directeur, une cellule exécutive et des commissions de référentiels où siègent notamment des représentants des partenaires sociaux sectoriels afin de produire les référentiels de validation. La structure interne est complétée par deux organes externes : une Commission consultative et d’agrément des Centres de Validation et une Commission de recours. L’interview L’interviewé travaille sur l’étude de faisabilité de l’introduction de l’approche dossier comme nouveau mode d’évaluation des compétences au sein de la ligne de production. Cette étude rend compte de la démarche de conception, de mise en œuvre et d’évaluation de l’approche dossier pour la validation des compétences. Cette approche a été expérimentée avec deux candidates dans le cadre du métier d’employé. Le mot « portfolio » est un des trois mots-clés de cette étude avec l’approche dossier et la validation des compétences. Il apparaît « évident » que le fait de disposer d’un portfolio électronique est un avantage pour la personne qui s’apprête à rentrer un dossier de validation des compétences, mais pour cela il faut aussi « que les mentalités changent ». Nous entendons ici que petit à petit, le citoyen pourrait de sa propre initiative développer son portfolio comme outil de son apprentissage tout au long de la vie et par-delà comme outil d’orientation/réorientation professionnelle. 21 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille Numéro 6. Interview d’une collaboratrice de l'Interfédération des EFT et OISP Fonction : coordinatrice pédagogique L’Interfédération des EFT et OISP représente le secteur des Centres d’insertion socioprofessionnelle en Wallonie (soit les Entreprises de formation par le travail (EFT) et les Organismes d’insertion socioprofessionnelle (OISP) en Wallonie). L’interview L’interviewée a piloté la thématique de l'orientation dans le projet « 2013, Année des compétences ». Outre les contenus et les recommandations spécifiques à l’orientation, qui sont présentés dans le rapport final, l’interviewée a mis en avant une des caractéristiques de la démarche à savoir le fait que des représentants des publics étaient partie prenante du processus de réflexion et d’action. Très souvent, trop souvent, on parle des publics sans qu’ils ne soient présents. Une autre caractéristique du travail mené a été de mettre en évidence la place particulière des « passeurs » (le/la pharmacien/ne, le/la responsable du club de sport, le/la voisin/e…) c’est-à-dire ceux et celles qui permettent de faire lien entre les personnes (dont la demande exprimée n’est pas toujours celle de s’engager dans un processus d’orientation) et les institutions. Les travaux des acteurs engagés dans la thématique orientation ont été poursuivis en 2014 en se centrant sur la formation des travailleurs qui ont une fonction d’orientation dans leurs missions. Dans ce cadre, le CRF a été invité à présenter le CIC. Seuls des travailleurs du secteur des CISP étaient présents. Les participants à cette rencontre ont mis en avant l’intérêt de l’outil pour le public des CISP. Ils ont néanmoins pointés plusieurs difficultés que pourraient rencontrer les publics des CISP : - l’accès à des personnes ayant des difficultés de lecture et d’écriture ; - l’accès à des moyens techniques tels qu’un ordinateur, un scanner… Ils ont insisté sur la nécessité d’apporter un accompagnement pour les publics des CISP pour utiliser l’outil et pour que celui-ci ait du sens pour les personnes. L’intérêt de l’outil réside aussi dans le fait qu’il est la propriété de la personne, qu'elle peut y mettre ce qu'elle trouve important et décider ce qu'elle rend public. Dans le contexte actuel, il faut toutefois veiller à ce que cette confidentialité soit respectée et que le contenu du CIC reste bien la propriété de la personne. L’interviewée ne connaît personne qui utilise le CIC. Notre interlocutrice fait remarquer que le CIC pourrait également être intéressant pour les travailleurs du secteur, dont une partie sont des professionnels de différents métiers techniques exerçant des fonctions pédagogiques, et qui ne sont souvent pas conscients de leurs compétences socio pédagogiques. Comme pour les stagiaires, 22 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille un accompagnement devrait être mis en place pour permettre à tous les profils de travailleurs de s’approprier l’outil et d’y inscrire leurs compétences. Concernant l’hypothèse de la généralisation du CIC et de son usage pour soutenir le passage en formation d’un opérateur à l’autre, l’interviewée rappelle qu’il existe déjà un outil : les profils de formation du SFMQ. Si le CIC devait être généralisé, les principaux dangers viendraient des conditions de mise en œuvre : - le pilotage : o qui prendrait la décision de généraliser l’outil ? Serait-il imposé aux acteurs de la formation professionnelle ? Sous quelle forme ? Pour quel usage ? Avec quelle