Autoriser la recherche sur l`embryon humain n`est ni utile, ni

publicité
Autoriser la recherche sur l’embryon humain
n’est ni utile, ni souhaitable
La proposition de loi n° 576 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la
bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules
souches embryonnaires, présentée par M. Jacques MÉZARD et plusieurs de ses collègues, est
inscrite à l’ordre du jour de la séance publique du Sénat du 4 décembre 2012.
En plus de la levée de l’interdiction de la recherche, plusieurs dispositions proposées réduiraient
ou supprimeraient des règles qui visent à garantir la pertinence des recherches : par exemple, les
autorisations données par l’Agence de la Biomédecine (ABM) n’auraient plus besoin d’être
motivées, et les ministres chargés de la santé et de la recherche n’auraient plus un droit de
regard sur ces autorisations.
Les enjeux de cette recherche sont liés aux stocks d’embryons congelés progressivement
constitués à la suite de cycles de Fécondation in vitro (FIV) depuis 1994, ces embryons
surnuméraires suscitant la convoitise des chercheurs. Pour bien saisir ces enjeux, un rappel de la
législation actuelle s’impose (I), ainsi qu’une mise en perspective avec les recherches
alternatives à partir de cellules non embryonnaires, qui ont donné ces dernières années des
résultats encourageants (II). Ces données factuelles établies, il convient de mettre en lumière les
principales questions éthiques posées par la recherche sur l’embryon (III), alors même que
celle-ci est de plus en plus contestée au niveau européen (IV).
I - La législation actuelle en France
 La loi du 6 août 2004 a autorisé le don d’embryons congelés surnuméraires pour la recherche,
avec l’assentiment des parents. Auparavant, les parents avaient seulement la possibilité de les
transférer dans l’utérus maternel, de demander leur destruction ou de les donner à un autre
couple. En contradiction avec le principe d’interdiction de recherche sur les embryons posé
depuis les premières lois bioéthiques de 1994, une dérogation a été introduite dans cette loi pour
une période de 5 ans, pour des recherches à visée thérapeutique et sans recherche alternative
possible d’efficacité comparable.
 La loi du 7 juillet 2011 a maintenu le principe d’interdiction de recherche sur l’embryon
avec cependant l’élargissement des dérogations : sans limite de temps et dans un cadre plus
large de recherche à visée « médicale », qui remplace la notion de « progrès thérapeutique
majeur ». L’article 41 précise ainsi les nouvelles conditions :
L’article L.2151-5 est ainsi rédigé :
I.- La recherche sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de
cellules souches est interdite.
II. - Par dérogation au I, la recherche est autorisée si les conditions suivantes sont réunies :
1° La pertinence scientifique du projet de recherche est établie ;
2° La recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ;
3° Il est expressément établi qu’il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais
d’une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires
ou des lignées de cellules souches ;
1
4° Le projet de recherche et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les
principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
Les recherches alternatives à celles sur l’embryon humain et conformes à l’éthique doivent être
favorisées.

Une clause de conscience est reconnue à tout « chercheur, ingénieur, technicien ou auxiliaire
de recherche, médecin ou auxiliaire médical » qui ne souhaite pas faire de recherche sur les
embryons ou les cellules souches embryonnaires (article 53).

La loi prévoit également un encadrement pour le recueil des cellules souches issues de sang de
cordon ombilical, pour inciter à son développement. Le choix retenu par la France est celui du
recueil par des banques publiques allogéniques, c’est-à-dire pour une utilisation indifférenciée
par les patients qui en ont besoin, sachant que le patient doit avoir une compatibilité
immunitaire avec le donneur (article 19).

Dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi, soit avant le 8 juillet 2012, le
gouvernement devait remettre un rapport au Parlement sur les pistes de financement,
notamment public, et de promotion de la recherche en France sur les cellules souches adultes et
issues du cordon ombilical ainsi que sur les cellules souches pluripotentes induites (article 44).

