http://www.histoire-empire.org/ L'Empereur détrôné Napoléon dans la caricature D’inspiration nationaliste, comme en Allemagne ou en Russie, ou tout simplement politique et idéologique, comme en France (héritage révolutionnaire oblige), la caricature peut se définir comme un acte de liberté de l’opinion, et ceci dans toute l’Europe napoléonienne. Sur un continent largement contrôlé par l’administration impériale, la caricature apparaît comme un « combat de l’ombre », et il ne faut donc pas s’étonner qu’une grande proportion de celles apparaissant en France, en Allemagne (sous l’impulsion de la Prusse), en Russie, ne soient pas signées, ou sous la forme d’un simple monogramme, difficile quelquefois à décrypter. Ce n’est évidemment pas le cas pour la production anglaise (absente dans cette exposition). Dans un pays où la liberté de la presse obéit à une longue tradition, et qui s’oppose à la France depuis le début de la Révolution - l'Angleterre, jamais envahie, mais toujours en guerre, se refusera toujours à reconnaître l'Empereur, qui demeurera pour elle le général Buonaparte ! - les artistes (comme le célèbre Gillray) et leurs éditeurs n’hésitèrent jamais à signer leurs œuvres. Les caricatures présentées ici, sont, dans leur grande majorité, d’origine française et sont toutes postérieures à l’année 1812 – année de la fatale campagne de Russie. Ce fait traduit bien entendu la condition de la censure française jusqu’à cette époque, et son relâchement relatif à partir des guerres de libération en Allemagne. Car, même si les efforts des caricaturistes pour contrecarrer l’État furent, jusqu’à cette année là, certains, comme en témoignent les archives de la Police, il ne faut pas s’étonner, compte tenu, justement, de l’efficacité de cette police impériale, dirigée par Fouché, que la caricature française ne prenne vraiment son essor qu’après 1814, grandement aidée, semble-t-il, par l’association secrète royaliste et catholique des Chevaliers de la Foi. Les auteurs, lorsqu’ils ont signé leurs œuvres (à peu près 50% des dessins présentés ici sont en effet anonymes) sont des artistes relativement réputés dans ce domaine, comme Lacroix, Dubois, Elie ou Bassompierre. La caricature anti-napoléonienne vise à démobiliser les opinions publiques, tout en les ménageant : il s’agit de rejeter sur le seul Napoléon les maux qui accablent les citoyens des pays qu’il gouverne. C’est ainsi que les caricaturistes français évitèrent de trop froisser le peuple en rappelant les origines révolutionnaires du gouvernement impérial. On ne relève guère que quelques œuvres rappelant les sources républicaines du régime, comme Les Trois Fédérés (n° 9), de Lacroix. De même, Napoléon est rarement assimilé – au contraire de ce qui se faisait en Allemagne – à un dieu de la guerre et de la mort. Alors, quoi de mieux que d’attaquer l’image de l’Empereur et la noircir ? – même si les attaques touchèrent également d’autres personnages, comme le maréchal Ney ou la "hyène" (reine) Hortense - C’est l’usurpateur que l’on attaque : il s’agit en effet non pas de changer de régime, mais de replacer sur le trône un héritier de droit divin – « légitime » - Louis XVIII. Il s’agit là d’une manœuvre très habile. Mais on ne s’attaque pas au physique de Napoléon – d’ailleurs, peu propre à des représentations caricaturales – mais à ses particularités psychologiques ou supposées telles. On le présente alors comme pervers, ambitieux, envieux, méprisant, calculateur et lâche. Le voilà tantôt rasé (n° 1, n° 3), tantôt poilu comme un singe (n° 16). Souvent, on le déculotte, Napoléon se faisant impudiquement baiser le postérieur par un entourage servile (n° 14), fouetter ou battre lorsqu’il sert de grosse caisse à l’Europe (n° 2). On dérive aussi du registre pornographique au scatologique, Napoléon déféquant et vomissant à plaisir (n° 14). Le recours à l’image animalière fera également recette. C’est essentiellement la caricature anglaise qui sera la championne de cette animalisation de l’image de Napoléon, ou des bêtes associées à cette image. Mais elle est aussi présente dans la production continentale, comme on peut en juger ici : on voit en effet apparaître le lapin fuyant (n° 13), les rats (n° 32), les poux (n° 11), le bouc ou le chat (n° 32). Lorsqu’il sera déchu, ou