QUANTIFICATION DE LA CHARGE DANS L’ENTRAÎNEMENT SPORTIF : ANALYSE COMPARATIVE DES METHODES OBJECTIVES, SUBJECTIVES ET MIXTES ©2001-2012, François Gazzano, BSc RESUME La relation entre la charge d’entraînement et le développement de la capacité de performance d'un sportif est un phénomène complexe qui constitue une des problématiques centrales du processus d’entraînement. Cette relation est spécifique à chaque individu et semble avoir une forme de U inversé. Ainsi, si une charge optimale a généralement des effets bénéfiques sur la capacité de performance, une charge inadaptée à la capacité du sportif pourra avoir des effets désastreux. La mesure de la charge d’entraînement et/ou de compétition et le contrôle de l’adaptation de l’organisme à cette charge est donc devenue indispensable. Cet article présente les méthodes de quantification de la charge les plus couramment utilisées dans le suivi des sportifs et analyse, de façon détaillée, une méthode permettant à la fois de quantifier efficacement l’entraînement pour tous les types d’activités et de systématiser la prévention du surentraînement chez tout sportif pratiquant un entraînement intensif. MOTS-CLES : CHARGE D’ENTRAÎNEMENT, SURENTRAINEMENT, QUANTIFICATION, RECUPERATION, VOLUME, INTENSITE, PLANIFICATION RELATION CHARGE - CAPACITÉ DE PERFORMANCE La charge d’entraînement - ou stimulus d’entraînement - est une unité quantitative du travail réalisé par un sportif et est traditionnellement définie par le produit Volume x Intensité (Siff et Verchoshanksy, 1996). Tout stimulus physique provoquant la fatigue favorise une adaptation bénéfique si la durée et la qualité de la récupération sont suffisantes pour permettre aux mécanismes de reconstruction adaptative de se mettre en action (Kernan, 1998). Lorsque la fatigue provoquée par une séance d’entraînement ou une compétition, à laquelle sont ajoutés les agents stressants liés à la vie familiale, sociale et/ou professionnelle, dépassent la capacité de récupération de l’athlète, les adaptations bénéfiques liées à l’entraînement n’auront pas lieu. La relation entre charge et capacité de performance à une forme de U inversé, est spécifique à chaque individu (Kuipers et al., 1998) et est déterminée en grande partie par des facteurs génétiques (Wolfarth et al., 2000). RELATION CHARGE -SURENTRAÎNEMENT Si une charge adaptée à la capacité d’adaptation momentanée du sportif favorise l’amélioration de sa capacité de performance, une charge supérieure cette capacité peut avoir des effets néfastes et favoriser l’apparition du surentraînement. Certaines situations sont particulièrement défavorables: Lorsque les exercices, charges et intensités sont peu variés d'une journée à l'autre (Kernan, 1998; Foster, 1996); lorsque le sportif est soumis à une grande quantité de travail à haute intensité combinée à une récupération inadaptée (Fry, 1991; Urhausen et al., 1995) ou lorsque le sportif est soumis à un important stress sportif et/ou non-sportif (conflits interpersonnels, voyages, travail, examens, etc) sans que le programme d’entraînement ne soit modifié (Fry, 1991). MÉTHODES DE QUANTIFICATION DE LA CHARGE S'il existe de nombreuses méthodes permettant de quantifier le volume l'entraînement (en kilomètres, heures d'entraînement, répétitions réalisées, etc) ou l'intensité du travail réalisé (% du VO2max, % de FCmax; % de 1RM, % de la vitesse maximale aérobie, etc.), les méthodes qui permettent de quantifier la charge d'entraînement sont beaucoup moins nombreuses. A l'heure actuelle, il est possible de quantifier la charge d'entraînement grâce à des méthodes objectives, subjectives et des méthodes mixtes, qui combinent à la fois facteurs objectifs et subjectifs. 