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Observatoire des mutations des industries culturelles
Réseau international de chercheurs en sciences sociales
Série : « Processus de création, production, diffusion et valorisation des
productions intellectuelles et artistiques »
Les mutations du secteur cinématographique ou
le marketing comme outil d'entrée à l'analyse des
secteurs marchands du film de cinéma
Claire Moriset
GRESEC - Grenoble 2
Ce texte a été publié pour la première fois en novembre 2005 sur le site de l’OMIC.
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Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
outil d'entrée à l'analyse des secteurs marchands du film de cinéma
Claire Moriset
AVANT-PROPOS
Après avoir analysé les ouvrages de Laurent Creton (Cf. Fiche de lecture – Les mutations de
l’industrie cinématographique), il apparaît que les phénomènes ayant entraîné le plus de changements
dans le monde cinématographique concernent la place prédominante qu’ont pris les chaînes de
télévision à tous les stades de la filière et la pratique de plus en plus généralisée du marketing, liée à
l’apparition des différents supports de diffusion du film cinématographique.
L’approche particulière d’analyse des mutations du secteur cinématographique choisie se rapporte
à l’application des méthodes spécifiques proposées par le marketing, en ayant notamment recours
aux différents concepts liés au plan de marchéage (politique des 4 P). L’objet de ce qui suit n’est pas
d’analyser de manière exhaustive le marketing du cinéma français, mais d’envisager les pistes et
éclairages que peut offrir une étude s’appuyant sur les concepts mercatiques quant aux mutations
passées et actuelles du cinéma.
INTRODUCTION
A partir des années soixante, le marketing est apparu en France, pour se généraliser dans les années
quatre-vingt dix à tous les secteurs économiques. Même si le cinéma français reste réticent à l’esprit
mercatique, on trouve de nombreux exemples de films s’inspirant largement des techniques
développées par le cinéma hollywoodien et ceci à tous les niveaux de la filière :
- au niveau de la conception de l’œuvre : « starification » du cinéma (comédiens, techniciens,
scénario sophistiqué, hausse constante des budgets) ; développement de la pratique du
product placement ; recours au système des previews ou tests d’avant-première ;
- au niveau de la diffusion de l’œuvre : le tie-in, technique de promotion croisée entre la
campagne d’une marque, présente ou non dans le film et celle du film lors de l’exploitation de
celui-ci ; le teasing ; la généralisation des produits dérivés ; les techniques de promotion liées au
développement de l’Internet ; le développement des relations publiques (prise de contact
directe avec les critiques de cinéma dans l’espoir de recueillir des avis favorables).
La démarche marketing est fondée sur le principe d’une prise en compte du marché et des clients,
dont l’étude permet de déterminer l’équation optimale produit-prix-distribution-communication. Si
l’on suit la logique mercatique, c’est le public qui devrait déterminer librement ses choix et par
conséquent le succès d’un film. Or, il s’avère que le producteur, le distributeur, les programmateurs et
les médiateurs influencent grandement la destinée d’un film ; c’est ce que nous nous proposons
d’analyser en prenant en compte les « quatre P » du marketing mix.
3
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
outil d'entrée à l'analyse des secteurs marchands du film de cinéma
Claire Moriset
1 – LES CARACTÉRISTIQUES DU PRODUIT FILM
Si l’on rapproche le cinéma du spectacle vivant, on peut considérer qu’un film est constitué par un
ensemble de caractéristiques perçues par le consommateur (Throsby, 1983)1. Plutôt qu’un produit
global, c’est un ensemble d’attributs que recherche le spectateur : noms des artistes, caractéristiques
physiques de la salle ou du lieu de représentation, caractéristiques techniques du spectacle... On peut
alors envisager d’analyser le comportement des spectateurs par les modèles de formation de
l’attitude développés par la recherche en marketing (Pras et Tarondeau, 1981)2.
1.1 – Le film cinématographique est un prototype
L’offre des produits des industries culturelles se caractérise par une logique de prototype. Ainsi, un
film, un disque, un livre sont coûteux à produire mais pas à reproduire (Shapiro et Varian, 1999)3. En
termes économiques, cela signifie que la production nécessite des coûts fixes élevés, mais un coût
marginal faible. Ainsi, le coût moyen, le coût par utilisateur, est d’autant plus faible que le marché du
produit culturel est étendu. L’augmentation de la taille de marché permet donc de baisser le prix des
produits (le coût unitaire étant décroissant avec le nombre d’utilisateurs) et/ou d’accroître
l’importance des budgets de production et de promotion, la rentabilité des investissements devenant
plus forte.
Les activités culturelles présentent un risque de production particulièrement élevé. Dans une
industrie « traditionnelle », le lancement de la production en série d’un nouveau produit n’est entrepris
que si une population test a préalablement réagi positivement à l’introduction d’un prototype (Greffe,
2002)4. Dans le domaine cinématographique, tous les coûts de production et de distribution sont
engagés avant d’en connaître le succès potentiel. Ce risque est d’autant plus élevé qu’une part
importante des coûts fixes est irrécupérable. Si après une semaine d’exploitation en salle, un film est
retiré des écrans, l’ensemble des investissements en salaires, en décors, en publicité..., sera perdu.
Afin de comprendre les processus d’achat dans le cinéma, il paraît nécessaire de s’intéresser aux
modèles explicatifs du comportement du spectateur-consommateur. Afin de mieux connaître le public
cinématographique, il convient dans un premier temps de s’appuyer sur des enquêtes et études
générales réalisées par le CNC notamment, rendant compte de la fréquentation et de la
consommation cinématographique. Ces études permettent d’identifier les caractéristiques
1
THROSBY, Charles David (1990), « Perception of Quality in Demand for the Theatre », Journal of Cultural Economics,
14-1, p. 65-82.
2
PRAS, Bernard, TARONDEAU, Jean-Claude (1981), Comportement de l’acheteur, Paris, Sirey.
3
SHAPIRO, Carl, VARIAN Hal R. (1999), Information Rules, a Strategic Guide to the Network Economy, Harvard
Business School Press, Boston, 1998, 313 pages ; traduit de l’américain par MAZEROLLE (F.), Economie de
l’information. Guide stratégique de l’économie des réseaux, Paris-Bruxelles, De Boeck.
4
GREFFE, Xavier (2002), Arts et artistes au miroir de l’économie, Paris, Economica.
4
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
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sociodémographiques du spectateur. Au-delà de ces données, il paraît également important de
comprendre quelles sont les motivations qui déterminent les choix des spectateurs, les valeurs qu’ils
attribuent à leur consommation et les satisfactions qu’ils en retirent.
Cette analyse se doit d’être complétée par la question de la stratégie marketing développée de
l’amont à l’aval de la filière du film.
Une meilleure prise en compte des caractéristiques des spectateurs permettrait aux gestionnaires
d’adapter les politiques de prix, de communication et de distribution des films et d’accroître ainsi la
fréquentation en salles. Traditionnellement, la segmentation au niveau du public, dans le domaine
culturel, se fonde sur la différenciation suivante : en fonction des caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe, lieu d’habitation, etc.), en fonction de la fidélité des spectateurs (cas des
abonnés), ou en fonction de partenaires extérieurs (élus ou collectivités locales).
