MÉDECINS DU SPORT 7N°40-DÉCEMBRE 2000
y sont très fortes :stress,bruit,mouvement
permanent et vie en commun pendant une
longue durée.Il faut ajouter à cela le fait
que les marins doivent tout gérer :fatigue,
nutrition et forme physique.Le principal
problème est le sommeil.Dans des condi-
tions extrêmes,quelques périodes de vingt
minutes à une demi-heure d’un sommeil
profond suffisent pour récupérer. Le
rythme de sommeil classique sur une
course au large se répartit le plus souvent
en 3 périodes de sommeil d’une heure et
demie à 2 heures en fin de nuit et en début
d’après-midi.« Mais souvent,explique le
Dr Chauve,le bateau tape dans les vagues,
les chocs sont violents et bousculent.
Parfois,il faut même se tenir pour ne pas
tomber,tandis que les bruits,amplifiés par
la structure du bateau,sont de véritables
déflagrations.Une campagne de mesures
effectuée récemment a mis en évidence
des intensités de bruits supérieures à
120 décibels lors des chocs d’une coque
en carbone contre les vagues.Compte tenu
des difficultés pour s’endormir,même pour
ceux qui sont habitués,la baisse de vigi-
lance consécutive au manque de sommeil
peut devenir un phénomène sournois
entraînant des erreurs de jugement ou de
stratégie,des maladresses,des chutes ou
des accidents plus graves.»
UN RÉGIME ALIMENTAIRE
ADAPTÉ
Autre problème :la dépense énergétique.
« Le seul fait de rester debout sur un bateau
qui bouge sans arrêt implique une dépense
de plus de 800 calories,remarque Jean-Yves
Chauve.Pour tenir le coup,le régime
alimentaire est proche de celui de la terre
avec une proportion de glucides,lipides,
protides équivalente.Les produits lyophi-
lisés apportent la plupart des nutriments
nécessaires.Les plats sont variés et riches
car ce mode de déshydratation, par
le froid,conserve la plupart des propriétés
Les plus rapides
sur le départ
organoleptiques des aliments.De plus,
l’équipage dispose,le plus souvent,d’élé-
ments minéraux complémentaires et de
vitamines sous forme de comprimés.
« Sur la première partie du parcours,
du départ en Méditerranée jusqu’aux
Canaries et au niveau de l’Afrique du sud,
précise Jean-Yves Chauve, en raison
de conditions météo en général plus
maniables,la ration moyenne de calories
par jour ne devrait pas dépasser les
3 500 calories.Cependant,dès cette lati-
tude passée,le froid ne cessera pas de
gagner en intensité,au point de nécessi-
ter un apport de 4 500 à 5 000 calories par
jour.Le meilleur moment pour manger est
la fin du quart,avant d’aller se coucher,car
l’énergie est tranquillement assimilée pen-
dant le sommeil pour pouvoir être dispo-
nible au début du quart suivant.Pendant
les quarts eux-mêmes,on peut complèter
sa ration par des aliments légers en sachant
que les sucres rapides ont une incidence
négative sur la vigilance.»
FROID ET HUMIDITÉ :
ENNEMIS DES MARINS
Face au froid,les vêtements modernes pro-
tègent bien et permettent d’éviter les
déperditions de chaleur.Dans la très grande
majorité des cas,les équipages utilisent des
polaires et des combinaisons de survie
étanches très efficaces pour lutter contre
le froid et l’humidité.Mais elles ont aussi
pour inconvénient d’être étroites et pro-
voquent parfois des furoncles avec risques
d’infection au niveau des poignets,des
fesses et de l’entrecuisse,là où les frotte-
ments sont les plus forts et où le sel peut
se concentrer.
En cas d’homme à la mer,ces combinai-
sons permettent de survivre plusieurs
heures dans une eau à 2°, selon
les conditions météo.Faute d’un tel
équipement,un homme ne survi-
vrait qu’une heure dans
le meilleur des cas,car le corps,
sans protection,se refroidit
25 fois plus vite que dans l’air.
Les parties du corps qui se
refroidissent en premier sont
le cou, siège du système
nerveux central,et les ais-
selles.Par conséquent,il est
recommandé de porter une
cagoule.Mais le plus grand
risque,lorsque l’on se trouve
dans l’eau,reste celui de la
noyade.En effet,quand
le vent est fort,les
gouttelettes d’eau
Evénement: The Race
Evénement: The Race
soudaines.Il n’est en effet pas rare de pas-
ser de l’inactivité à une débauche de mou-
vements en urgence,le tout sans aucun
échauffement préalable.Les muscles sol-
licités brutalement et à froid peuvent subir
des lésions avec des processus inflam-
matoires entraînant douleurs et contrac-
tures,particulièrement au niveau du dos,
des épaules et des membres supérieurs.
Des séances d’échauffement et d’étire-
ments,avant et pendant les quarts,sont
particulièrement recommandées,surtout
en zone froide.Contrairement aux mono-
coques où les déplacements sollicitent
peu les membres inférieurs,l’activité sur
la surface du trampoline de ces grands
catamarans suffit à maintenir une muscu-
lature des membres inférieurs efficiente.»
A cet égard,certains équipages embar-
queront un kiné à bord afin de les aider
à mieux maîtriser la performance et à
éviter les complications éventuelles.
TROUVER ET OPTIMISER
LE SOMMEIL
Pour bien comprendre les conditions de
vie à bord,il faut savoir que les contraintes
Les bateaux et les équipages qui
prendront le départ de la course, sont
ceux qui ont réalisé les meilleurs
temps de traversée sur l’un des six
parcours suivants :
●le record de l’Atlantique Ouest/Est
entre New York et le Cap Lizard (GB),
●le record de l’Atlantique Est/Ouest
entre Cadix (Espagne) et San
Salvador (Bahamas),
●le record du Pacifique Est/Ouest
entre Los Angeles (USA) et Honolulu
(Hawaï),
●le record du Pacifique Ouest/Est
entre Yokohama (Japon) et San
Francisco (USA),
●le Trophée Jules Verne et enfin le
Tour des îles britanniques.
« La vie des marins, en course, oscille
entre des moments de refroidissement
musculaire et des tensions explosives
au niveau des muscles. » Loïc Peyron.
Y. Zedda