liberté d’usage ? o quelles seraient les institutions qui piloteraient le dispositif ? Tous les opérateurs de la formation professionnelle seraient-ils partenaires ? les acteurs de l’éducation permanente seraient-ils associés ? Y retrouverait-on des acteurs qui représentent les publics ? - le choix volontaire de l’utiliser : o pour les personnes : si les opérateurs de la formation l’utilisent, n’y a-t-il pas le risque que, dans le cadre de l’accompagnement individualisé, les demandeurs d’emploi soient « obligés » de le présenter à leur conseiller référent ? o pour les institutions : n’y aurait-il pas une obligation d’utiliser le CIC ? Ne pourrait-il devenir un outil de contrôle des organismes de formation ? Il ne faut pas négliger l’importance de l’accompagnement des stagiaires. Celui-ci ne peut être réalisé par une personne qui a une fonction de contrôle. Si le CIC devait se développer, l’interviewée pense qu’il ne devrait pas être imposé aux institutions. S’il devenait un outil commun aux opérateurs, il ne devrait pas être imposé aux opérateurs qui devraient garder la liberté de l’utiliser avec leurs stagiaires, dans le respect de leur liberté pédagogique et du parcours individuel de formation des stagiaires. Il ne devrait pas être utilisé sans l’accord des stagiaires. Avant de généraliser l’outil, l’interviewée propose d’inviter d’autres acteurs à la réflexion et au pilotage, sans oublier les acteurs qui représentent les publics. Ont été cités : les enseignants, les responsables de maisons de jeunes, les PMS, etc. Le CIC doit rester un outil personnel au service des personnes et de leurs parcours. Si d’autres acteurs sont associés, le CIC pourrait devenir, non pas un outil commun, mais un outil largement utilisé. 23 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille Numéro 7. Interview de la direction de l’asbl AMOS et de l’équipe du Grain. Fonction : direction de l’AMO AMOS (Action en milieu ouvert à Schaerbeek) Mercredi 3 décembre 2014 L’asbl AMOS AMO Action en milieu ouvert à Schaerbeek est née dans l’environnement du CEFA à Schaerbeek. L’idée a été de créer une structure géographiquement et institutionnellement proche mais distincte du CEFA pour développer une action qui vise à contribuer à l’éclosion d’un changement social dans la zone de Schaerbeek menant à un mieux-être individuel et collectif de population prioritairement jeune. L’interview L’asbl AMOS entame en partenariat avec L’asbl Le Grain une recherche de janvier à juin 2015. Il s’agit de Labo participatif : « Reconnaître les compétences des jeunes ». C’est un projet de prévention générale du Conseil d’arrondissement de l’aide à la jeunesse de Bruxelles. C’est le Grain qui est chargé d’animer les rencontres d’intervenants et de les outiller afin de mieux identifier et valoriser les compétences acquises par les jeunes dans le cadre de l’éducation informelle, l’école inachevée , les stages, les petits boulots, la débrouille, le volontariat, les activités associatives, … Nous parlons de jeune « out of the box » c’est à dire qui sont éloignées des logiques institutionnelles habituelles. Par rapport à eux et en étant dans les rues, dans des activités, à côté d’eux, nous observons avant tout qu’ils évoluent dans une logique de stigmatisation qui nourrit en eux des sentiments d’incompétence et d’exclusion. Ces sentiments liés aux expériences négatives qu’ils font depuis leurs enfance dans leur contacts avec l’institution scolaire notamment, les amènent à tourner le dos à toute l’aide instituée par les pouvoirs publics (ACTIRIS, etc.) Du point de vue de l’asbl Le Grain, « la validation n’est pas une finalité en soi, une condition sine qua non, mais peut devenir le déclic dans un processus d’insertion ». Est-il toujours nécessaire d’avoir validé ses expériences/compétences pour être engagé par un patron ? Par contre il apparaît indispensable que ces jeunes prennent conscience de leurs compétences. Dit autrement, un modèle de validation des compétences génériques ou techniques qui s’inscrirait à nouveau dans la spirale de stigmatisation et ses effets, serait voué à l’échec. Les éducateurs d’AMOS constatent tous les jours que les jeunes de 16 à 25 ans acquièrent, par leur participation à des activités éducatives, des compétences qui ne sont ni validées ni reconnues et notamment des compétences transversales, « socialisantes ». La reconnaissance et la validation personnalisées de ces compétences sont pour ces jeunes une motivation indispensable qui les aides 24 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille à entrer et tenir dans un parcours d’insertion qualifiant. CHAPITRE 3 ÉLÉMENTS D’ANALYSE Nous avons rencontré sept acteurs susceptibles par la nature de leurs activités d’utiliser un portfolio électronique comme le CIC. Pour faciliter la lecture des éléments d’analyse, nous avons numéroté ces acteurs de 1 à 7 (voir chapitre 2 point 