1.2 – les modèles de prévision des recettes ou le développement du
marketing amont du cinéma
Etant donné le caractère aléatoire du succès d’un film, la tentation est grande de chercher à se
doter de martingales susceptibles d’ouvrir les voies du succès. Des chercheurs ont mis en place des
modèles qui ont tous pour point commun d’identifier des variables indépendantes d’un long-métrage
pour expliquer ses résultats commerciaux.
Pour René Bonnell5, trois recettes semblent être à retenir :
- La combinaison de vedettes (acteurs, réalisateurs, scénaristes, dialoguistes...), « recette »
directement inspirée du modèle hollywoodien ; elle a surtout été pratiquée en France dans les
années soixante, soixante-dix, mais semble désormais révolue si l’on tient compte des échecs
retentissants de certains projets ayant appliqué cette formule.
- Les chaînes d’analogues. Cette technique consiste à reconduire une formule qui a réussi
jusqu’à épuisement du produit. C’est ce qui débouche sur les suites de films ou les remakes.
- La recherche de créneau : elle consiste pour un producteur à s’installer dans une « niche »
(correspondant le plus souvent à un genre spécifique de films) où il est assuré de rencontrer
une demande certes limitée, mais fidèle.
Les études de Coulot et Tébout (1986)6 tentent d’expliquer les revenus d’un film par des variables
liées aux membres de l’équipe de fabrication d’un film (le scénariste, les trois premiers acteurs, le
5
BONNELL, René (2001), La vingt-cinquième image – Une économie de l’audiovisuel, Paris, Gallimard, 3e édition, p.113.
5
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
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producteur et le réalisateur pour lesquels on tiendra compte du nombre total de films, le total des
entrées des trois derniers films, les nominations et récompenses). Coulot et Tébout définissent
également comme variables le budget total du film et son budget de publicité. Il faut cependant noter
que les auteurs n’obtiendront pas de résultats.
Les travaux de Litman (1983)7 et de Prag et Casavant (1994)8 s’intéressent davantage aux attributs
du film en considérant des variables comme le type d’histoire, le genre...
Litman définit neuf variables caractérisant un film : le type d’histoire, le code MPAA (Motion Picture
Association of America), la présence de vedettes, le coût de production, la société distributrice, la date
de sortie (Noël), le nombre de nominations, le nombre de récompenses et la qualité du film. Les
conclusions de son étude révèlent toute l’importance des variables suivantes : le budget du film et les
critiques (les critiques n’étant pas prises au départ en tant que variable).
Quant à Prag et Casavant, ils mettent en avant six variables qui sont le coût de production, la qualité
du film, le code MPAA, le genre, le coût des pellicules et de la publicité, la présence de vedettes. Il
ressort de leurs travaux que les variables les plus importantes s’avèrent être la qualité du film et les
dépenses marketing.
Même si la plupart de ces études mettent en œuvre des méthodes statistiques rigoureuses et ont le
mérite de vouloir expliquer les recettes d’un film, leurs résultats ne revêtent pas de caractère universel
permettant de les généraliser. De plus, un certain nombre de limites peut leur être adressé : elles ne
prennent souvent en compte qu’une toute petite partie des films, en l’occurrence les films à succès en
termes monétaires. Or, un film peut très bien ne pas être en tête du box office et être néanmoins
considéré comme un véritable succès (un film à petit budget n’a pas forcément besoin d’un nombre
important d’entrées pour être rentabilisé). De plus, l’ensemble de ces études ne permet pas une
meilleure compréhension en termes de comportement du consommateur.
1.3 – L’introduction de techniques mercatiques au stade amont de la filière
cinématographique
Au stade amont de la filière cinématographique, de plus en plus de techniques de pré-test comme
les « préviews » ou « screening tests » sont utilisées afin d’établir le potentiel commercial d’un film.
Cette technique est largement utilisée aux Etats-Unis où les producteurs disposent du « final cut » et
6
COULOT, Jean-Pierre, TEBOUT, René (1986), « L’économétrie au service de la prévision des recettes des films », in
Film Echange, n° 33, p. 4-15.
7
LITMAN, Barry R. (1983), « Predicting Success of Theatrical Movies : An Empirical Study », Journal of Popular
Culture, vol 16, p. 156-175.
8
PRAG, Jay, CASAVANT, James (1994), « An Empirical Study of the Determinants of Revenues and Marketing
Expenditures in the Motion Picture Industry », Journal of Cultural Economics, vol 18, p. 217-235.
6
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n’hésitent pas à modifier le montage du film pour plaire au grand public. En France, seul le metteur en
scène détient le « final cut » et peut donc effectuer les modifications éventuelles sur son film aux vues
des résultats d’un pré-test.
Le marketing prévisionnel semble ainsi s’imposer ; des sociétés d’études marketing sont de plus en
plus fréquemment mises à contribution lors du lancement d’un film.
A partir d’un modèle prévisionnel complexe, une société comme Cinétude propose à ses clients de
déterminer pour chaque film, en fonction des objectifs d’entrées et du nombre de copies prévu, la
date optimale de lancement de la campagne de communication et le rythme auquel la soutenir. En
fonction du casting, du réalisateur, du sujet, de la concurrence le jour de la sortie... la probabilité
d’atteindre l’objectif varie. De l’ordre de 70% pour un film des frères Coen, elle peut dépasser 90% pour
un énième « Harry Potter ».
Dès la phase de recherche de financements, les sociétés d’études fournissent des informations
relatives à la cote d’amour des acteurs, déterminent la cible du film, élaborent le « pitch », phrase-clé
destinée à vendre le film en une ou deux idées très simples. Plus tard, des projections sont organisées
pour tester le montage, sa bande-annonce, ou cibler au mieux son public potentiel (qui servira de
relais dans la communication du film et engendrera le phénomène du bouche à oreille).
Afin de réduire les risques liés à la production d’un film, les producteurs ont tendance à multiplier les
sources de financement d’un projet. Si les investissements effectués par les chaînes de télévision
(coproduction et pré-achat) sont maintenant équivalents à ceux des producteurs et que les postes
définis par les producteurs étrangers, les apports des Sofica, les subventions du CNC... subissent des
variations d’une année sur l’autre, on voit apparaître de nouvelles logiques très proches du monde
publicitaire. La plus visible est sans doute celle du « product placement » ou stratégie de placement de
produits, consistant pour un annonceur à insérer sa marque dans une œuvre audiovisuelle.
L’interdiction formelle de la publicité télévisée au cinéma coexiste donc avec un droit d’asile qui
« consiste à placer dans le déroulement d’un film ou d’une œuvre audiovisuelle un produit et/ou un
service ou sa représentation qui sera là « comme par hasard » et qui s’affichera ostensiblement sans
pour autant être décodé comme étant une donnée relevant d’une stratégie économique de la part du
producteur et du réalisateur, et d’une stratégie marketing de la part de l’annonceur »9.
