L`entreprise face à la société : de nouvelles pratiques

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LA REVUE DES MANAGERS ET DES ORGANISATIONS RESPONSABLES
N°257 Décembre 2014
Responsabilité sociétale
D é velo ppe men t dur abl e
Resp on sa bi l i t é s o c i al e
Environnement
Sécurité
Qualité
E t hiq ue
ISSN 0767-9432
L’ e n t r e p r i s e f a c e à l a
s o c i é t é : d e n o u ve l l e s
p r at i q u e s m a n a g é r i a l e s .
Entreprise et
changements
sociétaux.
Vers une culture
renouvelée du
management.
page 6
page 13
SOMMAIRE
N°257 • DECEMBRE 2014
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4 Edito
L’entreprise de demain : une métamorphose
annoncée...
6 Rencontre avec ...
Geneviève Brichet.
Entreprise et changements sociétaux.
8 Actualités
Myriam Maestroni, élue « Femme en Or 2014 »
dans la catégorie environnement.
Rencontre avec...
Geneviève Brichet, Administratrice de
l’ALEES, Association lyonnaise d’éthique
économique et sociale.
2015, année de la lumière en France.
Saint-Pierre et Miquelon, un projet de grand port
de transbordement.
Stratégie et Management
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L’entreprise face à la société : de nouvelles
pratiques managériales.
Dossier : L’entreprise face à la société : de
nouvelles pratiques managériales.
64 Sélection du mois
11
L’entreprise du futur.
13
Vers une culture renouvelée du management.
22
Un nouveau rôle de l’entreprise dans les
sociétés développées : la citoyenneté.
32
L’entreprise face à la diversité.
38
L’équité, un enjeu managérial.
46
Le concept de responsabilité.
55
Le manager face à l’e-co-innovation.
66 Tendances
Le développement du m-commerce.
Le HomeChat.
Le bar à vitamines, un nouveau concept.
Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
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N° 257 - Décembre 2014
E D I TO R I A L
Les crises économiques, sociales et politiques nous mènent vers l’abîme.
L’évolution du monde vers un « tout profit » avec son marché, son capital, a entraîné une
rupture humaine sans précédent avec la réalité du vivant, la nature et ses lois. L’humanité
souffre des effets destructeurs d’une logique économique prédatrice et anthropophage qui
met en coupe réglée la terre et les êtres.
L’entreprise, face aux défis sociaux et sociétaux, à l’accélération des échanges et à la tyrannie
de l’immédiat et de l’instantané, est aujourd’hui au coeur d’un paradoxe. Attendue avec
force pour développer l’emploi, créer des vraies richesses, participer au développement
des territoires, elle est perçue, dans le même temps, comme un facteur de risques économiques, sociaux et écologiques majeurs. La crise économique que nous traversons révèle
les effets «toxiques» de l’entreprise, à côté de ses prétendues vertus de création...
JEAN-LUC LAFFARGUE
De nombreuses voix, des associations, des institutions, des mouvements divers, promeuvent aujourd’hui des modèles alternatifs exprimant et dénonçant un peu partout dans le
monde cet ordre marchand qui nous précipite dans des crises de plus en plus profondes,
détruisant tout ce qui lui est étranger, avec pour seul objectif de faire de chaque minute de
la vie une occasion de produire, d’échanger ou de consommer de la valeur marchande. Les
différents mouvements qui s’amorcent n’acceptent plus que quelques milliers de personnes
soient capables d’appauvrir des centaines de millions d’autres.
Le développement
met le modèle occidental comme archétype universel pour
la planète. Il suppose
que les sociétés occidentales constituent la finalité de l’histoire humaine… l’idée de « supportabilité » ou de
durabilité ne saurait améliorer profondément l’idée même de développement. Elle ne fait
que l’adoucir, que l’enrober de pommade.
L’esprit humain est conditionné comme il ne l’a jamais été par une dictature médiatique
qui abrutit pour nous rendre réceptif à la publicité, ou pour noyer les enjeux sociaux et réduire la politique à des questions de rivalités de personnes. La liberté de choix disparait
derrière le modèle unique de la consommation.
L’entreprise de demain : une métamorphose
annoncée…
Le développement économique, commercial ou financier d’une entreprise peut-il avoir
un sens profond s’il ne contribue pas à l’accès aux droits des citoyens impactés par ses activités ? Nos organisations ne peuvent faire l’économie d’une réflexion et d’un engagement
sur ces enjeux qui sont au cœur de leurs activités.
La société a changé et ce n’est que le commencement car nous sommes toujours dans la
préhistoire de l’humanité. Les citoyens ne veulent plus être exclus des choix qui engagent
le présent et l’avenir. Les systèmes pyramidaux doivent faire place à des engagements collectifs, mobilisant l’ensemble des forces vives, salariés, organisations syndicales, actionnaires, investisseurs, fournisseurs, clients, institutions internationales, Etat, collectivités,
consommateurs, ONG … d’autant plus dans une période où nos économies, nos institutions sociales, nos systèmes politiques, nos systèmes monétaires, nos organisations internationales… échappent à notre contrôle et deviennent ingouvernables. Nos conditions de
vie sont elles-mêmes menacées, que ce soit par les catastrophes naturelles et technologiques,
la pollution sous toutes ses formes (la pire étant celle de l’esprit), le réchauffement climatique, la désertification, l’aggravation de la misère et de la faim dans le monde, la sécurité
des aliments, les déséquilibres démographiques, les tensions géopolitiques, …
L’humanité est entrée dans une période prolongée de transition. Pour ce XXIème siècle,
l’urgence est claire : il est impératif de changer de modèle de civilisation. Pour cela, il faut
commencer par dévoiler et démonter les mécanismes du modèle capitaliste dominant, régime basé sur l’appropriation et le contrôle privé de la production et de la consommation
orientée vers la maximisation du profit. En même temps, il faut mettre en route les alternatives du changement. Mais quels seront les nouveaux modèles économiques du 21ème
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Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
E D I TO R I A L
siècle ? Quels nouveaux systèmes financiers, de production, de distribution ? Reposant sur
quelles matrices énergétiques ? Parmi les principes de cette nouvelle vision se trouvent le
soin, la coopération, la solidarité, la participation, la satisfaction des besoins vitaux, l’échelle
du territoire et de la proximité, une redistribution plus juste, la coresponsabilité, l’éthique,
l’équité.
Face à cela, il ne suffit pas de sauver des banques, de renflouer des dettes et de développer
des actions désespérées d’aides financières de la dernière heure. Cela ne sert qu’à retarder
l’inévitable. Il est nécessaire de transformer radicalement les règles du système financier
qui devra se nourrir des fondements éthiques d’une bio-civilisation pour la soutenabilité
de la vie sur la planète. Il serait temps que l’humanité s’interroge sur sa signification et sur
le rôle qu’elle joue dans le processus de la vie.
C’est une crise humaine et de civilisation qu’il nous faut régler en procédant à une meilleure
répartition des ressources de par le monde. Car chacun doit retrouver son droit fondamental
à exister dignement. Pour cela nous devons nous reconnecter à nous-mêmes et à la nature.
La transformation du monde passe d’abord par un changement profond en nous-mêmes
et autour de nous.
Ajoutons le numérique qui est au cœur de tous les processus et en particulier celui de l’innovation : Internet et les réseaux sociaux, la géo-localisation, les smart grids, les Moocs, les
objets connectés et intelligents, les jeux, le design numérique, l’impression 3D, les robots…
le numérique nous entraine dans un véritable « big bang ». Avec lui, l’ère du tout connecté
est en route. En quelques années, l’économie numérique a explosé et va encore plus révolutionner notre façon de communiquer, de consommer, de travailler, de nous soigner, de
vivre et de penser. Parler de société numérique signifie que tous les aspects de la vie sociale,
l’économie, l’organisation du travail, les relations interindividuelles, la culture, les loisirs…
se trouvent concernés par cette transformation de nos modes de communication et d’information, créant un mouvement sociétal d’un autre type par la modification de notre rapport
aux autres et au monde. Cette transformation va concerner également la structure cognitive
de l’individu à la fois dans son fonctionnement et dans ses rapports avec la société.
Les crises actuelles sont des alertes, des opportunités à saisir pour accéder à un ordre plus
naturel ; elles nous conduisent vers une tâche urgente et nécessaire, celle d’effectuer des
choix fondamentaux où l’humanité est face au défi d’aller vers la construction des bases et
des relations entre les humains, de ces derniers avec la biosphère, qu’ils soient ainsi capables
de nourrir un processus vertueux, encore possible, de durabilité sociale, environnementale
et écologique. Il faut alors construire des collectifs, des liens, de la coopération et alimenter
les pratiques réformatrices de l’économie vers un monde plus équitable et plus durable.
Les transitions emprunteront des voies plurielles, mais c’est dans ce contexte que l’humanité, et donc l’entreprise, est en train de construire un horizon commun comme jamais elle
ne l’avait fait auparavant, tout en ayant en même temps une conscience très vive de sa propre diversité, de sa multiplicité, de ses différences et de ses complémentarités. Tous les acteurs économiques sont appelés à relever le défi de mettre les droits humains au cœur de
leur politique et de leur stratégie de développement, et à exercer ainsi, effectivement, leur
responsabilité sociétale d’entreprise. Ce programme urgent est décisif et essentiel pour éviter à tout prix que l’uniformité et la désertification, l’extrême richesse et l’absolue pauvreté,
l’inculture et la guerre, ne deviennent la lumière noire qui éteigne notre libre destinée.
A coup sûr, l’accélération sociale et sociétale, ses conséquences, ses risques, et la manière
dont nous saurons y faire face représentent un des grands défis de notre XXIème siècle.
Nos priorités résident aujourd’hui dans la production de sens.
D’autres modèles de développement existent. Tournons-nous comme certains chercheurs,
agriculteurs, citoyens, vers ceux qui travaillent à remettre les sillons de nos champs dans le
bon sens…
Toute l’équipe de Qualitique, la rédaction, les auteurs et personnalités qui ont contribué à enrichir la réflexion vous souhaitent une bonne année 2015.
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RENCONTRE AVEC...
... Geneviève Brichet.
Geneviève Brichet, Administratrice d’ALEES,
Association lyonnaise d’éthique économique
et sociale.
Entreprise et changements sociétaux.
Qualitique
Depuis quelques décennies, les anciens modes
d'organisation de l'entreprise se trouvent remis en
question. L'entreprise de demain est sans doute à
réinventer.
Selon vous, quels sont les principaux éléments à
prendre en compte pour innover et anticiper les
modes de management futurs ?
Geneviève Brichet
L’entreprise est à réinventer, tout comme la société
qui se réinvente tous les jours, et de plus en plus
vite. Il faut d’ailleurs remarquer que l’entreprise est
souvent en avance sur les changements sociétaux,
peut être en tant que société en miniature?
Je vois trois éléments principaux à prendre en
compte pour manager les entreprises de demain: le
respect de la valeur-travail, la nécessité de trouver
du sens à ce qu’on fait (et le partager) et la confiance
en la capacité des collaborateur à effectuer leur mission... Mais pour cela, encore faut-il que celle-ci soit
correctement définie et comprise par tous !
La valeur travail, c’est considérer que l’individu se
réalise dans ce qu’il fait si tant est que son travail
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Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
soit respecté.
Il est bien entendu que l’on ne peut se réaliser dans
son travail que si on lui donne du sens. Les managers devraient s’en préoccuper pour que chaque collaborateur ait sa place dans l’équipe, une place
connue et reconnue garante de son autonomie et de
sa responsabilité vis-à-vis de lui même et de ses collègues.
Quant à la confiance, elle est le corollaire du respect.
Cela ne veut pas dire que le manager doive se
contenter de laisser faire, ce qui s’apparenterait à de
l’indifférence. C’est peut être la bienveillance qui
pourrait le mieux définir la confiance.
Qualitique
Que représente aujourd'hui une entreprise éthique
et quelles sont ses valeurs ?
Geneviève Brichet
Les entreprises sont des entités et non des personnes. Elles n’ont donc pas de valeurs autres que
celles des hommeset des femmes qui la constituent.
L’éthique étant prise au sens de questionnement
permanent sur les conséquences d’une décision, les
RENCONTRE AVEC...
valeurs de respect sont prédominantes. Mais une
fois qu’on a dit ça, comment le met-on en pratique
au quotidien ?
Je propose deux exemples de situations qui pointent
ces valeurs de respect :
- pouvoir résister à un objectif purement financier,
pour remettre l’être humain au centre, comme valeur prédominante. Le questionnement éthique intervient alors pour faire des choix (parfois difficiles)
en faveur de l’émancipation, plutôt que de l’enfermement dans les oukases du système. Comme par
exemple avoir le courage de choisir de réaliser une
performance financière moins importante, de préférence à entrer à tout prix dans des ratios imposés,
en imposant un surcroit de travail sans contrepartie
ou un licenciement.
- faire confiance en ceux qui sont les forces vives de
l’entreprise, pour prendre la bonne décision, trouver
les bonnes idées, celles qui bénéficient à la fois aux
salariés et à l’entreprise. Bien sûr, les conflits d’intérêts existent, mais il est possible de les régler par le
dissensus, c’est-à-dire que chacun puisse conserver
ses prérogatives, sans menacer la vie du groupe. Inviter à trouver un consentement mutuel (ce qui ne
veut pas dire un consensus, trop souvent mou et qui
crée des insatisfactions). Parce qu’inciter à jouer collectif, ça passe par la confiance que les individus
s’apportent mutuellement.
Qualitique
Comment favoriser une attitude éthique dans le
management ?
Geneviève Brichet
Développer une démarche RSE sincère est déjà un
bon départ. Il semblerait que l’exemplarité du (des)
manager(s) soit un préalable. Ne demandez pas à
des collaborateurs d’avoir un comportement
éthique si la direction de l’entreprise fait tout le
contraire !
Pour l’Association Lyonnaise d’Éthique Économique et Sociale, l’éthique est avant tout un questionnement. Un manager qui s'interroge n’est pas
un manager indécis qui doute en permanence et incapable de décider ; c’est juste un individu conscient
de l’impact de ses décisions sur la vie d’une équipe
(plus ou moins importante) d’individus. En ce sens,
le questionnement est un devoir et l’éthique suit.
Qualitique
Nous entendons de plus en plus parler de "management en mode chaotique horizontal" et de
"bunsha". Pouvez-vous nous en dire quelques
mots ?
Geneviève Brichet
On parle beaucoup de sociocratie qui considère que
l’entreprise se comporte comme un organisme vivant. C’est le cas du bunsha.
Cette méthode consiste à favoriser la division de
l'entreprise selon le mode biologique de la division
cellulaire. A partir d'une certaine taille, les structures sont trop complexes pour être gérables. Il s'agit
donc pour le manager non plus de diriger, mais de
faciliter la création de cellules autonomes et interconnectées reposant sur des personnes-idée innovantes. Celles-ci sont en charge de développer leur
activité en toute liberté, tout en donnant à chacune
de ces cellules la responsabilité collective de l'ensemble de l'entreprise (comme en biologie). Cette
méthode repose là aussi sur la confiance et l'autonomie des personnes.
Le management dit «en mode chaotique horizontal»
s’applique avec succès aux entreprises innovantes
ou aux petites entreprises où le partage du pouvoir
se fait au prorata de la reconnaissance par tous des
compétences de chacun. La progression se fait naturellement sur un process « échec/réussite ».
Il s’agit là de simplifier la structure pour que chacun
ait un rôle déterminant, l’encadrement n’étant
qu’une compétence, pas un instrument de pouvoir.
A partir de là, l’implication des collaborateurs se fait
à travers des catalyseurs : écouter, célébrer, reconnaître; consacrer une importance primordiale au recrutement à travers toutes les facettes de l’individu
(et pas simplement son savoir-faire); reconnaître les
potentialités de chacun; accepter la remise en cause,
l’échec, susciter l’évolution et former en permanence.
Et ça marche!
Qualitique
Et en guise de conclusion…
Geneviève Brichet
Je vous propose une conclusion simple et exigente
à la fois : les Valeurs créent de la valeur.
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ACTUALITÉS
Myriam Maestroni, Présidente de la société
« Économie d’Énergie », élue « Femme en Or
2014 » dans la catégorie Environnement.
Myriam Maestroni, fondatrice et Présidente de
la Société Économie d’Énergie SAS, vient de
recevoir le Trophée de « Femme en Or » dans
la catégorie Environnement. La 22ème cérémonie de remise des prix récompensant des
femmes d’exception a eu lieu le samedi 13 décembre à Avoriaz. Ce trophée, créé en 1993 par
Estelle Barelier, a pour but de récompenser des
femmes qui contribuent, chacune dans son domaine, à valoriser, le rôle et la place des
femmes dans le monde. Les lauréates sont
choisies pour l’exemplarité de leurs actions et
de leurs parcours.
Pour Myriam Maestroni, cette distinction représente la consécration d’une vie dédiée à
l’énergie et notamment, ces trois dernières années, aux économies d’énergie et à l’environnement.
L’ex-dirigeante de Primagaz a, en effet, créé un
nouveau métier spécialisée dans l’accompagnement en économie d’énergie en fondant la
Société Économie d’Énergie SAS en 2011. Les
résultats de l’entreprise lui confèrent aujourd’hui une réelle légitimité sur le marché.
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Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
Cette entreprise vise à promouvoir et à accompagner les travaux de rénovation énergétique
chez les particuliers et plus généralement les
actions d’optimisation d’efficacité énergétique
des sociétés (B2B) qui souhaitent être parties
prenantes de la transition énergétique en
France. En seulement 3 ans, elle a réussi à gagner la confiance des plus grands acteurs de
l’économie (Auchan, Mr. Bricolage, Total,
Esso, Schneider, Rexel, Castorama, etc), en les
accompagnants de façon très opérationnelle,
qui ont déjà permis de financer 250 000 travaux de rénovation énergétique dans notre
pays. En créant des solutions digitales globales
innovantes, la société qu’elle a fondée et
qu’elle dirige a fortement contribué à faire entrer le monde numérique dans le secteur de
l’énergie : les plateformes web dédiées aux
économies d’énergie conçues par la société
pour ses clients ont drainé un trafic représentant 5 millions de visiteurs. Une réussite porteuse d’espoir pour le futur dans notre pays
dans lequel on compte 15 millions de logements consommant 6 à 9 fois plus qu’un logement construit neuf, et dont la dirigeante
donne les clés dans un livre qui a marqué les
esprits : « Comprendre le nouveau monde de
l’énergie - Économie d’énergie et efficacité
énergétique : le monde de « l’Énergie 2.0 » ».
Myriam Maestroni a fondé et préside également un think tank opérationnel, « e5t » www.e5t.fr»-, pour contribuer à la réflexion
sur la transition énergétique et milite pour atteindre le million de logements rénovés
chaque année, soit le double des objectifs fixés
par l’État. Un signal fort que pourrait donner
la France, à un an de l’organisation à Paris de
la 21ème conférence des Parties de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
ACTUALITÉS
2015, année de la lumière en France.
L’Organisation internationale des Nations
Unies (ONU) a proclamé « 2015, Année Internationale de la Lumière et des Techniques utilisant la Lumière » lors de la 68e session de sa
Conférence générale.
En proclamant une Année Internationale dédiée à la lumière ainsi qu’à ses applications,
l’ONU reconnaît l’importance de sensibiliser
le public à la capacité des techniques utilisant
la lumière de contribuer au développement
durable et d’apporter des solutions aux grands
défis contemporains tels que l’énergie, l’éducation, l’agriculture et la santé.
Un Comité National élargi a été mis en place
pour l’animation de « 2015, Année de la Lumière en France », comité constitué de toutes
les forces vives qui gravitent autour de la lumière en France. Ce Comité rassemble et fédère, sous le patronage de Claude
Cohen-Tannoudji et Serge Haroche, prix
Nobel de Physique, les principales structures
qui travaillent dans le domaine de la lumière :
ministères, académies, sociétés scientifiques,
universités, grandes écoles, associations, clubs,
centre de culture, musées, grands groupes industriels, PME, grands organismes, maisons
d’édition, organismes et structures de formation.
La lumière est un sujet qui unifie l’humanité,
elle est essentielle à la vie. L’Année internationale de la Lumière est un instrument idéal
pour une prise de conscience du rôle central
que la lumière occupe dans notre futur, dans
son impact sociétal, économique, écologique,
dans le développement durable.
L’année de la lumière mettra en valeur les capacités de la lumière à apporter des solutions
aux grands défis contemporains dans des secteurs vastes et variés: énergie, éducation,
sciences et technologies, santé, industrie, notre
univers, vie quotidienne, culture, biologie,
agriculture raisonnée, exploitation durable des
ressources naturelles.
Le Comité National organise la Cérémonie de
lancement de « 2015, Année de la Lumière en
France » le 8 janvier 2015 à la Sorbonne qui
donnera le signal de départ à des centaines de
manifestations, d’évènements et de projets organisés partout en France et tout au long de
l’année.
L’éducation des jeunes est un enjeu important
de cet événement afin de promouvoir, dans les
collèges, lycées et universités, le rôle des
sciences et technologies de la lumière (regroupées sous le terme couramment appelée Photonique) vers des nouvelles carrières
pluridisciplinaires et transversales de grand
avenir.
La parité et l’égalité entre les hommes et les
femmes sera naturellement un autre enjeu majeur.
Cette cérémonie sera l’occasion d’écouter des
interventions d’acteurs prestigieux des doQualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
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ACTUALITÉS
maines concernés par la lumière, ainsi que des
témoignages très concrets des possibilités
qu’offre le domaine de la lumière pour stimuler l’innovation technologique, préserver l’environnement, améliorer la santé et la vie
quotidienne.
Au cours de l’après-midi, sera également remis
le Prix Jean Jerphagnon. Ce prix récompense
un projet innovant à cœur optique-photonique
avec un fort potentiel industriel ou une grande
valeur scientifique.
Optiques, Société chimique de France, Société
française d’astronomie et d’astrophysique, Société francophone des lasers médicaux, Société
française de physique, Supelec, Synchotron SoleilL,Techinnov, Télécom Paris Tech, Université Franche-Comté, Université Joseph Fourier.
Partenaires : Ministère de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche ; Essilor ; Hamamatsu ; CNRS ; AFOP;
EDP Sciences ; CNOP France ; Optics Valley ;
Thales ; SFO.
Et avec le soutien de : ACE, AFE, Anciens de
Supoptique, CEA, CIE-France, Cluster Lumière, CNAM, Élopsys, ENSSAT, ESPCI, Institut d’Optique Graduate School, Observatoire
de Paris, Optitec, Photonics Bretagne, Pôle Ora,
Quantel, Route Des Lasers, SEDI ATI Fibres
Saint-Pierre et Miquelon, un projet de
grand port de transbordement...
L'archipel français de Saint-Pierre et Miquelon se rêve
un avenir maritime en dehors de la pêche, avec un
projet de grand port de transbordement de containers.
Saint-Pierre et Miquelon, situé dans l'Atlantique nord
en face du Saint-Laurent, "a l'avantage d'être au croisement de plusieurs routes maritimes : de l'Europe
du nord vers Montréal et la côte est des Etats-Unis,
de l'Asie via Suez et la Méditerranée vers Montréal",
explique à l'AFP Michel Darche, président de la Nord
Atlantic Container Terminal (NACT), société ad hoc
créée il y a un mois par deux entreprises privées de
l'archipel (Hélène et Fils et la SPI).
De plus, le port de Saint-Pierre atteint "rapidement
les 25 mètres de tirant d'eau, ce qui permettrait d'accueillir des gros navires, il bénéficie d'une protection
naturelle, il y a de la place et pas de concurrence avec
d'autres activités portuaires", détaille M. Darche, qui
fut le directeur d'exploitation du port du Havre. Il
avance aussi l'absence, en Amérique du nord, de hub
de transbordement : "ce n'est pas dans la culture des
Etats-Unis et du Canada dont les ports sont très chers
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Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
et soumis à des cultures syndicales pesantes".
Selon les études, cofinancées par le Medef local (présidé par Roger Hélène) et l'Etat à hauteur de 80.000
euros, entre 100 et 180 emplois directs seraient générés à l'horizon 2020 par le terminal dont le coût total
de réalisation (infrastructure et équipements) s'élèverait à environ 300 millions d'euros. Reste que ce projet
est adossé à une aide de l'Etat via la défiscalisation,
au titre des investissements outre-mer, qui pourrait
représenter "entre 50 et 100 millions d'euros de la
somme totale", selon les estimations du ministère des
Outre-mer.
A suivre…
DOSSIER
L’ e n t r e p r i s e f a c e à l a
s o c i é t é : d e n o u ve l l e s
p r at i q u e s m a n a g é r i a l e s .
L’entreprise du futur.
Nous sommes encore dans des modèles de management qui
garde les empreintes du début du XXème siècle, alors que l’entreprise de demain est collaborative créant de l’émulation et
des interactions entre toutes les parties prenantes, dans un
monde qui change à une vitesse effrénée. Ce changement implique de nouveaux défis managériaux : redéfinir les rôles de
chacun, les modalités de communication internes et externes,
les relations hiérarchiques, les codes, etc. Pour réussir cette
transition il faut avant tout reconnaitre la nécessité de modifier la culture organisationnelle, les styles d’encadrement et les
attitudes en matière de management. Le management sera
fondé sur la confiance, l’entraide, la coopération, dans un système de gouvernance holocratique, qui redistribue l’autorité
et les prises de décisions au travers d’équipes auto-organisées
et opérant en réseau. Dans ce contexte, l’organisation est considérée comme un être vivant. Celui-ci a une raison d’être et est
également sujet à des tensions. Ces dernières doivent être identifiées et signalées par ses membres, pour être ensuite traitées
de façon systématique et rapide. Le pilotage de l’organisation
est dynamique et connecté aux problématiques du quotidien,
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L’entreprise du futur.