1 MÉTHODES OBJECTIVES Coût énergétique de l’activité physique (kcal ou KJ/séance ou semaine); % de la fréquence cardiaque maximale ou de réserve; % de la FC passée dans chaque zone % de VMA, de xRM Nombre de séries x nombre de répétitions x résistance utilisée (exercices de force) Nombre de kilomètres à x% de la zone de FC visée ou d’une allure cible. Nombre d’heures d’entraînement à x% de la zone de la FC visée ou d’une allure cible. TRAINING IMPULSE (Bannister et al., 1980; Morton et al., 1990; Fitz-Clarkeet al., 1991); Durée x (FC exercice - FC repos/ FC max. - FC repos). MÉTHODE THIBAULT (Thibault, 1998) Cette méthode est un outil de prescription du contenu des séances par intervalles, plus qu’une réelle méthode de quantification de la charge d’entraînement. Elle repose sur la relation dynamique existant entre les éléments d'une séance d'entraînement (durée et intensité du travail et périodes de récupération, nombre de séries et de répétition). L’utilité de cette méthode, demeure toutefois limitée aux séances de travail par intervalles dont l’intensité est située entre 85% et 110% de la puissance aérobie maximale. MARQUEURS BIOLOGIQUES; Onéreux, contraignants et difficilement généralisables pour un suivi routinier de l’athlète (Hopkins, 1991). En outre, ces marqueurs ne permettent pas de quantifier ni le volume, ni l’intensité de l’entraînement et leur utilité dans la détection du surentraînement reste controversée (Gastmann, 1998; Fry, 1992; Kuypers, 1998; Hoogeveen, 1998). Commentaires: Les méthodes objectives ne permettent pas de prendre en compte des perturbations physiologiques provoquées par l’état de fatigue, de stress, du niveau d’hydratation ainsi que de tout autre facteur physiologique, psychologique ou environnemental pouvant influencer négativement la performance (Hopkins, 1991). En outre, ces méthodes utilisent souvent les fréquences cardiaques de repos et maximale, indicateurs de l’intensité qui varient en fonction de l’état d’entraînement (Uusitalo, 2000) et doivent être réévaluées de façon régulière (Zavorsky, 2000). Les méthodes utilisant les fréquences cardiaques sont inadaptées aux activités intermittentes (musculation, sports collectifs, etc.) ou celles effectuées à très haute intensité (Hopkins, 1991). MÉTHODES SUBJECTIVES Quantification de la difficulté subjective d’une séance (0-10/10). Questionnaire de suivi de l’humeur (Mood State), questionnaires psychologiques variés. Observation directe par l’entraîneur. Commentaires : Les indices subjectifs sont faciles à utiliser, ne demandent aucun matériel de mesure et permettent de prendre en compte des perturbations physiologiques provoquées par l’état de fatigue pré-séance, le niveau d’hydratation et de tout autre facteur physiologique, psychologique ou environnemental pouvant influencer négativement la performance. Ces méthodes supposent que le sportif possède une bonne connaissance de soi et ne tiennent pas compte de la durée de l’effort (on suppose qu’une séance de 30min notée « difficile » génère une charge identique qu’une séance de 90min également qualifiée de « difficile »). L’observation directe est efficace mais difficile à réaliser lors des entraînements collectifs. Certains sportifs peuvent également être réticents à être observés lors des séances et la compilation et analyse des observations peut s’avérer difficile (Hopkins, 1991). Les questionnaires de suivi de l’humeur sont des outils efficaces pour détecter le surentraînement (McKensie, 1999, Shephard, 1998). MÉTHODES MIXTES 2 CAHIERS D’ENTRAÎNEMENT: A cause de la difficulté à compiler et analyser les informations contenues dans ces carnets, ces outils ne sont que d'une utilité limitée pour l'entraîneur (Hopkins, 1991). MÉTHODE MERCIER (D. Mercier, 1995); CHARGE = DISTANCE PARCOURUE (km) X DIFFICULTÉ SUBJECTIVE. Cette méthode intègre les facteurs objectifs et subjectifs de la charge et pourrait s’avérer utile pour quantifier la charge d'activités où il est possible de mesurer la distance parcourue pendant la séance (course à pied, cyclisme, natation, etc.). Toutefois la méthodologie sur laquelle elle repose n’a, à ce jour, fait l’objet d’aucune publication scientifique et elle est inapplicable aux activités dont la distance parcourue est impossible à mesurer ou non représentative du volume d’entraînement (sports collectifs, musculation, etc.). A ce jour, cette méthode n’a fait l’objet d’aucune publication scientifique. MÉTHODE FOSTER (Foster, 1996); CHARGE = DUREE X DIFFICULTÉ SUBJECTIVE DE LA SÉANCE (RPE SEANCE) Cette méthode intègre les facteurs