9
DUCHET, Chantal (1999), « Cinéma et publicité : le droit d’asile », in CRETON, Laurent, (dir.), Le cinéma et l’argent,
Paris, Nathan, p. 90.
7
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1.4 – La réduction spectaculaire de la durée de vie du film en salles
Le cycle de vie d’un film cinématographique en salles se réduit d’année en année, ce qui limite, de
fait, le nombre potentiel d’entrées qu’il peut réaliser. Alors que dans les années soixante, un film
effectuait sa carrière en salle sur deux ou trois ans, dans les années soixante-dix, il réalise 80% de ses
recettes dans les quatre premiers mois d’exploitation et ce même pourcentage dans les quatre
premières semaines en 2002. Actuellement, les deux tiers des films demeurent moins de deux mois à
l’affiche et beaucoup de sorties sont purement techniques, servant de point de départ à un compte à
rebours afin de déclencher une sortie vidéo et une diffusion télévisuelle.
2 – LES POLITIQUES DE PRIX D’UN TICKET DE CINÉMA : UN ÉQUILIBRE DIFFICILE A ATTEINDRE
Durant de nombreuses années, la réaction de la profession face à la baisse de la demande n’a pas
été de diminuer les prix afin d’attirer une clientèle supplémentaire, mais de compenser cette baisse
par une augmentation des prix, quitte à décourager encore la clientèle et à recentrer la consommation
sur les fractions du public les plus insensibles au prix. Entre 1950 et 1995, le litre d’essence a vu son prix
multiplié par 12, la consultation médicale par 24, le ticket de métro par 30 et la place de cinéma par 59.
Dans la majorité des branches en déclin (sidérurgie, textile), si les prix ne baissent pas, les unités
économiques diminuent leur production. L’originalité du cinéma est ainsi d’avoir connu à la fois des
hausses de prix et un maintien de la production10.
La variable prix est soumise à l’effet cliquet11 : le prix des places peut se stabiliser ou augmenter,
mais la baisse n’est pas pratiquée, si ce n’est la mise en place de tarifs préférentiels sur certains jours
de la semaine et pour certains publics et l’instauration des cartes de fidélité.
2.1 – La libéralisation du prix des billets
A partir de 1986, date de libéralisation du prix des billets, les investissements en modernisation et en
qualité de services opérés par les exploitants ont augmenté et les professionnels ont commencé à
percevoir les vertus d’un prix mieux ajusté aux préoccupations budgétaires des spectateurs. Ils ont
ainsi considéré que le prix constitue une variable déterminante des entrées et qu’il existe une élasticité
de la demande par rapport au prix.
Des expériences les plus diverses ont ainsi vu le jour, comme le prix de la place à 1,5 euro pour
certains types de films qui ne sont plus en exclusivité (plus de 6 mois) et certains horaires inhabituels
10
11
FARCHY, Joëlle (2004), L’industrie du cinéma, Paris, PUF, Coll. Que sais-je ?, p. 43.
CRETON, Laurent (1997), Cinéma et marché, Paris, Armand Colin, p. 208.
8
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(le matin par exemple). Une sorte d’« anarchie » s’est instaurée entre les politiques d’exploitation et a
suscité une grande inquiétude au sein des différents stades de la filière.
Ce phénomène est à mettre en relation avec celui de la politique des prix bas ou de rabais pratiquée
par le secteur de la grande distribution, qui bien souvent débouche sur une perte de repères des
consommateurs quant au juste prix d’un produit et pouvant se traduire par une baisse cumulée des
prix moyens et des volumes de vente.
Aujourd’hui encore, les politiques tarifaires de l’exploitation cinématographique ne sont pas
uniformes et manquent sans doute de cohérence.
Face à ce contexte, les exploitants tentent actuellement de fidéliser les spectateurs au moyen de
cartes d’abonnement illimitées. Cette politique, initiée par UGC en mars 2000 avec la carte « UGC
Illimité », poursuivie par le GIE regroupant Europalaces, MK2, les salles Ciné Classic, avec « Le Pass », a
reçu l’agrément du CNC le 18 mars 2003. Les cinémas indépendants situés dans la zone de chalandise
d’une salle UGC, Gaumont ou MK2 peuvent passer contrat avec « UGC Illimité » ou « Le Pass » pour
accepter leurs cartes. Ils sont ainsi rémunérés par les émetteurs de cartes, à un tarif garanti par
contrat, basé sur un prix de référence de 5,03 euros12. Ce qui les met à l’abri d’un risque de
surfréquentation que peut générer la détention d’une carte, tout en assurant le paiement de la taxe et
du distributeur du film.
On constate ainsi que la carte UGC, après avoir suscité un tollé général dans la profession à sa sortie,
a été adoptée par les principaux concurrents d’UGC, et que les pouvoirs publics ont dû réglementer
son usage en autorisant les indépendants de la même zone à se rapprocher des systèmes des grands
circuits.
Néanmoins le système des cartes, mis en place dans un contexte général de croissance de la
fréquentation, connaît certaines limites ou semble du moins avoir atteint un certain palier. Elles
concernent un public relativement restreint, alors que 36 millions de français vont au cinéma au moins
une fois par an. De plus, d’autres formules de fidélisation existent, comme les chèques cinéma
subventionnés par les comités d’entreprise et réalisant parfois plus d’entrées que les cartes13.
En
septembre
2004,
Claude
Lelouch
réinventait
une
nouvelle
forme
de
marketing
14
cinématographique : la gratuité d’une séance, considérée dès lors comme produit d’appel. Cette
forte incitation à aller voir un film en se basant sur la gratuité soulève le problème du prix
12
Le prix de référence agit comme un maximum garanti aux distributeurs sauf lorsque le tarif plein de la séance est
inférieur, ce dernier étant alors retenu comme base de rémunération des ayants droit.
13
Les chèques cinéma subventionnés par les comités d’entreprise réalisent plus d’entrées dans les cinémas Pathé.
14
En 1966, Philippe de Broca avait fait de même avec son film le « Roi de cœur ».
9
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d’accessibilité à la culture ; de plus, c’est remettre en cause et court-circuiter le rôle de la critique, qui
en l’occurrence, s’était montrée particulièrement sévère.
Au cours de ce fameux vendredi 17 septembre au soir, le film a réalisé 45 000 entrées, alors que le
jour de sa sortie, le mercredi 15, seuls 16 000 spectateurs s’étaient déplacés pour aller voir « Les
Parisiens »15. Cette opération « coup de poing », d’un coup estimé à 150 000 euros16, n’a, de plus, pas
déclenché le bouche à oreille nécessaire pour assurer une véritable carrière au film.
Cette technique n’est, en fait, qu’une déclinaison des stratégies promotionnelles développées par
les annonceurs selon le cycle de vie d’un produit. Durant la phase de lancement d’un produit, les
annonceurs n’hésitent pas à réduire le prix de vente de leur produit, voire de l’offrir, durant les
premiers jours de démarrage. L’objectif est bien sûr le développement de la notoriété du produit, pour
ensuite stabiliser les prix et vendre le produit au prix « juste » durant la phase de croissance du produit.