2. Interviews). Les éléments d’analyse que nous développons ci-dessous identifient pour chacun d’eux l’acteur concerné par son numéro. A. L’outil portfolio électronique interpelle les personnes que nous avons rencontrées tout en posant de nombreuses questions Le portfolio constitue un outil intéressant et bien en phase avec les technologies modernes de communication. À ce titre, il soulève de nombreux espoirs et suscite l’intérêt de tous les acteurs que nous avons rencontrés sans exception. Au-delà de l’intérêt néanmoins, se pose la question de l’utilisation qui sera faite de cet outil, car l’on peut se demander dans quelle mesure un outil quel qu’il soit, est « neutre » visà-vis des enjeux idéologiques et sociaux. Dans le cas du CIC, nous sommes face à un outil qui détermine une certaine manière de se présenter et de (re)présenter son savoir-faire. Comme tout outil de management, le CIC cherche à mettre de la clarté et de la rigueur dans une situation où l’arbitraire, l’approximation et l’auto (in)satisfaction semblent régner en maîtres. Le système de croyances qui sous-tend cet outil est certes complexe. Elles consistent en un entrelacs de valeurs humanistes et de valeurs propres au système libéral actuel. Ainsi, il est postulé que toute personne possède des compétences, ce qui représente une richesse et une valorisation indiscutable de l’individu. Ces compétences sont indispensables pour trouver un emploi dans une entreprise, ce qui correspond bien au fonctionnement actuel de l’économie, et l’entreprise n’engage évidemment que les plus compétents, pour des raisons compréhensibles de productivité. B. Tous les acteurs rencontrés sont confrontés à la documentation des compétences de leurs clients, stagiaires, bénéficiaires. En effet, quelque soit l’acteur, à un moment ou à un autre du parcours du stagiaire, bénéficiaire ou client, la question de comment décrire, nommer une compétence s’est présenté. C. Le portfolio en général ainsi que le CIC semblent ne pas être bien connus des acteurs que nous avons rencontrés. 25 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille Remarque : nous avons interrogé sept acteurs. Si ce nombre ne nous autorise pas à affirmer que le portfolio électronique comme le CIC n’est pas connu et/ou utilisé, nous pouvons par contre formuler l’hypothèse de travail suivante : Au stade actuel, le portfolio électronique comme le CIC est peu et/ou pas utilisé par des acteurs centraux de la formation professionnelle et de l’emploi. (1, 2, 4, 5, 6 et 7) Par exemple, le CIC est connu et utilisé (son utilisation est laissé libre à l’appréciation de chacun) par le seul IFAPME. L’Interfédération des EFT et OISP vient de le découvrir (le CRF a présenté le CIC à l’Interfédération en novembre de cette année). L’interlocuteur de la plate -forme de reconversion, la coordination des CEFO, ainsi que l’équipe du Grain qui va entamer une recherche sur la documentation des compétences avec une AMO ne connaissent pas le CIC et peu l’outil portfolio. D. Risque de dualisation Un outil tel que le portfolio, et en particulier le portfolio dans sa version électronique, pour séduisant qu’il puisse être, pourrait à terme entrainer une dualisation des demandeurs d’emploi ou candidats à la validation des compétences. En effet, certains qui maîtrisent déjà les nouveaux médias électroniques ou qui ont pu bénéficier d’un accompagnement efficace, bénéficieront d’un avantage certain face à ceux et celles qui n’ont pas cette opportunité, nonobstant le niveau de leurs compétences. Si le portfolio devient « le CV de demain », il se pourrait que les uns réussissent à disposer du précieux sésame tandis que d’autres en resteront à la présentation de leurs diplômes (que l’usage du portfolio aura dépréciés) et l’affirmation verbale de leur expérience. Car s’il est vrai que tout le monde n’a pas de diplôme mais que tous disposent de compétences, la visibilité de ces dernières ne sera pas accessible de la même manière pour tous. E. Protection de la vie privée Plusieurs des acteurs que nous avons rencontrés, en particulier dans le secteur associatif, émettent des inquiétudes quant à la protection des données privées dans l’utilisation d’un outil centralisé tel que le CIC. Peu d’analyses objectives ont à ce jour été réalisées, toutefois l’on peut se référer avec profit à l’avis de la commission de la vie privée concernant le JOBPass du FOREM (avis N° 18/2009 du 10 juin 2009, réf : http://www.privacycommission.be/sites/privacycommission/files/documents/avis_18_ 2009_0.pdf). Les articles 40 à 42 notamment, sont assez explicites sur ce point et suggèrent que « les accès offerts aux partenaires sont encadrés et délimités aux données nécessaires à la réalisation des missions confiées à ceux-ci » Ceci inclut l’autorisation obligatoire de l’intéressé avant diffusion de ses données, ou encore la restriction d’accès pour des sous-traitants ou