66
Connaître | N° 36-37 | décembre 2011
Quelques promesses philosophiques des neurosciences
Les problèmes relevant des implications éthiques des neurosciences ont
longtemps constitué le domaine privilégié des philosophes et de ceux qui
utilisaient la philosophie comme une servante (les théologiens). Ils ont ceci de
particulier que les progrès des neurosciences nous obligent à les poser à
nouveaux frais, vu les données dont nous disposons à présent. Certains auteurs
sont très optimistes; d’autres sont sur la défensive ou, du moins, pensent que
les neurosciences n’apportent rien de fondamentalement nouveau. C’est
d’ailleurs bien la question qu’il faut poser, et pour y répondre, j’examinerai
successivement quatre problématiques neuroéthiques de nature philosophique:
1° le dualisme psycho-physique, 2° la nature de l’amour, 3° la nature de
l’éthique et 4° l’amélioration de l’être humain. Mais auparavant, et pour
introduire le sujet, j’aimerais l’illustrer par quelques prises de position,
généralement plutôt optimistes.
Dans un style simplement descriptif, Paul Root Wolpe relève que
« l’affirmation que les neurosciences peuvent nous dire quelque chose
concernant l’existence ou la non existence de l’âme est précisément le genre
d’affirmation qui rend les auteurs religieux nerveux. »12 Méfiance chez
certains, enthousiasme chez d’autres. Sur la question du déterminisme, dans un
article que j’ai écrit avec Alex Mauron, nous affirmons que « si tout
événement qui a une influence sur notre comportement peut seulement l’avoir
à travers quelque événement cérébral, si tout événement cérébral est déterminé
par des chaînes causales d’événements, et si tout état mental est un état
cérébral, alors le neurodéterminisme est identique au déterminisme tout court
appliqué aux actions humaines. En conséquence, pour la première fois dans
l’histoire, nous sommes à même d’observer le déterminisme tout court au
travail dans notre vie mentale. »13 L’idée est la suivante : le déterminisme tout
court, à savoir le déterminisme physique qui règne dans notre monde, doit être
12 P. Wolpe, « Religious Responses to Neuroscientific Questions », in J. Illes, dir.,
Neuroethics, p. 292.
13 B. Baertschi & A. Mauron, « Genetic Determinism, Neuronal Determinism, and
Determinism tout court », in J. Illes & B. Sahakian, dir., Oxford Handbook of
Neuroethics, Oxford, OUP, 2011, ch. 9 (sous presse).