2.2 – Vers de nouvelles logiques tarifaires
Si le cinéma français reste relativement « traditionnel » en matière de politique tarifaire, les cinémas
japonais ou britannique n’hésitent pas à innover.
Durant l’été 2004, un comité formé par quatre industriels du cinéma nippon a mis en place une
campagne ciblant les baby-boomers (les quinquagénaires représentent 7 millions de personnes au
Japon), campagne intitulée : « Profitez des films dans le cinéma le plus proche de chez vous ». Les
couples mariés, dont l’un des deux est âgé d’au moins 50 ans, peuvent ainsi profiter d’une offre d’un
billet acheté/ un billet offert17. Cette campagne est prévue pour une durée d’un an et sera reconduite
en cas de succès.
On peut également citer l’expérience de « yield management » initiée par le groupe Easy en GrandeBretagne, consistant à faire payer d’autant moins cher que la place est réservée longtemps à l’avance.
Si ce principe était appliqué en France, cela remettrait en cause le système de financement du
cinéma reposant pour partie sur la taxe d’environ 11% sur chaque billet vendu. De plus, cette politique
allant de pair avec un accueil dans les salles réduit au minimum irait en contradiction avec les
15
SEGURET, Olivier (2004), « Lelouch, les ratés d’une stratégie antiratage », in Libération, 22 septembre.
BAUREZ, Thomas (2004), « Quelle mouche à piqué Lelouch ? », in Studio, n° 206.
17
MAYER, Régis (2004), « Japon – L’industrie du cinéma cherche à séduire les baby-boomers »,
http://www.senioractu.com, 8 septembre 2004.
16
10
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politiques françaises de l’exploitation cinématographique consistant à investir dans la qualité des
salles pour donner aux gens l’envie de sortir de chez eux18.
3 – LA DISTRIBUTION DES FILMS CINÉMATOGRAPHIQUES
La distribution des films cinématographiques continue à s’effectuer en salles, mais s’opère
également de plus en plus sur les marchés dits « secondaires » du film, notamment à la télévision qui
tend d’ailleurs à devenir le premier marché du film en termes de chiffre d’affaires.
Face à ce contexte, les exploitants ont initié une politique de renouveau des salles de cinéma, qui a
profondément transformé le parc existant depuis une vingtaine d’années ; quant aux distributeurs, ils
sont contraints de tenir compte désormais de toutes les caractéristiques liées aux marchés
secondaires du film et d’adopter de nouvelles stratégies pour négocier au mieux les droits d’un film.
Dans sa phase de commercialisation, le film est ainsi un service qui se gère comme n’importe quel
autre service marchand (Mayaux, 1987)19. Il est dans un premier temps acheté ou plus exactement préacheté par différents acteurs, dont les distributeurs (distributeurs cinématographiques, télévisuels,
vidéo nationaux et étrangers...), pour ensuite être commercialisé auprès du grand public.
3.1 – La distribution du film sur les marchés autres que la salle
Si originellement, la promotion d’un film s’opérait uniquement au moment de l’exploitation en salles
du film, il s’agit aujourd’hui de prendre en compte tous les supports susceptibles de valoriser le film. La
multivalorisation du produit-film s’instaure donc, avec un principe de concurrence-coopération plus ou
moins fort entre le marché primaire de la salle, l’ensemble des marchés secondaires de la vidéo (VHS
et DVD) et surtout les différentes formes de télévision, que l’on tienne compte de leurs nouveaux
supports de diffusion (satellite, câble, numérique, hertzien, cyberTV...) ou encore de l’origine de leurs
revenus (de la redevance, à la publicité en passant par l’abonnement ou le pay per view)20.
Voir à ce propos la fiche de lecture sur Laurent Creton - 4.2 - L’intégration de la filière
cinématographique au sein d’une filière élargie cinématographique-audiovisuelle
Aux Etats-Unis, la baisse de la fréquentation en salles conduit les maisons de production à envisager
un raccourcissement, voire une suppression définitive du délai entre la sortie d’un film en salles et sa
18
REPITON, Isabelle (2003), « Le cinéma en quête d’innovations pour relancer la fréquentation », in La Tribune, 12
mai.
19
MAYAUX, François (1987), « Le marketing au service de la culture », Revue Française du Marketing, n° 113, 3e
trimestre, p. 37-46.
20
CAILLER, Bruno (2002), « De la coadaptation des producteurs de cinéma et des diffuseurs dans les années 1990 »,
in CRETON Laurent, Le cinéma à l’épreuve du système télévisuel, Paris, CNRS Editions, p.44.
11
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
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sortie en DVD. La société de production, 2929 Entertainment, se propose ainsi d’être la première à
tester la sortie simultanée en salles et en DVD. Cet essai devrait porter sur six films à petit budget, du
célèbre réalisateur Steven Soderbergh, qui sortiront en même temps au cinéma, en DVD et à la
télévision21. Cette simultanéité irait de pair avec une unique campagne de lancement, réduisant ainsi
les frais de lancement et de promotion du film. Redoutant un réel manque à gagner, les propriétaires
de salles ont immédiatement réagi en déclarant qu’ils boycotteraient ces films. Ajoutons que si cette
pratique se généralisait, elle condamnerait les exploitants cinématographiques à une mort certaine.
3.2 – Une véritable mutation du parc des salles
Depuis une bonne décennie, le parc des salles cinématographiques a été considérablement modifié
avec la construction des multiplexes.
Le premier multiplexe est apparu en France en 1992 (salle Pathé à Toulon) alors que le niveau de la
fréquentation cinématographique était au plus bas (113 millions d’entrées en 1992). Dix ans après, les
106 multiplexes en activité généraient plus de 45% des 185 millions d’entrées du cinéma.
En contre partie, le cinéma d’art et essai français représente mille huit cents écrans, soit 18% du parc
des salles et 16% des entrées. Si les parts de marché de l’art et essai sont moindres comparées à celles
des multiplexes, il faut cependant souligner que nulle part ailleurs dans le monde, l’art et essai n’a ainsi
pignon sur rue. L’aide de quelque douze millions d’euros versés chaque année par le CNC à l’Afcae,
Association française des cinémas d’art et d’essai, est la contrepartie d’une politique qui affiche
quelques exigences : un choix sélectif des films, la volonté de « recherche et découverte » (les salles
Afcae réalisent près de 70% des entrées pour les premiers films français22), mais aussi un travail
d’animation et, priorité déclarée, la formation du jeune public.
L’arrivée des multiplexes en France a bien entendu changé la donne dans la répartition des recettes
entre les exploitants. Leur succès met en péril l’existence des petites salles et condamne un nombre
important d’exploitants à la faillite.
