1 Transmettre … mais à qui ? Cette planche pourrait aussi s’appeler du pouvoir inconscient de transmettre au devoir conscient de transmettre. En effet je vais aborder cette question de savoir à qui peut on transmettre sous différents aspects. Je ne reviendrais pas en détail sur ce qui est transmissible qui a été abordé ici même, je voudrais vous présenter un panorama des capacité de transmissions conscientes et inconscientes pour essayer de trouver à qui cela peut s’appliquer. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu » Puisqu’il y a « commencement », il y a « suite », car dans le cas contraire « le verbe serait » ou pire « aurait été » et ne serait donc plus aujourd’hui. Cette première piste nous amène à constater l’existence d’une source qui possède quelque chose qu’elle va transmettre à un descendant, nous touchons immédiatement la notion de transmission intergénérationnelle (c'est-à-dire des parents aux enfants) ou de transgénérationnelle (qui s’opère à travers la troisième génération, c'est-à-dire des grands parents aux petits enfants), mais également la notion de continuité. La métaphore de la transmission générationnelle pourrait être comprise comme l’arbre de vie. L’arbre de vie symbolise la force de la vie et ses origines, l'importance des racines et le développement de la Vie. Cet Arbre de Vie peut être vu comme la représentation du processus de création mettant à l'œuvre, tant dans le Macrocosme qu'est l'Univers que le Microcosme qu'est l'Être Humain, des énergies ou puissances créatrices émanant d’un principe Créateur. Dans la Kabbale, l’arbre de vie est représenté par 10 Séphiroth souvent répartis en trois colonnes, tiens cela me rappel quelque chose… Quoi qu’il en soit au stade de cette planche la question de savoir à qui transmettre nous ramène à l’Arbre de Vie. Autrement dit pour transmettre il faut avoir des racines, une origine, solidement ancrées afin de pouvoir transmettre à une « descendance », je parlerais d’une sorte de parenté symbolique. Cette parenté ne nous renvoi pas la problématique de l’inné et de l’acquis. En effet, quoique nous ayons à transmettre, que se soit en nous de façon inné ou acquise, il faut se poser la question « à qui le transmettre ? » J’ai parlé de transmission consciente et de transmission inconsciente en introduction. Je vois effectivement deux cas qui engendrent une transmission à des personnes différentes. Je fais un aparté : je parle de transmettre à une ou plusieurs personnes ; je pose comme principe que nous ne pouvons transmettre qu’à des individus autrement je considère que nous laissons une trace qui pourra être prise ou non par un individu ; pour moi, dans la transmission il y a une relation directe. 2 Dans son essai « L’Inconscient » S. Freud (1915) affirme, entre autre, que « le processus de transmission inconsciente et d’élaboration de signifiants implique que l’inconscient d’un sujet peut réagir en accord avec celui d’une autre personne sans passer au travers de la conscience ». Cette proposition de Freud nous mène sur le fait que cette transmission ne passe pas par la conscience sans pour autant qu’elle soit de l’ordre surnaturel. Nous pouvons donc nous interroger sur la façon dont le processus primaire organise ces perceptions sensorielles et les décodifie sans l’intervention de la conscience dispensant aussi les contenus verbaux. Un exemple très concret que je vous propose : n’avez vous jamais écouté quelqu’un vous dire quelque chose et « lire en elle » par ce qu’on appel le langage non verbal le contraire ? La dite personne vous transmet une information verbale consciente alors qu’elle vous envoi une information inconsciente non verbale. Ce phénomène n’a rien de surnaturel, on constate scientifiquement des signes tels que la dilatation ou contraction de la pupille par exemple, c’est aussi ce que recherche les détecteurs de mensonges. Nous communiquons à 70% grâce à la communication non verbale et donc inconsciente. Nos symboles, eux même, sont des outils de transmission non verbaux Donc si nous transmettons de façon inconsciente se pose le problème de savoir à qui cela est transmis ? Mais d’ailleurs si nous n’en sommes pas conscient, pouvons nous savoir à qui nous le faisons ? Je me pose alors la question de savoir si nous pouvons transmettre à telle ou telle personne et si nous devons transmettre ? Le fait de pouvoir et de