Revue
Mécanismes d’activation cellulaire
par les anticorps antiphospholipides
Antiphospholipid antibodies: mechanisms of cellular activation
Nathalie Satta
Egbert K.O. Kruithof
Guido Reber
Philippe de Moerloose
Service d’angiologie et d’hémostase,
Hôpitaux Universitaires de Genève,
1211 Genève 14, Suisse
Résumé.
Le syndrome antiphospholipide (SAPL) est caractérisé par des manifesta-
tions cliniques (thromboses et/ou complications obstétricales) associées à la pré-
sence d’anticorps dits antiphospholipides (aPL). Ces aPL sont en fait principalement
dirigés contre des complexes phospholipides-protéines, la protéine cible principale
étant la b2-glycoprotéine 1. Après quelques rappels sur le SAPL et son diagnostic,
nous discuterons de certains mécanismes expliquant les complications vasculaires
observées dans ce syndrome. Il peut s’agir de mécanismes interférant avec la
coagulation (facteurs de coagulation, inhibiteurs ou fibrinolyse), ou de mécanismes
d’activation cellulaire. Les cellules (principalement les cellules endothéliales, les
monocytes et les plaquettes) activées par les aPL seront capables d’exprimer entre
autres des cytokines, des molécules d’adhésion et du facteur tissulaire. Le but
principal de cette revue est de présenter les connaissances actuelles sur les principaux
récepteurs cellulaires des aPL (annexine A2, TLR, ApoER2’, GPIba), de discuter des
voies d’activation intracellulaire, et finalement d’entrevoir certaines perspectives
thérapeutiques découlant de ces nouvelles connaissances.
Mots clés : anticorps antiphospholipides, b2-glycoprotéine 1, récepteurs toll like,
annexine A2, thromboses
Abstract.The antiphospholipid syndrome is characterized by clinical manifesta-
tions (thrombosis and/or pregnancy morbidity) associated with the so-called
antiphospholipid antibodies (aPL). These antibodies are in fact mainly directed
against protein-phospholipid complexes, the main protein being b2-glycoprotein
1. After a brief review on the syndrome and its diagnosis, we will discuss the
possible mechanisms responsible for the clinical complications. aPL can interfere
directly with the coagulation system (coagulation factors, inhibitors or fibrinolysis).
They can induice an activation of endothelial cells, monocytes and platelets. After
activation, these cells will express, among others, cytokines, adhesion molecules
and tissue factor. Our review aims specifically at presenting the current knowledge
on the main aPL receptors (annexin A2, TLR, ApoER2’, GPIba), at describing some
intracellular pathways and finally at discussing new therapeutic avenues based on
this recent knowledge.
Keywords: antiphospholipid antibodies, beta 2-glycoprotein 1, toll-like receptors,
annexin A2, thrombosis
Le syndrome antiphospholi-
pide (SAPL), connu depuis
les années 1960, a fait
l’objet d’un consensus à
Sapporo en 1999 [1] et a
été l’objet d’une nouvelle révision à Syd-
ney en 2004 [2]. Aujourd’hui, il est
défini par la présence de manifestations
cliniques (thromboses et/ou compli-
cations obstétricales) associées à la
présence d’anticorps antiphospholi-
pides (lupus anticoagulant, anti-b2-
Tirés à part :
P. de Moerloose
Hématologie 2008 ; 14 (5) : 354-65
Hématologie, vol. 14, n° 5, septembre-octobre 2008
354
doi: 10.1684/hma.2008.0283
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glycoprotéine 1 [-b2GP1] et anticorps anticardiolipines).
Malgré toutes les données accumulées tout au long de ces
années, de nombreux points d’interrogation subsistent.
Ceux-ci concernent en particulier les mécanismes par les-
quels ces anticorps agissent. Après avoir fait quelques rap-
pels sur le syndrome (diagnostic et clinique), nous nous
focaliserons dans cette revue sur les mécanismes, en particu-
lier d’activation cellulaire, permettant d’expliquer les compli-
cations vasculaires (nous ne discuterons pas des mécanismes
à l’origine des complications obstétricales même si une partie
de celles-ci est probablement également d’origine vascu-
laire). Sur la base de ces connaissances récentes, nous
discuterons de certaines perspectives thérapeutiques.
