Justice constitutionnelle et démocratie référendaire Strasbourg, 23

Strasbourg, 23-24 juin 1995
CDL-STD(1995) 014
Or. angl.
Science et technique de la démocratie, n°14
EUROPEAN COMMISSION FOR DEMOCRACY THROUGH LAW
(VENICE COMMISSION)
Justice constitutionnelle
et démocratieférendaire
Strasbourg, 23-24 juin 1995
TABLE DES MATIERES
I. Allocution d'ouverture de M. Antonio LA PERGOLA, Président de la
Commission européenne pour la mocratie par le Droit.................................. 4
II. Allocution d'ouverture de M. Norbert OLSZAK, Doyen de la Faculté de droit,
Université Robert Schuman, Strasbourg ......................................................... 10
III. Communication introductive de M. Jean-François FLAUSS, Directeur de
l'Institut des Hautes Etudes Européennes (IHEE), Université Robert Schuman,
Strasbourg ................................................................................................... 11
IV. La justice constitutionnelle et la démocratie référendaire en France - Rapport
de M. Jacques ROBERT ................................................................................ 37
V. Les référendums et la Cour constitutionnelle en Italie - Rapport de M. Sergio
BARTOLE, Professeur, Université de Trieste .................................................. 46
VI. Le référendum et son contrôle en Suisse - Rapport de M. Ulrich FELIN. 57
VII. La justice constitutionnelle et la démocratie référendaire aux Etats-Unis -
Rapport de M. Julian N. EULE ...................................................................... 70
VIII. Les référendums au Canada (niveau fédéral) et au Québec - Intervention de
M. José WOEHRLING .................................................................................. 91
IX. Remarques sur les rendums en Finlande - Intervention de M. Matti
NIEMIVUO.................................................................................................. 96
X. La justice constitutionnelle et la démocratie référendaire en Hongrie -
Intervention de M. nos ZLINSZKY et de Mme Magdolna SIK........................ 99
XI. La justice constitutionnelle et la démocratie référendaire en Irlande
Intervention de M. James CASEY, Professeur, University College, Dublin ...... 105
XII. La justice constitutionnelle et la démocratie referendaire au Japon -
Intervention de M. Yoichi HIGUCHI ............................................................ 112
XIII. Le rérendum dans la pratique constitutionnelle lituanienne - Intervention
de M. Kestutis LAPINSKAS ......................................................................... 114
XIV. Le rendum dans le droit et la pratique polonais - Intervention de M.
Piotr WINCZOREK .................................................................................... 119
XV. Le rendum et la justice constitutionnelle dans la Fédération de Russie -
Intervention de M. Nikol VITROUK .......................................................... 121
XVI. Le rérendum dans la Constitution de la Republique Slovaque et les
pouvoirs de la Cour Constitutionnelle en Republique Slovaque Intervention de M.
Ján KLU_KA.............................................................................................. 127
XVII. Le contrôle de la recevabilité du référendum par le juge constitutionnel en
Slonie - Intervention de M. Franc GRAD................................................... 132
XVIII. La justice constitutionnelle et la démocratie référendaire en Espagne -
Intervention de M. Luis AGUIAR DE LUQUE .............................................. 135
XIX. La constitutionnalité des référendums en Ukraine - Intervention de M. Petro
MARTINENKO .......................................................................................... 145
XX. La justice constitutionnelle et la démocratie rérendaire - Rapport de
synthèse de M. Andreas AUER..................................................................... 149
XXI. Liste des participants .......................................................................... 165
Justice constitutionnelle et démocratie rérendaire
I. Allocution d'ouverture de M. Antonio LA PERGOLA, Président de la Commission
européenne pour la Démocratie par le Droit
Monsieur le Président (de l'Universi Robert Schuman), chers invis, Mesdames,
Messieurs. Ces deux journées seront consacrées à l'étude du lien existant entre
deux thèmes d'actuali que sont la démocratie directe et la justice
constitutionnelle. Bien entendu, ce ne sont pas des questions nouvelles. Elles ont
déjà été étudiées par les spécialistes et ont fait l'objet de nombreux débats avant
celui-ci. Cependant, nous allons voir que ces problèmes, et en particulier les liens
qui existent entre eux, sont plus que jamais à l'ordre du jour, et ce universellement.