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développées : la citoyenneté.
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DOSSIER
permettant à l’organisation de traiter rapidement les sujets et être plus agile.
Le plus grand défi sera de repenser l’organisation du travail et de revenir à des entreprises à taille humaine pour
que le management prenne en compte les êtres humains.
La capacité de comprendre son environnement, d’être
complètement connectée, de s’adapter voire de se réinventer, sera plus que jamais les atouts qui vont conditionner
non pas seulement le développement mais la survie de
l’entreprise. Le besoin de solutions collaboratives intégrant le chat, la gestion de présence, la vidéo, le partage
de connaissances et de documents va devenir de plus en
plus fort. Parallèlement, on observe une intégration des
solutions « grand public » dites « communautaires »,
comme par exemple Facebook, dans la sphère professionnelle et dans la stratégie des entreprises.
Les « causes » de modification des conditions de l’exercice du management sont principalement : la mondialisation de l’économie, la déréglementation et l’avènement
des technologies de l’information et de la communication.
Face à cela, les managers se retrouvent moins nombreux
pour exercer des activités élargies avec des services fonctionnels amaigris. Parmi les nouvelles attributions du
manager, les ressources humaines prennent une place prépondérante ; il se retrouve ainsi coresponsable avec les
services des ressources humaines. D’acteur interne à l’entreprise, il est devenu en quelques années agent d’interface entre l’organisation et l’environnement. Sa vocation,
ou plus exactement celle de son entreprise, est de produire
de la valeur qui n’est plus exclusivement axée vers les actionnaires puisque la dimension éthique et de citoyenneté
prend une place de plus en plus importante dans les
préoccupations des parties prenantes… cette valeur produite doit bénéficier aussi bien aux clients qu’aux collaborateurs et servir la société dans son ensemble. Les
décisions devront émerger du groupe en toute transparence. Les réseaux de création de valeur transcendent
souvent les limites de l’entreprise. Ils rendent, de la sorte,
obsolètes les outils de management basés sur le pouvoir
et l’autorité.
L’épanouissement personnel, la considération de l’être,
l’expertise de chacun, au service de l’entreprise, de l’organisation, conduisent à recentrer l’activité autour des
hommes, qui font la réussite de l’entreprise.
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Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
Il devient nécessaire de créer au niveau mondial un
contexte moral, éthique, philosophique, voire spirituel qui,
non seulement, nous permette de relever les défis actuels,
mais nous pousse également individuellement à adopter
une vision intégrale pour faire évoluer notre niveau global de conscience et transformer notre culture. Ce même
changement de perspective doit advenir aux entreprises.
Combien de conflits, d’injustices, de suicides, de réorganisations « miracles » seront nécessaires pour comprendre
qu’il faut ouvrir la porte à une nouvelle culture entrepreneuriale qui donne au collectif son véritable sens ? Il
est temps d’adopter une nouvelle gouvernance qui permette aux individus de transcender leurs peurs et leurs
ambitions personnelles pour laisser la place aux valeurs
humaines les plus fondamentales.
Jean-Luc Laffargue.
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Vers une culture renouvelée du
management.
L
es évolutions socioculturelles, les évolutions technologiques, constituent les
foyers où s’esquissent les structures de
la société de demain et même si le « socle managérial » demeure le même celles-ci vont fortement impacter le pilotage des activités et le
management des hommes. Ceci va demander des
aptitudes aux entreprises et aux managers pour
s'adapter aux mutations de leur environnement.
DE PROFONDS CHANGEMENTS.
Qui dirige ? La dispersion du pouvoir dans
l'économie mondiale est devenue flagrante.
Les frontières entre le privé et le public, le national et l'international, le licite et l'illicite sont
en fait très floues. La crise économique et financière n'a pas affaibli la domination des
schémas de pensée qui orientent les politiques
économiques depuis plus de trente années. Le
pouvoir de la finance n'est toujours pas remis
en cause. Cette grande crise doit provoquer
une refondation de la pensée économique.
Une alliance entre la société civile, les organisations syndicales, les mouvements sociaux et
les forces politiques progressistes est nécessaire pour sortir l’Europe de la crise engendrée par le néolibéralisme et la finance. Le
modèle de développement actuel n’est pas
viable, pas seulement pour l’environnement,
mais aussi d’un point de vue économique, social et de l’emploi. Cependant, le nouvel ordre
du monde semble laisser les humains désarmés face à un ensemble de situations nouvelles qui appellent d’autres pratiques,
d’autres valeurs. Nous en sommes à essayer
de réinsuffler du sens en réhabilitant ou en réinventant des valeurs.
Le système mondialisé mis en place pour faire
circuler les richesses ne nous permet plus de
croire qu’il fonctionne pour le bien de l’humanité, et l’impression de chaos se fait sentir
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
dans tous les domaines : crise écologique, alimentaire, politique, sociale, financière, économique, et enfin crise des valeurs.
La société a changé et ce n’est qu’un début.
Les citoyens, confrontés à des risques technologiques, environnementaux, sanitaires, alimentaires, sociaux, économiques, … ne
veulent plus être exclu s des choix qui engagent notre avenir. Le modèle autoritariste et
unilatéral, qui a prévalu depuis un demi-siècle, commence à produire des effets « boomerang » qui ne seront désamorcés qu’avec
l’implication de toutes les composantes de la
société.
Les systèmes pyramidaux doivent faire place
à des engagements collectifs pour le développement durable, mobilisant l’ensemble des
forces vives : salariés, organisations syndicales, investisseurs, fournisseurs, clients, et
des partenaires de l’entreprise : institutions internationales, Etats, pays et collectivités d’implantation, experts indépendants, ONG,
consommateurs … L’entreprise doit passer
d’une culture de la demande, de l’exploitation
des ressources (humaines, naturelles, financières) à l’élaboration de contrats sociétaux,
concertés et évalués.
Le développement durable conduit les entreprises à une culture renouvelée du management, fondée sur la responsabilité, et sur une
réelle reconnaissance d’acteurs, de savoirs et
de modes d’intervention complémentaires.
Cette reconnaissance est une source d’innovation (sociale et technologique) et de richesses
(économiques et culturelles), sous réserve
qu’elle s’appuie sur les partenariats. Les partenariats entre les ONG et les entreprises sont
des vecteurs indispensables à la mise en
œuvre du développement durable. Les entreprises doivent s’appuyer sur la capacité d’expertise, de vigilance et d’observance des
pratiques des ONG. Les ONG doivent s’appuyer sur les contre-pouvoirs que constituent
les quelques entreprises pionnières, pour leurs
capacités à projeter à moyen et à long terme et
à faire évoluer, au sein de leurs secteurs d’activité, les pratiques des dirigeants.
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Les entreprises doivent également tisser des
partenariats avec les autorités locales. En
France, l’engagement croissant des Régions
dans des stratégies intégrées de développement durable et des collectivités (villes, agglomérations, pays, départements) dans les
Agendas 21 locaux, devrait contribuer à créer
des espaces de concertation et de dialogue où
définir à la fois les enjeux et les moyens à mettre en œuvre pour l’ancrage territorial du développement durable, à partir des besoins et
des attentes exprimés par les acteurs territoriaux.
Pour Susan Strange, le pouvoir est la capacité
d'écrire les règles du jeu de la mondialisation
dans les quatre domaines, à ses yeux fondamentaux, que sont la sécurité, la production,
la finance et le savoir. Elle demande alors qui
en a la capacité : dans son ouvrage « Le retrait
de l'Etat. La dispersion du pouvoir dans l'économie mondiale », elle aborde plusieurs acteurs comme les mafias, les compagnies
d'assurances, les grands cabinets d'audit…
plus qu'une grande théorie du monde, une
chimère à laquelle elle ne croyait pas, elle propose une méthode de diagnostic, valable pour
n'importe quel secteur de l'économie mondiale que l'on veut décrypter.
Cette méthode consiste à identifier le réseau
complexe d'autorités entrecroisées à l'œuvre
(pas seulement les décisions des Etats) ; à mettre en évidence les accords qu'ont passés entre
elles ces autorités et le résultat (outcome) produit ; à mettre au jour les valeurs prioritaires
retenues par ces autorités (prospérité et richesse, justice et équité, sécurité, ordre et stabilité, liberté et autonomie de décision) et
comment elles se répartissent entre groupes
sociaux et individus (qui gagne quoi, qui perd
quoi ?) ; à déterminer les points de fragilité des
accords en cours ; et, enfin, à mettre en évidence les accords alternatifs possibles. Le tout
en mobilisant l'économie, la science politique
et l'histoire, éléments d'une nouvelle discipline créée par Strange et baptisée "économie
politique internationale".
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
REMETTRE L’HUMAIN AU CŒUR DE
L’ÉCONOMIE
nagement porteur de sens qui passe par la responsabilité et l’éthique.
Notre modèle actuel se caractérise par
la démesure et le mal de vivre.
Il faut promouvoir une transition vers une société « du bien vivre ».
Une coordination de l’ensemble du tissus économique est obligatoire afin d’atteindre l’objectif et de créer ainsi les leviers nécessaires.
C’est pour cela que nous devons nous tourner
vers des méthodes qui abordent l’entreprise
dans toutes ses facettes : organisationnelle, humaine, sociale, managériale et qui prônent une
vision interactive du changement, avec des
démarches qui allient vision stratégique, organisation transverse et management opérationnel …
Cette situation est en grande partie le résultat
de la mainmise du système financier sur les
entreprises industrielles. L’entreprise est devenue l’un des instruments majeurs de la
course au profit imposée par ce système boulimique et irréductible qui la détourne ainsi
d’une grande partie de ses finalités
originelles ou potentielles ; en particulier, son rôle dans le développement
social de la société à laquelle elle appartient. L’entreprise, sous la pression
de la financiarisation est devenue un
outil qui doit générer un rendement financier immédiat pour des actionnaires de
plus en plus gourmands. L’entreprise créatrice
d’emplois, répartiteur de revenus entre le travail et le capital… autant de responsabilités
aujourd’hui sacrifiées à la quête permanente
du profit à court terme. Une réorientation de
cette économie doit être effectuée de manière
à prendre en compte les enjeux du long terme
pour créer de vraies richesses et des emplois.
La performance de demain repose sur un ma-
«
L’entreprise est devenu l’un des
instruments majeurs de la course
au profit imposée par ce système
boulimique... »
Après les slogans des années 80 : motivation,
participation, implication, puis l'amélioration
de la qualité des années 90, l'objectif des approches de ce début de siècle sont : transversaliser, dynamiser, décloisonner, fluidifier,
alléger, responsabiliser, innover, donner du
sens…
Leur quête pose la question fondamentale des
mécanismes de survie de l'entreprise. Nous
sommes à un virage où probablement seul un
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
changement de paradigme permettra de trouver dans l'arsenal des méthodes de management traditionnel une autre façon de voir, de
penser le fonctionnement des organisations
industrielles et de service, des administrations
et des groupements d'hommes œuvrant pour
une cause commune. Ce management permet
de développer la richesse et la créativité individuelles et collectives.
atomes de carbone. Pour y parvenir, elles disposent d’un fantastique pouvoir d’évolution,
leur ayant permis de s’adapter à ces divers milieux, de cohabiter, de coopérer avec les autres
organismes vivants au fur et à mesure de
l’évolution de ceux-ci, de biodégrader des molécules créées par la civilisation humaine, de
résister aux antibiotiques…
L’entreprise du futur
ne se conçoit plus uniquement en termes
technologiques, mais
de manière fondamentale via son approche
managériale. La véritable innovation n’est pas
celle qui va uniquement mettre à jour de
nouveaux outils de travail, mais celle qui va
permettre leur intégration dans les stratégies
d’entreprises et qui va
prendre en compte
leurs impacts humains
et sociétaux.
EVOLUTION ET SURVIE.
La survie des espèces passe par leur aptitude
à s'adapter aux mutations de leur environnement.
La bactérie est une championne de la survie.
Elle est capable de vivre dans tous les milieux
de notre planète, sur et sous la terre, jusque
dans l’interstice des roches profondes, en surface ou au fond des océans, dans les déserts et
sur les glaces, en parasites ou en commensales
de tous les autres êtres vivants au point que,
sans elles, la plupart des organismes dits supérieurs ne pourraient pas vivre. Elles sont capables d’utiliser comme source d’énergie
presque tout ce qui possède des liaisons chimiques riches en énergie et comme source de
carbone presque tout ce qui contient des
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Pour cela, il leur faut apprendre à accompagner les évolutions, à trouver leur place dans
un équilibre dynamique, à intégrer rapidement des comportements adaptés au contexte.
L'adaptabilité nécessite aussi une capacité à
développer des relations harmonieuses avec
les autres espèces, faute de quoi il y aura lutte
pour la survie de l'une au détriment de l'autre.
Les espèces les plus prolifiques sont non seulement capables d'anticiper ces évolutions
mais aussi de les influencer, et enfin d'adapter
progressivement leurs relations avec l'extérieur.
Parfois, cela requiert une mutation profonde
de leur métabolisme et de leur structure interne.
La disparition des dinosaures est l'exemple de
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
la difficulté d'une espèce à s'adapter. Plus que
le résultat du changement lui-même, c'est la
propension au changement, c'est-à-dire l'aptitude à réagir, puis à changer en fonction des
contraintes externes, qui est la condition essentielle, le moteur de la survie des espèces.
mettre des énergies en commun et accepter les
risques de la confrontation avec d'autres dans
un environnement donné. C'est associer des
ressources de nature particulièrement différente, ayant leurs caractéristiques propres et
une autonomie de fonctionnement pour atteindre un objectif donné.
Dans un autre ordre d'idée, la vitalité traduit
la capacité des espèces à se développer, à se
reproduire, à profiter des opportunités, des
changements d'environnement pour multiplier leurs actions et interventions sur celui-ci.
L'entreprise est une structure complexe qui
doit évoluer au moins au rythme de son environnement (adaptabilité passive) ou mourir.
La vitalité mesure l'aptitude à agir rapidement
(action ou réaction), dans un jeu de relation,
en fonction des opportunités et du contexte.
Elle se traduit par une capacité à se mouvoir,
une aptitude à se déplacer qui nécessite une
concentration d'énergie sur un objectif donné.
La vitalité est aussi une condition nécessaire
pour participer activement à l'évolution de
l'environnement, à créer des conditions externes favorables à l'évolution
de l'espèce ; de cette vitalité dépend
parfois la capacité à influencer plutôt
que d'être influencé par lui.
Elle peut aussi influencer les données de son
environnement, être partie prenante de l'évolution du contexte en agissant sur les variables
caractéristiques de cet environnement (adaptabilité active). Dans un environnement
donné, l'entreprise prend une place, joue un
rôle, grandit, se développe à un certain
rythme ..., cela dépend de sa vitalité.
Nous avons dit que l'entreprise était une espèce complexe compte tenu de la diversité des
«
Adaptabilité et Vitalité sont donc
deux propriétés essentielles pour la
survie et le développement des espèces. L'entreprise est une espèce à part entière. C’est une
espèce vivante composée d'éléments spécifiques et dotée d'objectifs économiques et sociaux.
Entreprendre, c'est agir ensemble, c'est mettre
en œuvre des moyens, prendre des risques,
saisir des opportunités ; c'est réunir des compétences et des ressources pour créer des richesses pour l’Homme et la société dans son
ensemble.
L'entreprise est une structure particulière qui
subit les mêmes influences, qui répond aux
mêmes règles que les espèces animales et biologiques : en cela elle ne déroge pas aux lois
de la nature.
L’entreprise est une structure particulière qui ne déroge pas aux lois naturelles
... »
ressources et composants mis en relation ;
cette complexité est accrue du fait d'une caractéristique qui lui est particulière. Une de ses
composantes, l'Homme en tant qu'individu ou
groupe, est dotée d'une intelligence active et
d'une capacité de réflexion interactive qui influencent et déterminent son comportement et
ses réactions face à certaines situations.
Cette intelligence active et interactive se caractérise par des comportements non standards,
non typiquement réflexes (au sens biologique
du terme), mais par des stratégies qui accroissent à l'infini les scénarii d'évolution possible.
Cette propriété est un atout formidable pour
l'espèce. En effet, elle accroît les capacités créatives nécessaires à son évolution, son adaptation et son influence sur l'environnement.
Entreprendre, c'est agir ensemble: cela signifie
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Mais cette propriété peut aussi être un handicap et entraîner des difficultés d'adaptation et
de survie dans un environnement instable et
imprévisible. En effet, nous constatons parfois
des incohérences dans le comportement et les
attitudes de certaines composantes de la structure.
Elles ne s'inscrivent pas toujours dans une logique commune, leurs actions peuvent diverger et se contredire. C'est cette caractéristique
qui entraîne des dysfonctionnements, des
conflits internes, des pertes de temps, des retards, des erreurs ... dont la conséquence est
une déperdition importante d'énergie et un
gaspillage de ses forces ; dans ce cas, la vitalité
est mise en œuvre de façon inopportune et détournée de ses objectifs premiers, à savoir sa
survie et son développement.
Dans les situations les plus graves, lorsque les
conditions d'environnement sont particulière-
des valeurs permet de définir une identité
commune, une cohérence collective et de donner du sens à nos actions.
ADAPTABILITÉ
L’adaptabilité c’est la capacité d’un système,
d’une communauté, d’une entreprise, d’une
région, à ajuster ses mécanismes et sa structure pour tenir compte des changements de
son environnement, qu’ils soient réels, potentiels ou supposés.
En raison de l’accélération et des changements
des paradigmes dans tous les domaines,
l’adaptabilité, la vitesse maîtrisée et l’agilité
sont devenues des piliers déterminants de la
compétitivité de l’entreprise.
L'adaptabilité mesure la capacité de l'entreprise à se mettre en relation harmonieuse avec
son environnement, à réagir avec les évolutions voire à les anticiper ou à les influencer
comme nous l'avons mentionné précédemment.
L'adaptabilité est une propriété de l'évolution
de l'espèce et de son influence. Elle repose sur
des caractéristiques particulières ; pour être
adaptable, il faut être :
ouvert, c'est-à-dire être disponible au
changement, capable d'en percevoir le sens et
de l'anticiper ;
ment difficiles, une telle situation va progressivement ou rapidement entraîner sa mort. Si
l'adaptabilité est la condition première de la
survie de l'entreprise, la vitalité est le moyen
de sa pérennité.
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créatif, c'est-à-dire être apte à trouver
des réponses aux sollicitations de l'environnement, des solutions adaptées, originales, nouvelles et harmonieuses ;
L'analyse détaillée de ces deux propriétés
nous donne un regard neuf et original sur les
mécanismes de développement de l'entreprise.
flexible, c'est-à-dire avoir la capacité à
intégrer ces solutions, à se plier (ne pas être rigide), à prendre de nouvelles formes sans que
l'évolution n'entraîne une rupture, une fracture ; la flexibilité permet de ne pas se bloquer
face au changement de forme et de structure
nécessaire.
L’Homme est un acteur qui véhicule du sens
et des valeurs qui vont influencer nos actes et
nos comportements au quotidien. Le partage
De façon opérationnelle, l'adaptabilité est une
recherche permanente de toutes les entreprises, inscrite dans leurs fonctions ou leurs
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
missions de base. Cette fonction est encore
plus fondamentale que la vitesse de changement de l'environnement est rapide.
VITALITÉ
La vitalité fait référence à la capacité d'action
de l'entreprise. Elle détermine la faculté à mobiliser de l'énergie sur un objectif donné. Elle
repose sur trois autres caractéristiques propres :
la réactivité est la capacité à réagir face
à un événement, à une situation, à mettre en
œuvre et à mobiliser ses ressources pour un
objectif donné, à se mettre en mouvement, à
se transformer ;
la tonicité mesure la quantité d'énergie
disponible pour l'action que la structure est
capable de mobiliser en fonction de l'enjeu, et
la rapidité avec laquelle cette énergie va pouvoir être mobilisée ;
la synchronicité est la capacité à mettre
en mouvement toutes les composantes de la
structure vers le but assigné, dans la bonne direction ou pour le bon objectif, dans un temps
court.
Le développement de l'entreprise, dans un environnement compétitif, repose sur cette vitalité. Plus elle est grande, plus l'entreprise sera
capable de saisir les opportunités qui se présentent à elle, voire même à générer des opportunités.
L'adaptabilité et la vitalité sont étroitement
complémentaires, car adaptabilité sans vitalité
ne permet pas d'agir assez rapidement dans le
sens du changement nécessaire ou souhaité ;
vitalité sans adaptabilité, c'est le risque du
mouvement ou de l'action sans direction, sans
sens.
C'est dans ces constats que le management
transfonctionnel puise ses racines pour définir
ses bases conceptuelles et fournir des outils
d'analyse et d'intervention sur les structures.
Son but est de faciliter la compréhension des
mécanismes de fonctionnement des entreprises afin d'accroître leurs capacités d'action
et de réaction, de développer leurs aptitudes
créatives au service de leurs finalités. Il trouve
son inspiration dans la réflexion sur la survie
des espèces et ses outils dans les approches
managériales traditionnelles. Son originalité
réside non pas dans la définition de techniques nouvelles mais dans la façon de penser
l'entreprise et d'utiliser les outils existants
selon un agencement et une méthode qui lui
sont spécifiques.
RUPTURES
(mpm : Management PostModerne).
La société a changé. Le passage à la postmodernité émerge sous nos yeux et bouscule le
paradigme d’hier. Visibilité réduite, hésitations, déstabilisation, démobilisation et saturation idéologique : tel est le lot commun des
gens. Evidemment, ces changements profonds, irréversibles et irrémédiables s’accompagnent d’une nouvelle façon de vivre sa vie
et son travail. Six ruptures entre monde moderne et postmoderne expliquent la transformation en cours de notre paradigme
socio-économique. Tentons de les nommer et
de mieux les comprendre pour s’offrir une
nouvelle grille de lecture sur la façon de vivre
sa vie et son activité professionnelle.
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
La première rupture est le passage d’une pensée rationnelle à une pensée émotionnelle.
La troisième grande rupture est le passage
d’un mode hiérarchique à un mode réseau.
L’ère postmoderne sera incarnée par une infiltration du sensible dans la raison. Le tout
raisonnable ennuie ou agace. La demande
d’émotion est en hausse. Aujourd’hui, on est
plus « fan de » que « froidement pour » ou «
froidement contre ». On a « plus envie de »
que « besoin de ». On préfère « avoir le sentiment que » plutôt que « d’avoir l’argument
pour ». Nous sommes passés d’une raison moderne métallique à une raison postmoderne
sensible qui fait coexister « des couples »
jusqu’ici conflictuels : raison/sentiment, nature/culture, travail/loisir. La pensée moderne,
essentiellement
rationnelle
et
mécanique, évolue progressivement en une
pensée plus organique, plus débridée et plus
décomplexée ce qui va ouvrir et offrir de nouveaux modes de vie et de management dans
les organisations et les entreprises postmodernes.
Dans le monde moderne, les relations étaient
hiérarchiques, construites sur des injonctions,
base de toutes les relations. Aujourd’hui, cette
logique d’injonction devient stérile. Dorénavant, les relations hiérarchiques sont déjà souvent remplacées par des fonctionnement en
réseaux, construites sur des interactions
réelles qui transforment « le contrat social »
(relation très mécanique entre un « employeur
» et un « employé ») en « pacte sociétal » (relation beaucoup plus biologique entre personnes). Le lien sociétal et managérial n’est
plus sur le devoir être, il est sur le vivre ensemble. Un contrat est en phase avec des
écrits. Un pacte est en phase avec des affects
et des humeurs. L’explosion des réseaux sociaux est bien entendu le marqueur le plus flagrant de cette évolution des liens. Seuls les
managers qui intègreront ces changements
parviendront à être en phase avec les profils
postmodernes.
La deuxième grande rupture est le passage de
« l’effort pour demain » à « la jouissance ici et
maintenant’ : le monde moderne comptait
durer ; le futur et l’avenir y étaient synonymes
de progrès et d’espoir. Dorénavant, ce qui
compte le plus, c’est l’intensité de ce que je vis
ici et maintenant. Ce rapport différent au
temps est lié au sentiment naissant que le
futur et l’avenir ne sont plus forcément synonymes de jours meilleurs. Le futur et l’avenir
sont même parfois synonymes de précarité et
d’incertitude. C’est cette sensation de « potentielle précarité » qui donne envie aux gens de
vivre le moment présent avec intensité sans
tout miser sur des lendemains très incertains.
Comment vivre sans préparer l’avenir ? Miser
sur la durée et miser sur l’intensité requièrent
des leviers de vie tout à fait différents, voire
opposés, et cette rupture du temps est parfois
très déroutante pour les modernes que nous
étions ! Et pourtant, cette envie d’intensité qui
est en train de monter, devrait, si on arrive à
la renifler, faire naître une nouvelle forme de
vitalité socioéconomique durant l’ère postmoderne.
20
Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
La quatrième rupture est le passage de la notion d’ « enjeu » à la notion de « jeu ».
Dans le monde moderne, tout était une question d’enjeux. Il y avait les enjeux commerciaux, les enjeux stratégiques, les enjeux
professionnels, les enjeux personnels. Ces enjeux répétés et multiples, tous flanqués du
culte de la performance, ont fini par émousser
et lasser les bons petits soldats. En réaction, la
notion de « jeu » pointe le bout de son nez.
Malgré la crise ou à cause de la crise, l’individu n’a jamais autant joué aux jeux de hasard
et jamais autant parié sur des sujets divers et
variés. La France et les salariés sont en crise,
mais la France et les salariés s’amusent, jouent
et parient. Le jeu, à travers les expériences et
les émotions qu’il nous fait vivre, est-il un
nouveau levier de motivation de vie ?