Le syndrome antiphospholipide :
rappels
Le diagnostic biologique du SAPL est fondé sur la présence
d’anticorps antiphospholipides (aPL) détectés par deux types
de tests, des tests de coagulation et des tests immunologi-
ques. Les tests de coagulation permettent de rechercher la
présence d’un anticoagulant de type lupique ou LA (lupus
anticoagulant). Cette recherche doit suivre une séquence de
tests bien précise [3] et est l’apanage de laboratoires spécia-
lisés. Les tests immunologiques sont en général des tests ELISA
qui détectent des anticorps de type IgG ou IgM, soit des
anticorps dits anticardiolipines (aCL), soit des anti-b2GP1.
Bien que d’importants progrès aient été réalisés, ces tests sont
encore loin d’être standardisés [4-6]. En effet, de nombreuses
discussions sont en cours quant au meilleur choix de l’anti-
gène, des microplaques, des calibrateurs et de la manière de
définir le cut-off. Les aPL sont généralement polyclonaux,
hétérogènes, et ceci complique le diagnostic. Le lien causal
entre la présence d’un aPL de spécificité connue et l’augmen-
tation du risque de thrombose n’est pas encore bien défini. Il
apparaît clairement que les aPL ne présentent pas tous un
potentiel pathogène, seule une sous-population étant respon-
sable des complications cliniques. Actuellement, la cible
principale des aPL semble être la b2GP1. Il s’agit d’une
protéine présente dans le plasma à la concentration de 200
lg/mL. Elle est constituée de 4 domaines homologues et d’un
cinquième domaine possédant un site de liaison aux phos-
pholipides anioniques composé de 14 acides aminés char-
gés positivement et d’une courte séquence hydrophobe qui
s’insère dans la membrane. C’est sous la forme liée à la
membrane par l’intermédiaire des phospholipides anioni-
ques que la b2GP1 est reconnue par les aPL. Cette fixation
entraîne un changement de conformation de la protéine et
induit l’exposition d’un épitope, normalement encrypté dans
la forme native de la protéine, situé entre le résidu G40 et le
résidu R43 du domaine I. Cet épitope devient alors accessi-
ble et permet l’interaction des aPL avec la b2GP1. Des
travaux récents ont montré que les aPL qui reconnaissent avec
forte affinité cet épitope ont également une activité anticoagu-
lante de type lupique (lupus-like anticoagulant ou LAC),
correspondant au prolongement du temps de coagulation
dans les tests in vitro. Leur présence est en lien dans la plupart
des cas de SAPL avec l’existence d’événements thromboti-
ques. Ces aPL forment donc une sous-population d’anticorps
anti-b2GP1 à fort potentiel pathogène [7,8]. La théorie du
« cryptic » épitope expliquerait en partie la difficulté de
standardisation des tests de dépistage des anticorps anti-
b2GP1. Il est fort probable que l’adsorption de la b2GP1 sur
les surfaces hydrophiles ou hydrophobes des plaques ELISA
ne permet pas une exposition optimale de cet épitope,
réduisant ainsi l’affinité des anticorps anti-b2GP1 pour la
b2GP1, et par conséquent la sensibilité du test.
En ce qui concerne la clinique, deux grandes complications
sont retenues dans la définition de ce syndrome : les événe-
ments thrombotiques et les complications obstétricales. Les
thromboses peuvent être veineuses et/ou artérielles et tou-
cher n’importe quelle partie de l’arbre vasculaire. Les mani-
festations iront donc de la maladie thromboembolique vei-
neuse aux atteintes artérielles cérébrales (principalement),
coronariennes ou artérielles périphériques. Les complications
obstétricales, regroupées sous le terme anglais de « pre-
gnancy morbidity », sont également variées et peuvent surve-
nir à tous les stades de la grossesse ; la complication princi-
pale est la survenue d’épisodes répétés d’avortements
spontanés et/ou de pertes fœtales. D’autres manifestations
(thrombopénie et livedo par exemple) peuvent faire évoquer
un SAPL mais ne font pas partie des critères retenus lors du
dernier consensus [2].