sur le point de l’être, on verra l’ex-empereur transformé en un jouet livré au bon plaisir de ses vainqueurs, qu’il s’agisse d’une toupie (n °23) ou d’un volant (n° 24). Pratiquement toutes les caricatures sont assorties de textes, soit à l’intérieur de l’image, soit sous forme de « bulles » (inventées par les dessinateurs anglais) : le spectateur devient alors lecteur, il ne peut se passer ni du titre, ni du commentaire. Très rapidement, le public fut pris d’un goût certain (sinon en France, du moins en Angleterre et en Allemagne) pour ces gravures satiriques et contestataires. Ici et là, des collectionneurs trouvèrent là un nouveau champ d’intérêt. La série de caricatures présentées ici fait partie de la collection encore conservée de nos jours à l'abbaye de Klosterneuburg, près de Vienne (Autriche). Elles furent rassemblées par l’un de ses vénérables membres, le chanoine Vinzenz Seback, alors également Recteur de l’Université de Vienne. Elles furent publiées - en noir et blanc - dans "Napoleon in Österreich - Szenen und Karikaturen aus Klosterneuburgs Franzosenzeit " - V. D. Ludwig und Claire E. Stransky - Wien, Berlin, 1927 Reinhold Verlag. Rarement exposées (la dernière fois, en 1973), elles sont parvenues jusqu’à nous dans une parfait état de conservation. Il est à noter que le thème de beaucoup d'entre elles fut repris dans différents pays (Angleterre, Allemagne, notamment) Ces caricatures ont été exposées, du 9 au 27 septembre 2003, à l'Institut Français de Vienne (Autriche), durant l'esposition "L'Empereur détrôné". Les photographies utilisées ici sont toutes dues à M. Michel Mougey, qui a bien voulu les mettre à notre disposition, ce dont nous le remercions bien vivement. Les différentes notices doivent beaucoup au livre "Napoléon vu à travers la caricature" – Ouvrage collectif sous la direction de Hans-Peter Mathis. Verlag NZZ, 1998 Le coup de peigne ou La toilette avant le départ pour Sainte-Hélène (Saint-Phal – 1815 – INV. DG 804) Napoléon est ici assis sur la côte d'Angleterre, le bicorne à la main.. Wellington le tient par l'épaule, tenant dans sa main droite un fer à friser pour le préparer avant son départ (on voit un bateau dans le lointain). L'anglais :"L'on te disait né coiffé (chanceux) cependant tu viens de recevoir un fameux coup de peigne (ne viens-tu pas d'être corrigé d'importance ?)" Napoléon : "J'en conviens, je suis un homme rasé (brisé) ! Mais après m'avoir fait la barge (désappointé) , je ne veux pas passer au fer (être emprisonné)" Le "coup de peigne" est évidemment la décision d'exiler Napoléon à SainteHélène. Der Rheinische Courier verliert auf der Heimreise von der Leipziger Messe alles (Le Courier Rhénan perdant tout lors de son retour au pays) (Anonyme – 1813/1814) Le "Courier Rhénan" était également le titre d'un journal de l'époque. Napoléon, Protecteur de la Confédération du Rhin est appelé ici, par dérision le "Courrier du Rhin". Après la défaite de Leipzig, les Français entamèrent leur retraite et, grâce à la lenteur des Alliés, Napoléon put rester jusqu'en novembre à Mayence : ce qui explique la silhouette de la ville dans le fond. Il tient le sceptre de Charlemagne. Les cartes et les images qui tombent de la sacoche du Courrier, portent les noms des villes et des provinces qui furent soumises au pouvoir napoléonien et dont le sort sera plus ou moins réglé par le Congrès de Vienne. Le petit arbuste en bas à gauche peut bien être un laurier, qui serait alors une sorte de pressentiment des victoires que Napoléon va encore remporter durant la campagne de 1814. Il y eut de nombreuses versions de cette caricature, dont le modèle original, qui date de 1813, est allemand. Elles parurent également en Italie et en Angleterre. Le Rasoir anglais (Lacroix – 1815 ) Napoléon : Messieurs, avec quel rasoir me faites vous la barbe ? Wellington : Sire, avec un rasoir anglais ! Il y a ici évidemment un jeu de mot sur "Faire la barbe" à quelqu'un, "tourner une personne en dérision". La mine souffrante, l'empereur déchu est assis à côté d'une coiffeuse, une serviette nouée autour du cou. Il tient lui-même la cuvette. Le prussien Blücher lui tient la joue, et l'anglais Wellington le crâne. La crise salutaire (Anonyme – 1814) Napoléon, sur une estrade, est installé sur un trône "de