La cinquième rupture est le passage du déterminisme au relativisme.
L’individu moderne était un individu extrêmement déterminé. La notion de progrès
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
continu était la pierre angulaire de la société
dite moderne et le moteur de ce déterminisme.
Dans le monde moderne, tout était considéré
comme urgent et prioritaire afin que les « arbres grimpent au ciel ». Dans les interstices
des désillusions politiques et des crises économiques répétées et successives, le mythe du
progrès perpétuel a été écorné. Cette contamination des esprits, qui grignote du terrain
jour après jour, change en profondeur notre
logique sociétale et managériale et est en train
de balayer tout le mythe et la puissance du déterminisme en installant, en creux, un certain
relativisme. Est-il possible de faire de ce repli,
de ce lâcher-prise, un levier de vie pour la société ou un levier de management dans les organisations postmodernes ?
La sixième et la dernière rupture est la transformation de l’individu moderne en personne
postmoderne.
Dans le monde moderne, on aimait modéliser
les gens pour les classer par types ou profils.
La démarche était assez aisée car l’individu
moderne était assez univoque et principalement guidé par la domestication de la raison.
Chez la personne postmoderne s’est creusé
des interstices et des creusets qui ne demandent qu’à se remplir de libertés interstitielles
(faille existante entre la réalité vécue et la doctrine officielle) pour faire éclater au grand jour
sa pluralité et ses différences. Nous ne
sommes plus des individus homogènes aux
réactions stéréotypées et parfaitement prévisibles. Nous sonnes devenus singulier-pluriel
en portant différents « masques » en fonction
des situations et des circonstances. Nous
avions plutôt appris à vivre avec des individus modernes qui mettaient des barrières très
étanches entre leurs différentes vies, mais
nous sommes de plus en plus confrontés à des
personnes plus insaisissables et plus imprévisibles car vivant plusieurs vies intriquées à la
fois. Si nous voulons passer des pactes gagnants-gagnants avec les différentes vies de
cette personne, nous devons évoluer pour
s’ajuster aux différentes facettes de la personne qui est en face de nous !
Ces six ruptures entre monde moderne et
postmoderne transforment en profondeur le
paysage de notre société et en creux le mode
de fonctionnement de nos entreprises. Ces six
ruptures jettent les bases d’une nouvelle raison humaine. Une nouvelle raison aux arcanes
parfois bien différents de la raison moderne.
EN QUÊTE DE LÉGITIMITÉ.
Pour être légitime, l’entreprise
doit se conformer
aux attentes de
ses parties prenantes, qui reflètent
plus
globalement les
normes, valeurs
et croyances prévalant dans le contexte dans lequel elle évolue.
Les évolutions culturelles récentes prônent la
responsabilité de chacun, y compris des entreprises, sur le long terme. Dans ce contexte,
l’adoption de pratiques responsables favorise
l’émergence et le maintien d’une forme de légitimité qui assure la survie de l’organisation.
L’engagement des entreprises dans des démarches de management responsable soustend leur recherche d’une certaine légitimité
sociétale. En effet, les entreprises dépendent
du consentement de la société dans laquelle
elles évoluent. Ainsi, par l’introduction de
pratiques organisationnelles spécifiques, ontelles la possibilité d’être, ou de paraître, « socialement responsable ».
Tout ceci conduit à une culture renouvelée du
management, fondée sur la responsabilité,
l’éthique et sur une réelle reconnaissance des
acteurs et des savoirs. Elle s’appuie sur la
connaissance et sur les nouvelles technologies
de l’information et de la communication, sur
l’innovation et la créativité.
Jean-Luc Laffargue.
Comité de rédaction.
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Un nouveau rôle de l’entreprise dans les
sociétés développées : la citoyenneté.
L
a volonté d’adopter une attitude citoyenne apparaît aujourd’hui comme une nécessité face
à une demande plus responsable, plus éthique, plus respectueuse de l’environnement et des
droits de l’Homme des consommateurs.
INTRODUCTION.
Tout d’abord, notons qu’aucun consensus
n’existe sur ce que recouvre théoriquement le
concept de citoyenneté d’entreprise. Dans la
pratique, ce terme est utilisé pour dénommer
des activités multiples et diverses, allant par
exemple du respect des lois sociales et environnementales aux investissements proactifs dans
des bonnes causes, l’éducation ou encore les
droits de l’homme.
Ensuite, les définitions données à la citoyenneté d’entreprise sont presque uniquement basées sur les perceptions qu’ont les managers de
ce qu’est une entreprise citoyenne ; rarement
le point de vue d’autres stakeholders est pris
en compte pour définir la citoyenneté d'entreprise. Or, quand il s’agit d’étudier l’impact de
la citoyenneté d'entreprise sur les attitudes et
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Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
les comportements des stakeholders, il est indispensable de savoir ce que ces derniers
considèrent comme étant de la citoyenneté
d'entreprise.
Enfin, la plupart des écrits sur le sujet
sont d’origine anglo-saxonne (Etats-Unis,
Royaume-Uni) et trouvent leur source dans un
contexte politique, social et économique relativement différent du nôtre. Dans nos pays
(Europe continentale), où le bien-être de la
communauté est traditionnellement l’apanage
du gouvernement, ce n’est que récemment que
les entreprises commencent à jouer un rôle par
rapport au bien-être des personnes et aux politiques sociales.
Le rôle de l’entreprise dans les sociétés développées est devenu tellement important que de
nouvelles responsabilités sont apparues.
La société attend des entreprises qu’elles of-
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
critiques. Comment alors mobiliser l'entreprise autour de la déLa volonté d’adopter une attitude
marche ?
citoyenne apparaît maintenant
- La pression pour l'immobilisme
comme une nécessité...»
est forte. Agir en entreprise cifrent des emplois, protègent l’environnement
toyenne implique souvent de changer les faet participent au développement des plus
çons de faire. Mais comment opérer cette
pauvres. Ainsi, pour être pleinement acceptée
transformation alors que les équipes sont
par la société, l’entreprise doit répondre à l’inavant tout préoccupées de répondre aux exitérêt général en acceptant une responsabilité
gences de résultats économiques ?
sur le plan interne par le respect de son perDeux caractéristiques distinguent les entresonnel mais aussi au niveau externe par le resprises qui sont parvenues le mieux à traduire
pect de l’environnement local et social.
leur engagement d'entreprise citoyenne dans
La volonté d’adopter une attitude citoyenne
les faits : elles ont clairement défini la nature
apparaît donc maintenant comme une nécesde leur engagement citoyen et ont su ancrer
sité.
cet engagement dans les comportements au
Nécessité, d’autant plus que le client d’auquotidien.
jourd’hui n’est pas celui de 1938, ni celui de
1970. Pourtant, des entreprises continuent enLE PATERNALISME ET SES NOUVEAUX
core à envisager leur relation aux clients sur
HABITS.
une vision qui n’a plus lieu d’être.
L'entreprise doit être « citoyenne ». Si l'on
La multiplication des grèves, l’intervention de
écoute les discours des dirigeants, l'affaire
l’Etat ébranlent le pouvoir social du dirigeant
semble désormais entendue. Dans leurs rapet sonnent le glas d’un certain paternalisme.
ports annuels ou leurs chartes de valeurs, la
Le passage de l’entreprise providence à l’Etat
plupart des entreprises soulignent leurs engaprovidence symbolise la disparition d’une sogements en matière de responsabilité sociale,
lidarité subjective où tout est dû à la bonne vode protection de l'environnement ou encore
lonté patronale, voire à la charité, à une
d'éthique.
solidarité objective, fondée sur le travail et les
Pourtant, la mise en œuvre est une autre hisdroits des citoyens. Les trois ordonnances de
toire.
1945 assoient définitivement le système des
Par quoi commencer ? Quels objectifs s'assiassurances sociales. Le paternalisme du 19ème
gner ? Comment concilier engagement citoyen
siècle a vécu.
et respect des impératifs de rentabilité ? Rares
La terminologie elle-même se modifie pour
sont les entreprises qui ont trouvé une régommer l'aspect péjoratif du paternalisme. :
ponse satisfaisante à ces questions, pour trois
néo-paternalisme, maternalisme (image du
principales raisons :
père remplacée par celle de la société anoLe sujet est tentaculaire. La citoyenneté
nyme), fraternalisme (les relations professiond'entreprise recouvre un très grand nombre
nelles changent de niveau, le patron devient
d'aspects : impact sur l'environnement, condiun « frère » avec qui l’on peut discuter sur un
tions de travail, actions philanthropiques, inpied d'égalité), familialisme ...
tégration des minorités, etc. Cela complique la
La crise de l’Etat-providence (crise financière,
définition des priorités d'action et la cohérence
crise de légitimité) remet l’entreprise sur le dede la mise en œuvre.
vant de la scène ; elle devient citoyenne. L’enBeaucoup d'employés sont sceptiques.
treprise citoyenne laisse sa place à l’entreprise
Ils n'y voient qu'une lubie de la direction ou
éthique, concept plus large que l’on peut déun simple engagement de façade destiné à se
finir à travers des mots-clés : « justice, respondonner bonne conscience ou à faire taire les
sabilité sociale, exemplarité, confiance
«
Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
23
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
mutuelle, respect des autres. L’éthique ne peut
exister que dans des organisations justes qui
sont ainsi socialement responsables à travers
les membres qui la composent ; elle suscite la
confiance mutuelle à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise et assure le respect des
autres ». (1).
Ainsi, plus qu’un effet de mode, l’éthique
dans l’entreprise demeure un phénomène récurrent sous des vocables divers : l’éthique de
cette fin de siècle, c’est le paternalisme qui débute dans les années 1850 ; c’est l’Etat-providence à partir des années 36, renforcé depuis
1945 ; c’est l’entreprise citoyenne des années
80.
« l’éthique de la responsabilité ».
1992 : son congrès de Nantes donne ses
lettres de noblesse à l’entreprise citoyenne à
travers « Ses neuf principes pour construire
une entreprise citoyenne ».
Dans ce dernier congrès, Alain Brunaud, président du CJD, affirme qu’« on ne gagne pas
au détriment des autres, mais à long terme
avec eux. » (3). La charte de l’entreprise citoyenne allie la performance économique (ho-
NAISSANCE DE L’ENTREPRISE
CITOYENNE.
La citoyenneté d’entreprise est un terme importé des Etats-Unis : « good citizen », né dans
les années 1970, introduit en Europe 20 ans
plus tard. Des firmes multinationales (« entreprises sans cité ») tentent de faire oublier leur
gigantisme par des actions dans la société.
Elles participent notamment directement (en
leur nom) ou indirectement (en incitant leurs
salariés) aux « community services », ensemble d’actions sociales auquel participe la majorité du personnel de l’entreprise.
En France, le concept de citoyenneté dans l’entreprise est consacré dès 1982 par les lois Auroux. Légalement, la citoyenneté dans
l’entreprise s’exerce encore à travers les organisations représentatives des salariés : comités
d’entreprise, délégués du personnel, élus par
le suffrage direct des salariés.
L’entreprise citoyenne, un concept patronal.
Avant même la promulgation des lois Auroux, le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) (2)
à travers différents colloques et publications
s’intéresse au concept d’entreprise citoyenne :
1975 : il proclame que « l’entreprise
doit être sociale pour être économique ».
1982 : il met en place la charte « Bien
entreprendre ».
1988 : il s’interroge dans un congrès sur
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norer la confiance des actionnaires et des
clients), la performance sociale (capacité de
l’entreprise à rendre les hommes acteurs et auteurs) et la performance sociétale (contribution de l’entreprise au développement de son
environnement).
En 1938, à la création du Centre des Jeunes Patrons (ancêtre du CJD), les clients étaient des
consommateurs. La fin de la seconde guerre
mondiale annonçait la fameuse période des
Trente Glorieuses, dans laquelle, si nous
sommes schématiques, les entreprises trouvaient à peu près toujours preneurs pour leurs
produits et leurs services. Il s’agissait plus
pour les entreprises de parvenir à satisfaire la
demande qu’à la susciter. Pour les dirigeants,
l’organisation devait répondre à un besoin de
quantité plus que de qualité.
En 1968, le CJP change de nom et devient le
CJD. D comme Dirigeants d’entreprise. Ce
changement de nom n’est pas que symbolique, il correspond à une évolution significa-
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
tive du monde économique.
Désormais, de plus en plus, le client n’est plus
seulement consommateur mais devient citoyen. Il attache une importance plus grande
au bien-être que procurent les produits et services des entreprises sur leur territoire et dans
leur vie de tous les jours. Parce que ses besoins
changent, l’entreprise doit se réorganiser pour
proposer plus de qualité et parvenir ainsi à répondre à ses nouvelles attentes. C’est le début
de la fin du taylorisme et l’apparition de la
prise en compte de l’humain dans l’entreprise.
Pour le CJD, c’est le début de l’entreprise citoyenne, et bientôt, en 1992, de la Performance
globale. Le début du troisième millénaire
marque une nouvelle ère pour le client. Celuici devient acteur à part entière et veut peser
par ses choix de consommation sur le devenir
de sa vie et de son territoire. La connexion
croissante fait qu’il compare systématiquement, souvent à l’échelle planétaire, et choisit
ainsi l’offre qui correspond autant à ses valeurs, ses convictions, qu’à ses besoins. C’est
une révolution pour l’entreprise désormais
obligée de s’organiser en fonction de ses
clients afin de parvenir à les enchanter en leur
proposant une valeur ajoutée toujours meilleure que celle de la concurrence. La visibilité
n’existe plus ou presque, l’organisation doit
répondre à l’immédiateté en mettant l’intelligence humaine au cœur d’une entreprise organisée en écosystème. C’est l’ère de
l’entreprise infinie.
Le CNPF s’intéressera plus tardivement au
concept d’entreprise citoyenne. Jean Gandois,
candidat à la présidence du CNPF en 1994,
fera campagne autour de ce thème.
Après son élection, il charge J. Dermagne, chef
d’entreprise, vice-président du CNPF, d’expliciter cette notion.
Un premier rapport est publié en novembre
1995, complété en 1996 par une plaquette,
éditée par le CNPF « Citoyenneté de l’entreprise, pour jouer pleinement notre rôle
dans la cité » et la publication d’un ouvrage
intitulé : « Révolution chez les patrons ? L’entreprise citoyenne ».
Les moyens d’action.
Pour impulser et développer ce modèle d’entreprise citoyenne, le CJD ouvre de nouveaux
chantiers : participation plus forte des salariés
au pouvoir de décision et au partage de la valeur ajoutée, création de nouvelles régulations
ouvrant la voie à un développement durable
au niveau de la planète pour répondre à la
question : « Peut-on bâtir une économie au
service de l’homme sans contribuer à édifier
des régulations internationales assurant, de
fait, le respect de la préférence humaine ? »
Si le CJD est à l’origine d’une véritable charte
de l’entreprise citoyenne, des manifestions ont
également montré l’intérêt des entreprises
pour ce thème :
En juillet 1992, le Nouvel Observateur
initie un « Manifeste pour l’emploi », ratifié
par différentes entreprises françaises. Abondé,
il deviendra le manifeste « Entreprises contre
l’exclusion », ratifié par 150 chefs d’entreprises.
Le 10 janvier 1995, ce manifeste modifié
devient européen avec 5 axes prioritaires : favoriser la réinsertion des chômeurs, améliorer
la formation professionnelle, prévenir les licenciements, promouvoir la création de nouveaux emplois, contribuer à la « solidarité en
faveur des zones et des groupes de personnes
particulièrement vulnérables ».
L’entreprise citoyenne, un concept critiqué
Il définit la citoyenneté de l’entreprise sans jamais évoquer la citoyenneté dans l’entreprise.
C’est un oubli important, car la démocratie
dans l’entreprise semble une condition nécessaire de l’exercice des vertus civiques à l’exté-
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
rieur de l’entreprise.
La citoyenneté suppose également l’égalité, or
elle n’existe pas dans l’entreprise puisqu’elle
fonctionne de manière hiérarchique. Par analogie, l’entreprise est dite citoyenne en ce
qu’elle doit respecter la loi, traiter son personnel comme des citoyens, tenir compte du milieu social dans lequel elle évolue. « Disposer
de conditions de vie convenables constitue un
préalable pour exercer les droits de la citoyenneté … L’entreprise est l’instrument grâce au-
Finalement, l’entreprise citoyenne relève d’un
néo-paternalisme ou encore d’un paternalisme démembré, même si ses partisans s’en
défendent. Les mots sont révélateurs à cet
égard. Derrière le paternalisme, se glisse
l’image du père ; derrière l’entreprise citoyenne transparaissent la cité et la protection
du non-citoyen.
LES DIFFÉRENTES ÉCOLES
CONTEMPORAINES DE L’ÉTHIQUE
DES AFFAIRES.
Les théories américaines.
Dès 1875, l’économiste anglais A. Marshall décrit l’influence de la forme du développement
industriel aux Etats-Unis et en Europe de
l’Ouest sur l’éthique prédominante dans les
deux régions. Mais c’est essentiellement à partir du milieu des années 1950 que la réflexion
sur la responsabilité de l’entreprise semble se
développer rapidement. Ces analyses reposent alors sur un « contrat implicite » entre la
société et l’entreprise. La première remet à la
seconde le pouvoir de dégager des profits et
de réaliser la production mais, en contrepartie,
la firme doit se montrer responsable envers la
société.
quel les citoyens acquièrent les conditions
concrètes de l’exercice de la citoyenneté ».
Il subsiste une ambiguïté majeure : « la coexistence irréductible de deux sources distinctes
de légitimité, la propriété et l’emploi ». L’entreprise a ainsi une double responsabilité : une
responsabilité économique vis-à-vis de ses actionnaires, propriétaires de la firme et une responsabilité sociale vis-à-vis de son personnel
auquel il doit « des comptes sur l’usage qu’elle
fait du travail, des savoirs qu’ils mettent à sa
disposition, notamment pour assurer leur avenir ».
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Le modèle CSR1.
Le Committee for Economic Development
(CED, 1971) cherche d’abord à synthétiser
l'approche de l'entreprise en termes de responsabilités. Cette première tentative correspond au modèle CSR1 (Corporate Social
Responsibility n°1). Elle s'appuie sur trois cercles concentriques.
Le cercle interne correspond aux responsabilités économiques de base de l'entreprise : produire, employer... Pour obtenir une
formulation morale et aller plus loin que l’action économique, le CED propose un
deuxième cercle plus vaste qui tient compte
dans l’exercice des responsabilités économiques de normes ou de valeurs sociales
comme le respect de l’environnement ou les
relations avec les employés, les conditions de
travail… Le troisième cercle intègre des responsabilités nouvelles que l’entreprise peut
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
assumer, notamment l’amélioration des
conditions sociales et environnementales dans
lesquelles évolue l’entreprise, au-delà de ce
que les lois ou les valeurs exigent.
Il existe donc une différence de nature entre le
cercle intermédiaire des valeurs ou lois qui
imposent une contrainte à l’entreprise et le
cercle extérieur correspondant à une volonté.
Le degré de responsabilité apparaît ainsi dans
la distinction entre une attitude passive et une
attitude active de l'organisation.
L’opposition, le modèle CSR2.
Le nouveau modèle CSR2 s’interroge sur la
manière dont la firme doit répondre à ces responsabilités, sans que celles-ci soient précisées. Il est forgé à partir du concept de
« Corporate Social Responsiveness » en opposition avec celui de « Corporate Social Responsibility ». Il « se réfère à la capacité de
l’entreprise à répondre aux pressions sociales.
Il s’agit de la mise en place de mécanismes,
procédures, aménagements, et de modèles de
comportement qui, pris collectivement, feront
que l’organisation sera plus ou moins capable
de répondre aux pressions sociales ». (4). Dans
le modèle CSR2, l’entreprise
doit internaliser de nouvelles
contraintes dans le seul but
d’assurer sa performance économique, voire simplement sa
survie sur le marché. Ce modèle
concerne seulement le processus de management de la réponse
à
donner
à
l’environnement socio-économique.
Ensuite, il convient de centrer l’analyse sur les
types d’actions ou les manières de répondre à
ces responsabilités. Enfin, ces actions s’exercent dans des domaines spécifiques qui évoluent avec le temps et dans l’espace,
notamment consumérisme, environnement,
discrimination, sécurité des produits, sécurité
du travail, actionnaires.
A partir de ces six domaines, un croisement
est effectué avec les niveaux de responsabilité.
Cette première grille permet de mesurer les
responsabilités engagées par les firmes et de
les positionner les unes par rapport aux autres. La grille de Carroll restera la référence
pendant 10 ans.
Partant du modèle précédent, Wood soulève
une nouvelle définition du concept de CSP, il
s’agit, « pour une organisation économique,
d’une configuration de principes de responsabilité sociale, de processus de réponse sociale,
et de politiques, programmes, et résultats observables en tant qu’ils sont relatifs aux rapports sociétaux de la firme ». Cette nouvelle
définition conduit l’auteur à croiser les quatre
niveaux de responsabilité de Caroll avec les
trois niveaux qu’il définit : institutionnel, organisationnel et individuel.
Des tentatives de synthèse : le
modèle CSP (Corporate Social
Gouvernance).
Dans la synthèse de Caroll
(1979), il s’agit d’abord de tenir
compte des différentes catégories de responsabilités : responsabilité économique, responsabilité juridique, responsabilité
éthique, responsabilité discrétionnaire.
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
La théorie des « Stakeholders » (parties prenantes).
Cette théorie cherche à dépasser la théorie de
la firme maximisatrice de profit et intègre les
intérêts et les demandes de personnes ou
groupes sociaux en relation avec l’entreprise.
Au-delà de l’identification des parties prenantes, elle tente d’étudier l’évolution des
priorités données à leurs demandes.
Freeman (5) donne une définition large des
parties prenantes, s’appuyant sur une réalité
empirique : « une partie prenante dans une organisation est (par définition) tout groupe ou
individu qui affecte ou est affecté par l’accomplissement des objectifs de l’entreprise ».
La confiance joue un rôle déterminant entre
les parties prenantes et est dépendante de l’information disponible et du risque associé au
comportement ou à la décision de l’entreprise.
Elle peut être reliée à différents effets : effet
d’intendance (dirigeant, actionnaires), effet de
loyauté (consommateur, entreprise) et effet de
réputation (entreprise, parties prenantes).
En toute logique, l’éthique de la discussion
suppose que toutes les personnes impliquées
participent à cette discussion.
Cependant, l’environnement extérieur, à
moins qu’il n’ait des liens privilégiés avec la
firme (tel un fournisseur particulier) ne sera
pas impliqué dans la discussion. L’accent est
généralement mis sur les salariés, de sorte que
les décisions prises par les dirigeants ne sont
pas en contradiction avec l’éthique du personnel.
Cette forme d’éthique ne considère pas que les
normes soient établies une fois pour toutes
pour tous les cas envisageables. Au contraire,
chaque situation nouvelle suppose un débat
argumenté afin de faire émerger des normes
morales et des codes de conduite à tenir dans
cette nouvelle situation. Mais l’éthique de la
Les écoles européennes.
En Europe, deux écoles ont influencé les pratiques et la réflexion dans le domaine de
l’éthique du management : l’école allemande,
école philosophique ; l’école française qui s’est
constituée en réaction aux pratiques spécifiques de l’entreprise.
L’école allemande : l’éthique de la discussion.
Elle se rattache à l’éthique de la discussion développée par le philosophe allemand J. Habermas (6). Cette éthique n’est plus comme dans
l’école américaine une éthique du manager.
Elle concerne au contraire l’ensemble de la collectivité. Les salariés sont au premier chef parties prenantes de cette éthique. En effet,
l’originalité de cette éthique de la discussion
réside dans la constitution de normes morales
à partir d’un dialogue établissant un consensus sur ce qu’il convient de faire.
Sur le plan pratique, cela n’implique que les
décisions concernant les stratégies de l’entreprise seront prises de manière discutée et argumentée avec le personnel.
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discussion ne peut être une éthique de
« comptoir ».
La discussion ne donnera naissance à une
règle morale qu’à la condition que s’établisse
entre les participants une discussion impartiale, en dehors de toute manipulation réciproque.
La procédure d’argumentation se doit d’être
exempte de manipulations et fondée sur un
équilibre des pouvoirs de négociations et d’argumentation. Alors dans ce cas, les normes
établies deviendront valides et pourront êtres
mises en pratique.
Si l’éthique de la discussion paraît parfaitement utilisable et pratique dans le cadre de
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
l’entreprise, plusieurs limites viennent contrarier l’idéal communicatif :
La spécificité de chaque cas suppose
des délibérations régulières et parfois longues.
Or le manque de temps à consacrer à ce genre
de débats dans l’entreprise (les décisions devant être parfois prises très rapidement), peut
limiter l’utilisation du cadre communicationnel.
Le fait qu’aucune norme ne soit donnée
à priori de manière universelle, ou
avec une validité générale, peut induire un certain relativisme moral.
Toute règle de conduite devient
éthique à partir du moment où elle
émerge de la discussion et où les parties se sont accordées sur sa validité.
Or le fait qu’un consensus soit établi entre les
parties prenantes à la discussion n’implique
pas la moralité de la règle.
Il est difficile d’admettre qu’une norme
morale émerge sans établir, au préalable, des
normes pour définir la discussion et régir les
débats.
L’école française : une école critique.
L’école française n’est pas à proprement parler une école de pensée ni de mise en pratique
dans le sens où aucune référence commune
n’assoie le développement des différents auteurs y appartenant. A ce titre, des influences
diverses se font sentir, en particulier certains
auteurs attachés à un mouvement religieux
sont particulièrement présents dans cette
« école ».
Elle emprunte à l’école américaine de la Business ethics comme à l’école allemande de
l’éthique de la discussion.