devoir ne sont peut être pas implicite… En nous demandant si nous pouvons transmettre il apparaît deux aspects : - sommes-nous en capacité de le faire ? en avons nous le pouvoir ? - pouvons-nous le faire à cet individu ? est il en capacité de le recevoir ? J’ai envie de vous donner mon avis directement : Oui nous pouvons transmettre et oui tous les individus peuvent recevoir. Ceci étant dit, je vous explique ma pensée et ses limites : Dans sa nature même, l’Homme est fait pour transmettre, il donne la vie en transmettant ses propres gênes. Mais au delà de cet essence physique qui est la spécificité de l’Homme, et oui mes frères nous ne sommes pas pur esprit, pouvons nous transmettre ce qui est d’ordre spirituel, symbolique, métaphysique, initiatique ? L’ordre Maçonnique dont nous faisons parti en est je pense une preuve vivante et indéniable. En effet l’initiation que nous avons reçu de nos pères, dans le sens de la paternité source de notre renaissance au moment de l’initiation, nous l’avons reçu et vécu. Le Vénérable Maître ce jour là ne nous dit il pas : « je te créé, reçois et constitue » ! Il a reçu la lumière le jour de sa propre initiation et de ce 3 « simple » fait, il la possède et peut donc la transmettre, il en a la capacité ; de là à savoir s’il va le faire cela restera sa décision. Mais s’il ne transmet pas il y aura risque de discontinuité et perte. Sommes-nous ici pour risquer de perdre ce que nous avons reçu ? Allons-nous prendre le risque de perdre « la lumière », « le verbe », la « parole » que nous avons reçu ? Notre responsabilité est de transmettre fidèlement l'étincelle qui nous a été révélée par l'initiation. Cette responsabilité est écrasante lorsqu'elle est exercée au nom du groupe, par ceux qui, du fait de leur élection (au sens littéral: le choix) sont garants de la préservation des valeurs transmises. A ce stade de ma planche je me pose une question à laquelle je n’ai pas de réponse mais que je vous livre « faut-il vivre pour transmettre ou transmettre pour vivre ? » Selon GUENON, une initiation n'est valable que si elle est transmise par une organisation appartenant à une chaîne initiatique ininterrompue. Pour lui dans une organisation initiatique la conscience de la transmission n'est pas une obligation. Ce qui importe c'est la «pratique régulière» (conformément à la règle) de la transmission, même «si on ne sait pas ce que l'on fait». Il est important de noter qu’en maçonnerie la puissance initiante est la Loge. Seule une Loge peut initier et non le Vénérable Maître en lui même, il est, s’il m’excuse cette comparaison, le chef d’orchestre et non la musique en elle même. J’en profite pour rappeler que transmettre, au sens étymologique, signifie « faire parvenir quelque chose à quelqu’un » et que, dès à présent, il faut souligner la similitude avec l’étymologie de tradition, qui signifie « faire passer à un autre, remettre ». Ainsi chaque individu a la capacité, le pouvoir, de transmettre de façon conscient ou non. Qu’en est-il de celui qui reçoit ? Cette fois, alors que la loge initie en dépassant l’individualité de chacun, la transmission se fait à un profane afin qu’il devienne un frère et fasse partie de la loge. Ma question était de savoir à qui nous pouvons transmettre ce que nous avons reçu et si cette/ ces personnes sont en capacités de le recevoir et au delà de cela, le veulent elles ? Pour la question de savoir si nous « pouvons » je pense que cela nous confronte à un risque de jugement d’autrui. En effet en se posant la question « est-ce que je peux transmettre à cette personne ? » il faut faire preuve d’une grande vigilance car il ne s’agit pas de se demander si la personne est capable de le 4 recevoir mais bien si nous sommes capable de trouver la façon de lui transmettre. C’est ici que la Franc-Maçonnerie possède des richesses sans limite : il s’agit des Rituels et du Rite, de nos symboles. En effet la méthode de transmission en Franc-Maçonnerie se fait au travers des rituels d’initiation, d’augmentation de salaire. Les symboles et outils symboliques nous sont proposés et nous sommes libre d’en faire l’usage que nous voulons afin de travailler sur nous même. Ainsi même si, comme le dit Guenon, on transmet sans savoir ce que l’on fait la méthode maçonnique permet à celui qui reçoit de recevoir le même potentiel qui s’offre à lui. Quand à celui qui « sait