Pourtant, les multiplexes ne jouent pas pleinement leur rôle de renouveau du public. Ainsi, ils
n’incitent pas des personnes n’ayant pas l’habitude d’aller au cinéma à se déplacer en salles ; par
contre il apparaît qu’ils ont une incidence sur la fidélisation du public occasionnel. Des rapports du CNC
montrent qu’ils contribuent à gonfler le succès des « blockbusters » (meilleures ventes) américains ou
français, ce qui d’ailleurs accentue le déséquilibre avec les exploitants indépendants. Aux Etats-Unis, il
n’est pas rare de voir un distributeur de « blockbusters » prélever jusqu’à 90% des recettes aux guichets
21
22
Atelier groupe BNP Paribas, 05/09/2005.
LOISEAU, Jean-Claude (2003), « Petites salles, grands bonheurs », in Télérama, n° 2767, 25 janvier.
12
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les deux premières semaines. Le distributeur a tout intérêt à concentrer la carrière d’un film sur un
minimum de temps et un maximum de salles.
Les multiplexes ont instauré la règle des 20/80 : 20% des films font 80% des entrées. Ainsi en 2002,
sur plus de cinq cents films distribués en France, cent ont réalisé 80% des entrées et les vingt premiers
44%.
Les cinémas d’art et d’essai sont, quant à eux, menacés. Le rapport Delon dénonce le risque d’un
« système d’exploitation à deux vitesses [...] qui favoriserait une logique de ghettos culturels et qui
priverait le cinéma d’art et d’essai de la possibilité de gagner de nouveaux publics en étant exposé
dans les équipements les plus modernes »23.
3.3 – Des stratégies de distribution en salles de plus en plus inspirées du
marketing
La distribution d’un film en salles se joue à travers trois critères principaux : la bonne combinaison
des salles (qui détermine de fait le nombre de copies à éditer et leur logique de rotation), la date de
sortie du film et le nombre de semaines d’exploitation.
Des négociations se font entre le distributeur et l’exploitant (ou le circuit de programmation) sur la
capacité des salles qui vont être réservées. Plus la salle est petite, plus le potentiel de remplissage est
grand et plus le nombre de semaines peut être important (les spectateurs se répartissant dans le
temps). En contre partie, une grande salle risque davantage de connaître un taux de remplissage
moindre, ce qui incitera l’exploitant à transférer le film dans une salle de petite capacité dès que le film
réalise moins d’entrées. Le genre du film peut également influencer le choix quant à la capacité
potentielle de salle. Un film comique gagnera a priori à être diffusé dans une salle pleine, le rire étant
souvent influencé par les réactions des autres spectateurs.
Le risque pour le distributeur serait donc de vouloir à tout prix sortir un film dans un nombre massif
de salles pour réaliser le maximum d’entrées et ceci le plus vite possible. La prime de lancement
permet de faire illusion, mais les films placés sous respiration artificielle (trop grande importance du
nombre de salles de sortie) s’asphyxient et disparaissent prématurément du marché.
La date de sortie joue un rôle essentiel, à la fois parce qu’il existe une certaine saisonnalité de la
fréquentation cinématographique, mais aussi parce qu’en fonction de la date, le film ne se trouvera
pas dans le même contexte de concurrence directe. Il n’est ainsi peut-être pas utile pour un film
français à budget moyen de se confronter à un « blockbuster » américain. Néanmoins, un producteur a
23
DELON, Francis (2000), « Les multiplexes », Rapport au ministre de la Culture et de la Communication, p. 23.
13
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
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intérêt à sortir un film le plus vite possible pour des raisons financières, le jour de la sortie étant une
des échéances pour le CNC, les chaînes de télévision et les éditeurs vidéo.
Les distributeurs indépendants sont souvent tributaires des circuits de programmation qui, dans le
meilleur des cas, offriront le nombre de salles souhaitées, mais ne favoriseront pas une bonne
exposition commerciale du film (date de réservation, nombre et qualité des salles, durée)24.
On peut ainsi citer l’exemple du film « Illumination », premier long métrage de Pascale Breton,
distribué par Gémini Films (Paulo Branco) sorti en juin 2004 avec seulement dix copies. Par manque de
publicité et d’un nombre suffisant de copies, souffrant d’un temps trop clément pour aller au cinéma,
le film n’a réalisé que 3000 entrées en trois semaines.
Etant donné les contraintes du marché, les distributeurs indépendants se positionnement en règle
générale par rapport aux films d’auteur, que ce soit des premières œuvres, des rediffusions de vieux
titres qui ont marqué une génération et négocient le plus souvent avec des salles indépendantes,
prêtes à partager les risques financiers.
Il existe également un traitement inégal entre les exploitants de la capitale et la province : si les
premiers ont un accès gratuit aux affiches, au jeu de photos, et sont saturés de bandes-annonces, les
seconds doivent prendre en charge la publicité des films qu’ils programment, éditent une revue
mensuelle ou hebdomadaire annonçant les films à venir et font souvent le relais auprès de la presse
locale.
D’une manière générale, 70% des budgets de publicité sont dépensés sur Paris où seulement un tiers
des entrées est réalisé.
Généralement, mise à part quelques actions très spécifiques de relance, la campagne
promotionnelle du film prend fin lors de sa sortie sur le marché de l’exploitation, pour laisser place au
bouche-à-oreille. Meilleur sera le positionnement du film en termes de support média et hors média et
de message véhiculé, plus grandes seront les chances de développer un bouche à oreille sur le film.
Les objectifs du distributeur sont donc de pousser à aller voir le film en salles, mais aussi de toucher le
public susceptible d’agir comme prescripteur.
24
PERON Didier, « Je me concentrais sur cette idée : le film n’avait rien à voir avec sa sortie », interview de Pascale
Breton, Libération, 14/09/2005.
14
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
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3.4 - L’apparition de logiques de distribution « intermédiaires » se situant
entre le stade de production et de distribution
Le distributeur d’un film développe de plus en plus d’échanges avec le monde de la distribution, que
ce soit au travers des festivals ou des foires aux films. On peut ainsi parler de marketing trade, ou de
Business to Business lorsque les efforts marketing sont dirigés vers la profession.
Un festival comme celui de Cannes permet, avant tout, à quelques grandes firmes internationales de
revaloriser leur image de marque. Pas une affiche, pas un entretien, pas une photographie, réception
ou fêtes qui ne soient soumis au parrainage des marques. Le festival draine plus de 4 000 journalistes
et quelque 100 000 touristes qui seront ainsi soumis aux campagnes publicitaires des différentes
marques. Selon les estimations de la Banque de France, les retombées économiques s’élevaient à plus
de 90 millions d’euros en 199925 ; un tiers du budget de la manifestation provient de l’apport des
grandes firmes, ce qui place celles-ci sur le même piédestal que les plus grandes vedettes du cinéma.
Les distributeurs de cinéma s’allient également avec des annonceurs, généralement présents dans
le scénario du film, lors du lancement promotionnel du film. Il s’agit de la technique du tie-in ou
promotion croisée à travers laquelle une marque s’associe à un film et s’engage à dépenser un budget
spécifique de communication au moment de la sortie du film. Le tie-in peut apparaître comme la suite
logique d’une opération de placement de produit.
Cette forme de partenariat, quasi-systématique aux Etats-Unis, se développe prudemment en
France.