organisations externes non soumises au devoir de réserve. De telles recommandations n’existent pas encore à propos d’un outil tel que le CIC. F. Dualisation forte entre acteurs 26 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille A la question « un portfolio électronique comme le CIC pourrait-il devenir un outil de communication entre les différents opérateurs intervenant dans le parcours global des personnes ? », les acteurs publics estiment que c’est souhaitable et propose pour le partage des données des utilisateurs de travailler avec la Commission de la protection de la vie privée pour tout ce qui concerne le traitement de données à caractère personnel. Par exemple comme cela a été le cas pour le système JOBPass. Les acteurs associatifs estiment que ce serait souhaitable mais disent ne pas être prêt craignant l’utilisation des données des personnes à des fins de contrôles. La question de l’accès ou de la protection des données relevant de la vie privée (et plus globalement de la désignation des données faisant ou non partie de la vie privée) est d’autant plus « sensible » qu’il existe une nette différence de vision entre acteurs publics et associatifs quant au parcours à suivre pour l’emploi et ses modalités concrètes. Les représentations et jugements de valeurs se situent entre deux positions que l’on pourrait schématiser ainsi : d’une part l’affirmation que toute personne doit accepter une certaine intégration dans le système (ceci incluant une part de contrôle des organismes publics), et d’autre part une méfiance a priori (voire un rejet) devant les risques de contrôle social que rendrait possible le recours à des outils centralisés de recueil d’informations. Il s’agit bien entendu ici de positions schématiques, et les acteurs rencontrés se situent sur un continuum entre ces extrêmes, mais les différences réelles ou supposées, les positions de pouvoir et peut-être un certain déficit de concertation, limitent le dialogue et les possibilités de collaboration en confiance. G. La responsabilisation Le portfolio : choix personnel ou obligation ? Face aux épreuves de validation des compétences, les individus viennent avec des parcours éclatés, émaillés d’essais et d’échecs, voire de marginalisations. Il est souvent difficile d’en retracer le chemin de façon valorisante pour la personne et en lui (re)donnant une conscience fière d’ellemême et de ses capacités professionnelles. L’outil portfolio met en lumière la question de la responsabilité d’un individu (demandeur d’emploi ou non) quant à son employabilité, càd la probabilité pour lui de trouver un emploi qui lui correspond et pour qu’un employeur (privé, public ou associatif) considère que l’engager apportera une plus-value pour le développement de son organisation. Plusieurs conceptions de la responsabilisation s’expriment et se confrontent à l’occasion du développement d’un outil tel que le portfolio ; celles-ci se situent généralement entre une vision plus libérale « l’individu est le principal responsable de son employabilité et il doit donc utiliser tous les moyens pour la développer ou la faire valoir », et une vision centrée sur les droits de la personne « toute personne a droit à un travail qui lui permette de vivre dignement et la société/l’entreprise se doit de tout mettre en œuvre pour le lui fournir » et « toute personne à le droit à la protection de sa vie privée » car la vie économique n’est pas la vie privée. Posée en ces termes, la question de la responsabilité semble dichotomique : nous proposerions plutôt la réflexion sur la part de responsabilité qui revient à chaque acteur : patron/état/individu /services d’insertion ou d’aide divers. Ainsi posée, la question permet une approche plus nuancée : il est clair que chacun détient une part de responsabilité, et qu’a contrario, personne n’est totalement « irresponsable » devant la (re)mise à l’emploi d’une personne. Dans ce sens, le portfolio (et surtout la démarche d’explicitation des 27 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille compétences qu’il sous-tend) peut être un outil précieux pour les acteurs qui acceptent d’en voir les aspects utiles et mettent en œuvre des stratégies pour se l’approprier. Il peut aussi se transformer en un « filtre » qui restreint à une partie de la population demandeuse d’emploi l’accès à celui-ci. La question de la responsabilisation interpelle également notre conception d’un « état social actif » prêt à soutenir de préférence les individus les plus autonomes et à considérer que les autres sont responsables de leur sort. La question de savoir si la responsabilité conduit à l'exclusion des plus démunis, posée par Georges Liénard et Abraham Franssen dans le N° 12 (déc 2003) de la Revue Nouvelle, garde ici tout son sens. H. L’accompagnement Tous les auteurs des recherches portant sur le développement et l’utilisation de portfolios montrent que