Architecture, design urbain et architecture de paysage (Japon, Kobe

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AMÉNAGEMENT CONTEMPORAIN AU JAPON,2009
Alexie Gauthier-Bertrand et Jean-Michel Bédard
Travail présenté à Philippe Poullaouec-Gonidec
APA 4300 – Processus et design
Kobe-Aménagement du paysage urbain
Table des matières
TABLE DES MATIÈRES
1
Introduction
2
Méthodologie de recherche
3
Analyse diachronique
4
Contextualisation
9
Caractéristiques contemporaines de l’aménagement
14
Espaces de sociabilité au Japon
17
Projets contemporains d’espace public
25
Projets contemporains d’architecture
42
Tableaux synthèse des caractéristiques des projets
44
Enjeux contemporains d’aménagement
48
Conclusion
49
Bibliographie
Introduction
INTRODUCTION
Le Japon actuel est un pays qui possède une forte identité architecturale, s’inscrivant
comme puissance mondiale. La nation japonaise a su faire ressortir son potentiel
d’adaptation face à de nombreuses influences à travers son histoire. Aujourd’hui, l’archipel
fait face à de sérieux problèmes reliés au manque d’espace et à une majorité de sa
population regroupée sur 5% du territoire. Ce contexte démographique pose de
nombreuses questions sur la façon de concevoir l’espace dans le futur.
Le dossier thématique s’amorce avec un historique de l’aménagement au Japon afin de
replacer les enjeux contemporains en contexte. Les caractéristiques de l’aménagement
japonais sont par la suite évoquées et expliquées, suivies d' une étude primaire sur les lieux
de sociabilité au Japon. Par la suite, différents projets d'aménagement contemporain au
Japon sont analysés. Les projets sont divisés en deux parties, soit les projets d’espaces
publics en milieu urbain puis les propositions architecturales. Finalement, à la lumière de
ces analyses, nous tentons de comprendre les enjeux d'aménagement contemporain au
Japon.
1
Méthodologie de recherche
MÉTHODOLOGIE
ENJEUX GLOBAUX
Notre démarche de projet est de type
empirique. Une première lecture rapide nous
à permis de comprendre certains enjeux
globaux présents au Japon actuellement,
comme le manque d’espace ainsi que le coût
élevé des terrains en milieu urbain. Nous
avons également relevé des caractéristiques
frappantes de l’architecture japonaise
contemporaine. Ensuite, une lecture plus
approfondie de livres, périodiques, magazines,
monographies et sites internet nous a permis
de mieux comprendre le sujet et de cibler des
projets. Ces projets ont ensuite été analysés,
et des enjeux liés plus particulièrement à
l’aménagement ont découlé de ces
recherches. Nous avons pu établir des liens
entre l’histoire, les caractéristiques générales,
le contexte actuel et les projets analysés.
REVUE
PROJETS
LITTÉRAIRE
CARACTÉRISTIQUES
PROJETS
CONTEMPORAINS
CARACTÉRISTIQUES DE PROJETS
ENJEUX D’AMÉNAGEMENT
2
Contextualisation
CONTEXTUALISATION
L'histoire de l'aménagement au Japon est étroitement liée à son histoire politique et
économique. Elle est aussi faite, comme la culture nipponne de manière plus générale,
d'emprunts et de réappropriations. La fin du XIXe siècle à été particulièrement marquée
par toutes sortes d'influences européennes : la première structure en métal du Japon, soit
le pont de Yokohama en 1869, est d’influence française, de la brique d’influence classique à
été utilisée lors de la reconstruction de Tokyo en 1873, l’utilisation de la brique rouge et
d'ornementations de style renaissance vers 1890 a dénoté l’influence allemande et les
premiers gratte-ciels à l'américaine ont été érigés entre 1905-1920.
Le groupe Sécession est un groupe formé en 1920 principalement par des étudiants qui
remettent en question le style éclectique, alors enseigné dans les écoles. Le groupe,
influencé par le sécessionnisme viennois et l’expressionisme, relance le débat sur
l’architecture perçue comme un art et s’interroge sur la création d’une nouvelle
architecture inspirée de la tradition. Trouvant cette approche trop orientée sur l’art pour
l’art, Yamaguchi Bunzô fonde le groupe des créateurs en 1923, plus orienté vers le
rationalisme et le fonctionnalisme. Ces groupes permettent de libérer l’architecture, alors
enfermée dans l’éclectisme. Un autre événement important y contribue, soit le
tremblement de terre de Tokyo de 1923. Cette catastrophe montre l’inefficacité des
matériaux occidentaux, soit la brique, et traditionnels, soit le bois et la pierre, qui se voient
remplacés par la construction à charpente métallique plus résistante aux séismes1.
Dans les années 1930, les architectes s’interrogent sur les liens entre la tradition et le
mouvement moderne. Ce désir de renouer avec l’architecture traditionnelle se traduit
avec l’imitation de formes anciennes en utilisant des matériaux modernes. L’exemple du
mémorial du tremblement de terre réalisé en 1925 à Tokyo est frappant par sa structure
1
NUSSAUME, Yann, Anthologie critique de la théorie architecturale japonaise, le regard du milieu, Bruxelles, Art(s) des
Lieux, OUSIA, 2004, p.173
4
Exposition de 1922 du Groupe «sécession » –
Source: NUSSAUME, Yann, Anthologie critique
de la théorie architecturale japonaise, le regard
du milieu, Bruxelles, Art(s) des Lieux, OUSIA,
2004, p.184
Contextualisation
en béton, utilisée comme une structure en bois, coiffée d’un toit traditionnel de temple
japonais. Il y a, en même temps, des réflexions plus centrées sur l’essence de la tradition et
plusieurs architectes se rendent en Europe travailler avec Le Corbusier et Walter Gropius.
Ces approches novatrices laisseront pourtant place à l’architecture nationaliste, qui
devient plus importante avec la montée du fascisme2.
Après la deuxième guerre mondiale, le Japon est ruiné financièrement et les architectes
réalisent peu, mais en profitent pour réfléchir à la manière de reconstruire les grandes
villes détruites. En 1950, la guerre de Corée relance l’économie et le Japon se lance dans la
course à la modernisation et s’industrialise rapidement. La préfabrication devient
prédominante et permet de remplacer rapidement les maisons détruites. L’architecture est
influencée par les mouvements modernes occidentaux, surtout l’architecture rationnelle et
fonctionnelle. Le Centre de la Paix à Hiroshima, de Kenzo Tange, est caractéristique de
cette période. Selon le Professeur Suzuki Hiroyuki, « c’était un bâtiment idéal pour
promouvoir l’architecture moderne au Japon. Dans son projet, Tange faisait de surcroît
place à un nombre surprenant de caractéristiques reflétant la tradition originelle japonaise.
Il puisait dans l’architecture modeste et simple de l’architecture traditionnelle, le style
shoin des bâtiments du Palais détaché de Katsura, à Kyoto. Par cette volonté, il semble
que Tange souhaitait montrer que Katsura et le Mouvement de l’architecture moderne
avaient des caractéristiques communes, illustrées par l’exposition des éléments structurels
à l’extérieur, l’absence délibérée d’éléments de décoration extérieure et l’utilisation de
matériaux constructifs. 3 » Cet extrait montre que le Japon à été influencé par le
Mouvement moderne, mais en partie parce qu’il correspondait à certaines notions déjà
2
NUSSAUME, Yann, Anthologie critique de la théorie architecturale japonaise, le regard du milieu, Bruxelles, Art(s) des
Lieux, OUSIA, 2004, p.179
3
Idem, p.260
5
Mémorial du tremblement de terre,
1930, Tokyo, Ito Chuta – Source:
NUSSAUME, Yann, Anthologie critique
de la théorie architecturale japonaise,
le regard du milieu, Bruxelles, Art(s)
des Lieux, OUSIA, 2004, p.177
Musée de la paix, Hiroshima, 19501956 – Source: NUSSAUME, Yann,
Anthologie critique de la théorie
architecturale japonaise, le regard du
milieu, Bruxelles, Art(s) des Lieux,
OUSIA, 2004, p.258
Contextualisation
présentes dans l’architecture traditionnelle. Il montre que la volonté de fusionner
l’architecture traditionnelle aux mouvements occidentaux, toujours présente dans
l’architecture contemporaine, n’est pas nouvelle.
À partir des années 1955, l’architecture passe de rationnelle et fonctionnelle à pluraliste et
propose une vision plus expressionniste,, en partie liée à l’évolution des techniques de
construction. Il y a un engouement incroyable pour la technologie, qui semble offrir des
possibilités infinies. La fin des années 1950 est marquée par une densification rapide des
villes et amène à réfléchir
léchir aux projets de grande échelle. Les Métabolistes proposent des
bâtiments évolutifs conçus comme des organismes. Tout semblait possible à ce moment,
surtout dans la période de croissance miraculeuse que connaissait le Japon
Japon. Tokyo accueille
les Jeux Olympique 1964 et le nom de l’exposiition universelle d’Osaka de 1970 reflète bien
cet état d’esprit : « Progrès et harmonie pour l’humanité 4». Mais la technologie peut-elle
vraiment offrir une meilleure qualité de vie?
Les années 1970 sont marquées par le choc pétrolier de 1973 et la croissance négative du
PNB en 1974. L'optimisme des années 60 fait place à la déception. L'architecture moderne
est en crise et les gens réalisent que la technologie ne peut pas sauver le monde.
Parallèlement, les problèmes de pollution et de congestion urbaine se font de plus en plus
importants, les constructions aux formes étranges et les néons de toute sorte pullulent.
Les architectes réalisent que la ville ne peut être rationalisée et font la lecture du milieu
urbain commee étant redoutable, dense et chaotique. La solution : le rejet. La jeune
génération fait donc des projets, souvent à petite échelle, qui se ferment complètement
sur leur contexte5. C'est notamment le cas de Tadao Ando, qui réalise la maison Azuma en
4
NUSSAUME, Yann, Anthologie critique de la théorie architecturale japonaise, le regard du milieu
milieu, Bruxelles, Art(s) des
Lieux, OUSIA, 2004, p.271
5
6
Idem, p.347.