Mécanismes responsables
des complications vasculaires
Deux mécanismes seraient à l’origine des complications
thrombotiques provoquées par les aPL. L’un concerne l’inter-
férence par les aPL avec certains composants du système de
la coagulation (activateurs, inhibiteurs, fibrinolyse). L’autre
met en jeu l’activation par les aPL de cellules impliquées dans
la coagulation (endothélium, plaquettes, monocytes).
Interférence dans le système
de la coagulation
Les aPL interfèrent principalement avec le système anticoagu-
lant de la protéine C activée (PCa). Le système anticoagulant
de la PCa sert de régulateur à la génération de thrombine en
inactivant les facteurs Va et VIIIa. Tout dysfonctionnement de
ce système peut entraîner des complications thrombotiques,
principalement veineuses. Il a été démontré que des anticorps
monoclonaux de souris anti-b2GP1 peuvent en présence
de b2GP1 inhiber l’activité anticoagulante de la PCa [9]
(figure 1).Ilaétésuggéréquelecomplexeimmunanti-b2GP1/
b2GP1 se comporte comme un inhibiteur compétitif de la
fixation du complexe anticoagulant de la PCa aux phospholi-
pides anioniques présents sur la membrane des cellules
activées. Le complexe anti-b2GP1/b2GP1 peut aussi provo-
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quer le désassemblage des complexes anticoagulants déjà
formés [10]. On s’attendrait à ce que, en limitant l’accès aux
phospholipides anioniques, les complexes auto-immuns
miment les effets des anticoagulants oraux qui diminuent
l’affinité des facteurs vitamine K-dépendants pour la mem-
brane. La résultante devrait être en faveur d’un état anticoa-
gulant plutôt que procoagulant, ce qui n’est pas le cas. Des
travaux récents sur les composants membranaires nécessai-
res au support des complexes procoagulants versus anticoa-
gulants peuvent expliquer pourquoi les aPL perturbent préfé-
rentiellement le système anticoagulant. Le complexe
anticoagulant de la PCa fonctionne de manière optimale
lorsque la membrane expose de la phosphatidyléthanola-
mine (PE) ou bien lorsque les phospholipides membranaires
sont sous forme oxydée, éléments qui n’ont par contre pas
d’influence sur les complexes procoagulants [11,12]. Safa
et al. [13] ont montré que l’inhibition de l’activité anticoagu-
lante de la PCa par les complexes anti-b2GP1/b2GP1 était
favorisée par la présence de phospholipides contenant de la
PE oxydée, résultats également retrouvés en utilisant des aPL
purifiés de patients présentant un SAPL associé à des throm-
boses. Le fait que dans le SAPL on retrouve un taux de lipides
oxydés plus important que chez des sujets sains corrobore ce
concept. Ceci révèle l’existence d’un lien étroit entre l’activité
thrombogène des aPL et l’état d’oxydation des membranes
cellulaires.
Les aPL ont aussi d’autres actions dans le système anticoagu-
lant. Ils interfèrent dans l’inhibition du facteur X activé par le
complexe protéine Z/protein Z-dependent-protease inhibitor
et par le TFPI (tissue factor pathway inhibitor). Ils peuvent
inhiber l’activité de l’antithrombine en se fixant de manière
compétitive sur les héparan sulfates par l’intermédiaire de
leurs charges négatives, favorisant ainsi la formation de
fibrine par la thrombine [14]. D’autres dysfonctionnements
du système fibrinolytique sont retrouvés chez les SAPL dont
une augmentation de la sécrétion de PAI-1 par les cellules
endothéliales (CE) activées ; la présence d’anticorps anti-
annexine A2 pouvant inhiber la fixation du tPA ou du plasmi-
nogène à la surface des CE [15] ; la présence chez certains
patients d’anticorps anti-tPA et antiplasmine ; et enfin, un effet
inhibiteur de la b2GP1 sous forme clivée sur la fixation du
plasminogène à l’annexine A2. Tous ces effets favorisent le
maintien du thrombus.