Chaque année, l’Agence de la Biomédecine doit par ailleurs établir un rapport d’activité,
rendu public, qu’elle adresse au Parlement, au Gouvernement et au Comité consultatif national
d’éthique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé. Ce rapport doit notamment
comporter une « évaluation de l’état d’avancement des recherches sur l’embryon et les cellules
souches embryonnaires, incluant un comparatif avec les recherches concernant les cellules
souches adultes, les cellules pluripotentes induites et les cellules issues du sang de cordon, du
cordon ombilical et du placenta, ainsi qu’un comparatif avec la recherche internationale »
(article 50).

Enfin, toute réforme de cette loi doit être précédée d’un large débat public sous forme
d’états généraux. L’article 46 stipule en effet :
Le code de la santé publique est ainsi modifié : 1° Après l’article L. 1412-1, il est inséré un
article L. 1412-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1412-1-1. − Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de
société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la
médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux.
Ceux-ci sont organisés à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences
de la vie et de la santé, après consultation des commissions parlementaires permanentes
compétentes et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
A la suite du débat public, le comité établit un rapport qu’il présente devant l’Office
parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui procède à son
évaluation » (…).
-
Quelques chiffres
-
171 417 embryons congelés étaient conservés au 31 décembre
2010, dont 35,9% sans projet parental.
Une soixantaine de protocoles de recherche sont répertoriés
sur le site de l’Agence de Biomédecine. A notre connaissance,
aucun n’a donné à ce jour de résultats probants en termes de
thérapies.
Source : Agence de Biomédecine, Rapport annuel 2011.
2
II - Les recherches alternatives à la recherche sur l’embryon
 Les cellules souches adultes et, parmi elles, les cellules issues de sang de cordon et
placentaire
Le Rapport de la mission d’information parlementaire de révision des lois de bioéthique (20
janvier 2010) fait état des thérapies existantes à partir des cellules de sang de cordon :
« Certaines cellules souches adultes ont prouvé depuis plus de trente ans leur potentiel
thérapeutique. Ainsi, les thérapies recourant aux cellules souches hématopoïétiques issues de la
moelle osseuse ou du sang périphérique bénéficient à plus de 3 000 malades par an traités pour
des hémopathies malignes, pour des tumeurs solides ou pour contrer les effets de
chimiothérapies sur la moelle osseuse. Depuis les essais cliniques du docteur Éliane Gluckman,
en 1989, on sait utiliser les cellules du sang placentaire. (…) Le prélèvement de ces cellules ne
présente pas de difficultés techniques. (…) D’autres indications de thérapies à partir de cellules
souches issues du sang placentaire sont envisageables selon le docteur Gluckman. (…) Le
laboratoire de recherche du centre de transfusion sanguine des armées de Percy travaille sur les
cellules souches mésenchymateuses afin d’améliorer la production en culture d’épiderme pour
les grands brûlés ».
 La reprogrammation des cellules souches humaines adultes
La découverte des techniques de reprogrammation des cellules somatiques (cellules iPS –
découvertes en 2007) a réorienté la recherche, bien que posant encore un grand nombre de
problèmes à résoudre. Cette voie est reconnue comme prometteuse par la communauté
scientifique. Ce sont les équipes du Dr Yamanaka au Japon et du Dr Thompson aux Etats Unis
qui ont ouvert cette voie. Alors que les recherches à partir de cellules souches de sang de
cordon, adultes ou reprogrammées (iPS) ont fait la preuve de leur efficacité, il n’en est pas de
même pour les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
III - Les principales questions éthiques posées par la recherche sur l’embryon
 La destruction des embryons
L’utilisation des embryons pour la recherche conduit à leur destruction. En effet, pour obtenir
des cellules souches embryonnaires, les embryons sont disloqués et mis dans un milieu de
culture synthétique.
 Des conflits d’intérêt
La « course aux annonces » cache des conflits d’intérêt majeurs au sein de la communauté