4 – LES CAMPAGNES DE PROMOTION ET DE PUBLICITÉ DU FILM CINÉMATOGRAPHIQUE
Le film est régi par une économie de prototypes ; il n’existe pas a priori de demande pour un film
donné. Le but de la promotion est de transformer la motivation floue de fréquentation des salles en
désir mieux maîtrisé d’aller voir un film particulier.
4.1 – La promotion du film cinématographique en France
Selon les professionnels du secteur cinématographique français, la publicité facilite le placement
d’un film en lui donnant une aura maximum. Puis, dès la deuxième semaine, c’est le bouche à oreille
25
PARDO, Carlos (1999), « Le cinéma, apanage de quelques nations », in Le Monde diplomatique, 11 mai.
15
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
outil d'entrée à l'analyse des secteurs marchands du film de cinéma
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qui détermine la suite de sa carrière. La publicité est alors perçue comme un déclencheur ; elle doit
donner envie d’aller voir le film26.
Globalement, on se trouve, semble-t-il, systématiquement dans le même schéma : soit l’on est en
présence d’une campagne publicitaire massive combinée à un nombre de salles élevé ; soit le
distributeur se contente d’un investissement publicitaire minimal (en général une bande annonce et
une affiche) et une présentation du film dans un nombre de salles réduit. Mais dans tous les cas, les
méthodes marketing du cinéma demeurent routinières (Bonnell, 2001)27. Les dirigeants ne semblent
pas utiliser pleinement les modèles mathématiques existants ou des outils d’aide à la décision pour
toucher au plus juste le public (segmentation et ciblage du public).
Même si des études, la plupart du CNC, relatent des caractéristiques du spectateur (en termes de
données quantitatives et qualitatives), ces données ne sont que peu exploitées dans les stratégies de
distribution cinématographique.
La promotion du film de cinéma en France apparaît donc relativement classique, peu innovante (mis
à part quelques « coups médiatiques ») et elle est souvent présentée en opposition au marketing
développé par les « Majors » américaines.
4.2 – Le modèle marketing américain
Les « Majors » américaines sont devenues des filiales de gigantesques conglomérats. La Fox dépend
de l’empire Murdoch et Columbia de Sony. Warner Bros. et New Line sont des divisions de Time
Warner, le numéro un mondial de la communication. Miramax et BuenaVista appartiennent au groupe
Disney. Paramount est un morceau de Viacom et Universal a été vendu par Vivendi à General Electric.
Seul DreamWorks, la société créée par Steven Spielberg, n’est pas cotée en Bourse, mais le studio a
tout de même un accord de distribution avec Universal.
Dans ce contexte, les films américains sont conçus pour réaliser des profits et sont ainsi tenus de
respecter des critères de rentabilité afin de rassurer la Bourse (le cinéma est d’ailleurs l’activité
économique qui constitue l’un des premiers postes d’exportation aux Etats-Unis). « Le cinéma est
avant toute chose une industrie et il n’y a aucune raison pour que cette industrie-là se comporte
différemment des autres industries »28.
26
KRUGER, Alain (1997), « Les spectateurs et les films : les sources d’information utilisées lors du processus de
choix d’un film », 1ère journée en Marketing de Bourgogne – Marketing des activités culturelles et de loisirs, Dijon.
27
BONNELL, René (2001), La vingt-cinquième image – Une économie de l’audiovisuel, Paris, Gallimard, 3e édition.
28
Propos de Dana Polan, professeur de cinéma à l’University of Southern California, in Le Nouvel Observateur,
n° 2003, 24/30 décembre 2003.
16
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
outil d'entrée à l'analyse des secteurs marchands du film de cinéma
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Les studios d’Hollywood peuvent apparaître comme un modèle en soi en termes de stratégie
marketing, ne serait-ce que par l’importance des budgets investis dans la promotion représentant bien
souvent le tiers du budget total du film. Ainsi, un film possédant un budget de production de 50
millions de dollars auquel va s’associer un budget marketing de 25 millions de dollars, devra réaliser au
moins 100 millions de recettes aux Etats-Unis pour atteindre l’équilibre.
Le cinéma américain propose un modèle intégré du marketing sur les différents supports du film. Cf.
fiche de lecture sur les ouvrages de Laurent Creton - 2.2 - Le modèle hollywoodien, ou un marketing
aux méthodologies structurées et aux lourds budgets.
Toutefois, malgré des techniques de promotion parfois originales, l’industrie du cinéma semble être
à la traîne par rapport aux secteurs de la grande consommation (c’est peut-être ce qui montre la
différence entre un bien culturel et une marchandise commerciale).
4.3 – Les stratégies communicationnelles du film cinématographique sur ses
différents marchés-supports
Le tableau ci-après présente les différentes étapes de la stratégie de communication d’un film
cinématographique sur ses différents marchés en France.
Salles
Télédiffusion
Vidéo (vente+location)
Internet
Positionnement
Différencier le film des
autres sorties en salles.
Plus largement,
positionner le cinéma
dans l’univers des arts
et de la culture.
Distinguer le film
cinématographique des
téléfilms et des autres
programmes télévisés.
Définir un titre en
particulier par rapport
aux autres films
cinématographiques
diffusés par les chaînes
concurrentes.
Distinguer le film des
autres sorties vidéo
(documentaires,
spectacles, ...) et
promouvoir un titre en
particulier.
Pour l’instant pas de
concurrence. L’Internet
doit se positionner par
rapport aux autres
marchés du film en
fixant les conditions de
téléchargement.
Stratégie marketing
Stratégie promotionnelle sur un produit et non sur une marque.
Objectifs marketing
Réaliser le plus grand
nombre d’entrées sur
un nombre de semaines
très limité.
Réaliser le plus fort
taux d’audience lors du
premier passage à
l’antenne, mais aussi
lors des rediffusions
étalées dans le temps.
Réaliser le meilleur
chiffre d’affaires.
Réaliser le meilleur
chiffre d’affaires ?
Objectifs de
communication
Obtenir un taux de
notoriété le plus
important possible à la
fois pour le film en lui-
Développer la notoriété
de la chaîne en
valorisant sa politique
de programmation
Pour les films sortis en
salles : Valoriser un film
cinématographique en
éditant un produit
Obtenir le film en avantpremière avant sa
sortie en vidéo, voire
avant sa sortie en
17
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
outil d'entrée à l'analyse des secteurs marchands du film de cinéma
Claire Moriset
Salles
Télédiffusion
Vidéo (vente+location)
Internet
même, mais aussi pour
les participants du film.
Améliorer ou renforcer
l’image des participants
du film, mais aussi de
l’ensemble du cinéma
français. Agir sur les
comportements des
spectateurs en les
incitant à aller voir un
film en particulier en
salles.
grâce à la diffusion de
films de cinéma.
Renforcer l’image de la
chaîne auprès des
téléspectateurs, mais
aussi des annonceurs
publicitaires. Inciter les
annonceurs à investir
dans la chaîne.