toilette" sous lequel est installé un vase de nuit. Le dossier est surmonté d'une couronne ornée d'une tête de mort. Le médecin essaye d'administrer une thérapie toute politique. La caricature traite de nouveau de la défaite de Napoléon face à l'Angleterre. C'est le docteur John Bull qui a administré le remède, peu favorable à la santé de Napoléon, mais qui a remis sur pied l'Europe entière. Les jeux de mots et allusions donnent ici tout son sens à la caricature : Napoléon doit "rendre" ses conquêtes et suivre "l'Ancien Régime" Bonaparte : Voyez-vous, docteur, dans quel état je me trouve : j'ai pris des bains de sang, j'ai levé toute la milice, et rien n'est arrivé. Quel régime dois-je maintenant suivre, toujours le même, n'est-ce pas ? Le docteur John Bull : Non, il vous faut retourner à l'ancien régime Bonaparte : Mon Dieu, donnez moi de nouvelles recrues et vous me sauverez. Le docteur John Bull : Vous vous sauverez aussi bien sans elles. Vous en avez sans doute pris beaucoup trop. Videz-vous en les rendant bravement et nettoyez-vous complètement. Bonaparte : Ah ! Docteur, de Moscou à Paris, je n'ai fait que faire de la place et rendre ! Le docteur John Bull : Tant mieux ! Tout doit être rendu ! En arrière, on aperçoit un drapeau, avec l'inscription "Fontainebleau". Aux pieds de Napoléon sont tombées deux cartes, celles de la Méditerranée et de l'océan Atlantique, c'est-à-dire celles menant à Elbe et Sainte-Hélène. La consultation (Dubois – 1815) Napoléon : Cher cousin, comment trouvez-vous mon état (cf. État) ? Cambacérès : Sire, il ne peut pas durer, Votre Majesté a une trop mauvaise constitution ! Cambacérès, dans le rôle d’un docteur, tâte le pouls de Napoléon, son patient. Affaibli, l’Empereur est assis sur un fauteuil décoré d’abeille impériales. Comme sa tête laurée est tombée en arrière, la couronne dégringole. Il laisse pendre son bras gauche, dont l’index attire l’attention sur l’acte additionnel des Constitutions de l’Empire, qui traîne par terre. Le diable l'emporte ! Souhait de la France. Une des rares caricatures s’inspirant et parodiant le grand art. Les auteurs se sont en effet inspirés de la figure d’Ugolin, telle que Michel-Ange l’a peinte sur la fresque de l’autel de la Chapelle Sixtine, en puisant dans « l’Enfer » de la Divine Comédie de Dante. Ugolin/Napoléon est donc entraîné aux Enfers par un diable, thème très courant à la fin de l’Empire. L’œuvre prend ainsi une dimension cosmique, puisque l’Empereur fut aussi assimilé à l’Antéchrist ou à l’ange exterminateur annoncé par saint Jean dans l’Apocalypse et éliminé avant la restauration définitive de la foi. Nicolas dansant l'Anglaise (Anonyme – 1815) Le perdant de la bataille de Waterloo doit « obéir à la baguette anglaise ». Vêtu d’une tunique rouge, un Anglais replet bat la mesure dans la fosse d’orchestre. Il est accompagné – à gauche, à la contrebasse – par un autrichien maigre – François Ier – et – à droite, au violon – par un russe portant un plumet – Alexandre Ier ; tout à droite, un prussien coiffé d’un bonnet de la landwehr Frédéric-Guillaume III – joue d’un instrument à vent. Face au spectateur, Napoléon exécute une « Anglaise », contredanse populaire à l’époque. Le caricaturiste fait ici foi à une légende alors largement colportée, qui voulait que Napoléon se soit d'abord prénommé Nicolas. Ce que l'on retrouve dans "L'Aiglon" d'Edmond Rostand (acte IV, scène 14) : Tiburce : Il ne s'appelait pas.,d'ailleurs, Napoléon (...) Il s'est fabriqué ce nom, c'est très facile ! On veut se faire un nom magnifique ! (...) Il s'appelait Nicolas !" Cinquième et dernier tour de passe-passe ou le Grand Escamoteur escamoté (Elie – 1815) En mer, le « Bellérophon » fait voile de gauche à droite, en direction des rochers de Sainte-Hélène. Une table pliante, couverte d’une nappe à franges, se trouve sur le rivage. Debout, en costume de magicien, Wellington tient une timbale à la main et cherche à capturer Napoléon, représenté en nabot en train de se sauver. Sur le plateau de la table se trouvent quatre autres timbales , désignées respectivement « Égypte », « Espagne », « Moscou » et « Leipzig » et – à l’intérieur – par la précision « rien ». Avec elles, le prestidigitateur a essayé en vain de faire disparaître le nain. D’une main, il touche encore celle