Selon Y. Pesqueux et B. Ramanantsoa (7) quatre spécificités du développement des auteurs
français sur l’éthique des affaires peuvent être
relevées.
Tous partent d’une critique acerbe du
discours des entreprises sur l’éthique. Ils mettent en opposition le discours et le comportement. A. Etchegoyen (8) va jusqu’à affirmer
que « plus une entreprise parle d’éthique
moins elle en fait ; plus une entreprise se tait
sur l’éthique, plus elle en fait ». La non-confor-
mité du discours par rapport à la pratique
semble refléter une véritable duperie de la
part des firmes qui par un effet d’annonce essaient de « dorer ou redorer leur blason ». Certains nient même l’existence d’une éthique des
affaires, tandis que d’autres plus optimistes
plaident en faveur de sa reconstruction, d’une
reformulation de l’éthique dans l’entreprise.
Le tableau suivant décrit les différentes tendances sur ce point de vue.
L’éthique des affaires est appréciée à
l’aune du critère de justice, chaque auteur lui
attribuant une signification différente.
Les différents auteurs insistent sur les
conflits qui peuvent se produire entre les diverses obligations éthiques. En particulier, les
obligations en tant que personne et les obligations liées à la fonction ne sont pas nécessairement compatibles.
Il s’agit enfin de distinguer l’éthique de
la morale et de la déontologie. La déontologie
n’est qu’une formalisation de l’éthique par sa
matérialisation via les codes professionnels.
La différence essentielle concerne plutôt
l’éthique et la morale, les auteurs renvoyant le
plus souvent à des définitions philosophiques.
UN CONCEPT ENVIRONNEMENTAL QUI
DEVIENT UN OBJECTIF STRATÉGIQUE.
Né dans les années 60, le concept de développement durable est popularisé par le rapport
Bruntland qui le définit comme « un développement qui répond aux besoins du présent
sans compromettre la capacité des générations
futures à répondre aux leurs ». (9).
Essentiellement écologique, il connaît rapidement un succès politique et médiatique dans
un souci à la fois éthique et pragmatique d’assurer la vie et la survie de l’humanité, dans
l’immédiat et à plus long terme.
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29
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Les entreprises elles-mêmes, dans les années
90, prennent conscience que la croissance économique se heurtera rapidement, face à l’augmentation démographique, à l’épuisement
des ressources naturelles, à l’incapacité de
notre planète à absorber tous les déchets, aux
effets des pollutions sur la santé et à la demande sociale.
A partir de ces problèmes concrets, une définition plus opérationnelle du développement
durable complète celle du rapport Bruntland.
Il devient un contrat d’équilibre entre trois piliers : l’efficacité économique, la préservation
de l’environnement et l’équité sociale avec
deux dimensions : mondiale et intergénérationnelle.
sociaux, tout en assurant sa
performance financière.
- Une approche intégrée :
le développement durable
est intégré dans la stratégie
de l’entreprise. Il devient un
de ses objectifs, il donne un
sens à son activité, il permet
de partager avec les parties
prenantes de la firme.
Si on considère que le développement durable fait partie des objectifs de l’organisation, il ne peut
être atteint que s’il s’appuie sur « une bonne
gouvernance », elle-même résultat d’une
éthique de la responsabilité qui constitue le
socle du système.
En conclusion, la fresque historique de
l’éthique du management tente de démontrer
qu’il s’agit d’un phénomène récurrent dans
l’histoire économique et sociale du monde.
Les mots changent : éthique, morale, paternalisme, état-providence, entreprise citoyenne,
développement durable, entreprise éthique,
responsabilité sociale des entreprises, mais les
fondements demeurent. L’économie, puis
l’entreprise, à travers les siècles, se sont toujours à des degrés divers préoccupées de leur
environnement social et écologique.
DE MULTIPLES RESPONSABILITÉS.
Trois niveaux caractérisent la maturité de l’entreprise au regard du développement durable:
Une approche de conformité : l’entreprise respecte les lois, mais sa seule motivation demeure le profit.
Une approche périphérique : l’entreprise répond aux enjeux environnementaux et
30
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L’entreprise citoyenne contribue à la société
dans son ensemble au travers de ses activités,
son investissement social et ses programmes
philanthropiques, ainsi que ses engagements
sociopolitiques.
L’entreprise citoyenne se développe tout en
protégeant son environnement et en produisant des biens recyclables, non nocifs pour
l’environnement. Les questions relatives à
l’écologie ont de plus en plus de poids dans
les décisions politiques. En effet, les entreprises citoyennes veillent dans leur mode de
production à la qualité de l’eau, de l’air, du
sol, et évitent toute dégradation des ressources naturelles. L’entreprise citoyenne doit
bien sûr s’intéresser à son environnement so-
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
ponsabilités envers ses fournisseurs.
Nous constatons une volonté croisBien que les phénomènes d’« entreprises citoyennes », d’« entreprises
sante des entreprises d’investir
éthiques » et d’« entreprises sociadans des activités à caractère cilement responsables » ne soient pas
toyen...»
des phénomènes récents, nous
cial, « à l’intérêt général », mais elle doit avant
constatons ces dernières années une volonté
tout s’assurer du respect de ses salariés. Le
croissante des entreprises d’investir dans des
respect des personnes est encouragé dans les
activités à caractère citoyen. La citoyenneté
rapports entre les salariés.
devient souvent un investissement à part enAinsi lors des grands changements qui affectière, un élément intégré à la stratégie de l’entent la vie des entreprises, l’entreprise citreprise et dont l’usage se répand à différents
toyenne doit veiller au respect de chacun des
secteurs comme les secteurs pétrochimique,
salariés. Elle facilite l’insertion des jeunes, le
cosmétique et alimentaire. De plus en plus
réemploi des salariés plus âgés et l’intégration
d’articles de presse managériale traitent de ce
des handicapés.
sujet ; de nombreuses conférences sont vouées
En effet, dans la vie quotidienne sur les lieux
à ce thème, des centres de recherche se créent
de travail, le droit du travail et le droit social
et les sites Internet concernant la citoyenneté
imposent de nombreuses normes relatives à
d’entreprise prolifèrent sur la toile…
la vie dans l’entreprise.
L’entreprise citoyenne s’efforce d’aller au(1) J. Ballet et F. de Bry, op. cit. p. 35.
delà du simple respect de la réglementation,
(2) Le CJD (1968) est né en 1938 sous l’appellation «
ceci peut d’ailleurs être rendu public par l’insCentre des Jeunes Patrons » (CJP).
(3) Cité par Favilla, « Entreprise citoyenne », Les Echos,
tauration d’un code de bonne conduite.
9 juin 1992.
D’une façon générale, l’entreprise citoyenne
(4) W.C. Frederik, «From CSR1 to CSR2 : The maturing
aide le salarié à s’épanouir dans son travail,
of Business-and-Society Thought », Working Paper, n°
contribue à élever son niveau de formation,
279, 1978, Graduate School of Business, University of
lui offre des perspectives de carrière et des
Pittsburgh, p. 6.
(5) R.E. Freeman, Strategic Management : A Stakeholpostes conformes à sa formation, à ses aptider Approach, Boston, Pittman-Ballinger, 1984, p. 46.
tudes.
(6) L’éthique de la discussion développée par J. HaberL’entreprise citoyenne agit aussi lors des
mas a été influencée par H. Arendt pour ce qui
grands événements de la vie des entreprises :
concerne la « théorie de l’action communicative », et
lors des opérations de fusion, regroupement,
par K. Otto Appel concernant l’éthique du discours.
(7) Y. Pesqueux et B. Ramanantsoa, « La situation de
acquisition où le sort des salariés est souvent
l’éthique des affaires en France », Ethique des Affaires,
négligé. Ainsi, l’entreprise citoyenne évite
n°1, janvier 1995, p.15-26.
toutes les actions conduisant à des licencie(8) A. Etchegoyen, La valse des éthiques, Bourin, 1991.
ments et propose des solutions de remplace(9) Commission mondiale sur l’environnement et le dément acceptables par les salariés (préretraite ;
veloppement, présidée par Mme Gro Harley Bruntland,
1er Ministre de Norvège, Notre Avenir à tous, Editions
reclassement ...)
du Fleuve, publications du Québec, 1989.
Enfin, elle encourage ses salariés à la création
d’entreprise (pratique de l’essaimage) et aide
à l’insertion et à la réinsertion. Favoriser l’insertion des jeunes est une priorité pour l’enD’après :
treprise citoyenne, elle favorise les contrats de
Françoise de Bry, Vice-présidente de l’Acadéqualification et d’apprentissage (contrats
mie de l’éthique.
aidés) mais elle s’occupe aussi des salariés les
Jean-Luc Laffargue, Directeur de la Publicaplus âgés ayant des difficultés à retrouver un
tion.
emploi. L’entreprise citoyenne a aussi des res-
«
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31
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
L’entreprise face à la diversité.
D
ans l’engagement social et sociétal des
entreprises, la diversité est toujours un
sujet d’actualité. Enjeux économique
pour les uns, démarche managériale pour éliminer tout comportement discriminatoire pour les
autres. Le management de la diversité permet
d’instaurer une culture de la tolérance qui va
permettre l’inclusion de chacun avec ses apports
et ses différences.
DISCRIMINATIONS ET DIVERSITÉ.
Alors que les discriminations ont toujours
existé, elles occupent aujourd’hui une place
importante dans les débats nationaux et internationaux.
La diversité a pour fondement l’égalité de traitement, qui figure à l’article 1er de la constitution française : « la France est une République
indivisible, laïque, démocratique et sociale.
Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de
religion. Elle respecte toutes les croyances. La
loi favorise l’égal accès des femmes et des
hommes aux mandats électoraux et fonctions
électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
La diversité vise à préserver ou restaurer cette
égalité entre individus, quelque soit leur sexe,
âge, handicap, leur nationalité, leur origine «
leur appartenance réelle ou supposée à une
ethnie, race », leur orientation sexuelle, leur religion, leur appartenance syndicale…, pour ne
retenir que les compétences ou talents, suivant
des critères objectifs.
Sur le plan économique, la diversité fait partie
du volet social du développement durable et
de la responsabilité sociale de l’entreprise.
Bien qu’il n’existe pas de définition juridique
de la diversité, cette dernière peut être considérée comme le résultat d’une approche globale de la lutte contre l’ensemble des 18
critères de discrimination définis par la loi et
repris dans le Code du travail.
Les pratiques discriminatoires produites à
32
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l’échelle de la société et dans l’emploi interrogent la capacité des organisations, et en particulier des entreprises, à prévenir et à lutter
contre toutes les formes de discrimination. La
mondialisation des marchés, l’intégration des
dimensions culturelles dans les pratiques de
management ainsi que l’intérêt que portent les
entreprises au développement durable et à la
RSE, renforcent leur implication dans la prévention et la lutte contre les discriminations.
L’ALTÉRITÉ.
L'altérité est un concept philosophique (1) signifiant « le caractère de ce qui est autre » (Définition du Petit Robert), ou la reconnaissance
de l’autre dans sa différence.
Elle est un témoignage de compréhension de
la particularité de chacun, hors normalisation,
individuellement ou en groupe. Elle n'est pas
la tolérance.
Pourquoi ? La tolérance considère que ma li-
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
de santé ou le handicap. Elle s'applique à toutes les périodes du
cycle de vie du salarié : depuis le
La diversité, c’est le refus de la disrecrutement jusqu'au licenciement
crimination directe ou indirecte et
en passant par la formation et le
l’altérité, c’est combattre toutes
déroulement
de
carrière.
Deux problèmes subsistent noles discriminations...»
tamment : la liste n'est pas exhaustive et laisse une large place à
berté s'arrête là où commence celle des autres,
l'interprétation
des tribunaux, les preuves
« justifiant le regard qui se détourne au nom
étant souvent difficiles à rapporter.
de l'idée que je ne dois pas me mêler des afLa diversité, c'est donc le refus de la discrimifaires des autres ».
nation directe ou indirecte, mais comment la
Avec l'altérité, ma liberté s'étend au travers de
gérer dans l'entreprise ? La fable suivante,
celle des autres, elle implique donc l'attention
certes caricaturale, explicite clairement la déaux autres, le respect des droits fondamentaux
finition de la diversité et la difficulté de son
des femmes et des hommes à être eux-mêmes
management.
et chacun différent.
L'altérité combat donc toutes les discriminaLA GIRAFE ET L’ÉLÉPHANT.
tions quelle que soit leur origine : minorités religieuses, philosophiques, ethniques ou
Une fable à propose de la diversité : la girafe
culturelles, étrangers, homosexuels, et « tous
et l’éléphant ou comment construire une maiceux que nous n’avons que trop tendance à
son pour la diversité ?
confiner dans leur ghetto parce qu’ils ne sont
pas dans la norme, ou encore ceux que leur
Dans une petite ville de banlieue, une girafe
âge, leur handicap ou leurs caractéristiques
s’était fait construire une maison répondant
propres placent à la marge ». La législation
aux besoins spécifiques de sa famille. C’était
française demeure très restrictive sur ce point
une maison merveilleuse pour les girafes avec
dans la définition de la discrimination en droit
des plafonds très hauts et de grandes portes.
du travail.
De hautes fenêtres offraient une luminosité
La discrimination consiste à traiter différemmaximale et une jolie vue tout en protégeant
ment une personne ou un groupe de perl’intimité de la famille. D’étroits couloirs personnes.
mettaient de gagner de l’espace sans pour auElle n’est interdite par le Code du travail que
tant nuire au confort. La maison était si bien
si elle est fondée sur un motif prohibé et
construite qu’elle gagna le Prix National de la
qu’elle intervient dans l’un des domaines
visés par la loi.
Ces deux conditions sont donc cumulatives.
Les motifs de discrimination énumérés par
l’article L122-45 du Code du travail sont : l’origine, le sexe, les mœurs, l’orientation sexuelle,
l’âge, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, l’appartenance ou la nonappartenance, vraie ou supposée, à une
ethnie, une nation ou une race, les opinions
politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l’apparence
physique, le patronyme ou, sauf inaptitude
constatée par le médecin du travail […], l’état
«
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33
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Maison de Girafe de l’Année. Le propriétaire
de la maison était très fier.
Un jour, alors qu’il travaillait dans son atelier
de menuiserie « dernier cri » situé dans son
sous-sol, Monsieur Girafe aperçut, par la fenêtre, un éléphant descendant la rue. « Je le
connais », pensa-t-il. « Nous avons travaillé
ensemble au comité des parents d’élèves.
Il est, lui aussi, un excellent menuisier.
Je pense que je vais lui proposer de venir
visiter mon nouvel atelier. Nous pourrions
peut être même travailler ensemble sur certains projets ».
Monsieur Girafe passa donc la tête par la fenêtre et invita l’éléphant à entrer. L’éléphant
fut enchanté, il avait apprécié travailler avec
Monsieur Girafe et il se réjouissait d’apprendre à mieux le connaître.
De plus, il connaissait l’existence de l’atelier et
souhaitait le visiter. Il se dirigea donc vers la
porte du sous-sol et attendit qu’on lui ouvre.
« Entrez, entrez », dit Monsieur Girafe. Mais
il fut immédiatement confronté à un problème.
Bien que l’éléphant pût passer sa tête par la
porte, il ne put aller plus loin. « C’est une
bonne chose que nous ayons construit cette
porte de façon à ce qu’elle puisse être agrandie pour faire rentrer mon matériel de menuiserie » dit Monsieur Girafe. « Donnez-moi une
minute pour que je résolve notre problème ».
Il enleva quelques boulons et quelques panneaux afin que l’éléphant puisse entrer. Les
deux amis échangeaient gaiement des histoires de menuiserie quand Madame Girafe
passa sa tête par les escaliers du sous-sol et appela son mari : « Téléphone, chéri, c’est ton patron ». « Je ferais mieux de le prendre en
haut » dit M. Girafe à l’éléphant. « Je vous en
prie, faites comme chez vous, cela peut être un
peu long. »
L’éléphant regarda autour de lui. Il vit une
pièce à moitié finie sur le tour à bois dans le
coin de la pièce et il décida de l’examiner plus
avant. Alors qu’il passait par la porte qui menait à l’atelier, il entendit un inquiétant craquement.
Il recula en se grattant la tête.
« Peut-être devrais-je rejoindre Monsieur Gi34
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rafe à l’étage ? » pensa-t-il.
Mais alors qu’il commençait à monter les escaliers, il entendit ces derniers commencer à
craquer. Il sauta et tomba à la renverse contre
le mur qui lui aussi commença à trembler.
Alors qu’il était assis là, sous le choc et
consterné, Monsieur Girafe redescendit les escaliers.
« Que diable se passe-t-il ici ? » demanda
Monsieur Girafe avec stupéfaction. « J’essayais de faire comme chez moi » répondit
l’éléphant. Monsieur Girafe jeta un coup d’œil
alentour. « Ok, je vois le problème, l’embrasure de la porte est trop étroite. Il faut que
nous fassions en sorte que vous maigrissiez. Il
y a une salle de sport à proximité. Si vous suiviez quelques cours d’aérobic, nous pourrions
réduire votre taille ». « Peut-être », dit l’éléphant sans grande conviction. « Et les escaliers
sont trop fragiles pour supporter votre
poids » poursuivit Monsieur Girafe. « Si vous
preniez des cours de danse le soir, je suis sûr
que vous pourriez être plus léger sur vos
pieds. J’espère vraiment que vous le ferez,
j’aime bien vous avoir ici ». « Peut-être » dit
l’éléphant. « Mais à dire vrai, je ne suis pas sûr
qu’une maison conçue pour une girafe puisse
convenir à un éléphant, à moins de faire
quelques aménagements majeurs. »
(d’après R. Roosevelt Thomas, (1999) Building
a House for Diversity (NDT : Construire une
maison pour la diversité), New York, American Management Association (NDT : Association Américaine du Management), pages 3-5.
Cette fable illustre parfaitement la questionclé du Management de la Diversité : « Comment construire ensemble une maison, notre
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
entreprise, dans laquelle toute la diversité soit
respectée, où elle puisse trouver toute sa
place, et où on y ait activement recours ? »
COMMENT DÉFINIR LE MANAGEMENT
DE LA DIVERSITÉ ?
Qu’est-ce qu’on entend par diversité lorsque
l’on manage une équipe ?
La diversité, c’est la réunion de personnes
dont les caractéristiques diffèrent sur le plan
culturel, social, professionnel, personnel.
Depuis les années 70, sa définition et surtout
son champ d'application ont profondément évolué. Si elle n'a longtemps
concerné que les femmes et les minorités ethniques, sous l'influence des
cinq avantages déclinés par les Communautés européennes :
1- Le renforcement des valeurs culturelles au sein de l’organisation.
2- L’amélioration de la réputation de
l’entreprise.
3- Une plus grande facilité à attirer et
à conserver du personnel extrêmement compétent.
4- L’accroissement de la motivation et de l’efficacité du personnel en poste.
5- Le développement de l’innovation et de la
créativité parmi les employés.
La diversité concerne ainsi, non seulement les
ressources humaines, mais tous les services de
l'entreprise et tous les niveaux hiérarchiques.
L'Union Européenne définit ainsi la diversité:
« Reconnaître la diversité, c’est comprendre
comment les individus peuvent contribuer à
l’essor collectif et apporter des qualités qui
peuvent être capitalisées et utilisées pour le
plus grand bénéfice de tous, de l’entreprise et
de la société en générale. Gérer notre diversité
en assurant la justice et l’égalité ne devient
plus seulement une « bonne action », mais une
façon de s’inscrire dans un monde complexe
et en perpétuel mouvement. »
Le Management de la Diversité n’est rien
d’autre que l’intégration des idées et de la pratique de la diversité dans les processus quoti-
diens de management et d’apprentissage
d’une entreprise et de son environnement.
« Ce nouveau modèle de management de la
diversité laisse l’organisation intérioriser les
différences parmi ses employés de telle sorte
qu’elle apprend et grandit grâce à elles. Nous
sommes tous dans la même équipe avec nos
différences et non malgré elles. » La difficulté,
en particulier pour une entreprise multinationale, réside dans le fait d'exploiter les avantages de la diversité tout en préservant sa
cohésion. Il faut donc avant tout reconnaître
que la diversité et la cohésion sont les deux visages d'une même réalité.
Il ne s'agit pas de donner à penser que « toutes
les différences sont positives ». L'objectif n'est
pas non plus d'imposer des règles strictes et
uniformes de comportement, ce qui aurait
pour effet d'annuler les avantages de la diversité. Il s'agit plutôt d'identifier les facteurs-clés
de cohésion qui sont nécessaires pour réussir,
et de tirer le meilleur parti possible de la diversité.
METTRE EN ŒUVRE LE MANAGEMENT
DE LA DIVERSITÉ.
Les managers ont besoin de résultats. Leur
préoccupation n’est pas de se conformer esthétiquement à de grandes théories. Afin d’atteindre leurs objectifs et de prendre l’avantage
sur leurs concurrents, les managers doivent
comprendre leur environnement extérieur, le
marché, ainsi que la mission, la vision, la stratégie et la culture de l’entreprise. La question
qui se pose est donc « Quelles formules de di-
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35
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
versité ont le potentiel de nous fournir
un avantage stratégique, ou, au contraire,
d’entraver notre capacité à atteindre nos objectifs ? »
Si l’entreprise se contente de recruter sans
penser comment fédérer, comment coordonner, comment motiver… dans un contexte de
diversité, peut-être plus que dans un environnement homogène qui aura tendance à reproduire des comportements connus voire
prévisibles, non seulement elle ne produira
rien de particulier, mais en plus elle prendra
le risque de générer des conflits en interne. La
diversité se manage donc, en anticipation déjà,
en quotidien ensuite, en perspectives enfin.
Le processus de mise en œuvre de la diversité
est donc crucial. Il peut être analysé comme
un processus d’apprentissage organisationnel.
Vous trouverez ci-dessous la description des
six principales étapes, développées par Synetz
qui peuvent se résumer ainsi :
Troisième étape.
Vision et stratégie. La prochaine étape consiste
à formuler une vision
et une mission pour l’entreprise, issues du scénario précédemment sélectionné. Cette
vision et cette mission devront être axées sur
les forces, les faiblesses, les opportunités et les
menaces identifiées par le scénario. (Méthode
SWOT). Au final, des énoncés de vision et de
mission devront être formulés, permettant à
l'entreprise d'établir une stratégie claire.
Mise en œuvre du management de la diversité développé par
Synetz www.synetz.de
Première étape.
Création d'un Comité de Pilotage de la Diversité, composé de membres engagés et issus
d’origines diverses, nommés par la direction.
Deuxième étape.
Scenarii pour le futur. Le Comité de Pilotage
de la Diversité, en partenariat avec le top management, les parties prenantes-clés et les représentants de différents services de
l’entreprise, doit organiser une sorte d’atelier
d’élaboration de scenarii. Au final, on sélectionnera un scénario sur lequel on se concentrera.
36
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Quatrième étape.
Audit de la diversité. Un audit de la diversité
permet ensuite d'analyser la situation présente
de l'entreprise. Il est conduit au moyen d’entretiens personnels avec tous les groupes
concernés et peut être accompagné d’un questionnaire standardisé permettant d’étudier les
attitudes envers la diversité.
Les résultats de l’audit de diversité seront examinés par le comité de pilotage de la diversité
qui présentera les éléments-clés de sa situation
actuelle à un public plus large pour déterminer le point de départ des changements qui
conduiront à l’adoption d’une approche sincère du management de la diversité.
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Cinquième étape.
Objectifs de l’entreprise. L’étape suivante
consistera pour le management et le comité de
pilotage de la diversité à définir les objectifs
généraux de l’entreprise pour la mise en
œuvre du management de la diversité. Ces
objectifs devront être clairement en lien avec
la stratégie globale précédemment formulée,
et garantir la participation de tous. Chacun
d’entre eux devra être invité à ajuster ces objectifs à son propre contexte et à définir des
critères précis et mesurables pour leur réalisation.
Sixième étape.
Mise en œuvre du Management de la Diversité. Au cours du processus de mise en œuvre,
le comité de pilotage de la diversité joue un
rôle crucial. Il supervise, pilote et accompagne
les différentes actions.
Il est le carrefour central de la communication.
Les discussions autour du bien-fondé des différentes politiques de management, sont nombreuses et même si de plus en plus entreprises
s’engagent conscientes d’un atout économique, dans les faits les avis sont plus partagés et beaucoup de freins existent en interne.
Selon une enquête de l’IFOP datant de janvier
2013, pour 81% des actifs, la crise et la détérioration de l’emploi ont une forte influence sur
la fréquence des discriminations. Autre motif
d’inquiétude, la formation des managers de
demain. Ils sont aujourd’hui formés dans des
écoles de commerce qui ne sont pas diversifiées.
Il est indispensable cependant pour les gérer
au mieux de se poser la question en terme
d'approche éthique de la diversité. Quelle
éthique pour la diversité ? La diversité est-elle
éthique ? Deux écueils fondamentaux sont à
éviter : le manque d'exemplarité du top management, la victimisation des personnes ou des
groupes de personnes concernés.
(1) L'un des pères contemporains de ce concept est :
Emmanuel Lévinas, Altérité et transcendance, Éditeur
LGF, 2006.
(2) Ce paragraphe s'inspire largement du Manuel de
Management pour la Formation de la
Diversité (International Society for Diversity Management – idm), www.idm-diversity.org,
Septembre 2007.
Françoise de Bry, Vice-présidente de l’Académie de l’éthique.
Jean-Luc Laffargue, Directeur de la Publication.
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
L’équité, un enjeu managérial.
L
’équité résulte d’un ensemble cohérent de politiques et
de pratiques appropriées.