ce qu’il fait », celui qui essaye de transcender (V.I.T.R.I.O.L. ?) ou celui qui prend cela à la légère, il y aura toujours le même potentiel car le travail symbolique permet à chacun d’étudier, de travailler, de méditer puis de s’approprier un symbole. La seule limite que j’évoquerais serait d’essayer d’identifier ceux qui cherchent la satisfaction de l'ego, mais cela est il possible ? … Le passage sous le bandeau nous y aide déjà grandement je pense. La méthode initiatique permet donc à tout individu de recevoir et d’être libre d’en faire ce qui lui semblera cohérent, « un Homme libre et de bonne mœurs ». Je pense sur ce point que nous travaillons sur tel ou tel symbole à un instant donné, ce même symbole quelques temps plus tôt ou plus tard n’aura pas le même sens et donc la même importance pour nous et donc le travail sur nous même n’aura pas le même impact. A ce titre, pour ma part, certains symboles me sont plus parlant aujourd’hui qu’hier et d’autres me sont plus difficiles à intégrer. Si l’action spirituelle passe par le silence et le travail sur soi-même, elle doit nécessairement se prolonger par la transmission de notre Idéal. Ainsi en pratiquant régulièrement, le Franc-Maçon, peu à peu, prendra possession de lui-même, de son royaume intérieur, du joyau qui est en lui. Le Rite le guidera progressivement vers un niveau de conscience plus élevé encore : vers l’Amour et le service de l’autre d’après moi. Qu'avons-nous donc reçu de si précieux que nous ayons le devoir de transmettre ? La Franc-maçonnerie dite spéculative est organisée depuis du XVIIIe siècle par et autour de personnes d'origine diverses qui recherchent un espace de liberté pour exprimer leur quête de tolérance réciproque. C’est dire que de très nombreux maçons nous ont précédés et que, pour que leurs traditions et la Franc Maçonnerie se perpétuent, ils ont transmis leur savoir… Ils nous ont instruits du fait que le travail n'est jamais terminé, que chaque situation conduit à la nécessité d'étudier, de comprendre, de rectifier avec 5 humilité, mais avec dignité. Ils nous ont aussi donné les outils pour y parvenir : les symboles et le rituel. Ils nous ont également instruits du fait que la progression est graduelle et que c’est lorsque les connaissances du degré précédent sont assimilées que l’on peut incorporer à cette base des connaissances complémentaires. Ce legs qu’ils nous ont fait au fil des siècles est cette méthode de développement de la pensée symbolique, véritable outil d'évolution. Elle se dévoile dans un champ individuel, intime, et s'affirme dans la confrontation fraternelle, collective de la loge. Nous sommes passés de la notion d’individu à la notion de loge, ce qui nous amène à nous poser des questions sur l'inconscient collectif créé par Jung. L’inconscient collectif est un concept de la psychologie analytique qui s'attache à désigner les fonctionnements humains liés à l'imaginaire et qui sont communs ou partagés quels que soient les époques et les lieux, et qui influencent et conditionnent les représentations individuelles et collectives. Ne sommes nous pas en loge dans cette notion d’inconscient collectif ? Cet inconscient collectif, celui de la loge différent de notre conscience individuelle, créé l’égrégore qui nous permet une forme d’élévation spirituelle ; je serais tenté de penser, d’espérer, que nous sommes dans une situation de conscience d’initiés qui nous permet d’atteindre l’inconscient collectif de la loge. Le chemin de l'initiation maçonnique est cette quête de sens, ce désir de progresser, de comprendre, pour agir au-delà des opinions partisanes, des carcans sociaux, de la pensée unique et des clichés réducteurs et stériles. Notre « méthode » maçonnique, s’il est possible de l’appeler ainsi, s'inspire de tout cela pour nous permettre de tendre vers l'idéal que nous nous sommes librement imposé et qui est le principe même de la Grande Loge de France : le perfectionnement spirituel, moral et matériel de l'Humanité, c’est à dire le perfectionnement de l’humanité ». Notre passé Grand Maître Michel Barrat a déclaré durant son mandat « La francMaçonnerie s’arrêtera d’exister lorsque toute l’humanité sera initiée. C’est cela notre héritage et c’est le capital que nous devons transmettre… et finalement le transmettre sous une forme ou une autre, consciemment ou non, à l’Humanité. J’ai dit Arnaud Mars 2013