
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme Claire Moriset
outil d'entrée à l'analyse des secteurs marchands du film de cinéma
1
–
L
ES CARACTÉRISTIQUES DU PRODUIT FILM
Si l’on rapproche le cinéma du spectacle vivant, on peut considérer qu’un film est constitué par un
ensemble de caractéristiques perçues par le consommateur (Throsby, 1983)
1
. Plutôt qu’un produit
global, c’est un ensemble d’attributs que recherche le spectateur : noms des artistes, caractéristiques
physiques de la salle ou du lieu de représentation, caractéristiques techniques du spectacle... On peut
alors envisager d’analyser le comportement des spectateurs par les modèles de formation de
l’attitude développés par la recherche en marketing (Pras et Tarondeau, 1981)
2
.
1.1 – Le film cinématographique est un prototype
L’offre des produits des industries culturelles se caractérise par une logique de prototype. Ainsi, un
film, un disque, un livre sont coûteux à produire mais pas à reproduire (Shapiro et Varian, 1999)
3
. En
termes économiques, cela signifie que la production nécessite des coûts fixes élevés, mais un coût
marginal faible. Ainsi, le coût moyen, le coût par utilisateur, est d’autant plus faible que le marché du
produit culturel est étendu. L’augmentation de la taille de marché permet donc de baisser le prix des
produits (le coût unitaire étant décroissant avec le nombre d’utilisateurs) et/ou d’accroître
l’importance des budgets de production et de promotion, la rentabilité des investissements devenant
plus forte.
Les activités culturelles présentent un risque de production particulièrement élevé. Dans une
industrie « traditionnelle », le lancement de la production en série d’un nouveau produit n’est entrepris
que si une population test a préalablement réagi positivement à l’introduction d’un prototype (Greffe,
2002)
4
. Dans le domaine cinématographique, tous les coûts de production et de distribution sont
engagés avant d’en connaître le succès potentiel. Ce risque est d’autant plus élevé qu’une part
importante des coûts fixes est irrécupérable. Si après une semaine d’exploitation en salle, un film est
retiré des écrans, l’ensemble des investissements en salaires, en décors, en publicité..., sera perdu.
Afin de comprendre les processus d’achat dans le cinéma, il paraît nécessaire de s’intéresser aux
modèles explicatifs du comportement du spectateur-consommateur. Afin de mieux connaître le public
cinématographique, il convient dans un premier temps de s’appuyer sur des enquêtes et études
générales réalisées par le CNC notamment, rendant compte de la fréquentation et de la
consommation cinématographique. Ces études permettent d’identifier les caractéristiques
1
THROSBY, Charles David (1990), « Perception of Quality in Demand for the Theatre », Journal of Cultural Economics,
14-1, p. 65-82.
2
PRAS, Bernard, TARONDEAU, Jean-Claude (1981), Comportement de l’acheteur, Paris, Sirey.
3
SHAPIRO, Carl, VARIAN Hal R. (1999), Information Rules, a Strategic Guide to the Network Economy, Harvard
Business School Press, Boston, 1998, 313 pages ; traduit de l’américain par MAZEROLLE (F.), Economie de
l’information. Guide stratégique de l’économie des réseaux, Paris-Bruxelles, De Boeck.
4
GREFFE, Xavier (2002), Arts et artistes au miroir de l’économie, Paris, Economica.