Nakagin Capsule
C
Tower, Kisho,
1970-72,
72, Tokyo
T
– Source :
blog.emy--design.com
Maison Azuma, Tadao Ando, 1976, Osaka
Source : NUSSAUME, Yann, Anthologie
critique de la théorie architecturale
japonaise, le regard du milieu,
milieu Bruxelles,
Art(s) des Lieux,
Lieux OUSIA, 2004, p.358
Contextualisation
1976.
76. Sa façade sur rue est un mur de béton, avec pour seule ouverture la porte. Au
centre, une cour intérieure, dont la traversée est inévitable pour changer de pièce. Cette
cour, qui s'ouvre sur le ciel, permet de renouer avec la nature, disparue dans le
développement
éveloppement sauvage de la ville, et de retrouver un peu de calme.
D’autres traits peuvent caractériser cette période. Chris Fawcett retient les quatre
suivants, soit «le refus d’associer progrès architectural et progrès technologique »,
« l’utilisation ironique des thèmes industriels », « un rejet des propositions d’architecture
publique à grande échelle », et « une forme dépendant d’accords culturels qui ne découle
pas de positions établies6 ». Parallèlement, des architectes se questionnent sur la tr
tradition
et la notion d’espace japonais. D’autres encore, face à la difficulté de définir des principes
universels d’aménagement, réagissent en créant de nouveaux langages et surajoutant des
ornements, engendrant des villes encore plus chaotiques7.
Les
es années 1980, sont marquées par une ouverture face au contexte urbain. Il y a une
reprise de l’économie et le Japon entre dans la « bulle spéculative » en 1985, ce qui fait
monter le coût des terrains. Une nouvelle lecture de la ville est faite : au lieu de la rejeter,
les architectes tentent de comprendre sa spécificité. Le désordre formel est comprit
comme signe de vitalité. Les bâtiments ont souvent une forte présence symbolique, en
réaction au manque de repères dans cette ville qui n’a plus de centre. Toyo Ito, par
exemple, met l’emphase sur l’aspect éphémère de la ville. Sa Tour des vents à Yokohama
(1986), par exemple, était recouverte de lumières dont l’intensité lumineuse changeait en
fonction du vent, à la lumière, les bruits. La forte croissance économique, combinée au
manque de réglementation, a permis l’édification de nombreux projets originaux, voire
bizarres.
6
NUSSAUME, Yann, Anthologie critique de la théorie architecturale japonaise
japonaise, le regard du milieu, Bruxelles,
Art(s) des Lieux, OUSIA, 2004, p.352.
7
Idem, p.353.
7
Coupe de la maison Azuma, Tadao Ando, 1976,
Osaka Source : NUSSAUME, Yann, Anthologie
critique de la théorie architecturale japonaise, le
regard du milieu,, Bruxelles, Art(s) des Lieux,
Lieux OUSIA,
2004, p.358
Agression face au contexte :
maison visage (1974), Yamashita
Kazuma Source : NUSSAUME, Yann,
Anthologie critique de la théorie
architecturale japonaise, le regard
du milieu, Bruxelles, Art(s) des
Lieux, OUSIA, 2004, p.356
La tour des vents. Yokohama.
Toyo Ito. 1986 - Source :
http://artbite.fr/Toyo-ITO.html
Origine
(1980-1981),
Shin
Takamatsu Source : NUSSAUME,
Yann, Anthologie critique de la
théorie architecturale japonaise, le
regard du milieu, Bruxelles, Art(s)
des Lieux, OUSIA, 2004, p.365
Contextualisation
À la fin des années 1980, la bulle spéculative éclate, freinant du coup l’excentricité et le
gaspillage. Le manque d’argent, la rareté et le coût des terrains obligent les architectes à se
questionner. Le tremblement de terre de Kobe et l’attaque au gaz sarin dans le métro de
Tokyo, qui surviennent en 1995, contribuent à montrer la vulnérabilité de la société
japonaise.
La nouvelle génération, qualifiée de Bow Wow en référence au groupe du même nom,
tente donc maintenant d’être plus sensible au monde extérieur, plus humble. L’atelier Bow
Wow, par exemple, s’intéresse à la vie quotidienne. Une nouvelle approche est proposée
pour construire la ville de demain : le dialogue.
8
Caractéristiques
ques contemporaines de l’aménagement
9
Caractéristiques contemporaines de l’aménagement
L’espace public et l’architecture contemporaine au Japon présentent certaines
caractéristiques récurrentes que les mots de la page précédente expriment. Nous
définiront ici les grandes lignes de ces caractéristiques, mais elles seront définies plus en
détails dans l’analyse des projets et dans la définition des enjeux contemporains.
Les projets ont souvent une esthétique minimaliste : formes épurées, matériaux lisses,
monochromes, clarté du plan. La structure n’apparaît pas, ou alors paraît insuffisante.
L’architecture, dans certains cas, semble bidimensionnelle, à peine plus élaborée que le
schéma initial. L’architecture a un aspect éphémère et léger.
La fluidité aussi est évidente. Il y a une grande transparence visuelle. Les projets proposent
aussi beaucoup de flexibilité et peuvent même être modifiables. La préfabrication est aussi
très développée au Japon.
Beaucoup de projets puisent, souvent dans la matérialité, les espaces ou le sens, dans
l’architecture traditionnelle japonaise, notamment la résidence ou le pavillon de thé. En
effet, il est essentiel de comprendre la base de la tradition pour comprendre
l’aménagement aujourd’hui. Nous définissons des notions de base qui permettront de
mieux comprendre les projets analysés.
Dans la philosophie orientale, le vide est important et permet de libérer l’esprit de la vie.
On peut associer ce vide à la notion de ma, qui est à la fois ouvert et fermé, public et privé,
continu et interrompu. Le ma n’existe pas uniquement en architecture, mais réfère
davantage à une pause dans le temps. C’est un espace intermédiaire, sans fonction précise,
qui aide à rejoindre un infini atemporel, et qui se retrouve souvent dans l’architecture sous
10
Caractéristiques contemporaines de l’aménagement
forme de vide 8 . La philosophie zen prône la simplicité et un refus des tendances
matérielles. Cette simplicité, traduite dans la maison de thé, est encore présente dans
l’esthétique minimaliste aujourd’hui9.
Le style sukya définit le pavillon de thé traditionnel et a été théorisé par Rikyu, maître de
la cérémonie de thé et architecte du 16e siècle, qui a tenté de traduire en architecture les
principes de la cérémonie, soit harmonie, pureté, tranquillité et simplicité 10 .
Architecturalement, le style sukya présente l’avant
l’avant-toit baissé au dessus d’une galerie
extérieure, l’utilisation de shojis et l’utilisation de clôtures pour délimiter le jardin. Les
shojis sont des parois de papier translucides qui délimi
délimitent l’espace, coulissent
généralement et filtrent la lumière. Les gens utilisent des tatami
tatamis posés sur le sol pour s’y
asseoir
oir et les proportions de base d’une maison de thé sont celles du tatami. Celui
Celui-ci
module la façade sur rue, les dimensions intérie
intérieures et l’espace entre les piliers
11
intérieurs .
Dans les maisons traditionnelles, il y a généralement un engawa. C’est un espace de
transition qui approche l’intérieur de l’extérieur généralement caractérisé par une
plateforme de bois extérieure protégée par l’avant
l’avant-toit, qui fait le tour de la maison12.
8
HIEN, Pham T., Abstraction and Transcendence : Nature, Shintai, and Geometry in the Architecture of Tadao
Ando, Dissertation.com, Cincinatti, 1998, p.9
9
AUPLING, Michel, Du béton et d'autres secrets de l'architec
l'architecture : sept entretiens de Michael Auping avec
Tadao Ando lors de la construction du Musée d'art moderne de Forth Worth
Worth, Paris, L’arche, 2007
10
MURATA N., A. BLACK, The japanese house architecture and interiors, Scriptum edition, Londres
11
Idem
12
AUPLING, Michel, Du béton et d'autres secrets de l'architecture : sept entretiens de Michael Auping avec
Tadao Ando lors de la construction du Musée d'art moderne de Forth Worth
Worth, Paris, L’arche, 2007, p.45
11
Shoji - Source : www.japononline.net
Caractéristiques contemporaines de l’aménagement
Ces caractéristiques se reflètent dans l’architecture aujourd’hui. L’
L’engawa, par exemple,
est toujours présent d’une manière renouvelée sous forme d’espace tampon. Cet espace
mêle privé et public, intérieur
ieur et extérieur, bâti et nature et génère des espaces de
rencontre. C’est une manière de travailler la relation au contexte et d’entrer en dialogue
avec l’environnement.
La relation entre l’espace intérieur et extérieur est une notion observable dans ll’espace
public urbain. La grande fluidité des façades de bâtiments vitrés en interaction directe avec
le jardin extérieur le démontre. Des jardins faits pour être contemplés, comme un tableau
peint sur une toile. La notion du vide, le ma,, est traitée dans l’ensemble des projets publics
observés. Parfois, l’architecte paysagiste tente de refermer l’espace sur lui
lui-même avec
une
ne végétation dense et abondante tandis que d’autres projets visent plutôt à ouvrir
l’espace de manière à ce que le cadrage soit inappa
inapparent.
Le refuge est une autre caractéristique identifiable à travers les projets de paysage urbain
au Japon. On ressent
ssent un désir des paysagistes de proposer des espaces publics séparés du
chaos urbain des grandes villes japonaises. Les espaces demeurent en lien avec les
bâtiments adjacents qui sont la plupart du temps des tours à bureaux, mais l’expérience
spatiale de ces lieux publics offre des ambiances associées au calme et à la sérénité.
Autrefois, les maîtres jardins au Japon avaient une grande sens
sensibilité dans leur façon de
modeler l’espace avec un profond respect avec la nature. Cette caractéristique
traditionnelle japonaise demeure d’actualité dans la création de lieux publics. L’expérience
sensorielle associée à la vie du jardin durant les quatre saisons est perçue et appréhendée
par les paysagistes japonais dans le traitement des végétaux, l’utilisation des couleurs
contrastantes ou le mouvement corporel du feuillage avec l’effet du vent. Cette expérience
12
Engawa
awa dans des constructions
traditionnelles
Source : MURATA N., A. BLACK,
The japanese house architecture
and interiors, Scriptum edition,
Londres
Caractéristiques contemporaines de l’aménagement
est aussi très présente dans l’architecture. Ce foisonnement des espaces lié une grande
sensibilité est à l’image d’une tradition des jardins japonais ancrée qui perdure toujours
dans l’aménagement contemporain.