portant l’inscription « Espagne » : en 1813, Wellington chassa les troupes napoléoniennes de la péninsule ibérique. Marquées sur la cinquième et dernière timbale, les inscriptions « Mont-Saint-Jean » (Waterloo) et « disparais » mettent en évidence la réussite du tour de prestidigitation. Jusque là c’est Napoléon qui fut le « grand escamoteur » (politique), réussissant quatre fois à s’échapper. Mais cette fois-ci, l’empereur se fait attraper : en tant que prisonnier, il disparaît à jamais de la circulation. Dans le fond, le Bellerophon fait voile de gauche à droite en direction de Sainte-Hélène Les trois fédérés. (Lacroix – 1815) Personnage à gauche de Napoléon : "Vive la Liberté !" Personnage à droite de Napoléon : "Vive l'Égalité !" Deux fédérés, aux poches vides, gilets troués, pantalons rapiécés crient « Vive l’égalité » et « Vive la liberté » Ils sont dans la Vigne du Seigneur et pratiquent la « fraternité : ils soutiennent leur compagnon Napoléon, qui tient une bouteille et un gobelet dans la main., mais n’arrive plus à prononcer un seul mot. On dénigre ici crûment Napoléon : elle le présente comme un « roi de la jacquerie » Et l'on revient toujours A ses premiers amours (Bassompière – 1815) Napoléon descend du trône chamarré dans la fange boueuse, où se distingue des grenouilles (qui, dans les gravures anglaises, représentent fréquemment les forces révolutionnaires), pour rejoindre un simple tabouret. Il cache sa couronne derrière son dos, tandis que son regard se porte sur son sceptre, couronné d'un bonnet phrygien : il sait à qui il doit son pouvoir. Cette caricature fait allusion au retour de l'île d'Elbe : il revient à la Révolution. Napoléon avait déclaré ne vouloir s'attirer que la sympathie des Citoyens et des partisans de la Révolution. Napoléon rempli de poux (Lacroix – 1815) Le roi de Rome : "Ah ! Mon dieu papa, comme tu es rempli de poux !" Napoléon : "Mon Fils, ce sont des Fédérés !" La caricature fait ici allusion au mouvement des fédérations, au sein desquelles les bonapartistes et les républicains se réunirent, dès avril 1815, avec pour objectif de favoriser l'éclosion d'opinions favorables au "progrès". Leur devise était : Patrie, Liberté, Empereur. La grosse caisse de l'Europe (Lacroix – 1815 - INV. DG 801) La grosse caisse est une allusion au fait que depuis Leipzig, toute l’Europe, et en particulier les Anglais à Waterloo, se mettaient à battre à coups redoublés sur l’Empereur. Armé d'un maillet et de verges, un jeune soldat anglais porte au cou Napoléon transformé en timbale, et frappe à coups redoublés sur sa tête et son postérieur. Voilà ce que c'est que d'avoir du coeur (Fontallard – 1815) Sur le socle de la colonne, allusion à la colonne Vendôme, Napoléon, ventripotent, mais la main gauche sur le cœur pour renforcer la sincérité de son message, écrit " Napoléon se rend et ne meurt pas." (par opposition ironique au "La Garde meurt mais ne se rend pas"). L'auteur de la caricature veut ainsi suggérer que Napoléon, quoique tyran, était poltron, sacrifiant sans état d'âme des milliers de personnes. Pour augmenter la charge, le fourreau de l'épée est vide. Sur ce même socle, sous l'inscription "Il se sauva", les noms des champs de bataille d'où l'empereur se serait enfuit. "d'Égypte, d'Espagne, de Moscou (sic), de Leipzig, du Mont Saint-Jean (Waterloo) Le lapin, symbole animalier de la couardise, est là pour bien identifier le monument comme une colonne de la honte. Le serrement de nez (le serment de Ney) Je jure que ça sent la violette ! (Lacroix – 1815) Jeu de mot scatologique, faisant allusion, au serment du Champde-Mai (1er juin 1815) et, bien évidemment, à la promesse de Ney à Louis XVIII de ramener Napoléon dans une cage de fer suivi de son ralliement à l'Empereur. Napoléon se tient sur un escabeau rococo et tient un étendard, surmonté d'une aigle misérable, portant l'inscription "Champ de Mai". Il s'est déculotté devant le maréchal, tout en jurant de sa main gauche. Ils viennent se brûler à la chandelle (Elie – 1815) Napoléon est représenté ici, l'air assuré, sur le Mont Saint-Jean, entouré de crânes et d'ossements, témoins des batailles qu'il a mené. Mais il continue à brandir la torche de la guerre, tandis que sur le rouleau qu'il tient dans la main gauche, les promesses de