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d’où la nécessité du recours aux « institutions », entendu dans le sens
de Hochmann (institutions mentales).
Or, aujourd’hui, que voyons nous se profiler dans le champ de la
psychiatrie ? Si les descriptions apocalyptiques ne font pas souvent
avancer les idées de changement, il peut toutefois dans ce cas, être
utile de se reporter au livre récent de Patrick Coupechoux « Un
monde de fous1», qui fait le point d’une façon pertinente sur l’état
actuel de la psychiatrie dans nos contrées.
Il ne faut pas se voiler la face : la psychiatrie est en passe d’être dé-
truite pour être remplacée par une sorte de bouillie conceptuelle qui
se contente de la description des symptômes et en déduit, d’une
façon simplificatrice, les consignes à suivre pour que « ça change »,
sous entendu, de comportement. Dans peu de temps, si nous n’y prê-
tons pas attention, les nouveaux psychiatres ne seront plus formés en
référence à la thérapeutique et à la psychopathologie, mais à une ob-
servation de surface permettant d’appliquer les conclusions des
conférences de consensus qui sont, le plus souvent, globalement
« athéoriques » elles aussi. Pour parler plus clairement, quand je dis
athéorique, je dis que la théorie implicite est celle de la police des
comportements et que, lorsque les redressements de comportements
ne suffisent plus, il leur est adjoint des médicaments psychotropes.
Dans un tel projet de psychiatrie, toute la culture édifiée progressive-
ment par nos pères et nos pairs à partir des références historiques,
psychanalytiques, phénoménologiques, anthropologiques, et qui pre-
nait en compte les aspects humains de la souffrance psychique, risque
purement et simplement d’être balayée par ces modes qui ne tien-
dront pas longtemps, sauf à trouver des relais de type commercial sur
les groupes auxquels elles rapportent. Sans compter les nouvelles
formes « mana(d)gériales » de gouvernance, qui, en prétendant re-
donner le pouvoir aux médecins, les aliènent à celui du marché.
Pour ma part, je lutterai pour que ces pratiques et ces théorisations des
différentes approches de psychothérapies institutionnelles continuent
d’être connues, enseignées et transmises à nos jeunes collègues psychiatres,
infirmiers, psychologues et tous les membres de l’équipe pluridisciplinaire
de psychiatrie, pour que, le cas échéant, et il échoira certainement, ils puis-
sent s’y référer pour aider au soin des malades mentaux, et notamment des
plus graves qui risquent de se retrouver sur le bord du chemin. Pour ce faire
nous avons besoin de prises de positions argumentées pour étayer les com-
bats que nous avons à mener aujourd’hui, et ce livre en contient beaucoup.
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