Psychothérapie institutionnelle. Histoire et actualité

Dans son ouvrage, Joseph Mornet propose trois grandes parties :
Une première dans laquelle il décrit la naissance et le développement de la
Psychothérapie institutionnelle et reprend le concept fondamental d’alié-
nation sociale selon plusieurs perspectives, notamment avec Marx et Sartre.
Il montre comment la réalisation de « club thérapeutique » peut en résul-
ter selon une dialectique subtile et opératoire.
Dans la deuxième partie, il développe l’idée de l’aliénation mentale en
reprenant son parcours dans l’histoire de la folie, puis la « nouvelle admi-
nistration de la folie » résultant des organisations plus récentes en matière
de psychiatrie.
Dans la troisième partie, il développe autour des grandes questions de trans-
fert, psychose et institution, la pertinence des outils et des opérateurs concep-
tuels de la Psychothérapie institutionnelle. Il précise en quoi des concepts
fondamentaux, tels que celui de liberté, d’humour et de risques du soin peu-
vent ou non modifier profondément les conditions d’exercice de nos métiers
de psychistes (Tosquelles). Enfin, il accorde une place importante à ce
qu’il définit comme « soigner les soignants ».
Dans ce livre, les différents concepts de la psychothérapie institutionnelle
sont revisités d’une façon précise et la longue expérience de l’auteur donne
à l’ouvrage une authenticité qui en garantit la pertinence. Les principaux
théoriciens de ce mouvement sont relus avec acuité et il est intéressant de
voir comment les concepts cliniques et psychopathologiques sont déclinés
en tenant compte des aspects institutionnels et inversement.
Tout cela fait de ce livre, non seulement une très bonne introduction à
cette histoire de la Psychothérapie institutionnelle, mais aussi un manuel à
la disposition des praticiens aguerris et/ou en formation pour approcher au
plus près d’une méthode thérapeutique intégrant porteuse d’outils féconds
pour demain.(Pierre DELION)
Joseph Mornet est psychologue au Centre psychothérapique de Saint-Martin de
Vignogoul depuis son ouverture en 1972. Psychothérapeute, il est aussi formateur
et superviseur.
Joseph
Joseph
PSYCHOTH
PSYCHOTHÉ
ÉRAPIE
RAPIE
INSTITUTIONNELLE
INSTITUTIONNELLE
Mornet
Mornet
Collection Psychothérapie institutionnelle
PSYCHOTHÉRAPIE INSTITUTIONNELLE. Histoire &actualité
Joseph Mornet
HISTOIRE &
ACTUALITÉ
CHAMP SOCIAL ÉDITIONS
ISBN: 978-2-913376-93-9 20 €
Préface
Lorsque Joseph Mornet m’a proposé d’écrire une préface pour son
livre sur la Psychothérapie institutionnelle, je m’en suis réjoui non
seulement pour la qualité de son manuscrit, mais aussi parce qu’il
tombe à un moment beaucoup s’interrogent sur ce que cette locu-
tion peut bien encore vouloir dire aujourd’hui.
« Psychothérapie » est maintenant devenu un mot et, de surcroît,
une pratique difficiles à porter sinon à défendre. Quant à « Institu-
tion », le vocable rime souvent, à tord, avec ces établissements dont la
lourdeur est la principale qualité. Alors que peut bien vouloir dire
« Psychothérapie institutionnelle » sinon un casse-tête conceptuel ou
une source de difficultés en tout genre ?
Eh bien, vous trouverez parmi de nombreuses choses passionnantes,
les réponses à ces questions angoissées dans l’ouvrage que vous venez
d’ouvrir.
Mais, et ce n’est pas son moindre avantage, ce livre tombe à pic !
Et je dirais que, justement aujourd’hui, la Psychothérapie institu-
tionnelle, nous allons en entendre de plus en plus parler, parce que,
d’une certaine manière, les conditions sont à nouveau réunies pour
que son existence même ne soit plus seulement l’objet d’une nostalgie
voire d’une hostilité, mais bien plutôt une mine de recherches répon-
dant aux nécessités de notre temps.