l’accompagnement est indispensable à l’expression des compétences. Ils sont en cela, rejoints par les acteurs que nous avons rencontrés tant dans l’associatif que les institutions publiques. Dans ces conditions, on peut affirmer que proposer (voire exiger) qu’un candidat à la validation ou valorisation de ses compétences réalise son portfolio (qu’il soit en version papier ou électronique), serait dangereux sans un réel accompagnement. Ceci représenterait une exclusion de fait pour ceux et celles qui n’ont pas accès à un accompagnement de qualité. Or, dans la réalité, s’il existe des personnes chargées d’accompagnement, le temps qui leur est alloué pour ce faire est réduit. Tant qu’une quantité suffisante d’accompagnateurs n’a pas été dégagée pour aider les individus à réaliser leur portfolio, la généralisation de cet outil restera sans doute un idéal difficile à approcher. I. Différentes conceptions du déclaratif Enfin, les positionnements sont contrastés par rapport à la dimension déclarative du CIC: certains acteurs restent méfiants quant à la validité des informations recueillies par l’outil et souhaitent mettre des balises à son emploi. C’est ici qu’un développement substantiel d’un outil tel que le CIC est important : en effet, il est possible de ne pas se limiter à des affirmations générales présentées par les réalisateurs du portfolio, mais de les faire appuyer obligatoirement par des références ou « traces » de la compétence annoncée, qu’il s’agisse de témoignages, de photos de réalisations, de rapports ou tout autre média vérifiable. Bien entendu, l’apport d’un accompagnateur sera ici précieux, en facilitant l’expression de la personne et en l’aidant à recueillir les traces qui démontrent l’effectivité des compétences présentées. 28 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille CHAPITRE 4 PROPOSITIONS DE DÉVELOPPEMENT DE L’OUTIL CIC QUELQUES PISTES AFIN DE FACILITER L’EXPLICITATION DE COMPÉTENCES A. Intégration de référentiel de compétences dans l’outil CIC - De nombreux métiers sont aujourd’hui décrits précisément à l’aide de référentiels de compétences. Il s’agit de listes organisées de compétences, reconnues nécessaires pour l’exercice de ce métier. Si le SFMQ est la référence commune, le Centre de Validation des Compétences a réalisé de tels référentiels pour une large catégorie de métiers. - exemple : les compétences identifiées par le CVDC pour le métier « vendeur automobile ». un questionnaire web peut être créé avec la liste des compétences pour chaque compétence, le candidat est invité à cocher dans un menu déroulant : « je possède une réelle expertise dans cette compétence / je maîtrise cette compétence dans la plupart des situations courantes / je vois de quoi il s’agit mais j’ai encore à apprendre ». Chaque réponse ouvre un espace d’écriture libre en réponse à la demande « décrivez une ou plusieurs réalisations où vous avez mis en œuvre cette compétence ». - Tous les métiers n’ont pas encore fait l’objet de référentiels de compétences par le CVDC, mais d’autres organismes ont eux aussi, développé des listes ou descriptions de compétences (certaines fédérations d’EFT/OISP l’auraient déjà fait, mais nous ne disposons pas de ces référentiels). Le catalogue français ROME (répertoire opérationnel des métiers et emplois) et sa déclinaison belge REM (répertoire emplois-métiers) pourrait également constituer une base intéressante. - L’intérêt de cette piste de développement serait de donner aux personnes en recherche d’emploi ou de reconversion professionnelle, une image rapide et globale du/des métiers vers lesquels elles voudraient se tourner ou qu’elles désireraient apprendre, en leur permettant de se confronter, par une autoévaluation de leurs compétences, aux exigences du métier. La dimension « déclarative » de l’outil CIC n’est ici pas un handicap, mais au contraire une condition de sécurité pour que le candidat puisse poser sur lui-même un regard non biaisé par le désir de convaincre un employeur potentiel. 29 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille B. Intégration d’un outil d’explicitation des compétences - Quel que soit le niveau de compétence d’une personne, il est très difficile de décrire soi-même des compétences de manière exhaustive et objective. On court régulièrement le danger de sur- ou sous-estimer ses propres compétences, suivant l’image que l’on a de soi-même et de ses propres performances en situation professionnelle. À ce bais s’ajoute un degré supplémentaire de complexité : une grande partie de nos compétences acquises dans le passé deviennent implicites, c’est-à-dire que l’individu utilise ses compétences sans prendre conscience que la réussite de son « geste professionnel » résulte de la mise en œuvre d’une compétence et non du hasard, de l’habitude ou de la chance. Un des exemples les plus simples est celui de la conduite automobile : la plupart