13
Espaces de sociabilité au Japon
ESPACES DE SOCIABILITÉ AU JAPON
POCKETS PARKS
Les « Pocket parks » sont de tous petits endroits dispersés à l’intérieur de la
ville et sont la plupart du temps le résultat d’une formation éclectique du tissu
urbain. Parfois implantés sur un coin de rue, entre deux maisons ou dans une
cour arrière, ces espaces réduits font partie intégrale des espaces publics
urbains japonais.
« Landscape architecture cannot solve every problem but it can show the
benefits of private space as a forum for people to find out about themselves.
Landscape spaces can show people how to purify themselves trough touching
with nature, can show people that they are not alone. I think this should be our
approach in the next century. We don’t need to make huge megalomaniac
spaces of some idealized vision of the world, we need to make small places for
the individual13 ».
Pockets parks - Source : www.flick-r.com
LES INTERSECTIONS MAJEURES
Les intersections routières importantes au Japon deviennent des espaces publics très
fréquentés. Ces intersections sont des lieux de rencontre entre amis ou collègues du
bureau et deviennent des points focaux dans la ville. « La rue tend de plus en plus à
devenir un pack, un bloc à plusieurs étages qui raccorde des niveaux orographiques
Shibuya,Tokyo - Source : www.flick-r.com
13
David BUCK, Tradition, Technology, Society and Order in Japanese Design responding to the chaos, Londres,
2000, p.189.
14
Espaces de sociabilité au Japon
différents, mais qui, surtout, descend en profondeur à la recherche d’un espace de
plus en plus vital. »14
SAKARIBA
Au Japon, depuis l’arrivée des premières lignes de trains situées le long des fronts de
mer vers la fin de la période Edo (1600-1868), un phénomène social lié à la forte
population s’est créé dans les endroits favorisant la rencontre d’une foule d’individus,
surtout aux intersections de lignes de trains, les marchés, les bars ou les parcs. Les
japonais ont nommé ce phénomène sakariba. Ces attroupements se sont formé
d’individus marginaux contestant la hiérarchie sociale. Dès le départ, la notion de
liberté sociale est un point primordial de l’idéologie des sakaribas et les gens profitent
de cette latitude temporaire pour se divertir. Quelques 150 ans plus tard, les sakaribas
persistent toujours dans un contexte où la population a quadruplée. Ces contacts
sociaux sont plutôt perçus dans les grands centres commerciaux, parcs d’amusements
et à la rencontre de plusieurs lignes de métros ou de grandes intersections routières.
Encore aujourd’hui, la marginalité semble être un aspect caractéristique des sakaribas
actuels au Japon.
« Today the nodes are usually train stations, or rather complexes of interlinked stations,
such as the great subcenters of Shibuya, Shinjuku and Ikebukuro. There is nothing
mysterious about the sitting of Tokyo sakariba; urban geographers have studied them
closely, and can easily explain them in terms of modern location theory. The critical
point is that they are determined not by conscious and coordinated planning, but in
spontaneous response to the logic of transportation system and the marketplace. Like
14
15
SACCHI Livio, Tokyo Architecture et urbanisme, Milan, Flammarion, 2005, p.90.
Sakariba, Shibuya, Tokyo - Source : www.flick-r.com
Espaces de sociabilité au Japon
the Sumida River in Edo culture, they represent freedom from the structures of control
from above; they are the new "nature". Nowhere is the sense of waterlike flow and
change more pronounced than in the vast underground spaces that serve to unify the
largest of the stations into self-enclosed megastructures. »15
Sakariba, Shibuya, Tokyo - Source : www.flick-r.com
PARCS THÉMATIQUES
Les grands parcs thématiques constituent un chapitre à part au Japon. Tokyo
Disneyland à Urayusu, le Sanrio Puroland à Tama, Lala Port Ski Dome et le Tokyo Sea
Life Park que nous pouvons observer à notre droite sont tous des exemples de grandes
enceintes thématiques réalisées au Japon dans les vingt dernières années.
Tous ces parcs sont perçus par plusieurs comme de grandes réussites architecturales et
paysagères d’une haute qualité. Cette miniaturisation de vastes espaces naturels a été
une tendance durant les années 1990. Actuellement, les japonais apprécient ces
endroits et les fréquentent en grand nombre.
Parcs thématiques - Source : SACCHI Livio, Tokyo
Architecture et urbanisme, Milan, Flammarion, 2005,
p.90.
15
Henry D. SMITH, Sky and Water: The Deep Structures of Tokyo, in Tokyo: Form and Spirit, New-York, ed.:
Mildred Friedman, 1986, p.34.
16
Projets contemporains d’espace public
PROJETS CONTEMPORAINS D’ESPACE PUBLIC
HILLSIDE TERRACE
Hillside Terrace est un projet de développement urbain réalisé par la firme d’architectes
Maki and associates à Shibuya ward, Tokyo. Le concept évolutif a vu le jour en 1968 et
s’est concrétisé en 1998. Durant ces trente années, cinq phases de déploiement ont été
complétées, chacune d’entre-elles s’adaptant aux nouvelles demandes de
développement de la ville.
En 1967, le site était entièrement couvert d’une masse forestière avec de petites
maisons en bois sous les arbres appartenant à une seule et même famille. La croissance
rapide de Tokyo et l’escalade du prix des terrains ont poussé cette famille à réorienter
les usages du lieu et repenser le site pour conserver cette parcelle de terre à l’intérieur
du grand Tokyo.
Trois idéologies majeures sont ressorties entre les débuts de la planification à la
réalisation finale. La première était de synthétiser l’architecture moderne et
traditionnelle pour développer un plan stratégique qui présente une forte fluidité des
espaces. La seconde était d’assurer une relation constante entre l’intérieur et l’extérieur
pour établir un rapport stimulant et vivifiant d’un espace à l’autre. La troisième
idéologie consistait à définir un contact direct entre les façades et la rue. Cet interface
est vu comme un endroit potentiel pour activités de la rue.
« Hillside Terrace offers a case study in urban development as an evolutionary process.
The architecture has been realized incrementally, each phase changing with lessons
17
Plan d’ensemble - Source : Mariko TERADA et
Moriko KIRA, Japan. Towards Totalscape
Contemporary Japanese Architecture, Urban
planning
and
Landscape,Bruges,
NAI
Publishers, 2000, p.79.
Projets contemporains d’espace public
of the former, together incorporating new demands of the developing city 16».
ROPPONGI HILLS
Roppongi Hills est un vaste projet privé de redéveloppement urbain entouré d’importants
édifices gouvernementaux au cœur de Tokyo. Il a été édifié durant les années 2000-2002
dans le district de Roppongi. Les architectes du bureau Mori Building First Class, ayant
déjà réalisé une vingtaine de projets « skycrapers » au Japon, ont été les maîtres d’œuvre
du projet.
Le renforcement culturel de Tokyo a été un enjeu majeur dans l’élaboration des
intentions du projet de Roppongi Hills. « Taking advantage of its unique location, with
two future subway lines near the project site, the project’s identity as a new cultural
center will elevate Tokyo’s cultural profile 17». La typologie de bâtiments est très variée et
comrend théâtre, musée, chaîne de télévision (Asahi) , tours à bureaux et plusieurs tours
résidentielles. Ces bâtiments sont reliés par différents lieux publics. En fait, l’espace
« ouvert » représente 50% du secteur pour permettre des déplacements fluides et
efficaces dans un environnement rafraîchissant et sécuritaire. Cette centralisation de
fonctions à l’intérieur de zones restreintes s’inscrit dans une tendance actuelle au Japon,
où densifier en hauteur est une réponse efficace dans la ville. Le manque d’espace et le
coût élevé du prix des terrains sont des enjeux qui définissent le Japon actuel et Roppongi
Hills est une réponse à la situation urbaine de l’archipel. « Promoting central city housing
16
Mariko TERADA et Moriko KIRA, Japan. Towards Totalscape Contemporary Japanese Architecture, Urban
planning and Landscape,Bruges, NAI Publishers, 2000, p.79.
17
Idem, p.75.
18
Vue axonométrique - Source : Mariko TERADA
et Moriko KIRA, Japan. Towards Totalscape
Contemporary Japanese Architecture, Urban
planning and Landscape,Bruges, NAI Publishers,
2000, p.75.
Projets contemporains d’espace public
and creating multipurpose cities where workplaces and residences are nearby will be the
key to revitalizing Tokyo18».
LE JARDIN MOHRI
Le jardin Mohri est un jardin traditionnel inscrit comme patrimoine historique du Japon.
Il est situé à l’intérieur du complexe Roppongi Hills et constitue un des nombreux
espaces publics présents sur le site.
Terminé en 2006, le jardin, comme le plan d’ensemble, est conçu par le bureau
d’architectes Mori Building First Class. Son contexte historique et symbolique lui assure
une préservation constante à travers le temps malgré la densification urbaine intensive
de Tokyo. Le jardin Mohri a vu le jour en 1648 et est situé sur le site d’un ancien temple
du seigneur Edo (ancien nom de la capitale japonaise Tokyo). Le lieu évolue au fil des
ans et certaines espèces d’arbres ont aujourd’hui plus de 200 ans. Un plan de
sauvegarde de la plantation a est réalisé pour protéger différentes arborescences
considérées comme symboliques. Une vie sauvage est présente dans tout le jardin. Le
rapport à la tradition est conservé. En effet, le parcours à pied, selon les croyances
religieuses japonaises, permet d’élever son esprit à la mémoire des paysages terrestres
du Japon. Le thème des quatre saisons est représenté et traité dans le jardin avec une
végétation spécifique qui accentue les qualités paysagères du site au fil des saisons. Le
cerisier, ginkgo, enokicho, eunhaeng et l’arbre de camphre ponctuent l’espace. Ces
arbres assurent une diversité de couleurs stimulantes et vivifiantes changeantes au fil
des saisons.
18
Mariko TERADA et Moriko KIRA, Japan. Towards Totalscape Contemporary
Japanese Architecture, Urban planning and Landscape,Bruges, NAI Publishers,
2000, p.74.
