Master Recherche M2 Domaine Sciences de la Santé Mention Pathologie Humaine Spécialité : Oncologie Année universitaire 2011-2012 Thérapies cellulaires utilisant les cellules souches et progéniteurs hématopoïétiques Pr. Christian CHABANNON 27 novembre 2011 Plan de l’exposé 1. Bref rappel sur l’hématopoïèse 2. Les greffes de cellules souches hématopoïétiques 3. La sélection des progéniteurs hématopoïétiques en situation clinique 4. L’expansion 5. Aspects réglementaires 1. Notion de cellules souches 2. Cytokines et facteurs de croissance de l’hématopoïèse 3. Facteurs de transcription: la programmation génétique de la différenciation des cellules souches et progéniteurs hématopoïétiques 4. La niche hématopoïétique, et les signaux qui régulent le destin de la cellule souche hématopoïétique HÉMATOPOÏESE Notions de cellules souches Eckfeldt et al., 2005 Différenciation hématopoiétique Orford and Scadden, Nature Review Genetics 2008 Le phénotype des cellules hématopoïétiques aux différentes étapes de leur différenciation Weissman and Shizuru, Blood 2008 Facteurs de croissance de l’hématopoïèse et cytokines Kaushansky, NEJM 2006 Facteurs de transcription et différenciation hématopoïétique Orkin and Zon, Cell 2008 Les niches hématopoïétiques Wilson & Trumpp, 2005 1. 2. 3. 4. Les thérapies cellulaires les plus utilisées en clinique humaine Evolutions des activités d’autogreffe Evolution des activités d’allogreffe Objectifs thérapeutiques des chimiothérapies intensives associées à une autogreffe LES GREFFES DE CELLULES SOUCHES HEMATOPOIETIQUES Prélèvement / production de cellules hématopoïétiques humaines à des fins thérapeutiques Cellules souches et progénitrices Produits de Thérapie Cellulaire (PTC): autogreffes et allogreffes Cellules matures et différenciées Produits Sanguins Labiles (PSL): érythrocytes, plaquettes, leucocytes Origine des cellules greffées / administrées Prélèvement chez un donneur vivant de produits cellulaires contenant des cellules souches somatiques, des progéniteurs ou des cellules matures : pratiques transfusionnelles et de transplantation très répandues en pratique clinique quotidienne, avec une optimisation continue des procédés. Différenciation maitrisée in vitro de cellules possédant des caractéristiques de totipotence (cellules souches embryonnaires ou ES, iPS): recherche et développement, pas encore au stade des applications cliniques (« Médicaments de Thérapie Innovantes », MTI ou « Advanced Therapy Medicinal Products », ATMPs). Thérapies cellulaires hématopoïétiques Greffes autologues Le patient est son propre donneur Thérapie cellulaire « réparatrice » des dommages iatrogènes infligés au tissu hématopoïétique par des agents cytotoxiques utilisés en cancérologie Greffes allogéniques Le donneur est un individu sain et volontaire, qui partage certaines caractéristiques biologiques avec le patient receveur (histo-compatible) Thérapie cellulaire réparatrice d’un tissu hématopoïétique non fonctionnel (pathologie constitutionnelle ou acquise) Immunothérapie allogénique (voir présentation par C Faucher) Schéma général pour la transplantation de cellules hématopoïétiques Barker & Wagner, 2003 Origine des greffons utilisés en transplantation thérapeutique Greffes autologues Greffes allogéniques apparentées Greffes allogéniques non apparentées Greffon médullaire ÌÌÌ Ì Ì Greffon sanguin ÊÊÊ ÊÊ ÊÊ Unité de sang placentaire (USP) 0 (anecdotique) Anecdotique Ê Les greffes de cellules hématopoïétiques sont le premier exemple historique de thérapies cellulaires développées à relativement grande échelle Programmes de greffe dans les pays industrialisés Faisant essentiellement appel à des établissements de santé (établissements de soins, établissements de transfusion) Secteur public majoritairement Souvent restreints à des hôpitaux (universitaires) jouant le rôle de centres de recours Activités de plus en plus réglementées Les succès et les échecs peuvent servir d’éléments de réflexion pour des thérapies cellulaires s’appliquant à d’autres domaines médicaux, ou faisant appel à des procédés plus sophistiqués Evolution de l'activité de greffe allogénique en Europe (source : EBMT) 14000 12000 10000 8000 6000 4000 2000 19 83 19 85 19 87 19 89 19 91 19 93 19 95 19 97 19 99 20 01 20 03 20 05 20 07 20 09 0 Evolution de l'activité de greffe autologue en Europe (source : EBMT) 20000 15000 10000 5000 09 20 07 20 05 20 03 20 01 20 99 19 97 19 95 19 93 19 91 19 89 19 87 19 85 19 19 83 0 Greffes de cellules hématopoïétiques Principes Principes des chimiothérapies intensifiées avec autogreffe Relation