Si l'on s'inresse davantage à ces questions aujourd'hui, c'est d'une part du fait de
la complexi croissante de l'ordre juridique, ou des ordres juridiques en général,
et dautre part du fait de la démocratisation de nombreux pays dont je salue ici
les représentants qui élargit le territoire de la démocratie directe tout comme
celui de la justice constitutionnelle.
Qu'entendons-nous par complexi croissante de l'ordre juridique ? A première
vue, les thèmes que nous allons aborder semblent aller de soi: le premier concerne
le férendum en tant que procédure d'élaboration de la loi ou de prise de décision,
par laquelle l'électorat légire ou décide à la place des organes représentatifs. Le
second porte sur la constitutionnalides lois ou de tout autre acte relevant de la
compétence du juge constitutionnel.
En ali, les choses ne sont pas si simples. En effet, il est nécessaire d'établir une
hiérarchie des sources, par le droit positif, pour pouvoir déterminer si et dans
quelle mesure il est possible de soumettre à un contrôle constitutionnel d'une
part les demandes et les pétitions en vue d'organiser un férendum et d'autre part
les effets sur le système juridique interne engendrés par la tenue d'un référendum.
Un certain nombre de points doivent être glés. Le référendum est-il encore
considé comme une manifestation de la souveraine populaire dont la validi
ne saurait être remise en cause? Cette position semble peu défendable, et elle est
d'ailleurs rarement reconnue par les constitutions les plus rigides. En général, les
textes de base décrivent la procédure gissant les référendums et définissent le
domaine d'application de cet instrument de démocratie directe. Le respect de ces
dispositions peut être contrôlé par le juge constitutionnel, comme c'est le cas pour
n'importe quelle règle constitutionnelle. Reste à savoir si de tels contrôles doivent
intervenir avant le scrutin plutôt qu'après, et donc ne porter que sur des questions
de procédure. Si c'est la solution adope, alors le sultat d'un rendum tenu
régulièrement ne saurait être contredit par le législateur ni par aucun autre organe
politique, ce qui exclut définivement la nécessité d'un contrôle a posteriori.
Bien entendu, les réponses apportées par le droit positif à cette question comme à
bien d'autres diffèrent largement selon les cas. Au cours de ce séminaire, nous
devrons nous efforcer, me semble-t-il, de considérer les choses dans une
perspective comparative qui nous permettra de discerner de quelle manière les
référendums s'intègrent dans les rouages de la juridiction constitutionnelle.
Il va sans dire qu'il existe bien des approches possibles pour aborder le thème de
ce séminaire. Une Cour constitutionnelle peut être juge de la gulari des
élections ou, au moins, de certaines élections, comme par exemple celle du chef
de l'Etat. Elle peut aussi, par exemple, statuer sur le droit élémentaire d'un
individu à voter ou à se porter candidat dans l'arène de la compétition politique.
S'agissant des rendums, le rôle réservé à la Cour apparaîtrait alors comme un
corollaire de ces attributions: après tout, le choix du peuple par la voie de la
démocratie directe est bien une élection, même si c'est une élection spéciale. Mais
nous pourrions aussi adopter un autre point de vue en admettant que même si les
élections ne font pas nécessairement partie des questions couramment soumises à
son contrôle la Cour constitutionnelle peut très bien être considée comme le
juge naturel de la hiérarchie des sources de droit. Or, lorsqu'un rendum porte
sur la législation et que le choix du peuple entraîne l'élaboration d'une nouvelle loi
ou l'abrogation d'une loi existante, la che de base de la Cour, qui consiste à
s'assurer que les textes de loi sont conformes à la Constitution, devrait être élargie
à tous les effets normatifs d'un tel usage de la démocratie directe dans la mesure,
bien sûr, où la volon exprimée par le peuple se situe au niveau de la législation
ordinaire et non à un niveau supérieur.
Le fait est que, quelle que soit l'explication que nous donnions à ce phénomène et
quelles que soient nos tentatives pour le sysmatiser, le rérendum s'est introduit
dans les rouages du contrôle constitutionnel. La Cour inventée par Kelsen dans les
années 1920 était, selon son propre aveu, une innovation totale, en rupture
audacieuse d'avec le dogme de la Souveraineté Parlementaire: elle est désormais
plus encore. La justice constitutionnelle semble avoir dépassé les pvisions de
son célèbre inventeur puisqu'elle va jusqu'à empiéter sur la souveraine populaire.