19
Plan d’ensemble - Source : www.roppongihills.com
Le changement des saisons - Source :
www.roppongihills.com
Projets contemporains d’espace public
Le jardin Mohri est un endroit propice pour se libérer de l’agitation urbaine et faire une
promenade
menade dans un lieu tranquille en présence d’une végétation abondante. Cette notion
de refuge dans la ville est une fonction primordiale des espaces publics contemporains au
Japon.
NAGASAKI PROJECT
Le projet Nagasaki a été créé en 1999 par l’architecte Dai Nagasaka et le bureau Mega. La
proposition vise le recyclage de l’espace urbain
in existant de la préfecture Nagasaki.
Le site, dans une vallée, est caractérisé par u
une pente et est un secteur résidentiel de
Nagasaki. Malgré la proximité du centre, la topographie et le manque d’accessibilité
représentent des obstacles majeurs aux déplacements fluides et efficaces. « Access to the
area is by means of narrowly terraced alleys
lleys and intermittent stairway ; car are not be able
19
to pass through ».
Les architectes proposent un schéma d’habitations
habitations à un ou deux étages qui suivent la
pente naturelle, où le toit devient une terrasse de manière à ce que les citoyens puissent
profiter
iter au maximum de la superficie habitable des terrains et profitent d’un contact avec
la nature. Laa faible hauteur du bâti permet de conserver les vues et de dégager l’espace. LLe
projet est évolutif et a nécessité un engagement collectif pour répondre aux besoins
parfois spécifiques des populations locales. « It is also possible to make choices on how to
manage the area as a publicly managed housing area or as a collectively managed
effort. »20
19
Mariko TERADA et Moriko KIRA, Japan. Towards Totalscape Contemporary Japanese Architecture, Urban
planning and Landscape,Bruges,
Bruges, NAI Publishers, 2000, p
p.135.
20
Idem
20
Plan d’ensemble et coupe - Source :
Mariko
o TERADA et Moriko KIRA, Japan.
Towards Totalscape Contemporary
Japanese Architecture, Urban planning
and Landscape,Bruges,
Landscape,
NAI Publishers,
2000, p.135.
Projets contemporains d’espace public
« The objects of the recycling are the site condition/topography and the residents
rights/land rights. »21
KEYAKI PLAZA
Keyaki plaza est une place publique située au cœur du grand Tokyo. Située dans la
quartier de Saitama, elle a été réalisée par les architectes paysagistes Yoji Sasaki et
Peter Walker en 2000. Le projet a fait l’objet d’un concours en 1994 et son mandat
consistait à intégrer un carrefour piétonnier de masse pour décongestionner d’autres
districts voisins où la circulation devenait problématique.
Sa composition minimaliste propose l’élaboration d’une grille d’arbres formelle et
orthogonale. Cette place s’inscrit dans un contexte urbain marqué de nombreuses
tours à bureaux, logements résidentiels et commerces. L’endroit procure un
environnement calme qui sert de refuge aux travailleurs face à la cacophonie urbaine.
Malgré ce plafond de végétation créé par les 220 zelkovas (arbre identitaire des
anciens temples japonais), une grande fluidité transparait à l’échelle humaine, toute
l’esplanade est implantée sur un seul niveau et permet aux utilisateurs de se situer
spatialement. Ce projet montre que le vide est un élément clé lors de la réalisation
d’espaces au Japon, il permet l’entrée de rayons solaires et au vent. Cette sensibilité
japonaise se traduit aussi à Keyaki plaza par un souci d’expérience spatiale et de
qualités paysagères changeantes au fil des saisons. La notion sensible d’ouverture et
de fermeture présente au Japon est aussi travaillée. Le lieu est refermé par une
21
Mariko TERADA et Moriko KIRA, Japan. Towards Totalscape Contemporary Japanese Architecture, Urban
planning and Landscape,Bruges, NAI Publishers, 2000, p.135.
21
Plan d’ensemble et coupe - Source :
www.pwpla.com
Changement des saisons – Source :
www.pwpla.com
Projets contemporains d’espace public
ombrelle de végétation de façon à tranquilliser cette place publique surélevée de
cinq étages.
Un bâtiment vitré à quatre tours est situé au sud-est du plan d’ensemble de Keyaki
plaza. Il fait le lien entre le rez-de-chaussée et l’esplanade au cinquième étage. Le
dialogue entre la place et le bâti est un facteur notable dans la conception du lieu. En
fait, le lien entre extérieur-intérieur est mis de l’avant dans l’aménagement
contemporain au Japon et Keyaki plaza est un beau modèle de transparence et de
fluidité entre place publique et architecture.
Dialogue intérieur-extérieur et contexte immédiat Source : www.pwpla.com
NTT SHINJUKU HEADQUARTERS BUILDINGS
NTT Headquarters est situé devant une tour à bureau et propose un vaste espace
ouvert dans la ville de Tokyo. Le projet s’est concrétisé en 1995 et fut réalisé par
Masahiro Soma et Diana Balomori. Au Japon, ces espaces publics où de nombreux
travailleurs se rencontrent, se reposent ou discutent sont des lieux publiques
fréquentés quotidiennement. La qualité des espaces à proximité du lieu de travail est
d’actualité au Japon. De nombreuses tours à bureaux possèdent une place publique
en lien direct avec le hall d’entrée et cette notion de proximité avec lieu de travail au
Japon est très différente avec celle de l’Occident. Les japonais dorment au travail
parfois toute la semaine et rentrent à la maison la fin de semaine. D’où cet intérêt de
produire un espace de travail à l’image du bien-être que pourrait procurer la maison.
Plan d’ensemble - Source : Diana Balmori,
Process architecture, Diana Balmori :
Landscape works, 1998, p.62.
L’idée maîtresse des architectes paysagistes lors de la composition de la place était
de représenter la transition du naturel à l’artificiel. Le degré de transformation se fait
Naturel-Artificiel - Source : Diana Balmori,
Process
architecture,
Diana
Balmori :
Landscape works, 1998, p.62.
22
Projets contemporains d’espace public
à partir d’éléments naturels à l’état brut ou modifié. Le dialogue des éléments est un
aspect réfléchi de la place. Il s’agit ici de modeler la matière pour faire interagir ces
fragments de nature et ressentir cette transition du naturel à l’artificiel.
« A plaza for high-tech displays; a treed space for public use, a generous open space
in the context of densily built Tokyo22. »
IBM JAPAN MAKUHARI BUILDING GARDEN
Espace ouvert - Source : Diana
Balmori, Process architecture,
Diana Balmori : Landscape works,
1998, p.62.
Le jardin du siège social d’IBM à Makuhari a été réalisé par Peter Walker, un
architecte paysagiste influant dans l’aménagement des espaces au Japon, en 1997 à
Chiba. « Walker, très actif au Japon, est même considéré comme le véritable
rénovateur de la tradition paysagère japonaise. »23
Makuhari garden est en lien direct avec l’entrée et le pourtour d’un gratte-ciel. En fait,
le jardin est conçu dans une optique où il doit être vu lorsqu’on se promène au rezde-chaussée dans le bâtiment. Ce fort dialogue entre extérieur-intérieur est encore
une fois traité dans ce projet. Le jardin est produit pour être contemplé. L’espace
propose une série de thèmes qui se suivent de manière à proposer différentes visions
paysagère lors du passage de la cafétéria à la salle de réunion. La pierre, l’eau, le
gravier et l’utilisation du bambou sont présentés comme des rappels d’éléments
historiques des jardins japonais. Peter Walker a une conception plutôt intéressante
22
23
23
Diana Balmori, Process architecture, Diana Balmori : Landscape works, 1998, p.64.
SACCHI Livio, Tokyo Architecture et urbanisme, Milan, Flammarion, 2005, p.146.
Plan d’ensemble - Source : www.pwpla.com
Thèmes - Source : www.pwpla.com
Projets contemporains d’espace public
de cet espace : « Peter Walker conceived the serial garden of Makuhari as a
landscape equivalent to the computer punch card, a design in which patterns equates
with information24».
La prédominance d’un vert éclatant propose une articulation intéressante avec la
lumière. Le reflet du bâtiment et de sa structure à la surface de l’eau du bassin
renforce le lien entre intérieur-extérieur et les tilleuls disposés dans l’espace tamisent
la lumière du soleil qui pénètre le lieu. Les jeux de lumière sont aussi traités la nuit
puisqu’un segment linéaire de lumière artificielle traverse l’entité du jardin et toutes
ses subdivisions thématiques, offrant ainsi une continuité visuelle.
L’abstraction et la composition géométrique de Makuhari Garden ont été deux
éléments clés du projet. Peter Walker le compare à un tableau qui pourra être
contemplé et vu à l’intérieur comme à l’extérieur du gratte-ciel.
24
24
Peter WALKER, 1 octobre 2009, http://www.pwpla.com/prj_project_details.php?prjid=20
Segment lumineux
www.pwpla.com
et
reflet
-
Source :
Projets contemporains d’architecture
PROJETS CONTEMPORAINS D’ARCHITECTURE
HOUSE N
House N (2008), de Sou Fujimoto, est un projet résidentiel qui remet en question la notion
d’intérieur et d’extérieur. Située dans la préfecture de Oita, dans un quartier résidentiel, la
maison est composée de trois volumes emboîtés l’un dans l’autre. L’espace entre le
volume externe et le second volume est en partie extérieur et comporte des jardins, une
terrasse et l’espace de stationnement. Le second interstice et le volume central sont
intérieurs et sont occupés par les différentes pièces. Chaque volume blanc comporte
plusieurs ouvertures, dans les murs mais également le toit, comme autant de fenêtres
ouvertes sur le ciel. Fujimoto ne propose pas qu’une fenêtre comme contact entre
l’intérieur et l’extérieur, mais une multitude, comme le montre le schéma à droite. Ces
ouvertures multiples rendent ambigües les relations entre intérieur et extérieur. Elles
créent des liens entre intérieur et extérieur, mais aussi entre intérieur et intérieur, entre
extérieur et extérieur. Elles créent, par leur superposition, une profondeur et de nouvelles
perspectives. En regardant à travers une fenêtre vers l’intérieur du projet, depuis la rue, on
voit un arbre ou une voiture. L’environnement infiltre la résidence. Le jardin semble dans
la maison, puisqu’il est dans un volume, et l’espace de vie, le lit, la table à manger,
semblent être à l’extérieur. Est-ce le jardin qui est dans la maison ou l’inverse? Il n’y
aucune différence spatiale. L’activité quotidienne se déroule désormais dans un espace
d’entre-deux. Cela montre une extériorisation de la maison. Le premier interstice depuis la
rue agit comme une zone tampon, et peut référer à l’engawa, cette zone ni extérieure, ni
intérieure de l’architecture traditionnelle.