Encourager les
abonnements à la
chaîne.
correspondant à
l’image produite lors de
sa sortie en salles tout
en créant un plus au
travers des bonus. Pour
les films sortis
directement en vidéo :
Offrir un circuit de
distribution à des films
qui n’ont jamais pu
rencontrer leur public.
salles. Télécharger le
film en versions
étrangères. Posséder
une version gratuite du
film.
Cibles
Jeunes urbains, CSP+,
fort taux d’habitués.
Public de la chaîne et
plus globalement, tout
téléspectateur
potentiel.
Le grand public qui
souhaite revisionner ou
découvrir un film qu’il
n’a pas vu en salles
(vente et location) et
éventuellement le
conserver (vente).
Les internautes
cinéphiles (a priori).
Moyens, supports,
utilisés au moment de la
sortie du film
Affiches29, bandes
annonces diffusées à la
télévision30 ou en salles.
Avant-premières
interviews des
principaux acteurs à la
télévision, à la radio ou
dans la presse. Critiques
relations publiques
marketing
événementiel.
Annonce du film de la
même manière que la
chaîne annonce les
autres programmes.
Tous les moyens utilisés
au moment de la sortie
en salles du film
contribuent à renforcer
la notoriété du film et
constituent un travail
amont que la chaîne n’a
plus à effectuer.
Publicité à la télévision,
en presse. Critiques,
notamment sur les
bonus que comportent
certains DVD. PLV dans
les vidéo-clubs, les lieux
de vente (magasins
spécialisés dans les
produits culturels,
grande distribution,
diffuseurs de presse
pour les DVD édités en
presse magazine).
Aucune publicité
identifiée à ce jour.
Moyens ayant une
portée plus large dans le
temps et dans l’espace
Produits dérivés principalement élaborés à partir de la musique du film ou du livre à l’origine du scénario
Bouche à oreille, récompenses (prix décerné lors d’un festival, César, Oscar…) création d’un site Internet.
Les différents moyens de communication développés par les distributeurs français ont fait l’objet de
plusieurs études de recherche qui s’inscrivent, pour la plupart, dans le champ du modèle expérientiel.
29
En région parisienne, 80% des dépenses publicitaires d’un film se réalisent sur l’affichage alors qu’il s’agit du
média de promotion auquel les spectateurs sont le moins sensibles.
30
Bien qu’en France, la publicité pour les films soit interdite à la télévision (contrairement aux Etats-Unis,
l’Allemagne ou l’Italie), le cinéma y est présent sous de nombreuses formes, notamment par la présence des
comédiens et réalisateurs dans des émissions télévisées.
18
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
outil d'entrée à l'analyse des secteurs marchands du film de cinéma
Claire Moriset
Elisabeth Cooper-Martin (1992)31 étudie les sources d’information utilisées par le consommateur
pour choisir les produits « expérientiels » et plus spécialement des films. Elle définit les sources
« expérientielles » comme celles décrivant des expériences de consommation du produit (un proche
qui a vu le film ou lu une critique, par exemple, le bouche à oreille, les critiques) ; les sources « nonexpérientielles » sont celles qui ne relèvent pas de l’expérience du produit (la bande annonce,
l’affiche, la campagne de publicité à la radio, un acteur ou le réalisateur qui viennent parler du film à la
télévision, une publicité dans un journal).
L’auteur constate une plus grande crédibilité et utilité des sources d’information « expérientielles »
que des sources « non-expérientielles » pour les films cinématographiques. Dans sa thèse de doctorat,
Elisabeth Cooper-Martin32 souhaitait comprendre comment l’affiche d’un film crée chez le spectateur
une attitude l’incitant ou pas à aller voir un film et teste pour cela différents modèles et techniques de
prévision de comportement. L’auteur en déduit qu’une stratégie cohérente d’étude prévisionnelle
doit se baser sur une segmentation préalable de la population. Elle met également en évidence qu’un
genre de film s’associe à certaines catégories de publics (à l’exception des comédies dramatiques).
Ainsi, à un film de genre fantastique correspondra un public ne pratiquant pas de sport, ne lisant pas
de magazine d’actualité, ne regardant pas les jeux télévisés ni les émissions politiques et ne possédant
pas de magnétoscope, alors qu’à un film historique pourra être associé un public âgé de moins de 19
ans ou de plus de 44 ans, n’achetant pas de programme TV, lisant les magazines d’actualité, regardant
les jeux télévisés et les émissions politiques.
Eliashberg et Shugan (1997)33 se focalisent sur le rôle des critiques. Ils considèrent les critiques
comme des « prédicteurs » et non comme des leaders d’opinions qui influenceraient le choix des
spectateurs. Les auteurs prennent ainsi en compte le nombre ou le pourcentage des critiques
positives ou négatives sur le nombre total des critiques d’un film, ainsi que le nombre d’écrans dans
lesquels les films sont programmés. Ils arrivent à la conclusion que les critiques ont davantage un rôle
prédictif du revenu d’un film (les critiques ne font alors que refléter les audiences d’un film), plutôt
qu’un rôle « influenceur » sur la décision du public d’aller voir un film (les critiques sont alors
considérés par le public comme des leaders d’opinion). Les critiques ne seraient ainsi que le reflet des
goûts du public. Ainsi, une critique dans le journal Le Monde serait fidèle aux goûts
cinématographiques de ses lecteurs.
31
COOPER-MARTIN, Elizabeth (1992), « Consumers and Movies : Information sources for Experiential Products »,
Advances in Consumer Research, vol. 19, p. 756-761.
32
MARTIN, Elisabeth (1989), « Recherche marketing et cinéma – Application de modèles de prévision », Thèse de
doctorat en Sciences de gestion, Université de Clermont-Ferrand.
33
ELIASHBERG, Jehoshua, SHUGAN, Steven M. (1997), « Film Critics: Influencers or Predictors ? », Journal of
Marketing, vol 61, n° 2, p. 68-78.
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Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
outil d'entrée à l'analyse des secteurs marchands du film de cinéma
Claire Moriset
Eliashberg et Shugan ont également démontré que l’orientation positive ou négative de l’avis des
critiques de cinéma n’a aucune influence sur les résultats du film pendant ses quatre premières
semaines d’exploitation. Un film dont les critiques sont mauvaises aura donc tout intérêt à maximiser
son nombre d’entrées sur le premier mois d’exploitation. Notons néanmoins que ces travaux ont été
réalisés sur le marché nord-américain, et qu’ils sont difficilement transposables de facto sur le marché
cinématographique français.
Kruger (1997) distingue deux mécanismes de communication inter-personnelles : la rumeur et l’effet
de bouche à oreille. « Dans le domaine cinématographique, le phénomène de rumeur reste marginal et
touche les acteurs plus que les films, dont les périodes d’exploitation sont si brèves que les possibilités
d’apparition d’une rumeur sont limitées. C’est donc l’effet de bouche à oreille qui a un rôle essentiel
lors du processus de choix d’un film »34.
La politique marketing mise en œuvre lors du processus de diffusion d’un nouveau produit a une
influence sur les relations inter-personnelles (Bayus, 1985)35. Pour Bayus, chaque film est un prototype
et est, à ce titre, assimilé à un nouveau produit. Il s’intéresse au phénomène de bouche à oreille qu’il
replace dans le processus de diffusion d’un nouveau produit.