dose-effet (anti-tumoral) pour le ou les agents cytotoxiques choisis Vrai pour certains agents cytotoxiques (alkylants +++) Pas possible pour certains agents qui ont une toxicité extrahématopoïétique importante (anthracyclines) In vitro vs in vivo Indications qui restent discutées limitées essentiellement à des néoplasies hématologiques (myélomes, lymphomes malins non Hodgkiniens …) concerne peu les cancers d’origine épithéliale les plus fréquents (prostate, poumon, sein …) Greffes de cellules hématopoïétiques autologues Principes Corriger la myélo-toxicité induite par l’administration de cytotoxiques (à fortes doses) Pas d’effet anti-tumoral du greffon: l’autogreffe est un « soin de support » Modalités Ré-injection par voie intra-veineuse – après le conditionnement (radio)chimiothérapique – du greffon sanguin (ou médullaire) qui correspond à une suspension cellulaire contenant une minorité de cellules souches et progénitrices diluées dans une majorité de cellules mature Optimisation Sélection et ré-injection des seules cellules souches et progénitrices Expansion des cellules souches et progénitrices Exemple de programme thérapeutique en oncohématologie Diagnostic: Examens cytologique, histologique, cytogénétique & moléculaire de cellules ou tissus tumoraux (obtenus par cyto-ponction, biopsie, chirurgie … Cytaphérèses Prélèvement du greffon sanguin autologue Autogreffe (Ré-injection du greffon sanguin autologue Décongelé) Chimiothérapie à hautes doses Chimio n° 1 Chimio n° 2 Chimio n° 3 Chimio n° 4 temps 3-4 semaines Chimiothérapie à haute dose, autogreffe & myélome multiple Chimiothérapie à haute dose, autogreffe & myélome multiple Chimiothérapie à haute dose, autogreffe & lymphome malin non hodgkinien Chimiothérapie à haute dose, autogreffe & lymphome malin non hodgkinien Techniques de prélèvement Les greffons sanguins comme substituts aux greffons médullaires mobilisation des progéniteurs hématopoïétiques dans le sang circulant • facteur prédictif de la qualité de la collecte: numération des cellules CD34+ circulantes prélèvement des cellules par cytaphérèse • processeur automatisé • facilité de la collecte pour le patient greffon contenant un grand nombre de progéniteurs hématopoïétiques (et de cellules immuno-compétentes) • reconstitution hématopoïétique plus rapide (en situation autologue et en situation allogénique) • hospitalisations plus courtes • réduction des coûts cette évolution technologique a contribué à l’augmentation de l’activité de greffe dans les années 1990 Méthodes de mobilisation des progéniteurs hématopoïétiques utilisables en pratique clinique (1) Après une chimiothérapie Utilisable uniquement chez des patients traités, en vue d’une autogreffe Agents efficaces pour la mobilisation: cyclophosphamide, anthracyclines, etoposide … Soit une cure du schéma de chimiothérapie d’induction ou de sauvetage Soit une « chimiothérapie de mobilisation » Suivie de l’administration quotidienne de rhG-CSF Méthodes de mobilisation des progéniteurs hématopoïétiques utilisables en pratique clinique (2) Après administration de rhG-CSF Utilisable soit chez des patients en vue d’une autogreffe (à planifier dans une intercure par exemple), soit chez des donneurs volontaires (majeurs) – apparentés ou non apparentés – en vue d’une allogreffe Formes natives non pegylées: Durée d’action brève: administration quotidienne 10 µg/kg/j par voie sous cutanée (AMM) Monitoring des cellules CD34+ circulantes à partir du 5° jour • Après la 4° injection En général schéma d’administration sur 6 jours Les nouveaux agents pour la mobilisation des progéniteurs hématopoïétiques Antagonistes / agonistes des chemokines et de leurs ligands AMD3100 (plerixafor, Mozobil®) : antagoniste de CXCR4 Une injection de 160 µg/kg ou 240 µg/kg induit une augmentation rapide et réversible du nombre des progéniteurs CD34+ circulants Bien toléré Synergie avec rhG-CSF Évaluation: Mauvais mobilisateurs Donneurs sains ? Prélèvement de cellules sanguines par aphérèse (1) http://www.gambrobct.com Prélèvement des CSH circulantes par cytaphérèse (2) 1. Immuno-sélection des cellules CD34+ 2. Indications en situation clinique 3. Les dispositifs d’immuno-sélection cellulaire qui dérivent de la 1° génération de dispositifs d’immuno-sélection des cellules CD34+ LA SÉLECTION DES CELLULES SOUCHES HEMATOPOIETIQUES Principe des dispositifs de sélection de cellules CD34+ CD34 = “marqueur” des cellules souches et progénitrices hématopoïétiques De nombreux anticorps monoclonaux ont été produits à partir du milieu des années 1980 Quatre dispositifs