Les valeurs organisationnelles qui se
fondent sur le respect de valeurs
éthiques, constituent les ingrédients
essentiels pour le maintien et le développement d’une bonne qualité de vie
au travail.
UNE DEMANDE D’ÉQUITÉ
Aujourd’hui, où l’image de l’entreprise est un
facteur-clé pour recruter des « hauts potentiels», l’équité au sein de l’organisation est devenue un élément de différenciation pour le
futur embauché. Pour eux il apparaît évident
qu’une entreprise doit offrir un certain bienêtre au travail, avec de bonnes conditions
d’exercice de leur métier et des possibilités
d’évolution. Ils sont aussi plus attentifs aux
perspectives offertes par un grand groupe :
l’innovation sur son marché ou face à ses
concurrents et, à un niveau plus proche, de
leur travail, une bonne transmission des compétences professionnelles, par exemple par
une politique de formation active. Quant aux
critères d’excellence qui vont rendre une entreprise nationale plus attractive que les autres,
ils se concentrent autour de l’équité RH : l’égalité hommes-femmes, l’ouverture aux jeunes,
etc. C’est sur cet engagement sociétal, le rôle
de l’employeur dans la cité, que les entreprises
sont les plus attendues.
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La gestion des personnes est sans aucun doute
le domaine du management où la RSE, dans sa
dimension de responsabilité sociale, apparaît
comme incontournable. L'équité sociale
concerne tant les rapports entre l'entreprise et
le salarié que les rapports entre les salariés
eux-mêmes, et également, les rapports de l'organisation et de ses membres avec leur environnement et les autres parties prenantes,
notamment les sous-traitants, les fournisseurs,
les clients.
Elle est au centre des contradictions entre les
logiques économiques et les logiques sociales,
mais elle est en même temps la cheville de la
politique de motivation et d'implication du
personnel. Les dirigeants eux-mêmes ont des
pratiques contradictoires, considérant les salariés tantôt comme une variable d'ajustement,
tantôt comme un avantage compétitif, ou encore comme un enjeu idéologique.
Le respect des droits de l'homme, en tout premier lieu le respect de la dignité humaine,
constitue le fondement même des relations sociales dans l'entreprise. Leur violation, sous
des formes diverses (harcèlement moral et
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
«
Le poisson pourrit par la tête dit le
proverbe chinois...»
sexuel, non-respect de la vie privée des individus ...), est à l'origine des principaux conflits
éthiques. « Tous DRH », tel est le titre d'un ouvrage collectif sous la direction du Professeur
Jean-Marie Peretti, qui nous démontre que la
gestion des ressources humaines n'est pas
l'apanage de la fonction correspondante dans
l'entreprise. Si l'équité sociale est l'un des objectifs de la RSE, elle ne peut se construire qu'à
partir de l'exemplarité et de la justice.
EXEMPLARITÉ ET JUSTICE NE DOIVENT
PAS ÊTRE UTILISÉES POUR MANIPULER
LES SALARIÉS.
« Le poisson pourrit par la tête » dit le proverbe chinois. « La femme de César ne doit
pas être soupçonnée », mots par lesquels
César, d'après Plutarque (Vie de César, XI),
aurait répudié sa femme Pompeia. Ces citations expriment la nécessité pour le dirigeant,
mais aussi pour tous les responsables à
quelque niveau que ce soit, d'être exemplaire.
Cette exemplarité doit être au cœur de l'équité
sociale, elle constitue le fondement de la
confiance des salariés dans leurs supérieurs
hiérarchiques. Comment le chef d'entreprise
payant un bakchich pour obtenir un marché
peut-il interdire à ses salariés d'accepter des
cadeaux des fournisseurs ? Comment prôner
la rigueur salariale lorsqu'on s'octroie une
augmentation conséquente ou des stock-options ? Le dirigeant, par sa fonction morale
dans l'entreprise, joue un rôle fondamental en
créant la confiance indispensable à sa survie.
La performance de l'organisation à long terme
dépendra de la valeur personnelle de ce dirigeant, notamment de ses principes éthiques et
de sa faculté à donner l'exemple.
Si l'entreprise affirme son rôle éthique, les
chefs doivent certes montrer l'exemple, mais
il ne leur appartient pas de s'ériger en direc-
teur de conscience, détenteur des
valeurs universelles, ce qui mettrait l'exemplarité au service de la
manipulation. Quels sont les critères d'un comportement exem-
plaire ? L'honnêteté, la franchise, le sens de
l'intérêt général, le charisme, la cohérence personnelle ... Il peut se définir de manière positive : « Je fais ce que je dis, je dis ce que je fais»,
de manière négative : « Faites ce que je dis, ne
faites pas ce que je fais ». Il tend à légitimer
l'autorité du chef, corollaire du pouvoir qui lui
est donné par sa place dans la hiérarchie de
l'entreprise.
Théorie du processus, l'équité est l'une des explications de la satisfaction, de la motivation
et de l'implication du salarié. Elle repose sur
l'idée que les salariés attendent que leurs apports dans le travail (compétence, expérience,
temps, obéissance ...) soient récompensés
équitablement. Symétriquement, l'employeur
attend qu'en échange l'employé fournisse un
effort qui lui paraisse équitable. Le salarié effectue des comparaisons avec les autres employés dans l'entreprise, qui fournissent soit
le même travail, soit un travail hiérarchiquement inférieur ou supérieur, et également
avec les salariés d'autres entreprises. Ces comparaisons le conduisent à déterminer son comportement au travail. Qualifiée de
« dissonance cognitive » au sens de Festinger
(1957), cette situation différenciée se définit
comme « un état de malaise psychique dû au
fait que l'on est partagé entre deux ou pluQualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
39
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
La France oscille ainsi entre la soft
law avec la mise en place spontanée
Du recrutement au départ du salade chartes éthiques et le respect vorié, la RSE concerne tous les aslontaire de normes facultatives
pects de son cycle de vie dans
(SA8000, ISO9000,ISO 14000, GRI...)
l’entreprise : intégration, rémunéet la hard law (cf. notamment le
ration, formation, discrimination,
code du travail) caractérisée par des
obligations légales telles que :
stress, départ à la retraite...»
- le bilan social, rendu obligatoire
sieurs idées contradictoires ». Dans un souci
par la loi de 1977,
de cohérence logique et d'harmonie affective,
- ensuite le Rapport sur l'égalité professionl'individu tente de réduire, voire de faire disnelle, instauré par la loi Roudy en1983 et comparaître cette dissonance.
plété récemment par la loi Génisson en 2001,
- enfin la loi sur les Nouvelles Régulations
L'équité sociale tente ainsi d'établir un équiliÉconomiques en 2002 qui impose notamment
bre entre les attentes du salarié, ses perforaux entreprises cotées d'établir annuellement
mances et la rentabilité de l'entreprise. De
un rapport social et environnemental.
nombreux exemples apparaissent ainsi dans
L'émergence du développement durable, de
le cycle de vie du salarié.
la RSE et de l'éthique crée dans les organisations un nouveau métier aux dénominations
LA RSE ET LE CYCLE DE VIE DU
variées : déontologue, éthicien, compliance ofSALARIÉ DANS L'ORGANISATION.
ficer.
«
Du recrutement au départ du salarié, la RSE
concerne tous les aspects de son cycle de vie
dans l'entreprise, notamment : intégration, rémunération, formation, climat social, harcèlement, discrimination, stress, alerte éthique,
organisation du travail, licenciement, démission ou départ à la retraite.
L'institutionnalisation de la RSE : de la hard
law à la soft law.
Si la liberté de l'entreprise doit s'exercer dans
un cadre, on peut ainsi distinguer les pays de
soft law (normes douces) des pays de hard
law (obligations légales).
Les « normes douces » comprennent toutes les
normes à l'exception des lois, des règlements
et des contrats qui constituent les obligations
légales. Les premières peuvent être classées en
deux catégories :
- l'autorégulation : normes juridiques élaborées par et pour l'entreprise, par exemple les
codes éthiques,
- la réglementation volontaire : normes encouragées par les décideurs et élaborées avec les
acteurs concernés, par exemple la norme
SA8000.
40
Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
LE DÉONTOLOGUE.
À la croisée des fonctions dans l'organisation,
le déontologue, pour sauvegarder son indépendance, dépend généralement directement
de la direction, que son poste soit une fonction
à temps plein ou qu'il fasse partie de la DRH,
de la direction juridique, voire du service financier.
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
La fonction de déontologue dans l'entreprise
remonte aux années 1970 aux USA ; elle
connaît un essor remarquable en France dans
la décennie 1990. À partir de 1997, une réglementation a imposé aux entreprises du secteur
financier de mettre en place une fonction
déontologique.
Les principales raisons invoquées par l'entreprise pour promouvoir une fonction éthique
sont les suivantes :
- en interne, affirmer l'identité de l'entreprise
et sa différence, rechercher une cohérence
éthique autour de principes communs, fédérer
et mobiliser le personnel, développer la culture de responsabilité des managers ;
- en externe, concrétiser la responsabilité sociale de l'entreprise et se donner un avantage
concurrentiel ;
- en interne comme en externe, protéger l'entreprise contre les agissements d'agents susceptibles de nuire à ses intérêts.
Les missions du déontologue varient, notamment avec le secteur d'activité et la taille de
l'entreprise. Les plus souvent repérées dans
l'organisation sont les suivantes:
- aider l'entreprise à expliciter sa politique en
matière d'éthique,
- mettre en œuvre la politique éthique,
- organiser et déployer la fonction éthique,
- sensibiliser et former le personnel à l'éthique,
- mettre l'entreprise à l'abri de toute malversation et la protéger contre les risques
éthiques,
- promouvoir la politique éthique dans l'entreprise,
- assurer le reporting global et mettre en évidence les réalisations de l'entreprise en matière de RSE.
LES RÉMUNÉRATIONS.
Garantir à chaque salarié une rémunération
équitable : cet engagement est affiché dans de
nombreuses politiques de rémunération.
Pour les entreprises, être un employeur équitable permet d’être classé parmi les employeurs de référence, d’être reconnue comme
une entreprise où il fait bon travailler. Avoir
une bonne image employeur, dans le contexte
actuel de guerre des talents, est un atout pour
attirer et fidéliser les compétences nécessaires
au développement de l’entreprise. Des recherches ont fait ressortir le lien entre « entreprise équitable » et « salariés fidèles ». Le
besoin d’équité est externe – être aussi bien
traité que dans les autres entreprises – et interne – chacun dans l’entreprise est convenablement traité. L’équité externe favorise le
recrutement et la rétention des talents.
L’équité interne développe l’engagement et
l’implication des salariés.
Pour être perçues comme équitables, les entreprises se doivent d’identifier les attentes
d’équité des salariés. Elles réduisent ainsi les
risques induits par des sentiments de souséquité, individuelle ou collective. Elles veillent
à définir des règles et à mettre en oeuvre des
procédures pour parvenir à un niveau
d’équité élevé. Réaliser des audits de l’équité
dans l’entreprise permet de garantir l’équité.
Chaque salarié souhaite et recherche un traitement équitable. Les enquêtes montrent une
exigence accrue de justice et d’équité et le
poids croissant des comparaisons. Mieux informé, bien que de façon parcellaire, le salarié
utilise un nombre croissant de référentiels. Il
s’interroge sur les écarts et attend des justifications ou des actions correctives.
La préoccupation d’équité s’élargit depuis
quelques années dans le cadre du refus de
toute discrimination.
L’entreprise doit garantir non seulement
l’équité entre les personnes, mais aussi entre
des groupes d’appartenance. L’équité entre les
fonctions, les établissements, les filiales, est
importante.
Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Lors de fusions et d’acquisitions, la diversité
des situations génère souvent des sentiments
d’iniquité qu’il faut faire disparaître pour
réussir l’opération. Le toilettage des statuts et
l’harmonisation des pratiques sont des préalables pour dégager les synergies attendues.
L’équité entre générations, selon le genre,
selon l’origine et en fonction de tous les autres
critères de discrimination interdits doit également être recherchée.
Les parties prenantes sont sensibles à la non
discrimination. Les entreprises doivent justifier toute différence susceptible de refléter une
discrimination même indirecte.
La loi 2006 sur l’égalité salariale
femme/homme illustre cette pression croissante sur les entreprises pour qu’elles contrôlent toutes les pratiques pouvant réduire
l’équité.
Les salariés sont sensibles à la relation entre la
contribution qu’ils apportent à l’entreprise et
la rétribution qu’ils en reçoivent. Dans leur
échange avec l’entreprise, ils évaluent ce qu’ils
donnent et ce qu’ils reçoivent. Chaque salarié
construit son ratio d’équité, rapport entre sa
rétribution et sa contribution.
Ce rapport sert de base aux comparaisons internes et externes. Lorsque le salarié se compare à ses collègues, ses collaborateurs, sa
hiérarchie dans son entreprise, il apprécie
l’équité interne. Lorsqu’il prend comme base
de comparaison des salariés d’autres entreprises, il se situe sur le plan de l’équité externe.
Dans les deux cas, le sentiment d’équité ou de
non équité a des incidences fortes sur les comportements des salariés.
L’INIQUITÉ.
L’hyper-rationalisation des organisations
conduit à un éloignement des salariés entre
eux et vis-à-vis du management. Il est indispensable de renforcer le lien social, ciment des
organisations, d’autant plus qu’il est nécessaire de travailler de manière collaborative :
du top talent qui devra mener une carrière internationale et tisser un réseau très large et
multiculturel à l’intérieur de l’entreprise, aux
42
Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
techniciens experts qui seront centre de support auprès de commerciaux à l’autre bout de
la planète… les entreprises ont besoin de favoriser l’initiative et la coopération.
Dans l’entreprise de demain, on sera amené à
travailler avec tout le monde en réseau. Il ne
suffira plus de recruter des talents, il faudra
les faire travailler ensemble et donc pour cela
créer de la confiance réciproque. Tout cela
s’inscrit dans le cadre d’une responsabilité sociale toujours plus large de l’entreprise, à l’intérieur comme à l’extérieur. Or l’iniquité
conduit à un appauvrissement, aux discriminations, au mécontentement et à la démobilisation.
Le salarié qui a un sentiment d’équité interne
et externe satisfaisant, témoigne d’un haut niveau de fidélité organisationnelle. La fidélité
organisationnelle est caractérisée par :
une faible propension à rechercher un
travail ailleurs ;
un attachement affectif ;
une efficacité dans l’exécution des activités qui contribuent au noyau technique de
l’organisation (performance dans la tâche) ;
une contribution à l’entretien et à l’enrichissement du contexte social et psychologique de l’organisation (performance
contextuelle) (Swalhi, 2007).
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
«
La perception d’un haut niveau
d’équité développe la fidélité organisationnelle. Un sentiment de nonéquité est source de risque...»
La perception par les salariés d’un haut niveau d’équité développe cette fidélité organisationnelle. Au contraire, un sentiment de non
équité est source de risque.
Selon la théorie de l’équité (Adams, 1963), tout
salarié en situation perçue de non équité agit
pour rétablir la justice. Les comportements
qu’il adopte sont des sources de risques pour
l’entreprise.
Les principaux risques proviennent de la
sous- équité interne. Selon la théorie de
l’équité formulée par J.S.
Adams, le constat d’une situation de sous
équité entraîne une action pour modifier le
ratio en faisant varier la contribution ou la rétribution En situation de sous-équité, le salarié
essaie d’accroître sa rétribution en réclamant
(ou en « trichant » : détournement de fournitures, utilisation personnelle d’équipement,
remboursements abusifs de frais, …) ou, plus
généralement, réduit discrètement sa contribution (moindre qualité, absentéisme, ralentissement, non-coopération,…).
Le salarié peut également s’efforcer d’agir sur
le ratio du référent. En sous- équité à l’égard
d’un collègue il cherche à réduire son ratio en
accroissant le dénominateur (sa contribution)
ou en réduisant son numérateur (sa rétribution).
Ainsi par une faible coopération avec son collègue, en conservant certaines « astuces de travail » ou en bloquant des informations, il
accroît la charge de travail de son collègue. En
le dénigrant, il met en péril l’accroissement de
sa rétribution.
Ces comportements entre collègues contribuent à la sous-performance de l’organisation.
L’équité peut être interne ou externe. Quatre
cas peuvent être distingués :
un double sentiment de sous-équité interne et externe conduit à un départ rapide. Le
salarié qui estime que sa contribution n’est pas
suffisamment reconnue en interne et qu’il se-
rait mieux traité ailleurs, recherche activement un emploi
à
l’extérieur
de
l’entreprise. De plus, sa
contribution dans son emploi
sera en deçà de ses possibili-
tés.
un sentiment d’équité interne associé à
celui d’une sous équité externe présente un
risque de départ lorsqu’une opportunité externe se présente. Cependant, le salarié qui
considère être convenablement traité par l’entreprise a une contribution élevée et ne
cherche pas activement à quitter l’entreprise.
Pour réduire le risque de départ, les organisations qui payent en dessous du marché doivent offrir un travail intéressant, permettre un
fort développement des compétences et un climat de travail de qualité. La qualité de la
grappe de pratiques RH dont bénéficie le salarié devient un atout essentiel pour le fidéliser ;
un sentiment de sous-équité interne
associé à une sur-équité externe est une
situation particulièrement dangereuse pour
l’entreprise. Ne pouvant conserver ailleurs
les mêmes avantages, le salarié reste ; s’estimant mal traité en interne, il réduit sa contribution ;
Lorsque le salarié ressent un sentiment
de sur-équité interne et externe, sa fidélité organisationnelle est forte. Le coût de cette suréquité peut être cependant élevé si l’entreprise
supporte des coûts salariaux excessifs.
RÉUSSIR L’ÉQUITÉ.
L’équité résulte d’un ensemble cohérent de
politiques et de pratiques appropriées. Garantir au salarié un traitement équitable implique
que :
sa contribution soit effectivement évaluée et appréciée. La contribution correspond
au poste occupé et à la performance dans ce
poste. La qualité de la grille des salaires d’une
part et du système d’appréciation d’autre part
sont essentielles ;
la possibilité d’accroître sa contribution
lui soit offerte. L’entreprise peut aider le salaQualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
43
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
rié à accroître sa contribution à travers des politiques d’affectation équitable, de développement des compétences, d’amélioration des
conditions de travail et la qualité de la hiérarchie de proximité ;
le lien entre contribution et rétribution
soit explicite. Les règles des décisions d’augmentation de calcul des bonus, d’octroi
d’avantages non monétaires et de toute mesure modifiant la rétribution d’un salarié doivent être précisées et communiquées. En
particulier que le lien entre accroissement de
la contribution et accroissement de la rétribution soit précisé et respecté ;
les règles soient respectées, garantissant au salarié la rétribution qu’il a mérité ;
sa rétribution soit connue et évaluée
dans toutes ses composantes et que l’information sur toutes les composantes, monétaires et
non monétaires, de sa rétribution lui soit communiquée.
Le dernier point est devenu plus complexe depuis une vingtaine d’années. Les composantes
de la rétribution se sont multipliées et les
grands arbitrages ont évolué. Cette complexité
croissante rend délicate l’évaluation par le salarié de sa rétribution globale. Il doit prendre
en compte simultanément des éléments fixes
et d’autres variables, des éléments collectifs et
d’autres individualisés, des éléments immédiats et des éléments différés, des composantes monétaires et d’autres non monétaires,
des rémunérations et du temps libre.
La reconnaissance peut être considérée
comme un critère pour évaluer les différentes
modalités de rémunération.
Ainsi le salaire au mois des « mensuels » étaitil perçu comme un véritable signe de reconnaissance de l’importance de la qualification
par rapport aux « horaires ». La loi de 1979 sur
la mensualisation a accordé à tous cette reconnaissance.
Aujourd’hui, avoir droit à des stock-options
est généralement considéré comme un signe
fort de reconnaissance et d’appartenance au «
noyau dur » des compétences stratégiques de
l’entreprise, qu’il faut fidéliser et récompenser
pleinement.
44
Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
Chez les commerciaux, la part de salaire fixe
dans la rémunération totale est souvent perçue comme un élément de reconnaissance. «
Si l’entreprise ne me rémunère que lorsque je
ramène des commandes, c’est qu’elle me
considère comme un vendeur jetable. »
Dans la mise en œuvre d’une politique de rémunération globale, l’entreprise doit veiller à
prendre en compte la dimension « reconnaissance » de chaque composante. Dans un arbitrage entre deux composantes qui présentent
des similitudes pour la plupart des critères, il
est opportun de choisir celle qui apporte un
plus en matière de reconnaissance. Il faut
donc connaître les perceptions des salariés sur
ce point.
Une phrase est souvent recueillie dans les entretiens d’audit de rémunération : « Si on me
juge capable d’avoir une augmentation individualisée, qu’on me considère aussi capable
de comprendre comment elle a été déterminée. » Il y a là un réel besoin de reconnaissance.
Il apparaît clairement que le choix d’une modalité de rémunération, d’une part, la procédure de mise en application, d’autre part et,
en particulier, la communication sur l’ensemble du dispositif, ont un impact fort sur le niveau de reconnaissance.
Or la rétribution est la somme de la rémunération et de la reconnaissance dans la détermination par chaque salarié de son ratio
d’équité. Un bon choix de rémunération accompagné d’une communication pertinente
améliore la perception de l’équité.
Inversement, une communication maladroite
peut réduire l’impact d’une composante, cependant coûteuse, de la rémunération.
L’audit d’une rémunération globale fait souvent ressortir combien certaines dépenses sont
mal perçues par les bénéficiaires.
Parce qu’ils sont obligatoires du fait de la loi
ou parce que l’usage leur a confié un caractère
d’avantages acquis, l’entreprise néglige parfois de communiquer sur ces éléments. Ils ne
sont alors perçus ni comme un élément de rémunération, ni comme un signe de reconnaissance.
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
AUDITER L’ÉQUITÉ.
L’entreprise respecte-t-elle ses engagements
en matière d’équité ?
Les missions portent sur les engagements
conventionnels, discrétionnaires ou contractuels et les obligations légales et règlementaires. L’auditeur évalue les risques de la
non-équité interne ou externe et les coûts
qu’elle engendre.
Il identifie les principales zones de risques
éventuellement grâce à une enquête auprès du
personnel. L’audit porte essentiellement sur le
respect des quatre règles procédurales de la
justice :
- L’entreprise garantit-elle à chaque salarié
une évaluation fiable de sa contribution ?
- L’entreprise favorise-t-elle l’accroissement
de la contribution mesurable du salarié ?
- Les règles reliant contribution et rétribution
sont-elles explicitées, connues, transparentes?
- Les managers respectent-ils ces règles et
chaque salarié reçoit-il la rétribution méritée ?
L’audit de chacune de ces règles permet
d’évaluer le niveau de justice organisationnelle et d’identifier les points faibles sur lesquels agir et communiquer pour renforcer le
sentiment d’équité.
Ces dernières années, l’explosion des rémunérations des dirigeants en Europe, les niveaux
de bonus de certains financiers et la publication des revenus de certains sportifs, artistes
ou acteurs ont provoqué un sentiment de
sous-équité.
Les conflits actuels sur les salaires et le pouvoir témoignent de l’actualité du thème de
l’équité.
L’entreprise qui accroît son « capital équité »
par un effort constant pour améliorer la qualité de ses pratiques et de ses décisions RH assure la pérennité de son capital humain et
l’implication durable de ses collaborateurs.
EN CONCLUSION.
Phénomène très subjectif, la justice organisationnelle se définit globalement par la conception qu’un employé a de la façon dont le traite
son entreprise. La théorie de la justice organisationnelle prend racine dans la théorie de
l’équité d’Adams : la perception d’équité et
celle d’iniquité se basent sur la rétribution
d’un employé ( ce qu’il reçoit de son organisation ) et sur sa contribution ( ce qu’il apporte
à l’organisation), qu’il compare à un point de
référence. Ce point de référence peut être un
collègue de la même entreprise dont le poste
est équivalent au sien, ou dans une autre entreprise, ou encore, son expérience professionnelle passée.
Les valeurs organisationnelles qui se fondent
sur le respect de valeurs éthiques, constituent
les ingrédients essentiels pour le maintien et
le développement d’une bonne qualité de vie
au travail. Elles témoignent ainsi d’une organisation mature et ouverte aux préoccupations
des salariés et de l’ensemble de la société.
BIBLIOGRAPHIE.
Adams J.-S. (1963), « Toward an Undestanding of Inequity »,
JASP, n° 65. Colle, R. (2006), « L’influence de la GRH à la carte
sur fidélité des salariés : le rôle du sentiment d’autodétermination » Thèse de Doctorat en sciences de gestion, IAE d’AixMarseille.
Igalens J. & Péretti J.M. (2008), Audit Social, Eyrolles, Paris
Péretti J.M. (2004),
Les clés de l’équité dans l’entreprise, les Editions d’organisation, Paris.
Swalhi A. (2007), « Déterminants de la fidélité organisationnelle », Thèse de doctorat en sciences de gestion, IAE de
Corse.
D’après :
Françoise de Bry, Vice-présidente de l’Académie de l’éthique.
Jean-Luc Laffargue, Directeur de la Publication.
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Le concept de responsabilité.
D
e quoi est-on responsable ? Qui est responsable ? Devant qui est-on responsable ? Même
si le concept général de responsabilité est aisément perceptible, en réalité il est de plus en
plus question de son élargissement au-delà de son acception traditionnelle.
LES FONDEMENTS DE LA
RESPONSABILITÉ.
Les fondements philosophiques de la responsabilité sont extrêmement nombreux et controversés. Nous ne donnerons pas ici une vue
exhaustive de ces fondements, ni même des
difficultés et débats qu’ils soulèvent. Nous tenterons plutôt de réunir ceux qui nous paraissent pertinents au regard des problèmes se
posant à l’entreprise, dès lors que la responsabilité de cette entité est envisagée.
