UNIVERSITE LYON 2 Institut d' Études Politiques de Lyon « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Le cas de deux CADA de la région lyonnaise. Sous la direction de Renaud Payre, maître de conférences Soutenu le 10 juillet 2008 Anouk Flamant Séminaire : Villes et pouvoir urbain Master 1 : Carrières Publiques – Action et Gestion Publique Membre du jury : Gwenola Le Naour, maître de conférences Table des matières Remerciements . . Introduction . . Glossaire . . 1. Inscription scientifique de notre sujet . . 2. Terrains d'enquête et questionnements . . 3. Présentation sociologique des terrains d'enquête et du dispositif national d'accueil . . 4. Retour sur la pratique d'apprenti – chercheur et les conditions d'enquête. . . Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité . . Chapitre 1: Des dimensions multiples à l'exclusion des CADA . . Section 1. L'exclusion spatiale des CADA et de leurs résidents . . Section 2. L'exclusion administrative et politique des CADA . . Chapitre 2: L'asile : incompréhensions et discriminations d'une population peu visible . . 5 6 6 7 11 12 14 16 16 16 23 26 Section 1. Les complexités administratives et les stratégies politiques : facteurs de marginalité sociale . . 27 Section 2. Une certaine représentation sociale des demandeurs d'asile : entre stigmates et rejet de l'étranger . . 31 Section 3. Le foyer et la communauté pour les demandeurs d'asile: foyers d' 105 « enclave protectrice » ? .. Partie deux: Au delà du premier regard, les CADA et leurs populations marquent et échangent avec leur territoire . . Chapitre 3: Un réseau d'acteurs importants : entre prise en considération active et timidité politique . . 36 40 40 Section 1. Des acteurs institutionnels clés pour le CADA : les municipalités et les écoles . . 41 Section 2. Les associations locales et les relais habitants : moteur des relations avec les demandeurs d'asile . . 45 Chapitre 4 : Mobilisations ou conflits : des relations exacerbées avec le CADA et ses résidents. . . Section 1. Les mobilisations en faveur des déboutés: pérennité ou épiphénomène des relations avec le CADA ? . . Section 2. Les conflits avec le CADA : une autre relation avec les habitants ! . . Partie trois: Face aux demandeurs d'asile, les acteurs territoriaux façonnent de nouvelles politiques . . Chapitre 5: Entre intégration et exclusion : l'oscillation constante des gestionnaires et de la procédure d'asile . . Section 1. Les structures d'accueil : aide sociale ou premiers pas d'intégration ? . . Section 2. Les demandeurs d'asile : une intégration à mi – mot ? . . Chapitre 6 : Les élus locaux : une constante adaptation requise face au droit d'asile et ses bénéficiaires . . Section 1. Le temps de l'asile et le temps du politique: une impossible entente ? . . Section 2. L'hospitalité des territoires : collaboration des acteurs locaux tributaire des évolutions nationales de l'asile . . Conclusion . . Sources et Bibliographie . . 50 50 57 62 62 63 66 69 70 73 78 80 Méthodologie: . . Sur la demande d'asile et l'immigration, traitement étatique . . Ouvrages: . . Périodiques et rapports : . . Travaux de recherche : . . Éléments de sociologie urbaine et du traitement politique des territoires : . . Ouvrages: . . Périodiques: . . Sur l'accueil et l'hospitalité offerte aux étrangers en france et en europe: . . Ouvrages: . . Revues : . . Ressources audiovisuelles : . . Conférences : . . Webographie : . . Résumé . . Annexes . . 80 80 80 80 81 81 81 82 82 82 82 83 83 83 85 87 Remerciements Remerciements Je voudrais remercier toutes les personnes qui m'ont aidée dans cette entreprise de recherches et de rédaction : En premier lieu, mes remerciements vont à Monsieur Renaud Payre, qui a su m'orienter et me soutenir pour mes mes enquêtes et ma rédaction ; Madame Gwenola Le Naour avec qui j'ai fait mes premiers pas dans l'enquête en sciences sociales et dans ce sujet; Madame Magali Santamaria qui m'a suggéré mes terrains d'enquête et a répondu avec patience à mes questions; Madame Sylvie Oregeret pour m'avoir aidée à connaître Fontaines St Martin et à « frapper aux bonnes portes » ; L' association Action de Solidarité en Val de Saône et en particulier Mesdames Colliot Claude et Sabine qui ont accepté que je participe à leur action et m'ont fait rencontrer des demandeurs d'asile, Les équipes des CADA d'Adoma et de Forum Réfugiés, et en particulier leurs deux directrices Madame Laurence David et Madame Sandrine Desroches ; Madame Vernay du centre social Georges Lévy qui a accepté de répondre à mes questions et à ce que je participe à un atelier « vie sociale » Les demandeurs d'asile, en procédure, déboutés, ou statutaires qui m'ont raconté leur vie au CADA en surmontant la barrière de la langue et en m'assurant leur confiance ; Toutes les personnes, et elles sont nombreuses, qui ont accepté de m'accorder un peu de leur temps et de leurs paroles pour que ce mémoire existe ; Merci enfin à mes proches qui m'ont soutenu pendant mes recherches, ont alimenté mes réflexions et ont participé de près ou de loin à la rédaction. FLAMANT Anouk _2008 5 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Introduction Glossaire ALPIL : Action pour l'Insertion Sociale par le Logement ASLIM : Association de Soutien au Logement d' Insertion Meublé AUDA : Accueil d' Urgence des Demandeurs d' Asile AFFD : Association en Faveur des Familles en Difficulté ANAEM : Agence Nationale d' Accueil des Étrangers et Migrants ASVS : Action Solidarité en Val de Saône CADA : Centre Accueil de Demandeurs d' Asile CLIN : Classe d'Initiation CNDA : Cour Nationale du Droit d' Asile DNA : Dispositif National d' Accueil pour l'asile DDASS : Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales OFPRA : Office Français de Protection des Réfugiés et Asile OQTF : Obligation à Quitter le Territoire Français. SADA : Soutien Aux Demandeurs d' Asile SSAE : Service Social d' Accueil des Étrangers 1 2 « Le Président, les Sans – Papiers et les Valeurs » , « Il faut protéger les réfugiés » , 3 « Le droit d'asile (mal)traité par les préfets » . Quotidiennement, des articles de journaux, des rapports d'associations évoquent le droit d'asile et les menaces qui pèsent sur lui. Cet intérêt médiatique pour les conditions de vie des demandeurs d'asile -et surtout déboutés de ce droit- surgit alors que la législation en France et dans l' Union Européenne évolue rapidement. Ces évolutions visent à restreindre l'accès à nos territoires européens et français, en durcissant les procédures d'entrée via un contrôle renforcé aux frontières, la création de pays-tiers d'origine sûre etc. En 2002, 425 540 demandes d'asile ont été 4 déposées au sein des 27, contre 241 180 en 2005 et 199 350 en 2006 . Cette baisse continue est le reflet non pas d'une diminution des conflits dans le monde, mais d'une politique de fermeture des 27 aux personnes menacées. 1 2 3 4 MARTIN Louis, « Le président, les sans-papiers et les valeurs », Le Monde, mardi 1er avril 2008, p 19. Slogan de la Marche des Parapluies organisée par Forum Réfugiés tous les 20 juin, journée mondiale pour les réfugiés. Rapport d'observation de la Cimade, « Main basse sur l'asile. Le droit d'asile(mal)traité par les préfets », Juin 2007 Forum Réfugiés, « L'asile en Franec et en Europe. Il faut renouer avec l'impératif de protection », VIIème Rapport Annuel de Forum Réfugiés, 2007, p 145 6 FLAMANT Anouk _2008 Introduction Sensibilisée personnellement à cette question, une première enquête avec trois étudiants à propos des conditions de vie dans les CADA a été l'occasion de connaître les rouages juridiques de l'asile. Au même moment de l'année, nous avons du choisir un sujet de mémoire. Un des sujets proposés par notre directeur de mémoire s'intéressait à la « mise en administration » des minorités arméniennes de Villeurbanne. Intéressée par la dimension territoriale et politique de ce sujet, nous avons essayé de traiter ce thème pour la demande d'asile. Les mobilisations qui se sont déroulées et se déroulent en France depuis 2005 à l'initiative principale de RESF nous ont permis d'affiner notre questionnement. Si ces soutiens se sont organisés pour des personnes sans–papiers, certaines d'entre elles sont des demandeurs d'asile déboutés. Or, cette population clandestine importante (81,6% des 5 demandeurs d'asile ont été déboutés en 2006 ) essaie souvent de se maintenir dans les CADA ou de vivre à proximité. Cela nous a permis de supposer que les territoires des CADA interagissent avec cette population, que ce soit durant la procédure d'asile ou après celle – ci. Quels sont les « impacts » d'un CADA sur son territoire ? Les habitants et les institutions échangent–ils avec les CADA et leurs résidents ? Comment les demandeurs d'asile s'intègrent dans cet espace alors qu'ils ne sont là que temporairement ? Ces questions ont guidé nos premiers pas d'enquête. Comprendre et questionner les interactions entre le CADA et une population a nécessité dans un premier temps un arrêt sur les ouvrages traitant de l'asile, de la sociabilité et de l'accueil sous plusieurs dimensions. 1. Inscription scientifique de notre sujet Nos premières lectures se sont attachées à une littérature très juridique, concernant le droit d'asile en France et le dispositif national d'accueil. Grâce à elles, nous avons pu être éclairer sur les notions de : demandeurs d’asile, réfugiés, sans-papiers, et déboutés, et nous approprier le langage juridico – administratif tel que : OFPRA,Office de Protection des Réfugiés et des Apatrides ; CNDA, Cour Nationale du Droit d'Asile ; OQTF, Obligation à Quitter le Territoire Français ; ANAEM : Agence Nationale d' Accueil des Étrangers et . Les publications du Journal Officiel, des revues spécialisées de droit ont été les Migrants sources principales de ce premier temps 6 . D’autres revues, s’attachant ponctuellement ou thématiquement à la dimension juridique de l'asile, publient des articles critiques des législations récemment adoptées 7 8 . Les comme Problèmes politiques et sociaux , Regard sur l’actualité revues thématiques sur les migrations articulent quand à elles les législations, les enjeux 5 Forum réfugiés, « L'asile en France et en Europe. La France ne doit pas laisser filer le droit d'asile », VIème Rapport Annuel de Forum Réfugiés,2006, p 157. 6 Journal Officiel, Aux sources de la loi, Paris, Les éditions des JO, décembre 2003,. 7 8 LAACHER Smaïn, « Le droit d’asile en question », Problèmes politiques et sociaux,n° 880, 13 septembre 2002. JULIEN -LAFFERIERE François, « Le droit d’asile », Regards sur l’actualité, n°299, mars 2004, p 29 et 30 FLAMANT Anouk _2008 7 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires migratoires et les orientations politique des migrations 10 (Revue des Migrations Internationales 9 , Actualité …). Les historiens étudient aussi l'asile, et plus particulièrement l'évolution de ce droit au fil du temps. Si ce droit est reconnu dès l' Antiquité, l'arsenal législatif l'encadrant en France et en Europe se développe à partir de la Révolution Française. Le droit d'asile contemporain naît sous la Troisième République et est consacré après la seconde Guerre Mondiale avec la Convention de Genève en 1951 et l'alinéa 4 du Préambule de 1946. 11 décrit Gérard Noiriel dans l’un de ses ouvrages la façon dont l’administration et le politique, au fil du temps, se sont emparés de cette problématique, et ont mis en administration cette population. Il montre de quelle manière nous somme passés d'un système où le demandeur d'asile est une victime innocente à un système le criminalisant comme un « faux réfugié ». Comme un accusé, le demandeur d'asile doit produire des preuves formelles des persécutions subies, éléments fondamentaux illustrant sa « vraie » qualité de demandeur. Cet auteur s’intéresse aussi à la manière dont cette population devient un groupe, une communauté à partir des années 70 – 80. Cette identification se produit parce qu'ils sont perçus comme une menace pour la Nation et l' État. Ce groupe « demandeur d'asile » naît 12 d'une vision de l' État et non d'un regroupement spontanée de leur part . 13 Alexis Spire revient lui aussi sur les politiques migratoires de l' État dans les années cinquante à soixante–dix et les manières d’administrer les étrangers, en distinguant les « immigrés à intégrer » et « les étrangers à éloigner ». Les fonctionnaires accordant le statut de réfugiés adaptent leurs pratiques au contexte économique, en veillant aux exigences politiques et à un équilibre des forces entre ressortissants nationaux et étrangers. Ainsi, l'institutionnalisation d'une protection des réfugiés en droit international n'est pas incompatible avec ces usages administratifs. La mise en administration de cette population est aussi induite par leur mode d'hébergement, d'anciens foyers de travailleurs isolés en France de type Sonacotra sont 14 requalifiés en CADA. Comme le souligne Choukri Hmed , ce système d'accueil des étrangers dans les années 60 est exclusif à la France et s'inscrit dans le sillage de la guerre d'Algérie. Ces foyers sont relégués « aux marges de l'urbain et ont une inscription 15 périphérique » , afin de lutter contre la « multiplication anarchique des formes d'habitat 16 indigènes » et d'encadrer par l'administration française cette population. Les enjeux en 9 10 11 ème LEGOUx Luc, « Changements et permanence dans la protection des réfugiés », n° 20, 2004, p 9 – 22 GUIMEZANES Nicole, « Le droit d’asile en France », Actualité des migrations, n° 113, janvier 2004, p 80 – 83 ème ème NOIRIEL Gérard, Réfugiés et sans papiers, la République du 19 et 20 siècle face au droit d’asile XIX XX , Paris, Hachette éditions , 2001. 12 13 NOIRIEL Gérard, Etat, Nation et immigration, vers une histoire du pouvoir, Paris, Belin, 2001 SPIRE Alexis, Etrangers à la carte, L’administration de l’immigration en France (1945 – 1975), Paris, Ed. Grasset & Fasquelles, 2005 14 HMED Choukri, Loger les étrangers « isolés » en France. Socio histoire d'une institution d'Etat: la SONACOTRA (1956 – 2006) , Thèse sous la direction de Michel OFFERLE, Université Paris I, 2007. 15 16 8 Ibid, p 12 Ibid, p 81 FLAMANT Anouk _2008 Introduction terme de spatialité et d'exclusion persistent pour les CADA, même si la croissance urbaine a pu intégrer ces foyers au tissu urbain. 17 Cette littérature historique enrichit « la réflexion des militants du droit d’asile » dont le nombre de publications est très importante. Les associations de défense du droit d'asile, comme Forum Réfugiés, France Terre d’Asile, la Cimade contribuent à cette littérature militante afin de protéger les demandeurs d'asile et dénoncer certaines pratiques politiques. Dans ce cadre, Forum Réfugiés élabore depuis 2000 un état des lieux en France et en Europe du droit d'asile en soulignant les graves manquements de l' État. Le réseau TERRA s’inscrit dans ce courant à la frontière entre militantisme et recherche. De nombreux groupes de recherche s’articulent autour des politiques d'asile et 18 19 les conditions d’accueil de ces populations . Dans ce cadre, Jérôme Valluy s'interroge sur la façon dont l' État délègue sa mission d'accueil de ces populations à des associations. Il analyse la façon dont le travail des associations et de l' État en collaboration conduit les associations à « pré juger » les demandes d'asile, et à limiter leurs critiques face aux procédures et aux nouvelles législations. Ces actes militants donnent lieu également à des ouvrages, comme celui de Marie20 . Cette essayiste revient sur les conditions de traitement et de Claire Caloz–Tschopp détention des « clandestins » aux portes de l’Europe. Ces « zones grises, d’apartheid pour 21 les demandeurs d’asile » sont justifiées par les pouvoirs publics afin de préserver notre cohésion sociale supposée menacée par ces migrants. Une littérature également volumineuse s'intéresse aux demandeurs d'asile déboutés et aux sans-papiers. Celle-ci tente de démontrer les incohérences administratives et politiques qui jalonnent le parcours des sans-papiers en demande de régularisation, les violences 22 . symboliques auxquelles ils font face et les souffrances liées à la clandestinité Ce militantisme se retrouve discrètement dans les périodiques destinés aux travailleurs 23 24 sociaux (Échange Santé Social , Recherche Sociale …). Ces articles soulignent les souffrances de ces personnes exilées et leurs propres difficultés pour s'adapter et s'intégrer à ce nouveau lieu de vie. 17 ème NOIRIEL Gérard, Réfugiés et sans papiers, la République du 19 et 20 ème siècle face au droit d’asile XIX ème XX , op.cit p IV 18 19 Axes de travail « ASILES », « L’asile sociétal : avec ou sans l’Etat ? », … VALLUY Jérôme, « L’accueil étatisé des demandeurs d’asile : de l’enrôlement dans les politiques publiques à l’affaiblissement des mobilisations de soutien aux exilés », N° 10, TERRA– éditions, 3 avril 2007. Article complet sur : http://ceaf.ehess.fr/document.php? id=338 20 21 22 CALOZ-TSCHOPP Marie-Claire, Les étrangers aux frontières de l’Europe et le spectre des camps, Paris, La Dispute, 2004. Ibid, p 204 Dir. FASSIN Didier, MORICE Alain, QUIMINAL Catherine, Les lois de l’inhospitalité. Les politiques de l’immigration à l’épreuve des sans – papiers, Paris, La Découverte, 1997. 23 24 HENRY Pierre, « France Terre d’Asile, le dispositif national d’accueil » , Échange santé social, n° 91, septembre 1998. BENJAMIN Isabelle, « L’accueil des étrangers et demandeurs d’asile, état des lieux dans le mouvement Emmaüs France et les boutiques de solidarité », Recherche sociale, n° 167, juillet – septembre 2003. FLAMANT Anouk _2008 9 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Notre terrain d’enquête nous a conduit à étudier ces ouvrages, afin de comprendre au mieux la demande d'asile, et la façon dont les demandeurs d'asile vivent cette procédure. Pour autant, nous souhaitons nous inscrire dans une démarche de sociologie urbaine, dans laquelle la notion de territoire est questionnée et appréhendée comme un élément fondamental. La littérature qui articule territoire et demandeurs d’asile/réfugiés/populations précaires est celle qui a le plus retenu notre attention. Il s’agit de s’interroger sur les liens entre un territoire et une population spécifique, en complétant la littérature juridique et politique de 25 l'asile et celle qui « recourt de près ou de loin à l’humanitaire » . Le territoire pertinent pour notre étude est ce lieu de rencontres, d'interactions produites 26 . Il est le « point de contact le ou induites par les demandeurs d'asile et les habitants plus aisé entre l’espace géométrique et l’espace social, le point de rencontres » 27 entre les anciens résidents territoriaux et les nouveaux que sont les demandeurs d'asile. Ce rapprochement dans l'espace crée des « relations particulières » 28 entre les individus. Or, la vie sociale et politique territoriale est fonction de ces relations particulières, dans laquelle le CADA est une institution à considérer. Si l'espace résidentiel n'est pas un système d'interactions obligatoires, il « suscite des occasions d'interactions » ces occasions qui retiennent notre attention. 29 . Ce sont Ainsi, le territoire est retenu dans sa dimension plurielle comme le définit Marcel 30 Roncayolo. Il est à la fois une superficie, un « artefact » , mais aussi un champ dans lequel les rapports sociaux, les représentations et les perceptions sociales s'organisent et se construisent. Le territoire accompagne ces dynamiques dans leur développement et dans 31 s'organise, se compose et se modèle grâce à l'ensemble de ces leur pérennité . Celui-ci interactions. Cette notion de territoire, au coeur de notre recherche, est à relier avec la notion d'hospitalité, notion fondamentale dans la procédure d'asile. Cette manière d'accueillir relève du regard des acteurs territoriaux sur les demandeurs d'asile, et influence en conséquence les échanges. 25 26 ibid BALIGNAND Pascale, « Les rapports à l’espace des demandeurs d’asile », sous la direction de AUTHIER Jean Yves, Université Lyon II, master 2 sociologie, 2007 27 AUTHIER Jean Yves, BACQUE Marie-Hélène, GUERIN-PACE France, Le quartier. Enjeux scientifiques, actions politiques et pratiques sociales, Paris, La Découverte, 2006. 28 29 30 31 10 HALBWACHS Maurice, La mémoire collective, Paris, PUF, 1950. GRAFMEYER Yves, Sociologie urbaine, Paris, collection 128, Nathan Universités, 1994 RONCAYOLO Marcel, La ville et ses territoires, Paris, Folio Essais, Gallimard, 1990, p 182 Ibid. FLAMANT Anouk _2008 Introduction 32 par les relations qu'une population étrangère L'hospitalité a une dimension collective tisse avec les acteurs territoriaux institutionnels et une 33 dimension individuelle . Cette seconde dimension est essentielle puisqu'elle initie en partie les interactions entre les demandeurs d'asile et leur nouvel espace de vie. Ces deux notions le « territoire » et l' « hospitalité » permettent de faire une « sociologie des territoires St martinois et vaudais ». En s'attachant aux représentations sociales des 34 acteurs territoriaux façonnées par le territoire, de « nouvelles identités locales » se construisent et expliquent les jeux d'acteurs en présence. Chacun avec sa propre identité, sa propre attache au territoire réagit à la présence d'une population précaire. Comme dans 35 relatif à un squat dans un quartier parisien, l'ouvrage d'Isabelle Coutant les demandeurs 36 d'asile vivent et interagissent avec leur environnement . Cette sociologie de quartier nous a permis de mesurer l'importance à accorder aux discours de chacun et aux représentations sociales. Les positions des habitants du quartier varient entre stigmatisation, acceptation, compromis et malaise. Or, dans notre étude, un regard particulier est accordé aux positions des habitants et des institutionnels face aux demandeurs d'asile. 2. Terrains d'enquête et questionnements Analyser les jeux d'acteurs d'un territoire a nécessité tout d'abord de choisir deux lieux, différents et comparables. Quelques communes autour de Lyon accueillent des CADA, dont quatre d'entre eux sont gérés par Forum Réfugiés. Choisir deux terrains distincts par leur population résidente, leur histoire politique, le gestionnaire du CADA nous est apparu plus riche pour mener cette comparaison. Ces deux lieux d'enquêtes sont Fontaines St Martin et Vaulx en Velin. Ils ont retenu notre attention parce qu'ils ont été des territoires marqués récemment par des mobilisations importantes (en 2006 et 2007), les gestionnaires des CADA sont distincts : respectivement Adoma et Forum Réfugiés et leur population a des caractéristiques socio-économiques différentes. Nos recherches se sont cantonnées à une époque récente, de 2001 à 2008, période marquée par l'arrivée de l' AUDA à Fontaines St Martin -il devient un CADA en 2004 ; de l'autonomie à du CADA de Vaulx en Velin par rapport au CADA de Bron ; et d'initiatives d'habitants ou d'associations en faveur des demandeurs d'asile. Notre premier territoire d'enquête, Fontaines St Martin, recoupe très largement le territoire communal. La prise en considération des demandeurs d'asile est majoritairement l'apanage d'institutions ou d'associations St martinoises. Pour autant, quelques entretiens ont été conduits dans la commune voisine avec des acteurs en lien avec le CADA et ses résidents. 32 Dir. GOTMAN Anne, Villes et hospitalités. Les municipalités et leurs étrangers,Paris, Ed. de la Maison des sciences de l’homme, 2004 33 34 GOTMAN Anne, Le sens de l’hospitalité. Essai sur les fondements sociaux de l’accueil de l’autre, Paris, PUF, 2001. BONNEMAISON Jean, CAMBREZY Luc, QUINTY-BOURGEOIS Laurence, Les territoires de l’identité. Le territoire lien ou frontière ?, Paris, L’Harmattan, 1999. 35 36 COUTANT Isabelle, Politiques du squat. Scènes de la vie d’un quartier populaire, Paris, La Dispute, 2000 COUTANT Isabelle, op.cit. FLAMANT Anouk _2008 11 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Pour Vaulx en Velin, l'inscription communale n'aurait pas eu de sens, la commune est trop étendue. Le CADA est connu et en lien avec le quartier où il est implanté : le Village. Là encore, nous avons mené des entretiens et une séance d'observation dans d'autres quartiers vaudais avec des personnes échangeant avec le CADA. Ayant opté pour une enquête de terrain, nous avons élaboré une grille d'entretien commune pour toutes les personnes interviewées. Cette grille d'entretien a évidemment été adaptée aux cours de nos entretiens, et surtout a évolué au fil des paroles des enquêtés eux même. En privilégiant des entretiens non dirigés, nous avons pu être plus réactifs aux discours des personnes. Exemple de notre grille d'entretien Comment avez vous connu le CADA ? Quels sont les acteurs principaux de la commune qui s'impliquent avec le CADA ? Quelles sont les relations que vous avez avec le CADA et/ou ses résidents? Comment percevez-vous l'action de la mairie par rapport au CADA et/ ou ses résidents? De quelle manière percevez-vous le CADA et/ou ses résidents ? La mairie sur cette question? Comment percevez -vous les résidents du CADA? l'équipe travaillant au CADA? Comment envisagez-vous les futures relations de la mairie/de vous même avec le CADA et/ou ses résidents? Comment avez-vous vécu les mobilisations sur le territoire ? Comment pensez-vous qu'elles ont été appréhendées? Cela a-t-il modifié l'image du CADA et de ses résidents ? Quelle mobilisation imaginez-vous pour un futur cas comparable? Ces entretiens sont la matière première de notre mémoire, éléments de réponses à notre questionnement : De quelle manière le territoire grâce à des initiatives personnelles ou collectives portées par des associations, ou des institutions, intègre la structure du CADA et sa population résidente dans ses échanges ? De quelle façon les spécificités de chaque terrain, fonction de l'institution gérant le CADA, de l'histoire de la commune, des mobilisations pour certaines familles, et des autres acteurs institutionnels en présence, influencent l'intégration du CADA et des demandeurs d'asile ? Comment cette population précaire par son statut administratif peut–elle être raisonnablement s'intégrer à la vie sociale et politique du territoire ? 3. Présentation sociologique des terrains d'enquête et du dispositif national d'accueil Panorama des deux communes 37 12 37 Recensement INSEE, données 1999 et 2005 , disponible sur : http://www.recensement.insee.fr/RP99/rp99/page_accueil.paccueil. FLAMANT Anouk _2008 Introduction Population (2008) Taux migratoire 1982 – 1999 Taux migratoire entre 1999 – 2008 (en %) % de constructions neuves entre 1975 - 1999 % de constructions neuves entre 1990 - 1999 Type d'habitations principales % Propriétaires / Locataires % de cadres et de professions intellectuelles supérieures (1999) % de professions intermédiaires (1999) % d'employés (199) % d'ouvriers (1999) Taux de chômage (1999) % de la population née à l'étranger Fontaines St Martin 2698 + 2, 39 % - 0,2 Vaulx en Velin 39 965 - 1,33 % + 1,6 45,4 27,3 23,9 3,2 Maisons individuelles 72, 2 % 75,4 / 22,1 28,3 Appartements 77% 33/ 66 4,8 23,3 16,3 24,3 14,5 10,2 6,2 32,3 41,3 23,3 21 (et 11 % a acquis la nationalité française) Ces deux territoires se distinguent en de nombreux points. Fontaines St Martin est une commune aisée, accueillant majoritairement des classes moyennes et supérieures. Vaulx en Velin est une commune à la population métissée, dans laquelle les classes populaires sont sur-représentées. Ils accueillent toutefois chacun un CADA, de capacité équivalente (100 personnes à Fontaines St Martin, 110 personnes à Vaulx en Velin). Un Centre d' Accueil pour Demandeurs d' Asile est un lieu d'hébergement pour une partie de la population sollicitant l'asile ( 35% des demandeurs d'asile au niveau national sont accueillis en CADA en 2006). Il est nécessaire d'être titulaire d'un récépissé d'autorisation provisoire de séjour pour postuler à une place durant toute la durée de la procédure. L'acceptation en CADA est prononcée par la Commission Locale d' Admission dans le Rhône. Dans ces centres, une ou plusieurs chambres sont mises à disposition des demandeurs d'asile (en fonction du nombre de personnes au sein de la famille), ainsi qu'une salle d'eau et une cuisine à partager avec les voisins du palier. Au sein de ce CADA, une équipe d'intervenants sociaux aide les demandeurs d'asile à constituer leurs dossiers OFPRA et/ou à la CNDA. L'OFPRA est le premier lieu où est examiné la demande des requérants, par un juge aidé d'un interprète en présence du demandeur d'asile. En cas de refus du statut de réfugié, le demandeur d'asile peut constituer un recours devant la CNDA (anciennement Commission de Recours des Réfugiés). Le dossier est examiné par trois juges (dont un représentant du HCR), en présence du demandeur d'asile et de son avocat, 38 si ses services ont été sollicités . Le CADA est devenu la pierre angulaire du dispositif national d'accueil qui régit la procédure d'asile. Conscient de l'intérêt pour les demandeurs d'asile d'être hébergés ainsi, et non à l'hôtel ou chez de la famille, l' État essaie aujourd'hui d'augmenter le nombre de places en CADA ou le cas échéant en AUDA. C'est au CADA que les demandeurs 38 Annexes n°32, « Procédure d'asile », p 218 FLAMANT Anouk _2008 13 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires d'asile perçoivent l'allocation temporaire d'attente de 447,91 euros pour une personne seule, 940,62 euros pour une famille avec deux enfants au 1er janvier 2008. Dans le département du Rhône, Adoma et Forum Réfugiés sont les deux principaux gestionnaires de CADA. 4. Retour sur la pratique d'apprenti – chercheur et les conditions d'enquête. Il convient de nous attacher aussi dans cette introduction aux motivations personnelles de ce 39 choix de mémoire. La neutralité du chercheur et de l'apprenti – chercheur est un « leurre » sur lequel il faut s'interroger. Quelles sont les motivations personnelles qui nous conduit à privilégier ce sujet plutôt qu'un autre ? Nous souhaitions comprendre comment les demandeurs d'asile vivent dans cette nouvelle société, population que nous défendons dans notre quotidien. Interpellée par les discours de criminalisation envers les populations pauvres et précaires, nous avons voulu savoir comment les personnes confrontées à une de ces populations, les demandeurs d'asile, réagissent et échangent avec eux. Par cette démarche, nous espérions accéder aux perceptions et représentations sociales des uns et des autres d'un territoire. La méthode par entretiens nous a permis de disposer de notre propre source, constituée au fil du temps et des rencontres. Si nous avons essayé de choisir les personnes que nous souhaitions rencontrer, les premiers entretiens sont moteur dans la suite de l'enquête. A Fontaines St Martin, nos deux premières rencontres avec deux personnes proches de RESF nous ont permis de rencontrer d'autres personnes investies auprès des demandeurs d'asile, de façon souvent individuelle. A l'inverse, à Vaulx en Velin, notre entrée institutionnelle en rencontrant la directrice du CADA nous a offert les possibilités de rencontrer rapidement les partenaires institutionnels. Nous avons eu plus de difficultés pour entrer en lien avec les habitants du territoire. N'importe quel autre chercheur aurait obtenu un corpus différent, ce qui est l'intérêt même de ce travail. Grâce aux entretiens, nous avons pu recueillir une multiplicité de points de vue sur le CADA. Écouter les enquêtés nous expliquer les raisons de leur engagement, de leur non engagement auprès des demandeurs d'asile nous a permis de connaître les interactions territoriales. Nous avons oeuvré pour que notre parti pris en faveur d'un droit d'asile plus conséquent et de nouvelles politiques d'immigration ne soit pas perçu par nos enquêtés. Néanmoins, nous avons conscience que cela a pu faciliter certaines rencontres. Nous avons essayé d'adopter une position de neutralité lors de nos entretiens. Cet exercice difficile a été mieux réalisé pour certains entretiens. Avec certains enquêtés dont nous avons eu le sentiment de partager le même type d'engagement, nous avons parfois « conversé» avec eux, oubliant notre posture de chercheur. Les entretiens avec les demandeurs d'asile sont les plus marqués par cette difficulté à épouser la figure du chercheur. Très impressionnée par ces personnes, nous avons opté pour des mini – récits de vie, durant lesquels nous avons été émues et nous leur avons manifesté notre soutien. 