Plus original, l'Etat doit partager son pouvoir avec des pouvoirs privés qui
sont en mesure de partiellement s'autoréguler ; autre indice de changement : le
législateur n'est plus la source unique, le foyer central de la production du droit. La
volonté du législateur ne va plus de soi. Les lois sont soumises à des contrôles
préventifs ou curatifs. Les systèmes juridiques interagissent : 60% du droit belge
est d'impulsion européenne. Le système juridique interagissent avec d'autres
systèmes : environnement, matières d'ingénieur. Il est donc impossible de faire
une théorie du droit pure, non pénétrée par ces apports extérieurs : impulsions
morales, techniques, étrangères, religieuses, … la connaissance, l'enseignement, la
recherche en droit doit être interdisciplinaire pour y comprendre quelque chose.
Sur le plan des valeurs, le système juridique était installé dans une optique
consensuelle (droit de tradition humaniste catholique, …) . Il faut aujourd'hui
aménager des libertés concurrentes.
On assiste à un changement de paradigme, qui se signale par des anomalies,
qui infirment les théories et les attentes.
Premier type d’anomalies en droit : boucles étranges ou hiérarchies
enchevêtrées : une norme ou un pouvoir inférieur se rend maître de la norme
censée l'encadrer, c'est à dire qu'on en donne une interprétation extensive ou
restrictive ou mettre de côté, ne pas appliquer, retarder indéfiniment le moment
ou sont adoptés les arrêtés d'exécution d'une loi.
Un exemple est tiré du ministère public : les procureurs du roi, chargés de la
répression des infraction, doit, en principe, être un organe de la loi, le plus fidèle
exécutant des volontés du législateur dans un état de droit. Il y a une légalité des
peines et des infractions. On ne peut poursuivre que pour des infractions qui sont
prévues à l'avance dans le code pénal.
Nullum crimen sine lege ; nulla poena sine
lege.
Et pourtant, en pratique, prévaut le principe d'opportunité des poursuites : il
appartient aux représentants du ministère public de faire le tri parmi les infractions
qui viennent à sa connaissance. Il suit une politique répressive qui permet
notamment d'éviter un engorgement. Il est légitime, admissible, qu'une certaine
sélection s'opère. On décide aujourd'hui que les abus sexuels sur les enfants est
un problème numéro 1 ; mais la consommation non problématique de stupéfiant
soit dans le bas de la pile et qu'on ne s'en occupe pas. Mais on a contrôlé et
aménagé cette opportunité des poursuites, sinon l'égalité devant la loi poserait
problème. Il y a des mécanismes de régulation. On assiste là une boucle étrange
intéressante. Cette boucle étrange a même fait des émules puisque le législateur a
aligné le droit sur le fait.