Activation cellulaire
Les aPL en présence de b2GP1 sont capables d’activer les
cellules telles que les CE, les monocytes, les plaquettes et les
fibroblastes. Des études in vivo chez la souris ont mis en
Va Va
Vi VIIIa
VIIIa
VIIIa
VIIIi
PCa
A
B
Va
IIa
PS
PCa
TM EPCR
IIa
Va Va VIIIa
PCa PCa
TM EPCR PS PS
PC
PC
Figure 1. Effet inhibiteur des aPL sur le système anticoagulant de la protéine C activée (PCa). A) Représentation du fonctionnement
physiologique du système anticoagulant de la protéine C activée. La protéine C (PC) liée à son récepteur membranaire EPCR est activée
par le complexe thrombine (IIa)/thrombomoduline (TM). Après activation, la PCa interagit avec la protéine S pour inactiver le facteur Va ou
le facteur VIIIa. B) Les anticorps anti-b2GP1 complexés à la b2GP1 se lient sur la membrane exposant de la phosphatidyléthanolamine
ou des phospholipides oxydés ( ). Ils entrent en compétition avec la PCa empêchant sa fixation sur la membrane et la formation des
complexes anticoagulants PCa/PS/FVa ou PCa/PS/FVa/FVIIIa.
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évidence que l’activation des CE par les aPL joue un rôle
important dans le SAPL. En effet, l’injection d’aPL humains
chez la souris induit une augmentation de taille du thrombus
formé après lésion de l’endothélium [16]. La formation du
thrombus est réduite de manière significative dans le cas de
souris déficientes en molécules d’adhésion leucocytaires
ICAM, V-CAM, E-Selectine ou P-Selectine [17]. De plus, il a
été montré que les aPL induisent le relargage par les CE de
microparticules porteuses d’une activité procoagulante, et
que le taux de microparticules circulantes dérivées de l’endo-
thélium était plus élevé chez les patients avec un SAPL [18].
Ceci implique que l’activation de l’endothélium vasculaire
par les aPL constitue un mécanisme thrombogénique impor-
tant dans cette pathologie.
Plusieurs études in vitro ont montré que les anticorps anti-
b2GP1 reconnaissent la b2GP1 présente à la surface des
CE, et activent les CE, ce qui entraîne une augmentation de
l’expression des molécules d’adhésion leucocytaires, du fac-
teur tissulaire, ainsi que de la sécrétion de chémokines et
cytokines inflammatoires (MCP1, IL6, IL1). Ces facteurs sont
responsables de l’attraction, l’adhésion et l’activation des
cellules du système immunitaire (leucocytes, monocytes).
Celles-ci vont contribuer à l’amplification locale des activités
procoagulantes et pro-inflammatoires et augmenter le risque
d’occlusions thrombotiques [19, 20].
Les monocytes jouent également un rôle important dans le
risque thrombotique lié à la présence des aPL. Leur activation
par les aPL a pour effet d’augmenter l’expression du facteur
tissulaire par les monocytes [21]. De plus, les monocytes
produisent de la b2GP1, ce qui favorise leur activation par
les anticorps anti-b2GP1 [22].
Les plaquettes sont également la cible des aPL. Il a été montré
que les complexes immuns anti-b2GP1/b2GP1 favorisent
l’activation des plaquettes et leur dépôt sur le sous-
endothélium en condition de flux [23].
Ainsi, les CE, les monocytes et les plaquettes participent de
façon directe et coopérative dans le développement et/ou le
maintien d’un état hypercoagulant chez les patients avec
un SAPL.
Mécanismes d’activation des cellules
par les aPL, récepteurs
et voies de signalisation
Les mécanismes d’activation des cellules par les aPL sont peu
connus et font actuellement l’objet d’une recherche intensive.
Le point commun de ces mécanismes, que ce soit pour les CE,
pour les monocytes et pour les plaquettes, est la nécessité de
la présence de la b2GP1 dans le système. Il a été montré que
les anticorps anti-b2GP1 lient la b2GP1 à la surface des
cellules endothéliales isolées de cordons ombilicaux
(HUVEC), que ces anticorps sont internalisés, qu’ils s’accumu-
lent dans les endosomes tardifs et bloquent le trafic protéique
entre l’appareil de Golgi et les endosomes [24, 25]. Cepen-
dant, les récepteurs membranaires des aPL à la surface
cellulaire sont encore mal connus. Récemment, un certain
nombre de protéines ont été identifiées comme acteurs poten-
tiels dans l’activation cellulaire induite par les aPL soit comme
récepteurs, soit comme cofacteurs.