En effet, la Psychothérapie institutionnelle a révolutionné la psy-
chiatrie à un moment les pratiques et les théories de cette dernière
semblaient en panne, embourbées dans les aléas de la deuxième
guerre mondiale, avec, il faut bien le dire, de nombreux morts sur la
conscience. Je rappelle à toutes fins utiles que ce sont plus de la moi-
tié des patients hospitalisés dans les hôpitaux psychiatriques français
qui sont morts de faim et de privation pendant cette période, et que,
dans le même temps, certains aliénistes n’avaient pas peur de faire des
communications au Congrès de Montpellier en 1942, sur les effets de
l’hypoprotidémie en psychiatrie, sans mettre en cause les raisons qui
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y conduisaient. Ce sera d’ailleurs l’occasion pour Balvet de faire une
communication courageuse (très en lien avec Tosquelles qui, du fait
de son étrangéité, n’était pas admis à ce congrès) sur la nécessité de
changer le fonctionnement des hôpitaux pour mieux soigner les ma-
lades qui y viennent, et sortir enfin de l’impasse dans laquelle ils
étaient arrivés.
Toujours est-il que c’est dans cette atmosphère de dérive abandon-
nique que plusieurs psychiatres vont, autour de Tosquelles, commen-
cer à réfléchir à une autre manière de soigner les malades mentaux.
Celui-ci, avec Bonnafé, Daumezon, Koechlin, Oury, Chaurand et
bien d’autres, vont se pencher sur les deux grandes questions héritées
de Sigmund Freud et de Hermann Simon, d’une part, la relation
transférentielle comme base de la relation thérapeutique, et d’autre
part, le nécessaire traitement de l’hôpital psychiatrique avant tout
traitement des malades qui y sont accueillis, pour en déduire des ré-
ponses théoriques, permettant de féconder de nouvelles pratiques de
la psychiatrie. Et ce sont de ces grandes questions vitales pour les ma-
lades mentaux que sont nées pendant la deuxième guerre mondiale et
juste après son achèvement, d’une part la Psychothérapie institution-
nelle comme méthode d’analyse et de traitement du milieu dans le-
quel peut se développer la thérapeutique psychiatrique dans des
conditions « suffisamment bonnes », et d’autre part la Psychiatrie de
secteur comme dispositif organisationnel de sa mise en place.
Plus tard, notamment par un sophisme dérivé de l’antipsychiatrie,
ces deux faces indissociables d’une même éthico-pratique de soin ont
été opposées, la Psychothérapie institutionnelle devant rester confi-
née dans l’intérieur de l’hôpital et la Psychiatrie de Secteur chargée de
la part extra-hospitalière. L’expérience nous a montré que cette parti-
tion de l’exercice psychiatrique a toujours abouti à une aporie renfor-
çant les clivages des équipes et partant ceux des patients. La
révolution culturelle de ce mouvement consiste justement à organiser
les soins là où se trouve le patient sans en moraliser le lieu (extrahos-
pitalier bon objet et intrahospitalier mauvais objet) en prenant en
compte la relation transférentielle de ce patient avec l’équipe dans sa
réalité et à en assumer la condition de possibilité dans la durée. Au-
tant dire que la question du lieu d’accueil du patient devient aussitôt
secondaire à la qualité de cet accueil, et l’on pourrait dire que la Psy-
chothérapie institutionnelle permet d’en dialectiser les différents as-
pects, y compris dans les pathologies psychiatriques les plus graves,
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d’où la nécessité du recours aux « institutions », entendu dans le sens
de Hochmann (institutions mentales).
Or, aujourd’hui, que voyons nous se profiler dans le champ de la
psychiatrie ? Si les descriptions apocalyptiques ne font pas souvent
avancer les idées de changement, il peut toutefois dans ce cas, être
utile de se reporter au livre récent de Patrick Coupechoux « Un
monde de fous1», qui fait le point d’une façon pertinente sur l’état
actuel de la psychiatrie dans nos contrées.
Il ne faut pas se voiler la face : la psychiatrie est en passe d’être dé-
truite pour être remplacée par une sorte de bouillie conceptuelle qui
se contente de la description des symptômes et en déduit, d’une
façon simplificatrice, les consignes à suivre pour que « ça change »,
sous entendu, de comportement. Dans peu de temps, si nous n’y prê-
tons pas attention, les nouveaux psychiatres ne seront plus formés en
référence à la thérapeutique et à la psychopathologie, mais à une ob-
servation de surface permettant d’appliquer les conclusions des
conférences de consensus qui sont, le plus souvent, globalement
« athéoriques » elles aussi. Pour parler plus clairement, quand je dis
athéorique, je dis que la théorie implicite est celle de la police des
comportements et que, lorsque les redressements de comportements
ne suffisent plus, il leur est adjoint des médicaments psychotropes.