House N dans son quartier – Source:
http://www.archdaily.com/7484/house-nsou-fujimoto/
Schéma de la fenêtre – Source: Japan
Architect no. 74, p.29
Schéma intérieur-extérieur – Source:
Japan Architect no. 74, p.29
25
Projets contemporains
ns d’architecture
Sou Fujimoto considère l’architecture comme une ouverture spatialisée
spatialisée, et la fenêtre est
une notion importance pour lui:
« Finally, because the window is the element in architecture that mediates a great many
relationships the most
ost complexly, including human relationships and those between the
building and the city, I find fascinating the thought of conceiving a new architectural
format from the window. 25»
Fi
Ces fenêtres multiples sont autant de point de rencontre et de dialogue, d’ouvertures sur
la ville, sur la nature, sur le passant ou sur la vie se déroulant à l’intérieur. C’est un
bâtiment ouvert sur son contexte, d’une grande porosité, qui favorise une sociabilité avec
le voisinage.
Plan et coupe – Source: Japan Architect
no. 74, p.28
Ambiguïté des espaces – Source: www.archdaily.com
25
« Dialogue : Window, Interior, Exterior – On the question of What should decide windo
window charater.
Yoshiharu Tsukamoto x Sou Fujimoto » (hiver 2009), entrevue avec Yoshiharu Tsukamoto et Sou Fujimoto,
Japan Architect, no 72, p.12.
26
Élévation: relation à la nature – Source:
www.archdaily.com
Projets contemporains d’architecture
GIFU KITAGATA APARTMENTS
L’ensemble
ensemble de logement collectif Gifu Kitagama (1994
(1994-2000, Gifu), de Kazuyo Sejima,
s’inscrit dans un projet plus grand dont le plan d’ensemble à été fait par Arata Izosaki.
Quatre ensembles de logement, chacun réalisé par une femme, se situent en périphérie du
site afin de dégager l’espace central et d’en faire un espace commun26.
Le projet de Sejima comporte onze étages et est très mince, sa largeur correspondant à
une unité. Le bâtiment est sur pilotis, dégageant ainsi un espace de stationnement et
créant
nt une plus grande perméabilité entre la rue et l’espace central. Les escaliers sont
apparents en façade afin de dynamiser l’ensemble, qui pourrait sembler très massif.
Le bâtiment est préfabriqué et a une structure régulière. Chaque unité est définie p
par cette
structure, et l’unité ne représente pas un appartement, mais bien une pièce. En effet,
comme Kazuyo Sejima l’explique, elle veut redéfinir le concept d’unité, qui ne correspond
plus aujourd’hui à l’unité familiale telle que décrite par Le Corbusie
Corbusier dans l’unité
d’habitation de Marseille, projet qui l’a influencé dans le sens où elle base son architecture
sur les prémisses du modernisme. Les logements doivent désormais accueillir différents
groupes sociaux, tels que les étudiants en colocation, les amis choisissant de vivre
ensemble ou les couples non mariés. En considérant chaque pièce comme unité, elles
peuvent être agencées différemment et convenir à plusieurs modèles familiaux27.
26
27
Albert FERRÉ et Tomoko SAKAMOTO, Kazuyo Sejima in Gifu
Gifu, Barcelone, Actar, 2001.
David BUCK, Tradition, Technology, Society and Order in Japanese Design responding to the chaos
chaos, Londres,
2000, p.101.
27
Plan d’implantation - Source: Albert FERRÉ et
Tomoko SAKAMOTO, Kazuyo Sejima in Gifu,
Barcelone, Actar, 2001.
Unités d’habitations de
Marseille, Le Corbusier –
Source :www.theurbanea
rth.wordpress.com
GIFU KITAGATA APARTMENTS,
APARTMENTS vue de la façade
sud - Source : Yuko
Yuk HASEGAWA, Kazuyo Sejima
et Ryue Nishizawa,
ishizawa, SANAA,
SANAA Milan, architecture,
Electaarchitecture,
ctaarchitecture, 2006,
2006 p.171.
Projets contemporains d’architecture
Chaque logement comprend une cuisine, une terrasse, une ou plusieurs chambres et une
pièce avec tatamis. En plus d’augmenter la flexibilité pour ses habitants, les différents
agencements possibles de cellules permettent d’avoir une variété de logements, dont
certains sur 2 étages, et de dynamiser la façade puisque la coupe est visible en façade.
Les différentes cellules d’un même logement sont réunies par la « sunroom » ou engawa,
un corridor complètement vitré au sud. Chaque pièce peut s’ouvrir sur cet espace ou se
refermer pour une plus grande privacité. Les pièces de vie s’ouvrent également sur la
coursive, ce qui permet de mélanger privés et public et de favoriser les interactions
sociales. La coursive devient une zone tampon, entre le privé et le public, renvoyant
l’engawa traditionnel, cet espace d’entre-deux. Sejima critique de cette façon l’espace
public tel que proposé par le gouvernement, qui réfère davantage au square occidental, et
qui selon elle ne fonctionne pas et n’est pas ancré dans la culture japonaise28.
Une autre notion importance est le contact direct avec l’extérieur. Chaque logement a une
terrasse, véritable pièce extérieure. Le jardin, fondamental dans la société japonaise, a
trop souvent disparu dans les grandes villes, et Sejima croit qu’il est nécessaire à la vie
quotidienne et le réinterprète. La nature entre donc dans la vie quotidienne par le biais de
l’air frais, du vent, de la température extérieure, du soleil. Il est intéressant de noter que la
laveuse et la sécheuse sont installées sur la terrasse, ce qui en fait un véritable espace de
vie. Cette terrasse traverse le bâtiment, ce qui crée un lien visuel entre l’avant et l’arrière
Pr.fabrication et variété en coupe - Source:
Albert FERRÉ et Tomoko SAKAMOTO,
Kazuyo Sejima in Gifu, Barcelone, Actar,
2001.
Utilisation de la terrasse comme espace de
vie - Source: Albert FERRÉ et Tomoko
SAKAMOTO, Kazuyo Sejima in Gifu,
Barcelone, Actar, 2001.
28
David BUCK, Tradition, Technology, Society and Order in Japanese Design responding to the chaos, Londres,
2000, p.101.
28
Projets contemporains d’architecture
et une porosité dans le volume. De plus, ces terrasses donnent sur la circulation collective,
favorisant l’échange29.
Les appartements Gifu traduisent la vision du monde de Kazuyo Sejima, qui s’intéresse
avant tout aux gens. Elle croit en effet que de nouveaux groupes sociaux peuvent naître, et
que le logement doit être redéfini pour les accueillir. Elle croit aussi en la nécessité de
favoriser les contacts humains et d’offrir une liberté spatiale aux gens dans cette société
trop hiérarchisée30. C’est un projet qui renouvelle l’approche à l’industrialisation et qui
montre que préfabrication n’est pas nécessairement synonyme de répétition et monotonie.
C’est un projet qui pose un regard plein d’humanité sur le logement collectif, en
introduisant des notions de liberté, de rencontre, de contact entre les gens, la nature, la
ville.
Engawa, pièce fermée et ouverte – Source: Albert FERRÉ et Tomoko
SAKAMOTO, Kazuyo Sejima in Gifu, Barcelone, Actar, 2001.
29
Yuko HASEGAWA, Kazuyo Sejima + Ryue Nishizawa, SANAA, Milan, architecture, Electaarchitecture, 2006,
p.171.
30
David BUCK, Tradition, Technology, Society and Order in Japanese Design responding to the chaos, Londres,
2000, p.101.
29
Espaces tampons – Source: Albert FERRÉ et
Tomoko SAKAMOTO, Kazuyo Sejima in Gifu,
Barcelone, Actar, 2001.
Coursive – Source: Albert FERRÉ et Tomoko
SAKAMOTO, Kazuyo Sejima in Gifu,
Barcelone, Actar, 2001.
Projets contemporains d’architecture
MAISONS EN TUBES DE CARTON
Sieur Ban a développé une façon originale de construire en carton. Cet architecte a
commencé à s’intéresser à cette pratique lors du montage d’une exposition, en réalisant le
potentiel des tubes de carton dans lesquels étaient emballés les divers éléments. Il a donc
réfléchi à la façon de réutiliser les matériaux et de tirer parti de leurs qualités dans une
optique écologique. Il est également impliqué dans plusieurs causes humanitaires. Shigeru
Ban, en collaboration avec l’ingénieur Gengo Matsui, à réussit à élaborer un mode de
construction basé sur les propriétés du carton recyclé, matériau fragile mais qui peut
révéler d’étonnantes propriétés tectoniques31.
L’utilisation du carton s’inscrit dans la tradition architecturale japonaise, qui utilise déjà le
bois et le papier, et de manière plus générale les matériaux simples et humbles. David Buck
note que les projets de Shigeru Ban s’inscrivent tout à fait dans le contexte japonais, qui a
toujours eu une tendance pour les matériaux naturels, les préoccupations
environnementales, le besoin de nouveauté et la reconstruction constante de la ville
japonaise32. C’est une réflexion critique que l’architecte porte sur la courte durée de vie
des bâtiments et ceux qu’il propose ont l’avantage d’accepter leur condition éphémère et
d’être recyclables.
Shigeru Ban défini sa relation à la tradition non pas par une copie des styles mais bien de
l’esprit, soit par les matériaux, la flexibilité de l’espace et l’esprit de l’espace, qui
représentent pour lui l’essence même de l’architecture japonaise qu’il réinterprète dans
ses projets.
31
MCQUAID Matilda, Shigeru Ban, Paris, Phaidon, 2004, p.15
BUCK David N., Tradition, technology, society and order in japanese design responding to chaos, London,
Spon Press, 2000, p.124.