La liberté d’agir constitue la genèse de la responsabilité. Elle seule peut exprimer la responsabilité de l’homme. Sans liberté il n’est point
de responsabilité. Liberté et responsabilité sont
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Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
donc étroitement liées. Mais on ne peut pas affirmer que tout acte libre est un acte responsable. Au contraire, la responsabilité implique
des règles de conduite qui doivent être gouvernées par la prudence. Dès lors, l’application à
l’entreprise devient évidente. Le marché doit
laisser à l’entreprise la possibilité d’agir librement, mais de manière prudente. Le comportement prudent définit alors une entreprise
responsable.
Il ne s’agit pas d’une prudence généralisée, paralysante, mais bien d’une prudence par rapport à autrui, c’est-à-dire par rapport à
l’environnement interne et externe de l’entreprise, que celui-ci soit humain, social, économique, environnemental ou écologique.
Cependant, la responsabilité envers autrui
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
rer sur l’opportunité de ses actions, que nous pouvons en évaL’entreprise ne peut pas et ne doit
luer les conséquences et pouvons
pas être tenue responsable de tous
en conséquence nous montrer
les maux de la société...»
prudents. Aristote définit la prupeut vite devenir excessive. L’application à
dence comme une « disposition accompagnée
l’entreprise devient alors extrêmement diffide règle vraie, capable d’agir dans la sphère
cile : l’entreprise ne peut pas et ne doit pas être
de ce qui est bon ou mauvais pour un être hutenue responsable de tous les maux de la somain » (Éthique à Nicomaque : 285, 1140b).
ciété.
Ainsi le prudent se préoccupe des conséquences prévisibles de ses actes. La prudence
Pour voir émerger le concept de responsabiest une vertu qui nous permet de prendre la
lité, il est nécessaire de rejeter la doctrine sobonne décision, de décider de la bonne action.
cratique selon laquelle « Nul n’est méchant
Elle semble à ce titre inséparable de la responvolontairement ». Elle a en effet pour consésabilité ; elle reste cependant chez Aristote une
quence de permettre aux individus d’échapprudence sur les moyens d’atteindre une fin
per à toute forme de responsabilité à l’égard
et non sur les fins elles-mêmes. Autrement dit,
de leurs actes. Le mal ne pouvant être voulu,
la délibération porte sur les moyens et non les
il est exclu qu’il soit le choix délibéré de l’infins de l’action.
dividu. Ainsi, le drame de l’homme vient de
Les stoïciens voient dans la prudence éclairée
son impuissance à connaître le bien ; le mal
la forme fondamentale de la vertu, « la science
n’est alors que l’expression de l’ignorance du
des choses à faire et à ne pas faire ». Mais ils
bien.
ajoutent une pièce maîtresse au puzzle de la
Platon ne suit pas son maître quand il affirme
construction de la responsabilité : la raison. En
que la responsabilité appartient à celui qui
effet, la vertu donne un rôle de premier plan
choisit. En reconnaissant qu’il existe un choix,
à la volonté, définie comme « la tendance où
il admet déjà une forme de liberté et pose une
le souhait s’accompagne de raison ». Si
première pierre à l’édifice sur lequel se
l’homme est bien sûr en proie aux passions, le
construit la notion de responsabilité. Si cersage stoïcien s’en rend maître puisqu’il
taines actions sont inéluctables comme mandomine et maîtrise tous ses jugements. « Tout
ger ou boire, rien ne saurait nous persuader
vient de toi, tout est en toi, tout rentre en
d’y renoncer.
toi », écrit le stoïcien Marc Aurèle.
En revanche, beaucoup d’autres actions déIl ne reste plus qu’un pas à franchir pour relier
pendent de nous et sont de ce fait volontaires.
la liberté à la responsabilité par la raison. C’est
Mais ce choix et la liberté qui s’exerce à travers
saint Thomas d’Aquin qui le saute en définislui ne correspondent pas seulement à un acte
sant le « libre arbitre » dans La Somme théoque je décide de faire ou non, c’est aussi un
logique : « L’homme possède le libre arbitre,
acte que je choisis avec toutes ses conséou alors les conseils, les exhortations, les préquences. Dès lors, une première difficulté se
ceptes, les défenses, les récompenses et châtipose : la responsabilité doit-elle se mesurer à
ments seraient vains ». Le libre arbitre
l’aune des actes ou de leurs conséquences ?
s’explique, selon saint Thomas, à partir de la
La question est particulièrement importante
propriété spécifique de la raison qui se donne
pour l’entreprise dans la mesure où les consédes possibles entre lesquels elle doit choisir
quences sont parfois difficilement prévisibles.
sans que l’issue soit nécessaire. « … L’homme
Aristote précise que les mauvaises actions
agit par un jugement libre qui le rend capable
peuvent être évitées. Il dépend en effet de
de diversifier son action (…) ; il est nécessaire
l’homme de les commettre ou non. Cela imque l’homme soit doué du libre arbitre, du fait
plique que nous sommes capables de délibémême qu’il est doué de raison ».
«
Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
a contrario, que ma liberté pourrait
décider (et elle le peut puisqu’elle
La liberté semble une condition
est liberté) de ne pas bien user
essentielle de la responsabilité...»
d’elle-même, voire de s’anéantir
comme liberté.
La liberté semble une condition essentielle de
Kant mène l’analyse à son terme, en affirmant
la responsabilité. Mais la liberté dont il s’agit
que la volonté de l’homme est entièrement
n’est pas tant la liberté d’agir ou de ne pas
libre. La liberté du vouloir constitue un posagir, elle est plutôt la liberté de la volonté
tulat de la loi morale, une évidence. La perd’agir ou non. Autrement dit, aucune force exsonne est donc responsable dans la mesure où
terne ne doit contraindre l’action. Ce point de
vue sera défendu par Descartes, suivi en cela
par Rousseau dans « Du contrat social », qui
n’hésite pas à affirmer que la liberté constitue
la nature inaliénable de l’homme, et à écrire «
c’est ôter toute moralité à ses actions que
d’ôter toute liberté à sa volonté ».
Descartes développe une conception plus radicale de la liberté dans le sens où elle libère
la volonté de toute soumission, aussi bien envers la raison et ses lois qu’envers la sensibilité
et sa « force d’attraction ». Il la nomme : liberté
d’indifférence, c’est-à-dire le pouvoir de commencer un acte sans aucune raison. La liberté
est la nature de la volonté en tant qu’elle maintient son pouvoir d’indifférence à l’égard de
tout ce qui n’est pas volonté.
Nous n’agissons cependant pas sans motifs
elle se définit a priori comme « libre cause »
(première définition de la liberté d’indifféde ce qu’elle fait. Sa responsabilité prend deux
rence), mais nous avons le pouvoir absolu de
formes : sa responsabilité morale, sa responne pas en tenir compte (deuxième définition
sabilité juridique.
de la liberté d’indifférence).
En agissant moralement ou par devoir, elle
Cependant, précise Descartes, cette liberté
agit en connaissance de cause et en sachant ce
d’indifférence reste le plus bas degré de la liqu’elle fait. La responsabilité morale, notion
berté, puisque choisir sans raison, c’est s’en resubjective, se réfère au principe du vouloir «
mettre au hasard. Par contre choisir en
ce qui est bon en soi », la responsabilité juriconnaissance de cause est la plus haute expédique implique que l’acte est juste ou injuste
rience de la liberté. Paradoxalement, l’homme
selon qu’il est ou non conforme à ce qui doit
est d’autant plus libre qu’il est moins indifféêtre, mais ne renvoie pas à la libre intentionrent, qu’il agit avec raison, qu’il maîtrise les
nalité de la personne.
causes de son choix. Seule cette maîtrise perLe concept de responsabilité chez Kant est inmet d’échapper au hasard et de se soustraire
dissociable de celui de personne : « Une peraux contraintes extérieures.
sonne est un sujet dont les actions sont
Ainsi, la volonté raisonnable apparaît comme
susceptibles d’imputation (…). Elle ne peut
le plus haut degré de la liberté, ce que Desêtre soumise à d’autres lois que celles qu’elle
cartes nomme la générosité, c’est-à-dire la vose donne elle-même ». C’est l’imputation qui
lonté de ne jamais manquer de volonté. Si la
fait la différence entre la personne et la chose.
générosité est bien cette exigence de fermeté à
La personne est en même temps l’auteur de
l’égard de sa propre liberté, cela signifie donc,
l’acte et l’auteur des conséquences de cet acte.
«
48
Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Ainsi, l’accent mis sur la liberté de la volonté,
l’autonomie, a une implication radicale. Si la
liberté ou la volonté est remise en cause, la responsabilité elle-même disparaît. Plusieurs critiques se sont appuyées sur cette relation afin
de démontrer l’absence de responsabilité.
LES CRITIQUES DE LA
RESPONSABILITÉ FONDÉES
SUR LA LIBERTÉ.
Deux catégories de critiques ont été adressées
à cette conception de la responsabilité : les premières remettent en cause l’existence de la liberté des individus, les secondes, tout en
admettant la liberté, la délimitent en insistant
sur la dépendance vis-à-vis de l’environnement social.
Une absence de liberté.
Spinoza critique sévèrement le concept de liberté infinie posé par Descartes. Selon lui, affirmer que l’homme est toujours libre de
résister au mal, mais qu’en même temps il est
responsable de céder à la tentation, est contradictoire.
Si l’homme n’a pas pu résister à la tentation,
c’est qu’il n’était pas en son pouvoir de le
faire. Il a succombé parce qu’il n’était pas libre
de vouloir ou de ne pas vouloir le mal ; ses
penchants naturels l’entraînaient irrésistiblement à vouloir ce qu’il a voulu.
En fait, les actions les plus quotidiennes et les
plus concrètes obéissent à des déterminations
(sociales, économiques, psychologiques) sur
lesquelles nous n’avons que peu de prise.
Ainsi, la moralité de nos actes demeure incertaine. La liberté devient alors chez Spinoza
une «illusion psychologique de la liberté».
Comme il le souligne dans la proposition 35
du livre II de son ouvrage Éthique : « Les
hommes se trompent en ce qu’ils se croient libres ; et cette opinion consiste en cela seul
qu’ils ont conscience de leurs actions et sont
ignorants des causes par où ils sont déterminés ; ce qui constitue donc leur idée de liberté,
c’est qu’ils ne connaissent aucune cause à leur
action ». Spinoza ruine toute idée de faute, en
considérant comme libre une chose qui est et
agit par la seule nécessité de sa nature,
et contrainte une chose qui est déterminée
dans son action par une autre chose externe
à la première. Mais dès lors qu’il est dans
la nature des hommes de faire le mal, « car ils
pèchent à cause de leur nature propre et
ne peuvent faire autrement », il n’est pas
responsable même s’il est puni comme « un
chien enragé ».
Freud critique également la liberté d’indifférence de Descartes, sans pour autant comme
Spinoza rejeter l’existence du libre arbitre.
Dans les actes même sans importance où nous
croyons être libre de choisir cette indifférence,
l’homme peut jouir de motivations inconscientes. « Il résulte que le déterminisme psychologique apparaît sans solution de
continuité. »
Une liberté limitée.
Une autre série de critiques concerne, non pas
la liberté elle-même, mais les conditions dans
lesquelles elle s’exerce. Marx, dans La Sainte
Famille, écrit ainsi que « si l’homme n’est pas
libre au sens matérialiste, c’est-à-dire s’il est
libre non pas par la force négative d’éviter
telle ou telle chose, mais par la force positive
de faire valoir sa vraie individualité, il ne faut
pas châtier le crime dans l’individu, mais détruire les foyers antisociaux de crime et donner à chacun l’espace nécessaire à la
manifestation essentielle de son être. Si
l’homme est formé par les circonstances, il
faut former les circonstances humainement ».
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Ainsi, au lieu de tenir les individus pour responsables des maux de l’humanité, quoi qu’ils
aient pu faire de mal, on portera remède aux
causes sociales du malheur humain dont ils
sont victimes avant d’en être les agents. « À la
vérité, le règne de la liberté commence seulement à partir du moment où cesse le travail
dicté par la nécessité et les fins extérieures : il
se situe donc, par sa nature même, au-delà de
la sphère de la production matérielle proprement dite. » (Marx, Le Capital). Tant que
l’homme est aliéné dans son travail par le système capitaliste, il ne peut être libre, il ne saurait donc être responsable, mais seulement
victime d’un système qu’il ne maîtrise pas.
Seul le communisme pourra le délivrer de
cette aliénation et le rendre libre.
Althusser reprenant la problématique de
Marx et de Nietzsche, qui voit dans le libre arbitre « le tour de force le plus mal famé qu’il y
ait », défend un antihumanisme théorique
pour nier l’existence du sujet. « C’est l’idéologie qui interpelle l’individu comme sujet », ce
sont donc les autres, la société, les appareils
d’État, les prêtres, les juges, qui imposent à
l’individu le point de vue du libre arbitre par
lequel il devient sujet responsable.
L’analyse d’Althusser permet l’introduction
d’un nouvel élément central dans la problématique de la responsabilité.
Il s’agit des autres, ou d’Autrui, concept qui
permettra un renouvellement du débat notamment avec Lévinas et Jonas.
Ainsi, comme le note Ricoeur (1994) dans un
article sur l’évolution du concept de responsabilité, « on devient responsable du dommage parce que, d’abord, on est responsable
d’autrui ». Ainsi, le débat sur la responsabilité
va se renouveler autour de la personne, d’Autrui.
Cependant, on peut appréhender la prise en
compte de l’autre de deux manières. La première consiste à établir les relations que les
personnes seraient prêtes à définir lors d’un
contrat social, par exemple le degré de justice
ou de redistribution. Cette première modalité
répond aux critiques du libre arbitre en portant sur les conditions sociales dans lesquelles
se trouve l’individu. Mais elle conduit plutôt
50
Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
à la notion de solidarité qu’à celle d’une reformulation de la responsabilité. La seconde
consiste au contraire à donner à la responsabilité toute sa dimension personnelle en axant
l’argumentation sur autrui en tant qu’il impose des contraintes à chacun pris dans son
individualité.
Responsabilité et autrui.
La philosophie contemporaine a largement
réactualisé le débat sur la responsabilité en
prenant appui sur Autrui et la responsabilité
à l’égard d’autrui. Dans ce cadre, la responsabilité devient omniprésente et surtout devient
une charge considérable pour chacun. Trois
auteurs ont particulièrement contribué à ce renouvellement : Sartre, Lévinas et Jonas.
Autrui, angoisse pour soi.
Sartre développe une philosophie, un humanisme existentialiste entièrement centré sur la
liberté et la responsabilité de l’homme.
L’homme est « condamné » à être libre dès
lors que le sens de ce qu’il doit faire ne lui est
plus indiqué par une nécessité inscrite dans
l’Histoire, la Nature, Dieu ou même la Raison.
L’expérience de la responsabilité commence
lorsque l’on doit prendre une décision sans
pouvoir se référer à une norme puisque, « aucune morale générale ne vous indique ce qu’il
y a à faire, il n’y a pas de signe dans le monde
» (Sartre, 1995 : p. 47).
Sartre précise que ce choix ne peut se faire que
seul et qu’il est toujours sans excuses. Ainsi la
responsabilité qui repose sur l’homme est
exorbitante puisqu’il est responsable de son
existence, de sa manière d’être et par ce fait
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
des autres, du monde qui l’entoure et qu’il
modèle.
« Et quand nous disons que l’homme est responsable de lui-même, nous ne voulons pas
dire que l’homme est responsable de sa stricte
individualité, mais qu’il est responsable de
tous les hommes » (Sartre, 1995 : p. 31).
«
de la prudence que se développe la philosophie de Lévinas et de Jonas. Mais, dans les
deux cas, c’est par un renversement de perspectives que leur analyse s’effectue.
Chez l’un comme chez l’autre, l’angoisse pour
soi est reléguée à une place secondaire par
rapport au souci d’autrui qui prend tout son
sens et fonde la responsabilité.
Jonas fait de la responsabilité le
fondement même de l’éthique...»
Le philosophe évoque donc une responsabilité
absolue du sujet face à ses actes, mais aussi
face à ce qu’il laisse faire, ce qui indique clairement la dimension morale de la responsabilité. Il affirme, par exemple, qu’il est du devoir
de l’homme de combattre le gouvernement
américain lors de son intervention armée au
Viêt-Nam. En laissant faire, il se fait le complice de cette guerre. La responsabilité devient
une charge considérable et illimitée
puisqu’elle porte à la fois sur ce que chacun
doit faire et sur ce qu’il ne doit pas laisser
faire.
« L’homme, étant condamné à être libre, porte
le poids du monde entier sur ses épaules. Il est
responsable du monde et de lui-même en tant
que manière d’être. » Cette responsabilité
écrasante reste cependant source d’angoisse
pour soi et non pas une crainte pour Autrui ;
nous sommes constamment sous la menace
qui naît de la présence d’Autrui dans le
monde, selon sa phrase célèbre : « L’enfer,
c’est les autres ». Pour échapper à cette angoisse, l’homme se réfugie dans la mauvaise
foi, soit celle du « lâche » qui se trouve toujours des excuses, soit celle du « salaud » qui
se croit justifié pour toujours.
La responsabilité n’existe que lorsqu’il existe
des incertitudes ; nos actes doivent y mettre
un terme. Sartre reprend à son compte l’expérience grecque de la prudence, au sens aristotélicien du terme, c’est-à-dire la prudence
comme vertu qui permet à l’homme de donner, par son action, un sens à un monde incomplet, toujours équivoque.
C’est sur cette double thématique d’Autrui et
Autrui comme générations
futures.
Si Descartes est à la fois un défenseur acharné
du libre arbitre et le philosophe qui participa
de manière radicale au développement de la
civilisation scientifique et technique, Jonas
s’appuie largement sur le pouvoir de cette civilisation technique pour développer sa
conception de la responsabilité.
Les sciences et techniques nous ont dotés de
pouvoirs directement et indirectement destructeurs, du simple fait de nos consommations quotidiennes. Nous sommes aujourd’hui
investis d’une responsabilité inconnue des générations antérieures : laisser aux générations
futures une terre habitable, et celle de ne pas
altérer nos conditions biologiques et génétiques d’existence. Faute de quoi nos descendants ne pourraient ni progresser, ni exercer
leur propre responsabilité. D’où la reformulation suivante de l’impératif catégorique kantien par Jonas :
« Agis de façon que les effets de ton action
soient compatibles avec la permanence d’une
vie authentiquement humaine sur terre » et «
de façon que les effets de ton action ne soient
pas destructeurs pour la possibilité future
d’une telle vie ».
Nous agissons donc, écrit Jonas, au sein d’une
biosphère en évolution, régie par la loi d’enQualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
tropie, ne fournissant qu’un milieu fragile et
périssable à nos existences. La fragilité du
monde et notre puissance modifient ainsi radicalement l’ordre de grandeur de nos obligations morales. Nous sommes désormais
devenus responsables de l’existence même
des générations futures et, dans une certaine
mesure, de la perpétuation de la nature,
condition de toute vie humaine future. «
L’homme est le garant de l’être » (Frogneux,
1996).
De cette situation nouvelle découlent des
changements majeurs touchant la notion de
responsabilité. Jonas fait de la responsabilité
le fondement même de l’éthique, mais
puisque l’avenir de l’humanité est menacé,
l’éthique de la responsabilité devient une
éthique de l’avenir qui repose sur la prudence,
sur la crainte.
« L’heuristique de la peur » est le thème central de l’œuvre de Jonas. Il s’agit de « consulter
nos craintes préalablement à nos désirs, afin
de déterminer ce qui nous tient réellement à
cœur » ou encore « la prescription, pour l’exprimer en termes primitifs, qu’il faut davantage prêter l’oreille à la prophétie de malheur
qu’à la prophétie de bonheur » (1995 : p. 49 et
54).
De Descartes à Spinoza, la peur apparaît toujours comme inhibante, empêchant de réfléchir, d’agir ou de réagir.
Jonas souhaite cependant établir un rapport
positif entre la peur et la responsabilité. Il ne
s’agit pas d’une peur pathologique, mais
d’une peur qui incite à l’action et à la réflexion.
Dans le monde actuel, on ne peut dissocier la
peur de l’espérance. « La peur qui fait essentiellement partie de la responsabilité n’est pas
celle qui déconseille d’agir, mais celle qui invite à agir ; cette peur que nous visons est la
peur pour l’objet de la responsabilité » (Jonas,
1995 : p. 300). La peur devient une force au
lieu d’une faiblesse. Elle est la condition de la
possibilité de la responsabilité.
Compte tenu de la gravité et de l’irréversibilité des conséquences éventuelles de nos actions, compte tenu de l’impossibilité où nous
sommes de les connaître réellement, il
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convient d’imaginer les suites les plus effroyables susceptibles de résulter de nos décisions.
Si elles peuvent mettre en danger l’existence
même de notre espèce, il faut alors renoncer à
prendre de telles décisions, en dépit des avantages immédiats qui pourraient en résulter.
On ne saurait en effet parier sur la survie
même de l’humanité (Dupuy, 2002). Le respect de l’environnement (de ce que Jonas appelle les conditions d’une vie «
authentiquement humaine ») illustre cette responsabilité sur le long terme.
Même si la responsabilité reste celle de chacun
de nous, elle est profondément attachée au caractère collectif de nos actions : notre niveau
de vie peut compromettre celui des générations futures.
L’obligation morale va au-delà du souci d’autrui chez Jonas, puisque c’est l’ensemble du
monde vivant qui est à préserver. Ceci explique peut-être l’excès de la charge qui pèse
sur la génération contemporaine. Un recentrage sur autrui serait peut-être susceptible de
nuancer cette charge et d’alléger la responsabilité. Pourtant, même centrée sur autrui, la
responsabilité peut devenir exorbitante,
comme c’est le cas chez Lévinas.
Autrui et la responsabilité, condition de la liberté.
La notion de responsabilité est omniprésente
dans toute l’œuvre de Lévinas. Il postule que
l’éthique précède la raison et échappe à ses limites. Ainsi, la responsabilité naît lorsque
l’autre m’affecte, et cette affectation me rend
responsable malgré moi.
La responsabilité précède l’action et la décision autonome qui définissent moralement la
liberté.
Lévinas fait ainsi de la responsabilité, non pas
le contraire de la liberté, mais sa condition : «
je suis libre si je suis responsable » et il ajoute
l’idée que, étant infiniment responsable, chacun est condamné à une infinie liberté. Il dépasse ainsi le dilemme classique de la
responsabilité morale en y introduisant l’Autre et dénonce l’excès d’être pour soi à la
source du mal ou de l’irresponsabilité.
L’homme est le gardien de son frère. Le choix
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Lévinas, dans son ouvrage Entre nous, développe une critique de la non-responsabilité du
système libéral : « Personne ne peut plus trouver la loi de son action au fond de son cœur.
L’impasse du libéralisme réside dans cette
extériorité de ma conscience à moi-même »
(1991 : p. 33).
L’apport essentiel de sa pensée sur la responsabilité réside dans son irréductibilité. Seule
une approche de la responsabilité comme
charge et non comme projet peut nous permettre de dépasser le pluralisme ambiant qui
confond liberté et égoïsme. En effet, une responsabilité irréductible est ontologiquement
différente d’une responsabilité collective.
Ainsi, toute l’œuvre de Lévinas repose sur l’idée que la
responsabilité, c’est-à-dire la
L’impasse du libéralisme réside dans
responsabilité pour Autrui,
cette extériorité de ma conscience à
est la structure fondatrice du
moi-même...»
sujet. Sa pensée est une tentative de renouer un lien social qui semble bien s’être dissous. En
Cette responsabilité est infinie, elle ne peut
considérant que nous sommes responsables
être en attente de la réciproque, ce qui la ferait
pour Autrui, quoi que fasse Autrui, au point
retomber dans le commerce du donnant-donmême que sa responsabilité m’incombe et
nant. La responsabilité éthique est irrécusable,
qu’il n’est pas besoin d’attendre un retour, la
je ne peux donc y échapper, je ne peux me
subjectivité apparaît comme l’essence de la sofaire remplacer. En tant que créature, je ne suis
lidarité. Être responsable, c’est donner une répas créateur, mais responsable de la création.
ponse qui s’appelle « générosité, elle
Le sujet doit répondre non seulement de ses
ressemble à cette petite bonté, vertu enfantine
actes, mais également de ceux d’autrui. Per».
sonne ne peut donc répondre à ma place, ma
responsabilité est non assimilable par une liUne conception excessive de la responsabiberté finie. Ainsi, l’angoisse s’est installée au
lité.
cœur de l’être, soulignant l’impossibilité
Avec Jonas et Lévinas, la responsabilité ded’échapper à la version totale de la responsavient infinie.
bilité.
La responsabilité est une responsabilité solidaire où l’on ne serait pas tenté, pour se déresponsabiliser, de dire « ce n’est pas moi »,
où la culpabilité ne serait pas le contraire de
l’innocence, mais le sens aigu du retard que
l’on prend sur le futur à faire lorsque l’on se
contente de jouir de son présent. La solitude
ne serait plus alors qu’un effet du refus de la
responsabilité, car il est impossible d’être responsable et seul. Je suis affecté à une place
dans le monde, je n’en suis pas propriétaire,
mais responsable.
de ne pas être affecté par l’altérité est un refus
d’être libre (« liberté pour rien »).
La responsabilité, avant de se prendre, est
mystérieusement donnée comme charge, elle
n’est pas issue d’un contrat social. « Ainsi, elle
n’est pas une vertu qui s’imposerait au sujet
de bonne volonté, mais un événement qui
vous saisit et vous obsède jusqu’à l’insomnie,
provoquant une scission de l’identité. Il n’est
pas question des responsables, mais de répondre ».