Doit-on en conclure que le seul impératif démocratique sur lequel veille la Cour
constitutionnelle soit l'absence de souverain au sens légal du terme?
Quoi qu'il en soit, on constate actuellement en Europe une nette tendance à la
croissance parallèle de la justice constitutionnelle et du recours au férendum,
généralement mise sur le compte du processus d'intégration. Comme chacun sait,
l'accès de plusieurs pays à la Communauté ou l'adoption du Traité de Maastricht
par certains pays membres a é soumis à l'approbation du peuple par référendum.
Dans notre contexte européen actuel, il s'agit d'une nouvelle adaptation de l'idée
consacrée selon laquelle les événements affectant la souveraine ou d'autres
aspects constitutionnels de l'Etat-nation requièrent une forme de plébiscite. S'il est
vrai que l'Union n'est aucunement considée comme un «super Etat», elle n'en est
pas moins une communauté politique, un «Staatenbund» fondé sur une
citoyenne commune. Ses membres demeurent souverains, mais la limitation de
leur souveraineté résultant de leur appartenance à l'Union demande, aux yeux du
droit interne, à être légitimée par voie de référendum, de même que tout
changement constitutionnel important est sanctionné par le recours à la démocratie
directe. C'est là une tendance qui moigne de l'émergence de la Communau en
tant que confédération moderne du type envisagé dans notre séminaire de
Santorin.
Cependant, d'un point de vue comparatif, le recours à la démocratie directe dans le
cadre de l'intégration européenne n'est rien de plus qu'une tendance. Certains pays
membres de la Communauté Européenne, comme le mien, ont banni les
référendums de tout le champ des trais internationaux, y compris ceux qui
délèguent des pouvoirs de souveraine aux institutions internationales, ainsi que
du domaine correspondant de la législation interne.
Dans le cas de l'Italie, il se peut que ce soit là une attitude traditionnelle du droit
constitutionnel, en quelque sorte un reliquat du passé. Apparemment, les auteurs
de la Constitution italienne de 1947, en définissant la relation existant entre
l'instrument du férendum et le secteur délicat des traités internationaux, ont été
inspis par la conviction que la démocratisation de la conduite des affaires
étrangères ne saurait aller au-delà du contrôle parlementaire et de la démocratie
représentative telle qu'on la concevait au bon vieux temps du XIXe siècle. Il est
pourtant indéniable que le problème de l'intégration, de nos jours, dépasse
largement la simple diplomatie, qu'elle soit multilatérale ou non. Elle implique des
choix fondamentaux, comme d'entrer ou non dans l'Union, pour lesquels un appel
au peuple apparaît comme éminemment à propos. A telle enseigne que le
Parlement italien, en 1989, a expressément amendé la Constitution nationale pour
mettre en place un férendum ad hoc à l'issue duquel les membres italiens du
Parlement européen ont, à une majorité écrasante, reçu les pleins pouvoirs pour
rédiger un projet de constitution dérale pour l'Union européenne, si toutefois
toutes les autres conditions qui président à la alisation d'une telle ambition
étaient remplies. Ces conditions ne sont pas encore remplies et il est douteux
qu'elles le soient jamais. Mais l'amendement constitutionnel dont je parle,
désormais inscrit dans le recueil des lois, est là pour moigner de la conscience
aigüe, même dans un pays où les accords internationaux sont soigneusement tenus
hors de portée de la démocratie directe, de ce que l'intégration ouvre le cercle
toujours plus grand d'une nouvelle citoyenne qui, à son tour, entraîne le droit du
peuple à participer directement à la prise de décisions fondamentales.
Comme je le disais, la démocratisation de nombreux pays a élargi le champ
territorial de la démocratie directe et de la justice constitutionnelle. Nous avons
parmi nous aujourd'hui des représentants de pays ayant cemment rejoint notre
famille de pays démocratiques. La plupart des nouvelles démocraties ont déjà une
pratique de la démocratie directe. La question du contrôle de la recevabili du
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