objectifs et subjectifs de la charge, permet de quantifier des activités et intensités très variées (Foster, 2001), permet de calculer certains indicateurs du surentraînement et de prédire efficacement l’apparition des problèmes de santé associés à ce syndrome (Foster, 1998). Cette méthode, qui à fait l’objet de plusieurs publications scientifiques, a été validée pour différentes activités physiques en la comparant aux méthodes objectives (Foster, 2001). MÉTHODE FOSTER - UTILISATION PRATIQUE Collecte des informations Le sportif quantifie la difficulté de chaque séance d’entraînement à l'aide d'une échelle de BORG modifiée (0 à 10) et note la durée complète de la séance (en minutes). Une grille de saisie [annexe 1] hebdomadaire peut être utilisée à cet usage. Traitement et analyse des informations Le traitement des informations peut s’effectuer à l’aide de la plateforme de gestion et de suivi de l’entraînement AthleteMonitoring.com (www.athletemonitoring.com). AthleteMonitoring.com intègre la méthode FOSTER et automatise le calcul des différents indices de charge, monotonie, contrainte, etc. à partir des informations insérées par les athlètes via smartphones, tablette, PC ou MAC. Identification des quatre indicateurs : Charge DURÉE (MIN) X DIFFICULTÉ GLOBALE (1-10); indicateur lié aux adaptations POSITIVES à la charge d’entraînement. Monotonie CHARGE HEBDOMADAIRE/ÉCART-TYPE DE LA CHARGE; indice de variation de la charge de travail; lié aux adaptations NÉGATIVES à la charge d’entraînement Contrainte CHARGE X MONOTONIE; indicateur lié aux adaptations NÉGATIVES à la charge d’entraînement et au SURENTRAÎNEMENT 3 Fitness CHARGE-CONTRAINTE Indice associé à la capacité de performance temporaire du sportif (effets positifs représentés par l’indice Charge - effets négatifs représentés par l’indice Contrainte). Lorsque la CONTRAINTE hebdomadaire est plus importante que la CHARGE, la capacité de performance diminue et viceversa. Pour faciliter leur interprétation, ces indices peuvent être illustrés sous forme de graphes [annexe 2]. CONCLUSION Quantifier la charge d’entraînement et de compétition fait désormais partie intégrante de tout entraînement sportif rigoureux. Bien que de nombreuses méthodes objectives, subjectives ou mixtes existent pour quantifier le travail physique réalisé par le sportif, il semble que les méthodes mixtes possèdent l’avantage de prendre en compte à la fois les facteurs objectifs et les facteurs subjectifs qui influencent l’adaptation individuelle à une charge d’entraînement donnée. A l’heure actuelle, plusieurs méthodes mixtes sont proposées; la méthode des carnets d'entraînement, la méthode proposée par MERCIER et celle proposée par FOSTER. A ce jour, seule la méthode FOSTER a été validée par rapport aux méthodes objectives et permet de quantifier la charge pour de multiples activités physiques. Les méthodes FOSTER et MERCIER utilisent la perception subjective de l’effort comme marqueur de l’intensité de la séance. La méthode MERCIER utilise le kilométrage de la séance comme indicateur du volume, contrairement à la méthode FOSTER qui utilise la durée de la séance. Cette différence fondamentale limite la méthode MERCIER aux activités où la distance parcourue peut être mesurée avec précision alors que la méthode FOSTER, qui utilise le temps comme indicateur du volume, lui permet de quantifier la charge pour un plus grand nombre d’activités (efforts continus, discontinus, compétitions, musculation, sports d’équipe, etc.). Par sa simplicité d’utilisation, sa polyvalence, le nombre de travaux scientifiques dont elle a fait l’objet, le fait qu’elle permette de calculer la charge d’entraînement globale et de calculer les indicateurs du surentraînement, la méthode décrite par FOSTER nous apparaît, à l’heure actuelle, l’outil le plus efficace pour quantifier et contrôler la charge d’entraînement de tout sportif astreint à un entraînement rigoureux. RÉFÉRENCES 1. Banister EW, Calvert TW.: Planning for future performance: implications for long term training.; Can J Appl Sport Sci 1980 Sep;5(3):170-6 2. 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