39 14 BEAUD Stéphane, WEBER Florence, Guide de l'enquête de terrain, Paris, La Découverte, 2001. FLAMANT Anouk _2008 Introduction La multiplication des rencontres nous a permis de constituer petit à petit un corpus relatant partiellement et à un instant donné les relations et représentations sociales des 40 acteurs locaux. « Comprendre » notre implication dans le sujet, c'est aussi être conscient des interactions particulières qui se créent pendant les rencontres. Si nos interventions sont parfois maladroites, trop suggestives, les propos des uns et des autres s'enrichissent à travers ces conversations. Ceci se retrouve notamment dans les entretiens menés avec plusieurs personnes. Des interactions se créent entre le chercheur et ces enquêtés qui s'interrogent à voix haute, échangent ensemble en oubliant parfois notre présence. Pour rendre compte de nos observations, nous nous intéresserons à la marginalité constatée des demandeurs d'asile dans les deux territoires. Les dimensions aussi bien spatiales que politico-administratives de cette marginalité alimentent les représentations sociales discriminantes à l'égard de cette population (Première partie). Cette exclusion cache toutefois les échanges qui se tissent au sein du territoire entre habitants, associations ou institutions et les CADA. Ces échanges incluent ou excluent les demandeurs d'asile de la vie sociale et politique territoriale (Deuxième partie). Cette constante dynamique d'intégration et d'exclusion domine le discours des gestionnaires des CADA et la procédure d'asile. Ceci rend le travail du politique face à cette population d'autant plus complexe et épineuse. Entre considération électoraliste et volonté d'accueil, une « gouvernance locale » peut être une solution pour que des relations sociales se créent entre demandeurs d'asile et acteurs locaux (Troisième partie). NB : Tous les noms des enquêtés et des demandeurs d'asile ont été modifiés. 40 BOURDIEU Pierre, La misère du monde, Paris, Seuil, 1993 FLAMANT Anouk _2008 15 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité Lors des premiers contacts établis avec les enquêtés, nous nous apercevons rapidement que les CADA sont des entités méconnues voire inconnues. Le terme « CADA » n'est pas identifié, les personnes parlent plus communément du foyer Sonacotra accueillant maintenant des réfugiés ou immigrés. Quelles sont les dynamiques à l'oeuvre pour expliquer cette méconnaissance et cette marginalité ? Quelles sont les représentations sociales des acteurs locaux sur cette population ? Comment les demandeurs d'asile vivent-ils eux même dans ce territoire ? Le lieu d'implantation territoriale des CADA est un élément déterminant de cette marginalité, héritée d'une politique publique de logement des immigrés en France dans les années 60. L'exclusion politico – administrative couplée à cette exclusion spatiale rendent difficile la connaissance et les échanges des habitants avec les demandeurs d'asile (chapitre 1). Bien que les CADA soient peu connus, les acteurs locaux ont tous une image de leurs résidents et des modalités d'accompagnement dont ils bénéficient. Ces représentations sont déterminantes à analyser pour comprendre une fois encore les dynamiques de marginalité à l'oeuvre. Pour leur part, les demandeurs d'asile retrouvent provisoirement dans ces CADA un nouveau lieu de vie. Leurs situations administratives mais aussi leurs propres histoires et identités conditionnent cette intégration (chapitre 2). Chapitre 1: Des dimensions multiples à l'exclusion des CADA Un rapide coup d'oeil sur les cartes des communes illustre l'exclusion spatiale dont les foyers sont toujours l'objet. Éloignés du coeur de leur territoire, ils sont invisibles au quotidien par les autres habitants. Ce choix spatial est hérité d'une politique de la société propriétaire des deux bâtiments : la Sonacotra (Section 1). L'attitude de l'ensemble des pouvoirs publics, en premier lieu l' État, amplifie cette marginalité lui donnant un caractère politique et social. Les habitants contribuent à cette exclusion puisqu'ils échangent peu avec les demandeurs d'asile (Section 2). Section 1. L'exclusion spatiale des CADA et de leurs résidents 16 FLAMANT Anouk _2008 Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité L' ensemble des CADA de l'agglomération lyonnaise, tous anciens foyers de type Sonacotra, sont situés dans les quartiers excentrés de Lyon ou en banlieues (Mermoz, Bron, Vaulx en Velin, St Genis Laval,...). Ce choix du début des années 60 a reposé sur la volonté de contrôler et marginaliser ces immigrés. Les demandeurs d'asile subissent encore les conséquences de cette politique, dont certains traits demeurent aujourd'hui. 1.1 Des implantations aux marges de la ville Loin des centres névralgiques des deux territoires, nos CADA sont relayés difficilement à ceux–ci même si les résidents pas à pas acceptent cet éloignement et le présentent comme un atout. 1.1.1 Éloignement spatial des CADA: loin du centre, loin de Lyon Le CADA de Fontaines St Martin est à la limite avec les deux communes voisines : Fontaines sur Saône et Rochetaillée. En empruntant la route du Prado, les ruptures persistantes de continuité urbaine et la présence du Petit Bois renforce le sentiment d'éloignement du CADA au centre du village. L'implantation des maisons voisines au foyer est récente (2002) et 41 coïncide quasiment avec l'arrivée de l' AUDA (2001) . La continuité urbaine n'est toujours pas assurée même avec ces constructions. Le CADA excentré est inconnu de la majorité des St martinois. Avant la mobilisation du mois d'octobre 2007 en faveur de la famille Fihra, déboutée du droit d'asile, une parent 42 d'élève assure que « les gens ils savaient pas qu'il y avait un CADA » . Situé à une entrée du village, peu de gens connaissent son rattachement administratif à Fontaines St Martin. Les demandeurs d'asile fréquentent très peu les infrastructures St martinoises, puisqu'ils« 43 sont loin de tout et du coup eux ils osent pas aller d'un côté comme de l'autre » . Les demandeurs d'asile résident dans un bâtiment sans existence territoriale véritable, ce qui renforce leur invisibilité et leur repli sur ce mince espace. L'implantation originelle du foyer en 1964 a été justifiée par sa proximité avec les usines de la vallée de la Saône et pour qu'il affecte le moins possible la vie de ce petit village (d'environ 800 habitants à l'époque). Fontaines St Martin : territoire communal 41 Accueil d'Urgence des Demandeurs d'Asile. Cet accueil a précédé le CADA et offrait moins d'accompagnement social aux demandeurs d'asile. Seuls deux personnes étaient présentes pour les aider à la constitution de leur dossier OFPRA et CNDA sans compétences juridiques. Les demandeurs d'asile accueillis en AUDA bénéficient d'un encadrement plus limité, et leurs allocations de revenus sont plus faibles. 42 Entretien avec une parent d'élève et sa fille mobilisées pour une famille rwandaise en 2007, Lieu: Un café à la Croix Rousse, le 27 février 2008 de 15 h 30 à 16 h 30, début d'entretien : Entretien n°7, p 83 43 Entretien avec une personne proche de RESF, mobilisée pour plusieurs familles, Lieu: son domicile, le 11 février 2008 de 14h30 à 17h00, milieu d'entretien : Entretien N° 1, p 12 FLAMANT Anouk _2008 17 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Fontaines St Martin et ses alentours : inscription territoriale du CADA Le CADA de Vaulx en Velin est relégué également à l'extrémité d'un quartier déjà isolé, 44 le Village, suite au développement de la ZUP dans les années 70. La ville s'est étendue 44 La Zone Urbaine Prioritaire s'étend de Grolières à Vernay Verchères et a été construite entre 1970 et 1980, soit plus de 8300 logements et des services de proximité. Cette création ex nihilo de quartiers visait à répondre à la crise du logement en France. 18 FLAMANT Anouk _2008 Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité au sud et à l'ouest provoquant une double exclusion du CADA : le Village est un quartier non prioritaire de la ville, et le foyer est situé à sa plus lointaine extrémité, accolé aux zones maraîchères et à l'autoroute de Paris. Le cumul de ces deux phénomènes est observé par la directrice du CADA, « si le Village est déjà loin de Vaulx, nous on est vraiment au bout 45 du bout » . De récentes constructions pavillonnaires (2000) ont établi une continuité urbaine entre le Village et le CADA. Là encore, cela n'a pas joué véritablement en faveur du CADA qui demeure éloigné du reste du Village. Ceci est d'autant plus vrai que si les habitants de Fontaines St Martin passe devant le CADA pour rejoindre Neuville sur Saône, le CADA de Vaulx en Velin est situé au bout d'une impasse. L'intégration des foyers aux territoires est pénalisée par cet éloignement géographique, d'autant que l'offre de transports en commun est limitée. A Fontaines St Martin, deux bus relient directement Lyon (Quai de la Pêcherie et Part Dieu) en une trentaine de minutes. Cependant, l'offre se fait rare dès 19 heures et le weekend (le bus pour la Part Dieu ne circule pas au delà de 19h30). Dans une moindre mesure, le CADA de Vaulx en Velin est imparfaitement desservi. En journée, des lignes directes vont très régulièrement jusqu'à Laurent Bonnevay ou la Part Dieu. Néanmoins, le soir dès 19 heures et le week-end, la fréquence des bus s'amenuise. Les demandeurs d'asile sans enfant peuvent rejoindre à pied le centre de la commune ce qui est nettement plus difficile pour les familles. L'isolement du CADA de Fontaines St Martin est renforcé par l'absence de transports en commun avec le centre du village. Faire le trajet du CADA à l'école est possible mais difficile en cas d'intempéries, et la faiblesse des effectifs se rendant dans ces écoles explique l'absence de transports scolaires. L'école de Fontaines St Martin accueille uniquement des enfants francophones ou de l'âge maternel tandis que la classe CLIN pour les enfants non francophones est à Fontaines sur Saône. En toute logique, l'intégration devrait s'effectuer dans cette commune. Les demandeurs d'asile via l'école primaire et l'offre de commerces et de services sont d'ailleurs « spontanément plus vers Fontaines sur Saône, surtout 46 avec l'école » . Au demeurant, les interactions en faveur de ces habitants proviennent de Fontaines St Martin, qui est « beaucoup plus soucieux du CADA et des gens qui sont 47 là » . L' ancrage communal prédomine : la municipalité et des associations villageoises ont développé des initiatives en faveur des demandeurs d'asile, au delà de la sphère scolaire. A Vaulx en Velin, les demandeurs d'asile fréquentent majoritairement les commerces et les services offerts au Village. L'école au Village accueille les enfants des demandeurs d'asile en maternelle ou francophones tandis que la classe CLIN a été regroupée à l'école d'un quartier voisin, la Grappinière. L'intégration au quartier d'implantation est plus spontanée même si l'offre d'activités est restreinte au Village ; le centre social le plus proche est aussi à la Grappinière. La participation de Forum Réfugiés aux réunions pour définir le projet territorial du Village souligne leur volonté d'ancrage à ce quartier. Vaulx en Velin : territoire communal du Nord de la ville 45 Entretien avec le directrice du CADA, Lieu: son bureau au CADA, le 6 mars 2008 de 14 h 30 à 16 heures, milieu d'entretien : Entretien n° 21, p 172. 46 Entretien avec une intervenante sociale au CADA, Lieu: son bureau au CADA, le 12 mars 2008 de 10h20 à 11h 50 , début d'entretien, : Entretien N°11, p 103 47 Entretien avec une intervenante sociale au CADA, : Entretien N° 11, p 104 FLAMANT Anouk _2008 19 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Vaulx en Velin : inscription territoriale du CADA 1.1.2 Une exclusion spatiale intégrée par les habitants et les résidents Cette exclusion spatiale est immédiatement constatée par les demandeurs d'asile fraîchement arrivés du centre de transit en plein coeur de Villeurbanne (90 % d'entre eux 20 FLAMANT Anouk _2008 Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité passent par ce centre). Les demandeurs d'asile ont besoin de retrouver une « cohérence 48 dans l'usage des espaces territoriaux » ce qu'ils ont commencé à entreprendre au centre de transit et ce qui est à nouveau bousculé en s'installant au CADA. Cet éloignement pose problème les premiers temps pour les demandeurs d'asile. Une réfugiée ayant habitée au CADA de Fontaines St Martin dit « j'ai râlé tout le long dans le mini bus, je suis trop loin ! 49 C'est trop loin! » . Une seconde demandeuse d'asile nous confie que la distance avec le centre du village a été un des freins pour fréquenter la MJC. Néanmoins, après une période de deux à trois mois, la quasi totalité des demandeurs d'asile apprécient ces deux CADA et notamment les familles. Ils sont situés dans des environnements propices aux enfants : le CADA de Fontaines St Martin est dans un parc, tandis que celui de Vaulx en Velin a une 2 grande cour et Miribel est proche. A l'intérieur, les chambres sont grandes (de 9 à 12m ), et les unités de vie sont petites (de 5 à 6 chambres par palier). Cela leur permet de retrouver une intimité familiale essentielle pour se reconstruire dans ce nouveau lieu de vie. Quand aux déplacements, les demandeurs d'asile s'approprient aisément le réseau TCL, « ils se déplacent facilement même si les isolés le font plus facilement que les 50 familles » . Toutefois, leur isolement urbain les conduit à vivre surtout au foyer et à avoir peu de possibilités, si ils en ont l'envie, de s'en échapper. Cette implantation aux marges de la ville pénalisent leur intégration territoriale. Être au CADA c'est être loin du coeur du territoire, loin de la vie sociale communale. Cette faible lisibilité des foyers est le choix d'une politique d' État pérenne depuis les années 60 en France. 1.2. L'exclusion spatiale des CADA : l'administration des étrangers en France La Sonacotra symbolise la politique du logement menée par les pouvoirs publics français du début des années 60 au début des années 80. En étant actionnaire majoritaire de cette société, l' État impose aux travailleurs immigrés des habitations en périphérie sous prétexte 51 d'« être plus proches des lieux de travail » . Cette dimension d'éloignement volontaire persiste aujourd'hui pour ces foyers dont la population résidente a évolué. De quelle façon l' État français a–t–il conçu son accueil pour les étrangers dans les années 50 et comment cela a–t-il modelé l'exclusion sociale des résidents en foyer ? 1.2.1 La place réservée à l'étranger en France: socio – histoire de la Sonacotra 48 49 Dans sa thèse, Choukri Hmed revient sur le choix du foyer comme logement des travailleurs 52 immigrés, « exclusivité française dans le monde européen » . Les foyers sont excentrés, 53 exigus et « démarqués de l'espace urbain » . Ils sont établis dans cette forme particulière qu'est la minuscule chambre sans avoir même la possibilité de se faire à manger pour avoir BALIGAUD Pascale, op.cit. p 153. Entretien avec une réfugiée statutaire d'origine géorgienne, ayant résidé au CADA, Lieu: son domicile, le 7 avril 2008 de 18 heures à 18 H 50 : Entretien n° 17, p 145 50 51 52 53 Entretien avec la directrice du CADA : Entretien n ° 21, p 164 LOCHTAK Danièle, « L'appartenance saisie par le droit », in Villes et hospitalités. Les municipalités et leurs étrangers, op.cit., p 319 CHOUKRI Hmed, op. cit, p 12. Ibid FLAMANT Anouk _2008 21 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires un espace de vie individuel. Pour Sayad, c'est un « univers totalitaire » puisque la majorité des besoins primaires est satisfaite au foyer . 54 au sens de Goffman Le foyer est préconisé pour lutter contre la « multiplication jugée anarchique 55 des formes d'habitat "indigènes" en métropole » . En reléguant aux marges de l'urbain ces nouveaux résidents, l'administration française veut contrôler cette population potentiellement dangereuse et subversive suite à la guerre d' Algérie. La filiation avec le mouvement hygiéniste du début du vingtième siècle et notamment la construction de logement type HBM est évidente ; le logement est l'instrument pour les « éduquer » à vivre comme la société le préconise. Les espaces du foyer sont circonscrits, les liens avec l'extérieur sont réduits et les valeurs de l'institution dominent dans les discours et les attitudes des directeurs. Ces derniers assurent la gestion quotidienne du foyer, font le lien avec les instances politiques 56 locales et surtout respectent l'injonction institutionnelle « de ne pas faire parler de soi » . L'éloignement géographique du foyer et leur gestion centralisée conduit les municipalités à entretenir des relations administratives avec celui–ci. Si quelques événements festifs ont pu avoir lieu entre le foyer et les habitants du territoire, les travailleurs sont largement maintenus à l'écart. Un habitant de Fontaines St Martin depuis une quarantaine d'années observe qu' « il y a eu quelques tentatives qui doivent remonter à 25 ou 30 ans, avec des soirées, des méchouis à la salle des fêtes, ou au foyer, mais ça 57 a toujours été très ponctuel » . Le nouveau contexte migratoire a créé des vacances structurelles dans les foyers qui ont du adapter leur bâti (décloisonnement des foyers pour avoir des chambres plus grandes) afin d' accueillir une nouvelle population, et notamment les demandeurs d'asile. 1.2.2 La marginalité des foyers Sonacotra : pérennité d'une politique publique La Sonacotra a ainsi mis sur pied des bâtiments à « caractère stable, durable et tangible 58 dans l'espace urbain » avec des effets pour les résidents actuels. La logique administrative s'est poursuivie, les demandeurs d'asile sont une population à surveiller et à encadrer via le logement. Les délégations de gestion à des associations pour l'accueil sont plus courantes mais ces dernières sont toujours locataires et non propriétaires du bâti, chargées de mission et financées par l' État. La réserve institutionnelle des directeurs de foyers Sonacotra persiste. Ce sont nos seuls interlocuteurs qui ont hésité avant de nous recevoir et le retour spontané pendant l'entretien sur l'historique de la société affirme la filiation avec les politiques des années 60. Ils offrent un logement et une aide juridictionnelle et peinent (ou refusent) à s'inscrire dans une démarche d'échange avec le territoire. 54 L' exclusion des CADA est spatiale tout comme elle découle de décisions politiques et administratives. Ces « outsiders » de la société sont identifiés comme une menace SAYAD Abdelmayek, Le foyer des sans – familles , Actes de la Recherche en Sciences sociales, 1980, vol. 32, p 89 – 103 55 56 57 CHOUKRI Hmed, op.cit, p 81 CHOUKRI Hmed, op.cit, p 528 Entretien avec un candidat à la municipalité 2008, président de l'association Agir Ensemble. Lieu: son lieu de travail à Lyon, le 27 mars de 14h30 à 15 h10 : Entretien n ° 15, p 141 58 22 CHOUKRI Hmed, op.cit, p 211 FLAMANT Anouk _2008 Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité potentielle pour la cohésion sociale nationale. Bien que la société change ses règles de l'hospitalité et de l'inhospitalité, elle conserve ses administrations et ses fonctionnaires, vecteurs de ces politiques. Les demandeurs d'asile sont une population accueillie pour être protégés des atteintes à leur dignité dont ils sont victimes dans leur pays. Or, ce qui a été mis en place pour contrôler les travailleurs isolés demeurent sous d'autres formes pour cette nouvelle population bénéficiant de l'hospitalité française. Section 2. L'exclusion administrative et politique des CADA L'exclusion spatiale et historique des CADA est parachevée par leur exclusion administrative et politique. L'exclusion orchestrée par la délégation informelle des compétences de l' État aux collectivités territoriales ou à des gestionnaires est renforcée par le désintérêt de la majorité des habitants pour cette population. 2.1. Des compétences étatiques déléguées aux communes et au secteur privé Au regard du code d'entrée des populations étrangères sur le territoire français, l' État est compétent pour protéger les demandeurs d'asile via le dispositif national d'asile sous l'autorité récente du ministère de l'immigration et de l'identité nationale. Seule la CNDA a vu son indépendance réaffirmer en 2007. Au niveau local, la Préfecture est l'administration compétente dans les démarches des demandeurs d'asile (autorisation provisoire de séjour...) et joue un rôle prépondérant dans l'octroi de places en CADA. Cependant, l' État s'est déchargé au fil des années sur les communes et sur les gestionnaires des structures pour accueillir cette population . 2.1.1 L'accueil des demandeurs d'asile : une compétence étatique décentralisée ? La Préfecture et la Sonacotra ont imposé à Fontaines St Martin la requalification du foyer en AUDA, la commune a uniquement pu négocier le nombre de personnes accueillies (pas plus de cent personnes). Ce chiffre a été justifié par la taille de la commune, qui a souligné les risques d'une implantation massive d'une population précaire. En terme de moyens financiers, les communes font face à dilemme entre accueillir au mieux ces nouveaux habitants et ne pas se substituer financièrement à l' État. Cela a été d'autant plus vrai pour l'AUDA à Fontaines St Martin, même si ce phénomène a eu lieu en 2000 – 2002 à Vaulx en Velin pour des demandeurs d'asile non accueillis en CADA. Les budgets des CCAS ont été affectés de façon importante par ces arrivées. Selon l'élue aux affaires sociales de Fontaines St Martin, le budget a doublé pour aider les demandeurs d'asile à financer les repas scolaires, la carte de transports etc. Le soutien 59 financier s'accomplit surtout au niveau local, « ce sont les communes qui gèrent » et peut–être source de conflits. La transformation de l'AUDA en CADA a diminué l'impact financier sur le budget municipal, l'allocation qu'ils perçoivent est plus élevée, même si les municipalités ont maintenu certains « coups de pouce » (aides à la restauration scolaire,...). Les municipalités ont aussi été interpellées par d'autres associations ou habitants sur cette présence. Un travail en amont avec les gestionnaires a permis de désamorcer certains conflits de voisinage et de mieux connaître la population accueillie en CADA. Ces rencontres 59 ,Entretien avec une membre de l'ASVS et son mari opposés à une action de son association en faveur du CADA . Lieu : son domicile, le 11 mars 2008, de 17 h à 17 h 45. Entretien n° 10, p 96 FLAMANT Anouk _2008 23 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires se sont estompées avec le temps mais ont été réactivées lors des récentes mobilisations en faveur de familles déboutées du droit d'asile. Les élus locaux se sont entretenus avec les intervenants sociaux pour s'informer des solutions possibles pour ces familles. 2.1.2 Des entreprises ou des associations pour la mission d'accueil de l' État L' État délègue dans un souci d'efficacité l'accueil des demandeurs d'asile à des bailleurs comme Adoma ou à des associations comme Forum Réfugiés. Les travailleurs sociaux accompagnent les résidents dans la procédure d'asile, et sont aidés par les collectifs locaux d'aide à l'intégration pour mettre sur pied des activités socio–culturelles. Un collectif associatif a vu le jour spontanément à Fontaines St Martin dès 2001 pour offrir du soutien scolaire aux enfants et des cours d'alphabétisation ou de français langue étrangère aux adultes. A Vaulx en Velin, Forum Réfugiés a sollicité en 2006 d'autres associations comme l' Association Française des Étudiants pour la Ville (AFEV) et les centres sociaux pour offrir des activités aux résidents. Néanmoins, de véritables problèmes se posent en particulier pour les associations gestionnaires de CADA. Si l' État ne peut occuper les mêmes terrains de l'accompagnement que ces structures, les équipes peuvent difficilement prendre en charge la procédure et proposer des activités aux demandeurs d'asile. L' État en offrant un encadrement plus décisif auprès des demandeurs d'asile aiderait le « milieu associatif à dépenser 60 ses énergies de manière plus fructueuse et enrichissante. » . Tout aussi problématique, l'institutionnalisation de l'aide juridique apportée par ces équipes les conduit à diminuer le 61 nombre d'interventions juridiques pour contester les nouvelles dispositions législatives . En connaissant les rouages administratifs de l'asile, ils intègrent petit à petit les critères de 62 l'OFPRA et de la CNDA . L' État en déléguant l'accueil des demandeurs d'asile se protège d'une opposition trop forte des associations gestionnaires et dans une moindre mesure des équipes de bailleurs. Cela contribue à rendre invisible la situation des demandeurs d'asile aux citoyens, favorisant alors des atteintes substantielles à ce droit. Les militants se focalisent principalement sur les personnes déboutées du droit d'asile pour lesquelles les travailleurs sociaux du CADA ne peuvent plus légalement intervenir. Cette politique d' État agit dans une logique de non contestabilité des dispositions législatives, même si une association comme Forum Réfugiés poursuit ce type d'actions auprès des gouvernements. Peu de personnes sont dans la capacité de connaître les compétences des acteurs notamment lors d'expulsions. Cette connaissance imprécise des CADA et de leurs résidents rend difficile des échanges avec les habitants. 2. Invisibilité sociale et absence de relations entre demandeurs d'asile et habitants Ces exclusions sont renforcées par le relatif désintérêt de la majorité des habitants pour ces nouveaux arrivants. Méconnus sur le territoire, les échanges avec la population déjà établie 60 NI CHOSAIN Baibre, « L'accueil des demandeurs d'asile » in Villes et hospitalité. Les municipalités et leurs étrangers, op.cit, p 276 – 277. 61 SANTAMARIA Magalie, « La mise en oeuvre d'une politique publique par des entrepreneurs de cause. L'exemple de la politique d'asile et d'accueil des réfugiés et l'association Forum Réfugiés », Dir. C. Traini, Mémoire de DEA Science politique comparative, Université Ai x Marseille III, 2002 62 24 VALLUY Jérôme, op.cit.. FLAMANT Anouk _2008 Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité sont restreints. L' intégration d'une population repose plus que sur leur simple présence territoriale. 2.2.1 Des demandeurs d'asile méconnus par les habitants Les habitants s'intéressent très peu aux demandeurs d'asile. Si ils croisent certaines familles à l'école -hormis pendant les mobilisations de soutien-, une enquêtée habituée des sorties 63 d'école déclare que « les gens n'y font pas attention » . Les personnes sans enfants connaissent encore moins cette population, qu'ils ne rencontrent pas dans leur quotidien. Les demandeurs d'asile sont en marge de la vie politique et sociale du territoire. Même en cas d'obtention du statut de réfugié, il est probable qu'ils seront contraints de déménager. La précarité de leur avenir les conduit à peu s'investir dans des projets à long terme, vecteur déterminant pour rencontrer d'autres habitants. Ces derniers doivent faire preuve de volontarisme pour échanger avec les résidents des CADA. Si cette démarche de rencontres existe à Fontaines St Martin, ce n'est pas le cas à Vaulx en Velin. Le sort individuel des demandeurs d'asile peut émouvoir voire mobiliser les habitants. Toutefois, dans leur vie quotidienne, peu se mobilisent en faveur de relations plus soutenues avec le CADA. Comme l'assure une candidate St martinoise aux précédentes élections 64 municipales, « les gens sont souvent plus intéressés par le trottoir devant chez eux » que par le CADA. Cette indifférence est même revendiquée par les voisins en conflit avec le CADA de Vaulx en Velin, une des enquêtés déclare qu'« elle s'en fout de leurs situations, 65 elle est pas allée les chercher! » , elle veut seulement vivre paisiblement dans sa maison. La découverte et l'intérêt pour le CADA surgissent lorsque les familles (très rarement les isolés) avec des enfants vivent à la rue, et peuvent être ou sont expulsées de force du territoire français. Néanmoins, si il y a une forme de sympathie, beaucoup d'acteurs soulignent que les réactions en faveur ou en défaveur de ces situations sont limitées. Une centaine de personnes a essayé d'aider ces familles, et seules une quinzaine ou une dizaine de personnes ont été véritablement actives. 