d’immuno-sélection ont été commercialisés, dont un seul reste disponible CliniMACS (Miltenyi Biotec G.m.b.H.) utilise des billes magnétiques Le dispositif offre une certaine flexibilité, et la possibilité de combiner une sélection CD34 + à une déplétion additionnelle en lymphocytes (utile pour la greffe allogénique) Usages possibles des dispositifs de sélection de cellules CD34+ Avantages potentiels : Définition, “standardisation” du produit de thérapie cellulaire. souhaitable (agences réglementaires) mais pas indispensable Réduction des effets indésirables liés à l’utilisation de cryoprotecteur d’autres possibilités technologiques existent (lavage des greffons décongelés) Purge tumorale en situation autologue voir dia suivante T-déplétion en situation allogénique voir plus bas “enabling technology” expansion in vitro et manipulation génétique des progéniteurs sélectionnés La sélection des cellules CD34+ comme outil pour la « purge tumorale » des greffons autologues Postulat: les cellules tumorales contaminant le prélèvement peuvent contribuer à la rechute après chimiothérapie intensive et autogreffe les cellules tumorales n’expriment pas CD34 la sélection des cellules CD34+ comme alternative à des méthodes plus anciennes Evaluation biologique de la purge tumorale outils à définir pour chaque pathologie (cancer du sein, myélomes, lymphomes ...) immunocytochimie, cytométrie en flux, biologie moléculaire Evaluation clinique de la purge tumorale pour chaque indication long et difficile (cellules tumorales contaminant le greffon vs cellules tumorales résiduelles endogènes) la preuve clinique de l’intérêt de réaliser une purge tumorale manque toujours La sélection des cellules CD34+ comme un outil pour la T-déplétion des greffons allogéniques Les lymphocytes T matures présents dans le greffon allogénique sont responsables de la survenue de formes aiguës et chroniques de maladie du greffon contre l’hôte Ces cellules n’expriment pas l’antigène CD34+ Les outils d’immuno-sélection CD34+ sont des outils efficaces pour la Tdéplétion (~ 3 logs), et une étape de déplétion des cellules CD3+ résiduelles peut encore améliorer leur efficacité La T-déplétion est un outil efficace pour réduire ou abroger la survenue de GVH dans des modèles pré-cliniques et en situation clinique Mais en situation clinique, l’incidence des rechutes abroge le bénéfice associé à la moindre fréquence / sévérité des GVH Procédure très peu utilisée sauf pour des modalités de greffes allogéniques très particulières, telles que les greffes en situation « haplotype-mismatch » 1. Les expériences historiques qui utilisent les cytokines et facteurs de croissance de l’hématopoïèse 2. Les expériences modernes basées sur l’utilisation des signaux régulant le destin des cellules souches hématopoïétiques EXPANSION IN VITRO Expansion in vitro des greffons autologues La correction de la cytopénie est une fonction inverse de la quantité de progéniteurs CD34+ qui sont ré-injectés. Relation non linéaire Conduit à fixer un nombre minimal, voir un nombre optimal de progéniteurs à prélever en vue de greffe autologue L’expansion in vitro peut poursuivre deux objectifs: Abolir le « nadir » par la transplantation de « mégadoses » de cellules CD34+, et des cellules en voie de différenciation • réduire encore la morbidité et le recours aux soins de support pour ce type de procédures • faire évoluer ces pratiques vers des modalités d ’hospitalisation ambulatoires Corriger les greffons autologues contenant un nombre insuffisant de progéniteurs hématopoïétiques • patients « mauvais mobilisateurs » (« poor-mobilizers ») Améliorer les greffons présentant une quantité insuffisante de progéniteurs Mauvais mobilisateurs < 2x106 cellules CD34+/kg Ñ délai dans la correction de la neutropénie et de la thrombopénie • utilisations accrues de ressources de soins, en particulier transfusionnelles d ’un point de vue carcinologique: s ’agit-il de bonnes indications ? Tentative de compléter le greffon « insuffisant » par un greffon « amplifié » rares études, non contrôlées possibilité de corriger la cytopénie dans des délais comparables à ceux observés après ré-injection de greffons contenant plus de 2x106 cellules CD34+/kg Alternatives : nouveaux agents pour la mobilisation des progéniteurs (AMD3100 ou autres) Utilisation des cytokines et FCH pour l’amplification du nombre des cellules CD34+ Deux approches possibles: 1) Soit tenter d’amplifier la population des cellules souches et progéniteurs par l’utilisation pendant la ou les étapes de culture de cytokines actives aux stades précoces