Dans un tel projet de psychiatrie, toute la culture édifiée progressive-
ment par nos pères et nos pairs à partir des références historiques,
psychanalytiques, phénoménologiques, anthropologiques, et qui pre-
nait en compte les aspects humains de la souffrance psychique, risque
purement et simplement d’être balayée par ces modes qui ne tien-
dront pas longtemps, sauf à trouver des relais de type commercial sur
les groupes auxquels elles rapportent. Sans compter les nouvelles
formes « mana(d)gériales » de gouvernance, qui, en prétendant re-
donner le pouvoir aux médecins, les aliènent à celui du marché.
Pour ma part, je lutterai pour que ces pratiques et ces théorisations des
différentes approches de psychothérapies institutionnelles continuent
d’être connues, enseignées et transmises à nos jeunes collègues psychiatres,
infirmiers, psychologues et tous les membres de l’équipe pluridisciplinaire
de psychiatrie, pour que, le cas échéant, et il échoira certainement, ils puis-
sent s’y référer pour aider au soin des malades mentaux, et notamment des
plus graves qui risquent de se retrouver sur le bord du chemin. Pour ce faire
nous avons besoin de prises de positions argumentées pour étayer les com-
bats que nous avons à mener aujourd’hui, et ce livre en contient beaucoup.
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Dans son ouvrage très intelligent et documenté, Joseph Mornet
propose trois grandes parties. Une première dans laquelle il décrit la
naissance et le développement de la Psychothérapie institutionnelle et
reprend le concept fondamental d’aliénation sociale selon plusieurs
perspectives, notamment avec Marx et Sartre, et montre comment la
réalisation de « club thérapeutique » peut en résulter selon une dialec-
tique subtile et opératoire.
Dans sa deuxième partie, il développe l’idée de l’aliénation mentale
en reprenant son parcours dans l’histoire de la folie, puis la « nouvelle
administration de la folie » résultant des organisations plus récentes
en matière de psychiatrie. Il insiste, avec juste raison, sur l’impor-
tance des nouveaux modèles de la maladie mentale, et notamment
sur la transparence des corps et l’objectivation de la subjectivité, en
montrant comment ces changements peuvent pervertir la praxis psy-
chiatrique de façon discrète mais efficace.
Dans sa troisième partie, il développe autour des grandes questions
de transfert, psychose et institution, la pertinence des outils et des opéra-
teurs conceptuels de la Psychothérapie institutionnelle. Il précise en
quoi des concepts fondamentaux, tels que celui de liberté, d’humour et
de risques du soin peuvent ou non modifier profondément les condi-
tions d’exercice de nos métiers de psychistes (Tosquelles). Enfin, il ac-
corde une place importante à ce qu’il définit comme « soigner les
soignants ». En effet, ce n’est pas un des moindres aspects de la psycho-
thérapie institutionnelle d’avoir mis l’accent sur les aspects institution-
nels du contre-transfert, non seulement comme moyen de mieux
comprendre les éléments transférentiels des patients dans notre contact
avec eux, mais aussi comme une des modalités incontournables pour
prendre en considération les concepts et les pratiques de groupes mis
au service des patients les plus en déshérence.
Dans ce livre, les différents concepts sont revisités d’une façon
précise et la longue expérience de l’auteur acquise dans la clinique de
Saint Martin de Vignogoul avec ses amis Enjalbert, Bokobza, et d’au-
tres, donnent à l’ouvrage une authenticité qui en garantit la perti-
nence. Les principaux théoriciens de ce mouvement sont relus avec
acuité et il est intéressant de voir comment les concepts cliniques et
psychopathologiques sont déclinés en tenant compte des aspects ins-
titutionnels et inversement.
Tout cela fait de ce livre, non seulement une très bonne introduc-
tion à cette histoire de la Psychothérapie institutionnelle, mais aussi
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