scientifique. Cette précipitation ne respecte pas les malades, qui vivent souvent des situations
dramatiques, en faisant naître chez eux de faux espoirs à court terme.
A titre d’exemple, par son annonce de juillet 2010, la firme de biotechnologie Geron
Corporation semblait faire espérer une thérapie aux personnes paralysées à la suite d’une lésion
de la moelle épinière, traduite par certains comme le premier traitement à base de cellules
souches embryonnaires humaines. Or, il ne s’agissait en réalité que d’un essai clinique sur
moins de 10 personnes pour évaluer la tolérance du patient à des cellules dérivées de cellules
souches embryonnaires. Le 15 novembre 2011, Geron a annoncé qu’elle avait mis fin à cet essai
clinique en raison de son coût, préférant se concentrer sur d’autres programmes de recherche
plus prometteurs. Le même type de publicité a été fait ensuite en novembre 2010 par la société
Advanced Cell Technologie, pour un essai clinique concernant une pathologie oculaire.
3
 L’embryon humain comme cobaye « gratuit »
Un des intérêts mis en avant est de pouvoir tester de nouveaux médicaments (criblage
pharmaceutique) ou réaliser des recherches sans passer par les tests sur les animaux qui, eux,
sont onéreux et nécessitent une formation et des installations spécifiques. Ces contraintes vont
augmenter à partir de 2013, avec la transposition de la Directive 2010-63-UE en droit interne.
Ainsi, par exemple, des embryons écartés lors de DPI porteurs de gènes de maladies
héréditaires sont actuellement objets de recherche.
IV - La recherche sur l’embryon contestée au niveau européen
 La Convention européenne sur les droits de l'homme et la biomédecine, dite Convention
d’Oviedo, a été ratifiée par la France le 13 décembre 2011 (application au 1er avril 2012). Cette
convention du Conseil de l’Europe, adoptée en 1997, définit un certain nombre de règles
éthiques fondées sur le respect de la personne humaine, la non-commercialisation du corps
humain et le consentement éclairé des patients. L’article 18 concerne spécifiquement la
recherche sur les embryons in vitro, insistant sur la « protection adéquate » dont ils doivent
bénéficier.
 Un jugement de la Cour européenne de justice du 18 octobre 2011, qui est contraignant à
l’égard des 27 Etats-membres, bannit la brevetabilité des technologies de recherche qui
s’appuient sur les cellules souches, elles-mêmes obtenues au moyen de la destruction
d’embryons humains.
La Cour européenne de justice a reconnu la nullité du brevet du professeur allemand Brüstle,
car elle a estimé que la destruction d’un embryon humain nécessaire dans le processus de
production des cellules précurseurs neurales, pour lesquelles il avait déposé ce brevet, ne
respectait pas la dignité humaine de cet embryon. Son objectif, le traitement hypothétique de
maladies neurodégénératives, n’a pas justifié aux yeux de la Cour de porter atteinte à la dignité
de l’être humain en mettant fin à sa vie. Les seules techniques brevetables, et qui donc
pourraient faire l’objet d’une utilisation commerciale, seraient les techniques qui viseraient à
soigner l’embryon humain.
La Cour a donné de l’embryon une définition large et claire : « Tout ovule humain doit, dès le
stade de sa fécondation, être considéré comme un embryon humain dès lors que cette
fécondation est de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain ».
Constitue donc aussi un embryon humain « tout ovule humain non fécondé dans lequel le
noyau d’une cellule humaine mature a été implanté, et tout ovule humain non fécondé induit à
se diviser et à se développer par voie de parthénogénèse ». Autrement dit, même produit de
façon artificielle, un être humain reste un être humain, dès le début de la conception.
 Au sein du Parlement européen, la Commission des affaires juridiques a demandé le 18
septembre 2012, dans le cadre de l’examen du programme-cadre pour la recherche et
l’innovation « Horizon 2020 », d’étendre l’interdiction du financement des recherches
impliquant la destruction d’embryons humains, à celles sur les cellules souches embryonnaires.
Alliance VITA - 12 rue Rougemont - 75009 Paris
Tel : 01 45 23 86 10 - Fax : 01 45 23 01 28
[email protected] - www.alliancevita.org
3 décembre 2012
4
Téléchargement