de l’hématopoïèse 2) Soit tenter d’induire la différenciation maitrisée des cellules progénitrices en une population homogène de cellules matures et fonctionnelles, avec des cytokines et FCH spécifiques d’un lignage précurseurs et neutrophiles matures cellules érythroïdes Abolir le « nadir » succédant à une chimiothérapie à haute dose et une autogreffe Nombreuses études pilotes (phase I) conduites: faible nombre de patients, études non contrôlées conditions de culture variables s ’efforçant d ’orienter la différenciation plutôt vers la voir neutrophile, plutôt vers la voie mégacaryocyto-plaquettaire, ou plutôt de préserver le compartiment des progéniteurs hématopoïétiques les plus immatures concluent essentiellement à la faisabilité et à la tolérance de la ré-injection des cellules amplifiées Une seule étude conclut à une possible efficacité étude sur une trentaine de patients atteints de myélomes, et recevant une chimiothérapie par haute dose de melphalan +/- irradiation corporelle totale SCF + MGDF + G-CSF une majorité de patients n ’a pas présenté de neutropénie < 0,5x109/L Chimérisme hématopoïétique dans des souris NOD-SCID xéno-transplantées avec des cellules humaines amplifiées Incertitudes biologiques sur l’expansion in vitro La différenciation induite par les cytokines peut-elle compromettre le potentiel des cellules souches et progénitrices initialement contenues dans le greffon ? Expansion des greffons allogéniques Greffes de sangs placentaires le principal facteur pronostique est la dose de cellules la cytopénie succédant à une greffe de sang placentaire est prolongée solutions envisageables: • Augmenter la taille des greffons conservés dans les banques (critères de sélection / qualification plus stricts) • Utiliser simultanément plusieurs greffons (« doubles greffes ») • Amplifier tout ou partie d ’un seul greffon – « banquer » les greffons en deux parties au moins – quelques études cliniques pilotes: » pas de gain en terme de reconstitution hématopoïétique Production massive d’érythrocytes par différenciation maîtrisée de cellules CD34+ placentaires (cellules souches somatiques) CD34+ CliniMacs CSMO, CSSP, CSSC 1 à 5% d’érythrocytes 8 jours 3 jours 95 à 98% d’érythroblastes 10 jours Lignée murine stromale MS5 Lignée humaine stromale Cellules souches mésenchymateuses humaines Représentation schématique du protocole d’expansion utilisé Amplification des cellules CD34+ J15 = x 16 500 pour CSSP et CSMO x 29 000 pour CSSP mobilisées par G-CSF x 140 000 pour CSSC Expansion in vitro: état des lieux Difficulté aujourd’hui à obtenir des cytokines de grade clinique peu de cytokines avec une A.M.M. (Epo, G-CSF, GM-CSF) Difficulté à obtenir un accord des autorités réglementaires Beaucoup de projets cliniques abandonnés compétition entre différentes approches thérapeutiques • « thérapeutiques ciblées » vs chimiothérapie « conventionnelle » (incluant HDCT + autogreffe) bénéfice marginal dans le contexte de la chimiothérapie à haute dose et des autogreffes ? • le bénéfice attendu porte sur les soins de support plus que sur le contrôle de la maladie tumorale Mais des projets précliniques innovants Manipuler les signaux régulant le destin des cellules souches hématopoïétiques ? Evaluation aujourd’hui d’autres approches: 1) manipuler le programme génétique des cellules souches hématopoïétiques (HoxB4, cibles épigénétiques …) 2) reproduire le microenvironnement – ou une partie des signaux émis par le microenvironnement - de la cellule souche hématopoïétique Développements pré-cliniques Nouveaux facteurs susceptibles de controler l’amplification des CSH dans un contexte clinique Facteurs transcriptionnels: HoxB4 Molécules impliquées dans la transmission du signal • Cytokines hématopoïétiques (historique) • Récepteurs Wnt et Notch Molécules impliquées dans la régulation du cycle cellulaire: p18, p21 Données essentiellement collectées dans le modèle murin Expansion in vitro: état des lieux (2) 1. Les réglementations applicables dépendent de la modification « substantielle » ou « non substantielle » de la population cellulaire de départ, de l’échelle de production 2. Hypothèses pour le futur ASPECTS RÉGLEMENTAIRES Matériel cellulaire reproductible issu d’une banque Prélèvement individuel Cellules « manipulées de façon minimale » Cellules souches somatiques Progéniteurs Cellules souches multipotentes Cellules souches embryonnaires ou iPS Sélection cellulaire (immunosélection) Amplification ou différenciation maîtrisée Production d’érythrocytes par différenciation maitrisée de cellules souches embryonnaires