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Le potentiel de vie d'un roi comprend certainement ces aspects, mais s'y ajoute ce qui
relève de l'exercice parfait de sa fonction. Le roi, en effet, préside aux kaou de tous les vivants, et
l'accomplissement de son existence de roi assure la prospérité du pays. Le ka royal, qui est en
quelque sorte la santé de l’Égypte, s'entretient par des rites particuliers, qui nous sont connus par
le temple de Louxor. Dans les cryptes du temple d'Opet, à Thèbes, le ka royal est représenté parmi
les dix manifestations de la puissance du dieu Amon, parmi ses dix ba.
L'interprétation du ka comme une potentialité est encore illustrée par le texte dit de
“théologie memphite”, daté généralement de l'époque ramesside: Ptah est le plus grand, qui
transmet son pouvoir à tous les dieux et leurs kas (…). C'est lui qui a fait les ka et les hemouset,
qui font tous les aliments, toutes les nourritures par cette parole, qui font (déterminent?) ce qui est
aimé, ce qui est haï. C'est lui qui donne la vie au juste et la mort au transgresseur.
C'est lui qui a fait tous les travaux (kat) et toutes les techniques, l'activité des bras et la marche
des jambes, le mouvement de tous les membres, suivant la parole qu'il ordonne à la pensée (kaa)
du cœur, qui sort de sa bouche et détermine l'activité de toute chose.
À côté du ka, le texte mentionne la hemouset, qui lui est souvent associée et semble ici liée
aux aliments, comme le ka. La signification de la hemouset reste peu claire. Selon certains
égyptologues, elle représenterait les mauvaises passions. En effet, une des formules des Textes des
Pyramides précise que la hemouset est sous les pieds du roi, ce qui suggérerait qu'il s'agit d'un
élément négatif qu'il faut juguler. Mais, de manière générale, elle apparaît en relation avec la
naissance et la fertilité.
Comme le montre l'extrait cité du texte de théologie memphite, les dieux aussi possèdent
un ka, qui leur est transmis par le dieu primordial. Dans la formule 600 des Textes des Pyramides,
la venue au monde des deux enfants d'Atoum, Shou et Tefnout, implique la transmission du ka par
le geste d'embrassement: Tu as placé ton bras derrière eux, comme le bras du ka, de sorte que ton
ka est en eux. Le dieu solaire possède lui-même d'innombrables ka (des milliers), qui sont
énumérés à l'époque ramesside sous forme d'une liste de quatorze kaou, qui définissent son
activité de dieu solaire créateur et dispensateur de vie: nourriture, vénérabilité, production
d'aliments, verdure, force victorieuse, éclat, ordre, abondance, fidélité, pouvoir magique,
étincellement, vigueur, luminosité, habileté.
Le ba
Le terme ba a souvent été rendu par “âme”, un terme certainement inadéquat et qui
entraîne la confusion. C'est pourquoi, comme le ka, on évite généralement de le traduire. À partir
du Nouvel Empire, le ba de l'homme est représenté comme un oiseau à tête humaine. Sur la
vignette du chapitre 1 du Livre des Morts, le ba est figuré voletant dans la descenderie du
tombeau, entre la chambre du sarcophage et la chapelle funéraire. En effet, le ba, dans
l'anthropologie égyptienne, confère la faculté de passer d'un plan du réel à un autre. Le cosmos est
divisé en plusieurs secteurs: le monde des vivants, le monde des morts et le monde des dieux.
Grâce au ba, hommes et dieux ont la possibilité de quitter leur sphère propre et, par une
transformation, de prendre forme dans une autre. Ainsi, la divinité peut se manifester dans le
monde des vivants. Ce peut être par le biais d'un élément naturel: par exemple, le ba du dieu Shou
qui sépare le ciel et la terre est le souffle d'air. D'après la théologie d'Amon, le ba du dieu se
manifeste dans l'ensemble de la création: le dieu primordial transmet le ka, la potentialité de vie, à
tout ce qui existe, et ce qui existe, comme manifestation perceptible de sa puissance créatrice, est
qualifié de ba. Parmi ses dix baou, nous trouvons le soleil, la lune, l'air, l'eau, le feu, le bétail, les
oiseaux, les animaux aquatiques, les reptiles, mais également le ka royal, qui représente l'humanité
dans son ensemble.
Le ba divin peut aussi “descendre” dans une statue, un relief, des supports fabriqués par
l'homme, ou dans un animal sacré. Ainsi, le ba assure à la divinité égyptienne la qualité
d'immanence.
De la même manière, grâce au ba, le défunt peut quitter la tombe pour passer d'un monde à
un autre. On se souvient qu'il était représenté à côté de l'ombre, sur le papyrus de Neferrenpet,