Le bonheur réside-t-il dans lʼillusion ?
Supports de réflexion
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Il ne suffit pas de se réclamer du bonheur pour lʼobtenir réellement
Cʼest la première désillusion qui nous éveille à la nature réelle du bonheur. Cela
revient à comprendre que bien des “bonheurs” proclamés comme tels sont des
illusions.
Il est des gens qui nʼembrassent que des ombres; ceux-là nʼont que lʼombre du bonheur.
William Shakespeare (1564-1616)
Le marchand de Venise
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Le bonheur, une illusion ?
Parmi les autres illusions à dépasser dans le chemin du bonheur, il y a aussi celle
que le bonheur est une illusion, un simple produit de notre imagination et de nos
illusions. Sʼil existe bien des illusions sur le bonheur, cʼest aller vite en besogne que
dʼen conclure que le bonheur nʼest quʼune illusion.
Le concept du bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu'a tout
homme d'arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et
cohérents ce que véritablement il désire et il veut. La raison en est que tous les éléments
qui font partie du concept du bonheur sont dans leur ensemble empiriques, c'est-à-dire
qu'ils doivent être empruntés à l'expérience ; et que cependant pour l'idée du bonheur un
tout absolu, un maximum de bien-être dans mon état présent et dans toute ma condition
future, est nécessaire. Or il est impossible qu'un être fini, si perspicace et en même temps
si puissant qu'on le suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu'il veut ici
véritablement. Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d'envie, que de pièges ne peut-il
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pas par attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ? Peut-être
cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour lui représenter d'une manière
d'autant plus terrible les maux qui jusqu'à présent se dérobent encore à sa vue et qui sont
pourtant inévitables, ou bien que charger de plus de besoins encore ses désirs qu'il a déjà
bien assez de peine à satisfaire. Veut-il une longue vie ? Qui lui répond que ce ne serait
pas une longue souffrance ? Veut-il du moins la santé ? Que de fois l'indisposition du
corps a détourné d'excès ou aurait fait tomber une santé parfaite, etc. ! Bref, il est
incapable de déterminer avec une entière certitude d'après quelque principe ce qui le
rendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudrait l'omniscience [...]
Il suit de que les impératifs de la prudence, à parler exactement, ne peuvent
commander en rien, c'est-à-dire représenter des actions d'une manière objective comme
pratiquement nécessaires, qu'il faut les tenir plutôt pour des conseils (consilia) que pour
des commandements (prœcepta) de la raison ; le problème qui consiste à déterminer
d'une façon sûre et générale quelle action peut favoriser le bonheur d'un être raisonnable
est un problème tout à faæit insoluble ; il n'y a donc pas à cet égard d'impératif qui puisse
commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est
un idéal, non de la raison, mais de l'imagination, fondé uniquement sur des principes
empiriques, dont on attendrait vainement qu'ils puissent déterminer une action par laquelle
serait atteinte la totalité d'une série de conséquences en réalité infinie ...
Emmanuel Kant (1724-1804)
Fondements de la métaphysique des moeurs
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Le bonheur : obtenir ce que lʼon veut ?
Tous les hommes font la même erreur, de s'imaginer que bonheur veut dire que tous les
vœux se réalisent.
Léon Tolstoï (1828-1910)
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Le bonheur est indépendant du regard dʼautrui
En thèse générale, c'est notre nature animale qui est la base de notre être, et par
conséquent aussi de notre bonheur. L'essentiel pour le bien-être, c'est donc la santé et
ensuite les moyens nécessaires à notre entretien, et par conséquent une existence libre
de soucis. L'honneur, l'éclat, la grandeur, la gloire, quelque valeur qu'on leur attribue, ne
peuvent entrer en concurrence avec ces biens essentiels ni les remplacer ; bien au
contraire, le cas échéant, on n'hésiterait pas un instant à les échanger contre les autres. Il
sera donc très utile pour notre bonheur, de connaître à temps ce fait si simple que chacun
vit d'abord et effectivement dans sa propre peau et non dans l'opinion des autres, et
qu'alors naturellement notre condition réelle et personnelle, telle qu'elle est déterminée par
la santé, le tempérament, les facultés intellectuelles, le revenu, la femme, les enfants, la
résidence, etc., est cent fois plus importante pour notre bonheur que ce qu'il plaît aux
autres de faire de nous. L'illusion contraire rend malheureux. S'écrier avec emphase :
«L'honneur passe avant la vie», c'est dire en réalité : « La vie et la santé ne sont rien ; ce
que les autres pensent de nous, voilà l'affaire. » tout au plus cette maxime peut-elle être
considérée comme une hyperbole au fond de laquelle se trouve cette prosaïque vérité
que, pour avancer et se maintenir parmi les hommes, l'honneur, c'est-à-dire leur opinion à
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notre égard, est souvent d'une utilité indispensable : je reviendrai plus loin sur ce sujet.
Lorsqu'on voit, au contraire, comment presque tout ce que les hommes poursuivent
pendant leur vie entière, au prix d'efforts incessants, de mille dangers et de mille
difficultés, a pour dernier objet de les élever dans l'opinion, car non seulement les emplois,
les titres et les cordons, mais encore la richesse et même la science et les arts sont, au
fond, recherchés principalement dans ce seul but, lorsqu'on voit le résultat définitif auquel
on travaille à arriver est d'obtenir plus de respect de la part des autres, tout cela ne
prouve, hélas ! que la grandeur de la folie humaine. Attacher beaucoup trop de valeur à
l'opinion est une superstition universellement répandue ; qu'elle ait ses racines dans notre
nature même, ou qu'elle ait suivi la naissance des sociétés et de la civilisation, il est
certain qu'elle exerce en tout cas sur toute notre conduite une influence démesurée et
hostile à notre bonheur.
Arthur Schopenhauer (1788-1860)
Aphorismes sur la sagesse dans la vie
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Apprenons à distinguer bonheur et plaisir ; sʼils ne sont pas contradictoires, ils sont
souvent confondus.
Je nʼai jamais cherché le bonheur, qui désire le bonheur ? Jʼai cherché le plaisir.
Oscar Wilde (1854-1900)
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Le débat classique sur la nature du bonheur :
hédonisme versus eudémonisme
Depuis lʼantiquité, on distingue parmi les courants philosophiques deux grandes écoles :
les courants hédonistes (cyrénaïques, mégariques et les cyniques, par exemple) qui
considèrent le plaisir comme finalité de la vie et de la philosophie, et les courants
eudémonistes qui font de la quête du bonheur la fin de la philosophie (Platon, Aristote,
Épicure, les stoïciens).
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Pour approfondir ce sujet
- Propos sur le bonheur, Alain (1928), Folio essais, 1987
- Les Actes de la joie, Robert Misrahi, P.U.F., 1987
-Le Bonheur; anthologie de textes philosophiques et littéraires, Luc Prioref, Maisonneuve
et Larose, 2000
- Jacques le fataliste et son maître, Denis Diderot (1796), livre de poche, 1965
- Le meilleur des mondes, Aldous Huxley, 1932
- Candide, Voltaire, 1759
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