Protéines impliquées dans l’activation
des cellules endothéliales
Rôle de l’annexine A2
Les travaux de Ma et al. [26] ont mis en évidence la présence
d’un récepteur pour la b2GP1 à la surface des cellules
endothéliales. Il s’agit de l’annexine A2 connue pour son rôle
dans le système fibrinolytique comme corécepteur du plasmi-
nogène et de l’activateur tissulaire du plasminogène ou t-PA
[27]. L’annexine A2 est exprimée sous forme tétramérique
comprenant 2 molécules d’annexine A2 en vis-à-vis asso-
ciées chacune à une molécule cofacteur p11. Environ 4 % de
l’annexine A2 synthétisée par les CE est associé à la face
externe de la membrane plasmique par l’intermédiaire d’inte-
ractions calcium dépendantes avec les aminophospholipides
membranaires. Des études de cinétique de liaison utilisant les
HUVEC ont déterminé que la b2GP1 se lie à l’annexine A2
avec une forte affinité [26]. Zhang et McCrae [28] ont
démontré que les anticorps anti-b2GP1 de patients, en pré-
sence de b2GP1, ou bien des anticorps anti-annexine A2
activaient les CE alors que les fragments F(ab) obtenus par
digestion de ces mêmes anticorps n’étaient pas capables
d’induire la stimulation des cellules. En revanche, l’utilisation
des parties F(ab’)
2
des anticorps anti-b2GP1 ou anti-
annexine A2 produisait une stimulation cellulaire. Ils en
concluent que l’activation des CE nécessite un cross-linkage
de l’annexine A2 aussi bien par les anticorps anti-annexine
A2 que par les anticorps anti-b2GP1 mais, pour ces derniers,
l’interaction avec l’annexine A2 est dépendante de la b2GP1
(figure 2). Ces expériences confirment également que la
stimulation des cellules ne fait pas intervenir les récepteurs
FccR2 comme démontré précédemment [29]. Le cross-
linkage de l’annexine A2 par les anticorps n’est pas suffisant
en soi pour transmettre un signal intracellulaire car l’annexine
A2 n’est pas une protéine transmembranaire. Cela implique
qu’un récepteur membranaire doit nécessairement faire par-
tie du complexe protéique. Ce récepteur pourrait interagir
soit avec l’annexine A2, soit avec la b2GP1, soit avec les
deux. On pourrait imaginer un modèle où la b2GP1 liée à
l’annexine A2 interagit avec le récepteur en formant une
entité protéique trimérique. Le cross-linkage de deux b2GP1
ou de deux annexines A2 par les anticorps entraînerait la
dimérisation du récepteur se qui provoquerait un signal
intracellulaire (figure 2).
Rôle des récepteurs toll-like (TLR)
La signalisation intracellulaire induite dans les CE par les aPL
implique les facteurs transcriptionnels NF-kB et MAPkinase
p38 [30–32], les médiateurs intracellulaires TRAF-6 et
Myd88 [33]. Ces deux derniers fonctionnent principalement
avec une famille de récepteurs dénommée les récepteurs
toll-like (TLR) (figure 3). Il existe dix TLR fonctionnels chez
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l’homme. Les TLR interviennent dans l’immunité innée en tant
que premiers détecteurs de pathogènes. Ils reconnaissent de
façon très spécifique des motifs pathogéniques présentés par
un grand nombre de bactéries, virus ou champignons et ils
déclenchent la réponse immune spécifique. Ces récepteurs
sont pour la plupart sous forme d’homodimère. Seul le TLR2
forme un hétérodimère avec ses corécepteurs TLR1 ou TLR6, ce
qui augmente sa capacité de discrimination. En effet, les
TLR2/TLR1 reconnaissent les lipopeptides triacylés présents
dans la paroi des bactéries Gram-positives alors que les
TLR2/TLR6 reconnaissent les lipopeptides diacylés. Le TLR4
reconnaît spécifiquement le lipopolysaccharide (LPS) des bac-
téries Gram-négatives, le TLR5 des épitopes structurels de la
flagelline bactérienne. Le TLR3 et les TLR7 et TLR8 reconnais-
sent respectivement les RNA double brins et les RNA simple
brin des virus. Le TLR9 reconnaît spécifiquement les motifs
CpG non méthylés des molécules d’ADN bactériens. Les
récepteurs TLR3, TLR7, TLR8 et TLR9 sont intracellulaires,
localisés dans les endosomes, alors que les récepteurs TLR4,
TLR2, TLR1 et TLR6 sont exprimés à la surface des cellules,
essentiellement les cellules épithéliales, les cellules dendriti-
ques, les lymphocytes, les monocytes/macrophages et les
plaquettes [34]
.
