Université de Bourgogne
Faculté de Sciences Economique et de Gestion
L’APPROCHE HOLISTE
DE LA MONNAIE
Mémoire de DEA
Analyse et Politique Economiques
Laurent FEMENIAS
Dirigé par Monsieur Jérôme LALLEMENT
Septembre 2001
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L’Université de Bourgogne n’entend donner ni
approbation, ni improbation aux opinions émises dans
ce mémoire. Elles doivent être considérées comme
propres à leur auteur.
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Je tiens d’abord à remercier Monsieur Jérôme Lallement pour ses précieux
conseils, son soutien constant, ainsi que pour la liberté dont il m’a laissé
bénéficier tout au long de cette année. Merci aussi à Messieurs Ludovic
Desmedt et Jean-François Ponsot pour les indications bibliographiques
toujours judicieuses qu’ils ont bien voulu me fournir au cours de ma recherche.
Merci enfin à Emmanuelle Deloge, Jean-Baptiste Durand et Aurélien Perruchet
pour leur relecture minutieuse et critique – même si je suis conscient d’en avoir
insuffisamment tenu compte – de versions provisoires de ce mémoire.
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INTRODUCTION GENERALE
« On se représente quelquefois que la signification économique de l’argent est le
produit de sa valeur par la fréquence des transactions qu’il réalise dans une période
donnée, mais c’est ignorer les puissants effets que l’argent exerce simplement par
l’espoir et la crainte, le désir et le souci qui s’attachent à lui ; ces affects qui jouent
un si grand rôle également sur le plan économique, la simple idée de l’argent, telle
celle du ciel ou de l’enfer, suffit à les répandre ».
Georg Simmel, Philosophie de l’argent.
L’adoption par les différents pays membres de l’Union Européenne d’une monnaie
unique à partir du premier janvier 1999, et plus encore l’arrivée de cette nouvelle monnaie,
l’euro, sous forme fiduciaire le premier janvier 2002, est source de nombreux discours et
controverses au sein de l’opinion publique internationale. Que prévale dans les esprits la
nostalgie vis-à-vis des monnaies nationales qui disparaissent, ou au contraire la certitude
qu’est ainsi rendue possible une intégration plus forte entre les peuples, force est en tout cas
de constater que les économistes sont loin d’avoir le monopole quant au discours sur l’euro.
Chaque citoyen a en effet ses peurs, ses espoirs, bref, sa propre opinion vis-à-vis de la
nouvelle monnaie ; beaucoup ont quelque chose à dire sur le sujet. Les débats actuels nous
conduisent ainsi à nous interroger sur la nature de la monnaie, sur ce qu’elle est vraiment. La
question n’est pas simple. Le discours que tiennent habituellement les économistes sur la
monnaie considère généralement celle-ci comme un bien économique particulier. Or, cette
démarche traditionnelle ne peut, selon nous, être réellement satisfaisante. Ne prenant pas en
compte la dimension essentiellement sociale de la monnaie, elle ne peut en effet rendre
compte de la nature de cette dernière que de manière très approximative et imparfaite.
Le travail que nous présentons ici se propose justement de mener une réflexion sur la
monnaie et sur les liens qui l’unissent au savoir économique. On cherchera à étudier un
phénomène fondamentalement non marchand à l’œuvre dans une économie marchande. Pour
ce faire, deux voies opposées coexistent. L’une, dominante, correspond à l’analyse
néoclassique qui tente de réduire la monnaie à un phénomène marchand dans une approche de
simplification de l’économie ; l’autre voie, la nôtre, est celle de l’hétérodoxie. Par définition,
cette dernière ne peut être unique et s’avère nécessairement multiple. Les économistes
hétérodoxes ont cependant un point commun qui se trouve dans leur recherche d’une
complexification du discours économique au niveau de l’analyse théorique. Pour aller dans ce
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sens, il nous faut tout d’abord nous poser une question centrale : comment étudier un objet à
dimension éminemment collective comme la monnaie ?
D’aucun pourront s’étonner de voir un mémoire de science économique débuter par la
citation d’un sociologue. Cette mise en exergue en début d’introduction d’une phrase tirée de
l’œuvre phare de Georg Simmel1 est pourtant bel et bien délibérée. Nous voulons justement
insister sur la nécessité d’une plus grande ouverture d’esprit de la part des économistes. On ne
peut guère, en effet, appréhender – et donc comprendre – la monnaie en adoptant un point de
vue purement et simplement économique. Attention, nous ne remettons pas en cause
l’importance ou le bien-fondé de celui-ci, mais l’étude de la monnaie à travers lui seul
reviendrait à observer le monde en ne tenant compte que d’un unique aspect, en gommant la
complexité inhérente à tous les phénomènes sociaux. Notre travail est bien celui d’un
économiste, mais notre vision de l’économie est d’abord celle d’une science sociale. En ce
sens, les travaux d’auteurs comme Gérard Debreu, s’ils représentent une prouesse
remarquable en termes de modèles mathématiques, ne peuvent que difficilement à notre avis
être considérés comme de l’économie, c’est à dire comme des discours visant à éclairer notre
compréhension du monde social dans lequel nous vivons. Nous considérons par ailleurs que
l’apport de disciplines autres telles l’histoire, l’anthropologie, la sociologie, la philosophie ou
encore la psychologie est non seulement souhaitable mais indispensable2. Certes, chacune de
ces disciplines tient sur la monnaie un discours spécifique. Tous ces discours ne sont pas
toujours conciliables aisément, ils peuvent effectivement ne pas parler de la même chose,
utiliser des concepts difficilement transposables dans d’autres domaines, mais le plus
important est que l’ouverture seule peut rendre possible l’enrichissement mutuel, le progrès
dans la compréhension des relations sociales. Or, c’est justement l’enjeu de toute science
sociale et donc de l’économie que de tenter d’expliquer de telles relations.
L’argent, nous dit donc Simmel, exerce de puissants effets simplement « par l’espoir et
la crainte, le désir et le souci qui s’attachent à lui ». Simple expression du bon sens commun
penseront certains. L’argent a toujours été soit sanctifié, soit blâmé ou parfois même les deux
à la fois ; il ne laisse en tout cas personne indifférent. Il est d’ailleurs très souvent assimilé au
capitalisme, vecteur majeur selon certains des inégalités des sociétés modernes. Le supprimer
peut alors sembler un objectif valable, légitime. Emile Zola, dans son roman L’argent, nous
fournit une illustration intéressante de ce phénomène. Un socialiste utopiste, Sigismond,
déclare ainsi : « Il faut le détruire, cet argent qui masque et favorise l’exploitation du
travailleur, qui permet de le voler en réduisant son salaire à la plus petite somme dont il a
1 G. Simmel, Philosophie de l’argent (1900), trad. fr., Paris, PUF, Quadrige, 1999.
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