Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014.
sont enfuis, lui est au pied de la croix et témoigne avoir vu le sang et l’eau jaillir du côté de Jésus
(19,34-35).
Le disciple bien aimé devient ici le témoin et celui qui garantit la révélation du Fils.
- La mère de Jésus :
Pour plusieurs auteurs dont X. Léon-Dufour
, il faut écarter les deux interprétations qui
débordent le cadre du texte et qui attribuent à Marie le rôle prépondérant dans la relation qui l’unit au
disciple : Marie comme figure de l'Église et Marie dans sa fonction maternelle.
Pour lui, à Cana comme au calvaire, le rôle qui est réservé à la mère de Jésus, loin de la mettre
au centre, lui réserve une place subalterne. Ici au calvaire, il faut, dit-il, garder aux mots leur sens le
plus naturel et éviter de surinterpréter le texte.
En effet, le fils qui est présenté à Marie est parvenu à la foi par sa relation privilégiée avec le
Maître et non grâce à la mère de Jésus. Or, c’est bien le disciple qui reçoit Marie sous son toit et non
l’inverse ; ce n'est pas elle qui reçoit le disciple chez elle. Et d’autre part, le disciple que Jésus lui-
même distingue des autres peut-il paradoxalement être ramené au sens de tous les autres ?
- Interprétation de la péricope en lien avec le premier signe de Cana
S’appuyant sur le lien du texte avec celui de Cana, X. Léon-Dufour
invite à discerner, à
nouveau, dans la mère de Jésus, celle qui, à Cana, représentait Israël tendu vers l’intervention
salvifique de Dieu. Le disciple est lui, au-delà de l’attente : il est le Témoin véridique et l’interprète
autorisé de la plénitude reçue.
En confiant sa mère au disciple, Jésus veut signifier qu’elle est désormais appelée à partager
l’univers spirituel qui s’est ouvert au disciple. Elle est invitée dans la relation de communion avec
Jésus inaugurée par le disciple. À son tour, le disciple reconnaîtra en elle sa propre mère, car sa foi
s’enracine et se ressource à jamais dans celle d’Israël, premier destinataire de l’Alliance et porteur des
Écritures.
C'est bien le disciple qui l'accueille chez lui. Le lien établi entre la mère de Jésus et le disciple
est réciproque mais inégal. C'est le disciple qui met à exécution le testament de Jésus "à partir de cette
heure-là". Son rôle de dépositaire et de témoin s'étendra jusqu'à la parousie, il ne connaît pas de limite
dans la durée.
Ainsi, la scène offre un sens pleinement cohérent avec le reste de l’Évangile. Le passé d’Israël,
symbolisé par la mère de Jésus, débouche dans le présent du message évangélique, symbolisé par le
disciple, où il s’accomplit jusqu’à la fin des temps. Les disciples de Jésus doivent maintenir fermement
leur relation avec Israël en l’accueillant, c’est-à-dire en s’en inspirant sans cesse.
Israël est invité à reconnaître dans le disciple bien-aimé que la révélation de Jésus est
l’aboutissement de son attente.
2 LA MORT DE JESUS (vv. 28-30)
28Après quoi, sachant que dès lors tout était achevé, pour que l'Ecriture soit accomplie jusqu'au bout,
Jésus dit : « J'ai soif » ; 29il y avait là une cruche remplie de vinaigre, on fixa une éponge imbibée de
ce vinaigre au bout d'une branche d'hysope et on l'approcha de sa bouche. 30Dès qu'il eut pris le
vinaigre, Jésus dit : « Tout est achevé » et, inclinant la tête, il remit l'esprit.
Cette partie est bien délimitée grâce à son début solennel : “après cela sachant que tout est
achevé”, à quoi correspond, en finale, la dernière parole de Jésus : “tout est achevé”.
Par rapport aux Synoptiques, le narrateur n’évoque pas les signes apocalyptiques liés à la croix,
mais il reprend les trois motifs de l’éponge (v. 29), de la dernière parole (v. 30a) et de la remise de
l’Esprit (v. 30b). A chaque fois, le recadrage du récit est frappant.
C’est à son initiative et non à celle des soldats se méprenant sur sa parole que Jésus reçoit à
boire. L’éponge est fixée non à un roseau mais à une branche d’hysope qui évoque Ex 12,22 et la
symbolique pascale. L’hysope était en effet utilisée pour badigeonner les linteaux des portes des
X. LÉON-DUFOUR, op. cit. 141-143.
X. LÉON-DUFOUR, op. cit. 144-148.