« Pour que le vent se lève enfin, les dieux exigent que soit sacrifié quelqu’un qui
possède mon pouvoir magique. Or, Iphigénie le détient puisqu’elle est de ma lignée. Les
dieux doivent être apaisés, tu le sais très bien. Il en va du sort de la Grèce. »
Oreste, le frère d’Iphigénie, l’interrompt :
« Dans ce cas, père, moi aussi, je suis détenteur de ton pouvoir magique. Je veux être
immolé à la place de ma sœur. Tout le reste ma vie sera bien triste si elle n’est plus là. »
« Tu ne peux pas, mon fils. Tu es le seul mâle de la famille, tu es mon héritier. »
Clytemnestre s’insurge :
« En somme, Agamemnon, tu subordonnes l’amour familial à ton pays et à ton
peuple. N’aimes-tu donc pas ta fille ? Ce visage ravagé par les larmes ne provoque-t-il aucune
pitié en toi ? La tradition stupide du sacrifice, le devoir du culte envers Artémis, notre déesse,
est donc plus fort que les sentiments ? Ton devoir de roi n’efface en rien ton devoir de père.
Comment peux-tu envoyer ta fille si jeune et si belle à la mort ? Elle ne connaît encore rien
de la vie, ni l’amour, ni la haine, ni le bonheur, ni la douleur. Si elle meurt, qui remplacera les
moments que nous ne vivrons pas ensemble ? »
« Clytemnestre, mon adorée, écoute le grondement du peuple. Ecoute les cris des
soldats. Tous sont prêts à la révolte. Le peuple rêve depuis tant d’années de se venger de Pâris
qui a enlevé Hélène. Les soldats veulent en découdre. Pour eux, la mort d’une personne est un
détail, mais un détail qui rendra sa grandeur à la Grèce. Qu’est-ce qu’une vie face à l’honneur
de tout un peuple ? C’est un devoir politique que de sauver notre pays enfoncé dans la guerre
de Troie. »
Oreste rétorque :
« Si je suis ton héritier, monte sur l’autel du sacrifice et je conduirai, moi, ton fils, nos
soldats sous les remparts de la ville de Troie. »
« Tu es trop jeune, et c’est encore moi le roi que je sache. C’est en ma personne que le
peuple a placé sa confiance. Comment pourrai-je trahir mon peuple ? »
« Mais tu peux sans scrupule trahir ta famille ? La détruire par orgueil ? N’oublie pas
les Euménides, Agamemnon. Ne les oublie jamais : tout crime de sang doit être vengé. Les
Euménides exigeront que tu sois puni. N’attends pas l’impunité au nom de la raison d’Etat. »
Un serviteur entré à la hâte, vient rompre la discussion :
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