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http://www.lapresse.tn/component/nationals/?task=article&id=127199
Radhi Meddeb, économiste
«Menerlesréformesdemanièrepragmatiqueetdans
unsoucid’efficacitééconomiqueetsociale»
Il n’y a pas de réponse systématique à votre question, sauf à être idéologique. La Tunisie a besoin d’approcher
les différentes réformes qu’elle doit mener de manière pragmatique et dans un souci d’efficacité économique et
sociale. Aujourd’hui, l’Etat dispose de cinq banques publiques. Deux d’entre elles (Banque tunisienne de
solidarité et Banque de financement de la PME) ont une vocation précise et semblent devoir rester dans le giron
de l’Etat, dans une configuration qui reste à définir, tout en améliorant grandement leurs performances et leur
respect des règles prudentielles. Les trois autres (STB, BNA et BH) sont des banques universelles. Elles n’en
répondent pas moins à des problématiques différentes. Le financement de l’Habitat n’est plus l’apanage de la
seule Banque de l’habitat. Les différentes banques de la place y contribuent et la BH n’est plus, depuis
longtemps, une banque réservée au financement de l’habitat. Il serait logique, dans ces conditions, que l’Etat s’en
désengage. La situation est différente pour la BNA qui a retrouvé une meilleure santé financière, détient plusieurs
participations de qualité et possède un patrimoine de grande valeur. Historiquement investie de la mission
d’accompagner le secteur agricole, sa privatisation risque de la pousser, à l’instar de toutes les autres banques
privées de la place, à prendre ses distances par rapport à ce secteur vital, compliqué et peu courtisé. La STB est
dans une logique encore différente. Elle est, depuis son absorption des anciennes banques de développement
(BDET et BNDT), plombée par l’essentiel des mauvaises créances du secteur touristique.
Le métier de la banque est traditionnellement complexe. Il le devient encore plus aujourd’hui, avec l’adoption par
la Tunisie des normes prudentielles de la Banque des règlements internationaux (dites de Bâle 2 et Bâle 3). Son
exercice exige des ressources humaines de qualité, bénéficiant de formations continues, des process maîtrisés,
des systèmes d’information complexes et coûteux. Tout cela ne s’apprend pas tout seul et sur une courte durée.
L’adossement à des partenaires techniques de qualité peut participer à la transformation de ces institutions sur la
voie de la modernisation et de la performance. Cela exige toutefois que le gouvernement décline sa vision en
matière de financement du secteur agricole et de traitement de la question lancinante de la restructuration
financière et du repositionnement stratégique du secteur touristique.
Sous réserve de l’approche différenciée déclinée plus haut, la privatisation de la BH, le repositionnement de la
BNA et la restructuration de la STB seraient autant de sources d’amélioration de la compétitivité de ces trois
institutions et de leur intervention en faveur de l’économie nationale. La restructuration financière des banques
publiques a coûté à l’Etat près de 700 millions de dinars en 2016. Sans restructuration profonde, sans mise à
niveau globale, sans adoption des meilleurs standards internationaux, il y a fort à craindre que les mêmes causes
produisent les mêmes effets et que l’Etat doive repasser à la caisse à un moment ou un autre. Sauf à rejeter sur
une base idéologique, l’association de partenaires techniques de qualité au capital de ces banques, l’apport d’une
telle démarche aura les meilleures retombées tant sur les finances publique et sur la viabilité de ces institutions
que sur l’économie nationale globalement. Nous avons sous les yeux au moins deux exemples significatifs, ceux
de l’ancienne Banque du Sud et de l’UIB, toutes deux plombées de mauvaises créances au moment de leur
privatisation, elles font partie aujourd’hui du peloton de tête des banques les plus dynamiques et les plus
performantes du secteur. Bien sûr, des précautions devraient être prises et des décisions arrêtées sur le choix
des partenaires, le niveau et les modalités de leur participation et leur engagement à préserver l’emploi et à
promouvoir les ressources humaines.
La restructuration des banques publiques n’est pas une fin en soi. Elle n’est qu’un élément parmi d’autres de la
réforme du secteur financier. Elle doit concourir aux objectifs de cette réforme globale et s’y insérer.
Le préalable principal à la réforme des banques, y compris les banques publiques, est donc la déclinaison de
cette vision globale du financement de l’économie, de la détermination du rôle assujetti au secteur financier, aux
banques dans le cadre de ce secteur et enfin du rôle que pourrait jouer l’Etat dans un secteur largement privatisé.
Il faudrait répondre à la question de la valeur ajoutée apportée par des banques publiques dans un
environnement essentiellement privé, mais également des modalités d’existence de banques publiques aux côtés
de banques privées.
Avant d’être publiques ou privées, ces institutions sont d’abord des banques. Il faut qu’elles soient gérées en tant
que telles, qu’elles aient la gouvernance idoine, les ressources humaines et matérielles, la maîtrise des process,
les systèmes d’information.
Auteur : Propos recueillis par Maha OUELHEZI
Ajouté le : 28-02-2017