2.2.2 Accueillir chez soi un étranger : les difficultés d'établir du lien social entre voisins 63 Les personnes mobilisées font un véritable « travail de fourmi » pour sensibiliser les autres habitants et les acteurs locaux à l'existence du CADA sur leur territoire. Les demandeurs d'asile bénéficient d'une hospitalité étatique conséquente en CADA, mais cela est insuffisant pour s'approprier ces nouveaux espaces. Cette intégration parfois de courte durée est toujours bénéfique dans le parcours de ces personnes d'après certains acteurs locaux : « les gens qui vont créer des liens ici, qui vont faire partie de choses, qui vont être intégrés, 66 ils pourront s'en resservir » ; la précarité de leur situation ne peut servir de justificatif à la mise entre parenthèse de leur vie sociale. Entretien avec la présidente, la trésorière et une membre de l'association ASVS , et un élu à la municipalité. Lieu: une salle municipale où l'ASVS effectue la distribution alimentaire, le 25 février 2008 de 16 heures à 18h : Entretien n°4, p 60 64 Entretien avec l'élue aux affaires sociales de la municipalité 2000 – 2008, ancienne intervenante sociale au CADA. Lieu : son domicile, le 26 mars 2008 de 16 h à 16 h 50. Entretien n° 14, p 136 65 Entretien avec la responsable du Lien,association vaudaise de médiation, et la salariée de l'association. Lieu: le bureau de l'association, le 2 avril de 10 heures à 10 h 40 : Entretien n° 24, p 191 66 Entretien avec la responsable du pôle familles au centre social. Lieu: au téléphone, le 29 mai 2008 de 15 heures à 15 h 40 : Entretien n° 28, p 212 FLAMANT Anouk _2008 25 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires La continuité urbaine entre le CADA et le centre de chaque territoire est un facteur pour que des liens s'établissent. Pour Maurice Halbwachs, une des conditions qui favorise 67 l'établissement de liens sociaux est le « fait d'être rapprochés dans l'espace » . Cette proximité spatiale facilite les liens dans un quartier, même si elle est insuffisante. L'espace n'est pas le seul obstacle à la communication et « la distance sociale n'est pas toujours 68 mesurable de façon adéquate en terme physique » . Les habitants des maisons séparées d'un mur seulement des CADA ne sont pas ceux qui ont le plus d'échanges avec les demandeurs d'asile ; leurs relations ont plutôt été marquées par des conflits. Quand aux habitants investis dans des collectifs d'intégration, ils viennent de l'ensemble du territoire voire sont extérieurs. L'aide à apporter aux demandeurs d'asile recueille moins d'enthousiasme que les programmes d'aide aux orphelinats du Niger ou du Sénégal. Pour une personne mobilisée en faveur de cette intégration, il est plus facile de donner à « des 69 milliers de kilomètres que donner pour des gens ici » . Les habitants sans connaître les conditions de vie en CADA participent peu à ces collectifs d'intégration ou de mobilisation, par méconnaissance ou par positionnement politique. La marginalité des CADA repose sur trois dimensions majeures : spatiale, politique et sociale qui se complètent et s'alimentent entre elles. Ces multiples exclusions identifiées permettent de nous interroger sur les représentations qui naissent de cette marginalité multidimensionnelle et les renforcent. Chapitre 2: L'asile : incompréhensions et discriminations d'une population peu visible Les CADA vaudais et St martinois sont éloignés du coeur de leur territoire, et sont exclus politiquement et administrativement. Cette marginalité est renforcée par les représentations sociales des habitants face aux demandeurs d'asile. Face à la multiplicité des termes du parcours d'asile, les acteurs locaux comprennent difficilement qui sont les résidents des foyers ; ce qui conduit à une mise à l'écart des demandeurs d'asile. Quand aux équipes d'intervenants sociaux, leurs missions sont mal identifiées d'autant qu'elles les révèlent peu aux habitants. Les municipalités hospitalières ont elles aussi privilégiées la discrétion pour les actions en lien avec les CADA (Section 1). Les demandeurs d'asile, déjà mis au ban du territoire, font l'objet de représentations stigmatisantes et discriminantes de la part de certains acteurs locaux. La peur de l'étranger par ces habitants les conduit à interroger les fondements de l'hospitalité territoriale, et de la légitimité des demandeurs d'asile (Section 2). Les foyers sont des entités à part dans le territoire ; d'autant que les complexités de la procédure d'asile favorisent le repli des demandeurs d'asile au sein du CADA et de leur famille. Ce comportement est renforcé par la non-maîtrise du français de la quasi-totalité d'entre eux, et des difficultés à s'adapter à de nouvelles normes sociales (Section 3). 67 68 69 HALBWACHS Maurice, op.cit. p 203. GRAFMEYER Yves, Sociologie urbaine, Paris, coll. 128, Editions Nathan Université, 1994, p 209. Entretien avec la directrice de la MJC et une membre du Conseil d'administration, mobilisée en tant que parent d'élève pour des familles déboutées. Lieu: le bureau de la directrice à la MJC, le 13 mars 2008 de 14h 30 à 15h45 : Entretien n° 12, p 123 26 FLAMANT Anouk _2008 Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité Section 1. Les complexités administratives et les stratégies politiques : facteurs de marginalité sociale L'avenir des demandeurs d'asile est conditionné par les réponses de l'OFPRA et de la CNDA. Incertain, ce temps de l'asile se distingue en français par différentes catégories de noms. Cette multiplicité des titres administratifs pénalise leur visibilité sociale, et les assimile souvent à des sans–papiers, ces résidents qui font peur. 1.1.Confusion des statuts administratifs et du rôle des gestionnaires de CADA Trois termes dans le vocabulaire administratif français encadrent la demande d'asile: Les « demandeurs d'asile »: ils ont sollicité l' État pour être reconnus réfugiés selon les critères de la Convention de Genève. En possession d'une autorisation provisoire de séjour, certains demandeurs d'asile sont accueillis en CADA pour la durée de la procédure. Les « réfugiés »: Un demandeur d'asile devient réfugié si les juridictions administratives reconnaissent la validité de sa requête. Ils obtiennent un permis de travail et de résidence de dix ans renouvelable, et peuvent se maintenir trois mois au CADA. Les « déboutés »: Leur demande a échoué à l'OFPRA et à la CNDA. Ils sont invités à quitter le territoire français à compter d'un mois après le refus. Un maintien illégal en France fait d'eux des sans–papiers. Ils sont constamment menacés d'une rétention administrative puis d'une expulsion dans leur pays. 1.1.1 « Demandeurs d'asile », « réfugiés », « sans papiers »: le « jargon » administratif vecteur de confusions A plusieurs reprises, les enquêtés confondent ces trois termes et méconnaissent les rouages de la procédure d'asile. Cette prolifération de termes, dont le caractère français est rappelé par une intervenante sociale, conduit certaines personnes à imaginer que tout lien avec le CADA est répréhensible. Les mobilisations en faveur de déboutés toujours au CADA ont alimenté cette confusion. Pour certains habitants, les résidents des CADA sont des sans–papiers dont la présence en France est tolérée mais constamment menacée par des reconduites à la frontière. Il est aussi difficile pour les habitants de saisir la particularité de ce phénomène migratoire. Le discours administratif distinguant le « faux » du « vrai » demandeur d'asile a véhiculé une image d' « usurpateur » auprès des habitants. Les menaces pour leur intégrité ne sont pas à l'origine de leur exil, mais l'avenir prometteur offert par l'Europe. Les CADA apparaissent comme le lieu d'hébergement de migrants économiques illégitimes. Une enquêtée souhaite que le CADA accueille « ceux qui sont obligés de partir, c'est la 70 guerre civile, c'est des massacres, c'est finalement, pratiquement des réfugiés politiques » . Elle s'oppose formellement à tout autre hébergement sur son territoire, et sans connaître les résidents du foyer, ces personnes sont convaincues que la majorité d'entre eux sont des « faux » demandeurs d'asile. Seuls certains enquêtés portent ce discours, toutefois il illustre bien les réticences et les représentations sociales face à cette population. Les volontés gouvernementales pour une politique d'immigration choisie et contrôlée, avec des objectifs numériques de reconduite à la frontière ont contribué à ces confusions. 70 Entretien avec une membre de l'ASVS et son mari opposés à une action de son association en faveur du CADA. Entretien n° 10, p 101 FLAMANT Anouk _2008 27 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Les amalgames entre « demandeurs d'asile », « réfugiés », « sans - papiers » préexistaient mais leurs apparitions sur la scène médiatique a conduit les acteurs locaux à s'intéresser à qui est accueilli dans leurs foyers en confondant les populations. 1.1.2 Le CADA : lieu d'accueil et de soutien à la procédure d'asile Les équipes de travailleurs sociaux des CADA ont pour mission d'offrir les conditions optimales pour une procédure d'asile sereine. Être gestionnaire d'un CADA c'est véritablement « de l'accompagnement au quotidien par rapport à une gestion de l'attente, 71 par rapport à des souffrances endurées, avant, pendant » . Leur mission s'arrête en cas d'octroi ou du refus du statut de réfugié. Cet arrêt du travail social auprès des déboutés à créer des tensions avec des personnes mobilisées pour le réexamen de ces dossiers. Ces dernières reconnaissent avoir souvent 72 eu des « discussions très très épidermiques, limites même au niveau des relations... » avant de comprendre le rôle légal de ces équipes. Cela ne les empêche pas de regretter le caractère très légaliste d'Adoma et de Forum Réfugiés ; la posture de l' État est également incomprise. Si la prise en charge en CADA est reconnue de qualité, le désengagement du jour au lendemain des gestionnaires et de l' État apparaît particulièrement violent. Les gestionnaires de CADA ne nient pas leur posture légaliste, même si comme le 73 souligne un enquêté ils conservent « pas mal d'humanité » . Cela passe notamment pour la directrice du CADA de Forum réfugiés par des rencontres entre les intervenants sociaux et les comités de soutien, afin de: « discuter, de voir, d'être compris sur notre positionnement, et assez souvent je leur dis qu' humainement je pourrais peut-être partager les mêmes engagements, mais là institutionnellement y a un contrat, qu'il y a des lois, c'est pas moi qui fait la loi et que effectivement les familles doivent sortir du centre, ce qui permet que d'autres qui viennent d'arriver sur le territoire viennent. C'est vrai que ça peut paraître simpliste comme discours 74 et souvent c'est souvent ce qu'on me renvoie.... On discute, on travaille ensemble » . A l'inverse, pour d'autres habitants, le CADA est un lieu d'accueil pour sans-papiers. Ce discours est prégnant à Fontaines St Martin suite aux mobilisations de 2007 ; certains habitants sont convaincus qu' 'échanger avec cette population est un acte militant majeur à la frontière de la légalité. Il est d'autant plus ardu de clarifier ce qu'est l'asile et le dispositif national d'accueil que les gestionnaires des CADA et les municipalités communiquent peu leurs actions et leurs missions, préférant être discrets ou s' atteler à d'autres problématiques. 1.2. Gestionnaires et municipalités face aux demandeurs d'asile : des attitudes discrètes ? 71 Entretien avec la directrice du CADA de Fontaines St Martin, géré par Adoma. Lieu: le CADA le 21 février 2008 de 14 heures à 15h 30,: Entretien n° 3, p 38 72 ,Entretien avec la directrice de l' école primaire de Fontaines sur Saône. Lieu: son bureau à l'école, le 20 mars 2008 de 14 heures à 14 h 45 : Entretien n° 13, p 130 73 Entretien avec un enseignant mobilisé pour une famille déboutée proche de RESF. Lieu: son domicile à Bron, le 28 mai 2008 de 1O heures à 11 heures : Entretien n°27 p 205. 74 28 Entretien avec le directrice du CADA à Vaulx en Velin, géré par Forum Réfugiés. Entretien n° 21 , p 165 FLAMANT Anouk _2008 Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité La volonté de demeurer discret de la part des foyers Sonacotra dans les territoires s'est poursuivie avec la transformation du bâtiment en CADA. Quelques réunions d'informations ont eu lieu ou des entrefilets ont été publiés dans les bulletins municipaux sans poursuivre dans le temps ces démarches. 1.2.1. Une politique de discrétion des gestionnaires de CADA : solution pour limiter l'opposition à leur présence ? Il y a peu d'échanges mis en place par les équipes de direction des CADA pour que les habitants et les institutions aient une information objective sur ce public. Les rencontres avec les acteurs locaux sont circonscrites aux épisodes de mobilisations ou de conflits avec le voisinage. Le postulat suivant fait acte : plus on est discret sur la commune, moins de conflits existent entre nous et les acteurs locaux. Les manifestations territoriales en faveur de ces habitants sont à l'initiative principale de RESF. Or, le discours de RESF se focalise sur les déboutés du droit d'asile et les immigrés clandestins. Ces informations lors de soirées festives notamment à Fontaines St Martin renforcent les confusions. Lors d'un entretien, une enquêtée nous demande si « le 75 CADA héberge systématiquement des personnes sans-papiers ? » . Cette communication incomplète sur la demande d'asile sert les intérêts du réseau, les personnes sensibilisées défendent en priorité cette population précaire. Ce discours militant n'est pas contrebalancé par les intervenants sociaux ou les municipalités pour dresser un panorama complet aux habitants de l'asile en France. L'idée domine selon laquelle si les habitants méconnaissent la procédure d'asile, ils s'intéressent aussi peu à la vie de ses bénéficiaires. Cela limite fondamentalement les mobilisations en faveur des déboutés ou pour défendre un droit d'asile plus conséquent. Les résultats de cette politique sont ambivalents. Ces confusions entraînent la marginalité des demandeurs d'asile, et réduisent bien les mobilisations en faveur des déboutés. Néanmoins, ces confusions créent des tensions avec les acteurs opposés aux CADA et leurs résidents. Quand aux initiatives pour soutenir cette population, les acteurs locaux se mobilisent en faveur des plus menacés et des plus médiatisés, les demandeurs d'asile déboutés. Ainsi, lors d'une soirée festive afin de faire connaître le CADA et les demandeurs d'asile aux St martinois, seules des personnes mobilisées pour des familles déboutées ont accepté d'organiser la soirée. Les organisateurs n'ont pas réussi à mobiliser d'autres acteurs locaux, comme les intervenants sociaux du CADA, pour qu'ils présentent plus complètement le droit d'asile. La diffusion d'un film sur des enfants sans – papiers « ni papiers, ni crayons » a dressé un portrait pessimiste pour les demandeurs d'asile des conditions d'accueil en France. Les participants non avertis ont probablement quitté la salle des fêtes plus conscients des problèmes des déboutés que des demandeurs d'asile pourtant majoritaires dans la commune. Cette absence d'échanges avec Adoma sensibilise les habitants en faveur des déboutés et non des demandeurs d'asile. 1.2.2 Les CADA et le politique : agir discrètement pour les demandeurs d'asile ou activement pour d'autres quartiers et habitants 75 Entretien avec la directrice de la MJC et une membre du Conseil d'administration, mobilisée en tant que parent d'élève pour des familles déboutées Entretien n° 12, p 118 FLAMANT Anouk _2008 29 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Situés aux marges des territoires, les CADA sont aussi à la marge des agendas politiques soit par peur des réactions des habitants soit en raison des priorités sociales données. A Fontaines St Martin, la peur d'un rejet des habitants conduit les politiques à préférer un soutien discret auprès du CADA. L'ensemble des enquêtés a conscience de l'implication municipale auprès de cette population sans en connaître les proportions. Ce soutien n'est aucunement médiatisé. Le précédent maire a d'ailleurs insisté lors de la mobilisation en octobre 2007 pour favoriser les soutiens discrets aux familles. Les élus n'ont pas publiquement affirmé défendre et soutenir la famille Fihra. L'électorat de centre 76 – droit majoritaire dans la commune aurait pu contester une position politique militante et 77 rendre par conséquent plus houleuses les élections municipales. Une des enquêtés nous confie qu'après avoir envoyé des questions sur le devenir des déboutés sur la commune aux trois listes en lice, une seule liste a répondu. Les deux autres listes se sont abstenues et n'ont pas traité de cette question dans leurs réunions publiques. Si la municipalité accompagne les demandeurs d'asile au quotidien, son attitude renforce la faible visibilité actuelle du CADA. Le contexte des élections municipales à Fontaines St Martin Trois listes pour l'élection de mars 2008 : Celle issue du précédent conseil municipal emmenée par l'ancienne élue aux affaires sociales, sans étiquette. La seconde liste de scission est emmenée par un élu de l'équipe sortante avec des ralliements de personnes étiquetées UMP et quelques anciens du Front National. La troisième liste est emmenée par un membre du Parti Communiste Français, et s'affiche de centre – gauche. La campagne municipale est houleuse, chacun tirant la couverture à soi notamment pour les deux premières listes issues du même conseil municipal. L'alliance avec des personnes de l'UMP voire anciennes du Front National a échauffé les esprits, et fait regretter à certains les temps d'une élection non partisane. Certains accusent des candidats d'agir non pas pour l'intérêt communal mais pour influencer le conseil du Grand Lyon, le poids des communes du Val de Saône est assez important. Le résultat des élections: Treize conseillers municipaux sont élus, sept de la première liste et six de la seconde. Élément impromptu, la tête de liste de la première liste est évincée par un autre candidat au bénéfice de l'âge. Pour Vaulx en Velin, les prises de position publique des élus en faveur des familles déboutées, de sans–papiers sont récurrentes. Un conseiller municipal est d'ailleurs affecté au suivi de ces situations, ce qui représente un nombre conséquent tous les ans. 78 Toutefois, les liens avec le CADA sont limités. Le Village est exclu du périmètre GPV , lieu où se concentre toutes les attentions de la municipalité, du Grand Lyon et de l' État. Ainsi, ce quartier est un peu mis sur la touche dans les programmes récents d'aménagement 76 Élections présidentielles de 2008 : Premier tour : Sarkozy 42,77%, Bayrou : 22,57% , Royal : 21, 07%. Deuxième tour : Sarkozy : 61,46%, Royal : 38,54% Elections législatives de 2008 : Premier tour : Député UMP élu à 55, 92% des suffrages exprimés. 77 78 E ntretien avec une personne proche de RESF, mobilisée pour plusieurs familles. Entretien n°1, p 12 GPV: Grand Projet de Ville, projet de requalification urbaine et de développement social pour les anciens quartiers de la ZUP. Son exclusion est due à la qualité de son bâti et aux caractéristiques socio – économiques de la population. 30 FLAMANT Anouk _2008 Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité urbain et de développement social. En outre, la gestion par Forum Réfugiés participe à cette faible intervention municipale. L'association privilégie son indépendance face aux pouvoirs politiques et sa spécialisation sur le droit d'asile fait d'elle un acteur performant aux yeux de la municipalité. Cette dernière oriente en priorité son aide à des populations encore plus marginales, comme les sans–papiers, les déboutés ou des demandeurs d'asile accueillis chez des particuliers. La position de la municipalité revêt plus de caractéristiques propres à l'implantation et à la gestion du foyer, qu'à une volonté politique de demeurer discret face à cette population. La discrétion encouragée des élus et des gestionnaires des CADA ne permet pas d'éliminer tout discours discriminant et stigmatisant sur les demandeurs d'asile. Ces derniers justifient à eux seuls la marginalité de cette population. Section 2. Une certaine représentation sociale des demandeurs d'asile : entre stigmates et rejet de l'étranger Par leurs représentations sociales, les acteurs locaux s'approprient et réutilisent les critères 79 administratifs qui distinguent le « bon » du « mauvais » demandeur d'asile . Cette posture justifie alors l'accueil d'une partie seulement de cette population sans s'attarder sur les raisons premières de leur exil. Ce jugement est aussi une manière de s'armer contre les risques de déclassement dont une partie de la population peut être menacée. 2.1. La distinction opérée entre « bon » et « mauvais » demandeur d'asile La diffusion du discours d'extrême droite dans l'ensemble de la sphère politique depuis une vingtaine d'années a renforcé les représentations sociales stigmatisantes des étrangers. Celles-ci trouvent une résonance dans les récentes politiques d'immigrations françaises et européennes, qui ferment leurs frontières aux ressortissants de pays en développement. Seuls les « bons » étrangers et a fortiori demandeurs d'asile peuvent légitimement aspirer à vivre dans nos sociétés occidentales. Le critère du « bon » repose sur les origines raciales et culturelles des migrants ainsi que leurs « comportements » en France. 2.1.1 Discours discriminants et stigmatisants envers les demandeurs d'asile Les demandeurs d'asile sont l'objet de discours virulents de la part de certains habitants qui les accusent de tous les maux. Des pratiques illégales seraient monnaie courante au CADA, menaçant la sécurité et la tranquillité du territoire. Une des enquêtés sur le ton de la confidence déclare qu' « il y a de la drogue, y a eu tout, y a eu de la prostitution, y a 80 gens qui sont pas au courant, on voit de ces têtes et de ces cas » . Le foyer est alors plus qu'un lieu d'hébergement pour immigrés clandestins, il devient l'espace dans lequel des actes « déviants » ont lieu.Les intervenants sociaux reconnaissent que certaines pratiques existent dans les CADA comme l'usage de drogues, le trafic de cigarettes etc. La part du mythe et de la peur alimentent aussi ces représentations. Une travailleuse sociale à Fontaines St Martin affirme « qu'il y a des petits trafics, ça paraît plutôt logique, après que 81 ça soit des trafics affichés, je sais pas c'est pour ça que je pencherai plus pour le mythe » . La description alarmiste de certains voisins paraît plus fantasmée que réelle. Alimentée 79 80 81 SPIRE Alexis, op.cit., p 224 Entretien avec des voisins du CADA en conflit avec les demandeurs d'asile et la direction. Entretien n° 25 , p 196 Entretien avec une intervenante sociale au CADA. Entretien n°11, p 112 FLAMANT Anouk _2008 31 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires par la peur de l'inconnu, les échanges entre ces habitants et les demandeurs d'asile sont inexistants. Ces résidents de CADA sont aussi identifiées comme des personnes « assistées », bénéficiant d'une aide (trop) généreuse de la part de l' État et des intervenants sociaux. En comparaison avec d'autres petites gens, les demandeurs d'asile sont une catégorie favorisée. De nombreux habitants leur reprochent notamment de ne pas travailler, méconnaissant l'encadrement législatif leur interdisant, et de se complaire dans cet « assistanat ». Une enquêtée insiste sur le fait qu' « on [leur] donne tout ce qu'ils veulent, la 82 Sécu et ils travaillent pas! [...] Ils ont même des gens qui leur font leurs papiers » . Le CADA devient un lieu où il fait bon vivre, dans lequel un personnel effectue toutes leurs démarches administratives et les aide à bénéficier de l'ensemble des aides sociales (CMU...). Certaines personnes voient d'un mauvais oeil ces aides sociales, alors même que d'autres, français ou étrangers « intégrés », y accèdent difficilement. La comparaison est faite avec les résidents traditionnels des foyers Sonacotra « le monsieur au foyer, il est pas surveillé. Lui qui est pas français, qui est pas algérien, il a une retraite .... il a des ulcères aux jambes et tout... 83 il peut pas se payer » . Cet « assistanat » est dénoncé d'autant que les demandeurs sont supposés se « complaire » de cette situation. A plusieurs reprises, les enquêtés les comparent avec les immigrés italiens, polonais des années 30 ou maghrébins des années 60. Ils rappellent que ces derniers ont travaillé dur toute leur vie « ils les ont mis dans des usines de chiens, ils les ont fait travailler comme 84 des chiens» sans se plaindre et méritant ce qu'ils gagnaient. Le mythe d'une immigration de personnes fortes et travailleuses à l'opposée d'une immigration contemporaine de « profiteurs » est tenace « ils avaient un travail, ils étaient pas pris en charge pas la 85 commune [...] c'était très bien » . Pour autant, comme le rappelle Gérard Noiriel, les vagues successives d'immigrations au vingtième siècle ont suscité des représentations 86 sociales discriminantes et des violences envers les étrangers . Ces discours d'exclusion apparaissent comme une « nécessité » pour que les établis s'assurent de leur position dans la société. Les origines culturelles et raciales justifient également l'assignation des demandeurs d'asile à cette marginalité. Par exemple, les nuisances sonores provoqués par les demandeurs d'asile sont fonction de leur incapacité à vivre en immeuble, ils sont imaginés incapables de s'adapter aux standards de vie occidentaux. A ce propos, une enquêtée déclare « peut–être qu'ils ont pas cette vie là. Ils sont pas habitués à être dans des espaces 87 réduits » . On tolère leur présence territoriale de ce fait et leurs attitudes « anormales », sans échanger avec eux. Assez radicalement, cette même enquêtée ajoute que les roumains « c'est sa manière d'être, il faut qu'ils quémandent, il faut qu'ils piquent, ils sont 82 83 Entretien avec des voisins du CADA en conflit avec les demandeurs d'asile et la direction. Entretien n° 25 , p 197 Entretien avec la présidente, la trésorière et une membre l' Association Solidarité du Val de Saône, et un élu à la municipalité. E,ntretien n° 4, p 59 84 85 Entretien avec des voisins du CADA en conflit avec les demandeurs d'asile et la direction. Entretien n° 25 , p 197 Entretien avec une membre de l'ASVS et son mari opposés à une action de son association en faveur du CADA. Entretien Entretienn° 10, p 98 86 87 NOIRIEL Gérard, Etat,Nation et immigration, vers une histoire du pouvoir, op.cit. Entretien avec la responsable du Lien, association vaudaise de médiation, et la salariée de l'association. Entretien n° 24, p 190 32 FLAMANT Anouk _2008 Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité 88 comme ça on va pas les changer » . Cette impossibilité de dépasser les préjugés culturels alimente l'exclusion sociale des demandeurs d'asile. Cette exclusion est renforcée en fonction du pays dont sont issus les demandeurs d'asile. Quelques personnes reconnaissent qu'il est plus facile de comprendre et d'échanger avec des ressortissants des pays de l'Est et du Caucase que des Africains. Des caractéristiques globales sont accordées à chaque nationalité. Ainsi, une enquêtée assure que: « les bosniaques [et d'autres personnes de l'Est], on leur rend service mais ils rendent aussi à leur manière, ils cherchent pas à être une charge [...] je pourrai pas vivre avec eux une semaine, ils déménagent trop, [tandis que les africains, en l'occurrence subsaharien] ils ont plein d'autres qualités mais l'inactivisme...ils aiment bien vivre en communauté... ils sont pas stressants ...ils sont toujours 89 avenants » . La proximité du conflit yougoslave avec l'Europe augmente certainement l'empathie des acteurs locaux avec cette population majoritaire dans les CADA. La faible médiatisation des conflits africains peut, à l'inverse, expliquer l'incompréhension face à leur situation et le désintérêt relatif pour ces personnes. Ces représentations sociales, sans être volontairement excluantes expliquent la proximité qui s'installe avec certains demandeurs d'asile tandis que d'autres sont laissés pour compte. Dans une même logique, une travailleuse sociale observe que les habitudes alimentaires de personnes musulmanes créent des tensions. Lors de l'organisation d'un repas, une bénévole agacée au refus de certains de manger de la viande déclare « il y a quelques années c'était le porc, maintenant c'est la viande hallal, mais qu' est-ce que c'est ces dérives ? ». Petit à petit, les habitants et acteurs locaux acceptent cette diversité culturelle au prix de quelques tensions. Les familles musulmanes maghrébines souffrent d'autant plus de ces critiques qu'elles sont présumées plus fondamentalistes que les autres familles musulmanes. Ces discours permettent en filigrane et grâce au discours politico – administratif de distinguer « bon » et « mauvais » requérant étranger. 2.1.2 Accueillir les « bons » demandeurs d'asile: discours politico administratif relayé par les habitants 90 L'hospitalité de l'étranger est un « modèle asymétrique » : la personne accueillie a une infériorité de droits et de position. Être un « bon » demandeur d'asile consiste à accepter 91 cette règle et s'assurer de la respecter . L' État abonde en ce sens en posant les qualités propres du « bon » réfugié. Celui-ci varie au fil des périodes, dans les années 1960, le « vrai » en conséquence le « bon » réfugié pour l'administration française est hongrois tandis que les yougoslaves sont soupçonnés d'être des « opportunistes » et bénéficient peu 92 de ce statut . Cette logique développée dans les années 70 se perpétue aujourd'hui au travers des critères de régularisation et d'admission des étrangers en France. Les juges 88 89 90 91 92 Ibid p 189 Entretien avec une personne proche de RESF, mobilisée pour plusieurs familles, Entretien n° 1, p 10 GOTMAN Anne, « Introduction », in Villes et hospitalité. Les municipalités et leurs étrangers., op.cit,p 5 Ibid SPIRE Alexis, op.cit, p 227 – 228. FLAMANT Anouk _2008 33 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires de l'OFPRA et de la CNDA s'inscrivent dans cette démarche, en articulant perpétuellement leurs jugements entre le respect des droits de l'homme et « la défense des intérêts des 93 citoyens de la nation » . Aujourd'hui un « bon » demandeur d'asile se doit d'avoir une famille, un habitat et un 94 mode de vie comparable à la société hospitalière et être innocent . Même les comités de soutien s'emparent de cet argumentaire pour souligner que les personnes soutenues remplissent ces critères. Les efforts d'intégration de la famille pendant la procédure, l'adoption de comportements culturels proches, comme « le père il était dans l'équipe de 95 foot » , sont autant d'éléments mis en avant par les mobilisés. Les demandeurs d'asile qui vont à l'encontre de cette règle deviennent personae non grata. Un élu intervenant bénévole au CADA reprend cette idée : « si on a des familles qui ont super envie de s'intégrer faisons le. Par contre, je serais d'avis pour dire que ceux qui veulent pas s'intégrer, vous repartez![...] Moi 96 je dis ceux qui font les rigolos .... » . Être reconnu réfugié se fonde sur l'attitude en France, niant par là les critères d'obtention du statut relatifs aux conditions de vie dans son pays. Cette règle de l'hospitalité permet d'exclure une partie des demandeurs d'asile de la vie locale du territoire. Toutefois, elle est aussi utilisée comme argument des personnes mobilisées en faveur des déboutés. Les comités de soutien en viennent à encourager les demandeurs d'asile dès leur arrivée au CADA à s'investir personnellement sur le territoire. Comme le souligne un enseignant « franchement sans investissement, c'est moins de 97 soutien, et c'est des situations qui ont moins de chances d'aboutir » . Leur capacité à s'intégrer facilite les potentiels soutiens si ils sont déboutés, surtout si ils acceptent d'être considérés comme des « invités ». 2.2. La peur de l'étranger et du déclassement : « méthodes » de l'exclusion sociale La dynamique de l'exclusion sociale est encouragée par des habitants socialement proches 98 des personnes marginales. Comme le démontre Isabelle Coutant pour les relations entre squatters et habitants d'un quartier parisien, les personnes les plus critiques à l'égard du squat sont celles dont les conditions de vie sont les plus proches de celles des squatters. Bien que les enquêtés rencontrés ne soient pas d' anciens demandeurs d'asile, les plus opposés à leur inscription territoriale vivent souvent une forme de précarité. L'hospitalité à accorder aux demandeurs d'asile est remise en cause d'autant qu'elle s'effectue dans leur territoire. 2.2.1 La proximité sociale entraîne une exclusion d'autant plus forte. 