La responsabilité est donnée a priori à ma
conscience « un être libre n’est déjà plus ontologiquement libre, car il est déjà responsable
de lui-même».
«
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
On peut alors se demander avec Ricoeur
(1995: p. 45) « jusqu’où s’étend dans l’espace
et le temps la responsabilité de nos actes ».
Si on peut être tenté de répondre qu’elle dépend de l’étendue de notre pouvoir, il faudrait
que les nuisances attachées à l’exercice de ce
pouvoir s’étendent aussi loin que notre pouvoir lui-même. Or, la chaîne des effets de nos
actes est potentiellement infinie. On peut
certes prendre en compte les effets échus, mais
que deviennent alors les nuisances qui apparaîtront plus tard, voire des siècles plus tard ?
Il est certes possible d’évoquer encore la vertu
de prudence, c’est-à-dire le jugement circonstancié au sens aristotélicien, mais l’incertitude
radicale sur certains événements futurs risque
fort de conduire à un immobilisme, négation
d’une autre forme de responsabilité si l’on suit
Sartre, celle de ne pas laisser faire.
Par ailleurs, l’action, même fondée sur une
règle de prudence, ne garantit aucunement le
résultat. Dans la mesure où les effets sont totalement méconnus, il est toujours possible
que l’action entreprise se montre plus néfaste
à long terme que celle que l’on essaye de corriger.
Les effets pervers l’emporteraient alors sur les
effets positifs. Le débat sur le nucléaire ne ressort-il pas de cette logique ? Dépollution de
court terme, mais qu’adviendra-t-il à long
terme ? Dans certaines circonstances, il est
clair que, une fois l’action mise en œuvre, il
devient très difficile, voire impossible, de
stopper l’enchaînement de causes à effets.
Pour devenir maîtrisable, et éviter de sombrer
dans la fatalité, la responsabilité doit pouvoir
faire l’objet d’un calcul, ce qui exclurait les effets inconnus.
Une autre difficulté provient de l’incompatibilité des formes de responsabilités.
En se référant aux conceptions de Jonas et Lévinas, deux formes de responsabilités apparaissent :
une responsabilité extrêmement forte à
l’égard des générations futures (t+n) ;
une responsabilité omniprésente envers la génération contemporaine (t).
Les ensembles possibles d’actions relatifs à ces
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deux responsabilités ne sont pas nécessairement totalement compatibles :
le point X1 n’est pas compatible avec le
point X2. Ceci revient à supposer qu’un sacrifice envers une génération doit être consenti
au détriment de l’autre ;
une solution telle que X3 satisfait aux
deux conceptions, mais avec un relâchement
sur les deux formes de responsabilités. Elle
n’est alors pas nécessairement préférée par
l’une ou l’autre des conceptions (les frontières
des ensembles représentent l’ensemble des actions réalisables, le choix d’une action, celle
qui est préférée, implique un classement des
actions réalisables, autrement dit le choix d’un
point de la frontière).
Le problème de cohérence entre les deux
conceptions excessives de Jonas et Lévinas
plaide en faveur d’une responsabilité moins
prononcée sur chaque axe, c’est-à-dire qui
puisse être justifiée par un calcul raisonnable.
Cela n’enlève rien à l’objectif de responsabilité, mais incite à déterminer des configurations acceptables, raisonnables.
Une conception raisonnable de la responsabilité est probablement plus proche d’un calcul
personnel, qui certes impose un sacrifice, mais
n’implique pas l’abnégation en faveur de
l’une ou l’autre des générations.
Ce dilemme est encore accentué dans le cas de
l’entreprise puisqu’elle doit choisir entre la satisfaction des clients d’aujourd’hui sans amputer le potentiel de ceux de demain. Elle se
trouve également obligée d’assurer à court
terme la rémunération de ses actionnaires et
de ses salariés, tout en assurant à long terme
sa pérennité. La performance sociale repose
sur un management responsable au service
des Hommes.
D’après :
Françoise de Bry, Vice-Présidente de l’Académie de l’éthique,
Jérôme Ballet Maître de Conférences Université de Versailles,
Jean-Luc Laffargue, Directeur de la Publication.
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Le manager, face à l’e-co-innovation.
L
’éco-activité nous concerne tous, quel que soit notre âge ou notre métier. L’éco-innovation
a besoin de connaissances multidisciplinaires et d’une collaboration entre tous les domaines. Eco-innover doit devenir un réflexe et l’éco-attitude une « culture ». Le futur
proche s’appuiera sur l’e-co-innovation, avec un e comme écologique, économique, éducative, électronique et éthique ; co comme connaissances et expériences, intégrant également celles du passé ;
comme collaborative et facilitant une convergence d’intelligences ; éco comme écosystèmes, une innovation plus inspirée par la nature, plus centrée sur l’humain.
COMPRENDRE L’IMPACT DE NOS DÉCISIONS
ET DE NOS ACTIVITÉS.
Je prendrais simplement l’exemple de mon enfance
en Pologne.
Il y a 50 ans, la Pologne avait 50 ans d’avance sur la
France dans le domaine de l’écologie.
Les guerres avec les tartares et les turques, suivies de
deux siècles d’occupation par les russes, prussiens et
autrichiens ainsi que le changement fréquent des
frontières ont favorisé l’apprentissage des langues,
des cultures et des façons de penser.
La pénurie des moyens a déclenché l’utilisation intense des connaissances pour survivre. Les denrées
alimentaires se vendaient en vrac ou dans des emballages minimum et étaient réutilisables, comme les
pots en verre ou les boites métalliques.
Les sachets en papier étaient réutilisés au maximum.
Ils servaient alors à allumer un feu de bois ou de
charbon dans une cuisinière ou dans un poêle en céramique qui gardait longtemps la chaleur.
Ma mère avait des astuces de cuisine pour préparer
le déjeuner avant de partir travailler, comme par
exemple faire cuire du riz sous la couette. Ainsi il restait chaud jusqu’à son retour et l’intérieur du lit
aussi. Ces trucs et astuces partagés visaient non seulement l’économie d’énergie et de temps, mais réunissaient les aspects gourmand, diététique et
équilibré dans le même repas élaboré avec très peu
de moyens. La collecte de papier se faisait dans les
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
«
Les motivations peuvent souvent
être plus fortes que la volonté de
comprendre les conséquences
d’une action...»
écoles. Nous lavions des bouteilles en verre, toutes
consignées, pour avoir de l’argent de poche que nous
dépensions pour acheter des livres, des disquettes
pour apprendre des langues étrangères, ou acheter
des friandises.
Le système éducatif, très exigeant, ciblait entre autre
la capacité de résolution des problèmes dans un
large contexte. Mes parents et l’école m’ont appris le
respect de la nature et de ses richesses, le respect des
autres, à céder la place assise dans les transports en
commun aux personnes âgées, à les aider à porter
leur filet de courses, l’esprit de famille, à apprendre
à apprendre. Ils m’ont également appris dès mon
plus jeune âge le fonctionnement de mon corps, comment prévenir la transmission des microbes par l’hygiène et comment renforcer l’immunité. Les
connaissances et l’amitié avaient une grande valeur.
On réparait tout ; les casseroles, les chaussures, les
chaussettes, les vêtements. On défaisait des pulls en
laine et des vêtements usés pour en fabriquer d’autres.
Les métiers de service étaient très appréciés et servaient parfois de travail d’appoint.
Dans le bloc soviétique le chômage n’existait pas,
mais un seul salaire ne suffisait pas pour les besoins
vitaux d’une petite famille.
Le commerce extérieur individuel fleurissait et en
dehors du fait qu’il apportait des revenus supplémentaires aux personnes qui le pratiquaient, en général pendant les congés, il régulait les flux des
besoins et des marchandises.
Les années 60 ont été marquées par une forte tendance écologique née avec l’industrialisation. Le professeur Antonina Lenkowa dans son livre «
Oskalpowana ziemia » (La terre scalpée) en 1961, retrace l’histoire de l’humanité et raconte comment les
terriens ont progressivement contribué à la déforestation, à la pollution du sol, de l’eau et de l’air à travers les sociétés agricole et industrielle, au nom du
progrès et du business acharné. Elle cite de nombreux exemples de la destruction inconsciente de
notre environnement, due au désir de posséder, de
montrer sa richesse et sa supériorité ou tout simplement pour se nourrir. Ainsi les forêts qui jadis nourrissaient nos aïeux ont été décimées, le cèdre du
Liban a presque disparu pour se transformer en pa56
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lais, la multiplication incontrôlée des chèvres a contribué à la destruction de la végétation dans de nombreux pays du
bassin méditerranéen, les bisons ont failli
disparaître. Par conséquent les déserts se
créent ou s’étendent, les vents font plus
de dégâts.
Les actions de reboisement ne respectent
pas, pour la plupart, la diversité d’espèces qui existaient avant, ce qui a des conséquences sur l’équilibre
de la faune et de la flore. Le terrien chasse et tue pour
se nourrir mais aussi sans raison.
Ainsi plusieurs espèces d’animaux terrestres et marins ont disparu ou sont en train de disparaitre. Les
oiseaux prédateurs, des insectes « nuisibles » disparaissent avec les forêts.
Quand le chimiste allemand Othmar Ziedler a découvert le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) en
1874, il ne soupçonnait pas ses propriétés insecticides. C’est le suisse Paul Müler en 1939 qui les a découvertes, mais sa production de masse a été
initialisée aux Etats-Unis, et le produit vendu et utilisé à l’échelle mondiale. Ne cherchant pas à connaître les conséquences du DDT sur d’autres espèces,
dont l’homme, on en mettait partout : dans les peintures, les textiles, en agriculture.
Après quelques années on a constaté que le produit
était moins efficace, alors on a augmenté les doses et
on a inventé d’autres produits encore plus puissants,
sans penser une seconde que les insectes puissent
s’immuniser contre ce poison.
Le Professeur Lenkowa s’étonne de l’erreur stratégique de Francisco Pizarro à son arrivé chez les Incas
; les espagnols aveuglés par l’or, n’ont pas su voir
une bien plus grande richesse : la façon de cultiver
la terre à l’aide de guano, assurant ainsi des récoltes
abondantes.
Ces exemples et bien d’autres prouvent que les motivations peuvent souvent être plus fortes que la volonté de comprendre les conséquences d’une action
avant de l’entreprendre. Les connaissances et la pensée systémique et globale sont indispensables pour
comprendre l’impact de nos décisions et de nos activités sur l’ensemble des écosystèmes.
Cette compréhension implique la prise en compte
d’expériences, la mise en commun des connaissances
pluridisciplinaires et une collaboration des différents
spécialistes ainsi qu’une capacité à utiliser plusieurs
schémas mentaux ; ce n’est pas chose facile, étant
donné notre éducation plutôt cartésienne. L’éducation a donc un rôle essentiel à jouer dans la connaissance et la préservation de notre planète.
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Après plusieurs révolutions et la chute du système
soviétique, la Pologne a très vite rattrapé le retard en
consommation, à sa façon. Elle a même dépassé la
France dans le paraître et les Etats-Unis dans le culte
de l’argent, qui joue maintenant un rôle bien plus important que les connaissances.
Le progrès, mono-domaine en général, et le développement dirigé par le business rapide a fait passer les
deux pays (et bien d’autres) dans la logique du « faster, cheaper, better », dans la course au moins cher
et dans le monde du jetable. On jette tout ou presque,
les sacs en plastique, les emballages du « fast food »,
les chaussures et sacs à main en plastique, les appareils ménagers, les ordinateurs, les voitures, … On
jette même des compétences (seniors), sans chercher
à les recycler.
UNE ÉCONOMIE QUI GÉNÈRE DES
MONTAGNES DE DÉCHETS.
Notre société de surconsommation génère des montagnes de déchets qui n’en finissent pas de grandir.
Les déchets de toute nature ont donnés naissance à
une vraie industrie avec une gestion de ces déchets
qui coûte de plus en plus cher (en gros, 10 milliards
d’euros aujourd’hui, contre 3,5 en 1990).
Les satellites périmés et hors service tournent autour
de la terre, créant une orbite poubelle. Les appareils
de toutes sortes sont souvent jetés alors qu’ils fonctionnent encore, car la technologie progresse très vite
et ils sont devenus technologiquement périmés. Bien
que cela ne soit pas justifié, cette même règle s’applique aux appareils ménagers comme les cuisinières
ou les machines à laver dont la durée de vie est passée de vingt ans à cinq ans en moyenne (business
oblige…).
Le progrès technologique nous offre le confort et
contribue au développement économique. Mais géré
avec une approche économique seulement il crée des
milliers de tonnes de déchets, pas toujours recyclables et en partie toxiques.
Pendant que l’on perd une énergie considérable à inciter les consommateurs à déposer leurs appareils et
à recycler ce qui est recyclable, les déchets continuent
à s’accumuler… et pourtant une partie de cette énergie pourrait être consacrée à réfléchir à la façon d’intégrer dans la partie conception une minimisation de
l’impact passant par une minimisation des déchets
et par conséquent du recyclage. L’approche HQSE le
fait partiellement.
Ainsi les méthodes de l’éco-conception proposent
une intégration des aspects environnementaux dans
le cycle de vie des produits.
Les TIC et l’intelligence artificielle peuvent apporter
une aide considérable dans cette réflexion par la si-
mulation, la programmation par contraintes, la capitalisation des connaissances et des expériences ou
par la création de bases des connaissances mondiales, accessibles aux personnes intéressées.
L’ordinateur connecté est capable de bien mieux
gérer la complexité que l’homme.
Les avions et Internet ont contribué à la mondialisation, à la réduction des distances et ont permis la
connexion instantanée de personnes autour du
globe. Ces deux principaux déclencheurs de mondialisation ont favorisé les changements profonds dans
l’industrie et dans l’économie. Le business rapide et
l’envie de devenir riche très vite ont été le principal
moteur de ce développement. A la course au moins
cher, l’Europe est devenue un hypermarché géant
avec des fournisseurs comme la Chine, la Corée et
l’Inde.
Le commerce électronique a ouvert le marché mondial pour tous types d’entreprises.
Par conséquent, en plus des avions, des milliers de
bateaux transportant des marchandises dont on
pourrait fort bien se passer, traversent tous les jours
le détroit de Malacca. Le réchauffement climatique
pourrait ouvrir une autre route maritime par l'océan
Arctique, pour le transport de marchandises de
l'Asie de l'Est vers la côte Est de l'Amérique du Nord,
et de la côte Ouest de l'Amérique du Nord vers l'Europe de l'Ouest. Un pays réputé écologique comme
le Canada ne se pose même pas la question des
conséquences d’un tel trafic. Des milliers de camions
sillonnent l’Europe en passant par les autoroutes
sans s’arrêter, ni pour goûter aux produits locaux, ni
pour admirer les paysages. Ils transportent des fruits
et légumes boostés par les engrais chimiques et embellis par les insecticides pour permettre aux supermarchés de vendre des produits hors saison toute
l’année.
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
La nourriture traditionnelle et saisonnière
a été remplacée, sous prétexte de ne pas
être rentable, par des denrées venues d’ailleurs. Le manque de temps, devenu chronique, nous pousse à acheter des plats
préparés, bourrés de conservateurs,
exhausteurs du goût, parfums artificiels et
divers colorants ; le look fait vendre. On les
réchauffe dans les fours à micro-ondes sans
se demander une seconde comment cela
fonctionne. La plupart de ces plats sont suremballés, trop salés et donnent envie de
boire des boissons trop sucrées, pour en reboire encore. Et pourtant il est facile et rapide de préparer un plat gourmand en
moins d’une demi-heure, il suffit juste
d’apprendre à le faire, de s’organiser et
d’utiliser plus intensément nos connaissances et expériences collectives.
Le formidable progrès technologique a permis de
voyager rapidement, de voir la télévision des quatre
coins du monde, de communiquer instantanément à
travers la planète, d’établir des contacts avec des personnes que nous n’aurions jamais connues sans Internet, de créer son réseau social, de trouver des
opportunités. Il a également plongé nos corps dans
les champs électromagnétiques omniprésents.
Cet environnement contribue probablement à l’accroissement des allergies et des maladies graves
comme les cancers, le diabète, Alzheimer, la sclérose
en plaques … Cette dernière est présente surtout
dans les pays industrialisés. Les progrès en médecine
permettent de soigner ces effets mais se préoccupent
peu d’en découvrir les causes multiples et inter-influentes.
Depuis quelques années, la Pologne a repris
conscience de ses problèmes, tout comme la France
et bien après les pays scandinaves ; elle essaye de se
rappeler comment on faisait avant. Les sacs en plastique commencent à disparaître au profit des filets
d’autrefois, on pense à recycler et à transformer (1).
Une brique en sciure de bois met une heure à se
consumer et permet de garder la chaleur d’un poêle
en céramique pendant plusieurs heures.
Certaines entreprises ont gardé de bonnes habitudes,
comme d’utiliser un emballage minimum pour leurs
produits.
En France, côté emballage, il y a deux filières : « réparation » et « prévention ». Pendant que la première
travaille sur les moyens de tri et sur la sensibilisation
des citoyens, la seconde sensibilise et forme les entreprises à alléger les emballages. Trier les ordures
c’est bien, en produire moins ou pas du tout, c’est
mieux.
Dans ce contexte et sous la pression de voyageurs
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Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
planétaires découvrant les dégâts, la mouvance de
l’écologie est devenue politique. Elle pourrait aussi
soutenir les anciens écologistes qui ont toujours
pensé et agi pour protéger leur santé et celle de la
planète.
La démocratisation des moyens de transport et les
conditions de travail nous ont fait prendre l’habitude
de nous déplacer régulièrement. Mais les véhicules
contribuent au réchauffement planétaire. Face à la
montée des prix du pétrole et à l’épuisement irréversible des ressources fossiles, il nous faut trouver
d’autres carburants ou d’autres façons de nous déplacer.
Les TIC permettent de réduire les déplacements en
offrant toute une gamme de possibilités pour travailler à distance.
Dans le marasme économique provoqué par la mondialisation et la course effrénée au faster, cheaper,
better, les pays développés misent sur l’innovation
bio-info-nano (2) et bien sûr éco- : elle doit sauver le
monde, créer des emplois, rebooster l’économie et
revitaliser les territoires de plus en plus désertés au
profit des villes. Ces dernières, de plus en plus étendues, se préoccupent de la bio-construction et de la
biodiversité, entre autres. Le processus de l’innovation (3), particulièrement dans les domaines cités, a
besoin de connaissances de haut niveau et d’une
évolution dans la façon de penser et de travailler.
Des exemples au niveau mondial démontrent que la
crise économique et le manque de ressources peuvent devenir de vrais déclencheurs de l’imagination
à partir de connaissances, et donc d’une inventivité
qui peut se transformer en innovation.
Mais trop souvent encore nous avons tendance à oublier que l’innovation ne doit pas se limiter à ses aspects technologiques (4) et qu’elle ne doit pas être
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
réservée uniquement aux personnes qui ont fait de
grandes études. Elle doit être considérée dans sa globalité, avec ses liens et ses impacts.
On espère que l’écologie va créer de nouveaux métiers correspondant aux nouveaux besoins des terriens soucieux de l’avenir de leur planète. Les
institutions nationales et européennes offrent des financements pour des projets innovants ayant un impact écologique, les programmes communs ANR /
ADEME financent des recherches en éco-technologies et éco-industries. La Commission européenne a
également son programme.
Les principaux domaines abordés sont le recyclage,
les biomatériaux de construction, l’agroalimentaire,
la protection de l’eau, l’éco-industrie et les écolabels,
l’énergie et le transport.
«
L’éco-innovation ou plutôt e-co-innovation
(5) concerne tous les terriens quel que soit
leur âge ou leur métier. Eco-innover, ça
s’apprend jusqu’à devenir un reflexe. Le
processus de l’éco-innovation a besoin des
connaissances, multidisciplinaires pour la
plupart, et d’une collaboration entre tous
les domaines. Dans la Société de la Connaissance,
dont beaucoup parlent sans vraiment la pratiquer
encore, les connaissances et les expériences, l’imagination, la capacité à penser autrement, à écouter et à
découvrir des complémentarités font partie des valeurs permettant de construire ensemble un futur
prospère. L’é-co-attitude fait partie de la « culture »
des jardiniers de la connaissance (Qualitique Décembre 2007). D’autres pré-requis pour la Société de la
Connaissance prospère sont une prise en compte des
expériences du passé, l’innovation dans les modèles
économiques, le passage de businessdriven au
human-driven et du paraitre à l’être.
L’éco-innovation ou e-co-innovation concerne tous les terriens
quel que soit leur âge ou leur métier... »
peut fonctionner des heures sur la prise allume cigare d’un véhicule. Les nanotechnologies ne feront
qu’accélérer cette miniaturisation. Reste à espérer
que leurs concepteurs et programmeurs vont adopter les principes de l’e-co-innovation (7).
Depuis ses débuts l’ordinateur a fait rêver des inventeurs qui voulaient le construire à l’image de
l’homme, capable de penser, de résoudre des problèmes et de jouer aux dames puis aux échecs mieux
que les champions.
Mais depuis le célèbre ENIAC, construit en 1943 à
partir des idées de John Atanassoff et occupant 1500
m2, l’ordinateur a bien changé. L’invention du transistor en 1947, puis du circuit intégré en 1957, ont
permis de diminuer considérablement sa taille.
Ainsi l’intelligence artificielle est née officiellement
en 1956 de la convergence de plusieurs domaines,
comme l’informatique, la mathématique, les théories
de jeux, la cybernétique, les sciences cognitives, la
psychologie, la philosophie. Après une jeunesse
pleine de promesses et une adolescence turbulente,
riche en succès et en échecs, l’intelligence artificielle
a fait ses preuves. Elle est aujourd’hui intégrée dans
beaucoup d’applications industrielles comme les systèmes de simulation, d’aide à la décision, à la conception, au diagnostic, dans des robots, des systèmes de
réalité virtuelle, ceux d’e-learning et dans les jeux sérieux. Elle est également présente dans des applications « grand public », comme les jeux électroniques,
second life, des jouets, le cinéma et la musique, dans
des tondeuses à gazon et dans des machines à laver.
Les traducteurs automatiques restent encore à perfectionner.
Le dernier en date est l’E2 de GreenNet ; il a la taille
d’un PDA et ne consomme que 8 Watts alors que la
consommation moyenne d’un PC est de 200 W, et il
On compte aujourd’hui plusieurs milliards d’ordinateurs dans le monde avec 410 millions de vente
par an, soit plus de 13 chaque seconde. Il faut y ajou-
ECO-TIC (6).
La plupart des activités « éco », même celles qui se
considèrent comme étant globales, utilisent les TIC
au niveau basique ; pourtant l’ordinateur sous toutes
ses formes, doté de l’intelligence artificielle, est capable d’apporter une contribution considérable dans
la protection de la planète.
Au commencement était une machine à calculer.
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59
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
blèmes administratifs sans se déplacer. Le e-learning
ouvre l’accès à la formation aux personnes éloignées
et aux activités professionnelles, 24h sur 24. Un chasseur de têtes peut utiliser un système basé sur la recherche des analogies pour trouver très rapidement
la personne qui correspond au mieux au profil à
pourvoir. Il peut également faire des entretiens préliminaires en utilisant un système de web conférence.
Certaines techniques de l’intelligence artificielle sont
intégrées dans le web 2.0 le sont davantage dans le
web 3.0. Ainsi le web sémantique facilite et rend plus
efficaces les moteurs de recherches sur Internet. Les
mêmes techniques permettent l’indexation automatique et la recherche dans des bases documentaires
multimédia.
ter les milliards de téléphones mobiles (8) qui sont
maintenant de vrais ordinateurs personnels. Pour
2016, on comptera près de deux milliards d’ordinateurs connectés.Et comme la technologie évolue rapidement, la durée de vie d’un PC dépasse rarement
3 ans ; elle est bien moindre pour un téléphone. Bien
que diabolisés par les écologistes (9) et utilisés seulement à 10% de leur capacité, les ordinateurs sous
toutes les formes nous rendent bien des services et
apportent une contribution considérable à la protection de la planète.
Les approches et les techniques de l’intelligence artificielle permettent de dépasser largement les 10%,
grâce à une autre façon de penser et de programmer.
Les célèbres TIC ont apporté une innovation de rupture dans la façon de travailler, d’apprendre, de vendre, d’acheter et de se distraire. Elles facilitent la
connexion et la communication instantanée et sans
frontière.
Ainsi les professionnels peuvent échanger des expériences et des connaissances sans se déplacer, faire
des réunions sur Skype, Go To Meeting, ou autres
systèmes de web conférences, travailler ensemble et
à distance sur un document ou un projet sur le wiki,
trouver des experts ou des partenaires via les réseaux sociaux professionnels.
60
Les techniques de découverte de connaissances nous
aident à trouver des connaissances dissimulées dans
les bases de données, dans le texte et dans les images
afin de nous aider à les exploiter mieux et beaucoup
plus rapidement.
Les systèmes d’aide à la décision ouvrent l’accès aux
connaissances expertes, collectives pour la plupart et
permettent de construire une expérience collective.
Par exemple, pour réparer un moteur d’avion, un
technicien dispose d’une expérience collective comprenant tous les cas qui se sont produits pendant
l’exploitation dans les différents pays et les solutions
correspondantes, ainsi que l’accès aux documents et
aux schémas. Une clé USB permet de stocker 17 armoires de documents-papiers et de trouver le bon en
un « click souris ». Les systèmes de gestion de processus sont capables de prendre en compte un grand
nombre de paramètres pour suggérer une action et
éviter bien des catastrophes.
On les utilise aussi bien pour le processus de fabrication de l’acier, qu’en chimie, ou encore pour les
compétitions sportives.
