crée et les supporte, [c’est-à-dire dans le
mouvement/la mobilité].4
Dans cette perspective, la diversité des êtres est d’ordre qualitatif
et non substantiel / essentiel. Les êtres sont, certes, multiples du
point de vue de leurs qualités, mais ils sont un du point de vue de
leur essence. Et le mouvement est cette essence qui assure leur
unité contre leur éparpillement hétéroclite: rien n’échappe au
mouvement ; même les choses apparemment stables sont
essentiellement changeantes, puisqu’elles tirent leur origine et leur
existence du mouvement. Mais alors, en se posant comme la source
et ce qui assure la vie des choses, le mouvement héraclitéen a-t-il
lui-même un fondement qui le transcende ? Il a, en effet, des traits
ontologiques forts remarquables qui, de toute évidence, n’indiquent
rien qui lui soit supérieur. La préséance, la permanence, l’identité (la
mêmété), la vigueur, la rapidité et la créativité en sont les attributs
essentiels. La permanence consiste dans son écoulement perpétuel,
puisqu’il ne peut s’arrêter sans se perdre comme mouvement,
c’est-à-dire sans se transformer en repos. La métaphore du fleuve, à
laquelle Héraclite fait recours, est assez significative :
On ne peut pas, dit-il, descendre deux fois dans
le même fleuve, ni toucher deux fois une substance
périssable dans le même état, car, à cause de la
vigueur et de la rapidité du mouvement, elle se
disperse et se réunit, ou plutôt ni à nouveau ni après,
c’est en même temps qu’elle se constitue et qu’elle se
retire, qu’elle survient et qu’elle s’en va.5
Cette métaphore illustre, on le voit, de façon pertinente, la
continuité du mouvement tout en relevant que cette continuité est
telle que le mouvement ne saurait conduire à un être stable.
L’impossibilité dans laquelle il se trouve à déboucher sur un être
immuable s’explique par le fait que, chez Héraclite, toute évasion
hors du mouvement est purement inconcevable: tout naît du
mouvement et n’existe que par et dans le mouvement. Sa vigueur
4 Abel Jeannière, Les Présocratiques. L’aurore de la pensée grecque, Paris,
Éditions du Seuil, 1996, p.114.
5 Héraclite, fragment.4112, cité par Abel Jeannière, Les Présocratiques.
L’aurore de la pensée grecque, ouvr. cité, p.114.