93 NOIRIEL Gérard, Réfugiés et sans papiers. La République face au droit d'asile. XIX- XXème siècle,op.cit. 94 95 96 34 Entretien avec un enseignant mobilisé pour une famille déboutée, proche de RESF. Entretien n° 27 , p 207 Entretien avec la présidente, la trésorière et une membre l' ASVS, et un élu à la municipalité. Entretien n° 4, p 53 97 98 GOTMAN Anne, Le sens de l'hospitalité, op.cit, p 311 Entretien avec un enseignant mobilisé pour une famille déboutée, proche de RESF. Entretien n° 27 p 207 COUTANT Isabelle, op.cit. FLAMANT Anouk _2008 Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité A Fontaines St Martin et à Vaulx en Velin, les dominants en terme de capital social félicitent le métissage de la population, richesse pour le territoire, et insistent sur la volonté d'intégration des demandeurs d'asile. Ce discours est plus présent chez les St martinois, dont la mixité sociale peut être renforcée grâce à cette population. Le territoire vaudais, très métissé, identifie moins cette catégorie de la population comme une ressource particulière pour la commune. Les enquêtés au capital socio–économique plus faible ont un discours moins enthousiaste. Leur réussite sociale via notamment l'accession à la propriété leur apparaît constamment inquiétée par les risques de déclassement qu'ils peuvent subir. Certaines de ces personnes à la retraite déclarent peiner pour s'offrir des soins médicaux, s'acheter une nouvelle voiture etc tandis que les demandeurs d'asile ont des signes extérieurs de « richesse » (téléphone portable, voitures...) et bénéficient de prestations sociales. Ces critiques sont plus importantes à Fontaines St Martin où les habitants comparent facilement l'accès des uns et des autres à ces prestations. Ainsi, l'opération d'un strabbisme d'une jeune demandeuse d'asile a été félicitée, même si une enquêtée n'oublie pas de souligner que « c'est compliqué aussi dans un petit village, y a des 99 gens qui ont pas le droit à ça et du coup ça crée des tensions » . La comparaison favorise le rejet d'une population « assistée ». L'histoire des enquêtés surgit dans les entretiens pour expliquer leur discours sur les demandeurs d'asile. Ces personnes rappellent que leurs propres parents ont immigré en 100 France , qu'ils ont été « exploités » sans bénéficier d'un accompagnement social. Les souffrances endurées par les uns devraient l'être par les autres. La logique qui a prévalu pour leurs parents doit se poursuivre à savoir « on tolère un groupe marginal, méprisé, stigmatisé, et relativement impuissant tant que ses membres se contentent, conformément 101 à leur statut inférieur, en êtres subordonnés et soumis » . De façon plus radicale encore, la France, « terre d'accueil » dans les années 60, ne doit plus offrir ce type d'hospitalité à des immigrés qui contestent cette règle. Ces critiques sont plus importantes dans les discours des voisins du CADA. Certains ont enfin pu accéder à la propriété. Ce choix, signe d'une ascension sociale, aurait du leur permettre de ne plus rencontrer les problématiques de leurs anciens logements HLM. Or, ils se retrouvent confronter quotidiennement à des problèmes de voisinage équivalents. Ou tout simplement, ces habitants ont souhaité s'installer dans une commune paisible et loin des marginaux. Le CADA devient le symbole constant du risque de déclassement dont ils peuvent souffrir. 102 2.2.2. De l'argumentaire « NIMBY » : accueillir ailleurs ! La peur de ce déclassement social est souvent reliée à un discours condamnant , au delà des demandeurs d'asile, les institutions ayant opté pour cette localisation du CADA. Les enquêtés s'interrogent sur les raisons de cette implantation : pourquoi les pouvoirs publics préfèrent-ils leur concentration en un même lieu et non leur dispersion sur plusieurs territoires ? 99 100 101 102 Entretien avec la présidente, la trésorière et une membre l' ASVS, et un élu à la municipalité. Entretien n° 4, p 59 Entretien avec des voisins du CADA en conflit avec les demandeurs d'asile et la direction. Entretien n°25. Norbert Elias, « Notes sur les Juifs », Norbert Elias par lui-même, Paris, Fayard, 1991, p. 15 in COUTANT Isabelle, op.cit. NIMBY: Not In My Back Yard . FLAMANT Anouk _2008 35 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires L'imposition de cette population sur le territoire n'est pas perçue comme une filiation 103 avec les foyers Sonacotra, et elle est une « source de troubles à l'ordre public » affectant la valeur de leur bien immobilier. Leur confort de vie est mis en péril, sans aucune action de 104 la municipalité à qui : « tu paies tes impôts et tout, et en plus tu n'es pas tranquille » . Selon eux, leurs communes sont d'ores et déjà pénalisées par la faiblesse des revenus fonciers ou la présence importante d'immigrés. D'autres communes « sans handicap » refusent de se saisir de cette problématique alors même que cette hospitalité devrait être partagée. Les habitants ont aussi peur de l'attractivité du foyer pour une nouvelle population marginale. Ainsi, certains St martinois craignent la mise en place d'une association relais pour les déboutés pouvant attirer d'autres personnes à la recherche d'un accompagnement et d'une aide sociale. Cette même crainte justifie la distribution alimentaire d'une association St martinoise, Action de Solidarité en Val de Saône, ASVS, uniquement aux demandeurs d'asile envoyés par les travailleurs sociaux ou aux déboutés connus des bénévoles. A Vaux en Velin, les voisins du CADA soulignent cette attractivité dans leur quartier. L' accueil doit s'effectuer ailleurs et dans des conditions particulières notamment en insistant sur la nécessité de « contrôler » cette population perçue comme «déviante ». Ces peurs de l'étranger conduisent certains habitants à entretenir des relations uniquement conflictuelles avec le CADA et ses résidents. Cette absence de relations est alimentée par les demandeurs d'asile qui sollicitent et fréquentent peu les ressources territoriales de type associatif. Section 3. Le foyer et la communauté pour les demandeurs d'asile: 105 foyers d' « enclave protectrice » ? La procédure administrative d'asile occulte les souffrances des demandeurs d'asile, exilés pour survivre. En habitant dans un nouveau territoire, il leur est nécessaire de s'approprier ces espaces inconnus. Ils réapprennent à vivre, à faire le deuil de leur vie passée en 106 surmontant à la fois leurs inquiétudes et leur culpabilité d'avoir fui en laissant des proches . Leur avenir incertain et cette société hospitalière, peut-être que pour un temps, les conduit à échanger principalement avec ceux qui partagent les mêmes conditions de vie. 3.1 Souffrances de l'asile : les raisons du repli sur soi et des premiers pas vers l'intégration De manière récurrente, les demandeurs d'asile interviewés font état de l'absence de choix qui les ont conduit à s'exiler. Si les menaces proférées à leur encontre ne franchissent pas souvent les frontières, d'autres angoisses naissent de l'attente et des traumatismes vécus. Ceci les pousse à un repli familial et à investir timidement les structures autres que le CADA. 3.1.1 Des périodes d'attente angoissées : dynamique de repli familial 103 104 105 GOTMAN Anne, Le sens de l'hospitalité, op.cit., p 493 Entretien avec des voisins du CADA en conflit avec les demandeurs d'asile et la direction. Entretien n° 25, p195 BERNARDOT Marc, « Les foyers de travailleurs migrants à Paris.Voyage dans la chambre noire.», Hommes et migrations, n°1264, 2006, p 57 – 67 106 HENRY Pierre, « France Terre d'Asile, le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés », Échange santé social, n° 91, septembre 1998, p 36 FLAMANT Anouk _2008 Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité Les structures familiales des demandeurs d'asile ont très souvent été perturbées : des parents isolés débarquent avec leurs enfants, d'autres ont perdu des enfants ou des proches dans des conflits armés, ils ont été torturés, abusés etc. Ces traumatismes psychologiques lourds fragilisent leur capacité à se reconstruire d'autant que leur situation est incertaine. Les demandeurs d'asile retrouvent un équilibre en se recentrant sur leur environnement familial, sans avoir ni besoin ni l'envie d'investir de nouveaux espaces sociaux et territoriaux. Une travailleuse sociale raconte la façon dont une dame résidente au CADA s'est investie pour soutenir les autres résidents et initier des rencontres entre eux. Lors de l'arrestation de la famille Fihra, cette dame a « perdu pied, 107 et qui s'est dit qu'il fallait qu'elle se recentre sur elle même » . Cet investissement pour d'autres lui a fait oublier peu à peu les risques en cas de refus du statut. Se préoccuper en premier lieu de sa procédure et de sa famille lui est réapparu comme une évidence. Cette dynamique de repli familial justifiée par leur parcours d'exil est aussi renforcée par l'interdiction de travail et du peu d'activités proposées. Être actif peut permettre de reprendre pied dans la vie de tous les jours, et c'est à quoi l'école s'applique. 3.1.2 Les premiers pas sur le territoire : l'école et les structures associatives Les enfants sont les premiers découvrir activement la société française en étant scolarisés dès leur arrivée en CADA. Cette institution permet à des enfants marqués par « une grande 108 vulnérabilité » à se reconstruire dans l'exil, capacité dont ils sont incroyablement porteurs . Ils apprennent le français à l'école, élément fondamental à leur intégration. Celle–ci au sein de la classe se fait dans la quasi totalité des cas sans difficultés, et ces enfants sont souvent très demandeurs de savoir au même titre que leurs parents. La circulaire de juin 2006 a renforcé ce phénomène puisqu'elle pose comme critères de régularisation des sans – papiers la réussite et l'intégration scolaire des enfants. L'amitié entre enfants du CADA et enfants du territoire permet aux familles de tisser des liens avec d'autres habitants. C'est grâce à cette amitié qu'une famille rwandaise a été soutenue par deux familles St 109 martinoises . Les demandeurs d'asile isolés ou adultes ont un accès plus tortueux à la société française. La pratique spontanée d'activités associatives ou sportives est une des possibilités pour s'enquérir des normes sociales françaises. Cependant, peu de demandeurs d'asile parviennent à fréquenter individuellement ces activités, seules celles ayant trait à l'apprentissage du français le sont. Leur inscription à d'autres activités est souvent temporaire ou fait l'objet d'une pratique collective dans laquelle ensemble « ils se 110 sentent sécuriser » . Les demandeurs d'asile échangent peu avec les habitants et acteurs du territoire, les relations sociales se développent plus aisément entre membres d'une même communauté ou résidents d'un même palier. 107 108 Entretien avec une intervenante sociale au CADA. Entretien n° 11, p 107 MORO Marie Rose, BAROU Jacques (dir.) , Etude auprès des familles en demande d’asile dans les centres d’accueil, UNICEF / SONACOTRA, synthèse, octobre 2003 109 Entretien avec une parent d'élève et sa fille mobilisées pour une famille rwandaise en 2007. Lieu : un café à la Croix Rousse, le 27 février 2008 de 15h30 à 16h30. Entretien n° 7, p 83 110 Entretien avec le responsable jeunes / NTIC du Centre Social. Lieu: son bureau au centre social, le 11 avril 2008 de 15 h 30 à 16 h : Entretien n°26, p 199 FLAMANT Anouk _2008 37 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires 3.2. Établir de nouveaux liens sociaux : la prégnance des échanges intra communautaires et entre demandeurs d'asile Vivre au foyer, c'est vivre dans un microcosme bâti pour être autonome et pour avoir un minimum de contact avec l'extérieur. Le foyer fonctionne comme une enclave protectrice, 111 il est « un espace de protection des demandeurs d'asile pour se reposer » malgré la précarité de leur statut. Fraîchement débarqués de leur voyage d'exil, la rencontre avec une nouvelle société est marquée par leurs difficultés à communiquer et à comprendre cette nouvelle culture. Cela participe activement au repli sur le CADA et leur communauté. 3.2.1 La problématique de la langue : le déficit de communication La plupart des demandeurs d'asile ne sont pas francophones, et apprendre une langue à trente ou quarante ans est un travail de longue haleine. Cette première barrière d'intégration à laquelle ils sont confrontés les conduit à échanger principalement avec leur communauté 112 présente au CADA, ou d'autres résidents avec qui ils ont une langue commune . Les demandeurs d'asile peinent à avoir ne serait ce que de simples relations de voisinage. La communication avec les enseignants est par exemple laborieuse. Si ces échanges sont appréciés par les enseignants, « il y a des barrières de langue qui sont 113 terribles » limitant une implication des parents plus conséquente dans la scolarité de leurs enfants. De la même manière, les demandeurs d'asile à la distribution alimentaire de Fontaines St Martin échangent peu avec les membres de l'ASVS. Ceci est d'autant plus vrai qu'une seule pièce accueille les colis, et aucun coin café n'est aménagé pour des échanges plus individuels et prolongés. Les demandeurs d'asile ne peuvent alors se saisir de ce moment pour discuter en français et rencontrer d'autres habitants du territoire. Cette absence de lieu convivial se justifie à la fois par la disposition de la pièce et la volonté de contrôle des 114 bénévoles du nombre de personnes présentes en même temps. Cette difficulté de l'échange avec les acteurs locaux les amène à échanger principalement au sein de leur communauté ou avec les autres résidents du foyer. 3.2.2 Échanger avec ceux qui nous comprennent Les relations communautaires s'expliquent par la maîtrise d'une langue commune, par le partage de mêmes normes sociales mais aussi par les représentations sociales partagées sur d'autres cultures. Certains demandeurs d'asile ont des propos discriminants vis à vis d'autres résidents du foyer tandis qu'ils ont subit ce même type de discours dans leur pays d'origine. La directrice du CADA avoue avoir été quelque peu secouée par ces attitudes : 111 BERNARDOT Marc, « Les foyers de travailleurs migrants à Paris.Voyage dans la chambre noire.», Hommes et migrations, n °1264, 2006, p 57 – 67 112 Quelques communautés comme la communauté kurde géorgienne est en très petite sur l'agglomération lyonnaise. Souvent dans ce cas, elles échangent au travers d'une langue commune, souvent le russe avec d'autres peuples comme les tchétchènes ... 113 114 Entretien avec la directrice de l' école primaire de Fontaines sur Saône. Entretien n° 13, p 126 Participation à une distribution alimentaire de l'ASVS, rencontres avec les bénévoles et les demandeurs d'asile, Séance d'observation n° 29, p 223. 38 FLAMANT Anouk _2008 Partie 1: Regards croisés sur deux CADA : de la méconnaissance à la marginalité « ce qui est surprenant au début, moi au début j'avais du mal, parce que justement ils viennent parce qu'ils souffrent pour des raisons religieuses, ils ont 115 été rejetés et ils reproduisent les mêmes choses » . Les gens du voyage sont ceux qui souffrent le plus de ces discours stigmatisants diffus dans l'ensemble des pays européens. Les demandeurs d'asile du Caucase ont aussi parfois des difficultés avec les résidents africains. Ce phénomène d'exclusion renforce le communautarisme, et les demandeurs d'asile adoptent aussi des représentations sociales présentes en France à propos des immigrés ou enfants d'immigrés maghrébins. Ce repli intra – communautaire démontre aue l'échange est plus facile avec ceux qui ont vécu et vivent les mêmes événements que soi. Une réfugiée déclare toujours visiter ses voisins de palier, amis du foyer qui connaissent les mêmes difficultés et conditions de vie: l'attente, la collectivité etc. Des tensions surgissent aussi au CADA entre familles notamment pour l'éducation des enfants. Cela participe à recréer au foyer un microcosme social dans lequel les relations sociales se font et se défont. Une enquêtée souligne que le caractère villageois de Fontaines Saint Martin « se recrée dans le foyer, dans le sens où les gens savent qui habitent ici 116 ou dans la résidence à côté » . Les demandeurs d'asile se connaissent, échangent entre eux et constituent une entité à part. Cette cohésion est moins nette à Vaulx en Velin, une intervenante du centre social note que lors de ses ateliers au CADA elle « n'[a] jamais eu 117 l'impression d'avoir un groupe constitué, mais une somme d'individus » . Si les demandeurs d'asile vivent en marge de ce territoire, ils l'apprécient. De nombreux réfugiés souhaitent trouver un logement à proximité, pour maintenir la scolarité des enfants et conserver leur réseau de connaissances intra ou extra communautaires. Les familles déboutées qui se maintiennent clandestinement font le même choix pour ne pas descolariser leurs enfants et s'appuyer sur les réseaux connus d'aide sociale et de soutien. La marginalité multi-dimensionnelle dont souffrent les demandeurs d'asile a été analysée dans cette première partie. Toutefois, cette marginalité permet de nous renseigner sur les façons dont les CADA échangent avec leur territoire. Ces échanges au premier regard sont discrets et concernent peu d'acteurs. Pour autant, de véritables liens se tissent entre les demandeurs d'asile et les acteurs locaux, que ce soit pour soutenir ou s'opposer à leur présence. De quelle manière le CADA et sa population parviennent – ils à façonner, à leur manière, le territoire et échanger avec celui – ci ? 115 Entretien avec la directrice du CADA géré par Forum Réfugiés. Entretien n° 21, p 174 116 117 Entretien avec une intervenante sociale au CADA. Entretien n° 11, p 112 ,Entretien avec la responsable du pôle familles au centre social. Entretien n° 28, p 211 FLAMANT Anouk _2008 39 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Partie deux: Au delà du premier regard, les CADA et leurs populations marquent et échangent avec leur territoire Les rencontres successives avec les habitants et les représentants institutionnels nous montrent que le CADA est une entité ayant un impact territorial. Sa marginalité est amoindrie par des interactions entre les CADA et les acteurs locaux, ce qui permet aux demandeurs d'asile de s'inscrire à petites touches dans la vie locale. Comment les CADA parviennent – ils à interagir avec les autres acteurs du territoire? Quels sont les acteurs actifs dans ces interactions ? Comment les demandeurs d'asile marquent le territoire et quelles en sont les conséquences ? Les acteurs institutionnels et en particulier la municipalité et l'école sont les premiers confrontés à cette nouvelle population. Néanmoins, des acteurs associatifs et les habitants ont eu aussi envie de proposer des activités les aidant à gérer cette attente. Ces initiatives nécessitent un appui politique pour les coordonner (Chapitre 3). Ces échanges sont accentués et renforcés lors de mobilisations en faveur de certains déboutés du droit d'asile. Ce temps des mobilisations donne une visibilité sur la place publique aux CADA et à ses résidents. Cependant, les mobilisations sont aussi source de tensions entre les acteurs locaux. Le soutien aux demandeurs d'asile revêt de multiples formes dont certaines rencontrent la désapprobation d'autres acteurs locaux. Ces divergences d'opinion interrogent une fois de plus la place du CADA et des demandeurs d'asile dans le territoire. Si les demandeurs d'asile échangent avec le territoire, ces échanges sont parfois conflictuels. Ces tensions participent à l'inverse des mobilisations à un mouvement d'exclusion sociale et politique. Ces rejets sont de prime abord motivés par les « nuisances » du CADA, puis des paroles discriminantes envahissent le discours des enquêtés (chapitre 4). Chapitre 3: Un réseau d'acteurs importants : entre prise en considération active et timidité politique L'hospitalité contrainte des communes engendre l'établissement ne serait ce qu' administratifs d'échanges avec le CADA pour la scolarisation des enfants etc. De quelle manière cette hospitalité s'incarne dans les relations entre les acteurs locaux et le CADA ? Quelles réponses ces acteurs peuvent apporter pour inclure cette population à la vie sociale territoriale ? A quels freins font – ils face pour s'engager véritablement auprès des demandeurs d'asile ? 40 FLAMANT Anouk _2008 Partie deux: Au delà du premier regard, les CADA et leurs populations marquent et échangent avec leur territoire Deux acteurs entretiennent des relations suivies avec le CADA et leurs résidents: les municipalités et les écoles. Ils soutiennent logistiquement et politiquement cette population en étant parfois même relais ou initiateurs de mobilisation (section 1). D'autres acteurs socio – culturels désirent aussi s'investir auprès de cette nouvelle population. Certains se sont saisis depuis plusieurs années de cette problématique, tandis que les récentes mobilisations ont donné envie à de nouveaux acteurs de s'impliquer. En leur fournissant les clés d'une nouvelle intégration sociale, les acteurs locaux ont pris conscience des limites de leur action et appellent à un partage et à une coordination territoriale (section 2). Section 1. Des acteurs institutionnels clés pour le CADA : les municipalités et les écoles Les municipalités et les écoles, premiers acteurs en lien avec le CADA, ont mis en place des dynamiques de soutien afin d' assurer une intégration a minima nécessaire à la cohésion territoriale. Comme le décrit Grafmeyer, l'appartenance à un même « espace résidentiel n'est pas un système d'interaction évident mais il suscite des occasions d'interaction ou au 118 moins des situations de co-présence » . Ces situations de co – présence et d'interaction sont au coeur des politiques municipales impulsées sur les deux territoires, ainsi que celles des écoles. Ces politiques sont fonction de leurs regards sur l'asile. 1.1. Loin de leurs compétences légales, l'hospitalité des communes Dès les premiers mois des CADA ou des AUDA, l'hospitalité des municipalités s'est incarnée dans leur politique sociale. Celle–ci a permis d'intégrer provisoirement les résidents aux territoires, et d'assurer un contrôle de population notamment en cas de refus de l' OFPRA et de la CNDA. 1.1.1 Favoriser la vie quotidienne des demandeurs d'asile via l'action sociale municipale Si la présence des CADA a été imposée aux municipalités, elles ont volontairement adopté une politique sociale en leur faveur. Les demandeurs d'asile bénéficient d'un soutien financier des mairies via des aides pour la restauration et les voyages scolaires, ou le transport. A Vaulx en Velin, le calcul du quotient municipal par famille est un atout pour accéder aux équipements municipaux à un tarif réduit. Néanmoins, les demandeurs d'asile de Forum Réfugiés et d'Adoma fréquentent très peu les CCAS puisque la quasi totalité de la prise en charge sociale est assurée par les intervenants sociaux du CADA. Les municipalités apportent également un soutien logistique et financier aux CADA et aux associations locales en lien avec la problématique d'asile comme Forum Réfugiés ou l' ASVS. Leur engagement peut se traduire par la mise à disposition de locaux pour les associations ou par l' accueils à prix réduits de leurs résidents dans des équipements culturels. Dans une optique de solidarité, la municipalité St martinoise et la MJC coorganisent un goûter de Noël auquel les enfants du CADA sont conviés. 118 GRAFMEYER Yves, op.cit. , p 44 FLAMANT Anouk _2008 41 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Ce soutien est limité en théorie à la procédure de demande d'asile. Toutefois, des initiatives politiques en faveur de personnes déboutées ont eu lieu dans les deux municipalités. La ville de Vaulx en Velin s'est plus fortement impliquée dans ce combat politique par l'intermédiaire de parrainages républicains et d' aides exceptionnelles du CCAS. La municipalité St martinoise a refusé cette démarche, même si un soutien politique discret a eu lieu pour l'ensemble des familles déboutées en 2006 et 2007. Sans toujours être couronné de succès, ce soutien a surtout permis aux acteurs locaux mobilisés ou non de se rencontrer. Dans les communes environnantes, des parrainages républicains ont été organisés notamment en juin 2007 dans le parc de la mairie de Fontaines sur Saône pour trois familles déboutées. L'ensemble de ces initiatives participe à un accueil de qualité pendant la durée des séjours des demandeurs d'asile. Elles sont rendues possible grâce aux relations de partenariat et de confiance entre les équipes du CADA et les élus. 1.1.2 Les municipalités et les gestionnaires des CADA: des relations de confiance et des interférences Les élus et les équipes gestionnaires de CADA ont mis sur pied des relations d'échanges et de confiance via l'interpénétration forte entre les institutions. A Vaulx en Velin, la participation du maire au Conseil d' Administration de Forum Réfugiés pendant plusieurs années a joué un rôle capital. Les rencontres avec la direction du CADA vaudais sont régulières, en particulier pour s'entretenir de l'avenir des familles déboutées, l'action des comités de soutien etc. Si certains élus ont des positions politiques très militantes pour la régularisation des sans-papiers, le maire a adopté une position pragmatique pour aider ces familles. Celui-ci a maintenu ses engagements pour une politique d'immigration respectueuse des droits des étrangers en considérant Forum Réfugiés non pas comme une association « trop légaliste » mais comme une association relais et incontournable du droit d'asile. Ceci leur a permis de ne pas s'opposer à la direction du CADA en cas de sorties de déboutés mais de faire pression auprès des institutions compétentes comme la Préfecture. Cette posture politique est appréciée des travailleurs sociaux du CADA, qui ont pu informer et échanger sur le cas de chaque famille avec le maire. Ils ont envisagé ensemble les recours à l'urgence sociale et les recours administratifs. Comme le souligne la directrice du CADA, « à chaque moment ils sont venus vérifier les informations [...] pour travailler avec 119 les familles. Là dessus on est d'accord pour que ça remonte à la DDASS » . Les positions de chacun sont connues afin de travailleur au mieux pour les demandeurs d'asile. L'installation en 2000 de l' AUDA à Fontaines St Martin a suscité la mobilisation spontanée d'habitants pour donner des cours de français et du soutien scolaire aux demandeurs d'asile. Interpellée par la prolifération des acteurs intervenants, l'adjointe aux affaires sociale a essayé de coordonner ces interventions. La commission générale, baptisée le Soutien Aux Demandeurs d'Asile (SADA), a réunit tous les partenaires du Val de Saône actifs à l'AUDA, et créé des sous – groupes de travail autour de : soutien scolaire, cours d'alphabétisation, cours de français langue étrangère, et un projet jardin. D'autres élus se sont investis personnellement dans ces activités bénévoles ce qui a rendu visible le CADA à la mairie. Ces liens se sont encore renforcés en 2005 lors de la transformation de l 'AUDA en CADA et la prise de poste comme travailleuse sociale de l'élue aux affaires sociales. Un tournant décisif s'amorce comme le reconnaît d'ailleurs l'intéressée « ça m' a 119 42 Entretien avec la directrice du CADA de Vaulx en Velin, géré par Forum Réfugiés. Entretien n° 21, p 166 FLAMANT Anouk _2008 Partie deux: Au delà du premier regard, les CADA et leurs populations marquent et échangent avec leur territoire 120 permis d'aller plus vite, je connaissais les personnes, les bénévoles » . Les besoins des demandeurs d'asile sont connus et relayés au sein de la municipalité. Les relations avec le CADA se renforcent, les bénévoles gagnent en reconnaissance même si leur action est plus institutionnalisée et contrôlée. Ces échanges privilégiés avec le CADA persistent après le départ de l'adjointe du foyer puis du Conseil Municipal. Toutefois il est plus difficile pour les nouveaux travailleurs sociaux de se saisir à plein de ce réseau, les interconnaissances sont moindres d'autant plus que ces derniers ne sont pas St martinois. La direction du CADA félicite cette relation privilégiée qui leur assure un soutien politique sans s'opposer à eux gestionnaires en cas de sortie du CADA: « l'avantage de quelqu'un qui est infiltré au CADA et à la mairie, [c'est qu'] il pouvait porter un discours un peu cohérent, donc la mairie appréhendait bien la question, et [la mairie ] est restée très en retrait par rapport aux opérations un peu médiatique de parrainage républicain [...] ils ont pas forcément versé dans la 121 sensiblerie » L'intégration institutionnelle du CADA permet une qualité de travail pour les intervenants sociaux et les municipalités. Ces dernières s'emparent plus aisément des enjeux de l'asile et peuvent être relais auprès de leurs citoyens pour les leur expliquer. Une certaine adéquation entre les discours des municipalités et les gestionnaires permet ce travail d'échange et de confiance. Les réserves de Adoma et de la municipalité St martinoise pour un combat politique en faveur de l'asile contraste avec les prises de position politique du maire de Vaulx en Velin et de l'association, « lobby » au niveau national sur l'asile (malgré ses positions parfois légalistes reprochées par certains militants). Ce lien est complété par l'école, première institution confrontée quotidiennement au familles demandeurs d'asile. 1.2. L'école : un lieu d'engagement et de considération L'école est un des premiers lieux d'accueil pour les demandeurs d'asile, même si les récentes augmentations arrivées d'isolés atténue cette primauté. L'école joue un rôle à la fois dans la procédure d'asile en offrant une réponse à l'attente et est le lieu premier des cristallisations en faveur des mobilisations. 1.2.1 Un partenariat efficace au service des enfants La relation entre les demandeurs d'asile et l'école s'établit au travers d'une première rencontre, lors de l'inscription des enfants, dans laquelle la famille est accompagnée d'un intervenant social du CADA et souvent d'un traducteur. Cette rencontre permet d'expliquer aux parents le fonctionnement de l'école en France. Ce moment est fondamental puisqu'il est souvent l'unique temps d'échange entre les familles, l'école et le CADA grâce à la présence d'un traducteur. Les relations école – CADA sont assez épisodiques, sauf en cas de graves difficultés sociales ou psychologiques des enfants ou des familles, et lors des sorties des familles du CADA. L'école est une parenthèse pour ces enfants, ils vivent quelques heures loin des angoisses et de l'attente. Conscientes de ce rôle, les écoles tentent de s'adapter au mieux 120 Entretien avec l'élue aux affaires sociales de la municipalité 2000 – 2008, ancienne intervenante sociale au CADA. Lieu: Son domicile, le 26 mars 2008 de 16 heures à 16 h50 : Entretien n°14, p 132 121 Entretien avec la directrice du CADA de Fontaines St Martin, géré par Adoma. Entretien n° 3, p 37 FLAMANT Anouk _2008 43 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires à ces enfants. Si les premiers temps les enseignants ont travaillé à intégrer ces enfants, les récentes expulsions ou départs du CADA ont modifié leur attitude. La scolarité s'oriente en priorité sur l'apprentissage du français et non sur la valorisation de leur présence dans les classes. Les enseignants se résignent à cette présence souvent de courte durée dans le système scolaire français. Les demandeurs d'asile investissent de façon considérable l'école, passerelle évidente à l'intégration et la réussite sociale de leurs enfants. Les enseignants soulignent tous l'investissement de la quasi – totalité des enfants dans leur scolarité et de leurs rapides progrès dans la maîtrise du français. Toutefois, certains soulignent que la présence d'un enfant du CADA dans une classe demande une plus grande énergie et disponibilité. Ceci se retrouve d'autant plus dans les paroles des enseignants vaudais, confrontés à d'autres élèves en difficulté. L' école est aussi le lieu qui offre aux parents la possibilité de retrouver un cadre, les aidant à reprendre pied dans la vie de tous les jours. Une directrice d'école insiste tout particulièrement sur le rôle de cette institution, « leur seul moyen pour se recadrer [...]sinon 122 on y arrive jamais » . Les enfants de demandeurs d'asile sont pris en charge par l'école ce qui leur permet de connaître les autres habitants du territoire et d' être connus. Ce lien créé est le premier élément déclencheur des mobilisations en faveur de familles déboutées. Les comités de soutien sont principalement à l'initiative des parents d'élèves ou d'enseignants opposés au départ de ces familles, ce qui interroge la position de l'école dans ces mobilisations. 