Les TLR fonctionnent sous forme de complexes
multiprotéiques hétérotypiques avec des protéines accessoires
dont le rôle est de reconnaître le ligand et de le diriger vers le
TLR correspondant. Le CD14 est une des protéines accessoires
clés du système. Il est capable de reconnaître aussi bien le LPS
que les lipopeptides di- et tri-acylés et selon la nature du
ligand, il va interagir spécifiquement avec le TLR4 ou bien les
hétérodimères TLR1/TLR2 ou TLR6/TLR2 [35]
.
Les autres pro-
téines accessoires connues sont le récepteur scavenger CD36
et le CD11b/CD18 qui fonctionnent avec le TLR2 [36]
,
le MD2 spécifique du TLR4 [37]
et le récepteur CD32
(FCgammaR2A) qui lui fonctionne avec le TLR9 [38].
Les grandes étapes des mécanismes de stimulation via les TLR
sont similaires que ce soit pour les récepteurs extracellulaires
ou intracellulaires. Tout d’abord, il y a reconnaissance et
liaison du ligand sur la ou les protéines accessoires qui sont
localisées dans les domaines membranaires riches en lipides
(domaine raft). Il s’ensuit le recrutement du TLR spécifique au
ligand dans le domaine raft et la formation du complexe
hétérotypique à partir duquel est généré le signal intracellu-
laire. Le complexe multiprotéique est ensuite internalisé par la
voie endosomale dépendante des clathrines vers l’appareil
de Golgi où les différentes protéines seront soit recyclées soit
détruites [37, 39]. Dans le cas des TLR intracelluaires, le
ligand sera internalisé lié à la protéine accessoire dans les
endosomes où il entrera en contact avec le TLR et le signal
stimulateur sera généré à partir de l’endosome [38].
Certains TLR ont été impliqués dans les mécanismes inflam-
matoires développés au cours de maladies auto-immunes. Ils
peuvent reconnaître « par défaut » des molécules endogènes
modifiées et enclencher une réponse inflammatoire chroni-
que. Par exemple, le TLR9 joue un rôle dans le lupus érythé-
mateux systémique (LES) : en reconnaissant les motifs CpG
des molécules d’ADN composant les complexes immuns
Signal
Annexine A2
Récepteur ?
β2GP1
Anti-β2GP1
P11
IV
III
II
I
V
IV
III
II
I
V
P11
Figure 2. Modèle d’interaction des complexes anticorps anti-b2GP1/b2GP1 avec l’annexine A2 à la surface des cellules activées.
L’annexine A2 est fixée à la surface membranaire grâce à des interactions charges-dépendantes avec les phospholipides anioniques ( ).
La b2GP1 interagit avec les phospholipides anioniques de la membrane et l’annexine A2 par l’intermédiaire de son domaine 5.
Les anticorps anti-b2GP1 induisent un cross-linkage de l’annexine A2 en fixant deux molécules de b2GP1 au niveau de leur domaine I.
La transmission d’un signal nécessite la présence d’un récepteur encore inconnu qui interagit soit avec l’annexine A2 soit avec la b2GP1
soit avec les deux. La dimérisation des complexes annexine A2/b2GP1 par les anticorps anti-b2GP1 entraînera la dimérisation du
récepteur et le signal d’activation.
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