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Observatoire des mutations des industries culturelles
Réseau international de chercheurs en sciences sociales
Série : « Processus de création, production, diffusion et valorisation des
productions intellectuelles et artistiques »
Les mutations du secteur cinématographique ou
le marketing comme outil d'entrée à l'analyse des
secteurs marchands du film de cinéma
Claire Moriset
GRESEC - Grenoble 2
Ce texte a été publié pour la première fois en novembre 2005 sur le site de l’OMIC.
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Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme Claire Moriset
outil d'entrée à l'analyse des secteurs marchands du film de cinéma
3
A
VANT
-
PROPOS
Après avoir analysé les ouvrages de Laurent Creton (Cf. Fiche de lecture Les mutations de
l’industrie cinématographique), il apparaît que les phénomènes ayant entraîné le plus de changements
dans le monde cinématographique concernent la place prédominante qu’ont pris les chaînes de
télévision à tous les stades de la filière et la pratique de plus en plus généralisée du marketing, liée à
l’apparition des différents supports de diffusion du film cinématographique.
L’approche particulière d’analyse des mutations du secteur cinématographique choisie se rapporte
à l’application des méthodes spécifiques proposées par le marketing, en ayant notamment recours
aux différents concepts liés au plan de marchéage (politique des 4 P). L’objet de ce qui suit n’est pas
d’analyser de manière exhaustive le marketing du cinéma français, mais d’envisager les pistes et
éclairages que peut offrir une étude s’appuyant sur les concepts mercatiques quant aux mutations
passées et actuelles du cinéma.
I
NTRODUCTION
A partir des années soixante, le marketing est apparu en France, pour se généraliser dans les années
quatre-vingt dix à tous les secteurs économiques. Même si le cinéma français reste réticent à l’esprit
mercatique, on trouve de nombreux exemples de films s’inspirant largement des techniques
développées par le cinéma hollywoodien et ceci à tous les niveaux de la filière :
- au niveau de la conception de l’œuvre : « starification » du cinéma (comédiens, techniciens,
scénario sophistiqué, hausse constante des budgets) ; développement de la pratique du
product placement ; recours au système des previews ou tests d’avant-première ;
- au niveau de la diffusion de l’œuvre : le tie-in, technique de promotion croisée entre la
campagne d’une marque, présente ou non dans le film et celle du film lors de l’exploitation de
celui-ci ; le teasing ; la généralisation des produits dérivés ; les techniques de promotion liées au
développement de l’Internet ; le développement des relations publiques (prise de contact
directe avec les critiques de cinéma dans l’espoir de recueillir des avis favorables).
La démarche marketing est fondée sur le principe d’une prise en compte du marché et des clients,
dont l’étude permet de déterminer l’équation optimale produit-prix-distribution-communication. Si
l’on suit la logique mercatique, c’est le public qui devrait déterminer librement ses choix et par
conséquent le succès d’un film. Or, il s’avère que le producteur, le distributeur, les programmateurs et
les médiateurs influencent grandement la destinée d’un film ; c’est ce que nous nous proposons
d’analyser en prenant en compte les « quatre P » du marketing mix.
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme Claire Moriset
outil d'entrée à l'analyse des secteurs marchands du film de cinéma
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1
L
ES CARACTÉRISTIQUES DU PRODUIT FILM
Si l’on rapproche le cinéma du spectacle vivant, on peut considérer qu’un film est constitué par un
ensemble de caractéristiques perçues par le consommateur (Throsby, 1983)
1
. Plutôt qu’un produit
global, c’est un ensemble d’attributs que recherche le spectateur : noms des artistes, caractéristiques
physiques de la salle ou du lieu de représentation, caractéristiques techniques du spectacle... On peut
alors envisager d’analyser le comportement des spectateurs par les modèles de formation de
l’attitude développés par la recherche en marketing (Pras et Tarondeau, 1981)
2
.
1.1 – Le film cinématographique est un prototype
L’offre des produits des industries culturelles se caractérise par une logique de prototype. Ainsi, un
film, un disque, un livre sont coûteux à produire mais pas à reproduire (Shapiro et Varian, 1999)
3
. En
termes économiques, cela signifie que la production nécessite des coûts fixes élevés, mais un coût
marginal faible. Ainsi, le coût moyen, le coût par utilisateur, est d’autant plus faible que le marché du
produit culturel est étendu. L’augmentation de la taille de marché permet donc de baisser le prix des
produits (le coût unitaire étant décroissant avec le nombre d’utilisateurs) et/ou d’accroître
l’importance des budgets de production et de promotion, la rentabilité des investissements devenant
plus forte.