1.2.2 Tensions entre comité de soutien et associations RESF a vu le jour en 2005 suite aux expulsions de plus en plus importantes d'enfants sans titre administratif, qu'ils soient enfants de déboutés du droit d'asile ou d' immigrés « clandestins ». A l'initiative d'enseignants et/ou de parents d'élèves, les comités de soutien se sont multipliés dans la France entière. Ces comités de soutien ont interrogé le rôle des intervenants sociaux des CADA, créant des incompréhensions et des rancoeurs. Ceci a été renforcé par des critiques des gestionnaires de CADA envers les enseignants, « accusés » de découvrir au dernier moment la situation des familles sans s'empêcher de critiquer l'accompagnement social offert. Au delà de ces frictions, lors de ces soutiens, le rôle de l'école est interrogé par les équipes enseignantes et les professionnels de l'asile. Nos trois groupes scolaires ont choisi non pas de se mobiliser comme école mais à titre individuel, qu'ils soient parents d'élèves ou enseignants. Ce choix respecte les injonctions de l'inspection académique sur le devoir de réserve des enseignants et a permis de limiter les conflits au sein de l'équipe pédagogique et avec certains parents d'élèves. Le rôle premier de l'institution, l'éducation, est maintenu sans s'engager dans des démarches plus politiques. La persistance de situations administratives complexes ou d'expulsions en dépit de soutiens forts ont alimenté un défaitisme dans le discours de certains enseignants. Les petites victoires obtenues par les avocats ont renforcé l'impression d'inutilité de leur action aux enseignants. Une directrice d'école nous confie qu'aujourd'hui son équipe, déçue, 123 « n'arrive pas à adhérer à ce combat, perdu d'avance » , d'où une mobilisation plus limitée pour de nouvelles situations. Ce sentiment de lassitude s'est propagé au sein des 122 123 44 Entretien avec la directrice de l'école maternelle. Lieu: le 1 avril 2008 de 10 heures à 10 h 45 : Entretien n° 23, p 186 Entretien avec la directrice de l' école primaire de Fontaines sur Saône. Entretien n°13, p 128 FLAMANT Anouk _2008 Partie deux: Au delà du premier regard, les CADA et leurs populations marquent et échangent avec leur territoire équipes enseignantes qui reconnaissent manquer d'énergie. Cette énergie à consacrer est un frein de plus à des mobilisations d'envergure. Les personnes toujours prêtes à se mobiliser reconnaissent que l'énergie nécessaire est de taille. Cette dernière est d'autant plus conséquente que souvent les familles épuisées et angoissées se reposent entièrement sur les épaules des mobilisés. Ainsi, certaines personnes ne s'investissent plus auprès de personnes mais favorisent le combat politique pour le droit d'asile. La probable répétition de ces situations avec de nouvelles familles interroge le devenir de la position des écoles. Les enseignants insistent sur le devoir d'égalité et de justice entre tous les enfants, qui impliquent une mobilisation pour tous les nouveaux cas. Or, ceci est une difficulté, si certaines familles intégrées et volontaires à l'école captent facilement l'attention des enseignants et des parents d'élèves, d'autres moins intégrées ont été expulsées sans aucun soutien. Cette inégalité de traitement des familles est reprochée par les intervenants sociaux qui affirment aider pendant la procédure tous les demandeurs d'asile de la même manière. La logique du « bon » demandeur d'asile est reprise par ces comités de soutien, ce qui entre fondamentalement en contradiction avec le discours égalitaire et fraternel de l'école. Les écoles sont le lieu où s'expriment les questionnements sur l'opportunité des mobilisations en faveur des déboutés du droit d'asile. Le défaitisme domine chez certains enseignants, tandis que d'autres avec le soutien de citoyens mobilisés soutiennent toujours les familles en s'aventurant parfois au delà de la légalité. D'autres acteurs associatifs participent à l'intégration des demandeurs d'asile sur les territoires de façon plus timide et plus réservée. Section 2. Les associations locales et les relais habitants : moteur des relations avec les demandeurs d'asile La volonté d'associations territoriales de s'emparer de la question des demandeurs d'asile s'est renforcée ces dernières années suite aux mobilisations. Ces acteurs ont appréhendé chacun à leur manière ce travail avec les CADA. Ainsi, l' ASVS, Action Solidarité en Val de Saône, est exemplaire puisque si elle a relayé les initiatives de la municipalité, elle est devenue le partenaire associatif principal du CADA. D'autres acteurs associatifs ou collectifs habitants ont souhaité s'investir auprès de cette population sans relais institutionnel ni politique. 2.1. L'ASVS : une association motrice à Fontaines St Martin pour l'intégration ? Les premiers habitants investis auprès des demandeurs d'asile ont agit indépendamment sans aucune coordination de leurs actions. Le SADA naît pour organiser ces initiatives et sollicite l' ASVS pour la distribution alimentaire. Quelques bénévoles de l'association acceptent cette demande, refusant de laisser pour compte cette nouvelle population. Cette nouvelle politique est porteuse de conflits au sein de l' ASVS, alors même que certains acteurs locaux interrogent les modalités et la philosophie de cette aide. 2.1.1 L'AUDA : origine du mouvement habitants et associatif L'ASVS naît en 1992 pour soutenir des projets d'école et d'orphelinat au Sénégal et au Niger. L'association regroupe des habitants de Fontaines St Martin et d'autres communes voisines. Trois actions sont mises en place pour récolter des fonds : un marché africain FLAMANT Anouk _2008 45 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires annuel le deuxième samedi de juin, une brocante à l'école, et la vente de planches de dix tickets repas à 4 euros l'un. L'arrivée de l' AUDA sur le territoire conduit certains habitants à se mobiliser pour les demandeurs d'asile. L' ASVS s'interroge alors sur les modalités d'une aide en leur faveur. La municipalité les sollicite pour prendre en charge la distribution alimentaire (2002), qui s'étoffe au fil des années à une distribution ponctuelle de vêtements, de mobiliers etc. Une partie des bénévoles acceptent d'oeuvrer dans ce cadre, en se rendant une fois tous les 124 quinze jours les mardis à la Banque Alimentaire et distribuer les colis les jeudis matins . L'association accepte également que les bénévoles du soutien scolaire et des cours de français deviennent membres de l' ASVS, afin qu'ils bénéficient d'une responsabilité civile (la prise en charge de la cotisation est faite par le CADA). Cet engagement de l'association repose sur une poignée de membres, dont la présidente et la trésorière de l'association. Convaincues que les demandeurs d'asile sont une population à aider, ces dernières ont investi le partenariat informel mis sur pied avec le CADA et la municipalité. Ceci a été d'autant plus facile que des bénévoles sont par ailleurs élus au Conseil Municipal, dont la présidente de l'association depuis mars 2008. Ce partenariat a permis à l' ASVS de fonctionner puisque la municipalité met à disposition une camionnette pour se rendre à la Banque Alimentaire et une salle municipale pour la distribution. Les critères d'accessibilité à la distribution alimentaire ont été définis entre le CADA, la municipalité et l' ASVS. Les personnes dont la demande a été refusée à l'OFPRA peuvent solliciter cette aide. La distribution alimentaire est considérée comme un « coup de pouce » pour aider les demandeurs d'asile à payer les frais d'avocat (très souvent engagés pour former un recours devant la CNDA). Seuls les demandeurs d'asile dont le nom a été communiqué par les travailleurs sociaux du CADA sont acceptés à la distribution alimentaire. L'association a voulu prévenir toute mendicité et de débordement en imposant ce système. Cette aide alimentaire se poursuit suite à une décision de l' ASVS aux personnes déboutées qui vivent sans aucune ressource financière légale - hormis un petit pécule alloué par le conseil général pour les enfants de l'ordre de 90 euros par mois - . Notre participation à un distribution alimentaire en mars nous a montré que les bénévoles adaptent leur colis en fonction des demandeurs d'asile. Des attentions particulières sont destinées aux familles avec des enfants en bas âge (distribution de lait en poudre, couches...), ou aux personnes déboutées pour lesquelles les bénévoles préparent volontairement des colis plus conséquents. Les demandeurs d'asile ayant parvenu à échanger avec les bénévoles bénéficient aussi d'attentions particulières. Ce soutien de l'ASVS est considéré comme apportant une véritable aide aux demandeurs d'asile en recours ou débouté. Toutefois, cet engagement est critiqué par d'autres membres ou anciens membres de l'association, et leurs modalités d'aide le sont aussi. 2.1.2 L'ASVS: un interlocuteur pour relayer d'autres initiatives L'ASVS a connu de fortes tensions au sein même de son bureau et de son assemblée générale en choisissant d'aider les demandeurs d'asile. Les opposants à cette action ont argué que celle-ci va à l'encontre des statuts de l'association et qu'ils suppléent à un manquement d' État. Face à ces divergences, l'association a décidé d'engager un 124 Annexes n°29, Participation à une distribution alimentaire de l'ASVS, rencontres avec les bénévoles et les demandeurs d'asile, p 214. 46 FLAMANT Anouk _2008 Partie deux: Au delà du premier regard, les CADA et leurs populations marquent et échangent avec leur territoire budget restreint pour cette action, soit environ 500 euros pour un budget annuel de 7500 à 8000 euros. Son intervention est aussi circonscrite à cette aide alimentaire, même si elle a récemment accepté de co-organiser des soirées de soutien aux demandeurs d'asile avec d'autres associations. L'association a refusé l'octroi d'aides financières directes à des demandeurs d'asile même si certains membres reconnaissent les premiers temps avoir cherché des activités rémunérées pour quelques déboutés. Ainsi, l' ASVS a refusé d'intervenir financièrement pour aider une femme rwandaise à payer les billets d'avion pour que ses deux filles la rejoignent. En revanche, elle a conseillé aux deux habitantes mobilisées de se constituer en association pour soutenir légalement et efficacement cette femme. De la même manière, l'ASVS a encouragé un collectif habitant à se monter en 125 association qui oeuvrent pour les familles déboutées. C'est dans ce cadre que l'AFFD est née en janvier 2008. Ces membres de l' ASVS se sont fortement impliqués les premiers temps auprès de ces familles. Sans mesurer les difficultés sociales et psychologiques de ces personnes, les bénévoles ont parfois eu le sentiment d'être « utilisés ». De véritables déchirements se sont aussi produits lors du départ de certains demandeurs d'asile, dont les conditions de vie ont été très précaires avant leur départ. C'est notamment le cas avec un ingénieur arménien qui après être sorti du CADA a vécu sous une tente et dans sa voiture. Les bénévoles épuisés et affectés moralement ont repensé leur intervention auprès des demandeurs d'asile. Aujourd'hui, les membres de l'association, en grande majorité des femmes de plus de quarante ans, limitent leurs relations avec les demandeurs d'asile pour supporter les départs du CADA. Les bénévoles ont des difficultés à comprendre l'attitude de la majorité des demandeurs d'asile face à leur action. L'absence de remerciements de leur part est une questionné récurrente et discutée au sein de l'association. L'organisation de la distribution alimentaire explique en partie cette absence. Les demandeurs d'asile passent rapidement le jeudi matin récupérer leur colis sans pouvoir échanger avec les bénévoles. Après quelques épisodes où les bénévoles se sont sentis non maître de la situation, ils préfèrent donner sans échanger avec les demandeurs d'asile. Cette charité met mal à l'aise la majorité des demandeurs d'asile, comme elle met mal à l'aise les travailleurs sociaux. Dans une position d' « assistanat » où ils se sentent éternellement redevables, dès l'obtention du statut, les réfugiés veulent sortir de cette position. Remercier peut être une ultime manière de ressentir cette position inconfortable. Les bénévoles ont aussi réalisé petit à petit, que si la distribution alimentaire est un plus, les demandeurs d'asile n'ont pas faim. Comme le rappelle une travailleuse sociale, « ce qui est difficile pour l'ASVS c'est que les gens ici ce ne sont pas les plus à plaindre, enfin je modère mais mes familles à l'hôtel, ils ont aucune ressource, .... alors que ici elles ont des revenus faibles mais qui permettent de faire des choses, et du coup il y a des relations, des partenariats. [...] Du coup par rapport à Lyon où les assocs caritatives ont réduit ce qu'elles donnent car elles ont trop 126 de public, on n'est pas sur le même niveau de besoin » 125 Aujourd'hui, les bénévoles acceptent plus facilement que les demandeurs d'asile choisissent ce qu'ils veulent manger. Cela a été possible lorsque ceux-ci ont découvert une partie de la nourriture distribuée dans des poubelles de la commune. Néanmoins, leur sympathie se AFFD : Association en Faveur des Familles Défavorisées. Association dont la mission est de venir en aide aux demandeurs d'asile déboutés du CADA, aides financières pour payer par exemple la cantine des enfants, un logement, aides à un emploi,etc. 126 Entretien avec une intervenante sociale au CADA. Entretien n° 11, p 113 FLAMANT Anouk _2008 47 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires tourne plus vers ceux qui acceptent sans un mot cette charité que ceux qui choisissent pour des raisons culturelles ou de goût les paquets. Les bénévoles accordent alors plus de temps et d'énergie à ces « bons » demandeurs d'asile. Ces échanges sont aussi conditionnés par l'origine des demandeurs d'asile, les familles de l'Est ou du Caucase, supposées culturellement plus proche de notre société, ont établi plus de liens avec l' ASVS que les Africains. La démarche caritative dans laquelle s'inscrit l' ASVS nous interpelle comme elle interpelle les travailleurs sociaux. Pour ces derniers, il s'agit d'oeuvrer dans le sens d'une autonomie des demandeurs d'asile et d'élaborer des projets communs d'échanges de compétences que de les positionner dans une situation d' « assistés redevables ». La distribution alimentaire souligne qu'il est difficile d'échanger entre demandeurs d'asile et bénévoles, sans que ces derniers sur-investissent cette relation sur le plan affectif, 127 et que les premiers ne vivent pas ici encore leur « infériorité de droit et de position » . L'ASVS peine à sortir de cette démarche, à la fois parce que cette action est portée par un nombre restreint de bénévoles (de l'ordre de dix personnes), mais aussi en raison de leur représentation de l'aide. Alors que les jeunes travailleurs sociaux ont été formés à cette dynamique de projets et d'échanges entre personnes précaires et institutions, les bénévoles de l' ASVS ont maintenu une aide sociale très caritative. L'association a expérimenté quelque temps des cours de cuisine entre demandeurs d'asile et bénévoles. Néanmoins, les bénévoles se sont confrontées rapidement à des problématiques affectant d'autres associations : non assiduité des demandeurs d'asile, difficultés pour se déplacer jusqu'au centre du village, problèmes de communication... Cette initiative de courte durée a été l'occasion d'échanger et de créer une autre relation avec cette population. Ces projets tentent de s'échapper de la vision d' « assisté » des demandeurs d'asile et peut contribuer à apaiser les membres de l'ASVS opposés à la distribution. L'ASVS est un acteur remarquable à Fontaines St Martin échangeant avec le CADA et la municipalité sans commune comparaison. Cependant, les limites de leur action et la volonté d'autres acteurs locaux enrichissent le paysage associatif autour des demandeurs d'asile. Ces initiatives font face à des difficultés particulières et nécessitent un relais plus politique. 2.2. Des associations timides et des CADA sur la touche Les CADA sont réticents pour initier des coopérations avec les acteurs locaux, même si ils admettent petit à petit qu'il est impossible pour les demandeurs d'asile de vivre si éloignés de la vie territoriale. Récemment, des relations avec des associations ou des collectifs habitants se sont mises en place sans toutefois bousculer le paysage territorial. 2.1.2 Des volontés associatives présentes non actualisées La majorité des enquêtés, qu'ils représentent la MJC, le centre social, ou la Paroisse, désirent approfondir leurs relations avec les demandeurs d'asile, au delà de rencontres épisodiques. Les mobilisations sur les territoires leur ont fait prendre conscience des richesses de cette population, et de l'ennui quotidien dont ils souffrent. Ces initiatives sont souvent lancées sans que de véritables partenariats soient établis. En l'occurrence, le centre social et Forum Réfugiés se sont entendus en septembre 2007 pour que les demandeurs d'asile accèdent aux activités du centre social. Dans cette 127 48 GOTMAN Anne, « Le sens de l'hospitalité », op.cit, p 5 FLAMANT Anouk _2008 Partie deux: Au delà du premier regard, les CADA et leurs populations marquent et échangent avec leur territoire dynamique, une activité broderie a été menée au CADA pour faciliter la rencontre des demandeurs d'asile avec la responsable du pôle adulte et les informer des activités offertes. Toutefois, peu de demandeurs d'asile ont fréquenté ou fréquentent le centre social (six ou sept) et les deux acteurs sont loin d'avoir mis en place un partenariat malgré les volontés des uns et des autres. Des freins à celui – ci pèsent fortement : La question du financement est le premier évoqué; si les demandeurs d'asile ne peuvent pas payer, la prise en charge doit être faite par le CADA. Un accord sur les tarifs est à trouver et les délais de paiement sont longs. Or, les activités du centre social et de la MJC à Fontaines St Martin sont très fréquentées, et payées rapidement par les adhérents. S'engager auprès des demandeurs d'asile demandent plus d'énergie de leur part et du CADA, alors même que le taux d'occupation des activités est quasiment optimal. Les demandeurs d'asile sont une population complexe à accueillir. Ces derniers, par leur statut administratif et leurs souffrances, ont des difficultés à s'inscrire dans des projets durables. En outre, ils ont du mal à fréquenter par eux même ces activités proposées, et si c'est le cas ils apprécient être avec d'autres résidents du CADA. Sollicitées pour le repas de fin d'année de la MJC à Fontaines St Martin, ce sont les femmes arméniennes collectivement qui ont accepté la commande. Elles ont préféré cuisiner au CADA puis apporter les plats à la MJC. Ce repli sur le foyer ou sa communauté les rassure pour affronter ce monde nouveau. Cependant, cette présence collective n'est pas synonyme de groupe cohérent comme le remarque les intervenants extérieurs. Les projets associatifs divergent de ceux des gestionnaires des CADA. Ces derniers s'inscrivent dans une démarche massive d'accompagnement juridique et sociale auprès des demandeurs d'asile. Les associations, dont le centre social, veillent à développer dans le territoires des liens sociaux plus étroits entre habitants. Une enquêtée du centre social insiste sur ce décalage: « Nous on croit que les gens qui vont crée des liens ici, qui vont faire partie de choses, qui vont être intégrés, ils pourront s'en resservir. Pendant dix huit mois, les liens construits ici, ça sert pas à rien, c'est ça qu'on peut ramener avec soi dans son pays. Enfin c'est terrible de rien faire, je crois qu'il vaut passer dix huit mois à faire des choses que d'attendre, entre les deux même si on repart, c'est moins destructeur que de s'être intégré à son quartier. C'est une vision de 128 l'humanité ... » Ainsi, le centre social souligne la richesse d'une intégration même provisoire des demandeurs d'asile, pour eux et pour les autres habitants. Repenser l'offre d'activités et une volonté politique de l'ensemble des acteurs en faveur des demandeurs d'asile doit émerger. 2.2.2. Les nécessités d'une volonté politique concordante des acteurs Les acteurs associatifs réclament une politique territoriale cohérente entre acteurs associatifs et gestionnaires du CADA. Mener seuls des projets incluant des demandeurs d'asile apparaît trop ardu et périlleux face à une population méconnue. La directrice de la MJC à Fontaines St Martin insiste tout particulièrement sur ce point : 128 Entretien avec la responsable du pôle familles au centre social Entretien n° 28, p 212 FLAMANT Anouk _2008 49 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires « ça pourrait être intéressant d'avoir une véritable volonté politique du CADA, de toutes les collectivités réunies, ça peut pas être la démarche d'une seule, et que tout le monde trouve un accord. [...] C'est une orientation qui n'est pas du tout 129 exclue, qu'il faut travailler » Cette volonté politique appelée de ces voeux par la MJC implique un vote des membres du CA. Or, pour cela, ces derniers doivent mesurer l'intérêt d'une telle démarche pour les demandeurs d'asile, en comprenant qui sont les résidents du CADA et en recevant un appui pour cette nouvelle politique de la part de la direction du CADA. Le centre social de Vaulx en Velin est plus autonome pour redéfinir son offre d'activités et établir un partenariat effectif avec Forum Réfugiés. Toutefois, les responsables du centre social veulent agir comme acteur dans ce projet d'intégration territoriale et ne pas être qu'un simple lieu de consommation. La présence d'un nouvel acteur, l'AFFD, à Fontaines St Martin est aussi une nouvelle source de questionnements. Leur volonté d'intégration du CADA et de prise en charge des familles déboutés s'oppose à la discrétion plaidée par la municipalité. Pour l'instant, l'activité de l'association est méconnue mais celle-ci veut devenir un acteur incontournable du territoire. Comment cette association va-t-elle pouvoir travailler avec les autres acteurs locaux respectueux de la légalité? Cela va-t-il participer à intégrer les demandeurs d'asile au territoire ou les rejets vont ils être plus conséquents ? Les acteurs institutionnels ou associatifs s'investissent auprès des demandeurs d'asile par petites touches, et participent à des interactions entre ces derniers et les habitants du territoire. Ces échanges sont plus soutenus n'ont pas via cette implication, mais par les mobilisations en faveur de déboutés ou de conflits entre les habitants et le CADA. Chapitre 4 : Mobilisations ou conflits : des relations exacerbées avec le CADA et ses résidents. Les institutions et les associations se sont emparées de la problématique de l'asile en répondant partiellement aux besoins des résidents du CADA. Ceci facilite leur procédure d'asile et leur intégration pas à pas à ce nouveau territoire de vie. Ces liens tissés entre habitants, acteurs locaux, CADA et demandeurs d'asile sont plus fréquemment noués ou dénoués lors de mobilisations en faveur de déboutés de ce droit (Section 1) ou lors de conflits et d'opposition avec le voisinage (Section 2 ) . De quelle façon les habitants s'impliquent avec les résidents du CADA dans le cadre de mobilisations ou de conflits ? Comment chaque acteur justifie son engagement auprès des demandeurs d'asile ou contre leur présence ? Section 1. Les mobilisations en faveur des déboutés: pérennité ou épiphénomène des relations avec le CADA ? 129 Entretien avec la directrice de la MJC et une membre du Conseil d'administration, mobilisée en tant que parent d'élève pour des familles déboutées. Entretien n° 12, p120 50 FLAMANT Anouk _2008 Partie deux: Au delà du premier regard, les CADA et leurs populations marquent et échangent avec leur territoire Chaque citoyen mobilisé et actif au sein d'un comité de soutien s'est investi selon ses propres convictions et son propre parcours de vie. Si certains soutiennent une action en faveur de tous les demandeurs d'asile, pendant et après les procédures, d'autres ont préféré s'engager auprès d'une seule famille déboutée. Le caractère villageois de Fontaines St Martin joue un rôle déterminant dans ces mobilisations. Les interférences entre militants, travailleurs sociaux et élus sont essentielles pour comprendre les modes de mobilisation. Ceux-ci reposent sur des initiatives personnelles d'habitants, influencés par leurs convictions et leur propre parcours de rencontre avec une ou des familles du CADA. Des tensions sont nées entre citoyens mobilisés et non mobilisés, ainsi que sur les modes de mobilisation et le sens à leur donner. Des divergences sont aussi présentes entre les mobilisés sur les modes de mobilisation, tandis que la pérennité des soutiens est questionnée. Récits des mobilisations A Fontaines St Martin, quatre familles ont bénéficié d'un soutien important: les Morenic, les Sokovich, les Fihra, les Séba. Ces familles se sont maintenues après les délais au CADA et ont bénéficié d'un soutien via l'école de la part d'une élue, de personnes sympathisants de RESF et d'autres habitants souvent parents d'élèves. Un parrainage a eu lieu en juin 2007 à Fontaines sur Saône pour les trois premières familles. En octobre 2007, les Fihra ont été arrêtés au CADA, maintenus en centre de rétention 32 jours (délai légal maximum autorisé) avec leurs deux enfants de trois ans et dix huit mois puis expulsés en Albanie. Le comité de soutien s'est fortement mobilisé pendant ces 32 jours dans les écoles de Fontaines St Martin. Les médias locaux et nationaux ont relayé le parcours de la famille et son expulsion. Les trois autres familles ont quitté paniquées le foyer, pour être logés chez des particuliers ou dans des chambres d'urgence du 115. Ces trois autres familles ont également des enfants dont un bébé pour la famille Séba. Le soutien à ces familles est aujourd'hui plus discret pour ces trois familles et d'autres cas préoccupent les militants. L'AFFD les accompagne dans la recherche d'un logement 130 stable via d'autres associations comme l'ALPIL et leur offre un soutien financier. A Vaulx en Velin, plusieurs familles ont bénéficié d'un comité de soutien de la part des enseignants et parents d'élèves en 2005 puis en 2006. En 2006, à l'école, deux familles albanaises ont bénéficié d'un comité de soutien, la famille Nasahovic et la famille Pastic. La famille Nasahovic après sa sortie du CADA a rencontré de sérieuses difficultés de logement. Les deux enfants et leur mère ont logé pendant plus d'un mois dans une voiture pour trouver finalement une minuscule chambre dans la commune. Ils ont obtenu une carte de résident provisoire de six mois puis d'un an. La seconde famille plus stable a réussi à se loger plus rapidement et la régularisation a été prononcée grâce à une promesse d'embauche pour le père. Ils ont réussi à obtenir une carte de résidence de dix ans. 130 AFFD : Association en Faveur des Familles Défavorisées, ALPIL: Action pour l'Insertion Sociale par le Logement FLAMANT Anouk _2008 51 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires La mobilisation se poursuit pour d'autres familles de la commune, et à l'école les membres des comités de soutien silencieux pour l'heure veillent à l'arrivée de nouveau enfants qui pourraient être concernés par ces refus de la CNDA. 1. 1.L'implication des personnes : entre découverte de la demande d'asile et militantisme politique Les mobilisations à Fontaines St Martin et à Vaulx en Velin ont été différentes dans leur résonance et leur mode d' action : actions récentes à Fontaines St Martin, tandis que Vaulx en Velin est relais depuis plusieurs années auprès des personnes déboutées du droit d'asile. 1.1.1. A Fontaines St Martin: les particularités villageoises de RESF Selon Grafmeyer, quelques traits sont associés aux structures villageoises : « homogénéité du peuplement et des modes de vie, forte identification à un petit territoire, densité des interconnaissances dans un espace local où se déploient d'efficaces réseaux d'entraide qui 131 sont aussi des instruments de contrôle social du voisinage » . Ces traits se retrouvent partiellement à Fontaines St Martin. Assez homogène en terme de catégories socioprofessionnelles, la plupart des habitants apprécient le cadre de vie de leur village. Si les réseaux d'entraide ne sont pas facilement identifiables, les interconnaissances sont nombreuses. Comme le relève une enquêtée, il est difficile de « dissocier l'associatif, du 132 bénévolat, du politique, tout est imbriqué » . Dans ce contexte, si le CADA est une structure marginale du territoire, les mobilisations en faveur des déboutés sont connues d'une majorité d'habitants, et notamment des parents d'élèves. Lors de l'arrestation de la famille Fihra par la Police aux Frontières, ces derniers se sont émus des conditions de détention des enfants sans pour autant participer activement au comité de soutien. Sûr de sa particularité villageoise, les habitants connaissent souvent les prises de position des uns et des autres. Ainsi, les personnes les plus mobilisées souvent proches de RESF sont identifiées sur le territoire, ce qui contraste avec l'anonymat du réseau en ville. Une travailleuse sociale reconnaît que sa perception de RESF a évolué en travaillant au CADA de Fontaines St Martin. Elle a rencontré régulièrement ces habitants pour s'entretenir de l'avenir de la famille et elle voit les liens qui se font entre les demandeurs d'asile et ces habitants. Cette proximité alimente les interférences entre les acteurs et peut faciliter la sortie du CADA de ces familles. Ces imbrications entre personnes mobilisées et le reste du territoire a été vecteur de d'échanges avec le CADA, la municipalité ou l' ASVS et la MJC. De nombreux bénévoles ont plusieurs engagements territoriaux. Ces interférences ont permis au CADA d'expliquer les limites de son action aux comités de soutien, à la municipalité d' assurer un soutien politique discret aux familles, à l' ASVS de définir son soutien et les limites de son engagement et à RESF d'exposer les raisons de sa mobilisation. Des tensions ont tout de même émergé entre les acteurs, les institutions se limitant à leur rôle ont peu rencontrés les comités de soutien. Toutefois, des rencontres plus informelles dans le quotidien des villageois permettent à chacun d'échanger sur le sort des familles, leurs conditions de vie etc. Cet échange est plus limité avec les travailleurs sociaux du CADA, tenus au secret professionnel et dont seule la vie professionnelle se déroule à Fontaines St Martin. 