32
30
Plan d’une maison – Source: MCQUAID
Matilda, Shigeru Ban, Paris, Phaidon, 2004,
p.37
Maisons en tubes de carton à Kobe –
Source: MCQUAID Matilda, Shigeru Ban,
Paris, Phaidon, 2004, p.37
Projets contemporains d’architecture
Après le tremblement de terre de Kobe, en 1995, Shigeru Ban propose de construire des
maisons en carton et une église pour les réfugiés vietnamiens. L’enjeu était de construire
rapidement, au moindre coût, des abris temporaires et confortables.
La maison type est de 16 m2, les murs et le toit sont constitués de tubes de carton, avec un
ruban de mousse entre les tubes pour assurer leur étanchéité. Les fondations sont en
caisses de bière remplies de sable, autre exemple de recyclage. Les maisons ont été
construites par des bénévoles pour un coût de 250 000 yens, soit 3000 dollar canadien, et
nécessitaient huit heure de montage33.
Construction des maisons en tubes de
carton – Source: MCQUAID Matilda, Shigeru
Ban, Paris, Phaidon, 2004, p.37
Coupe et axonométrie éclatée d’une maison – Source:
MCQUAID Matilda, Shigeru Ban, Paris, Phaidon, 2004, p.37
33
31
MCQUAID Matilda, Shigeru Ban, Paris, Phaidon, 2004, p.38
Projets contemporains d’architecture
L’église de carton à aussi été construite suite au séisme de Kobe pour remplacer l’église
Takatori et pour servir de lieu de culte mais aussi de rassemblement. La façade est
constituée de panneaux translucides de polycarbonate et peut s’ouvrir pour accueillir plus
de gens et pour ventiler. L’arrière de l’autel est défini par des tubes de carton rapprochés,
qui s’espacent graduellement par la suite pour créer une perméabilité. Le toit est constitué
d’une toile translucide qui filtre la lumière34.
L’autel et le contexte immédiat – Source: MCQUAID Matilda, Shigeru Ban,
Paris, Phaidon, 2004, p.45
34
32
MCQUAID Matilda, Shigeru Ban, Paris, Phaidon, 2004, p.44
Plan et coupe de l’église
– Source:
MCQUAID Matilda, Shigeru Ban, Paris,
Phaidon, 2004, p.45
Projets contemporains d’architecture
ORGAN
Organ (1994-1995) est un bâtiment conçu par la firme d’architecture FOBA (Katsu
Umebayashi) pour accueillir leurs bureaux. Il se situe à Kyoto, à Uji City, en périphérie de la
ville, où cette dernière se dissout dans la campagne.
Le volume du bâtiment est un tube rectiligne continu, dont le trajet répond aux forces
intérieures et extérieures. C’est un tube travaillé comme un système ouvert et évolutif,
inachevé, pouvant au besoin être allongé. Le projet a été conçu comme un prototype de
bureau afin de créer une alternative au bureau conventionnel. Katsu Umebayashi propose
donc un intérieur fluide et continu, sans divisions intérieures. Il y a un mélange des espaces
servis et servants, de la circulation et des usages35. Une deuxième phase (1995-1996) a été
ajoutée par la suite, laissant un espace vide entre les deux parties afin de créer un espace
public.
Croquis conceptuel – Source : Katsu
UMEBAYASHI et Thomas DANIELL, FOBA /
Buildings, New York, Princeton Architectural
Press, 2005, p.122.
C’est un projet qui s’inscrit dans l’histoire architecturale japonaise et contemporaine en
revisitant d’une manière originale plusieurs courants. Selon Thomas Daniell, « le complexe
Organ peut être vu comme une synthèse en deux des courants d’avant-garde les plus
intéressants du siècle dernier, le métabolisme japonaise et l’expressionnisme européen –
qui ont tous les deux un potentiel sous-développé36 ». Il réfère plus particulièrement à
35
Organ – Source : Katsu UMEBAYASHI et
36
Thomas DANIELL, FOBA / Buildings, New
York, Princeton Architectural Press, 2005,
p.122.
Katsu UMEBAYASHI et Thomas DANIELL, FOBA / Buildings, New York, Princeton Architectural Press, 2005,
p.119.
33
Idem
Projets contemporains d’architecture
l’expressionisme allemand de Hugo Häring et à son concept de Organwerk, soit
diagramme programmatique abstrait, et de Bauwerk, ou manifestation construite du
diagramme37. De la même manière, Umebayashi conçoit le bâtiment en réponse aux
besoins programmatiques. Il revisite également l’espace flex
flexible du mouvement moderne,
tout en critiquant l’espace universel et neutre qui lui est propre. Thomas Daniell montre
aussi que Organ s’inscrit dans une certaine continuité du métabolisme japonais. Tandis que
le métabolisme proposait des mégastructures qui ne s’inscrivaient pas dans le contexte,
Katsu Umebayashi propose un bâtiment évolutif à petite échelle, qui s’inscrit dans son
contexte urbain et qui crée des espaces extérieur
extérieurs38.
Organ propose un espace de rencontre, de flexibilité et de fluidité, da
dans un langage
expressif mais épuré à la fois, qui s’inscrit dans la recherche d’une architecture
contemporaine mais qui s’inscrit dans son histoire. C’est aussi un projet conçu comme
inachevé, peut-être,
être, comme le propose Thomas Daniell, pour refléter l’ina
l’inachèvement de la
39
ville qui se dissout dans la campagne dans cette partie de Kyoto .
Plan des étages : absence de cloisons,
continuité spatiale
spati
– Source : Katsu
UMEBAYASHI et Thomas DANIELL, FOBA /
Buildings,,
New
York,
Princeton
Architectural Press, 2005, p.121.
37
Thomas DANIELL, After the Crash : Architecture in Post
Post-Bubble Japan, New York, Princeton Architectural
Press, 2008, p.119
38
Idem
39
Katsu UMEBAYASHI et Thomas DANIELL, FOBA / Buildings
Buildings, New York, Princeton Architectural Press, 2005,
p.14
34
Contexte immédiat – Source : Katsu
UMEBAYASHI et Thomas DANIELL, FOBA /
Buildings,, New York, Princeton Architectural
Press, 2005, p.120.
Projets contemporains d’architecture
MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DU XXIE SIÈCLE
Le musée d’art contemporain du XXIe siècle (1999-2004) est un projet de la firme
d’architecture SANAA, composée de Ryue Nishisawa et Kazuyo Sejima, et se situe dans la
ville historique de Kanazawa. En plus des salles d’expositions du musée, le projet
comprend également une bibliothèque, un théâtre, une salle de conférence, une cafétéria,
un magasin et des ateliers pour enfants.
Pour réaliser ce projet, les architectes ont été très à l’écoute des gens et ont suivi le
programme détaillé fourni par les conservateurs. En effet, ceux-ci avaient préalablement
étudié les dimensions idéales des salles d’exposition et sont arrivés à la conclusion de la
nécessité d’avoir une variété de salles carrées, circulaires et rectangulaires (rectangle d’or).
Il était donc important, dès le départ, que le musée soit tourné vers l’avenir et puisse
accueillir des œuvres de différents formats, matériaux et médias, et qu’elles puissent être
isolées les unes des autres. Financièrement, il était aussi important d’éviter d’avoir à
construire et défaire des murs temporaires lors des changements d’exposition40.
Plan d’implantation – Source : Yuko
HASEGAWA, Kazuyo Sejima + Ryue
Nishizawa, SANAA, Milan, architecture,
Electaarchitecture, 2006, p.80.
Les prémisses du projet appelaient à certaines directions. SANAA a été très à l’écoute des
besoins, et a créé un espace flexible et polyvalent. Il est intéressant de noter, comme le
remarque Yuko Hasegawa, que c’est une flexibilité différente de celle proposée par le
40
Yuko HASEGAWA, Kazuyo Sejima + Ryue Nishizawa, SANAA, Milan, architecture, Electaarchitecture, 2006,
p.17.
35
Le musée dans son contexte - Yuko
HASEGAWA, Kazuyo Sejima + Ryue
Nishizawa, SANAA, Milan, architecture,
Electaarchitecture, 2006, p.77.
Projets contemporains d’architecture
mouvement moderne. Il ne s’agit pas d’un grand espace pouvant être divisé au besoin,
mais d’une variété d’espaces ayant chacun ses propres caractéristiques41.
SANAA a utilisé la méthode du travail par diagramme qui lui est propre, et qui consiste à
dessiner d’abord le programme en plan puis le traduire en trois dimensions42. Le plan
circulaire traduit une volonté de se connecter au contexte environnant de façon égale, de
manière à n’avoir ni devant ni derrière et d’entrer un dialogue avec l’ensemble de
l’environnement urbain et du parc dans lequel le musée s’implante. Les salles d’expositions
sont logées dans des cubes blancs de différentes dimensions qui sont disposés dans ce
cercle. Cet éclatement de l’espace muséal permet d’avoir des qualités spatiales différentes
dans chacun des cubes, dont les hauteurs varient de quatre à douze mètres et qui
proposent différents éclairages, de la lumière diffuse à l’ensoleillement naturel. Les
interstices entre ces cubes peuvent servir d’extension aux salles d’exposition ou à des
fonctions secondaires et sont une façon de relier les différentes fonctions entre elles. De
plus, ces interstices permettent une circulation fluide et laissent à l’utilisateur un choix
varié de parcours. La section payante se trouve au centre, et ses limites peuvent être
modifiées grâce à des panneaux de verre coulissant. Les pièces du pourtour sont
accessibles gratuitement et déterminent la zone de socialisation43.
Plan du rez-de-chaussée et coupes –
Source : Source : Yuko HASEGAWA, Kazuyo
Sejima + Ryue Nishizawa, SANAA, Milan,
architecture, Electaarchitecture, 2006, p.80.
C’est un bâtiment très ouvert sur son contexte. La façade est entièrement vitrée et permet
un déambulatoire qui offre une vue de 360o. Cet espace public peut être lu comme une
zone tampon entre l’intérieur et l’extérieur. C’est une idée récurrente dans le travail de
41
Yuko HASEGAWA, Kazuyo Sejima + Ryue Nishizawa, SANAA, Milan, architecture, Electaarchitecture, 2006,
p21.