Les entreprises peuvent élargir leurs marchés à la
planète entière par des systèmes d’e-commerce, les
artistes se faire connaitre sur daillymotion ou par
leurs blogs personnels.
Les systèmes de propagation de contraintes nous aident à résoudre des problèmes complexes, comme
par exemple faire un emploi du temps en 2 minutes,
optimiser une chaine de fabrication, la logistique,
planifier la production ou simuler les propagations
d’une action donnée. Par exemple, en conception, on
peut simuler l’impact d’un produit sur les écosystèmes tout au long de son cycle de vie pour prendre
des décisions sur les types de matériaux à utiliser,
sur la façon de le produire ou sur les énergies à utiliser.
Les TIC connectent des offreurs et demandeurs
d’emploi, ils permettent d’apprendre des langues,
d’acheter un billet de train ou de régler des pro-
Les techniques de traitement d’image, de simulation
3D, de réalité virtuelle, et les jeux sérieux jouent un
rôle, majeur dans la protection de la planète. Elles
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STRATÉGIE ET MANAGEMENT
permettent de simuler des projets industriels, d’effectuer des tests-crashs sans la moindre casse, de tester des solutions architecturales et urbanistiques, ou
des hypothèses des chercheurs en archéologie, voir
la propagation de nuages chimiques ou même de simuler l’élevage du bétail. Les techniques de réalité
virtuelle et serious games rendent la formation en situation « réelle » possible et à moindres frais. Ces
techniques permettent de recréer l’environnement
global de l’apprenant, le décor, les personnages, les
événements auxquels l’apprenant doit réagir.
Les TIC peuvent apporter une aide aux personnes
âgées ou handicapées et contribuer au développement de nouvelles activités comme l’optimisation
des énergies et des transports, et de contribuer ainsi
au développement territorial.
Elles peuvent intervenir à tous les stades du processus global de l’innovation, comme simuler son impact sur les écosystèmes, simuler les résultats d’un
processus, d’une action, d’une décision, planifier et
optimiser la fabrication, aider à prendre des décisions en situations complexes, innover collectivement et même à distance, faire de la veille efficace,
chercher des compétences complémentaires, concevoir, vérifier les contraintes, vendre, etc.
Les ordinateurs sous toutes leurs formes et les TIC
ont donc de nombreux avantages et contribuent largement à la protection de la planète.
Il reste à innover dans la façon de programmer, afin
d’éviter les programmes inutiles et consommateurs
d’énergie. D’un côté, l’utilisateur devrait pouvoir
composer son environnement en fonction de ses besoins. De l’autre côté, l’ordinateur, doté de l’intelligence, devrait apprendre à devenir un assistant utile
à son utilisateur.
L’INNOVATION.
L’homme a une tendance à perpétuer les mêmes
schémas mentaux, à s’accrocher aux repères connus.
C’est l’un des principaux freins à l’innovation de
rupture.
Pendant que l’on perd une énergie considérable à inciter les consommateurs à déposer leurs appareils et
à recycler ce qui est recyclable, les déchets continuent
à s’accumuler... une partie de cette énergie pourrait
être consacrée à réfléchir comment minimiser l’impact écologique du produit dès sa conception, afin
de diminuer les déchets et par conséquent le recyclage.
Le « penser autrement » s’applique également à
l’économie de l’énergie, au déploiement des énergies
alternatives et aux usages de transports.
Le contexte économique actuel, la mondialisation et
le mélange des cultures et des talents qui s’en suit,
l’hyper-compétition, la délocalisation à la recherche
du moins cher, la crise, le déclin de certaines industries provoqué par une absence d’innovation et les
licenciements qui suivent, ont produit un environnement qui impose un changement radical de stratégies, de méthodes et de comportements pour
survivre et réussir. Il est également propice à l’innovation.
Aujourd’hui, tous les rapports décrivent un contexte
préoccupant, imposant la transition vers un autre
modèle : « La crise nous a appauvris. Le vieillissement va freiner la population active et la croissance.
La compétition internationale s’étend à de nouveaux
domaines, comme l’enseignement supérieur et la recherche. Dans l’industrie, de nouveaux acteurs émergent, y compris dans les secteurs où l’Europe détient
des positions d’excellence, comme l’aéronautique.
Notre modèle de développement va buter sur les
tensions d’approvisionnement en ressources fossiles
et est menacé par les conséquences du changement
climatique. Il faut aujourd’hui engager la transition
vers ce nouveau modèle moins dépendant des
énergies fossiles et davantage tourné vers la connaissance ».
L’innovation qui associait la recherche avec l’industrie a perdu ses repères habituels. La tendance à protéger l’environnement et à réduire l’impact des
activités humaines inspire d’autres voies et d’autres
activités, mais ce ne sont pas les seules opportunités.
La puissance des machines, l’évolution du téléphone
mobile et l’impact de l’internet, des réseaux et des
ondes omniprésents impose d’autres méthodes de
réflexion et de travail. En même temps, la connaissance des possibilités technologiques et l’imagination permettent d’amplifier nos capacités et à nous
aider à mieux capter et exploiter les opportunités.
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61
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
Les effets mode et tendances produisent des vagues
qui, non maîtrisées et mal exploitées suite à une incompréhension de l’ensemble des phénomènes y
compris l’impact, peuvent parfois s’avérer dévastateurs du point de vue économique, social et environnemental.
Dans ce contexte, il n’y a pas d’autre choix qu’innover en connaissance de ces écosystèmes et de leurs
inter-influences. Les autorités européennes souhaitent une Europe innovante, forte et prospère. Les
mêmes ambitions sont affichées au niveau national.
La nouvelle stratégie de la Commission européenne,
publiée en mars 2010 repose sur trois priorités interdépendantes: une croissance intelligente en développant une économie fondée sur la connaissance et
l’innovation ; une croissance durable, en promouvant une économie sobre en carbone, économe en
ressources et compétitive ; une croissance inclusive,
en encourageant une économie à fort taux d’emploi
favorisant la cohésion sociale et territoriale. Le progrès sera mesuré par rapport aux objectifs suivants :
emploi de 75 % de la population âgée de 20 à 64 ans
; investissement de 3 % du PIB dans la R&D ; «
20/20/20 » en matière de climat et d’énergie ; moins
de 10 % d’abandon scolaire, un titre ou un diplôme
pour 40 % de jeunes, réduction de vingt millions du
nombre de personnes menacées par la pauvreté. Il
appartient à chaque état membre de traduire cette
stratégie en actions.
Pour réaliser ces objectifs, la Commission européenne propose une série d’initiatives phares à réaliser à tous les niveaux :
une politique industrielle pour une croissance verte : favoriser la compétitivité de l’assise industrielle de l’UE après la crise mondiale,
promouvoir l’entrepreneuriat et développer de nouvelles compétences. Des millions de nouveaux emplois pourraient ainsi être créés ;
une stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois : créer les conditions
propices à la modernisation des marchés du travail
dans le but d’améliorer les taux d’emploi et de garantir la viabilité de nos modèles sociaux, à l’heure
où les enfants du baby-boom prennent leur retraite ;
une plate-forme européenne contre la pauvreté : garantir une cohésion économique, sociale et
territoriale en aidant les personnes en situation de
pauvreté et d’exclusion sociale et en leur permettant
de participer activement à la société.
Ces orientations visent à sortir l’Europe de la crise.
Les initiatives phares sont toutes l’objet de l’innovation. Les éléments comme l’aspect systémique de
l’innovation, la nécessité d’organiser l’ensemble de
connaissances et d’innover dans les mesures d’efficacité et d’impact de l’innovation sur l’économie et
sur le leadership européen font leur apparition.
une union de l’innovation : remettre l’accent
de la politique en matière de R&D et d’innovation
sur les grands défis, tout en réduisant le fossé qui
existe entre la science et le marché, afin de transformer en produits les inventions. Le brevet communautaire pourrait ainsi faire économiser 289 millions
d’euros à nos entreprises chaque année ;
QUELQUES PROPOSITIONS DE
CHANGEMENT DE LOGIQUE.
jeunesse en mouvement : renforcer la qualité et l’attractivité internationale du système d’enseignement supérieur européen en promouvant la
mobilité des étudiants et des jeunes en début de carrière. Exemple d’action concrète : les offres d’emplois
de tous les Etats membres devraient être plus accessibles dans toute l’Europe, tandis que les qualifications et l’expérience professionnelles gagneraient à
être reconnues à leur juste valeur ;
Voici quelques exemples d’alternatives possibles :
une stratégie numérique pour l’Europe : garantir des bénéfices économiques et sociaux durables
grâce à un marché numérique unique basé sur l’internet à très haut débit. Tous les Européens devraient
avoir accès à l’internet à haut débit d’ici 2013 ;
62
nir le passage à une économie sobre en carbone et
économe en ressources. L’Europe devrait tenir ses
objectifs de 2020 en matière de production et de
consommation d’énergie, ainsi que d’efficacité énergétique. La facture de nos importations de pétrole et
de gaz devrait ainsi diminuer de soixante milliards
d’euros d’ici 2020 ;
une Europe économe en ressources : soute-
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Le développement équilibré grâce à l’innovation demande une autre logique que celle de l’époque industrielle et d’abondance. C’est ainsi, par exemple
que le fast food devient le slow food.
pacte Oséo à l’envers : ce sont les PME qui
invitent les grands groupes et présentent régulièrement les retombées de ces actions ;
transport propre - optimisation des déplacements ;
cale ;
transport de marchandises – production lo-
salon de l’agriculture dans son environnement naturel : à la campagne ;
tous ;
plats préparés – cours de gastronomie pour
STRATÉGIE ET MANAGEMENT
grande distribution
– direct du producteur ;
vendre – s’adapter
aux clients ;
trier les ordures –
ne pas en faire ;
consommer
–
consommer intelligent ;
délocaliser – relocaliser ;
travailler plus –
travailler mieux ;
changer de géographie – déserter les mégapoles ;
éducation, formation efficace aux métiers indispensables
dans
la
nouvelle économie ;
développement
durable – avenir prospère
grâce au développement
équilibré ;
-
innover astucieux et à finalité humaine.
EN CONCLUSION.
A part des connaissances en management de projet,
le management du processus de l’innovation, et particulièrement celui de l’é-co-innovation, demande
des connaissances en psychologie, en communication, la connaissance des humains, de leurs talents,
de leurs motivations et, de plus en plus, de leur culture. Les connaissances environnementales du point
de vue de ce qui est exigé par la démarche QSE restent indispensables, car les entreprises n’ont toujours
pas changé de logique. Aux précédentes s’ajoutent
des connaissances du « holon » c’est-à-dire du citoyen responsable. La connaissance de méthodes
managériales et en particulier celles pour l’économie
de la connaissance sont à privilégier.
Eckholm Erik P. Losing ground. Environmental Stress and World
Food Prospects, W.W. Norton and Company Inc NY, 1976.
Eckholm Erik P. La Terre sans arbre - La destruction des sols à
l'échelle mondiale, 1979, traduction de l’américain, Robert Lafont,
collection Questions d’écologie.
Eckholm Erik P. Bilan de santé les Maladies de l'environnement :
Sous-alimentation, suralimentation, pollution, tabac, nouveaux horizons 1979.
(1) Innowacje ekologiczne w rozwoju spoleczno-gospodarczym L.
Wozniak, J.Krupa, J. Grzesik, WSIZ, 2006.
(2) Alain Costes : La convergence Bio-Info-Nano – Technologies au
cœur de la société du XXIème siècle, Géopolitique n° 87.
(3) Qualitique Décembre 2007.
(4) Zhouying Jin Global Technological Change, Intellect 2006.
(5) e, comme éducation, écologie, économie, éthique ; co, comme
collaborative avec une convergence des intelligences, eco, comme
écosystèmes.
(6) Technologies de l’Information et de la Communication, mais
aussi Technologies de l’Imagination et de la Créativité (Eunika
Mercier-Laurent) ou Technologies de l'Interaction et de la Compréhension (Georges Dhers).
(7) écologique, économique, éducative, éthique, collaborative,…
(Eunika Mercier-Laurent).
(8) Selon Informa Telecoms & Media.
(9) Les éditeurs d’ekwo.org nous informent que « les TIC produisent plusieurs types de pollution : champs électromagnétiques générés, déchets toxiques à la destruction ». Ils nous alertent sur la
façon de les recycler - les ordinateurs avec leurs périphériques
constituent « le cocktail explosif, un ramassis de composants très
nocifs pour l’environnement et pour la santé. Et plus ils sont petits,
plus la dangerosité est accrue et concentrée … Un monde virtuel
qui vit au travers des échanges informatiques produit un tas monumental de déchets extrêmement polluants, complexes, dangereux,
en pleine explosion http://www.ekwo.org/
coktailinfor.php3. Le seul avantage cité: les TIC nous permettent de
rester mobile lorsque nous communiquons avec des gens des quatre coins du monde.
Eunika Mercier-Laurent, Chercheur en management des connaissances et de l’innovation,
IAE Lyon.
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SÉLECTION DU MOIS
LIVRES
Coopétition.
L'entreprise de demain ne survivra pas sans s’allier à ses concurrents !
La coopétition est une stratégie innovante qui consiste à collaborer avec certains de ses compétiteurs
afin de capter durablement un avantage commun. Elle s’appuie donc à la fois sur la compétition et
la coopération. Pourquoi des concurrents que tout oppose a priori décident-ils de collaborer ? Comment parviennent-ils à dépasser les risques liés à leur association et quelles sont les opportunités
d’une alliance ? Comment mettre en place une stratégie de coopétition ? Véritable boîte à outils pour
les managers, cet ouvrage se fonde sur des cas concrets issus de secteurs divers (immobilier, pharmaceutique, vin, textile, football professionnel…). Il expose les principales étapes de la construction
d’une relation de coopétition et identifie les bonnes pratiques et les facteurs clés de succès.
En ces temps de crise, dirigeants, managers et consultants trouveront ici des enseignements utiles
pour aider les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs à se repositionner et accroître leurs
performances.
Julien Granata, Pierre Marquès - Editions Pearson – www.pearson.fr
224 pages – 26 euros.
Microéconomie - Les défaillances de
marché.
Livre + plateforme interactive
eText - Licence 12 mois.
Leadership et intelligence des
conflits.
Adopter des comportements efficaces
grâce au Dynamic Conflit Model (DCM)
À partir d’un modèle réputé internationalement, le Dynamic Conflict Model,
ce manuel offre à chacun – et plus encore aux managers,
responsables d’équipe et dirigeants d’organisation – l’expertise nécessaire pour anticiper ou résoudre les situations conflictuelles.�Déclaré ou larvé, un conflit est un
catalyseur ; bien géré, il constitue autant un gisement de
ressources nouvelles et d’innovation qu’il se révèle coûteux, mal géré. De nombreux exemples et dialogues permettent de bien comprendre les points sensibles des
acteurs du conflit et l’impact de chaque type de comportement (passif constructif, destructif actif, etc.) sur la situation rencontrée. L’ouvrage montre aussi comment
transmettre ce savoir-être à ses équipes.�Les leaders les
plus efficaces – les personnes les plus écoutées – sont
ceux et celles qui savent gérer les conflits et en percevoir
les opportunités. Avec l’approche DCM, vous aurez les
clés pour les transformer en facteurs d’adhésion, de créativité et de dynamisme.
Craig E. Runde, Tim A. Flanagan - Editions Dunodwww.dunod.com
272 pages – 27 euros.
64
Qualitique n°257 - Décembre 2014 - www.qualitique.com
Novateur, ce livre traite un des
grands thèmes de la microéconomie, les défaillances de marché,
en
mettant
plus
particulièrement l'accent sur les
effets externes, les biens collectifs purs, les monopoles et les
duopoles.��Il propose plusieurs portes d'entrée afin d'être
accessible à tous. Ainsi, les étudiants bons en mathématiques peuvent approfondir
le raisonnement économique tandis que les plus littéraires disposent d’outils pour se familiariser avec la
formalisation. De plus, les concepts seront plus rapidement assimilés grâce à d’abondantes illustrations.
Conçu pour faciliter aussi bien l’apprentissage que la
révision, l’ouvrage s’appuie sur : des explications pédagogiques très fournies ; le raisonnement marginaliste, au cœur des développements ; une centaine
d’applications économiques ; des exercices de fin de
chapitre.
Le livre donne également accès à de nombreuses
ressources numériques : la version en ligne des chapitres (eText) ; des compléments pour approfondir ;
un chapitre inédit sur l’économie industrielle ; les corrigés de toutes les applications ; les corrigés d’une
partie des exercices ; des applications et des exercices supplémentaires.
Grâce à cet ouvrage, Franck Bien et Sophie Méritet
montrent que l’on peut utiliser la microéconomie pour
expliquer des faits économiques réels et actuels.
Franck Bien, Sophie Meritet – Editions Pearson –
www.pearson.fr
288 pages – 29,90 euros.
SÉLECTION DU MOIS
La révolution de la proximité.
Voyage au pays de l'utopie locale.
Se fondant sur un diagnostic sans concession quant à l’état de notre société, l’auteur
étaye une conviction : l’urgence aujourd’hui, c’est de favoriser l’autonomie des communautés. À ses yeux, une révolution de la proximité est nécessaire pour contrecarrer
la déshumanisation de notre monde moderne et faire face aux périls climatiques.�La
bonne nouvelle, c’est que cette révolution a déjà commencé ! Des milliers d’initiatives
fleurissent sur les territoires, en France et à l’étranger, dans des domaines aussi divers
que l’alimentation, la production d’énergie, la gouvernance politique, la création culturelle, etc. Autant de solutions innovantes qui participent d’une véritable alternative structurée.�En décrivant ces solutions avec précision, Bernard Farinelli démontre que le
consommateur, le citoyen, l’élu et l’entrepreneur peuvent agir avec efficacité, en s’appuyant sur des valeurs telles que la sobriété, les relations équitables ou l’altruisme.
Bernard Farinelli - Editions Rue de l’Echiquier www.ruedelechiquier.net
192 pages – 15 euros.
Ensemble.
Pour une éthique de la coopération.
La biodiversité en crise.
Chaque jour, des espèces, animaux et
plantes, disparaissent de la surface de la
terre. La biodiversité actuelle est en péril.
Faut-il s’en inquiéter ? En réalité, l’extinction
en cours n’est pas une nouveauté ! C’est la
sixième qui frappe notre planète. La plus célèbre, à la fin du secondaire, a provoqué la
disparition des dinosaures, dont il ne subsiste
aujourd’hui que les oiseaux. Pourtant, celle
qui marqua la fin de l’ère primaire, bien plus
méconnue, fut largement plus catastrophique
puisque par exemple 95% de la faune marine
y a disparu.
Changements climatiques, volcanisme, catastrophes naturelles, lutte entre espèces… En quatre milliards d’années, la biodiversité terrestre a ainsi alterné crises destructrices et
apparition explosive de nouvelles espèces. Mais l’extinction que nous
connaissons n’a-t-elle pas l’espèce humaine pour principal élément déclencheur ?
Comprendre l’histoire de la biodiversité, c’est comprendre la nécessité
qu’il y a, de nos jours, à la protéger ; c’est aussi se prémunir contre les
dangers de l’émotion et revenir à une approche scientifique fondamentale. Comme l’écrit dans sa préface Allain Bougrain-Dubourg, « c’est
dans ce climat, plus empreint d’inquiétude que de curiosité que les
scientifiques doivent sortir de leur laboratoire… Patrick De Wever et
Bruno David en font la preuve dans cet ouvrage qui nous invite à explorer la fantastique épopée du vivant... soit quelques 3 500 millions
d’années ! »
Bruno David, Patrick de Wever- Albin-Michel - www.albin-michel.fr
304 pages – 22 euros.
Inscrit dans les gènes de tous
les animaux sociaux, le soutien
mutuel est reconnaissable
aussi bien chez les chimpanzés qui s’épouillent les uns les
autres que chez les enfants qui
construisent un château de
sable ou les hommes et les
femmes qui amassent des
sacs de terre pour parer à une inondation soudaine :
tous coopèrent pour accomplir ce qu’ils ne peuvent
faire seuls.
Cette tendance naturelle, innée, est pourtant moins
un trait génétique qu’un art, une capacité sociale, qui
requiert un rituel pour se développer. Dans un monde
structuré par la concurrence, où la compétition prime
toujours sur l’entente, savons-nous encore ce que
c’est qu’être ensemble, par-delà le repli tribal du «
nous-contre-eux » ?
Dans ce deuxième volet de la trilogie qu’il consacre
à l’Homo faber, Richard Sennett, se fait tour à tour
historien, sociologue, philosophe ou anthropologue
pour étudier cet atout social particulier qu’est la coopération dans le travail pratique. De la coordination
des tâches dans l’atelier de l’imprimeur aux répétitions d’un orchestre, il nous fait découvrir de nombreuses expériences de communauté et d’action
collective qui permettent de proposer une vision critique des sociétés capitalistes contemporaines. La richesse des références, l’originalité des points de vue,
la liberté du style et la volonté de rester toujours au
niveau de l’expérience quotidienne font la force de ce
livre singulier et engagé. Et si, pour sortir de la crise,
il suffisait de réapprendre à coopérer ?
Richard Sennett - Albin-Michel - www.albin-michel.fr
384 pages – 24 euros.
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65
TENDANCES
Le Bar à vitamines, un nouveau concept.
Le développement du m-commerce.
Avec plus de 185 millions de
smartphones en Europe, le
marché naissant du m-commerce ressemble aujourd’hui
à celui du e-commerce au
début des années 2000. Alors
que les smartphones deviennent de plus en plus sophistiqués, les consommateurs
s’en servent davantage pour
leur shopping. Si les mobiles
sont souvent utilisés pour rechercher des informations sur
les produits, les prix et des offres promotionnelles, un
nombre croissant de transactions est désormais finalisé
via le mobile. En 2012 en France, le poids du m-commerce représentait 2%
des achats en ligne avec
2 milliards d’euros de
chiffre d’affaires. Les prévisions pour 2015 sont
très positives pour les emarchands : on passerait
à 7% des ventes en ligne
globales avec 5 milliards
d’euros de ventes via les
supports mobiles.
Nous assistons à l’émergence d’un nouveau
créneau : les bars à jus de fruit.
Portés par l’attrait pour la diététique et les produits sains les bars à vitamines se développent
un peu partout.
Ils vous proposent des jus de fruits et de légumes fraîchement pressés ainsi que des cocktails de santé ou encore des smoothies (jus à
base d’ingrédients naturels, mélangés à de la
glace pilée ou du yaourt frais) à emporter ou
servis dans une atmosphère confortable et
conviviale. Il ne vous reste plus qu’à adopter la
Zen attitude.
Le HomeChat.
LG introduit le Natural Langage Processing
(NLP) dans ses nouvelles gammes de produits.
Ceci pour assurer une communication, un parfait contrôle, un monitoring et un échange d’informations entre les matériels électroménagers
LG et leurs utilisateurs, et ce, via la messagerie
LINE (Messenger) et le service LG HomeChat.
Ainsi, les acquéreurs des nouveaux produits
électroménagers (réfrigérateurs, aspirateurs robots, machines à laver, fours intelligents,...)
pourront piloter à distance les produits compatibles en utilisant simplement LG HomeChat depuis leur smartphone, tablette ou ordinateur.
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66
N°257 • Décembre 2014
PRINCIPAUX ORGANISMES CITÉS DANS CE NUMÉRO
QUALITIQUE
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CRÉDITS PHOTOS:
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TRADUCTION :
A. Greenland
S. Uplawski
ACE ................................10
AFE ................................10
AFOP ............................10
AFP ................................10
Albin Michel ....................65
American management
association ....................34
Association américaine
du management ............34
ATI fibres optiques..........10
Auchan ............................8
Castorama........................8
CEA ................................10
CED................................26
Centre des jeunes
patrons ..........................24
CIE France ....................10
CJD ................................24
CJP ................................24
Cluster Lumière ..............10
CNAM ............................10
CNOP France ................10
CNPF ............................25
CNRS ............................10
Commission
européenne ....................62
Committee for Economic
Development ..................26
Dunod ............................64
e5t ....................................8
Economie d'Energie ........8
Editeur LGF ....................37
Editions du Fleuve..........31
Editions Pearson ............64
Editions Rue de
l'Echiquier ......................65
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Eyrolles ..........................45
GreenNet........................59
Hamamatsu ....................10
Hélène et Fils ................10
IAE Aix-Marseille ............45
IAE Corse ......................45
IAE Lyon ........................63
IFOP ..............................37
Institut d'optique
Graduate School ............10
International Society
for Diversity
Management ..................37
LG ..................................66
Medef ............................10
Ministère de l'éducation
nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche ......................10
Monsieur Bricolage ..........8
NACT ............................10
Nations Unies ..................8
NDT ................................34
Nord Atlantic Container
Terminal..........................10
Observatoire de Paris ....10
ONU ................................9
Optics Valley ..................10
Optitec ............................10
Organisation internationale
des Nations Unies ............9
Oséo ..............................62
Photonics Bretagne ........10
Pôle Ora ........................10
Port du Havre ................10
Primagaz ..........................8
Quantel ..........................10
Rexel ................................8
Route des Lasers ..........10
Schneider ........................8
SEDI ..............................10
SFO ................................10
Société chimique de
France ............................10
Société française d'astronomie et
d'astrophysique ..............10
Société française
de physique ....................10
Société francophone
des lasers médicaux ......10
SPI ................................10
Supelec ..........................10
Supoptique ....................10
Synchotron Soleil ..........10
Techinnov ......................10
Telecom Paris Tech ........10
Thales ............................10
Total..................................8
Union européenne..........35
Université
Franche-Comté ..............10
Université
Joseph Fourier ..............10
Université of Pittsburgh ..31
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