Published on Encyclopédie des violences de masse (http://ww
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assassinés ou bénéficièrent d’un sursis éphémère en étant employés comme main-d’œuvre forcée.
Auschwitz accueillit le premier convoi familial de Juifs de Slovaquie le 29 avril 1942. La méthode de
sélection, qui s’imposerait systématiquement par la suite, fut appliquée pour la première fois à
l’arrivée de ce transport : les hommes et les femmes jugés aptes se virent attribuer un matricule et
furent obligés de travailler tandis que les malades, les individus trop âgés ou trop jeunes furent
immédiatement mis à mort avant même d’avoir été enregistrés (Fröbe 2000, p. 160).
La capacité du crématorium d’Auschwitz I étant insuffisante et les nouveaux crématoriums de
Birkenau n’étant pas encore prêts, Höss fit transformer en installations d’extermination deux
anciennes fermes (appelées respectivement la « maison rouge » et la « maison blanche ») situées à
la lisière du camp de Birkenau. Entre mai 1942 et mars 1943, on y assassina des Juifs déportés
d’Europe centrale et occidentale à l’aide de Zyklon B. Mais la construction de nouvelles usines de
mort était déjà prévue. Le témoin oculaire Filip Müller affirme ainsi : « Le petit “chantier de la mort”,
la chambre à gaz, qui pouvait contenir plus de 700 personnes, ne servait plus qu’au titre
d’installation annexe aux deux centrales de destruction humaine de Birkenau, les bunkers I et II. […]
Les cadavres des hommes gazés dans les bunkers I et II étaient alors jetés dans de vastes fosses
communes qui avaient été aménagées dans le voisinage. Au cours de l’été 1942, le soleil était
ardent et sous l’influence de la canicule les corps à peine recouverts gonflaient et crevaient la croûte
de terre superficielle. Une matière noirâtre remontait à la surface du sol, répandant une odeur
pestilentielle, et contaminait l’eau des nappes phréatiques. » (Müller 2008, p. 88).
La construction du crématorium II de Birkenau avait commencé au printemps 1942. En août de la
même année, l’administration locale SS compléta les plans en ajoutant les crématoriums III, IV et V ;
ainsi commencèrent les travaux de construction de quatre crématoriums qui constitueraient le cœur
des installations d’extermination de Birkenau à partir du printemps 1943. Cette extension était le
fruit de consultations antérieures entre Hitler et Himmler sur la solution à apporter à la question
juive (Steinbacher 2004).
Au cours de cette période, IG Farben aida la SS à agrandir l’usine de Birkenau en lui fournissant des
matériaux de construction. L’avancement des travaux d’extension était cependant trop lent à son
goût et IG Farben défendit âprement l’idée d’aménager un camp distinct proche de l’usine où serait
logée une main-d’œuvre permanente qui se verrait ainsi épargner le long trajet à pied nécessaire
pour rejoindre l’usine. Les 2 100 premiers détenus entrèrent dans le camp d’Auschwitz-Monowitz
(Auschwitz III) à la fin du mois d’octobre 1942. En 1943, ce camp abritait 6 000 prisonniers, des
effectifs qui étaient passés à 11 500 en août 1944 (Wagner 2000). En tout, le complexe d’Auschwitz
regroupait 47 camps annexes dans lesquels travaillaient les détenus (Ort des Terrors 2006). Parmi
les sociétés qui les employaient, on peut citer Siemens, Krupp, Degussa, les Reichswerke Hermann
Göring, la Rheinmetall Borsig AG et les Oberschlesische Hydrierwerke AG (Ort des Terrors 2006).
Le crématorium IV fut le premier achevé de ceux qui devaient être construits à Birkenau, et il fut
livré à la SS le 22 mars 1943. Suivirent le crématorium II le 31 mars, le V le 4 avril, et le III le 24 juin
1943. Selon les informations fournies par Topf & Söhne, l’entreprise responsable de la fabrication
des fours crématoires, ces installations, crématorium I d’Auschwitz I compris, possédaient une
capacité totale d’incinération de 4 756 corps par jour. Un commando spécial, essentiellement
composé de prisonniers juifs, était chargé de retirer les dents en or et les cheveux des cadavres
avant d’incinérer les corps. Le Reich tirait profit des morts en fondant l’or dentaire en lingots et en
transformant les cheveux humains en feutre destiné à l’industrie de guerre. L’opération massive
d’extermination connut son apogée dans le courant de l’été 1944. Il y avait alors jusqu’à 10 000 Juifs
qui arrivaient quotidiennement de Hongrie et le rythme du génocide s’accéléra au point de dépasser
la capacité des crématoriums. La SS commença donc à brûler les corps des victimes dans des
tranchées ou sur des bûchers à ciel ouvert (Steinbacher 2004).
Auschwitz était à la fois le plus grand camp d’extermination et le plus grand camp de concentration.
En août 1943, ce complexe concentrationnaire abritait 74 000 prisonniers contre 26 500 pour
Sachsenhausen, le deuxième camp de concentration par ordre d’importance. Bien qu’Auschwitz ait
joué un rôle de pionnier dans l’exploitation des prisonniers comme main-d’œuvre servile grâce à la
coopération entre la SS et IG Farben, les détenus d’Auschwitz furent relativement peu nombreux par
rapport à ceux d’autres camps à être employés à des tâches essentielles à l’effort de guerre. Ce qui
explique que le taux de mortalité des détenus enregistrés ait également été nettement plus élevé à
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