131 132 52 GRAFMEYER Yves, op.cit., p 80 Entretien avec la présidente, la trésorière et une membre l' ASVS , et un élu à la municipalité . Entretien n° 4, p 64 FLAMANT Anouk _2008 Partie deux: Au delà du premier regard, les CADA et leurs populations marquent et échangent avec leur territoire Néanmoins cette proximité des relations et ces interconnaissances nous ont posé question. Les personnes mobilisées ont offert pour certains un soutien illégal aux familles. En acceptant de loger certaines familles, en cherchant à leur trouver des petits travaux non déclarés comme du jardinage, des chantiers, etc. Ces militants peuvent être condamnés pour aides au séjour irrégulier d'étrangers en France. Ces mêmes familles cachées sont facilement repérées par les autres habitants, ce qui peut menacer leur vie clandestine, ce dont ils ont conscience. Dans un territoire si petit, l'anonymat est impossible à conserver. La ville préserve de ces interférences, mais les déboutés apprécient ce réseau d'aide social, cette relation privilégiée avec quelques habitants. Les contrôles de police sont plus rares que dans les transports en commun du centre ville, et cette interconnaissance aide à vivre la clandestinité. Les interconnaissances entre le politique, le gestionnaire du CADA, les militants existent à Vaulx en Velin même si les rencontres fortuites des uns et des autres sont plus rares. En outre, l'anonymat de chacun est préservé, et les familles déboutées ont caché longtemps leur lieu de résidence même auprès des comités de soutien. Les relations interpersonnelles existent entre déboutés et habitants, mais elles se sont dissoutes aussitôt après les victoires du comité de soutien. A Fontaines St Martin, les liens sont encore tenaces car les familles sont toujours dans des situations précaires un an après les premiers mouvements de mobilisation. Néanmoins, ces relations paraissent plus fortes qu'entre les comités de soutien vaudais et les familles. Ceux-ci moins investis personnellement auprès des familles, ont établi des relations d'aides plus formelles et moins suivies. Les personnes mobilisées ont toutes un parcours particulier, une mobilisation différente auprès des familles, ce qui participe à un diversité au sein des comités de soutien. 1.1.2. Parcours de mobilisés, parcours de vie. L'implication des uns et des autres auprès des déboutés est plurielle et permet de distinguer plusieurs types de militants. Les personnes les plus éloignées d'une mobilisation médiatique et politique sont celles touchées par une famille rencontrée souvent à l'école. Ces personnes n'étendent pas leur lutte à un soutien massif pour tous les déboutés, mais à cette famille et à cet enfant camarade des leurs qui les ont émus. Comme le souligne une enseignante syndiquée à la FSU, ces personnes défendent les nouvelles orientations politiques migratoires en étant toutefois interpellées par les conditions d'arrestation et de rétention d'une famille, comme les Fihra. Ils ne s'engagent pas avec RESF, réseau trop militant. Les tensions dans leur sphère familiale sur la validité d'une telle action, l'énergie nécessaire à cette lutte, la sensibilité à la situation d'une famille et pas à une cause plus générale, les conduisent à avoir une action assez limitée dans le temps. Néanmoins, nombre de ces personnes mobilisées une fois restent attentives à de nouveaux cas. Des personnes encore plus discrètes oeuvrent également pour soutenir ces familles, notamment certains membres de la Paroisse de Fontaines St Martin. En faisant appel à leur croyance, ils privilégient une aide et un soutien discret aux déboutés. Ils sont un relais considérable pour les déboutés, et ces personnes déjà investies sur ce même type d'hospitalité ont apporté un soutien précieux aux autres militants. La mise à disposition des salles de l' Église a désengagé l'école et la municipalité de ces comités de soutien, même si des militants laïques ont contesté cette implication. FLAMANT Anouk _2008 53 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Cette action discrète et mesurée contraste avec les mobilisations de sympathisants ou proches de RESF. Dès les premiers temps du réseau, la médiatisation des familles a été le mode d'action. Ces personnes, enseignants pour la plupart ou parents d'élèves, se focalisent sur une famille et multiplient les interventions médiatiques en sa faveur. La signature de pétitions devant l'école tous les soirs, l'installation de la chaise et des 133 chaussons de la petite Fihra, les contacts réguliers avec la presse locale et nationale ont essayé d'agréger le plus de personnes autour des familles et d'interpeller les pouvoirs publics locaux. Ces habitants, très mobilisés, soulignent l'énergie dépensée, et leur épuisement pendant ou après la mobilisation. Ils souhaitent que d'autres prennent le relais et qu'ils soient plus nombreux, afin qu'une véritable vigilance se mette en place pour les familles du CADA. Les militants appartenant à des partis politiques de gauche, et plus spécifiquement au Parti Communiste Français s'inscrivent à la fois dans cette démarche de RESF et sont des relais auprès des pouvoirs publics. Ces politiques considèrent le combat pour ces familles déboutées comme un pan d'un spectre politique en faveur des immigrés en France. Au niveau territorial, leur action se situe principalement auprès des CCAS pour l'octroi d'un soutien financier ou des municipalités pour organiser des parrainages républicains. En outre, ils font pression auprès de la Préfecture et de la DDASS pour trouver des solutions d'urgence sociale et mener à bien les recours administratifs. Ces militants sont de véritables leviers d'actions pour les familles, et comme le reconnaît un enseignant mobilisé « la lettre d'un député, même si [la Préfecture] dit qu'elle en tenait pas compte, ça jouait un rôle 134 important» . C'est d'ailleurs ce qui a pu pénaliser certaines mobilisations à Fontaines St Martin, pour qui les relais politiques sont plus minces qu' à Vaulx en Velin. Ces prises de position hétérogènes entre militants pour des mêmes familles ont créé des tensions et ont questionné les modes d'intervention des uns et des autres. Des reproches ont aussi émané d'acteurs locaux non mobilisés pour ces familles. 1.2. Retour sur les mobilisations: critiques de « l'art et la manière » Les expulsions ou la persistance de situations irrégulières pour des déboutés font osciller les personnes mobilisées entre défaitisme et colère. Les quelques mobilisations récompensées par l'obtention d'un titre de séjour non pas fait oublier les échecs pour d'autres familles. Ces échecs ont aussi été l'occasion pour les autres acteurs locaux de critiquer ou de dénoncer ces formes de mobilisation. 1.2.1. Défaitisme et colère des mobilisés Les premières déceptions et colères des militants sont intervenues avec la non régularisation de la famille Molavic, et l'expulsion de la famille Fihra. Ces personnes se sont interrogées sur l'efficacité de leur mouvement et des réponses à apporter pour ces situations. Les enquêtés confient que ces défaites affectent leur volonté de s'engager à nouveau auprès de nouvelles familles. Seuls les plus impliqués politiquement persistent dans cette lutte, tandis que les personnes touchées par des situations familiales sont moins actifs dans 133 Deux émissions « Là bas si j' y suis ... » de Pascale Pascarellino ont été consacrées aux centres de rétention administratives avec pour histoire celle de la famille Fihra,. Dans cette émission, la famille est régulièrement appelée au téléphone pour qu'elle fasse le récit de sa détention. 134 54 Entretien avec un enseignant mobilisé pour une famille déboutée, proche de RESF. Entretien n° 27, p 207 FLAMANT Anouk _2008 Partie deux: Au delà du premier regard, les CADA et leurs populations marquent et échangent avec leur territoire de nouveaux comités de soutien. Si ce sentiment est assez prégnant à Fontaines St Martin, les victoires obtenues à Vaulx en Velin rendent les personnes mobilisées plus confiantes dans leur action. La place du politique dans les territoires et les résultats des mobilisations conditionnent véritablement la pérennité des actions. Le relais politique pèse auprès des instances de régularisation mais ne suffit pas comme le démontre l'expulsion de la famille Fihra. Cet arbitraire des décisions a pour but de décourager les mobilisations, dont les issues positives ne sont jamais assurées. Par cette politique, l' État s'assure de contrôler complètement l'hospitalité qu'il offre aux étrangers sans laisser ses citoyens s'en emparer. Pour autant, ce défaitisme laisse parfois place à la colère chez certains enquêtés face aux récentes politiques d'immigration. Les élus communistes portent ce discours, tout comme des personnes militantes de gauche qui invoquent leur volonté de résister, de s'opposer à ces nouvelles tendances. Une enquêtée déclare que certaines personnes 135 mobilisées sont « en colère contre l' État français » , et elle invoque leur résistance face au traitement des demandeurs d'asile et des déboutés. Ceci participe à la pérennité et à la montée en puissance des comités de soutien. Souvent après l'entretien, ces personnes nous donnent leur regard sur la politique d'immigration en France. Leur mobilisation dépasse le cadre de ces familles déboutées du droit d'asile, ce qui peut alimenter les confusions entre demandeurs d'asile et sans-papiers pour des habitants moins impliqués. Cet élargissement des messages parfois véhiculés lors des mobilisations est l'objet de reproches de certains acteurs locaux, comme le sont aussi leurs méthodes de mobilisations et les fondements de celles – ci. 1.2.2. Soutien anonyme et peu médiatisé versus médiatisation : que faut – il privilégier pour les familles ? RESF s'attache à défendre les personnes déboutées du droit d'asile mais aussi les enfants scolarisés sans–papiers dont les familles se sont installées illégalement en France. Or, leur omniprésence dans les mobilisations entraîne une certaine confusion de la part des autres habitants et des acteurs associatifs. Le réseau en élargissant son champ d'action espère agréger autour de lui un nombre plus conséquent de personnes. Cette méthode est critiquée par d'autres habitants mobilisés qui militent pour une famille, sans revendication politique plus globale. Le recours à une présentation misérabiliste des familles par des comités de soutien proches de RESF a été vivement critiqué par d'autres personnes mobilisées. Pour une parent d'élève investie pour la famille Fihra, la disposition de la chaise et les chaussons de l'enfant devant l'école « ça rabaisse les familles [...] et pleurer sur leur sort, j'accepte pas 136 trop ces manières » . La prise en charge quasi – complète des déboutés a aussi eu des conséquences problématiques. Les personnes sont confortées dans une posture d' « assisté », ce qui limite leur autonomie et fait craindre à un moment donné un rejet des militants trop épuisés du soutien qu'ils ont accordé. C'est pour cela que certaines personnes se sont abstenus pour un soutien personnel et favorisent le combat politique. Les personnes mobilisées sont surtout entrées en conflit avec les travailleurs sociaux des CADA. Ces derniers dénoncent ces soutiens au cas par cas qui laissent des familles sur 135 Entretien avec une enseignante mobilisée pour les familles du CADA, syndiquée FSU et proche de RESF. Lieu : son domicile, le 26 février 2008 de 17h à 18 h. Entretien n°6, p 77 136 Entretien avec une parent d'élève et sa fille mobilisées pour une famille rwandaise en 2007. Entretien n°7, p 84 FLAMANT Anouk _2008 55 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires la touche et encore plus des isolés ou des couples d'adultes. Une enquêtée de Fontaines St Martin justifie cette attitude pour des raisons d'efficacité, « plutôt que d'aider tout le monde, et de pas arriver à quelque chose, et peut être en aidant deux ou trois familles à s'en sortir, 137 à être autonomes ou expulsées... » . De surcroît, les mobilisations comme nous l'avons évoqué précédemment dépendent aussi des comportements en France des familles. Une enquêtée nous interpelle en nous demandant pourquoi cette famille Fihra a bénéficié d'un tel soutien alors même que la situation n'est pas première au CADA: « c'est pas les premiers qui sortent du CADA, on en a qui sont partis avec la PAF, personne n'était là, je sais pas mais c'était des familles roms, et qui étaient pas très gentils à l'école ... Ce sont des choses qui m'ont beaucoup posé question si 138 on reparle de la mobilisation » Ces interrogations justifient le retrait des travailleurs sociaux au delà des procédures légales d'asile. En essayant d'offrir le même accueil à chaque demandeur d'asile, une mobilisation de leur part nécessiterait une mobilisation pour l'ensemble des personnes déboutées du droit d'asile. Si ils ne préjugent pas la demande d'asile, ils ne veulent pas avoir à s'inscrire dans une démarche de choix auprès des déboutés. Ceci est d'autant plus intenable pour ces acteurs que le maintien de déboutés au CADA pénalise l'arrivée de nouvelles familles en début de procédures. Les comités de soutien mettent également en porte à faux le discours des travailleurs sociaux quand aux menaces encourues par les déboutés qui se maintiennent au CADA. Les familles ne savent plus à quel saint se vouer, et le discours de certains mobilisés sur l'impossibilité de l'expulsion du CADA est plus rassurant à écouter. Ce discours est irréaliste comme le démontre l'arrestation des Fihra, et une enquêtée assure que cela « met les familles dans des situations extrêmement délicates après, c'est pas eux qui sont reconduits 139 après » . Les gains réels pour les familles sont aussi questionnés par les intervenants sociaux et certains élus locaux. Certaines familles refusent le retour volontaire convaincues par les comités de soutien de leur capacité à les aider à vivre en France. Les gestionnaires de CADA s'interrogent alors sur les motivations des personnes mobilisées, la part de « valorisation personnelle » au dépens d'une écoute attentive des familles. Au final, les travailleurs sociaux trouvent souvent plus positif pour les familles les soutiens très personnels de la part d'une ou deux familles du territoire, que des soutiens relayés par des comités de soutien politisés. Une travailleuse sociale espère d'ailleurs que 140 l'expulsion de la famille Fihra « serve de leçon pour les autres familles » , afin que les militants ré-interrogent leurs pratiques et envisagent de nouveaux soutiens auprès des familles. Dès à présent, ces critiques ont conduit de nombreux militants à se demander, 141 pour la famille Fihra, « est ce qu'on a bien fait de faire autant de bruits? » . A tort ou à raison, cette interrogation modifie forcément les futures mobilisations du territoire. Tout en 137 138 Entretien avec une personne mobilisée proche de RESF. Entretien n°1, p 6 Entretien avec l'élue aux affaires sociales de la municipalité 2000 – 2008, ancienne intervenante sociale au CADA. Entretien n° 14, p 133 139 140 141 56 Entretien avec la directrice du CADA Adoma, p 41 Entretien avec une intervenante sociale au CADA Entretien n°11, p 111 Entretien avec une personne proche de RESF, mobilisée pour plusieurs familles. Entretien n°1, p 7 FLAMANT Anouk _2008 Partie deux: Au delà du premier regard, les CADA et leurs populations marquent et échangent avec leur territoire considérant les intérêts des déboutés dans ces mobilisations, les modalités d'intervention sont à repenser. Section 2. Les conflits avec le CADA : une autre relation avec les habitants ! Les CADA marquent aussi leur territoire par les tensions entre les résidents et les voisins, souvent les plus proches du foyer. Se plaignant des nuisances sonores liées au CADA, ils esquissent en filigrane ou ouvertement un rejet de cette population. Cette autre manière d'interagir avec les demandeurs d'asile contribuent non pas à tisser de nouveaux liens avec eux mais participe à la dynamique d'exclusion sociale et politique dont ils sont l'objet. A Fontaines St Martin, les tensions avec le CADA sont contrôlées et concernent un nombre restreint d'habitants. A Vaulx en Velin, si le nombre d'habitants est également restreint, le conflit avec le CADA est plus conséquent et les discours plus virulents. 2.1 A Fontaines St Martin, un conflit latent maîtrisé La mobilisation à Fontaines St Martin a rendu visible le CADA sur le territoire, même si des frictions minimes existent avec le foyer et les maisons voisines. Les reproches touchent à leur supposé mode de vie et aux raisons de leur présence territoriale. 2.1.1. Les frictions quotidiennes au coeur des oppositions Les frictions sont concentrées sur la question des poubelles à l'entrée du CADA, dont l'odeur nauséabonde se répand jusqu' aux maisons voisines. Les voisins soulignent également l' image négative de leur quartier offerte par ces ordures débordantes. Ces remarques ont été relayées auprès de la municipalité qui a essayé de mettre en place avec Adoma un nouveau système de dépôt et de ramassage des ordures. Plus récemment, les riverains se sont entretenus avec la direction du CADA suite à des comportement dangereux de certains enfants. La population enfantine du CADA est importante (de l'ordre d'une trentaine) et s'ennuie pendant les vacances scolaires et notamment l'été. Pour passer le temps, certains enfants ont jeté des cailloux du viaduc surplombant le CADA sur des automobilistes, ou ont lancé des pierres dans les jardins des maisons voisines. Ces jeux périlleux ont entraîné une réaction rapide de la part d'Adoma. Une barrière a été érigée pour que l'accès au viaduc soit difficile, tandis que les parents se sont vus rappeler la nécessité de ne pas laisser leurs enfants sans surveillance dans la cour. Ceci a permis de gérer pacifiquement une crise naissante avec les voisins. Néanmoins, l'exiguïté du CADA explique l'envie des enfants et des parents de profiter au maximum des espaces extérieurs. Ce mode de vie augmente nécessairement les conflits de voisinage pendant l'été. Le conflit le plus persistant est entre les demandeurs d'asile et les résidents traditionnels d'Adoma. Ces derniers, lors de la transformation de deux allées en AUDA, ont parfois été contraints de déménager. L'élue aux affaires sociales regrette qu'aucune coordination n'ait eu lieu entre la Sonacotra et le CCAS sur cette problématique. Leur départ, contraint par la requalification du foyer, a alimenté les tensions avec la population déjà établie. Ils contestent les aides accordées à cette nouvelle population immigrée, comparées à leur propre retraite, fruit de plusieurs décennies de labeur. L'isolement de ces travailleurs âgés, délaissés par les pouvoirs publics, est criant surtout lorsqu'ils comparent leur vie à celle des demandeurs FLAMANT Anouk _2008 57 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires d'asile pris en charge sur place par des intervenants sociaux. Peu d'associations, hormis l' ASVS, se sont préoccupées du sort de ces personnes, dont la marginalité dans la commune a toujours été très forte. C'est aussi en ce sens que le CADA pourrait créer des liens, pour que l'intégration se fasse tout d'abord entre les trois allées de la résidence. 2.1.2. Rejet de la mobilisation et de l'accueil ? Ces tensions avec le CADA sont demeurées circonscrites au territoire. La gendarmerie déclare n' être intervenue que très rarement au foyer, et jamais pour des faits de voisinage avec les voisins. Une pétition a circulé entre les habitants du quartier Petit Bois contre les nuisances sonores et les poubelles du CADA sans donner de suites. Néanmoins, certains enquêtés ont un discours discriminant sur les demandeurs d'asile, ce qui alimente le conflit latent avec le CADA. L'installation pérenne sur le territoire d'un mouvement pour l'intégration de cette population peut contribuer à une opposition plus conséquente. Les critiques sont aujourd'hui contenues grâce à l'impact limité du CADA sur la commune. Une opposition marquée contre les demandeurs d'asile est faiblement reprise puisque les usages sociaux des demandeurs d'asile sur le territoire sont restreints. Seuls les maisons voisines subissent parfois les nuisances imposées par la collectivité. Les interventions simultanées d'Adoma et de la municipalité ont rapidement désamorcé ces conflits. Cette politique de prévention et de coordination des acteurs institutionnels est une réponse pertinente à cette opposition naissante. C'est dans cette même optique que l'équipe municipale a négocié avec la Préfecture pour que le nombre de demandeurs d'asile soit inférieur ou égal à 100. Ce chiffre est perçu comme la « limite d'absorption » par le territoire, au delà les élus craignent un conflit plus important entre les habitants et cette population. Cette politique a renforcé l'exclusion et la marginalité de demandeurs d'asile mais a probablement prévenu une part des conflits. 2.2. A Vaulx en Velin, conflit ouvert et tentatives de médiation La situation du territoire vaudais contraste avec les menus conflits St martinois. Des relations très conflictuelles opposent non pas le territoire avec le CADA mais les résidents des pavillons voisins avec ce dernier. Une médiation par une association vaudaise, le Lien, a été entreprise entre voisins, Forum Réfugiés, et la municipalité. Néanmoins l'absence d'échanges autres que conflictuels rend cette tentative pour l'instant infructueuse. Ce conflit a été exacerbé par la présence d'un groupe de personnes ayant des comportements délinquants dans le quartier. Sans communiquer entre eux, Forum Réfugiés et les habitants ont mis du temps à comprendre qu'ils voyaient leur sécurité et leur tranquillité menacées par les mêmes personnes. 2.2.1. Des relations conflictuelles avec quelques voisins Une petite dizaine d'habitants voisins du CADA est exaspérée par les modes de vie des demandeurs d'asile. Ces habitants répètent inlassablement que la municipalité a assuré en 2000, lors de la construction de leur maison, que le foyer serait détruit à l'horizon 2010. La destruction du foyer n'est pas (ou plus d'après ces habitants) à l'ordre du jour ce qui alimente les crispations. Ce sentiment de condamnation renforce leur intransigeance dans le processus de médiation (certains habitants ont récrit l'histoire puisque le foyer est devenu un CADA dès 1995, et non un foyer pour étudiants comme l'affirment quelques uns). Dans un premier temps, les reproches formulés à l'encontre des demandeurs d'asile reposent uniquement sur le tapage nocturne et le dépôt de poubelles le long de leur mur 58 FLAMANT Anouk _2008 Partie deux: Au delà du premier regard, les CADA et leurs populations marquent et échangent avec leur territoire mitoyen ce qui attire les rats. Cependant, dès que la conversation se prolonge quelque peu, la légitimé de leur présence en France est mise à mal, et ils recourent à des termes très virulents. Lors de notre rencontre, les esprits s'échauffent vite, chacun critiquent les demandeurs d'asile. Bien qu'ils répètent plusieurs fois, « le problème c'est le tapage, il 142 faut respecter la loi », « le tapage c'est pas possible » , la discussion se radicalise s'attardant aussi bien sur les motivations d'immigration que les aides sociales perçues par les demandeurs d'asile. Les amalgames entre migrants économiques et demandeurs d'asile sont omniprésents, et des termes particulièrement virulents sont utilisés à l'encontre de cette population. Certains demandeurs d'asile assimilés à des migrants économiques ne parviennent pas, selon les termes de ces voisins, à respecter le calme et leur voisinage. 143 Ceci conduit une enquêtée à assurer qu'il y « y a des gens qui sont bon à exterminer » (sic), puisque incapables de se « plier aux normes sociales » de la société d'accueil. Ils remettent en cause alors la politique d'immigration de ces vingt dernières années et félicitent les récentes orientations politiques. Sur ce thème, une enquêtée assure que la France ne 144 fait qu' « accueillir des déchets ... La France c'est vraiment plus ce que c'était! » . Ce conflit déclenché par les nuisances sonores montre bien que la présence en soi des demandeurs d'asile est problématique. Leur présence menace la valeur du quartier et en conséquence la valeur de leurs maisons. Ils sont devenus propriétaires pour fuir les désagréments des HLM et ils les retrouvent. Cette désillusion renforcée par les tracas de l'accès à la propriété (lors de notre rencontre, ils abordent à plusieurs reprises le prix des maisons, et le prix des travaux pour effectuer des barrières entre les maisons, refaire une terrasse...) se retourne contre les demandeurs d'asile. Comme l'assure Yves Grafmeyer, « la gêne sonore est fonction des perceptions et des jugements que chaque habitant associe 145 aux personnes sources du bruit et à la nature des bruits entendus » . Si le bruit est bien la raison première de leur conflit, celui–ci s'amplifie car ceux qui en sont responsables sont eux mêmes objet de critiques. Dans un conflit, il n'y a « rien de pire que le bruit et l'odeur 146 d'un autre qui déplaît » , la subjectivité devient alors maître du conflit. C'est cette présence considérée comme illégitime qui exacerbe les relations conflictuelles entre le CADA et le voisinage. Cette vision subjective explique pourquoi ces voisins insistent sur les nuisances non pas du foyer dans sa totalité, mais des deux allées occupées par des résidents de Forum Réfugiées. La première allée, occupée par des résidents traditionnels d'Adoma, ne nuit pas au voisinage. Ces derniers, travailleurs ou retraités, recueillent un jugement favorable de la part de ces habitants, puisqu'ils ont un mode de vie équivalent aux leurs et ont accepté d'être « discrets » dans cette société d'accueil. Ce conflit de voisinage découle bien de la faiblesse des relations sociales entretenues les uns avec les autres. Aucun des voisins ne s'est jamais rendu au foyer, pour visiter les chambres, comprendre pourquoi les résidents occupent tant l'espace extérieur du CADA. Pour la fête de quartier, un enquêté assure qu'ils ont invité les demandeurs d'asile mais qu' ils ne sont pas venus. Pour une autre enquêtée, cette invitation formelle ne peut être 142 143 144 145 146 Entretien avec des voisins du CADA en conflit avec les demandeurs d'asile et la direction. Entretien n° 25 p 193. Ibid, p 198 Ibid, p 197 GRAFMEYER Yves, op.cit, p LEVY VROELANT Claire, « Le voisin et le politique: forces et faiblesse des espaces d'intersubjectivité », Rhizomes, n° 29, décembre 2007, p 4 – 7. FLAMANT Anouk _2008 59 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires considérer comme une volonté de les rencontrer. Cette absence de liens, de rencontres entre les individus rend les relations impossibles sauf en terme de conflit. 2.2.2. L'impossible médiation sans lien social Le Lien a été sollicité pour tenter une médiation entre Forum Réfugiés, les voisins en conflit et les services de sécurité municipaux. Quelques rencontres ont eu lieu, pendant lesquelles chacun a accepté petit à petit d'écouter et de comprendre l'autre. Des solutions ont été trouvées à certains problèmes : les poubelles ont été déplacées à l'entrée du foyer et les travailleurs sociaux ont rappelé aux demandeurs d'asile les nécessités de respecter une certaine tranquillité en soirée. Néanmoins, les voisins estiment que la municipalité intervient trop peu pour lutter contre ces tapages, et l'action de Forum Réfugiés est jugée minime. Ces habitants réclament des mesures de contrôle plus importantes pour ces résidents, souhaitant même une expulsion des résidents les plus bruyants. L'équipe de Forum Réfugiés admet que lors de leur absence des problèmes peuvent se poser. Ils excluent toutefois le recours à un poste de gardien permanent, pour des raisons financières mais aussi pour réaffirmer qu'ils protègent et accompagnent les demandeurs d'asile dans leur procédure et contrôlent une population supposée « déviante » par ces voisins. Pour la responsable du Lien, la médiation n' est possible que si des liens plus étroits s'établissent entre les deux acteurs en conflit. Les rencontres dans cette instance de médiation ont été l'occasion pour Forum Réfugiés de communiquer sur son rôle et son action, et de rappeler quel public est accueilli dans un CADA. Quelques habitants sensibilisés ont rencontré des familles de demandeurs d'asile à l'école et ont des relations plus apaisées avec le CADA. Cependant, ces échanges occasionnels n'ont pas été en mesure de désamorcer le conflit avec tous les habitants. Les plus virulents à l'encontre du CADA parviennent difficilement à envisager une autre relation. Leur focalisation systématique sur ces nuisances rend très compliquée la mise en place de rencontres festives. Si une fête de quartier peut être un bon départ pour bâtir une nouvelle relation, il faut que chacun avance. Le relatif désintérêt de la municipalité face à ce conflit pénalise un règlement plus pacifique, et amène ces habitants à fortement la critiquer. Ils s'indignent avec force aux impôts locaux auxquels ils sont assujettis alors que leur tranquillité ne leur paraît pas assurée. Ils invoquent avec admiration des copropriétaires d'autres quartiers vaudais qui ont suspendu le paiement de leurs impôts locaux pour affirmer leur mécontentement. Cependant, ces habitants sont trop peu nombreux pour se mobiliser et ils regrettent cette faible cohésion du voisinage sur cette question. Ils peinent à se faire entendre à la fois dans leur rue et à représenter légitimement leurs voisins. Le président du syndicat de copropriétaires préfère ne pas prendre part à ce conflit, ce qui pénalise d'autant plus leur mobilisation. Ces habitants ne parviennent pas à mobiliser les ressources nécessaires pour être écoutés par la municipalité et Forum Réfugiés. Le dépôt d'une pétition à la municipalité n'a pas eu les effets escomptés puisque envoyée en août 2007, ces derniers n' ont eu une réponse du maire qu'en mars 2008. Leur faible maîtrise des modalités de mobilisation et des interlocuteurs vers qui se tourner a augmenté les crispations et rend plus difficile le règlement du conflit. 