des conducteurs -bien qu’ils aient appris la conduite à l’auto-école- exécutent les manœuvres courantes de manière tout-à-fait automatique, voire en téléphonant ou en mangeant leur sandwich !. Ils ne reprennent conscience de la succession des gestes à appliquer que dans certaines situations, par exemple quand ils apprennent à conduire l’un de leurs enfants ou amis. C’est ainsi que quand on demande à un professionnel qui vient de réussir un projet ou une action remarquable, « comment avez-vous fait pour réussir ? », il vous répondra le plus souvent qu’il a eu de la chance, que le contexte était favorable, ou que le défi était facile pour lui ! - L’expérience montre que l’expression de la compétence est grandement facilitée par un questionnement rigoureux, centré sur le « comment » plutôt que sur le « pourquoi », et qui généralement ne pose pas la question en termes de compétences, mais en termes de moyens mis en œuvre pour réussir une performance donnée. - La forme idéale de l’accompagnement reste bien entendu l’accompagnement personnalisé, réalisé par un professionnel formé aux techniques d’explicitation des compétences. - En l’absence de professionnel disponible, une solution transitoire peut consister en l’utilisation d’une grille d’auto-explicitation des compétences mises en œuvre dans un métier ou une fonction. Nous donnons ci-dessous une proposition de grille d’auto-explicitation des compétences. Elle est destinée à soutenir la réflexion autonome d’un candidat, et permet de préparer efficacement un entretien avec un accompagnateur qui pourra s’appuyer sur la description et les débuts d’analyse réalisés par le candidat. 30 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille Voici une présentation de cette grille : Valeurs = ce en Citez vos 10 plus quoi je crois, ce belles qui est important réalisations dans pour moi, qui a le domaine guidé mon action professionnel ou (acquis ou les métier choisi : développé au cours de mon enfance, de mon expérience de vie, etc) Actions techniques Projets complets Relations et négociations « Petits succès » Etc… Qualités personnelles = éléments de ma personnalité, ce qui me caractérise au niveau physique, relationnel, intellectuel (fait partie de moi, ne peut s’apprendre) Compétences = savoir-faire et attitudes que je suis capable de mettre en œuvre pour réaliser un projet ou une tâche difficile. (peut s’apprendre ou se développer) C. Portfolio et traces d’apprentissage L’outil CIC présente l’intérêt de permettre une certaine auto-évaluation des compétences ou de l’apprentissage réalisé par une personne. La « prise de conscience » ou explicitation des compétences est en effet la première étape d’une progression dans l’apprentissage, ou d’une démarche active de valorisation de sa compétence (auprès d’un employeur, d’un établissement d’enseignement, etc). On peut schématiser le processus d’apprentissage sur ces deux dimensions : l’explicitation (prise de conscience) et le niveau de compétence : Prise de conscience de son niveau de compétence Incompétence consciente Compétence consciente Incompétence inconsciente Compétence inconsciente 31 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille Niveau de L’apprentissage nécessite un passage par toutes les étapes : pour développer une compétence, il est en effet nécessaire (Le Boterf) d’être confronté à manque, un problème, un défi ou un désir qui nous fait prendre conscience d’un manque, d’un certain déficit de compétences, que nous allons combler par un apprentissage. Toutefois, quand cet apprentissage sera réalisé et que la compétence aura été acquise, mise en pratique dans des situations courantes et qu’elle sera devenue en quelque sorte « habituelle », elle devient aussi implicite que notre incompétence antérieure (Nonaka et TaKeuchi). Il est à remarquer que le chemin direct « incompétence inconsciente » vers « compétence inconsciente » se réalise éventuellement dans un contexte favorable (famille, culture, etc) ou à l’occasion d’événements extraordinaires. L’élaboration de portfolio telle que le propose le CIC peut être lu comme le chemin inverse de l’apprentissage : on part d’une compétence (ou d’un ensemble de compétences) généralement implicite (non verbalisée), mais qui se manifeste dans le concret de l’action, par l’atteinte de résultats visibles. Ces résultats (action réussie, satisfaction de clients ou d’utilisateurs, critères de qualité d’une production, etc) doivent être considérés comme indicateurs de compétences, et leur analyse permettra de mettre en lumière des compétences réelles. La démarche d’élaboration d’un portfolio est en quelque sorte une démarche inverse : à partir des résultats et indicateurs d’une expérience réussie, l’utilisateur explicite les compétences qu’il a dû mettre en œuvre pour y arriver, et il peut également remonter jusqu’aux apprentissages qu’il a dû faire et la manière dont