Les activités culturelles présentent un risque de production particulièrement élevé. Dans une
industrie « traditionnelle », le lancement de la production en série d’un nouveau produit n’est entrepris
que si une population test a préalablement réagi positivement à l’introduction d’un prototype (Greffe,
2002)
4
. Dans le domaine cinématographique, tous les coûts de production et de distribution sont
engagés avant d’en connaître le succès potentiel. Ce risque est d’autant plus élevé qu’une part
importante des coûts fixes est irrécupérable. Si après une semaine d’exploitation en salle, un film est
retiré des écrans, l’ensemble des investissements en salaires, en décors, en publicité..., sera perdu.
Afin de comprendre les processus d’achat dans le cinéma, il paraît nécessaire de s’intéresser aux
modèles explicatifs du comportement du spectateur-consommateur. Afin de mieux connaître le public
cinématographique, il convient dans un premier temps de s’appuyer sur des enquêtes et études
générales réalisées par le CNC notamment, rendant compte de la fréquentation et de la
consommation cinématographique. Ces études permettent d’identifier les caractéristiques
1
THROSBY, Charles David (1990), « Perception of Quality in Demand for the Theatre », Journal of Cultural Economics,
14-1, p. 65-82.
2
PRAS, Bernard, TARONDEAU, Jean-Claude (1981), Comportement de l’acheteur, Paris, Sirey.
3
SHAPIRO, Carl, VARIAN Hal R. (1999), Information Rules, a Strategic Guide to the Network Economy, Harvard
Business School Press, Boston, 1998, 313 pages ; traduit de l’américain par MAZEROLLE (F.), Economie de
l’information. Guide stratégique de l’économie des réseaux, Paris-Bruxelles, De Boeck.
4
GREFFE, Xavier (2002), Arts et artistes au miroir de l’économie, Paris, Economica.
Les mutations du secteur cinématographique ou le marketing comme Claire Moriset
outil d'entrée à l'analyse des secteurs marchands du film de cinéma
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sociodémographiques du spectateur. Au-delà de ces données, il paraît également important de
comprendre quelles sont les motivations qui déterminent les choix des spectateurs, les valeurs qu’ils
attribuent à leur consommation et les satisfactions qu’ils en retirent.
Cette analyse se doit d’être complétée par la question de la stratégie marketing développée de
l’amont à l’aval de la filière du film.
Une meilleure prise en compte des caractéristiques des spectateurs permettrait aux gestionnaires
d’adapter les politiques de prix, de communication et de distribution des films et d’accroître ainsi la
fréquentation en salles. Traditionnellement, la segmentation au niveau du public, dans le domaine
culturel, se fonde sur la différenciation suivante : en fonction des caractéristiques socio-
démographiques (âge, sexe, lieu d’habitation, etc.), en fonction de la fidélité des spectateurs (cas des
abonnés), ou en fonction de partenaires extérieurs (élus ou collectivités locales).
1.2 – les modèles de prévision des recettes ou le développement du
marketing amont du cinéma
Etant donné le caractère aléatoire du succès d’un film, la tentation est grande de chercher à se
doter de martingales susceptibles d’ouvrir les voies du succès. Des chercheurs ont mis en place des
modèles qui ont tous pour point commun d’identifier des variables indépendantes d’un long-métrage
pour expliquer ses résultats commerciaux.
Pour René Bonnell
5
, trois recettes semblent être à retenir :
- La combinaison de vedettes (acteurs, réalisateurs, scénaristes, dialoguistes...), « recette »
directement inspirée du modèle hollywoodien ; elle a surtout été pratiquée en France dans les
années soixante, soixante-dix, mais semble désormais révolue si l’on tient compte des échecs
retentissants de certains projets ayant appliqué cette formule.
- Les chaînes d’analogues. Cette technique consiste à reconduire une formule qui a réussi
jusqu’à épuisement du produit. C’est ce qui débouche sur les suites de films ou les remakes.
- La recherche de créneau : elle consiste pour un producteur à s’installer dans une « niche »
(correspondant le plus souvent à un genre spécifique de films) il est assuré de rencontrer
une demande certes limitée, mais fidèle.
Les études de Coulot et Tébout (1986)
6
tentent d’expliquer les revenus d’un film par des variables
liées aux membres de l’équipe de fabrication d’un film (le scénariste, les trois premiers acteurs, le
5
BONNELL, René (2001), La vingt-cinquième image – Une économie de l’audiovisuel, Paris, Gallimard, 3
e
édition, p.113.
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