son discours à la Chambre, Liberté, Libéralité, sont là pour montrer la totale opposition entre les vues républicaines du Consul et le pourvoir despotique de l'Empereur. Nombreuses sont les chauve-souris qui sont attirées par la lumière, mais se brûlent les ailes et retombent dans le néant : ce sont les partisans de Napoléon, généraux et hommes politiques, dont le caricaturiste donne les noms parmi lesquels : Savary, Ney, Labédoyère, Garat, Manuel, ainsi que Lafayette, Thibaudeau, Cambon, qui clament :" Nous mourrons sur nos Chaises". "La hyène (reine) Hortense", représentée par une chauve-souris à la poitrine pendante, et qui cherche à faire du charme à Napoléon, fait évidemment allusion à Hortense de Beauharnais et sur les calomnies au sujet d'une prétendue relation charnelle avec Napoléon. Les inscriptions Espagne, Moscou, Égypte sont là pour rappeler où l'empereur eut à connaître que sa puissance avait des limites. Mais c'est sur le Mont-Saint-Jean qu'eut lieu sa chute définitive. Le général Jacot ayant juré qu'on ne le mènerais pas vivant à SainteHélène se décide enfin à ce couper la gorge Ah mon dieu, quel bonheur que ce rasoir ne coupe pas ! (Lacroix – 1815) Ah mon dieu, quel bonheur que ce rasoir ne coupe pas ! Napoléon (un rat, un singe ?) est à la proue du Northumberland, debout sur une chaise, chancelle et ses genoux flageolent. Levant la tête, il découvre son cou d'une main et de l'autre tient un énorme rasoir, avec lequel il va se trancher la gorge. Mais il est lâche et remercie le ciel de ce que le rasoir ne coupe pas. Jacot est bien sûr le nom généralement donné au perroquet. Mais le mot signifie aussi "fanfaron, hâbleur, jactance". Mais Jacquot était aussi, prétendument, le vrai prénom de Napoléon. (cf. dans l’Aiglon, d’Edmond Rostand) Il s'agit là d'une des caricatures de Napoléon parmi les plus dures. Elle insinue que l'empereur fut trop poltron pour se donner la mort après sa chute, seul geste qui eut pu sauver son honneur. Grand nettoyage pour la rentrée du Roi (Blondeau – 1815) Près d'une bouche d'égout, trois balayeurs parisiens trouvent l'empereur allongé sur de gros pavés, parmi les ordures. Un pot de chambre, rempli de violettes (symbole du retour de l'île d'Elbe) est posé à ses cotés. Deux des employés ramassent "la saleté" avec leurs pelles, pour la mettre dans la charrette : il faut que Paris soit propre pour le retour du roi. L'Antigone française Tout comme Antigone, qui accompagna son père Créon après Attila, la duchesse d'Angoulême revint également avec son oncle Louis XVIII, lequel n'a pas perdu de temps, puisqu'il rentre aux Tuileries dès le 8 juillet 1815. La représentation de Louis XVIII est intéressante : mi napoléonien, mi bourbonien, sans doute pour bien montrer que, comme se plut à le souligner Taine, le roi ne remontait pas sur le trône de ses ancêtres, mais sur celui de Napoléon. Appuyée sur une canne couronnée d'un moulin à vent (allusion à son séjour aux PaysBas), la duchesse d'Angoulême est représentée les yeux fermés, immobile comme une statue. Le passé tragique de la fille de MarieAntoinette l'avait rendue tellement sèche et insensible qu'elle était peu aimée du peuple. La ruine du fabricant de cire (Saint-Phall) Le caricaturiste joue ici sur les mots sire et cire. Le dessin fait ici allusion aux trônes créés pour ses frères et sœurs. Ceux-ci, à présent, fondent ou se brisent au sol. On voit ainsi : Joseph, le roi d’Espagne, Murat, le roi de Naples, Jérôme, le roi de Westphalie, Elisa, la grande-duchesse de Toscane, et Louis, le roi de Hollande. Ces souverains fantoches sont ici exposés dans une baraque foraine, où ils peuvent être vus pour deux sous. Maintenant, l’Empereur crie sa ruine et son désespoir à cette vision. Cette caricature montre l’influence de la culture populaire, dévalorisante, sur la propagande anti-napoléonienne. L’image devient le cadre du spectacle forain, très apte à toucher le petit peuple des villes. La Colère ou le vilain enfant gâté grondé par sa gouvernante. Cette caricature fait référence au bannissement de Napoléon à Elbe (mais peut-être aussi à Sainte-Hélène). L'auteur en est un légitimiste convaincu, partisan de Louis XVIII. La pièce est décorée de lys bourboniens, tout comme la commode et le trône portent les insignes des Bourbons. Louis