42
43
36
Idem, p.9.
Idem, p17.
Arrivée au musée – Source : Source : Yuko
HASEGAWA, Kazuyo Sejima + Ryue
Nishizawa, SANAA, Milan, architecture,
Electaarchitecture, 2006, p.80.
Projets contemporains d’architecture
SANAA, qui souhaite de cette manière abolir l’idée conventionnelle de frontière entre
public et privé. En pénétrant davantage au cœur du bâtiment, l’espace devient plus intime,
et offre un moment de répit et de calme dans la ville44. Le musée, esthétiquement, est très
simple, minimalisme. Les cubes sont blancs, épurés, et les colonnes disparaissent tant elles
sont minces. Le toit semble flotter. Cette impression de légèreté contribue dans doute au
sentiment de liberté, de polyvalence et de sérénité.
L’interrelation avec la nature est également travaillée grâce à quatre cours intérieures,
brouillant ainsi les limites entre l’intérieur et l’extérieur et faisant pénétrer la lumière
naturelle au cœur du projet. Depuis le parc, c’est le bâtiment qui semble être dans le parc,
puis dans la zone de socialisation, les limites sont floues puisqu’il s’agit d’un espace
intérieur avec une vue sur l’extérieur. En entrant dans le musée, la relation s’inverse, c’est
maintenant l’extérieur qui est à l’intérieur par le biais des cours. Une relation ambiguë est
donc créée, intérieur et extérieur se mêlant étroitement.
Thomas Daniell établit un lien entre cette relation ambiguë entre intérieur et extérieur et
l’architecture traditionnelle japonaise et explique que les cours intérieures cachées, la zone
tampon, l’ambiguïté des espaces intérieurs qui peuvent être reconfigurés par des
panneaux coulissants et le sens de l’intimité qui augmente en pénétrant dans le bâtiment
sont typiquement japonais45. Il est vrai que ces caractéristiques réfèrent à la tradition et on
sans doute influencé, inconsciemment peut-être, les architectes, mais ceux-ci n’y font
jamais référence. Leur bâtiment s’inscrit dans la culture japonaise tout en étant
44
Thomas DANIELL, After the Crash : Architecture in Post-Bubble Japan, New York, Princeton Architectural
Press, 2008, p.105
45
Idem, p.103
37
Cour intérieure
Corridor et interstice
Déambulatoire
–
Source :
Yuko
HASEGAWA, Kazuyo Sejima + Ryue
Nishizawa, SANAA, Milan, architecture,
Electaarchitecture, 2006, p82-83.
Projets contemporains d’architecture
contemporain et répond aux enjeux actuels en créant des espaces de rencontre, emprunts
de liberté, de légèreté, d’ouverture.
LA MÉDIATHÈQUE DE SENDAI
La Médiathèque de Sendai (1995-2000)
2000) est un projet lancé sous forme de concours par la
ville de Sendai et qui devait regrouper différents
rents programmes, dont une gale
galerie d’art, une
bibliothèque, un centre de l’image visuelle et un centre de services pour les gens ayant une
déficience visuelle ou auditive. Le bâtiment devait pouvoir être flexible et accueillir
d’autres programmes au besoin, et agir comme carrefour. Plus tard, ces éléments ont été
regroupés sous le terme de médiathèque, ce qui montre u
un changement dans la façon de
concevoir une bibliothèque. Durant le processus, il y a eu beaucoup d’échanges avec la
population de Sendai46.
La proposition de Toyo Ito est simple : des planchers, des tubes et une peau. Ryue
Nishigawa décrit sa première visite
site à la médiathèque en ces termes :
« The other day I visited the Sendai Mediatheque. […] It seemed so extremely transparent.
The bold twisting forms of the tube structures, the vertical movement of elevators, and the
horizontal stratification-nearly aspect
spect of the building was visible to the exterior. […] This
was the elevation of a substantial, powerful, and intense building, What surprised me the
46
MARQUEZ CECILIA Fernando et Richard LEVENE, Beyond modernism, Toyo Ito 2001
2001-2005, Madrid. El
croquis éditorial, 2005, p.46
38
Coupe et plan de la médiathèque –
Source : Ron WITTE,
WITTE Toyo Ito Sendai
Mediatheque,, Munich, Harvard
Harvar Design
School, PRESTEL, 2002, p.51
Projets contemporains d’architecture
moment I stepped inside the building, however, was the quiet, sprawling interior, in sudden
contrast to the ominous exterior. I felt as if I were walking around inside a huge vehicle or
the body of a giant newborn creature rather than a building. [] Traveling in a glass elevator
through one of them from the first to seventh floor without stopping, […] the various scenes
of each floor were clearly visualized one after another in the course of my weightless
movement. Layered scenes appeared and disappeared like cells of animation. 47 »
Cette description décrit bien la médiathèque, notamment la comparaison avec un
organisme plutôt qu’un bâtiment. Chaque étage est occupé par une fonction différente, et
la montée en ascenseur dans un des tubes vitré permet de comprendre cette
superposition de couches, de fonctions. Le bâtiment est conçu comme une métaphore de
l’ère de l’information. En effet, si monde mécanique pouvait être une source formelle
d’inspiration, le monde électronique actuel est plus insaisissable. Le mode d’organisation
de ces flux électroniques renvoie aux interfaces et à une superposition de couches. Les
planchers de la médiathèque peuvent être lus comme ces couches d’informations et les
tubes comme des interfaces. Ces tubes sont structuraux et ont une résistance sismique,
mais servent également au transport des flux, des gens, de l’air, de l’eau, de l’électricité.48
De plus, on vient à oublier la fonction structurelle des tubes. La jonction avec le plancher
est soigneusement cachée, et les joints sont dissimulés grâce à des techniques de soudure
d’architecture navale49.
47
WITTE, Ron, Toyo Ito Sendai Mediatheque, Munich, Harvard Design School, PRESTEL, 2002, p.24-26
48
MARQUEZ CICILIA Fernando et Richard LEVENE, Beyond modernism, Toyo Ito 2001-2005, Madrid. El croquis
éditorial, 2005, p.50
49
39
NUSSAUME Yann, Toyo Ito, structures légères, details, Paris, Le Moniteur, 2003, p.18
Vue de nuit – Source : Ron WITTE, Toyo Ito
Sendai Mediatheque, Munich, Harvard
Design School, PRESTEL, 2002, p.51
Différents étages – Source : Ron WITTE,
Toyo Ito Sendai Mediatheque, Munich,
Harvard Design School, PRESTEL, 2002, p.51
Projets contemporains d’architecture
Ito traduit, dans la médiathèque, le monde contemporain, un mode digital fait de
technologie, de volatilité et de transfert d’informations. La médiathèque traduit aussi la
fluidité, caractéristique du monde contemporain et de la ville, mais aussi le nomadisme
primitif et la tradition japonaise, « expression de l’instabilité générale de l’univers50 ». Ito
réussit à mélanger toutes ces sources et à en faire une synthèse originale. Chaque étage
peut être modifié à volonté selon les besoins, ce qui traduit une fois de plus l’instabilité
contemporaine.
Différentes possibilités d’organisation spatiale – Source : Ron WITTE, Toyo Ito
Sendai Mediatheque, Munich, Harvard Design School, PRESTEL, 2002, p.51
50
40
WITTE, Ron, Toyo Ito Sendai Mediatheque, Munich, Harvard Design School, PRESTEL, 2002, p.61
Projets contemporains d’architecture
Il est intéressant de constater que la Médiathèque de Sendai porte un discours sur la
relation entre architecture et technologie, est visuellement d’une grande transparence et
simplicité et que la structure à été calculée sur un mode de conception paramétrique, mais
que plusieurs pièces ont du être faites à la main, et que cette apparente simplicité découle
de méthodes de construction complexes51.
Aujourd’hui, la médiathèque demeure un succès indéniable avec ses 2000 visiteurs
quotidiens52 et offre une vision de la société contemporaine.
51
DANIELL, Thomas, After the Crash : Architecture in Post-Bubble Japan, New York, Princeton Architectural
Press, 2008, p.95
52
MARQUEZ CICILIA Fernando et Richard LEVENE, Beyond modernism, Toyo Ito 2001-2005, Madrid. El croquis
éditorial, 2005, p.51
41
Tableaux synthèse des caractéristiques des projets
TABLEAUX SYNTHÈSE DES CARACTÉRISTIQUES DES PROJETS
42
Tableaux synthèse des caractéristiques des projets
43
Enjeux contemporains d’aménagement
ENJEUX CONTEMPORAINS D’AMÉNAGEMENT
L’espace public se développe et l’architecture contemporaine au Japon est bien vivante. Bien qu’il y ait une multitude d’approches,
certaines caractéristiques ressortent des projets analysés et traduisent des enjeux de l’aménagement au Japon aujourd’hui. Il n’est
pas possible d’établir toutes les sources de ce développement foisonnant, mais quelques hypothèses peuvent être énoncées.
La relation au contexte est repensée. Après le refus de la ville des années 1970 et la lecture de son chaos comme signe de vitalité et
l’exacerbation de cette caractéristique dans plusieurs projets des années 1980, les architectes proposent aujourd’hui un nouveau
lien avec la ville. La limite entre le bâtiment et le contexte urbain tend à s’effacer. La nature et la ville pénètrent dans les projets qui
participent, souvent à petite échelle, à construire l’environnement urbain. La volonté est très claire de créer des espaces de
rencontre et de dialogue. Dialogues entre le bâtiment, la ville et l’espace public, entre les gens, entre le bâti, l’homme et la nature…
Une grande transparence réconcilie le bâtiment à la ville où public et privé se rencontrent souvent dans une zone tampon où se
mêlent intérieur et extérieur, où la nature infiltre l’intérieur et la vie quotidienne. Si les architectes mettent autant d’emphase sur
ce contact avec la nature, c’est qu’il s’était perdu dans l’urbanisation rapide de la ville. La volonté de créer des lieux de sociabilité à
l’échelle du bâtiment s’inscrit aussi dans la notion d’espace public propre au villes nippones, où la vie publique a lieu dans la rue et
non dans des espaces aménagés à cet effet comme en occident.