60 FLAMANT Anouk _2008 Partie deux: Au delà du premier regard, les CADA et leurs populations marquent et échangent avec leur territoire Les demandeurs d'asile entretiennent des liens avec leur territoire, que ce soit par l'intermédiaire des institutions comme l'école, les associations, mais surtout les mobilisations et les conflits qui participent à leur intégration ou leur exclusion territoriale. Les demandeurs d'asile sont aussi moteurs de nouvelles relations sociales entre les habitants du territoire : chacun mobilisé ou opposé a échangé avec ses alter ego face à cette présence. Les mobilisations en faveur des familles sont d'ailleurs un moment clé. L'expulsion de la famille Fihra à Fontaines St Martin a impulsé de nouveaux échanges, et a permis au territoire d'acquérir une nouvelle dimension. Cette marginalité conséquente mais nuancée dans la réalité repose sur une problématique plus fondamentale : le statut précaire et instable des demandeurs d'asile s'oppose à une intégration nécessaire pour vivre mieux la procédure. C'est au croisement de ce questionnement que se trouvent les acteurs territoriaux. La gestion du temps, problématique cruciale pour les politiques se pose avec acuité pour les demandeurs d'asile. Comment un territoire peut–il se saisir véritablement de cette problématique marquée par les changements constants de population ? De quelle manière le temps de l'asile est à envisager pour les gestionnaires, les mobilisés et les politiques ? FLAMANT Anouk _2008 61 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Partie trois: Face aux demandeurs d'asile, les acteurs territoriaux façonnent de nouvelles politiques Les CADA et leurs résidents occupent le territoire de façon singulière; ils sont constamment dans une dynamique d'intégration/d'exclusion qui modèlent des relations particulières. Comment les acteurs institutionnels, du monde associatif et les habitants parviennentils à gérer cette ambivalence de statut ? De quelle manière le politique peut-il considérer cette population et travailler avec elle en s'adaptant à ce temps incertain et précaire ? Les discours des intervenants sociaux soulignent leur attachement à leurs missions d'accompagnement dans la procédure d'asile. De fait, cet accompagnement est élargi à une prise en charge plus globale des demandeurs d'asile pour les aider à surmonter l'exil et l'attente. Ces discours participent à l'établissement de relations sociales limitées et provisoires entre les résidents du CADA et les acteurs territoriaux. Ce statut marginal est renforcé par la procédure d'asile, qui assure une intégration partielle au territoire (chapitre 5). Les politiques sont confrontés à une population singulière, ils doivent alors reconsidérer sa prise en charge. Ces habitants temporaires, marginaux au premier regard façonne néanmoins la vie sociale et politique du territoire. Si la précarité de cette population et son « étrangeté » peuvent favoriser son exclusion, un accueil du territoire est nécessaire ne serait-ce que pour limiter les conflits avec certains habitants. Les élus locaux ont à repenser leur investissement auprès de cette population, ainsi que les autres acteurs locaux mobilisés en leur faveur. L'établissement d'une « gouvernance locale » est essentielle, d'autant que les caractéristiques de la population accueillie en CADA évolue au même titre que le droit d'asile (chapitre 6). Chapitre 5: Entre intégration et exclusion : l'oscillation constante des gestionnaires et de la procédure d'asile Les gestionnaires de nos deux CADA sont de nature différente : Adoma est une société de logement avec un accompagnement social en devenir ; Forum Réfugiés est une association militante privilégiant l'accompagnement social. Toutefois leur mission, conférée par les pouvoirs publics, les oblige à respecter les injonctions légales de la procédure d'asile. En conséquence, ils se concentrent sur l'aide juridique et sociale, et dans un second temps accompagnent l'attente de la procédure (Section 1). Les demandeurs d'asile sont en grande majorité désireux de s'intégrer à ce nouveau territoire. Grâce à certains dispositifs de la procédure d'asile, les demandeurs d'asile peuvent être inclus à ce nouveau territoire, tandis que d'autres mouvements freinent cette dynamique (Section 2). 62 FLAMANT Anouk _2008 Partie trois: Face aux demandeurs d'asile, les acteurs territoriaux façonnent de nouvelles politiques Section 1. Les structures d'accueil : aide sociale ou premiers pas d'intégration ? Les travailleurs sociaux justifient leur position, jugée « légaliste », par leur impuissance face aux décisions de l'OFPRA et de la CNDA. Conscients que résider en CADA est un facteur favorisant l'obtention du statut de réfugié, les intervenants sociaux privilégient un accompagnement « juridique » dans la procédure. Néanmoins, en regardant de plus près leurs actions auprès des résidents, on voit qu'ils mettent en place d'autres activités et accompagnements pour vivre plus pacifiquement ce temps de l'asile. 1.1 De la gestion de la demande d'asile : le coeur de la mission interrogée Chaque pan de la vie des demandeurs d'asile est pris en charge par un intervenant social au CADA de Fontaines St Martin et de Vaulx en Velin : scolarité, soutien juridique à la procédure et aide au récit, aide sociale et psychologique. La constitution d'un dossier pour justifier leur demande d'asile est prioritaire. Ce travail complexe laisse entrevoir les contradictions de la procédure qui participe elle-même à un mouvement d'intégration. 1.1.1. Adoma et Forum Réfugiés : des discours distincts ? L'histoire d' Adoma est présente dans le discours des salariés de l'entreprise. Entreprise non militante, le CADA est prioritairement un lieu d'accueil, secondairement d'accompagnement social. L'implantation territoriale du CADA revêt une dimension principalement spatiale et non sociale. L'action discrète de la municipalité est félicitée, le territoire n 'étant qu'un élément secondaire de la procédure d'asile. Les relations sociales entre habitants et demandeurs d'asile ne sont pas l'apanage des intervenants sociaux, puisque selon la directrice « ça sert à rien de les projeter dans une société d'accueil pour leur dire après : 147 désolé vous n'avez pas le statut » . Toute démarche d'intégration locale portée par les intervenants sociaux n'est pas soutenue par la direction, qui rappelle que cette mission n'est reconnue ni pendant la procédure ni lorsqu'ils ont obtenu le statut de réfugié. L'accompagnement de l'équipe se circonscrit à un accompagnement procédurier et ne devrait pas aller au delà de cette mission. Ainsi, la directrice du CADA nous a suggéré de rencontrer les demandeurs d'asile dans un autre lieu : «vous pouvez aussi les rencontrer dans un cadre autre que le CADA [...] Nous on a un devoir de protection, et de confidentialité, de respect, j’ai pas envie d’aller 148 au-delà. » . En invoquant la protection des demandeurs d'asile, elle essaie de limiter les relations établies entre les résidents du foyer et d'autres habitants. Les intervenants sociaux s'inscrivent dans une démarche quelque peu différente face à cette posture institutionnelle. En accompagnant au quotidien les demandeurs d'asile, ils perçoivent l'intérêt d'une rencontre entre les habitants et les résidents du CADA afin d'alléger les souffrances liées à l'attente dans la procédure. Forum Réfugiés a eu des difficultés pour adopter un discours cohérent et intelligible pour ses partenaires quand à leur politique face à cette attente. Comme le reconnaît la 149 directrice : « on a eu du mal à se positionner, on faisait mais pas trop » . Aujourd'hui, l'équipe s'implique petit à petit pour que les demandeurs d'asile vivent vraiment dans le 147 Entretien avec la directrice du CADA de Fontaines St Martin, géré par Adoma. Entretien n° 3, p 38 148 149 Ibid, p 45 Entretien avec la directrice du CADA de Vaulx en Velin, géré par Forum Réfugiés. Entretien n°21, p 172 FLAMANT Anouk _2008 63 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires territoire, même peu de temps, ce qui permet aux demandeurs d'asile de surmonter les souffrances de l'exil. 1.1.2. Les contradictions de la vie de demandeurs d'asile : les gestionnaires face à cette réalité Le discours circonscrit à l'accompagnement pendant la procédure est contredit par les nouvelles dispositions du dispositif national d'accueil (DNA). Celui-ci s'articule en premier lieu autour de l'hébergement en CADA pour les demandeurs d'asile. Cette volonté d'accroître le nombre de places en CADA revêt une double-dimension: Elle permet de mieux accueillir les demandeurs d'asile et de les accompagner au quotidien dans un lieu où l'intimité et l'autonomie sont possibles. Elle facilite le contrôle des autorités publiques. Pour chaque demandeur d'asile, les services préfectoraux sont en mesure de connaître le stade de la procédure. En cas de maintien au CADA de personnes déboutées, une éventuelle arrestation serait plus facile que pour les personnes logées à l'hôtel. L'accueil en CADA d'une population plus importante a aussi permis aux intervenants sociaux de comprendre les souffrances liées à l'attente et à cette vie entre « parenthèse ». Le DNA a aussi rendu obligatoire le suivi par les demandeurs d'asile de cours de français, proposés au CADA ou dans d'autres structures. Or, maîtriser une langue même imparfaitement facilite l'établissement de relations sociales avec le territoire d'accueil. La réalité des souffrances liées à l'attente ainsi que les nouveaux dispositifs politiques d'accueil obligent les travailleurs sociaux à repenser leur accompagnement. Une idée nouvelle émerge dans nos deux territoires : en dépit de la précarité de leur situation, participer à des activités est bénéfique pour les demandeurs d'asile. 1.2. De l'intérêt d'accompagner l'attente dans la procédure : un facteur d'intégration Les demandeurs d'asile ont fait preuve de courage et détermination pour fuir leur pays, 150 ils ont préféré la « mort à leur vie au pays » . En arrivant en France forts de leur volonté, mais aussi épuisés et traumatisés, les demandeurs d'asile se retrouvent dans une situation de dépendance. Leur intégration territoriale est limitée à la fréquentation de l'école pour ceux ayant des enfants, puisqu'ils sont dans l'interdiction de travailler suite à la circulaire du 26 septembre 1991. Cette période d'ennui contraint est insupportable à vivre, comme le souligne une proche d'une famille ayant vécu au CADA: « pour eux c'était 151 insupportable parce qu'ils servaient à rien » . Cet ennui est un élément important sur lequel les gestionnaires essaient de travailler, souvent en collaboration avec d'autres acteurs du territoire. 1.2.1. L'interdiction de travailler: les souffrances de l'ennui 150 VORAVONG Chansom, Président du FORIM (Forum des Immigrés regroupant des associations d'immigrés en Europe), réfugié en France, Deuxième États généraux de l'Europe , Atelier débat « Euorpe et migration : l'Europe au défi » , intervention le 21 juin 2007 de 16 h 45 à 17 h, 151 64 Entretien avec une parent d'élève et sa fille mobilisées pour une famille rwandaise en 2007. Entretien n°7, p 86 FLAMANT Anouk _2008 Partie trois: Face aux demandeurs d'asile, les acteurs territoriaux façonnent de nouvelles politiques L'interdiction de travailler pèse sur les demandeurs d'asile et notamment pour les hommes. En ne faisant plus vivre leur famille mais en bénéficiant d'une aide étatique, ils ont du mal à légitimer leur place de chef de famille. Certaines femmes sont concernées par cette perte de statut social lorsqu'elles occupaient un emploi dans leur pays. Néanmoins, elles conservent leurs positions de mère et de maîtresse de maison, ce qui les aident à gérer cette attente et l'ennui. Elles ont aussi plus de facilités à rencontrer les habitants du territoire, en allant simplement chercher leurs enfants à l'école. Certains hommes travaillent illégalement, ce qui est reconnu à mi-mot par les intervenants sociaux comme une aide précieuse pour certaines familles. Les rencontres avec les autres habitants via des structures associatives ou des initiatives plus personnelles aident à contrer cet ennui. Elles sont aussi l'occasion d'inclure le CADA au territoire, de le rendre visible auprès des habitants. Ces rencontres sont pour la plupart circonscrites à un temps court. Les projets pérennes sont plus rares, comme le projet jardins au CADA de Vaulx en Velin. 152 Ce projet repose sur la mise à disposition pour les demandeurs d'asile d'une parcelle de jardin collectif à cultiver. Cette parcelle est l'occasion pour les hommes d'occuper certaines de leurs longues journées et de s'impliquer à nouveau dans un projet. La terre, symbole d'appartenance et d'origine, permet aux demandeurs d'asile d'investir ce nouveau territoire. Les parcelles sont situées dans un autre quartier de la commune, les demandeurs d'asile rencontrent d'autres habitants de ce quartier dans le jardin et échangent avec eux. Ce projet leur permet de retrouver une autonomie qui les aide à vivre hors du CADA. Un même projet a échoué à Fontaines St Martin, projet porté par des habitants souhaitant faciliter la gestion de l'attente des demandeurs d'asile. L'absence d'un terrain municipal aux normes a justifié l'abandon du projet, ainsi que la difficulté de trouver un 152 Source : Raport d'activités 2006 de Forum Réfugiés, p 33, disponible sur: http://www.forumrefugies.org/pdf/association/ rapport_activite_2006_fr.pdf FLAMANT Anouk _2008 65 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires responsable du jardin parmi les habitants. Comme le reconnaît un élu, ce projet a surtout échoué suite aux questions qu'il a soulevé : Comment les habitants du village auraient accepté cette mise à disposition d'un terrain municipal pour cette population marginale ? Ce projet n'aurait-il pas été un leurre à l'intégration des demandeurs d'asile dont la présence territoriale est temporaire ? Les difficultés de sortie du CADA n'auraient-elles pas été renforcées par l'investissement de ces personnes ? Ces projets sont aujourd'hui pensé et imaginé par des acteurs locaux qui souhaitent collaborer avec le CADA. 1.2.2. Forum Réfugiés et Adoma: de récentes politiques d'ouverture aux acteurs du territoire. Si les intervenants sociaux admettent l'intérêt de travailler avec les autres acteurs du territoire, les changements se font à petit pas. Adoma persiste à attendre que les acteurs locaux les sollicitent, comme le regrette la directrice de la MJC insistant sur l'énergie nécessaire à déployer. Quand au CADA de Vaulx en Velin, l'équipe s'inscrit dans une démarche dans laquelle les acteurs doivent en théorie trouver toute leur place. La directrice se dit préoccuper de gérer cette attente et de leur offrir des activités puisque : « en attendant ils vivent ici, à Vaulx en Velin, leur vie elle est ici et ils vont pas s'arrêter de vivre. [...] On part du principe et même eux, je pense que c'est comme ça qu'ils le vivent, ça sera toujours un plus, ils capitaliseront, ils se nourrissent 153 aussi de ces liens » Cette nouvelle politique de collaboration met du temps pour se mettre en place. Historiquement, la prise en charge des demandeurs d'asile est pensée de manière globale et pour un grand groupe. Or, cela s'adapte difficilement avec le choix, par exemple du centre social qui se concentre sur l'individu pour influer une dynamique de rencontres sur le territoire : « Nous c'est le lien social avec des individus, l'individu accompagné avec un autre individu qui va créer du lien et faire que le quartier est autre chose qu'une somme d'individus. Eux c'est pas ça, ils sont dans le travail de masse, le partenariat il s'établit moins ... Ils laissent les gens venir, ce qui fonctionne pas 154 toujours » Les gestionnaires sont dans une démarche timide dans laquelle le CADA et ses résidents pourraient échanger avec le territoire. Ces hésitations entre intégration -via des activités pour gérer l'attente- et marginalité sont au coeur de la procédure d'asile. Ni d'ici ni d'ailleurs, les demandeurs d'asile subissent constamment ce phénomène. Section 2. Les demandeurs d'asile : une intégration à mi – mot ? Les demandeurs d'asile ont des liens restreints avec leur territoire d'accueil ; la procédure d'asile est un temps entre parenthèse dans lequel les demandeurs d'asile ne peuvent pas se projeter. Néanmoins, la scolarisation des enfants et la participation spontanée de certains sont moteurs d'échanges avec le territoire. Cette intégration partielle au territoire s'exprime aussi 153 Entretien avec la directrice du CADA de Vaulx en Velin, géré par Forum Réfugiés. Entretien n°21, p 172 154 Entretien avec la responsable du pôle familles au centre social. Entretien n° 28, p 211 66 FLAMANT Anouk _2008 Partie trois: Face aux demandeurs d'asile, les acteurs territoriaux façonnent de nouvelles politiques par les mobilisations en faveur de familles déboutées. Si ces dernières n'existent plus aux yeux de l'administration française, les réseaux d'entraide montrent que le territoire interagit avec ces personnes, ce qui est facteur d'intégration. 2.1. Parcours d'asile : des processus d'intégration à l'oeuvre. L'exil est traumatisant pour les personnes, et l'arrivée dans un nouveau territoire est le temps de la reconstruction. Cette reconstruction est possible au CADA, lieu d'apaisement et de stabilité, et est favorisée par l'investissement au quotidien dans des lieux comme l'école ou des associations. 2.1.1. Les enfants : l' ennui dépassé par la scolarité Les enfants parviennent en partie à surmonter le traumatisme de cette nouvelle vie grâce à l'école. Comme le souligne une étude, si les enfants sont perméables aux angoisses de 155 leurs parents, ils parviennent à « se projeter dans l'avenir » . L'école leur permet de se projeter un tant soit peu et est appréhendée comme le lieu par excellence de réussite de l'intégration. Il devient facile pour les enfants d'« oublier » la précarité de leur situation et d' être un écolier comme les autres. Les départs des autres familles du CADA, voire les expulsions leur rappellent épisodiquement la particularité de leur situation. Les travailleurs sociaux insistent sur ce besoin d'échanger avec les enfants sur leurs propres conditions, et de leur rappeler que leur présence sur le territoire est temporaire. L'école engendre aussi des frustrations et des déceptions pour ces enfants, dont l'accès à de nombreux loisirs et biens est limité. Cette problématique est très présente à Fontaines St Martin où les enfants du CADA fréquentent des enfants dont les parents ont des revenus bien supérieurs aux leurs. Une demandeuse d'asile trouve très difficile de refuser constamment à ces enfants certains achats, alors que tous les autres enfants y ont 156 facilement accès . Les enseignants se félicitent de cette obligation de scolarité, perçue comme essentiel pour l'épanouissement de l'enfant et de la famille. Néanmoins, ils souffrent de voir ces enfants s'investir énormément dans leur scolarité alors que celle-ci ne sera que de courte durée sur le territoire. Ce processus d'intégration véhiculé par l'école est indépendant de la volonté des familles. En revanche, certains adultes s'investissent personnellement dans certains projets associatifs pour lutter contre cette vie d'ennui et de stress. 2.1.2. Les demandeurs d'asile : acteurs d'une vie sociale. Les premiers demandeurs d'asile à investir ou tout du moins à échanger avec leur territoire sont ceux ayant un travail illégal. Ils échangent avec leurs collègues de travail, ce qui facilitent leur intégration. Cette tendance à la pratique d'une activité illégale semble s'être accentuée ces dernières années. De plus en plus d'intervenants sociaux sont confrontés à des demandeurs d'asile ayant signé des contrats de travail avec des entreprises. Les demandeurs d'asile espèrent qu'en travaillant tout au long de la procédure, leur régularisation sera plus rapidement obtenue si par la suite ils sont déboutés. 155 MORO Marie Rose, BAROU Jacques (dir.), op.cit, p 4 156 Entretien avec une demandeuse d'asile d'origine algérienne, en attente de la réponse de la CNDA. Lieu: sa chambre au CADA de Fontaines St Martin, le 10 mars 2008 de 13 heures à 13h45 : Entretien n° 8. FLAMANT Anouk _2008 67 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires D'autres demandeurs d'asile s'inscrivent dans des activités associatives au sein de leur communauté ou de leur territoire. Ce phénomène est d'autant plus important quand la procédure d'asile se prolonge. Ces activités leur font rencontrer d'autres habitants et leur permet de s'intégrer donnant une visibilité territoriale au CADA. Ainsi, la présence à une activité de gymnastique ou de danse d'un(e) résident(e) du CADA permet aux autres participants de se façonner une nouvelle représentation sociale de cette population en échangeant avec eux. Cette intégration partielle est aussi un élément favorisant les mobilisations en leur faveur en cas de réponse négative de la CNDA. Malgré cet investissement qui permet de supporter cette attente, aucun demandeur d'asile ne peut être assuré de l'obtention du statut. L' État hospitalier devient inhospitaliter du jour au lendemain et il faut alors quitter le territoire ou vivre clandestinement. 2.2. Les demandeurs d'asile déboutés : ambiguïté entre intégration et exclusion Les demandeurs d'asile déboutés peuvent solliciter une aide pour retourner volontairement dans leur pays. Si quelques rares personnes l'acceptent, la majorité d'entre eux se maintient en France ou dans l'Union Européenne. Cette nouvelle vie est difficile : leur exclusion administrative est complète, ils n'existent plus pour l' État et ils sont constamment menacés d'une expulsion. Cependant cette nouvelle marginalité est atténuée lorsqu'ils se maintiennent sur le territoire et qu'ils réussissent à mobiliser des habitants en leur faveur. 2.2.1. Des déboutés se saisissant des réseaux de mobilisation : signes d'intégration territoriale. L'expulsion de la famille Fihra du CADA St martinois a fait prendre conscience aux autres familles déboutées du danger existant. Elles ont souhaité se maintenir sur le territoire, grâce à l'aide de personnes mobilisées qui les ont hébergées ou aidées à trouver un logement. Une famille, aujourd'hui encore « clandestine », insiste sur la volonté de rester sur ce territoire. Elle souligne la qualité de vie offerte par le Val de Saône, et le soutien dont elle bénéficie de la part d'habitants. Ce maintien est fondamental pour les enfants, qui ont souffert du départ 157 du foyer, seule « maison » dont les plus jeunes se souviennent. . Ainsi, l'attachement au territoire est pré-existant à la sortie du CADA, mais s'est confirmé dans la clandestinité. De la même manière, les comités de soutien vaudais ont cherché à loger les familles sorties du CADA dans le quartier ou la commune, afin de maintenir les enfants dans la même école et de les soutenir plus facilement au quotidien. Un lien se crée entre le territoire et les familles, et celles-ci ont conscience qu'elles peuvent se saisir du réseau social qu'elles ont tissé pour parvenir à vivre en France en attendant que leur situation administrative soit réexaminée. Cette capacité à mobiliser est l'apanage des familles, les adultes en couple ou isolés émeuvent moins les habitants. Ces derniers quittent souvent ce premier territoire pour rejoindre le centre-ville. 2.2.2. La persistance d'une intégration en filigrane : le paradoxe de la clandestinité L'hospitalité institutionnelle disparaît à la fin de la procédure d'asile, et seuls des organismes caritatifs sont présents pour aider les déboutés. Ces aides leur permettent de vivre, tandis 157 Entretien avec une dame déboutée, sans papiers depuis plus d'un an et demi ayant résidé au CADA. Lieu: son domicile le 3 avril de 15 heures à 16 h 30 : Entretien n° 16. 68 FLAMANT Anouk _2008 Partie trois: Face aux demandeurs d'asile, les acteurs territoriaux façonnent de nouvelles politiques que l'intégration à la société française se poursuit avec la scolarisation des enfants et la possibilité de pratiquer des activités à la MJC ou au centre social. Quelques associations comme l' ALPIL sont aussi relais pour offrir un logement. L'hospitalité n'est plus l'affaire des pouvoirs publics mais d'associations ou d'habitants, elle repose sur des relations interpersonnelles. Les demandeurs d'asile sont exclus administrativement de la société française mais paradoxalement s'intègrent plus à ce territoire. Alors que leur vie au CADA a été marquée par un certain repli sur le foyer, ils sont obligés de saisir de toutes les ressources du territoire pour être soutenus et vivre. Les familles tissent des liens plus forts avec les habitants mobilisés, et elles sont connues des autres habitants via les comités de soutien. De la même manière, dans l'obligation de travailler illégalement pour survivre, les familles échangent avec de nouvelles personnes. Néanmoins, cette « intégration » ne doit pas cacher les difficultés et les souffrances liées à la clandestinité. Ce sont ces souffrances qui conduisent certains intervenants sociaux à regretter le soutien pour certains déboutés, les difficultés du maintien ici leur semblent plus grandes que celles liées à un retour dans leur pays. Les demandeurs d'asile sont une population singulière, des « outsiders » du territoire, situation à laquelle les habitants et institutionnels ont du mal à répondre. Le politique a lui aussi des difficultés à accompagner cette population. Même si elle habite dans ce territoire, la durée de sa présence due à sa situation administrative rend difficile sa prise en considération. Les représentations sociales des autres habitants sont à concilier avec une politique locale d'intégration. Chapitre 6 : Les élus locaux : une constante adaptation requise face au droit d'asile et ses bénéficiaires Les territoires vaudais et St martinois sont confrontés à une population marginale ayant des impacts pour la vie politique locale. Le temps de l'asile est un temps incertain et sans possibilité d'emprise de la part des élus locaux, tandis que l'action publique est elle-même 158 contrainte par le temps notamment dans les périodes post ou pré-électorales . Dans ces moments forts du mandat politique, les élus essaient de capter un large électorat et sont 159 tentés de « maintenir à l'extérieur » de leur agenda les problématiques les plus épineuses. Ainsi, la présence d'un CADA sur leur territoire fait partie de ces thèmes peu porteurs voire conflictuels comme le souligne plusieurs enquêtés. Cet mise à l'écart de cette population est facilitée par leur non-participation aux élections municipales. Toutefois, les élus locaux se sont investis auprès de cette population, dont les caractéristiques évoluent rapidement (Section 1). 158 MARREL Guillaume, PAYRE Renaud, « Introduction. Les temporalités du politique », Pôle Sud. Revue de Science Politique de l'Europe méridionale, n° 25,2ème semestre 2006,, p 6. 159 MAILLARD de Jacques, « Politiques Publiques et le défi du temps de l'électorat : quelques hypothèses exploratoires » , Pôle Sud. Revue de Science Politique de l'Europe méridionale, op.cit.,p 47. FLAMANT Anouk _2008 69 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires La coordination à l'échelon locale des initiatives auprès du CADA et de ses résidents paraît être une réponse intéressante pour que le territoire développe des relations avec ces derniers. Cette esquisse de « gouvernance locale » permet de cordonner le temps de l'asile avec le territoire. Mais cette gouvernance esquissée est aussi tributaire des changements nationaux du droit d'asile, obligeant les acteurs locaux à repenser leurs relations et leur hospitalité (Section 2). Section 1. Le temps de l'asile et le temps du politique: une impossible entente ? L'action publique est conduite pour satisfaire un électorat potentiel assurant la réélection de l'équipe en place ou de ses « alliés ». Dans ce processus de reproduction et de sécurisation des élus locaux, les demandeurs d'asile sont peu considérés. Le politique préfère adopter un engagement limité auprès de cette population marginale, afin de ne pas effrayer son électorat. Cela ne l'empêche pas de se saisir de cette problématique de manière discrète. 1.1. Les peurs d'un électorat opposé aux demandeurs d'asile : les raisons d'une attitude réservée du politique Certains habitants sont opposés à la présence des demandeurs d'asile tandis que d'autres ont peur qu'une prise en charge municipale « attire » une nouvelle population marginale sur le territoire. Ces électeurs potentiels sont pris en considération par les élus locaux. Un soutien politique trop conséquent des demandeurs d'asile a des gains limités en terme d'électorat, voire fait craindre un rejet d'une partie des votants. 1.1.1. L'électorat : une préoccupation constante des élus locaux. Une attitude discrète en faveur des demandeurs d'asile domine à la municipalité de Fontaines St Martin. Ces initiatives sont « très discrètes, se font par le biais d'association, 160 sont pas très connues » . C'est notamment le cas de la distribution alimentaire de l' ASVS et du soutien du maire en faveur de la famille Fihra auprès des autorités compétentes. L'objectif est de laisser la commune loin du tourbillon médiatique, supposé peu apprécié des habitants. Ainsi, les deux principales listes aux élections municipales 2008 n'ont pas évoquer le CADA ni dans leur bulletin de campagne ni dans leurs réunions publiques. Pour l'ancienne élue aux affaires sociales, cette discrétion de l'aide municipale en faveur des résidents du CADA est garante du respect de leur vie privée. Elle apparaît être surtout la solution municipale préconisée pour limiter les conflits avec les autres habitants. Les élus se veulent attentifs aux résidents du CADA et conscients de leurs difficultés, sans pour autant faire peur à leur électorat. A Vaulx en Velin, la municipalité cultive son image de ville accueillante et métissée. Depuis quelques années, elle essaie aussi d'être un territoire communal attractif pour une nouvelle population plus aisée. Cela passe par des aménagements urbains de grande ampleur et la construction de logements neufs, notamment au Village. La « médiatisation » de la présence d'un CADA paraît mal venue, pouvant porter préjudice à l'installation de cette nouvelle population. Une enquêtée assure, qu'avant les municipales, lorsqu'elle a rencontré le maire lors une visite de quartier, celui-ci ne savait pas « que c'était des réfugiés 160 Entretien avec la directrice de la MJC et une membre du Conseil d'administration, mobilisée en tant que parent d'élève pour des familles déboutées. Entretien n° 12, p 121 70 FLAMANT Anouk _2008 Partie trois: Face aux demandeurs d'asile, les acteurs territoriaux façonnent de nouvelles politiques 161 ici » . Si cela est improbable comme le souligne d'ailleurs une autre enquêtée lors de cette entretien, il est fort possible qu'en période pré – électorale l'équipe municipale soit très discrète face à cette question. Dans cette optique de « peuplement » du territoire communal, la municipalité plaide pour le relogement des réfugiés dans d'autres communes de l'agglomération. Cette politique induit logiquement une volonté d'intégration a minima pour limiter l'envie des réfugiés de se maintenir à Vaulx en Velin. Les municipalités essaient d'opérer discrètement en faveur des demandeurs d'asile, conscients d'un rejet potentiel de l'électorat. Même si tous les citoyens ne rejettent pas cet investissement, les bénéfices d'un engagement politique à leurs côtés sont minces. 