il y est arrivé. La démarche d’explicitation des compétences peut ainsi être initiée ou soutenue par un questionnement progressif tel que : - Quelles sont les réalisations professionnelles dont vous êtes fier(e) ? - Quels étaient les défis/problèmes/demandes/contraintes qui se posaient à vous et vous ont fait progresser ? - Comment vous y êtes-vous pris pour y arriver (étapes) ? - Avez-vous réussi du premier coup ? si non, qu’avez-vous essayé auparavant et pourquoi cela n’a-t-il pas marché ? - Avez-vous demandé conseil, effectué des recherches (dans des livres, sur internet), lu des notices ou des modes d’emploi, réalisé des essais ? - À quoi pouvez-vous dire que votre résultat est satisfaisant, (critères de qualité de la réalisation, appréciation ou feed-back des collègues, des formateurs, des utilisateurs ou des clients) ? Ce questionnement est présent dans le dossier VAE des Hautes Ecoles. 32 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille La démarche de construction d’un portfolio représentatif des compétences constituera en fait un aller-retour itératif entre expérience concrète, vécue, et verbalisation, explicitation, mise en mots, conceptualisation. Les éléments de réalisations originales ou remarquables constituent l’indice qu’une compétence (ou plusieurs) a été mise en œuvre ; pour expliciter et documenter cette compétence, il sera nécessaire de produire des traces visibles et concrètes, qui soient d’une part révélatrices de la compétence et d’autre part non contestables (une simple affirmation ne suffit pas). Ces traces pourront être des vidéos, des photos de réalisations, des coupures de presse, des témoignages de clients ou autres témoins, des modes d’emploi créés pour la réalisation de l’action, ou toute autre information vérifiable (qui peut donc faire office de preuve). Comme l’écrivent Poumay et Georges () « la preuve de la compétence est un faisceau de traces variées sélectionnées par l’apprenant et commentées au regard de la compétence et de ses composantes. Sans commentaires, les traces ne démontrent rien ». La suite logique de la présentation de traces est le commentaire qu’en fera le propriétaire du portfolio, expliquant comment il y est arrivé (voir questions ci-dessus), et quel est le lien entre les réalisations exposées et les compétences dont il se réclame. CHAPITRE 5 RECOMMANDATIONS A. Développer l’outil informatique CIC Cinq volets : - - L’intégration de référentiels de compétences et d’un outil d’explicitation des compétences dans l’outil CIC La création d’inputs autre que la déclaration du titulaire du CIC. Par exemple un organisme de formation peut déposer dans le CIC de l’apprenant avec son accord l’attestation de la formation qu’il vient de suivre (comme proposé par le FOREM), La création de nouveaux outputs. Par exemple, la possibilité d’imprimer un document pour préparer un rendez-vous avec son conseillé FOREM, L’intégration de règles actuelles et/ou nouvelles quant à la protection de la vie privée, L’intégration de recommandations faites par l’Europe quant au soutien de la mobilité des travailleurs dans son espace. B. Diffuser le CIC Il reste un important travail de diffusion à réaliser auprès d’un large spectre d’acteurs de la formation et de l’insertion socio-professionnelle. Il s’agira non seulement de leur donner accès à l’outil mais aussi de leur présenter les avantages pour leurs stagiaires et leurs formateurs, de l’utilisation du CIC. Dans le cas de ces actions d’information, il nous semble important de suivre la diffusion de l’information au sein 33 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille des institutions, afin de veiller à ce que les personnes ayant reçu l’information la fassent effectivement passer vers leurs collègues dans l’institution. On pourrait comparer la diffusion de l’information relative au CIC à une opération de “marketing” de l’outil, tant il est indispensable de “pousser” l’information jusqu’au sein des organisations et de veiller à ce que les acteurs soient prêts et “acheteurs” de l’outil et surtout de la démarche qui l’accompagne. C. Faire connaitre la pratique de l’explicitation des compétences De nombreux acteurs encore aujourd’hui, éprouvent des difficultés à documenter les compétences, à exprimer leurs parcours de formation en termes de compétences et à expliciter les profils de compétences de leurs formateurs et stagiaires. Cette capacité à manipuler les concepts et les appliquer dans les situations concrètes gagnerait à être développée afin que les principes pédagogiques à la base de l’outil CIC soient clairement compris et utilisés. D. Susciter des collaborations autour du CRF Susciter des collaborations avec des acteurs identifiés (scientifiques, pédagogiques et didacticiens) comme pertinents sur la thématique des compétences par exemple le Labset qui d'ailleurs vient de collaborer avec le consortium sur la mise en