La période de récession des années 1990 a contribué à ce renouvellement de l’approche architecturale. Selon Thomas Daniell, les
différentes périodes de croissance économique au Japon et la volonté de l’industrie de montrer ce dont elle était capable ont
permis l’expérimentation, l’exubérance et les mégaprojets pas toujours soucieux de leur environnement urbain. Or, l’éclatement de
la bulle économique à la fin des années 1980, combiné avec différents scandales liés à l’industrie de la construction, a mis un frein à
ce développement frénétique et anarchique. L’échec urbain et social des mégaprojets et les besoins environnementaux grandissant
ont poussé les jeunes architectes, qui n’avaient alors pas beaucoup de grosses commandes, à réfléchir à la ville53. En replaçant
l’architecture contemporaine dans son contexte historique, on peut donc comprendre en partie l’émerge de cette « génération
53
DANIELL Thomas, After the Crash : Architecture in Post-Bubble Japan, New York, Princeton Architectural
Press, 2008, p.12
44
Enjeux contemporains d’aménagement
Bow-Wow », qui à une approche plus sensible par rapport à son contexte immédiat et qui pense l’architecture et l’espace public en
relation avec son environnement.
La volonté de créer des espaces de rencontre, dont parlent explicitement les architectes, peut aussi être expliquée comme une
réaction à la grande hiérarchisation de la société et au manque de contact entre les gens. Kazuyo Sejima, par exemple, critique
ouvertement cette hiérarchie et crée volontairement des espaces fluides et qui semblent n’avoir aucune hiérarchie spatiale pour
que les gens s’y sentent libres54. La zone tampon est aussi récurrente dans plusieurs projets et a toujours pour fonction de devenir
ce lieu d’échanges. Le discours de plusieurs concepteurs contemporains est très sensible aux questions de société et aux utilisateurs,
que ce soit Shigeru Ban et ses projets pour les réfugiés, la médiathèque de Toyo Ito qui devient un lieu rassemblateur à Sendai,
FOBA qui crée, par le vide, un espace public dans le projet de ses bureaux Organ, ou le centre commercial Saragaki qui s’articule
autour d’un espace public. L’échelle humaine de nombreux projets favorise aussi cette proximité et le sentiment de bien-être.
Les bâtiments semblent souvent éphémères et légers, leur structure est cachée, et ils ont même un certain aspect irréel. Il y a une
référence, qui apparaît clairement dans la médiathèque de Sendai par exemple, à la volatilité des flux et à la technologie
omniprésente, particulièrement au Japon, qui évoque cette notion d’éphémère. C’est aussi une architecture à l’image de la ville en
constance mutation, notamment Tokyo, qui se régénère continuellement. Pourquoi
pour la pérennité
alors que les
Enjeux construire
contemporains
d’aménagement
bâtiments sont sans cesse détruits et reconstruits ? Finalement, l’attrait de l’éphémère n’est pas nouveau au Japon, puisque selon
l’esthétique japonaise la beauté réside souvent dans les choses qui ne durent pas, telles que la floraison des cerisiers japonais, la
jeunesse ou la brume55.
La flexibilité et la notion d’évolution reviennent souvent. Dans un monde dont les besoins changent si rapidement, l’espace doit
pouvoir s’adapter s’il ne veut pas être désuet au bout de quelques années. C’est une question qui n’est pas nouvelle, déjà présente
54
BUCK, David N., Tradition, Technology, Society and Order in Japanese Design responding to the chaos,
Londres, 2000, p.103.
55
DANIELL Thomas, After the Crash : Architecture in Post-Bubble Japan, New York, Princeton Architectural
Press, 2008, p.43
45
Enjeux contemporains d’aménagement
dans l’architecture traditionnelle, modulable par le tatami et flexible grâce au panneaux coulissants pouvant séparer les espaces au
besoin. Le mouvement moderne aussi s’y est intéressé en créant des espaces neutres. Le métabolisme japonais proposait des
mégastructures évolutives, sur le principe de la capsule interchangeable. Aujourd’hui, les architectes proposent des espaces
flexibles et évolutifs d’une nouvelle manière, en offrant des espaces flexibles mais expressifs à la fois, comme la médiathèque qui
peut être reconfigurée à loisir, Organ qui peut s’allonger, le Musée d’art contemporain du XXIe siècle qui offre une variété d’espaces
différents pouvant répondre à une multitudes de besoins, ou les cellules des appartements Gifu qui se configurent différemment
pour différentes familles.
Les projets sont aussi caractérisés par des volumes simples, épurés, souvent monochromes, voire abstraits, mais qui créent des
espaces souvent dynamiques et complexes. Il ne semble pas y avoir de hiérarchie spatiale et les projets dégagent une impression de
liberté et de fluidité, peut-être pour trouver un peu de sérénité en réaction à toute l’exubérance du passé et de la cité actuelle,
comme le propose Thomas Daniell56. Ou alors, l’importance n’est pas mise sur l’ornement et le style, mais bien sur l’espace et cette
esthétique minimaliste est celle qui s’y prête le mieux. Il y a aussi une question de tendance. Le diagramme, comme mode de
représentation mais aussi de conception, semble avoir été adopté plus plusieurs japonais. Il permet une compréhension immédiate
du projet, mais conduit aussi à des bâtiments qui ressemblent à un extrudé57. Le minimalisme est aussi un trait fondamental du sens
de l’esthétique japonais et de l’architecture traditionnelle, qui semble retrouver sa place aujourd’hui.
En effet, les projets contemporains sont influencés par les courants occidentaux, notamment le modernisme, mais ne renient pas la
tradition japonaise, souvent réinterprétée en terme d’espace ou de matérialité. En effet, les parois translucides et minces
ressemblent aux shojis, parois de papier de l’architecture traditionnelle, et la relation intérieure/extérieure n’est pas sans rappeler
celle de l’architecture traditionnelle. Les architectes japonais font souvent référence à l’engawa, terrasse ni intérieure ni extérieure,
pour parler des espaces tampons qu’ils créent et la flexibilité spatiale renvoie à l’espace modulable. La recherche d’une architecture
56
DANIELL Thomas, After the Crash : Architecture in Post-Bubble Japan, New York, Princeton Architectural
Press, 2008, p.37
57
46
Idem, p.22
Enjeux contemporains d’aménagement
nouvelle, qui allie sensibilité moderne et japonaise, n’est pas nouvelle, mais si certains traits fondamentaux de la tradition sont si
présents aujourd’hui c’est probablement plus parce qu’ils répondent à des préoccupations contemporaines que par pur désir de
perpétuer la tradition.
47
Conclusion
CONCLUSION
Le Japon regorge d’une production architecturale reconnue dans le monde entier. L’analyse des projets montre des caractéristiques
de ces nouveaux développements dans l’aménagement. L’analyse historique a permis de mieux comprendre l’architecture
contemporaine par rapport à son histoire. Le développement de la théorie architecture japonaise peut sembler chaotique et
multiple, mais présente une continuité certaine dans la recherche constante d’une architecture japonaise et occidentale à la fois. La
société nipponne présente le curieux paradoxe suivant : elle a une culture bien plus définie que la plupart des sociétés. Son
architecture traditionnelle, comme le style sukya, à été théorisé et respecte des concepts précis. Mais en même temps, c’est une
société qui tente constamment de redéfinir sa culture. Elle mêle les influences de toutes sortes et les fusionne. L’architecture à
aussi été étroitement liée aux cycles de croissance et de décroissance économique et a multiplié ses lectures de ville. Aujourd’hui, il
est incontestable que le Japon occupe une place importante dans le développement de l’architecture contemporaine mondiale.
Cette nouvelle architecture, ni occidentale, ni traditionnelle, est portée par une variété, mais on peut aussi dégager des
caractéristiques communes, qui ensemble, définissent une architecture contemporaine au Japon. Est-ce un nouveau chapitre dans
l’histoire de cette quête identitaire sans fin ou la définition véritable d’une nouvelle identité culturelle?
48
Bibliographie
BIBILIOGRAPHIE
BUCK, David N., Tradition, Technology, Society and Order in Japanese Design responding to the chaos, Londres, 2000, 212 pages
DANIELL Thomas, After the Crash : Architecture in Post-Bubble Japan, New York, Princeton Architectural Press, 2008, 192 p.
FERRÉ Albert et Tomoko SAKAMOTO, Kazuyo Sejima in Gifu, Barcelone, Actar, 2001.
HASEGAWA Yuko, Kazuyo Sejima + Ryue Nishizawa, SANAA, Milan, architecture, Electaarchitecture, 2006, 267 p.
HIEN, Pham T., Abstraction and Transcendence : Nature, Shintai, and Geometry in the Architecture of Tadao Ando, Dissertation.com,
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MARQUEZ CECILIA Fernando et Richard LEVENE, Toyo Ito 2001-2005, beyond modernism, Madrid, El Croquis no 122, 2005, 359 p.
MURATA N., A. BLACK, The japanese house architecture and interiors, Scriptum edition, Londres
MCQUAID Matilda, Shigeru Ban, Paris, Phaidon, 2004, 239 p.
NUSSAUME, Yann, Anthologie critique de la théorie architecturale japonaise, le regard du milieu, Bruxelles, Art(s) des Lieux, OUSIA,
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NUSSAUME Yann, Toyo Ito, structures légères, details, Paris, Le Moniteur, 2003, p.18
SACCHI Livio, Tokyo Architecture et urbanisme, Milan, Flammarion, 2005, p.146.
SMITH Henry, Sky and Water: The Deep Structures of Tokyo, in Tokyo: Form and Spirit, New-York, ed.: Mildred Friedman, 1986, p.34.
UMEBAYASHI Katsu et Thomas DANIELL, FOBA / Buildings, New York, Princeton Architectural Press, 2005, p.14
49
Bibliographie
WALKER Peter, 1 octobre 2009, http://www.pwpla.com/prj_project_details.php?prjid=20
WITTE, Ron, Toyo Ito Sendai Mediatheque, Munich, Harvard Design School, PRESTEL, 2002, p.61
« Dialogue : Window, Interior, Exterior – On the question of What should decide window charater. Yoshiharu Tsukamoto x Sou
Fujimoto » (hiver 2009), entrevue avec Yoshiharu Tsukamoto et Sou Fujimoto, Japan Architect, no 72, p.12.
50
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