XVIII (la gouvernante) s'est emparé du trône de Napoléon (l'enfant), ce qui provoque la colère de ce dernier. "Je veux enlever les épaulettes à tous les braves (ceux de ses soldats qui ont rejoint Louis XVIII) et donner la légion d'honneur à tous les faiseurs de perruques (les partisans des Bourbons)." En vain. Sa Gouvernante France) lui répond : (la "Tu as fait tellement de bêtises, qu'il faut faire venir ton maître" Ce dernier (il personnifie cette partie des français qui se félicitent de la chute de l'Empereur et accueillent avec plaisir son bannissement) crie depuis la porte : "Attends un peu, je t'apprendre à devenir comme un agneau." vais doux La Parade. Le sujet ici est le retour de Napoléon de l'île d'Elbe. Un officier qui lance l'ordre " Faire un trou à la Lune !" est un soldat des Bourbons. L'expression signifie aussi "Décampez !", et fait allusion à la rapidité avec laquelle Louis XVIII, sa famille et la cour s'échappent de Paris pour se mettre à l'abri. Derrière l'officier, des soldats de Napoléon, remplis de joie, crient "Vive le troublion !" A droite, les généraux, unanimes, s'exclament : nous attaquerons le retour" Un chien tire un cercueil, portant l'inscription "Équipage militaire", allusion sarcastique aux nombreux morts que la guerre qui s'annonce vont coûter. Le "Corps de Réserve" doit être également pris dans cette allusion. Dans le fond, un soldat de la Révolution, dont la présence peut prêter à différentes interprétations. Attend-t-il le retour de cette Révolution ? Laisse-t-il entendre que seule une guerre civile déterminera pour qui combattre ? L'auteur affamé, dit M. Boursouflé de Maison terne. Il s'agit ici d'un persiflage au sujet de l'auteur du Génie du Christianisme, René de Chateaubriand, ici à gauche. Napoléon avait tenté d'amener à lui ce légitimiste convaincu (d'où la phrase : de la nécessité de rallier son souverain légitime), devenu un ennemi sans concessions après l'exécution du duc d'Enghien. Le roi légitime est ici représenté repu (M. Boursouflé) face à son partisan, qui ne se nourrit que de son idéalisme. Les autres personnages représentent la duchesse d'Angoulême, Charles X, le comte d'Artois, et le futur roi de France, le duc de Berry ainsi que son frère, le duc d'Angoulême. Maison terne est évidemment un jeu de mot opposé à Chateaubriand (Château brillant). Le costume de pèlerin rappelle les voyages en orient de l'écrivain et à l'ouvrage paru en 1811 : Itinéraire de Paris à Jérusalem. Le sabot corse en pleine déroute. (Anonyme – 1814) L'une des caricatures favorites de l'époque, qui traite de la prise de Paris en 1814. Il s'agit là d'une copie d'une caricature anglaise Les porteurs de fouets sont, de droite à gauche : Blücher (qui a ôté son chapeau et son uniforme pour être plus à l'aise pour fouetter Napoléon), Alexandre Ier, François Ier et Wellington. En retrait, Bernadotte, le prince héritier de Suède. La toupie représente le buste du commandant en chef qui crie désespérément. Autour de lui, son chapeau, son sceptre brisé et le globe impérial, ainsi que ses jambes, qui symbolisent les parties de son empire. Sur le tonneau, à gauche, le souverain récemment élu des Pays-Bas, qui tient la Hollande dans sa main, symbolisée par une botte. Derrière, à droite, MarieLouise et le roi de Rome s'enfuient dans une calèche C'est le diable qui enlève Joseph Bonaparte (défenseur de Paris jusqu’au 30 mars) dans les airs, et celui-ci regarde la scène d'en haut tout en se lamentant : mon pauvre frère ! L'empereur, qui a joué avec les États comme s'ils étaient des balles, est désormais comme une toupie dans la main des Alliés, qui le rouent de coups. Mais c'est l'Angleterre qui mène le combat. L'une des caricatures favorites de l'époque, qui traite de la prise de Paris en 1814. Il s'agit là d'une copie d'une caricature anglaise Les porteurs de fouets sont, de droite à gauche : Blücher (qui a ôté son chapeau et son uniforme pour être plus à l'aise pour fouetter Napoléon), Alexandre Ier, François Ier et Wellington. En retrait, Bernadotte, le prince héritier de Suède. La toupie représente le buste du commandant en chef qui crie désespérément. Autour de lui, son chapeau, son sceptre brisé et le globe impérial, ainsi que ses jambes, qui symbolisent les parties de son empire. Derrière, à