1.1.2. Un engagement politique aux faibles bénéfices électoraux. L'engagement politique des élus auprès des demandeurs d'asile requière tout d'abord une adaptation en continue de l'action publique. La politique d'hospitalité du territoire ne peut être figée, elle demande au contraire une constante évolution. La population accueillie au CADA varie en fonction des conflits mondiaux et des possibilités d'entrée sur le territoire français. Si cette adaptabilité peut être penser par les politiques, c'est un atout bien mince en terme de bilans politiques. Les préoccupations des habitants lors des élections municipales sont plus souvent centrées sur l'aménagement du territoire, voir de leur rue. Ceci est relevé avec humour par l'ancienne élue aux affaires sociales « honnêtement la plupart des gens de la commune, sont plus intéressés [lors des municipales] par le trottoir devant chez eux 162 et l'arbre qui perd ces feuilles dans la piscine » . L'énergie dépensée pour intégrer le CADA au territoire de manière active est alors perçue comme du temps perdu face aux attentes et aux préoccupations principales de l'électorat. Seule une centaine de personnes se sont émues et ont apporté un peu de leur temps, de leur argent pour soutenir les familles déboutées. La grande majorité de la population a rapidement cessé d'y penser et s'est attachée à choisir un maire répondant à ses revendications. Un bilan politique très explicitement en faveur de cette population peut même être perçu comme une attitude irresponsable et menaçante pour le territoire. Une nouvelle composition territoriale, suite à une intégration renforcée des demandeurs d'asile, devient une menace pour la vie sociale et politique de leur commune. L' association AFFD subit ce type de reproches aujourd'hui, qui pourraient se transformer en vote sanction pour une équipe municipale trop impliquée à leurs côtés. Les élus locaux ont tout intérêt à limiter leurs relations avec les CADA et leurs résidents ou tout du moins à agir avec discrétion pour rassurer leur électorat. Cette attitude est adoptée même si les récentes mobilisations ont nécessité des réponses des politiques. 1.2. Les demandeurs d'asile : une population précaire et changeante. Les élus locaux ont pris le parti d'agir pour que cette population précaire vive sereinement la procédure d'asile. Il s'agit de développer une collaboration plus étroite avec les gestionnaires des CADA et leurs résidents, pour adapter le traitement politique d'une population précaire. 1.2.1. Considérer ces habitants non électeurs : le pari du politique. 161 162 Entretien avec des voisins du CADA en conflit avec les demandeurs d'asile et la direction. Entretien n°25, p 194 Entretien avec l'élue aux affaires sociales de la municipalité 2000 – 2008, ancienne intervenante sociale au CADA. Entretien n°14, p 136. FLAMANT Anouk _2008 71 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Les mobilisations pour les familles Nasahovic, Fihra etc ont donné une visibilité territoriale aux CADA. Les élus locaux n'ont pas été en reste face à ces mobilisations. Certains se sont investis auprès des familles en devenant leurs parrains républicains. L'action municipale a trouvé un sens, en accompagnant ouvertement ou discrètement ces mouvements. Les élus ont conscience qu'il est difficile de laisser cette population précaire en dehors de la vie sociale et politique. Leur implication discrète donne son sens à une hospitalité, certes limitée, afin de se prémunir de « rejets » de leur électorat. Cette hospitalité institutionnelle permet de prendre sous son aile ces protégés tout en les « séparant de la société 163 environnante » . Les demandeurs d'asile sont des habitants inégaux ; le respect d'une 164 « infériorité de droit et de position » conduit les élus locaux à accepter leur prise en charge. Cette préoccupation pour les demandeurs d'asile est conditionnée également par les caractéristiques socio–culturelles de ceux-ci. Il est plus facile de tisser des liens avec des familles, de part leurs fréquentations aux écoles etc et grâce aux représentations sociales favorables dont elles sont souvent l'objet. L'évolution récente de la population demandeuse d'asile requière un renouvellement de leur prise en considération politique ; le regard des acteurs locaux sur des demandeurs d'asile sans enfants ou isolés est différent au même titre que leurs attentes. 1.2.2. La population demandeuse d'asile : fonction des conflits et des politiques migratoires européennes En six ans, soit le temps d'un mandat municipal, la population accueillie en CADA change immanquablement. On peut estimer à plus de 700 le nombre de personnes qui se sont succédées dans chaque CADA. La nationalité de la majorité des résidents des CADA est encore issue des Balkans et du Caucase. Un lent mouvement de décroissance s'est engagé depuis 2004, suite à l'inscription 165 à la catégorie « pays d'origine sûre » de la Bosnie Herzégovine et de l'Albanie (par décision du Conseil d' État du 13 février 2008, l'inscription de l'Albanie a été annulée). Les ressortissants de ces pays depuis 2006 ne bénéficient plus d'un hébergement en CADA et font l'objet d'une procédure prioritaire. Parmi, les demandeurs d'asile africains, les angolais, les rwandais et les congolais de Kinsasha sont les plus représentés aux CADA. Ces évolutions de la population demandeuse d'asile entraînent de nouvelles problématiques pour les gestionnaires des CADA, comme pour les élus locaux. Les souffrances liées à l'exil sont comparables, mais les traumatismes vécus dans les pays sont différents dans leur nature et dans leur ressenti. Surtout de nouvelles questions se posent en terme d'intégration, les représentations des Africains diffèrent de celles des Kosovars, des Caucasiens etc. La présence d'une communauté de même origine à proximité du territoire est aussi un facteur à prendre en compte dans l'établissement d'activités pour cette population. L'ennui de certains demandeurs d'asile est renforcé par l'absence de compatriotes en France. La fermeture des frontières de l' Union Européenne permet peu le passage de familles, et de plus en plus d'adultes en famille (parents, grand-parents, enfants majeurs) ou seuls arrivent. Si la structure favorisant l'entrée de familles limite ce phénomène à Fontaines 163 164 GOTMAN Anne, Les municipalités et leurs étrangers, op.cit, p 7 Ibid, p 5 165 Sont déclarés comme tels ceux qui veillent au respect de la liberté, de la démocratie et de l' État de droit, 17 pays sont inscrits en France. 72 FLAMANT Anouk _2008 Partie trois: Face aux demandeurs d'asile, les acteurs territoriaux façonnent de nouvelles politiques St Martin et à Vaulx en Velin, l'augmentation de cette population nécessite de nouvelles réponses politiques. Ces demandeurs d'asile ne fréquentent pas l'école, lieu d'intégration, en conséquence les interactions avec le territoire diminuent. Le CADA, à terme, va devenir un lieu encore plus en marge du territoire, avec des mobilisations des habitants sûrement plus restreintes. Les activités à offrir aux isolés sont à repenser notamment pour limiter le nombre de personnes occupant un travail illégal. Entrées dans les CADA de Forum Réfugiés Pays d'origine (en %) Albanie Arménie Angola Bosnie - Herzégovine Congo RDC Rwanda Serbie Monténégro Répartition adultes/enfants 2003 9,8 16,2 4,1 6,4 9,0 1,5 7,9 51,6 / 48,5 166 2004 4,6 8,8 18,3 12,2 9,9 4,2 14,5 52,1 / 48,4 2005 3,0 2,0 5,2 29,8 4,7 7,1 28,8 47,8 / 52,2 2006 0 3,7 14 16,1 7,1 3,1 27,0 57,3 / 42,7 Les élus locaux sont confrontés à une population bien particulière dont le temps diffère de celui de leurs citoyens et de leur propre temps. Population précaire et temporaire, le politique peine à formuler un projet politique à long terme pour intégrer les demandeurs d'asile. Ces derniers peuvent peser comme une contrainte supplémentaire sur l'agenda politique, ce qui favorise leur mise à l'écart dans les périodes électorales. La dynamique de la discrétion l'a emporté sur nos deux territoires, néanmoins il est intéressant de souligner que les prémices d'une « gouvernance locale » se dessine. Celleci est capitale pour définir le sens de l'hospitalité pour les territoires et faire face aux changements du droit d'asile en France. Section 2. L'hospitalité des territoires : collaboration des acteurs locaux tributaire des évolutions nationales de l'asile La mobilisation collective des demandeurs d'asile dans un territoire est improbable, au vue de leur situation administrative et du risque qu'ils courent pour leur statut. Néanmoins, l'augmentation des mobilisations des habitants pour des familles et la volonté de certains d'entre eux de s'organiser de manière pérenne, montrent que des interactions existent entre le CADA et le reste du territoire. La réponse à cette intégration/exclusion tient dans l'organisation à l'échelon local d'une collaboration ou d'échanges sur les rôles de chacun et leurs limites dans l'engagement auprès de cette population. Cette logique, peu développée ces dernières années, s'amorce petit à petit. Cette «gouvernance locale » est à penser avec les nouvelles législations en vigueur, et permet de définir le sens de l'hospitalité et de l'accueil de ces deux territoires. 2.1. Gouverner ensemble pour l'hospitalité : établir des liens entre acteurs locaux 166 Rapport d'activité 2006 de l'association Forum Réfugiés, Tableaux 2..3.1 « Les entrées » et 2.3.2. « les profils des bénéficiaires », p 22 – 23 FLAMANT Anouk _2008 73 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Les politiques publiques sont marquées depuis une vingtaine d'années par une logique de « reterritorialisation » ; les acteurs locaux sont désignés comme les plus compétents et les plus aptes à conduire l'action publique à l'échelle locale. Les attentes des habitants sont supposées être mieux comprises à cet échelon. Dans ce cadre, une articulation entre les acteurs investis auprès du CADA est une réponse aux besoins des demandeurs d'asile et aux attentes des autres habitants. 2.1.1. Les acteurs locaux : une logique de collaboration peu développée Nos deux municipalités oeuvrent chacune à leur manière pour les demandeurs d'asile, ce travail est indissociable d'une collaboration avec les équipes d' Adoma ou de Forum Réfugiés. Cette collaboration a reposé sur des échanges réguliers lors des mobilisations pour des familles déboutées. Ceci a permis aux élus locaux de mesurer tous les enjeux 167 pour ces familles, de ne pas « tomber dans la sensiblerie » et de s'attarder sur les seules solutions possibles. Cette écoute n'a pas été relayée par une autre série d'échanges à propos de l'intégration de cette population. Cette opportunité d'interactions peut être saisie par Forum Réfugiés et Adoma pour collaborer sur une offre nouvelle d'activités et un projet politique pour cette population précaire. Ceci est souhaité par de nombreux acteurs locaux et habitants voulant intégrer le CADA au territoire. La visibilité du CADA peut être évidemment renforcée par une telle démarche, mais cette dernière participe aussi à des changements dans les représentations sociales des habitants opposés de prime abord à ces projets. En connaissant les demandeurs d'asile au travers d'activités partagées, les habitants peuvent évoluer vers des discours moins stigmatisants. Cette collaboration est aussi l'occasion pour que chacun clarifie son rôle auprès des demandeurs d'asile, et comprenne les limites d'engagement des autres acteurs. 2.1.2. La collaboration : un élément de plus pour bien vivre la procédure d'asile Développer une logique de collaboration, autour d'un projet de « gouvernance locale » participe à un accueil de qualité pour les demandeurs d'asile. Ces derniers ont accès aux ressources du territoire en étant informés des rôles et des missions de chacun. Il ne s'agit pas de les projeter dans leur société d'accueil de façon définitive, mais d'insister sur les possibilités temporaires du territoire pendant la procédure. Parallèlement à ce mouvement d'intégration au territoire, la collaboration des acteurs locaux facilite un discours cohérent face aux demandeurs d'asile. Il s'agit d'avoir un discours en accord avec la réalité du statut administratif des demandeurs d'asile et de reconnaître leur temps si différent de celui-ci des autres acteurs locaux. C'est d'ailleurs ce sur quoi insiste la directrice de la MJC à Fontaines St Martin « ça ne nous empêche pas de tenter des 168 formules de rencontres, ça peut ne pas marcher effectivement mais les tenter au moins » . Cette « gouvernance locale » est une solution pour limiter les accrochages entre les partisans de mobilisations pour les familles déboutées et les acteurs « légalistes ». En ayant connaissance des rôles de chacun, les acteurs mobilisés sauront vers qui se tourner, limitant 167 Entretien avec la directrice du CADA, géré par Adoma. Entretien n° 3, p 37 168 Entretien avec la directrice de la MJC et une membre du Conseil d'administration, mobilisée en tant que parent d'élève pour des familles déboutées. Entretien n° 12, p 122 74 FLAMANT Anouk _2008 Partie trois: Face aux demandeurs d'asile, les acteurs territoriaux façonnent de nouvelles politiques les rancoeurs contre d'autres acteurs, comme c'est encore aujourd'hui le cas entre certains mobilisés auprès de la famille Fihra et la direction du CADA. Établir une « gouvernance locale » souligne que les interactions spontanées entre le CADA et le reste du territoire sont rares. Les représentations sociales des uns et des autres rendent ces rencontres difficiles. Il est aussi déterminant d'adapter le projet politique aux évolutions du droit d'asile. 2.2. Repenser l'hospitalité sous de nouvelles législations La nouvelle législation a pour but d'accélérer les procédures diminuant le temps de l'asile, et en conséquence la gestion de l'attente par les gestionnaires de CADA et les autres acteurs locaux. Cela devrait limiter leur intégration et rendre moins difficile le possible retour au pays. Une procédure plus rapide est aussi une façon de lutter pas à pas contre les comités de soutien, puisque ces derniers ont tendance à soutenir des familles bien établies sur le territoire, et donc en capacité de mobiliser un réseau social. Ces nouvelles orientations politiques affectent les dispositions politiques des acteurs vaudais et St martinois. Elles questionnent également le sens de l'hospitalité territoriale aujourd'hui. 2.2.1. Accélération de la procédure d'asile: moins d'ennui, plus d'exclusion Les récentes orientations politiques des gouvernements ont été dénoncées par des associations des défenseurs du droit d'asile, comme inscrites dans une « perspective de 169 contrôle davantage que de protection » . Le temps de la procédure raccourci (aujourd'hui de l'ordre de dix-huit mois, en théorie elle peut être de neuf mois) oblige les demandeurs d'asile à se concentrer en priorité sur les démarches administratives. Ils sont alors plus occupés, s'ennuient moins et ont peu de temps pour d'autres activités. Ces dispositions sont critiquées par les associations dont Forum Réfugiés qui ont peur d'une perte de qualité des dossiers en réduisant le temps d'élaboration. En outre, cette attente écourtée pénalise un accompagnement social et psychologique de qualité face aux souffrances héritées du pays d'origine et de l'exil. Face à ce temps raccourci, les acteurs locaux désirant s'impliquer au plus près de cette population doivent prendre la mesure de ce changement. L'offre d'activités doit être repensée ainsi que les liens avec Forum Réfugiés, Adoma et les municipalités. Les premiers a avoir perçu ce changement du temps de l'asile sont les écoles. Comme une directrice d'école l'affirme « on a bien moins d'enfants du CADA, on en avait 20 170 avant on est à 8 enfants » , ceci modifie les liens de l'école entretenus avec les CADA. Les rencontres sont plus restreintes et les problématiques en terme d'intégration dans les classes se posent dans des termes différents. Cela influence aussi la façon dont les enseignants travaillent avec les enfants et les familles de demandeurs d'asile. Sûrs d'offrir une scolarité de qualité, les enseignants affirment être assez désemparés face à des enfants très investis dont la présence peut être que de quelques mois. S'adapter à cette nouvelle population est difficile pour ces enseignants qui soulignent la violence d'une descolarisation pour les enfants en cas de refus du statut de réfugié. 169 Cimade,« Main basse sur l'asile. L'asile (mal)traité par les Préfets »,op.cit. 170 Entretien avec une directrice d'école maternelle. Entretien n°23, p 183 . FLAMANT Anouk _2008 75 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Les associations souhaitant s'investir auprès des demandeurs d'asile pour les intégrer au territoire doivent mesurer ce changement de temps. Les activités ne peuvent pas requérir une implication à long terme et en continu des demandeurs d'asile. Une autre forme d'investissement auprès de cette population précaire est à repenser, en travaillant par exemple des activités ponctuelles autour d'un échange. Cela est fait par exemple au centre social vaudais autour de la préparation d'un repas dans lequel demandeurs d'asile et adhérents se rencontrent. Leur présence territoriale est à penser comme une opportunité pour modeler le territoire à travers de nouveaux liens sociaux, qui peuvent se défaire d'un jour à l'autre. L'hospitalité offerte par les habitants est alors à repenser. 2.2.2. Quel est le sens de l'hospitalité aujourd'hui ? L'hospitalité est un devoir de l' État français dans lequel il s'engage selon les périodes et les conjonctures économiques de façon particulière. Ainsi, l'hospitalité territoriale même si elle repose sur des initiatives locales est étroitement liée à celle accordée par l' État central. Les territoires de Fontaines St Martin et de Vaulx en Velin accueillent les demandeurs d'asile en fonction de leur histoire, du lieu du foyer, en étant tributaire des politiques publiques nationales à ce sujet. Les élus vaudais tentent de se soustraire à ces orientations politiques contemporaines. Toutefois, face à leur impuissance dans la procédure d'asile, ces derniers se concentrent surtout pour protéger et travailler avec d'autres populations encore plus marginales et exclues du territoire comme les sans-papiers. L'intégration au territoire du CADA et de ses résidents est une préoccupation secondaire. A Fontaines St Martin, les élus de centre-droit s'inscrivent dans une démarche d'accueil légaliste. L'implication pour les déboutés est très limitée, le respect de la légalité domine dans les discours et la peur d'attirer une population « déviante » est présente. Comme l'affirme un élu : « je suis pour aller au maximum de, mais après à un moment donné, faisons que cela passe bien ici. Après ça va être le phénomène 171 inverse tout le monde va se battre pour venir ici» . La mobilisation en faveur des familles est acceptée, en revanche l'hospitalité doit se circonscrire aux personnes accueillies au CADA. Le territoire ne doit pas devenir un lieu d'accueil pour tous. Source: Rapport d'observation de la Cimade, « Main basse sur l'asile. Le droit d'asile(mal)traité par les préfets », Juin 2007, page de garde. 171 76 Entretien avec la présidente, la trésorière et une membre l' ASVS, et un élu à la municipalité. Entretien n°4, p 53 FLAMANT Anouk _2008 Partie trois: Face aux demandeurs d'asile, les acteurs territoriaux façonnent de nouvelles politiques Les territoires vaudais et St martinois acceptent que les demandeurs d'asile soient hors des lieux et hors du temps de la vie sociale. Sans pouvoir investir même temporairement des espaces de vie sociale, les demandeurs d'asile sont confrontés à « un quotidien 172 violent et déstabilisant » qui fait de leur inscription territoriale, une inscription originale et particulière. La responsabilité des élus locaux est d'autant plus importantes sur ces questionnements, que sans être compétents dans la procédure d'asile, ce sont eux les plus aptes à entretenir des relations constructives et de qualité avec les résidents des CADA, leurs gestionnaires et les autres acteurs locaux. Chaque territoire, vaudais ou St martinois, doit trouver des réponses issues d'un choix politique pour être des territoires hospitaliers. Un élément pour aller au delà de l'opposition entre demandeurs d'asile, population précaire et marginale, et les habitants. 172 BALIGNAND Pascale, op.cit, p 194 FLAMANT Anouk _2008 77 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Conclusion Notre étude a permis de nous concentrer sur les interactions entre les demandeurs d'asile hébergés en CADA et leurs territoires. Nos hypothèses de départ se sont confirmées en partie : le territoire est facteur de rencontres entre demandeurs d'asile et acteurs locaux même si elles sont limitées. La marginalité sociale et politique des demandeurs d'asile est contrebalancée constamment par cette intégration à mi-mot. Les particularismes de la demande d'asile posent avec acuité la question de la prise en considération du politique, au sens large, d'une population précaire et marginale. Tributaire de ses partenaires et des textes législatifs, les élus locaux s'interrogent perpétuellement sur la stratégie à conduire face au CADA et ses résidents. Exclure complètement cette population est peu réaliste mais leur intégration irréfléchie peut alimenter des départs plus houleux. A l'inverse, d'autres habitants refusent cette intégration et cette présence territoriale et sont aussi capables de se mobiliser. Les territoires vaudais et St martinois ont répondu chacun à leur manière à cette problématique. La présence d'un AUDA à Fontaines St Martin a encouragé une prise en charge des habitants et de la municipalité importante dès son implantation. La transformation en CADA n'a pas affecté la collaboration entre la municipalité et Adoma, la politique discrète en faveur des demandeurs d'asile domine toujours. A Vaulx en Velin, l'indépendance du CADA face au politique est plus marquée, Forum Réfugiés peut seul fournir certaines clés pour gérer l'attente et accompagner les demandeurs d'asile. Cette intégration limitée des demandeurs d'asile est issue de la « gouvernance locale » à leur égard et à leur mode d'administration étatique. L' État a pris la décision d'augmenter les places en CADA, afin de proposer un accueil plus égalitaire. Cet accueil rencontre ses propres limites et notamment participe à cette oscillation constante entre intégration et exclusion. Le logement en CADA souligne aussi la continuité des politiques publiques de logement pour les étrangers. Le contrôle des étrangers est toujours au coeur de l'accueil, et il s'est même renforcé ces dernières années. La quasi-totalité des pays européens s'inscrivent dans cette perspective de contrôle et de repli sur sa société. La peur des conséquences d'une immigration massive pour notre niveau de vie conduit l' Union Européenne à se barricader derrière un « nouveau mur », sans distinguer toujours migrations économiques et asile. Dès le Traité d' Amsterdam, l'immigration et le droit d'asile sont regroupés dans une même partie du traité rendant moins remarquables les spécificités de l'asile. Les événements du 11 septembre ont renforcé les politiques sécuritaires de l' Union Européenne, présentant trop souvent les immigrés comme des potentiels « terroristes ». Cette politique de fermeture se reflètent dans les objectifs affichés de reconduite à la frontière en France, la création d'un délit d'immigration illégale en Italie, ou l'adoption le 19 juin 2008 de la directive « retour » (dite « de la Honte » par des associations défenseurs du droit des immigrés et de l'asile). Cette attitude de repli, de peur et de criminalisation de l'étranger envahit les discours des citoyens. Dans nos deux territoires, ces représentations discriminantes des demandeurs d'asile sont courantes et montrent que l'asile est parfois assimilée à une porte « facile » pour immigrer en Europe. L'hospitalité des territoires est fonction de ces représentations et de ces discours politiques nationaux. Futurs ou d'ores et déjà 78 FLAMANT Anouk _2008 Conclusion « clandestins », l'intégration des demandeurs d'asile à leur territoire repose sur la vision qu' ont les acteurs locaux de leurs présences. Sans connaître les raisons de leurs fuites, et sans s'interroger sur leur détermination et leur courage pour quitter leurs proches, leur pays, certains habitants se refusent à échanger avec les demandeurs d'asile. Cette stigmatisation durant la procédure se poursuit immanquablement même lorsque que ces derniers sont reconnus réfugiés. Les dynamiques de l'intégration territoriale se posent aussi pour les immigrés dans ces territoires ou d'autres lieux en France. Si être réfugié permet administrativement de rentrer dans le droit commun, les représentations sociales des autres habitants discriminantes se poursuivent. Apporter les clés d'une intégration temporaire pendant la procédure d'asile permet de travailler en amont l'intégration des réfugiés dans leur futur pays et leurs futurs quartiers. Habitants et demandeurs d'asile peuvent alors faire évoluer leurs représentations sociales. Ajoutons que la présence d'un CADA dans un territoire crée du lien social entre les habitants eux-même. Les comités de soutien pour les demandeurs d'asile, ou les conflits pour contester leur présence enrichissent les interactions entre les habitants du territoire. Ces rencontres permettent d'échanger sur leur vision de l'hospitalité, de l'étranger et surtout de la démocratie. FLAMANT Anouk _2008 79 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Sources et Bibliographie Méthodologie: BEAUD Stéphane, WEBER Florence , Guide de l'enquête de terrain , Paris, La Découverte, 2001 BOURDIEU Pierre , La misère du monde , Paris, Seuil, 1993 Sur la demande d'asile et l'immigration, traitement étatique Ouvrages: AGIER Michel, Aux bords du monde, les réfugiés, Paris, Flammarion, 1994 CAMBREZY Luc, Réfugiés et exilés, crise des sociétés, crise des territoires, Paris, Ed. Archives contemporaines, 2001. 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Socio – histoire d'une institution d'Etat: la Sonacotra (1956 - 2006 ) », sous la direction de Michel Offerlé, Université Paris I,thèse de science politique, 2007. SANTAMARIA Magalie, « La mise en oeuvre d'une politique publique par des entrepreneurs de cause. L'exemple de la politique d'asile et d'accueil des réfugiés et l'association Forum Réfugiés », Dir. C. Traini, Mémoire de DEA Science politique comparative, Université Ai x Marseille III, 2002 Éléments de sociologie urbaine et du traitement politique des territoires : Ouvrages: AUTHIER Jean-Yves, BACQUE Marie-Hélène, GUERIN – PACE Françoise, Le quartier, enjeux scientifiques, action politique, et pratiques sociales, Paris, La Découverte, 2006. CEFAI David, TROM Danny (dir.) , aris , EHESS, 2001 Mobilisation dans les arènes publiques FLAMANT Anouk _2008 , P 81 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires COUTANT Isabelle, Politiques du squat. 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Essai sur les fondements sociaux de l'accueil de l'autre, Paris, PUF, 2001 Revues : BENJAMIN Isabelle, « L’accueil des étrangers et demandeurs d’asile, état des lieux dans le mouvement Emmaüs France et les boutiques de solidarité », Recherche sociale, n° 167, juillet – septembre 2003 HENRY Pierre, « France Terre d’Asile, le dispositif national d’accueil » , Echange santé social, n° 91, septembre 1998 LEVY VROELANT Claire, « Le voisin et le politique: forces et faiblesse des espaces d'intersubjectivité », Rhizomes, n° 29, décembre 2007 82 FLAMANT Anouk _2008 Sources et Bibliographie MORO Marie Rose, BAROU Jacques (dir.) , Etude auprès des familles en demande d’asile dans les centres d’accueil, UNICEF / SONACOTRA, synthèse, octobre 2003. TROM Danny, « De la réfutation de l’effet NIMBY considérée comme une pratique militante », Revue Française de science politique, n° 1, février 1999, pp 31 – 50 VALLUY Jérome , « L’accueil étatisé des demandeurs d’asile : de l’enrôlement dans les politiques publiques à l’affaiblissement des mobilisations de soutien aux exilés », Terra Editions, Collection Esquisses, n° 10, 3 avril 2007. Article complet sur : http://ceaf.ehess.fr/document.php?id=338 VIET Vincent (dir. ), « Acteurs locaux et décentralisation. Processus à l’œuvre dans les domaines social et sanitaire » , Revue Française des Affaires Sociales, n°4, octobre décembre 2004. Ressources audiovisuelles : Emission de Daniel Mermet “Là Bas si j'y suis”, Pascale Pascariello, “Eloignement forcé 1 et 2”, jeudi 29 et vendredi 30 novembre 2007, de 15 h à 16 h , France Inter, téléchargeable sur : http://www.la-bas.org/mot.php3?id_mot=185 Forum Réfugiés, Exposition “Dans l'attente...”, Bibliothèque de Jean Macé Lyon ème er 7 , le 1 février 2008 à 17 h. Quelques clichés sont disponibles sur : http:// www.forumrefugies.org/pages/evenements/expo_photos_2007.htm Conférences : Deuxième Etats généraux de l'Europe, “Europe et migration : L'Europe au défi”, 21 juin 2008 de 15 h 45 à 17 h 15, Lyon, Cité Centre de Congrès Lyon Webographie : ADOMA, www.adoma.fr . Site de l'entreprise, historique et politiques actuelles de celle-ci. CNDA, www.commission-refugies.fr. Site de la Cour Nationale du Droit d'Asile. FORUM REFUGIES, www.forumrefugies.org . Site de l'association avec de nombreux rapports et documents relatifs à l'asile et à leur engagement. Google Earth, www.googleearth.com . Cartographie des territoires. Consulté le 17 juin à 16h30 INSEE, Recensement de 1999 et enquêtes annuelles, http://www.insee.fr/fr/bases-dedonnees/default.asp?page=recensements.htm. Données socio- économiques des territoires. OFPRA, www.ofpra.gouv.fr. Site de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides. FLAMANT Anouk _2008 83 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires 84 FLAMANT Anouk _2008 Résumé Résumé Les mobilisations récentes de RESF en France soulignent la préoccupation de certains citoyens sur l'avenir des sans-papiers, dont certains déboutés du droit d'asile. Mais comment les demandeurs d'asile résidant en CADA sont considérés par les habitants et les acteurs institutionnels du territoire ? De quelle manière le CADA est -il intégré et échange avec cet territoire ? Quelles sont les interactions sociales entre demandeurs d'asile et les habitants ? Ne sont-ils pas seulement exclus de la vie sociale et politique ? Fontaines St Martin et Vaulx en Velin sont deux communes de la région lyonnaise qui accueillent un CADA. Fortes de leur histoire, du lieu d'implantation du CADA et de leur gestion par Adoma ou Forum Réfugiés, les demandeurs d'asile sont une population singulière interrogeant les habitants, les acteurs institutionnels et le politique. Exclus au premier regard, les demandeurs d'asile échangent avec leur territoire. Ces échanges sont circonscrits et conditionnés par le temps de l'asile, un temps incertain et précaire. Les élus locaux considèrent cette population, stigmatisée et discriminée par certains habitants. Cet intérêt est partagé par d'autres acteurs territoriaux ce qui permet de lancer les prémices d'une collaboration, d'une «gouvernance locale». Cette dernière est tributaire des évolutions législatives nationales et européennes du droit d'asile. FLAMANT Anouk _2008 85 « Hors des lieux, hors du temps... »Du traitement local des demandeurs d'asile et sociabilités des territoires Damir, Rom du Kosovo “je voudrais une maison et un jardin pour regarder pousser les fleurs”. Exposition Forum Réfugiés, “Dans l'attente...” 86 FLAMANT Anouk _2008 Annexes Annexes A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon FLAMANT Anouk _2008 87