place de l’approche dossier. E. Développer des articulations avec les bases de données développées par le FOREM Préciser et/ou clarifier et/ou communiquer vers les différents acteurs les choix stratégiques de l’Office quant au stade de développement et à l’utilisation du dossier unique. Des opérateurs nous ont parlé de la base de données Erasme comme encore d’actualité. Par ailleurs le “JOBPass” doit remplacer à terme cette base de données. Enfin, le contrat de gestion 2011 - 2016 dans son article 14. “Satisfaction des usagers” réfère la mise en place du dossier unique. Dans ce contexte, nous recommandons d’étudier la place d’un portfolio électronique type CIC, et les conditions d’accès des différents opérateurs aux informations qu’il contient. Cette piste de développement interroge la « propriété de l’outil ». F. Obtenir des cadres légaux L'utilisation du CIC se fait actuellement exclusivement sur une base volontaire. Son extension est donc dépendante d’une politique d’incitants de la part du législateur (après mise au point des règles déontologiques d’utilisation - voir plus bas) G. Développer le métier d’accompagnement 34 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille Développer le métier et/ou de la fonction et/ou de la mission d’accompagnement dont le rôle est de soutenir la collecte de traces auprès des apprenants. Il s’agit donc de reconnaître cette fonction indispensable et d’ouvrir un cadre institutionnel qui permette à des organismes privés ou publics de dégager des moyens pour engager des professionnels de l’accompagnement. Cela passe par le développement des formations professionnalisantes de ces accompagnateurs. Il nous semble important de veiller à ce que cela se fasse dans le cadre d’un organe indépendant des organismes liés au contrôle. H. Créer, soutenir et/ou développer des dispositifs d’accompagnement collectifs Créer, soutenir et/ou développer des dispositifs d’accompagnements collectifs afin de lutter contre le risque identifié de dualisation (cfr analyse) I. Repérer les bonnes pratiques Repérer les bonnes pratiques développées au niveau des acteurs, les valoriser et les diffuser (par exemple l’IFAPME a formé en interne son personnel à l’utilisation du CIC -à titre de développement personnel de ses agents-, mais également a mis en place des formations de formateurs pour susciter l’utilisation du CIC auprès de leur public. J. Concertation Concertation: en soutenant et /ou développant une concertation entre les différents acteurs et spécifiquement entre les acteurs publics et les acteurs associatifs sur la question centrale de l’utilisation commune et du partage d’information d’un portfolio électronique. K. Appliquer, renforcer et/ou développer des règles de déontologie Appliquer, renforcer et /ou développer des règles déontologiques pour encadrer le partage des informations contenues dans un portfolio. Nous conseillons de faire appel (comme cela fut le cas pour le JOBPass) à la commission de protection de la vie privée, afin qu’elle remette des avis relatifs à la protection des données personnes dans le cas de l’utilisation de portfolio électronique tel que le CIC. La concertation entre opérateurs (publics et associatifs) devrait également porter sur ces questions déontologiques afin de valider et de fixer les règles à respecter pour que chacun se sente sécurisé par rapport à l’utilisation de l’outil. 35 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille L. Le portfolio électronique : droit ou devoir ? L’employabilité est aujourd’hui un enjeu majeur pour les individus en recherche d’emploi. D’une part, ceux et celles qui auront eu accès à tous les outils modernes pourront afficher un “taux d’employabilité “ favorable, tandis que d’autres ne pourront en bénéficier et risqueraient de se retrouver exclus des circuits d’emploi pour cette raison. La réflexion autour du CIC ne pourra éluder ces questions. Il nous semble intéressant d’une part, de développer une vision de la société de demain où chaque personne aura le droit de disposer d’un portfolio électronique et par conséquent lui donner l’accès à un accompagnement de qualité pour l’élaborer. Par ailleurs, reste posée la question de la responsabilité des individus face à leur propre évolution professionnelle. Dans ce contexte, il semble important de sensibiliser nos sociétés à la nécessité d’utiliser les moyens modernes d’explicitation et de valorisation de leurs compétences, et en particulier de se doter d’un portfolio électronique. M. S’ouvrir à d’autres outils Nous pensons particulièrement au dossier VAE des Hautes Ecoles (www.vaehautesecoles.be) et au C-Stick (www.jes.be) Il est à noter que des universités qui proposent à leurs étudiants l’usage d’un e-portfolio, ont mis sur pied des séances d’initiation à l’utilisation de l’outil (ex http://eportfolio.uclouvain.be/) i 36 Rapport de recherche CIC –M.Clepkens & P.Dubruille