droite, Marie-Louise et le roi de Rome s'enfuient dans une calèche Sur le tonneau, à gauche, le souverain récemment élu des Pays-Bas, qui tient la Hollande dans sa main, symbolisée par une botte. C'est le diable qui enlève Joseph Bonaparte dans les airs, et celui-ci regarde la scène d'en haut tout en se lamentant : mon pauvre frère ! L'empereur, qui a joué avec les États comme s'ils étaient des balles, est désormais comme une toupie dans la main des Alliés, qui le rouent de coups. Mais c'est l'Angleterre qui mène le combat. Le titre de cette version française joue sur le mot "sabot" qui fait penser à "nabot", surnom de Napoléon. Le volant corse ou un joujou pour les Alliés. (Anonyme – Mai 1814) Le général Schwarzenberg : « Attention, il arrive. Alors, Blücher, ce joujou était jadis tellement lourd ?!! Que Dieu me damne, s’il n’est pas plus léger maintenant qu’une plume ! » Blücher :“ Bravo, Schwarzenberg ! Continuez à jouer ! Que Dieu me damne, je vous le renvoie » Devant les portes de Paris (pavoisées de l’aigle à deux têtes) Napoléon est transformé en volant : moqueurs, Blücher (à gauche) et Schwarzenberg (à droite) se le renvoient.. Le Congrès. La caricature fait évidemment référence au bon mot du prince de Ligne : "Le Congrès ne marche pas, il danse" A gauche, Talleyrand (appelé "bien au vent") observe la scène ("il observe"), pour voir d'où vient le vent. A ses cotés, le représentant de l'Angleterre, Lord Castlereagh ("il ballotte"), semble dans l'expectative. François Ier d'Autriche, le tsar Alexandre Ier de Russie et le roi de Prusse, Frédérique-Guillaume Ier ("ils balancent"), semblent danser du même pas. A leurs côtés, le roi de Saxe, Frédéric-Auguste III ("il danse terre à terre"), fait grise mine : il paie sa fidélité à Napoléon par la perte de sa couronne. Enfin, la pauvre république de Gênes ("elle saute pour le roi de Sardaigne") doit sauter pour le roi de Sardaigne, à qui elle est donnée. La restitution ou chacun pour soi. Chacun des participants au Congrès de Vienne reçoit sa part et aucun n'est satisfait avec ce qu'il reçoit. Le roi d'Espagne, Ferdinand V, se plaint de la mauvaise situation de ses États. « On prend son bien où il se trouve" dit le roi de Prusse. "J'ai encore droit à ceci" s'exclame l'empereur d'Autriche, en montrant les Pays-Bas. "Grâce à vous, je n'ai plus rien" se plaint la France à l'Angleterre, qui lui répond : "J'y travaille depuis longtemps". Quant à Ferdinand IV de Bourbon, il fait son retour à Naples "Voyons ce que vous m'avez laissé !" Annales du ridicule Le joueur, ou Napoléon et le destin Napoléon joue son destin aux dés avec la Mort. Napoléon : je joue le tout. Il jette sur la table des hommes, son trône. La Mort, qui se tient derrière le Destin (qui a les yeux bandés) : « j'ai gagné ». Elle ramasse la mise. Grande rareté de France "Ici vous pouvez pour peu d'argent voir le petit homme, qui, comme le plus grand héros guerrier voulait tout changer. On voit, de sa tête à ses pieds, qu'il a dû ramper jusqu'à la croix" Le père la violette chiffonnier ou des placets comme s'il en pleuvait Cette caricature fait évidemment allusion au surnom de Napoléon : le père la violette. Ici l'empereur marche dans la "rue du tigre sans couronne". Il porte une hotte, dans laquelle sont rangés les billets qu'on lui envoie. La femme à la fenêtre, qui lui crie : "J'ai donné à Votre Majesté 25 enfants; j'espère garder le 26ème, pour que ma race ne s'éteigne pas.", personnifie le peuple. Derrière l'empereur se tient Wellington, qui l'aide à ramasser les billets, lui faisant remarquer que la hotte est déjà pleine. Origine de l'étouffoir impérial (Lacroix – 1815) Les généraux Blücher (à gauche) et Wellington (à droite) appuient sur le couvercle d'un grand seau métallique, Napoléon est bloqué à l'intérieur, et seuls sa tête et ses bras dépassent. Il les supplie de lui laisser la vie. Blücher : « Mon cher ami, cet homme là respire de votre côté ! » Wellington : « Reposez vous sur moi, mon ami, son affaire est faite. » Napoléon : « Ah, Messieurs ne m'étouffez pas, sauvez moi la vie. » Interprétation : les puissances victorieuses décident de faire disparaître Napoléon. Guerrier pleurant sa gloire Son superbe coursier, qu’on voyait autrefois, Plein d’une ardeur si noble obéir à sa voix, L’œil