Afin de montrer que la préférence pour telle ou telle source d’information dépend de deux facteurs
principaux, à savoir la disponibilité de l’information et sa crédibilité, Faber et O’Guinn (1984)36
retiennent huit sources d’information [les critiques, les publicités à la télévision, les publicités à la
radio, les publicités dans les magazines, les bandes-annonces, et trois sources interpersonnelles (avis
d’un ami, avis d’un expert et avis du conjoint)], qu’ils classent en fonction de cinq critères : l’utilité,
l’importance, la fréquence de consultation, la crédibilité et l’impact sur la décision. Les résultats de
l’enquête effectuée auprès de 259 étudiants montrent que les sources d’informations
interpersonnelles et la bande-annonce sont premières sur l’ensemble des critères. Les critiques font
partie des sources d’information qui obtiennent les plus mauvais scores sur les cinq critères.
D’autres auteurs se sont davantage intéressés au public cinématographique et ont essayé de définir
des correspondances entre l’identité propre à un individu et sa fréquentation cinématographique.
34
KRUGER, Alain (1997), « Les spectateurs et les films : les sources d’information utilisées lors du processus de
choix d’un film », 1ère journée en Marketing de Bourgogne – Marketing des activités culturelles et de loisirs, Dijon.
35
BAŸUS, Barry (1985), « Word of Mouth : The Indirect Effects of Marketing Efforts », Journal of Advertising
Research, vol. 25, n° 3, p. 31-39.
36
FABER, Ronald J., O’GUINN, Thomas C. (1984), « Effect of Media Advertising and Other Sources on Movie
Selection », Journalism Quaterly, vol. 61, p. 371-377.
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Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
outil d'entrée à l'analyse des secteurs marchands du film de cinéma
Claire Moriset
Holbrook et Schindler (1994)37, à partir de recherches précédentes sur le concept de nostalgie dans
le domaine musical, effectuent deux types de recherche appliquée au secteur du cinéma :
- La première est réalisée sur une population d’individus ayant tous le même âge, le but étant
de constater si la nostalgie est une facette du caractère de l’individu, qui varierait d’un individu
à l’autre (tous deux ayant le même âge) ;
- La seconde est réalisée sur une population qui varie fortement en âge, le but étant de
mesurer l’influence de l’âge dans le développement des goûts.
Les conclusions de ces deux enquêtes montrent que :
- Les répondants les plus âgés semblent préférer les films les plus anciens et les plus jeunes
préfèrent les films les plus récents ;
- Les hommes préfèrent les films violents et psychologiquement forts, alors que les femmes
semblent plutôt préférer les films musicaux et romantiques ;
- Les individus présentant une propension à la nostalgie élevée préfèrent les films musicaux
ou romantiques alors que ceux ayant une propension à la nostalgie faible préfèrent les films
violents.
Si les travaux Holbrook et Schindler ont le mérite de souligner l’importance des phénomènes
nostalgiques, ils ne présentent cependant pas une véritable avancée dans la compréhension du
comportement du consommateur par rapport aux études menées précédemment par certains
sociologues, notamment Pierre Bourdieu.
Austin (1981)38 a mené une étude sur le public cinématographique en comparant l’impact des mass
media et des sources d’information interpersonnelles sur le processus de choix d’un film auprès d’un
échantillon d’étudiants. Il a ainsi analysé l’impact de vingt-huit variables sélectionnées préalablement
sur la décision des individus d’aller voir un film. Il apparaît que l’intrigue et le genre du film sont les
deux variables les plus importantes, suivies par les commentaires d’amis ; le metteur en scène, le
scénariste et le producteur sont les trois variables les moins importantes. Le bouche à oreille se révèle
comme l’élément attirant le plus l’attention sur un film. L’étude montre également que ceux qui vont
le plus au cinéma sont les plus enclins à citer des sources d’information interpersonnelles.
37
HOLBROOK, Morris B., SCHINDLER, Robert M. (1994), « Age, Sex and Attitude Toward the Past as Predictors of
Consumer’s Aesthetic Tastes for Cultural Products », Journal of Marketing Research, vol. 31, n° 3, p. 412-422.
38
AUSTIN, Bruce A. (1981), « Film Attendance: Why College Students Chose to See Their Most Recent Film », Journal
of Popular Film and Television, vol 9, p. 43-49.
21
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
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Globalement, ces études montrent que ce sont plutôt les sources liées à l’expérience antérieure du
consommateur qui ont l’impact le plus déterminant sur le choix que ce dernier effectue. Ce sont celles
qui font preuve d’une plus grande crédibilité et utilité auprès du consommateur.
CONCLUSION
Les stratégies mercatiques et communicationnelles du film cinématographique relèvent ainsi d’un
jeu de plus en plus complexe. La traditionnelle filière cinématographique connaît des changements à
tous ses stades (évolution du métier de producteur cinématographique corrélative à l’entrée des
acteurs du monde de l’audiovisuel dans le secteur cinématographique, la diminution de la période
d’exploitation du film en salle due principalement à l’exploitation du film sur des supports
technologiques nouveaux) obligeant à une nécessaire adaptation.
De part la multiplication des acteurs intervenant sur le marché cinématographique et les enjeux
financiers en découlant, le film se doit d’être rentable sur tous ses marchés économiques. Cette
contrainte de plus en plus forte entraîne les distributeurs à élaborer et mettre en place de nouvelles
logiques de diffusion et de promotion du film et réfléchir aux nouveaux modes de distribution d’un
film que ce soit sur le marché des salles, celui de la télévision, de la vidéo ou de l’Internet.
Le marketing mix, appliqué à l’objet film, présente l’avantage de proposer un cadre d’analyse précis
qui prend en compte les éléments suivants :
- Les différentes stratégies des producteurs et diffuseurs de films (professionnels de la filière
cinématographique, mais aussi acteurs du secteur audiovisuel et plus largement des industries
de contenu) ;
- Le public « consommateur » de film cinématographique et non pas le spectateur en salle
stricto sensu ;
- Les spécificités du produit film (notamment l’ambivalence du produit culturel et industriel)
et l’identification de variables économiques permettant d’estimer les potentialités de réussite
d’un film (même si les « recettes » restent très aléatoires) ;
- La distribution du film cinématographique en salles mais aussi sur les marchés secondaires ;
- Le cycle de vie du film ;
- Les politiques de prix du film ;
- Les différentes techniques publicitaires ou promotionnelles.
22
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
outil d'entrée à l'analyse des secteurs marchands du film de cinéma
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Le modèle marketing permet ainsi d’identifier et d’analyser les stratégies de promotion du film
cinématographique tout en tenant compte du contexte précis dans lequel ces nouvelles logiques sont
développées et donc des mutations que connaît actuellement le secteur du cinéma.
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Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme
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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Auteur, <Titre>, <Lieu>, <Editeur>, <Date>.
24
Claire Moriset
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