morne maintenant et la tête baissée, Semble se conformer à sa triste pensée. Le désespoir du tourneur en jambes de bois Le tourneur Barnaba, breveté de Sa majesté Lucifer Ier, ne comprend plus. La chute de Napoléon, c'est aussi la fin de ses belles affaires, qui marchaient si bien. "Encore une campagne, et mon bonheur était fait !". Maintenant, il doit louer son magasin, car il n'a plus de travail Le soldat et la femme qui arrivent, joyeux, le montrent du doigt : "Regardes qui est dans la rue !" Au mur sont affichées des proclamations "...vée 300 mille hommes... en... masse" "Remplaçant..." Entrée triomphante de Bonaparte dans son nouveau royaume Les habitants de Sainte-Hélène prennent la fuite à la vue de leur nouveau souverain. (Lacroix – 1815) Napoléon salue, d'un geste souverain, ses nouveaux sujets : les rats de l'île de Sainte-Hélène. Il porte une calebasse en bandoulière, et chevauche un chat. Il se fait passer pour un libérateur des peuples.. Il attire l'attention sur son fidèle serviteur, le chat. Ce dernier a dans sa patte un sceptre sur lequel est écrit "Ney", et le drapeau tricolore, et dit "Je vais me remplumer". Les rats comprennent. Napoléon : « Habitants de Sainte-Hélène, soyons amis, je vous déclare peuple libre, je vous donne pour garantie ce serviteur fidèle que j'ai avec moi. » Les rats : « Qui vive Sentinelles, prenez garde à vous, frères rongeurs aux armes, deux traîtres osent s'introduire dans nos états. » Le roi des rats : « Messieurs nous n'avons pas un instant à perdre; que notre conseil s'assemble sur le champ, pour savoir comment nous pourrons, attacher le grelot. » Ney : « comme je vais me remplumer. » Le testament de Buonaprte (Moithey – 1815) Sur le bateau qui l'emmène à Sainte-Hélène, Napoléon, en robe de chambre et coiffé d'un bonnet de nuit tricolore, son uniforme est jeté sur un meuble, écrit son testament. Au nom de qui il appartiendra : Je ne lègue point mon âme, car je ne sais pas trop si j'en ai une; mais je lègue mon patrimoine, tel qu'il était en 1789, à ma famille, qui se le partagera par portions égales; Je lègue mon sucre de betteraves aux poitrinaires; Je lègue mes fédérés à la bonne ville de Paris; ma probité aux galériens; Ma parole d'honneur à Ney; mes proclamations à Carnot; mon humanité aux Jacobins; l'exemple de mes fuites à mes généraux dans le danger; mes pistolets à ceux qui savent s'en servir; les insectes que j'ai rapporté de l'Égypte; à mes chambellans, mon costume du champ de mai aux loueurs de dominos pour le carnaval; mes fautes d'orthographe à l'Institut; enfin je lègue l'honneur de faire mon panégyrique à M. E***, et je donne en toute propriété mon squelette à l'école de médecine. (M. E**: Il s’agit de monsieur Étienne, membre de l'Académie et rédacteur du journal "Le Nain Jaune" ) Le prince Charles à son neveu chéri Les partisans de Napoléon vouèrent à son fils un véritable culte, leur vœu le plus cher étant de le voir monter sur le trône de France. Pour cela, il fallait bien évidemment obtenir l’agrément de la cour de Vienne. Peu après la mort de l’empereur, ils se tournèrent vers l’archiduc Charles, considéré dans le monde comme un libéral et comme l’ange gardien du petit Napoléon, lui demandant d’appuyer leur demande. La France entière se réjouira, lui écrivirent-ils, de pouvoir recevoir le duc de Reichstadt des mains de l’Autriche. L’archiduc, parfait Habsbourg, loyal, discipliné et loyal jusqu’au bout des ongles, transmis cette lettre au Chancelier d’État Metternich, qui s’empressa d’en informer le Premier Ministre français. Voici mon fils bien-aimé qui me procure de la satisfaction (Anonyme – 1813/1814) La force de l’image réside dans le caractère divers et concis de son message. Les yeux enflammés, ayant une barbe et des cornes de bouc, des pieds de cheval et une queue de taureau, le diable est assis par terre, à l’instar de Marie avec l’Enfant. Il porte l'enfant, emmailloté d’une bande tricolore et ayant la tête de Napoléon – dans ses bras et tient dans sa main une croix de la Légion d’honneur en guise de jouet. Le « père » et « l´enfant » se regardent affectueusement ; le diable utilise des paroles bibliques (Marc I, II) prononcées par Dieu le Père après le baptême du Christ. Napoléon est un suppôt de Satan, l’Antéchrist prophétisé.